M. Alain Le Vern. Parlez-nous du fond !

M. Philippe Richert, ministre. Aussi, la mise en œuvre effective de cette réforme a en effet nécessité deux ans d’ajustements. (M. Alain Le Vern s’exclame.)

Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, les valeurs pour 2012 seront données dès janvier aux différentes collectivités afin qu’elles puissent élaborer leurs budgets dans de bonnes conditions.

Je reviendrai maintenant sur le débat plus général sur les ressources financières et les ressources fiscales. Je sais très bien, monsieur Favier, que votre bonheur est, comme vous l’avez encore rappelé voilà quelques instants, d’augmenter les taux, et donc les impôts. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Le Vern. C’est vous qui augmentez les impôts pour les plus pauvres !

M. Philippe Richert, ministre. Selon une pratique ancienne dans notre pays, ce qui compte, ce sont les ressources financières de la collectivité, qui doivent être garanties. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

M. Alain Le Vern. Elles ne sont pas garanties ! Vous les baissez. Quel mensonge !

M. Philippe Richert, ministre. La réforme de la taxe professionnelle garantit les ressources financières des collectivités. En termes de ressources transférées par l’État, le niveau global des ressources des collectivités a été respecté. (M. Alain Le Vern s’exclame.) En revanche, en matière de péréquation, les montants initiaux, collectivité par collectivité, ne sont pas exactement respectés. (M. Alain Le Vern s’exclame de nouveau.)

Vous avez rappelé que la Seine-Saint-Denis a été conduite à contribuer au fonds national de péréquation des DMTO. Je rappellerai simplement que, dans le potentiel de DMTO, elle est quatrième sur cent dans le classement des départements de France. Si vous n’acceptez pas qu’une collectivité occupant une telle place contribue à la péréquation, alors cela ne vaut pas la peine de continuer à parler de péréquation ! Il est vrai que le côté gauche de l’hémicycle n’est pas tellement favorable à la péréquation, contrairement au côté droit ! (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Voilà la réalité !

Telles sont les précisions que je souhaitais apporter.

Pour conclure, je rappelle que le Gouvernement a été au rendez-vous afin que les ressources des collectivités territoriales soient respectées et que leurs moyens d’intervention demeurent.

M. Gérard Bailly. C’est vrai !

M. Alain Le Vern. Vous ne répondez pas aux questions, vous lisez votre papier !

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour la réplique.

Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le ministre, véhémence n’est pas toujours raison ! Je pense que les problèmes soulevés par mes trois précédents collègues, toutes tendances politiques confondues, viennent s’ajouter aux transferts de compétences de plus en plus nombreux et, je le répète, trop tardivement et imparfaitement compensés. Même si c’est désagréable à entendre – excusez-moi de le dire –, certains retards sont préjudiciables aux collectivités.

Par ailleurs, et vous ne pouvez l’ignorer, un certain nombre de départements sont obligés, par exemple, de mobiliser leurs fonds propres pour faire face ponctuellement au versement du RSA, en attendant de récupérer la part de l’État.

M. Philippe Richert, ministre. Vous avez raison.

Mme Corinne Bouchoux. Il faut le reconnaître posément. (M. le ministre opine.)

À titre d’exemple, dans le Maine-et-Loire, dont le budget est d’environ 500 millions d’euros, le coût non compensé des transferts de compétences de l’État depuis sept ans s’élève à 280 millions d’euros, montant qui devrait sans doute croître encore de 40 millions d’euros en 2012. Ce chiffre se suffit à lui-même, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet.

M. Alain Gournac. Enfin une bonne question !

M. François-Noël Buffet. Tout le monde en convient, les collectivités locales ont de plus en plus de difficultés. En tout cas, elles sont inquiètes concernant leurs capacités à obtenir et négocier auprès des organismes bancaires des emprunts à des taux suffisamment corrects afin de pouvoir continuer d’avancer, et singulièrement, bien sûr, de gérer leurs investissements.

Cette difficulté, je le rappelle, fait également écho au rapport de la Cour des comptes de 2011 sur la gestion de la dette publique locale. La Cour y mettait d’ailleurs en évidence les conséquences de l’application des nouvelles normes prudentielles s’imposant aux banques, en application – faut-il le rappeler encore ? – de la recommandation dite « du comité de Bâle » de décembre 2010, laquelle pourrait effectivement, à terme, mettre nos collectivités en difficulté.

Aujourd’hui, il existe un flou sur le fait que la France pourrait perdre son triple A ; sa notation serait donc peut-être dégradée. Je dis « peut-être » car deux des trois agences, dont Moody’s, qui n’est pas la moindre d’entre elles – il semblerait même qu’elle soit l’une des plus importante –, viennent de confirmer que la France conservait son triple A en l’état, même si la presse ne s’en est pas fait l’écho.

Mme Christiane Demontès. Et le montant de la dette ?

M. François-Noël Buffet. Il est vrai qu’on préfère se flageller plutôt que se rassurer, mais force est de constater que deux agences sur trois maintiennent le triple A de la France.

Le contexte, malgré tout, renforce l’inquiétude des collectivités territoriales.

Monsieur le ministre, ma question est donc la suivante : de quelle manière le Gouvernement va-t-il pouvoir aider les collectivités territoriales dans leurs démarches auprès des bailleurs de fonds, afin de leur permettre d’obtenir les crédits les plus intéressants possible ? (M. Alain Gournac applaudit.)

M. le président. Monsieur le ministre, vous connaissez le principe de l’exercice des questions cribles thématiques. Je vous demande donc de bien vouloir respecter les deux minutes qui vous sont imparties, sinon tous les orateurs inscrits ne pourront poser leur question.

Vous avez la parole, monsieur le ministre.

M. Philippe Richert, ministre. Nous sommes dans une situation très difficile. La notation de la France entraîne en effet celle d’une trentaine, pas plus, de collectivités territoriales. Toutes ne sont pas notées par Standard & Poor’s. Celles qui ne le sont pas ne devraient donc pas être concernées par une dégradation éventuelle.

En ce début d’année 2012, les ressources dont ont besoin les collectivités territoriales sont encore disponibles. Elles sont fournies par le secteur bancaire, mais aussi par l’enveloppe de prêts de 5 milliards d’euros mise en place à la fin de l’année 2011 par la Caisse des dépôts et consignations, dont il reste encore un reliquat à utiliser.

J’ai fait un tour d’horizon avec l’ensemble des banques partenaires des collectivités territoriales. Je ne veux pas vous cacher que, vers le milieu ou la fin de l’année, les collectivités connaîtront sans doute un nouveau besoin de financement, qu’il s’agira de traiter. Nous sommes en train de travailler sur le sujet. Toutefois, je le répète, puisque les 5 milliards d’euros prêtés par la Caisse des dépôts et consignations n’ont pas été intégralement utilisés à la fin de l’année 2011 et puisque nous avions prévu que 20 % de ces 5 milliards pouvaient être reportés sur 2012,…

Mme Nicole Bricq. Rien de tout cela n’est prévu dans le budget !

M. Philippe Richert, ministre. … les financements sont encore disponibles. La plupart des banques, comme la Caisse d’épargne, le Crédit Mutuel (Mme Nicole Bricq s’exclame.) et le Crédit Agricole, restent des partenaires pour les opérations sur lesquelles elles s’étaient déjà engagées, même si elles le font dans des proportions moindres que par le passé.

Cette capacité de financement existe donc aujourd'hui. (M. Alain Le Vern s’exclame.)

La banque des collectivités territoriales, qui devrait fonctionner grâce à la mise en commun de certaines activités de La Banque postale et de la Caisse des dépôts et consignations, sera opérationnelle, au mieux, à la fin du premier semestre, voire au début du second semestre, 2012. La période précédant la création de la banque risque d’être tendue. C’est la raison pour laquelle nous devrons étudier, avec la Caisse des dépôts et consignations notamment, les moyens de faire le pont entre le début de 2012 et la création de la banque, afin que le financement des collectivités soit garanti pour toute la durée de l’année 2012. Je pense que cela ne devrait pas poser trop de problèmes. (M. Alain Le Vern s’exclame de nouveau.)

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour la réplique.

M. François-Noël Buffet. Je tiens à remercier le ministre pour sa réponse et pour les précisions qu’il a apportées. J’indique aussi que ce qui vient de nous être dit mérite d’être diffusé auprès des élus des collectivités territoriales.

Mme Christiane Demontès. Cela va les rassurer !

M. le président. La parole est à M. Vincent Eblé.

M. Vincent Eblé. Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur la situation particulière des départements mis en difficulté par les réformes fiscales menées par le Gouvernement, au rang desquelles figure la suppression de la taxe professionnelle engagée en 2010.

Leurs conséquences néfastes se font durement sentir pour les départements en grande difficulté, en raison de l’accentuation de l’effet de ciseaux qui pèse sur leurs budgets : les dépenses sociales sous-compensées ne cessent d’augmenter alors que, dans le même temps, les compensations stagnent.

Les esquisses de réponse apportées par le Gouvernement via le développement d’une péréquation horizontale, en particulier pour les DMTO, restent largement insuffisantes. La réforme doit être globale et porter sur le financement complet des allocations individuelles de solidarité, notamment la prise en charge de la dépendance, à laquelle le Gouvernement a renoncé l’été dernier.

Votre réforme fiscale a porté en particulier un coup d’arrêt aux efforts des départements, qui parviennent par leurs actions quotidiennes à maintenir un dynamisme économique et démographique sur leurs territoires, comme c’est le cas de la Seine-et-Marne. Ces départements ont été privés des fruits de leurs efforts et de toute marge de manœuvre fiscale leur permettant une évolution de leur budget. Or leurs charges, elles, continuent à courir.

Auparavant, le département que j’ai l’honneur de représenter bénéficiait d’une augmentation de ses bases d’imposition, qui accompagnaient mécaniquement sa croissance. Ce qui était vrai hier pour la taxe d’habitation, la taxe professionnelle ou la taxe sur le foncier bâti ne l’est plus aujourd’hui, après votre malheureuse réforme.

Désormais, les recettes attribuées aux départements pour compenser leurs pertes ont des montants figés dans le temps, tandis que les nouvelles parts de fiscalité indirectes transférées sont très peu dynamiques, voire en régression. Ainsi, en Seine-et-Marne, la part de taxe sur les conventions d’assurances transférée a diminué de 700 000 euros, soit une baisse de 1,5 %, entre 2010 et 2011.

Enfin, les départements ont vu leur autonomie fiscale fortement amputée, puisqu’ils ne disposent dorénavant de la liberté de voter que sur 16 % de leurs recettes, contre 35 % auparavant. De cette façon, c’est tout l’accompagnement de cette croissance, l’élan de cette dynamique, que votre réforme casse net.

Aussi, monsieur le ministre, je vous le demande : quelles mesures urgentes entendez-vous prendre pour que tous les départements retrouvent les ressources dynamiques qui permettront le développement du beau potentiel démographique et économique qui est le leur ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre. Nous sommes, il faut en être bien conscient, dans une période de crise. Je ne sais pas si vous l’avez remarqué.

M. Alain Le Vern. Vous en êtes responsables !

M. Philippe Richert, ministre. Nous sommes dans une situation qui est particulièrement délicate, aussi bien pour les collectivités et l’État que pour les familles. Vous devriez vous en rendre compte. Il n’est pas possible d’apporter des réponses par un claquement de doigts,…

M. Gérard Le Cam. Commencez par baisser les taxes sur l’essence !

M. Philippe Richert, ministre. … au travers de dépenses supplémentaires. Aujourd'hui, la réalité nous impose de regarder comment les dépenses consenties peuvent permettre aux collectivités, notamment, de faire face à leurs projets, leurs programmes et, naturellement, à la nécessaire solidarité entre elles.

M. Alain Le Vern. Parlez-en à Mme Bettencourt !

M. Philippe Richert, ministre. Monsieur le sénateur Eblé, vous avez raison de dire que les budgets des départements ont subi un effet de ciseaux, qui s’est singulièrement fait sentir en 2009, occasionnant une perte de l’ordre de 2 milliards d’euros en ce qui concerne les DMTO, ainsi que je l’ai indiqué tout à l’heure. Mais ces 2 milliards d’euros ont été compensés en 2010 ! En 2011, je tiens à le dire, les recettes perçues au titre des DMTO dépasseront le montant le plus élevé ayant été atteint jusqu’à présent, qui était de 7,4 milliards d’euros. En effet, plus de 8 milliards d’euros seront perçus en 2012 par les départements au titre de l’année 2011.

Par conséquent, si vous nous expliquez qu’il y a des moments de tension budgétaire, caractérisés par des effets de ciseaux, reconnaissez aussi que le montant perçu au titre des DMTO augmente de 3 milliards d’euros en deux ans. Je crois que personne ne peut nier cette réalité.

Le sujet du RSA a été évoqué tout à l'heure, notamment par Mme Bouchoux. Plusieurs évaluations ont été faites. Dans le budget de 2012, un bilan global a été tiré. Ce sont 100 millions d’euros supplémentaires qui ont ainsi été dégagés en faveur du RSA dans le budget 2012 : 55 millions d’euros serviront à combler le déficit constitué par ce qui n’avait pas été payé les années précédentes au titre du RSA, et 45 millions d’euros constitueront une part supplémentaire pour les années qui viennent. Voilà la réalité des chiffres, qui va au-delà des propos que je viens d’entendre.

Mme Christiane Demontès. Selon vous, tout va bien !

M. le président. La parole est à M. Vincent Eblé, pour la réplique.

M. Vincent Eblé. Les départements connaissent la situation de crise, puisqu’ils sont malheureusement l’un des derniers remparts pour lui faire face et permettre la mise en œuvre de nos politiques sociales.

Je ne trouve pas dans votre réponse d’éléments revenant sur mes remarques concernant la situation particulière des départements en croissance. En effet, la péréquation que vous avez mise en œuvre ne consiste pas, contrairement à ce que faisait avec intelligence et générosité le bon Robin des Bois, à prendre aux territoires riches pour donner aux territoires pauvres. Vous, vous prenez aux territoires en croissance pour donner aux pauvres ! Cela relève d’une logique antiéconomique,…

M. Vincent Eblé. … qui détruit la vitalité des territoires et l’intérêt de ces derniers à accompagner les dynamiques économiques et démographiques. (M. Alain Gournac proteste.)

J’ajoute que la conjoncture nous inquiète particulièrement. (Exclamations sur les travées de lUMP.) En effet, les collectivités ont su maintenir une situation financière relativement saine. Leur besoin de financement ne devrait atteindre que 0,2 % du PIB en 2011, contre près de 4,6 % pour l’État, soit vingt-trois fois plus. Leur part dans la dette publique est restée relativement stable au cours du quinquennat, avoisinant 10 % du montant total (M. Jackie Pierre marque son impatience.), alors que leurs dépenses d’équipements contribuent toujours à plus de 70 % de l’investissement public total.

La perte du triple A, dont la politique de votre gouvernement est largement responsable, aura des conséquences en cascade pour l’ensemble des collectivités qui jusqu’alors étaient bien notées. Elles auront à pâtir de votre mauvaise gestion des comptes publics : voilà la réalité ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste. – M. Robert Tropeano applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre, je souhaite évoquer la question de la durée des emprunts des collectivités locales. Les financements d’urgence venant d’être effectués, la Caisse des dépôts et consignations va organiser son association avec La Banque postale. Vous avez d’ailleurs laissé entendre que cela ne se ferait pas avant cet été, ce qui n’est pas pour nous rassurer.

Mme Nicole Bricq. Cela a toujours été le calendrier.

M. Jean-François Husson. Au-delà de la confirmation de cette échéance, les collectivités continuent de s’interroger sur les conditions de financement, notamment la durée des prêts, qui leur seront offertes. En effet, dès lors qu’elles réalisent des investissements structurants, d’une durée de vie relativement longue, il importe de faire converger l’amortissement financier et l’amortissement technique pour leur permettre de conserver leurs marges de manœuvre et de continuer à investir.

Les nouvelles conditions d’emprunt devront en effet être intégrées dans les budgets locaux. À des durées, hier, de vingt années voire davantage, se sont progressivement et rapidement substituées, depuis le second semestre 2011, des durées de dix ou quinze ans au maximum, auxquelles s’est malheureusement ajouté le renchérissement du coût du crédit, que l’on doit notamment au relèvement des marges bancaires constaté depuis 2008, qui s’est bien sûr renforcé en 2011.

Le risque est de voir une progression de plus de 30 % des annuités de dette des collectivités territoriales, ce qui réduirait d’autant, vous l’avez bien compris, leur capacité à investir dans des domaines où pourtant elles réalisent des équipements importants, avec une durée de vie relativement longue, à l’exemple des travaux de voirie ou de réseaux d’assainissement, qui devraient pouvoir s’amortir sur trente, quarante voire cinquante ans.

Il faut en effet veiller, pour des raisons évidentes d’équité, à ne pas faire porter la charge de ce type d’investissement sur une seule génération, voire sur une durée plus courte encore. Continuer à réaliser de tels investissements va donc devenir plus difficile pour les collectivités.

Par ailleurs, les produits de très court terme sont également concernés par l’évolution de l’offre bancaire. Depuis la fin de l’année 2011, le coût des lignes de trésorerie a fortement augmenté, et les volumes proposés par les banques ont, dans le même temps, diminué de manière significative. De nombreux établissements financiers ont d'ores et déjà annoncé qu’ils ne proposeraient plus de lignes de trésorerie aux collectivités territoriales, ou qu’ils en réduiraient le montant. Or la ligne de trésorerie est un outil essentiel, qui permet aux collectivités de mener une gestion en trésorerie dite « zéro », et donc d’amortir leurs charges financières.

Monsieur le ministre, ma question sera double. D’une part, quelles décisions le Gouvernement compte-t-il prendre et mettre en œuvre pour permettre aux collectivités de maintenir un niveau d’investissement qui doit rester élevé, en ayant recours au financement bancaire ? D’autre part, que compte-t-il faire pour garantir le bon fonctionnement de l’économie locale, en permettant aux collectivités d’honorer les créances de leurs fournisseurs dans les délais réglementaires ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre. Vous savez que, à la fin de l’année 2011, deux décisions ont été prises pour permettre aux collectivités d’honorer leurs emprunts. La première consiste en la création d’une banque des collectivités territoriales. La seconde est la mise à disposition des collectivités d’un montant de 5 milliards d’euros par la Caisse des dépôts et consignations, versés soit directement, soit via les banques traditionnelles partenaires des collectivités. C’est la réponse au besoin de liquidité des collectivités.

Le deuxième sujet que vous abordez, la durée de remboursement des emprunts, est une vraie question. Le problème se pose notamment du fait des règles prudentielles mises en place par Bâle III, qui s’imposeront aux banques, et dont elles ont anticipé la mise en place. Dans ce contexte, Dexia nous a posé un gros problème. En effet, Dexia empruntait à court terme et prêtait aux collectivités à très long terme. En globalisant des emprunts de très court terme contractés à des taux favorables, elle permettait ensuite aux collectivités d’emprunter sur des durées très longues. Cela n’est aujourd'hui plus possible, du fait de l’exigence de mise en place de règles prudentielles.

Globalement, un changement structurel va donc s’opérer. Je tiens à vous livrer quelques réflexions sur les amortissements des investissements réalisés par les collectivités. Je n’oublie évidemment pas que 70 % des investissements publics sont le fait des collectivités.

Mme Évelyne Didier. Eh oui, 70 % !

M. Philippe Richert, ministre. Jusqu’à présent, de façon générale, les investissements étaient amortis sur vingt voire vingt-cinq ans.

À mon sens, il est aujourd'hui nécessaire d’examiner plus en détail les durées d’amortissement. Par exemple, dans le secteur de la construction et du bâtiment, certaines opérations d’infrastructure seront amorties en dix ou quinze ans, tandis que d’autres ne le seront qu’en vingt ou vingt-cinq ans. Je pense donc qu’il faudra procéder à des évaluations plus fines.

J’en viens à la question du financement. Les banques qui ont accès au marché bancaire mondial n’obtiennent évidemment pas de prêts à quinze ans ou vingt ans. Elles sont par conséquent obligées de continuer à emprunter à court ou à moyen terme.

M. Pierre-Yves Collombat. C’est leur travail !

M. Philippe Richert, ministre. Et elles ne sont pas toujours autorisées à globaliser leurs emprunts, notamment en raison des règles prudentielles que j’ai évoquées.

Aussi, la durée « normale » se situera de plus en plus autour de quinze ans. Au-delà, il faudra se tourner vers la Banque européenne d’investissement, mais pour des durées qui atteindront au maximum vingt ans, et non trente ou quarante ans comme cela a pu être le cas par le passé.

Voilà la réalité ! Ce ne sont pas des oukases édictés par le Gouvernement ou le Parlement qui y changeront quoi que ce soit. Les durées moyennes d’emprunt vont diminuer ; c’est peut-être regrettable, mais c’est ainsi. Nous le constatons déjà sur le terrain. C’est ce qui résulte des règles mises en place.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.

M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre, votre réponse me convient, sauf lorsque vous parlez d’« oukases ». Car il s’agit, me semble-t-il, non pas d’oukases, mais tout simplement de règles de bon sens !

Certaines opérations réalisées dans le cadre de délégations de service public, de concessions ou de partenariats public-privé sont plus coûteuses parce les biens peuvent être amortis sur une longue période.

Il faudra donc continuer à réfléchir à la question, en France comme au sein de l’Union européenne, afin d’y répondre collectivement.

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques consacrées à la fiscalité des collectivités territoriales.

Mes chers collègues, avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.