Sommaire

Présidence de M. Jean-Claude Carle

Secrétaires :

MM. Jean Boyer, Jean-François Humbert.

1. Procès-verbal

2. Mise au point au sujet de votes

MM. Jean-René Lecerf, le président.

3. Questions orales

politique transfrontalière concernant les communes du jura et la compensation financière accordée par le canton de genève

Question de M. Gilbert Barbier. – MM. Édouard Courtial, secrétaire d'État chargé des Français de l'étranger ; Gilbert Barbier.

processus de paix au pays basque

Question de M. Jean-Jacques Lasserre. – MM. Édouard Courtial, secrétaire d'État chargé des Français de l'étranger ; Jean-Jacques Lasserre.

avenir des sections internationales au lycée honoré-de-balzac

Question de Mme Claudine Lepage. – Mmes Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative ; Claudine Lepage.

centres epide

Question de Mme Christiane Demontès. – Mmes Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative ; Christiane Demontès.

publication et mise en Œuvre des projets de décrets d'application de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance

Question de M. Jean-Marie Bockel. – Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative ; M. Jean-Marie Bockel.

Suspension et reprise de la séance

liaison lyon-turin

Question de M. Jean-Pierre Vial. – MM. Thierry Mariani, ministre chargé des transports ; Jean-Pierre Vial.

avenir du chu charles-nicolle de rouen

Question de M. Thierry Foucaud. – Retrait de l’ordre du jour.

situation de l'hôpital max-querrien de paimpol

Question de M. Ronan Kerdraon. – MM. Thierry Mariani, ministre chargé des transports ; Ronan Kerdraon.

sécurité juridique des réserves de substitution d'eau

Question de M. Michel Doublet. – MM. Thierry Mariani, ministre chargé des transports ; Michel Doublet.

chute du prix du blé

Question de M. Joël Guerriau. – MM. Thierry Mariani, ministre chargé des transports ; Joël Guerriau.

Suspension et reprise de la séance

contentieux sur l’article 7-1 de la convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963

Question de M. Christophe-André Frassa. – MM. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales ; Christophe-André Frassa.

avenir des salariés de l'entreprise prevent glass en seine-et-marne

Question de M. Vincent Eblé. – MM. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales ; Vincent Eblé.

validité du protocole d'accord relatif à la réforme de la filière des sapeurs-pompiers professionnels

Question de Mme Mireille Schurch. – M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales ; Mme Mireille Schurch.

délais de publication des décrets d'application de l'article 96 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure

Question de M. Daniel Laurent. – MM. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales ; Daniel Laurent.

pratiques des opérateurs funéraires

Question de M. Yannick Vaugrenard. – MM. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales ; Yannick Vaugrenard.

programmes de réussite éducative

Question de M. Dominique Watrin. – MM. Maurice Leroy, ministre de la ville ; Dominique Watrin.

réorganisation de peugeot scooters à dannemarie

Question de Mme Patricia Schillinger. – M. Maurice Leroy, ministre de la ville ; Mme Patricia Schillinger.

comité de suivi de la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision

Question de Mme Catherine Morin-Desailly. – M. Maurice Leroy, ministre de la ville ; Mme Catherine Morin-Desailly.

avenir de la filière betteravière

Question de M. Jean-Pierre Chauveau. – MM. Maurice Leroy, ministre de la ville ; Jean-Pierre Chauveau.

4. Mise au point au sujet d’un vote

MM. Jean-Pierre Chauveau, le président.

5. Modification de l’ordre du jour

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

6. Hommage aux soldats français en Afghanistan

MM. le président, Marc Laffineur, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Patrick Courtois

7. Modification de l'ordre du jour

8. Demande d'un avis sur un projet de nomination

9. Dépôt d'un rapport

10. Mise au point au sujet d'un vote

MM. Didier Boulaud, le président.

11. Commémoration de tous les morts pour la France le 11 novembre. – Adoption d'un projet de loi en procédure accélérée dans le texte de la commission

Discussion générale : MM. Marc Laffineur, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants ; Marcel-Pierre Cléach, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

Mme Michelle Demessine, M. Robert Tropeano, Mme Leila Aïchi, MM. Yves Détraigne, Alain Néri, Pierre Charon, André Trillard, Ronan Kerdraon, Bruno Retailleau.

Clôture de la discussion générale.

M. le secrétaire d'État.

Article 1er

MM. Roland Courteau, Christian Namy, Luc Carvounas, Mme Cécile Cukierman, MM. le secrétaire d'État, Jean-Jacques Mirassou, Alain Néri.

M. le secrétaire d'État.

Adoption de l'article.

Article 2

MM. Joël Guerriau, le rapporteur.

Adoption de l'article.

Article 3. – Adoption

Vote sur l'ensemble

M. Jean Boyer, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Néri.

Adoption du projet de loi.

M. le rapporteur.

Suspension et reprise de la séance

12. Mise au point au sujet de votes

MM. Alain Milon, le président.

13. Exercice des professions de santé par des titulaires de diplômes étrangers. – Adoption définitive d'une proposition de loi en procédure accélérée dans le texte de la commission

Discussion générale : Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé ; M. Yves Daudigny, rapporteur de la commission des affaires sociales.

Mme Aline Archimbaud, M. Alain Milon, Mme Nathalie Goulet, MM. Gilbert Barbier, Dominique Watrin, Mme Claudine Lepage, M. Jean-Jacques Mirassou.

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

M. Jacky Le Menn, Mmes Catherine Génisson, Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Claude Lenoir, Mme la secrétaire d'État.

Adoption de l'article.

Article 2. – Adoption

Mmes Annie David, présidente de la commission des affaires sociales ; la secrétaire d'État.

Adoption définitive de la proposition de loi.

14. Commission mixte paritaire

15. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Carle

vice-président

Secrétaires :

M. Jean Boyer,

M. Jean-François Humbert.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Mise au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. Monsieur le président, à la suite d’une erreur matérielle intervenue lors des scrutins publics nos 90 et 91 du 23 janvier 2012, Mme Fabienne Keller figure parmi les sénateurs ayant voté contre les motions alors qu’elle ne souhaitait pas prendre part aux votes.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

3

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

politique transfrontalière concernant les communes du jura et la compensation financière accordée par le canton de genève

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, auteur de la question n° 1510, adressée à M. le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Gilbert Barbier. Ma question, qui s’adresse à M. le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, porte sur la politique transfrontalière et la compensation financière accordée par le canton de Genève à des communes situées en zone frontalière.

Au mois de juin 2010, la mission parlementaire sur la politique transfrontalière a rendu ses conclusions. Les parlementaires ont notamment mis l’accent sur la croissance continue du travail transfrontalier, le nombre de salariés concernés ayant plus que doublé en vingt ans, et sur la nécessité d’apporter une réponse aux stratégies de pays voisins qui, par des statuts juridiques et fiscaux particulièrement attractifs et par un démarchage offensif, réussissent à concentrer l’activité économique sur leur sol en externalisant sur le territoire français les charges liées au logement, à l’éducation et à la formation, ainsi qu’à l’accompagnement social de leurs salariés.

Un certain nombre de nos collègues parlementaires ont, à plusieurs reprises, attiré l’attention sur la situation du département du Jura, frontalier avec la Suisse, qui est confronté à cette évolution. Plusieurs communes ont vu le nombre de frontaliers exerçant leur activité dans le canton de Genève augmenter d’une manière significative ces dernières années.

Cette attractivité pèse sur le marché immobilier et sur les budgets de ces communes. Or ces dernières ne bénéficient pas de la compensation financière accordée par le canton de Genève à nombre de communes des départements de l’Ain et de la Haute-Savoie en raison des charges publiques qu’elles supportent.

C’est pourquoi il paraîtrait équitable de procéder à la révision des accords bilatéraux franco-suisses signés le 29 janvier 1973 en étendant cette disposition aux communes jurassiennes concernées.

Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur ce problème qui a déjà été évoqué plusieurs fois. J’aimerais notamment savoir quelles suites ce dernier compte réserver aux différentes propositions émises par la mission parlementaire, et principalement s’il entend répondre à l’attente des communes jurassiennes.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Édouard Courtial, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des Français de l'étranger. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser M. le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, qui ne peut malheureusement être présent au Sénat ce matin.

En ce qui concerne les suites données à la mission parlementaire, j’ai le plaisir de vous confirmer que, à l’issue de la remise du rapport, en juin dernier, une réunion interministérielle a été organisée afin de décider des suites à donner à ce document. Il a également été demandé à la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale, la DATAR, de procéder à une étude approfondie des propositions en liaison avec les départements ministériels concernés. Des groupes de travail ont par la suite été créés afin de dégager les modalités de leur application dans les domaines de la compétitivité économique, des services au quotidien et de la gouvernance de la politique transfrontalière. Différentes pistes sont encore à l’étude ou en cours de finalisation.

Par ailleurs, concernant la répartition de la compensation financière accordée par le canton de Genève à des communes françaises transfrontalières, la question de l’imposition des travailleurs frontaliers est régie, comme vous le savez, par deux accords, différents selon les cantons dans lesquels ces travailleurs exercent leur activité.

Le cas général est l’application de l’accord relatif à l’imposition des rémunérations des travailleurs frontaliers de 1983. Celui-ci prévoit que les revenus de l’activité des frontaliers qui résident en France et qui travaillent dans les cantons de Berne, Soleure, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Vaud, du Valais, de Neuchâtel et du Jura sont imposables en France sur la base du salaire suisse, moyennant une compensation au profit de la Suisse de 4,5 % de la masse totale des rémunérations brutes des travailleurs salariés.

Le canton de Genève, quant à lui, impose à la source les revenus des travailleurs frontaliers et, conformément à l’accord de 1973, accorde une compensation financière au Trésor français, fixée à 3,5 % de la masse salariale brute. L’accord prévoit le reversement de cette compensation aux départements de l’Ain et de la Haute-Savoie, directement affectés du fait de leur proximité avec le canton de Genève, et ces derniers créditent eux-mêmes les communes bénéficiaires.

L’extension de ce système à d’autres collectivités pourrait, en tout état de cause, être envisagée dans la mesure où un nombre important de travailleurs frontaliers y résideraient. Si les collectivités locales concernées pouvaient faire parvenir au Gouvernement des données précises en la matière, il serait alors possible à ce dernier de se pencher précisément sur cette question.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse.

Il est un peu curieux de demander à ces communes d’entreprendre une démarche, alors qu’elles ont déjà sollicité le Gouvernement à plusieurs reprises sur ce point. Si elles doivent fournir un état précis de leur situation, elles le feront, même si je ne vois pas précisément à qui chaque commune doit s’adresser. Ce problème devrait plutôt, à mon avis, être appréhendé de manière générale pour toutes les communes jurassiennes qui sont concernées.

processus de paix au pays basque

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre, auteur de la question n° 1519, transmise à M. le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Jean-Jacques Lasserre. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur le processus de paix engagé au Pays basque.

Depuis de nombreuses années, le Pays basque sud – régions de Biscaye, d’Alava et de Guipúzcoa – connaît une situation politique empreinte de violence. Cette situation est la résultante d’une histoire douloureuse qui a marqué l’ensemble du Pays basque, de la péninsule ibérique et des pays voisins. Cette situation n’est pas sans conséquence pour le Pays basque nord, pour le département des Pyrénées-Atlantiques et, bien entendu, pour la France.

Ces derniers mois, des initiatives de caractère exceptionnel ont été prises pour engager un processus de paix.

Des événements de première importance se sont déroulés, comme la Conférence internationale de Saint-Sébastien en octobre dernier, en présence de grands témoins, notamment M. Kofi Annan. L’ETA a confirmé d’une façon solennelle sa volonté de déposer les armes.

Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement ne peut laisser passer ce moment exceptionnel sans réagir, car ce conflit a ensanglanté le Pays basque.

On ne peut évidemment omettre les centaines de victimes, de vies anéanties. Ceux qui construiront la paix ne devront jamais les oublier.

De même, on ne peut laisser une partie de la jeunesse du Pays basque poursuivre des combats sans issue.

Depuis près de deux ans, des centaines d’élus et d’acteurs importants de la vie du Pays basque d’Espagne goûtent enfin à une vie libre sans garde du corps. Il faut que cesse la pratique de l’impôt révolutionnaire.

Ne commettons pas l’erreur de considérer que ces problèmes ne nous concernent qu’indirectement. La continuité géographique est une réalité.

Beaucoup plus importants, la réalité culturelle du Pays basque et le sentiment d’appartenance à une même communauté nous obligent à la solidarité.

Nous entrons ainsi dans une phase où les gouvernements français et espagnol doivent prendre leurs responsabilités et accompagner ce processus de paix. Souhaitant vivement que la France s’engage dans ce processus de paix, je vous demande donc, monsieur le secrétaire d’État, quelle posture le gouvernement français entend adopter face à ce sujet primordial pour l’avenir du Pays basque et de la France.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Édouard Courtial, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des Français de l'étranger. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser M. le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, qui ne peut malheureusement être présent au Sénat ce matin.

L’ETA a annoncé, le 20 octobre 2011, « l’arrêt définitif de son activité armée ». Il s’agit là d’une étape importante qui doit mener à une disparition totale de la violence au pays basque.

Cette décision de mettre un terme à la violence est le résultat d’une coopération fructueuse des forces de sécurité françaises et espagnoles qui a permis d’obtenir des résultats sans précédent. Au cours de ces dix dernières années, de multiples arrestations ont en effet été réalisées de part et d’autre des Pyrénées. En 2010, 138 personnes liées à l’ETA ont été interpellées, dont 28 en France. En 2011, 48 personnes liées à l’ETA ont été interpellées, dont 27 en France.

Les autorités espagnoles nous sont très reconnaissantes de cette étroite coopération, comme en a témoigné la remise par le roi d’Espagne, le 16 janvier, du collier de la Toison d’or au Président de la République. L’attribution de cette distinction très prestigieuse visait très largement à remercier notre pays pour son aide dans la lutte contre le terrorisme.

Notre vigilance doit néanmoins rester intacte. Le groupe terroriste n’a en effet pas annoncé sa dissolution ni rendu ses armes. Il reste opérationnel, ainsi que l’a démontré l’arrestation dans l’Yonne, le 14 janvier 2012, de trois de ses membres qui étaient armés et disposaient de matériel susceptible de fabriquer des explosifs.

Je rappelle que ce groupe terroriste a assassiné 829 personnes, dont 750 après l’établissement de la démocratie en Espagne en 1978. La dernière victime de l’ETA se trouve être un policier français, le brigadier Jean-Serge Nérin, tué par des membres de l’ETA à Dammarie-les-Lys le 16 mars 2010. L’une des personnes arrêtées dans l’Yonne le 14 janvier dernier est fortement suspectée d’avoir participé à l’assassinat de Jean-Serge Nérin.

Le Président de la République, lors de son déplacement à Madrid, le 16 janvier dernier, a réaffirmé l’engagement solennel de la France à poursuivre, aux côtés de l’Espagne, « le combat contre la barbarie terroriste ».

Nous ne baisserons jamais la garde. Le gouvernement français continuera de soutenir sans relâche le gouvernement espagnol dans ses efforts pour aboutir à une fin définitive de la violence au Pays basque.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre.

M. Jean-Jacques Lasserre. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai écouté très attentivement votre réponse, qui, s’agissant de la lutte contre l’ETA, me satisfait bien entendu. Je partage en effet totalement la position du Gouvernement à cet égard, notamment s’agissant de sa collaboration avec le gouvernement espagnol.

Néanmoins, ma question de ce matin avait un autre objet : comment et avec quelle volonté le gouvernement français compte-t-il s’engager dans la construction du processus de paix au Pays basque ? La lutte contre l’ETA, c’est une chose, l’élaboration du processus de paix en est une autre…

Nous ne pourrons évidemment pas gommer les événements passés, mais nos responsables doivent être prêts à saisir la main tendue par des hommes de bonne volonté, afin de sortir enfin d’un conflit qui ne peut plus durer. J’attends donc une réponse de votre part sur le véritable objet de ma question, la participation du gouvernement français à l’élaboration du processus de paix.

avenir des sections internationales au lycée honoré-de-balzac

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, auteur de la question n° 1517, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

Mme Claudine Lepage. La question orale que je souhaite poser à M. le ministre de l’éducation nationale porte sur l’avenir des sections internationales du lycée Honoré-de-Balzac.

Madame la secrétaire d’État, je vous prie tout d’abord de bien vouloir adresser mes très sincères condoléances à M. le ministre de l’éducation nationale, pour le drame personnel qui l’afflige.

La France compte plusieurs lycées au statut d’établissement international comme, par exemple, celui de Saint-Germain-en-Laye. Toutefois, sa capitale ne dispose que d’un lycée comportant six sections internationales : la cité scolaire Honoré-de-Balzac, qui bénéficie d’une riche mixité sociale. En effet, sur ses 2 000 élèves, 50 % sont inscrits en section internationale et 50 % des inscrits en section générale sont des enfants du secteur. Les sections internationales offrent une ouverture sur des civilisations différentes à des élèves qui sont imprégnés parfois d’une double, voire d’une triple culture, qu’ils soient d’origine étrangère, qu’ils aient vécu à l’étranger ou qu’ils soient issus de familles expatriées.

Dans ces sections internationales, les cours sont assurés par des enseignants français, recrutés sur profil, et par des enseignants étrangers, intervenant dans leur langue maternelle pour des enseignements spécifiques.

Ainsi, contrairement aux sections européennes, ces sections internationales présentent certes un enseignement renforcé en langues, mais surtout une pédagogie culturellement différenciée. C’est là que réside tout leur intérêt.

Or, malgré l’atout que représente cet enseignement spécifique, qui intègre une grande hétérogénéité sociale alliée à une ambiance multiculturelle, une lourde incertitude pèse sur son avenir. Du reste, de fortes tensions, concrétisées par des mouvements de grève des professeurs et des élèves, se font jour depuis plusieurs mois.

L’inquiétude est manifeste chez les parents d’’élèves, lesquels s’interrogent sur l’insuffisance des moyens dont dispose l’établissement qui, malgré sa localisation, ne bénéficie pas du programme des écoles, collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite, ou dispositif ECLAIR.. Ils s’alarment également des problèmes de personnel – manque de postes, non-remplacement de personnel, professeurs de sections internationales non recrutés sur un profil particulier propre à un enseignement pluriculturel, contrairement à ce que les textes commandent.

Au regard de l’absence de statut de lycée international de l’établissement, la pérennité même des sections internationales est en question, puisque, si elles étaient « diluées » dans les filières générales françaises, celles-ci perdraient de facto toute spécificité pédagogique et ne seraient plus que des sections à enseignement linguistique renforcé.

Madame la secrétaire d’État, dans ce contexte, qu’en est-il des assises sur l’avenir de la cité scolaire – s’agissant notamment de sa dimension internationale – demandées depuis longtemps par les parents d’élèves ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Madame la sénatrice, je transmettrai naturellement vos condoléances à Luc Chatel et à sa famille, dans un moment qui, pour eux, n’est que douleur et souffrance.

À Paris, l’ouverture internationale et le développement des pratiques en langues étrangères sont une priorité du projet académique. À ce titre, la cité scolaire Honoré-de-Balzac fait l’objet d’une attention toute particulière de la part des autorités académiques.

Depuis leur création en 1988, les sections internationales au sein de la cité scolaire Honoré-de-Balzac ont vu leur nombre s’accroître : il en existe à présent six, en allemand, anglais, arabe, espagnol, italien et portugais.

Parallèlement, le nombre d’élèves relevant de ces sections a augmenté, passant de 418 en 2001-2002 à 842 en 2011-2012. Cette évolution a toujours été soutenue par l’académie de Paris, et il n’est nullement question de remettre en cause l’existence des sections internationales, dont l’efficacité est reconnue de longue date.

J’ajoute que tous les élèves des sections internationales préparent le diplôme national du brevet international et l’option internationale au baccalauréat.

Ainsi, le lycée Balzac constitue bien un pôle d’attractivité à vocation internationale au cœur même de notre capitale, et il a vocation à le demeurer.

Madame la sénatrice, vous avez évoqué le dispositif ECLAIR, qui a vocation à répondre aux situations spécifiques des établissements dont les résultats et le climat scolaire sont fortement dégradés. Ce n’est absolument pas le cas du lycée Balzac. Pour autant, soyez assurée que cette cité scolaire bénéficie de toute l’attention des autorités académiques, conscientes de ses spécificités.

Concernant les moyens accordés aux sections internationales de l’établissement, la dotation spécifique attribuée à ces sections pour l’année 2011-2012 n’a pas été modifiée. Ainsi, les moyens ont été maintenus pour les six sections internationales en collège et en lycée.

Concernant les questions de personnel, les professeurs des sections internationales sont bien recrutés sur un profil particulier pour chaque discipline spécifique et dans le respect des textes relatifs à l’organisation des sections internationales. Par ailleurs, les rares absences des enseignants ont été rapidement prises en compte et les remplacements ont été organisés.

Si l’établissement a traversé une période de tensions à l’automne dernier, notamment en raison de problèmes de communication interne, vous reconnaîtrez sans doute, avec Luc Chatel et le ministère tout entier, que les autorités académiques en ont pris conscience et ont adopté les mesures adaptées en conséquence : la nomination d’un nouveau proviseur par intérim en décembre dernier a notamment permis de rétablir la sérénité. De surcroît, un travail de concertation a été engagé avec les enseignants et les représentants des parents d’élèves pour réfléchir au futur projet d’établissement en veillant à tenir compte des aspirations des élèves des sections internationales comme de ceux des sections générales.

Vous le constatez, madame la sénatrice, les autorités académiques sont pleinement mobilisées afin de soutenir et de promouvoir les sections internationales du lycée Honoré-de-Balzac.

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de ces précisions. Toutefois, vous mesurez que l’inquiétude des parents reste grande. En effet, depuis plusieurs années, un assez grand nombre de proviseurs se sont succédé : quatre ou cinq, si ma mémoire est exacte. En outre, vous avez évoqué les absences des professeurs, les troubles, les grèves… Bref, le climat est loin d’être serein.

Vous affirmez que nous sommes actuellement entrés dans une phase de concertation et que tout va s’arranger : je ne demande qu’à vous croire. Les parents d’élèves n’en sollicitent pas moins de manière récurrente la tenue d’assises sur l’avenir de la cité Honoré-de-Balzac : sur ce point, vous n’avez pas plus répondu à ma question que M. le ministre de l’éducation nationale, lors du débat budgétaire. Je le regrette vivement.

centres epide

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, auteur de la question n° 1515, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Mme Christiane Demontès. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur les établissements publics d’insertion de la défense, les EPIDE.

Créés par voie d’ordonnance le 2 août 2005, ces centres participent d’une dynamique d’insertion ou de réinsertion. Sur la base du volontariat, ces structures socialisent, orientent et forment des jeunes volontaires. J’observe qu’à l’origine le Gouvernement avait annoncé l’ouverture de 80 établissements : or, à ce jour, nous n’en dénombrons que 20.

L’EPIDE apporte une réponse originale et adaptée pour une partie des jeunes. J’en veux pour preuve le taux de reclassement, pouvant atteindre 50 % voire 65 % dans nombre d’établissements. Il est donc impératif de consolider ces résultats. Malheureusement, telle n’est pas la réalité.

Ainsi, lors des débats relatifs à la loi n° 2011-1940 visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants, le groupe socialiste, par les voix de Mmes Klès et Tasca, avait mis en exergue que ce texte de pur affichage ne visait rien d’autre que permettre le placement de mineurs délinquants dans des centres relevant de l’EPIDE.

Certes, le volontariat est également de mise, mais il s’inscrit dans le cadre soit d’une composition pénale, soit d’un ajournement de peine, soit d’un sursis avec mise à l’épreuve.

Je citerai, pour illustration, l’exemple du nouvel établissement de Meyzieu, commune située dans mon département, le Rhône. Non seulement ce centre remplacera les trois EPIDE d’Annemasse en Haute-Savoie, de Saint-Clément-les-Places dans le Rhône et d’Autrans dans l’Isère, mais il accueillera plus de 240 jeunes, pour une capacité d’accueil raisonnable que les professionnels estiment entre 120 et 180 personnes.

Ce regroupement est donc à contre-courant des politiques d’insertion et de prévention. Vous le savez, il est reconnu que plus une structure est petite, plus son degré d’efficacité est élevé, surtout dans ce domaine. De plus, la dimension de proximité, qui permettait à des jeunes de zones rurales de pouvoir intégrer ces établissements, disparaît.

Au-delà des problématiques liées à cette surpopulation, se pose la question de l’encadrement que les professionnels pourront assurer de ces deux catégories de populations, à savoir les jeunes adultes volontaires âgés de 18 à 25 ans et les mineurs délinquants. Sauf à faire l’amalgame entre jeunes en difficultés d’insertion et jeunes ayant eu affaire à la justice, ces deux populations ne sont pas assimilables.

Ainsi, n’assistons-nous pas à un dévoiement de la mission première des EPIDE ? Malheureusement je le crains, et ce constat est d’autant plus déplorable que les EPIDE apportent une réponse pertinente pour nombre de jeunes.

Madame la secrétaire d’État, ma question est simple : quelles dispositions comptez-vous adopter afin de garantir le maintien des principes fondamentaux qui gouvernaient jusqu’alors les EPIDE ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Michel Mercier, qui ne peut être présent aujourd’hui au Sénat.

Comme vous l’avez rappelé, l’EPIDE a été créé par l’ordonnance du 2 août 2005 et se voit confier une double mission d’insertion sociale et professionnelle et de prévention de la délinquance. Cette mission concerne autant un public majeur que mineur, puisque la loi du 24 novembre 2009 a étendu le bénéfice du contrat de volontariat pour l’insertion aux jeunes âgés de 16 à 18 ans. Vous l’avez souligné, cette mission a également été élargie aux mineurs délinquants, par la loi du 26 décembre dernier.

Il s’agit donc non pas d’un dévoiement des missions de l’EPIDE mais d’un prolongement de ses attributions originelles. En effet, l’accueil des mineurs délinquants s’appuie sur le partenariat engagé depuis janvier 2010 entre l’EPIDE et la protection judiciaire de la jeunesse, pour la réintégration des jeunes majeurs qui, ayant purgé leur peine, souhaitent s’engager dans un projet de réinsertion professionnelle.

Ainsi, le public accueilli en EPIDE compte déjà 30 % de personnes qui ont été condamnées et 15 % de personnes sous suivi judiciaire. En outre, l’EPIDE n’accueillera qu’un très petit nombre de mineurs délinquants dans chacun de ses centres.

L’ensemble du public pris en charge, majeurs comme mineurs, délinquants ou non, bénéficiera du même traitement pour les activités collectives, à la différence près que les mineurs effectueront, de surcroît, dans le cadre d’un programme individualisé, un travail sur l’acte de délinquance qu’ils ont commis.

Le service citoyen qu’instaure cette loi suppose, bien évidemment, de renforcer le dispositif existant de l’EPIDE et d’abonder ses moyens en conséquence afin de créer progressivement de nouvelles places dédiées.

Dès le mois de février 2012, douze centres EPIDE accueilleront les premiers mineurs concernés. À cet effet, les personnels d’encadrement bénéficieront d’une formation spécifique afin de garantir une prise en charge rapide et efficace de ce public. Ce faisant, d’ici à juin 2012, l’ensemble des quinze centres pourront accueillir des mineurs délinquants.

En ce qui concerne le financement de ce nouveau dispositif, chacun des ministères concernés – les ministères de la défense, de l’emploi, de la ville et de la justice – participera à hauteur de deux millions d’euros.

Madame la sénatrice, je suis convaincue que nous devons donner à ces mineurs la possibilité de bénéficier d’une réinsertion.

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.

Mme Christiane Demontès. Madame la secrétaire d’État, j’ai bien entendu votre réponse, dont les arguments sont sensiblement les mêmes que ceux qu’avaient développés vos collègues lors de l’examen du projet de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants, à la fin de l’année 2011.

Toutefois, je vous rappelle que nous avions alors, comme aujourd’hui, émis un certain nombre de doutes quant à la capacité des centres EPIDE à accueillir à la fois des jeunes volontaires, disposant d’un projet d’insertion sociale et professionnelle, et, dans le cadre d’une politique de prévention de la délinquance, des mineurs placés sous le contrôle de la justice pour avoir commis des infractions pénales.

Par ailleurs, je souligne la difficulté qu’éprouvent ces professionnels à prendre en charge ces jeunes délinquants, dont le suivi exige un accompagnement rapproché, dans la durée. À mes yeux, le mélange de ces deux publics apparaît comme une source de risques pour la réussite du parcours de ces jeunes.

Je prends acte de la volonté du Gouvernement d’abonder les budgets alloués à ces centres.

Vous affirmez, madame la secrétaire d’État, que douze établissements de ce type vont prochainement ouvrir leurs portes et qu’ils pourront accueillir des jeunes d’ici à juin 2012. Je ne peux toutefois m’empêcher d’avoir quelques doutes à ce sujet. J’insiste surtout sur la formation des professionnels et je demande qu’un bilan soit effectué dès la fin de l’année 2012, afin que nous puissions le cas échéant apporter à ce dispositif les correctifs nécessaires.

publication et mise en œuvre des projets de décrets d'application de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, auteur de la question n° 1518, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

M. Jean-Marie Bockel. Madame la secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur un problème lancinant de mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance.

Le premier projet de décret d’application de cette loi concerne la fixation par le juge de l’exercice du droit de visite dans un espace de rencontre dédié au maintien des liens entre parents et enfants, inscrit aux articles 373-2-1 et 373-2-9 du code civil. Ces lieux permettent notamment aux parents incarcérés de rencontrer leurs enfants.

La non-publication de ce décret est particulièrement préjudiciable au financement de ces espaces, dont les gestionnaires connaissent souvent des difficultés.

En effet, aucune modalité de financement n’ayant été prévue depuis l’adoption de la loi, certains espaces de rencontre ont déjà fermé, quand d’autres ont réduit leur activité ou instauré une liste d’attente, ce qui est vraiment regrettable pour les enfants et les familles concernés. Un dossier famille représente une mesure ordonnée par un juge aux affaires familiales pour six mois, renouvelable une fois ; le cadre juridique est donc très précis.

Les frais de fonctionnement de chaque espace de rencontre devraient être pris en charge conjointement par différents organismes financeurs tels que le ministère de la justice, le ministère des solidarités et de la cohésion sociale, les organismes sociaux et les collectivités territoriales, qui, fort heureusement, sont souvent très impliquées. L’ensemble de ces partenaires sont compétents sous forme d’un « coût mesure » arrêté chaque année.

Sur la base de l’adhésion à son code de déontologie, la Fédération française des espaces de rencontre regroupe 109 des 130 espaces de rencontre existant actuellement en France, répartis sur 62 départements. Elle dispose donc d’une bonne représentativité. En 2008, selon les informations collectées par cette fédération auprès de ses adhérents, 76 des lieux étudiés avaient permis que se réalisent plus de 63 000 rencontres impliquant 12 000 enfants. Ce dispositif, loin d’être marginal, constitue donc un élément essentiel du suivi familial et de la réinsertion future des personnes incarcérées.

Selon une estimation de cette même fédération, le coût total d’une mesure pour un espace de rencontre parents-enfants avoisine les 1 200 euros.

Un second décret d’application de la même loi, relatif aux espaces de rencontre destinés au maintien des liens entre un enfant et ses parents ou un tiers, est également en attente de publication au sein du ministère des solidarités et de la cohésion sociale. Il permettra d’encadrer juridiquement cette activité.

Aussi, je souhaite connaître les mesures que le Gouvernement envisage d’adopter afin de publier et de mettre en œuvre ces décrets d’application, eu égard à la nécessité d’assurer la pérennité de ces espaces de rencontre parents-enfants, dont je peux témoigner qu’ils jouent, à Mulhouse, un rôle essentiel.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser mon collègue Michel Mercier, qui ne peut être présent aujourd’hui au Sénat.

Comme vous l’indiquez, monsieur Bockel, la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance reconnaît aux espaces de rencontre une existence juridique. L’article 373-2-9 du code civil a ainsi été complété par un alinéa qui prévoit que le droit de visite, lorsque l’intérêt de l’enfant le commande, peut être exercé dans un espace de rencontre désigné par le juge.

Les espaces de rencontre sont préconisés dans toute situation où une relation enfants-parents – et/ou l’exercice d’un droit de visite – est interrompue, difficile ou trop conflictuelle.

Ces espaces répondent ainsi à certaines situations de divorce ou de séparation conjugale ou familiale. Les juges aux affaires familiales peuvent être prescripteurs de cette mesure au travers d’une ordonnance ou d’un jugement ; les parents peuvent aussi en être à l’origine.

Ces dispositifs répondent également à des situations de prises en charge dans le cadre d’un placement, suivies par le service social ou le juge des enfants.

Si la plupart de ces services ont un statut associatif, d’autres sont gérés par les caisses d’allocations familiales.

Toutefois, comme vous l’avez précisé, monsieur Bockel, la loi doit être complétée par des textes réglementaires permettant de mieux encadrer le dispositif. Un décret relevant du ministère des solidarités et de la cohésion sociale mettra en place l’encadrement administratif de ces structures. Ce premier texte conditionne la prise d’un second décret relevant, cette fois, du ministère de la justice et des libertés, qui fixera les règles procédurales applicables lorsque le juge aux affaires familiales recourt à ces espaces de rencontre. Le bon fonctionnement du dispositif des espaces de rencontre nécessite que les textes soient publiés en même temps, les deux décrets étant complémentaires.

Les services du ministère des solidarités et de la cohésion sociale ont été sensibilisés quant à l’importance d’avancer rapidement. Nous espérons que ces deux décrets pourront être publiés très prochainement.

En ce qui concerne les difficultés de financement des associations qui gèrent les espaces de rencontre, vous savez qu’elles ne résultent pas d’un désengagement du ministère de la justice et des libertés, monsieur le sénateur. Au contraire, ces dernières années, celui-ci a doublé son effort budgétaire en direction des espaces de rencontre, les crédits étant passés de moins de 1 million d’euros en 2003 à plus de 2,4 millions d’euros aujourd’hui.

Tels sont les éléments de réponse que M. le garde des sceaux m’a chargée de vous apporter, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.

M. Jean-Marie Bockel. Nous n’avons évidemment aucune divergence sur le fond, madame la secrétaire d’État. Au demeurant, nul ne conteste l’intérêt de ces centres.

Le décalage entre l’augmentation du budget du ministère de la justice et le fait que, sur le terrain, les capacités de financement se réduisent s’explique probablement pour partie par l’augmentation du nombre de lieux de rencontre. Ces espaces connaissent en effet un franc succès.

L’on constate également un désengagement de la part de certains organismes sociaux comme la Caisse d’allocations familiales, la CAF, qui est en train de recentrer ses financements – le même problème se pose d’ailleurs dans le domaine de la petite enfance ou dans d’autres secteurs, dans lesquels les collectivités territoriales sont obligées de prendre le relais.

Les départements, qui sont également confrontés à de sérieuses difficultés financières, notamment avec le versement de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, ont aussi parfois tendance à se désengager ou à stabiliser leurs subventions.

En raison de l’augmentation de la charge, et malgré la stabilité des budgets, certaines associations gestionnaires se trouvent en grande difficulté, dans mon département comme ailleurs. Certaines sont même obligées de supprimer des emplois pour éviter le dépôt de bilan. Quant aux collectivités territoriales, dont les budgets sont très contraints, il leur est souvent impossible d’augmenter massivement leur participation.

Les décrets doivent donc paraître. Vous avez affirmé qu’ils seraient bientôt publiés, madame la secrétaire d’État ; je veux bien en accepter l’augure.

Toutefois, les pouvoirs publics doivent également engager un dialogue avec la Fédération, qui dispose d’une bonne vision d’ensemble, sur la manière dont les différents partenaires, et pas seulement l’État, peuvent concrètement assurer le financement de ces espaces de rencontre.

Quoi qu’il en soit, je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État, et j’espère qu’elle nous permettra d’avancer sur un sujet qui devient de plus en plus sensible. On ne peut indéfiniment régler ce genre de problèmes avec la réserve parlementaire ou d’autres moyens d’urgence.

M. le président. Mes chers collègues, avant d’aborder la question suivante, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures dix, est reprise à dix heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

liaison lyon-turin

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, auteur de la question n° 1501, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

M. Jean-Pierre Vial. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la liaison Lyon-Turin aura franchi une étape décisive en 2011, conformément à l’engagement pris par le Président de la République lors de sa venue à Chambéry à l’occasion du cent cinquantième anniversaire du rattachement de la Savoie à la France et réitéré par courrier au mois de juillet 2011.

Monsieur le ministre, la première étape a été constituée par l’accord intervenu entre vous-même et votre collègue italien, le 27 septembre dernier, sur la répartition du financement du tunnel de base.

Dans le prolongement de cet engagement, la Commission européenne a confirmé la liaison Lyon-Turin dans le réseau central de l’Union européenne en s’engageant à rendre éligible le tunnel de base à des financements européens jusqu’à 40 %, soit une majoration par rapport aux engagements antérieurs.

Par ailleurs, conformément également aux engagements du Président de la République, le Gouvernement vient d’engager la procédure tendant à lancer l’enquête publique du tracé Lyon-Sillon alpin–Saint-Jean-de-Maurienne.

Les ouvrages d’accès au tunnel de base, à savoir les tunnels de Chartreuse, de Belledonne et du Glandon, constituent un ensemble indispensable à la liaison Lyon-Turin, permettant le franchissement des Alpes, et l’engagement concret d’une politique de report modal significative.

Ces ouvrages, qui doivent être considérés comme partie intégrante du tunnel de base sur le plan opérationnel, sont éligibles à des financements européens, qui pourraient être sollicités à la même hauteur que le financement du tunnel de base.

Or l’éligibilité de ces ouvrages d’accès aux financements européens nécessite leur intégration à la section internationale au titre de l’avenant au traité de 2001 ou du nouveau traité, qui aurait dû intervenir avant la fin de l’année 2011. Je souhaite donc que vous me confirmiez l’inscription effective de ces trois ouvrages dans la section internationale.

Il s’agit, monsieur le ministre, d’une question essentielle à deux titres.

Elle est tout d’abord essentielle au titre des financements européens. Vous conviendrez que nous avons eu raison, avec quelques-uns, de penser que la Commission européenne était disposée à contribuer fortement à ce projet majeur, et la participation financière, portée à 40 % pour le tunnel de base, le prouve. Il nous faut maintenant faire en sorte que cette participation soit étendue au financement des ouvrages d’accès.

Cette question est également essentielle dans la mesure où le tunnel sous Chartreuse constitue une priorité pour sortir le fret des bords du lac du Bourget et de l’agglomération de Chambéry-Aix-les-Bains et pour offrir à la liaison Lyon-Turin les capacités nécessaires au fret ferroviaire et à l’autoroute ferroviaire.

Or les éléments du dossier de l’enquête publique conduisent à une vraie interrogation, voire à une inquiétude s’agissant du fret ; les informations sont en effet difficilement compréhensibles et pour le moins partielles – elles ne donnent ni les capacités de fret des lignes concernées ni les trafics de fret attendus sur l’étoile chambérienne à l’ouverture du tunnel de base et avant la réalisation de Chartreuse-Belledonne –, quand elles ne sont pas contradictoires avec les positions antérieures de Réseau ferré de France, RFF, notamment celles de 2006.

Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous pourrez nous apporter sur ce dossier important.

M. le président. Monsieur Vial, je vous remercie de cette question à laquelle je suis moi-même très attentif.

La parole est à M. le ministre.

M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Monsieur le sénateur, tout comme vous, je me réjouis des avancées décisives intervenues cet automne sur le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin avec, d’une part, l’accord intervenu le 27 septembre 2011 entre la France et l’Italie sur la répartition du financement du tunnel de base et, d’autre part, la confirmation de l’engagement de l’Union européenne en faveur de cette opération.

S’agissant des accès français, la décision qui a été prise le 10 novembre dernier par Nathalie Kosciusko-Morizet et moi-même confirme le phasage et la consistance des aménagements entre Lyon et le futur tunnel de base franco-italien. Nous avons demandé au préfet de Savoie, préfet coordonnateur de l’enquête publique, le lancement de celle-ci dans les meilleurs délais. Ce lancement est intervenu le 16 janvier dernier, ce dont je me réjouis.

Dans le cadre de la révision de sa politique des transports, la Commission européenne a par ailleurs souhaité donner un signal fort en faveur de la réalisation des projets transfrontaliers, nécessaires à la construction effective du réseau européen performant et structurant qu’elle appelle de ses vœux, en majorant son soutien aux projets transfrontaliers. La Commission européenne a ainsi proposé le projet de liaison ferroviaire entre Lyon et Turin comme projet devant figurer dans le futur réseau central des réseaux transeuropéens de transport, en cours de refonte, et confirmé son soutien à cette opération.

Je vous assure qu’une grande partie des accès français au tunnel de base, en particulier les tunnels de Chartreuse, de Belledonne et du Glandon, figurent bien parmi les ouvrages de la section internationale de la liaison Lyon-Turin définie dans le nouvel accord international, que je signerai d’ailleurs avec mon homologue italien lundi prochain, à Rome.

À ce titre, les États français et italiens chercheront à obtenir, le moment venu, les financements communautaires les plus élevés possible, compte tenu de la dimension internationale de cette opération majeure qui porte pour nous tous de grandes ambitions pour l’avenir du transport de marchandises dans les Alpes.

Enfin, nous sommes, vous l’avez compris, totalement sensibilisés à cette problématique du fret ferroviaire. La liaison Lyon-Turin est un projet emblématique du report modal que nous voulons opérer vers le fer. À cet égard, il convient de rappeler que le trafic routier qui emprunte aujourd’hui les grands tunnels entre la France et l’Italie effectue en majorité des trajets de plus de 500 kilomètres. Il entre donc pleinement dans le domaine de pertinence du mode ferré et de la liaison Lyon-Turin, dès lors que nous aurons réussi à offrir à ce mode un itinéraire performant, ce que nous nous employons avec conviction à faire avec nos partenaires italiens.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.

M. Jean-Pierre Vial. Monsieur le ministre, je note avec une grande satisfaction les avancées et les décisions prises ces derniers mois, particulièrement s’agissant de la section commune du tunnel de base.

Vous venez de rappeler que la liaison Lyon-Turin porte de grandes ambitions pour le fret ferroviaire. Il s’agit du cœur du projet. Maintenant que l’accord a abouti sur le tunnel de base, la principale question concerne les accès français : quelle solution de phasage retenir pour alimenter correctement et efficacement l’ouvrage international dès sa mise en service, en prenant en compte les enjeux des territoires ?

L’enquête publique qui vient d’être engagée sera décisive, en considérant les possibilités financières de l’Europe pour un accompagnement substantiel de ce projet, qui devra répondre aux critères du futur réseau central européen.

Monsieur le ministre, je vous remercie de vos propos s’agissant de ce volet de l’engagement et de l’ambition à laquelle devra répondre ce futur réseau en matière de fret : ils me satisfont pleinement.

Je vous remercie par avance de veiller à ce que les décisions d’échelonnement des différents ouvrages répondent aux priorités que sont les ambitions économiques et écologiques de la liaison Lyon-Turin. En revanche, tant les élus que les populations des territoires concernés s’interrogent aujourd'hui – je vous le dis du fond du cœur et en toute transparence –, l’enquête publique et l’ambition que vous affichez leur paraissant en légère contradiction avec les informations données actuellement par RFF.

Quoi qu’il en soit, je remercie le Gouvernement de sa détermination, et je compte beaucoup sur l’attention qu’il portera aux conclusions de l’enquête publique qui vient d’être engagée.

M. le président. Monsieur le ministre, nous comptons sur votre vigilance.

avenir du chu charles-nicolle de rouen

M. le président. La question n° 1530, adressée par M. Thierry Foucaud à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, est retirée de l’ordre du jour.

situation de l'hôpital max-querrien de paimpol

M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, auteur de la question n° 1571, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

M. Ronan Kerdraon. Monsieur le ministre, je souhaitais interroger M. le ministre de la santé sur les vives inquiétudes qui entourent l’avenir de l’hôpital Max-Querrien de Paimpol et sur la situation catastrophique de l’établissement, tant sur le plan social que sur le plan de l’offre de soins.

Après la fermeture de la maternité voilà quelques années, l’hôpital s’est vu contraint, le 1er janvier 2011, de stopper son activité de chirurgie par l’Agence régionale de santé, celle-ci estimant que les 1 200 actes assurés annuellement par l’établissement n’étaient pas suffisants pour maintenir son bloc opératoire. Trente-six lits d’hospitalisation ont ainsi été fermés, entraînant du même coup la disparition d’une partie substantielle des ressources de l’hôpital et un profond déséquilibre du budget de fonctionnement de ce dernier.

Depuis cette décision, les signaux et les bruits de couloir préoccupants se sont multipliés avec, notamment, la rumeur lancinante que le pôle radiologie du centre hospitalier pourrait être amené à fermer, faute d’équipement suffisant.

Cette rumeur a été démentie, mais nous venons d’apprendre la suppression de vingt-cinq emplois, dont douze postes d’aide-soignante accompagnés de départs à la retraite non remplacés, annonce qui a suscité localement une véritable levée de boucliers. C’est ainsi que, mercredi dernier, près de 400 personnes ont manifesté devant les portes de l’établissement.

Cette mobilisation n’est pas un épiphénomène. Elle s’inscrit dans la durée : tout au long de l’année 2011, les personnels, les syndicats et les élus locaux, en particulier ma collègue députée Corinne Erhel, se sont très largement investis en demandant des garanties sérieuses quant à la pérennité de l’établissement.

Une pétition, rassemblant 2 000 signatures et 18 conseils municipaux, a également été établie, prouvant, s’il en était besoin, le grand attachement de la population au maintien d’un établissement public de santé fort et actif dans ce secteur des Côtes d’Armor.

Plus globalement, c’est l’organisation du système hospitalier, découlant de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, la loi HPST, qui suscite ces nombreuses interrogations.

Les acteurs locaux craignent en effet que la coopération sanitaire développée entre les hôpitaux de Lannion, de Paimpol et de Saint-Brieuc, couplée aux objectifs de rentabilité et à la concurrence exacerbée avec les établissements privés, ne finisse par avoir raison de l’un des trois établissements. C’est une perspective qui s’avérerait particulièrement funeste et pénalisante pour les patients, compte tenu de l’éloignement géographique entre ces trois sites...

Engagé depuis plusieurs années dans sa restructuration, le centre hospitalier Max-Querrien a développé tous les efforts possibles pour assurer à la fois sa pérennité et son avenir. C’est ainsi qu’un redéploiement du projet hospitalier a été élaboré par les élus, la direction, la communauté médicale et les partenaires sociaux, au début de l’année 2011.

Aujourd’hui, il est primordial de conforter l’établissement en y investissant les moyens nécessaires pour assurer durablement son bon fonctionnement. C’est la question de l’égal accès aux soins de qualité qui est ici en jeu.

Monsieur le ministre, je souhaite donc connaître la position du Gouvernement quant à l’avenir de l’hôpital Max-Querrien de Paimpol.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Monsieur le sénateur, le centre hospitalier de Paimpol a fait évoluer son offre de soins en complémentarité avec les autres hôpitaux du territoire de santé, en particulier avec le centre hospitalier de Saint-Brieuc, afin de maintenir une offre de proximité reconnue et adaptée aux besoins de la population.

La cessation de l’activité chirurgicale a donné lieu à une réorganisation importante des activités de soins de l’établissement, notamment par la transformation des capacités de chirurgie en deux secteurs de prise en charge de soins de suite et de réadaptation, ou SSR, spécialisés – dix lits de SSR post-chirurgicaux et dix lits de SSR plaies chroniques –, permettant ainsi de mettre en place une prise en charge attendue et jusque-là insuffisante sur ce bassin.

Dans cette même logique et dans le cadre des orientations du projet médical du territoire n° 7 – territoire dans lequel est implanté le centre hospitalier de Paimpol –, vingt lits de SSR cardiovasculaires seront installés courant 2012, Paimpol étant le site de référence du territoire sur l’activité de SSR cardiovasculaire.

Contrairement à ce que vous indiquez, l’État, par le biais de l’Agence régionale de santé, l’ARS, accompagne fortement ces importantes recompositions depuis plus d’un an, au niveau tant du soutien financier et de l’appui à la gestion du dialogue social que de l’accompagnement au pilotage.

Ainsi, afin de répondre aux difficultés financières importantes du centre hospitalier de Paimpol, dues aux résultats antérieurs ainsi qu’à la période de transition entre, d’une part, la fermeture du bloc opératoire et la cessation de l’activité chirurgicale et, d’autre part, la montée en charge du nouveau projet médical, l’État a alloué un total de près de 3 millions d’euros au centre hospitalier, dont une partie de crédits pérennes – dotations affectées à l’activité des SSR – afin d’accompagner son développement d’activité. Un encadrement au moyen d’un contrat de retour à l’équilibre est également en cours.

Par ailleurs, il est important de rappeler que le centre hospitalier a bénéficié en 2011 d’un soutien des crédits du Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés, volet ressources humaines. Ainsi, l’ARS a attribué environ 100 000 euros afin de permettre à l’établissement de gérer au mieux les enjeux de reconversions liées aux évolutions du projet médical.

De même, l’ARS a enfin rencontré à plusieurs reprises les partenaires sociaux de l’établissement en 2011, afin de pouvoir échanger sur l’avancée de la mise en œuvre du projet médical et sur les incidences sur le climat social de l’établissement. Vous constaterez donc que, avec ces crédits supplémentaires, nous sommes bien loin du désengagement que vous tentez de dénoncer !

M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.

M. Ronan Kerdraon. Monsieur le ministre, je ne suis que le porte-parole et le relais à la fois de la population, des élus et des professionnels qui constatent ce désengagement. Et ce n’est pas la réponse que vous venez de nous faire qui les rassurera !

En moins d’un an, je le rappelle, c’est la énième décision de restructuration qui a été prise sans garantie que ce soit la dernière.

Dès lors, quel crédit peut-on accorder à cette décision, qui pénalise également lourdement le personnel non médical ?

Quel crédit accorder également à l’ampleur du plan social, ampleur tenant tant à l’importance de la réduction des effectifs qu’à l’impact de ce plan, qui pénalise aujourd'hui toutes les catégories professionnelles ?

J’entends ce que vous dites, monsieur le ministre : l’État a, semble-t-il, investi ; mais allez-vous enfin entendre et respecter la décision du conseil de surveillance, qui avait clairement refusé toute direction commune entre les centres hospitaliers de Saint-Brieuc et de Paimpol ?

sécurité juridique des réserves de substitution d'eau

M. le président. La parole est à M. Michel Doublet, auteur de la question n° 1502, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

M. Michel Doublet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite vous faire part de la situation ubuesque que connaît l’Association syndicale autorisée d’irrigation, l’ASAI, regroupant douze agriculteurs, qui se retrouve privée de l’utilisation de réserves de substitution d’eau à la suite de l’annulation de l’autorisation de création des réserves par la juridiction administrative.

Le projet de création de cinq réserves d’eau situées dans le nord-est du département de la Charente-Maritime, esquissé dès 1997, a nécessité, pour son aboutissement, d’importantes études hydrogéologiques, techniques et environnementales.

L’étude d’impact réalisée en novembre 2006 avait fait ressortir des effets positifs sur l’environnement : prélèvements en période de hautes eaux visant à diminuer la pression exercée en été sur la nappe phréatique et les rivières, amélioration de l’écoulement des eaux de surface avec des effets induits pour le milieu en aval, c'est-à-dire sur le marais poitevin, ainsi qu’une meilleure gestion des apports d’eau pour l’irrigation.

La réalisation de ces cinq réserves, dont le coût a été estimé à 5,3 millions d’euros hors taxes, a bénéficié d’un cofinancement : à hauteur de 37 % pour les exploitants agricoles, de 25 % pour les agences de l’eau, de 17 % pour le conseil général et de 18 % pour l’État.

Ce projet a reçu les autorisations administratives nécessaires : arrêté préfectoral du 19 mars 2008, permis d’aménager en 2008 et permis modificatif en 2009.

À la suite d’une saisine contentieuse d’associations environnementales, l’arrêté d’autorisation de création de réserves d’eau a été annulé par le tribunal administratif en janvier 2010, au motif qu’il manquait un document dans l’étude d’impact, en l’occurrence l’inventaire de la faune.

Or, lorsque la juridiction administrative a rendu sa décision, les travaux étaient en cours d’achèvement. Malgré cette décision, la préfecture de la Charente-Maritime a enjoint l’ASAI d’achever les travaux et de mettre en eau le fond pour tenir la bâche, tout en n’autorisant pas le remplissage total des réserves, alors que les professionnels ayant réalisé lesdits travaux avaient conseillé aux propriétaires de remplir la réserve pour protéger la membrane et éviter tout dégât à la bâche, au risque de rendre le dispositif non opérationnel. L’ASAI a donc rempli les réserves pendant l’hiver, en informant les services de l’État.

Considérant la situation de déficit hydrique au printemps 2011, l’ASAI a demandé au préfet de la Charente-Maritime l’autorisation d’utiliser l’eau des réserves, demande qui a été refusée. Toutefois, pour sauver leurs exploitations, les agriculteurs ont décidé de passer outre à ce refus et ont utilisé l’eau. Les services du département de la Charente-Maritime n’ont donc pas eu d’autre choix que de verbaliser, même si d’aucuns reconnaissent la situation ubuesque. Les réserves contenant de l’eau, pourquoi ne pas autoriser l’irrigation à titre temporaire ?

Aujourd’hui, l’ASAI ne peut pas déposer de déclaration de fin de travaux, un document qui conditionne le versement des dernières subventions de l’agence de l’eau et du conseil général de la Charente-Maritime.

La part des douze agriculteurs concernés représente un emprunt de 1,9 million d’euros, dont le remboursement doit intervenir en décembre 2012. Sans autorisation provisoire d’utilisation pour 2012, la situation financière des agriculteurs sera catastrophique.

Je tiens à préciser que les agriculteurs se sont engagés depuis plusieurs années dans une agriculture plus respectueuse de l’environnement et moins consommatrice en eau. Ils sont conscients que la sobriété dans l’utilisation de cette précieuse ressource sera de mise dans les années à venir.

Les futurs projets de réserves d’eau dans notre département seront plus modestes. Toutefois, le projet dont je parle aujourd’hui existe et il faut donc trouver une solution viable pour les agriculteurs qui ont lourdement investi.

Le plan d’adaptation de la gestion et des soutiens à la création de volumes va dans le bon sens, mais il faudrait qu’il soit rapidement mis en œuvre.

Je me félicite de la disposition introduite par l’Assemblée nationale dans le cadre de la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives, visant à permettre aux chambres d’agriculture de se porter maître d’ouvrage pour les projets de retenues d’eau ayant pour finalité l’irrigation agricole.

Aussi, monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous mettre en œuvre pour sécuriser juridiquement la réalisation des retenues d’eau, dont les montages sont particulièrement complexes, pour encadrer les délais d’instruction, pour limiter les délais de recours, pour permettre aux exploitants l’utilisation de l’eau en réserve au moins à titre provisoire et pour simplifier la complexité réglementaire, dont la rigidité empêche toute approche pragmatique des situations locales.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Monsieur le sénateur, je vous demande tout d’abord de bien vouloir excuser Bruno Le Maire, actuellement retenu, qui m’a chargé de vous répondre.

Vous avez interrogé le ministre de l’agriculture sur les mesures que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour sécuriser juridiquement la réalisation des retenues d’eau, dont les montages sont particulièrement complexes, et limiter les délais de recours, sachant que les nuisances éventuelles ont été évaluées par les études préalables d’incidence.

Ces difficultés ont été clairement identifiées et ciblées dans le plan de création de retenues d’eau sur cinq ans, annoncé par le Président de la République, le 9 juin 2011, à l’occasion d’un déplacement en Charente. L’objectif est de mieux assurer l’équilibre entre besoins d’irrigation et ressources.

Ce plan prévoit de confier la maîtrise d’ouvrage de ces retenues aux chambres d’agriculture, dont les compétences seront étendues à cet effet, et de réexaminer les délais de recours, afin de sécuriser juridiquement les conditions de leur mise en place.

Parallèlement, dans les zones où des tensions fortes existent sur la ressource en eau, l’implantation de cultures plus économes en eau sera encouragée. Pour ces zones, le Président de la République a ainsi fixé un objectif de développement de 14 000 hectares d’ici à cinq ans.

Nathalie Kosciusko-Morizet et Bruno Le Maire ont décliné concrètement ce plan en novembre dernier à l’occasion d’une réunion du Comité national du développement durable et du Grenelle de l’Environnement.

Les modifications législatives requises pour faciliter la maîtrise d’ouvrage des retenues d’eau sont soumises à l’examen du Parlement. Sur un plan réglementaire, un décret portant sur la suppression des possibilités de recours une fois les retenues mises en service est en cours de signature. Une réflexion est parallèlement conduite pour clarifier le cadre réglementaire applicable à ces retenues.

Les préfets ont été localement sensibilisés pour activer la mise en œuvre du plan et le Gouvernement a engagé les agences de l’eau à accompagner le financement des retenues.

Monsieur le sénateur, l’ensemble de ces actions devraient permettre de lever les inquiétudes que vous avez exprimées et de simplifier le cadre applicable à la construction de tels ouvrages.

M. le président. La parole est à M. Michel Doublet.

M. Michel Doublet. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réponse.

Toutefois, je souligne que ces réserves d’eau sont actuellement toujours bloquées. Aussi souhaiterais-je que le plan que vous venez d’évoquer soit rapidement mis en place, afin de mettre un terme à la situation épouvantable que j’ai qualifiée d’« ubuesque » : les agriculteurs se retrouvent vraiment confrontés à de graves difficultés.

chute du prix du blé

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, auteur de la question n° 1508, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le département dont je suis l’élu compte une cinquantaine de producteurs de blé. Aussi, la chute des cours mondiaux du prix de la tonne de blé en dessous des coûts de production français met à mal les perspectives financières de ces entreprises agricoles.

Après s’être redressé pendant dix-huit mois jusqu’à l’été 2011, le cours des céréales a fortement chuté depuis l’automne. La cotation de référence est même retombée en octobre dernier en dessous de 180 euros par tonne, un niveau inacceptable pour les producteurs. Avec le transport et la marge de l’organisme collecteur à déduire, le producteur ne percevait plus que 150 à 160 euros par tonne. Il s’agit d’un niveau de prix équivalant à celui d’il y a trente ans, en monnaie courante, bien entendu.

Or l’observatoire Arvalis-Unigrains a estimé le coût moyen de production du blé à 221 euros la tonne pour la récolte 2011, un prix auquel il faut retirer en moyenne 40 euros par tonne au titre des aides pour obtenir le prix minimum de marché permettant au producteur de dégager un résultat positif, soit 180 euros la tonne.

Depuis quelques semaines, le marché mondial très volatil des cours des céréales renoue avec une très légère hausse, atteignant le cours fatidique des 195 euros la tonne, un niveau qui permet aux producteurs de percevoir le minimum nécessaire pour leur exploitation. Toutefois, les chiffres parlent d’eux-mêmes et l’inquiétude reste tangible.

La chute des prix qui a été causée hier par les énormes récoltes en Ukraine et Russie, exportables avec des bateaux qui viennent décharger leurs céréales dans les ports d’une Union européenne qui a démantelé tous ses instruments de gestion des marchés, sera suivie de nouvelles contraintes.

L’Union européenne est actuellement en discussion avec l’Ukraine pour signer un accord de libre-échange qui porterait sur un total de quelque 2 millions de tonnes de céréales – blé, orge et maïs –, au détriment des tarifs français.

La PAC 2014–2020 fait, certes, la part belle à de nombreuses mesures qualitatives, mais elle fait l’impasse sur un soutien au marché.

Le législateur français et le Gouvernement vont-ils fermer les yeux sur l’extinction d’une profession qui fournit la demande nationale et produit 35 millions de tonnes de blé ? Depuis vingt ans, avec le démantèlement des outils de gestion du marché, la France a perdu son marché naturel, le marché commun européen, et doit se reporter vers les pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.

En vingt-cinq ans, on a vu disparaître la culture des protéines végétales en France, alors que celles-ci ont d’excellentes vertus environnementales. Brisée par les lois du marché, nous l’avons remplacée par des productions d’importation américaines contestables tant par leur délocalisation que par le dramatique bilan carbone des cargos transatlantiques ou par les cultures intensives sous OGM qui nourrissent aujourd’hui 100 % de notre bétail.

De même, aujourd’hui, les nouveaux exportateurs de blé font du dumping économique et social et bradent les prix, ce qui réduit considérablement les parts de marché des céréaliers français. Par contrecoup, les éleveurs sont également défavorisés. Toute la chaîne ne cesse d’être dérégulée. Quel pays émergent fournira demain le blé à nos boulangers ?

Les amplitudes de variation des prix soumises aux aléas spéculatifs, énergétiques et climatiques rendent difficile toute prévision d’investissement et de lisibilité économique pour les producteurs français.

Pour conclure, je souhaite qu’il me soit confirmé que l’une des missions essentielles assignées par le traité de Lisbonne à la PAC d’« assurer ainsi un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l’agriculture, de stabiliser les marchés et d’assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs » est toujours d’actualité et reste bien au cœur de nos négociations ?

Monsieur le ministre, que compte faire le Gouvernement pour protéger durablement la viabilité de nos céréaliers, leurs exportations vers les pays les plus proches, pour réguler la rentabilité des productions françaises et, éventuellement, pour soutenir nos prix de vente du blé ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Monsieur le sénateur, je vous demande également de bien vouloir excuser l’absence de Bruno Le Maire, qui m’a demandé de répondre à sa place.

Vous avez interrogé le ministre de l’agriculture sur la chute des cours du blé et ses conséquences, notamment sur les exploitants indépendants particulièrement touchés. Cette situation constitue une preuve supplémentaire de la nécessité de préserver des instruments de régulation de nos marchés agricoles, au service, comme vous l’avez souligné, du revenu de nos agriculteurs.

Cette régulation constitue la pierre angulaire de la position défendue par la France dans la perspective de la réforme à venir de la PAC.

Depuis l’appel de Paris du 10 décembre 2009, nous avons su ramener ce thème au cœur du débat européen : la position commune franco-allemande sur l’avenir de la PAC de l’après-2013, tout comme le compromis trouvé sur le « paquet lait », le 7 décembre dernier, en témoigne.

Face aux mouvements erratiques que connaissent les cours des matières premières agricoles, notamment le blé, nous devons pouvoir nous appuyer sur des instruments d’intervention sur les marchés modernisés et plus réactifs. La proposition législative relative à la réforme de la PAC, présentée par la Commission européenne le 12 octobre dernier, fait droit à cette demande de la France, sur laquelle une majorité de nos partenaires nous ont d’ailleurs aujourd'hui rejoints.

C’est pourquoi le Président de la République a fait de la lutte contre la volatilité des marchés agricoles une priorité de la présidence française du G20 : elle est au cœur du plan d’action adopté à cette occasion.

Concernant la négociation en cours d’un accord de libre-échange avec l’Ukraine, je rappelle que le secteur des céréales a été identifié dès le lancement de la négociation, en 2009, comme étant particulièrement sensible à l’octroi de préférences commerciales à ce partenaire.

Cette négociation entre à présent dans sa phase finale. En l’état actuel des discussions, le blé, le maïs et l’orge devraient faire l’objet de contingents spécifiques d’importation à destination de l’Union européenne. Pour le blé, le contingent attribué est proche des flux observés pour la période 2005-2007. Les préférences octroyées à l’Ukraine ne sont donc pas a priori de nature à déstabiliser le marché européen.

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réponse.

Tous les éléments de réglementation de nature à entraîner une plus forte régulation des marchés mondiaux sont évidemment essentiels, et le rôle de la France en la matière ne peut être que majeur eu égard à l’importance du marché du blé pour notre pays.

M. le président. Mes chers collègues, nous avons pris un peu d’avance sur l’horaire prévu ; nous allons donc interrompre nos travaux quelques instants en attendant l’arrivée de M. le ministre chargé des collectivités territoriales.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures quarante-cinq, est reprise à dix heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

contentieux sur l’article 7-1 de la convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963

M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa, auteur de la question n° 1511, adressée à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

M. Christophe-André Frassa. Monsieur le ministre, avec cette question, je souhaitais rappeler à Mme le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État qu’un contentieux oppose depuis de nombreuses années les contribuables français de Monaco nés, travaillant et résidant en Principauté à l’administration fiscale française sur l’application qui leur est faite de l’article 7-1 de la convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963.

Cet article dispose que « Les personnes physiques de nationalité française qui transporteront à Monaco leur domicile ou leur résidence – ou qui ne peuvent pas justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962 – seront assujetties en France à l’impôt sur le revenu des personnes physiques et à la taxe complémentaire dans les mêmes conditions que si elles avaient leur domicile ou leur résidence en France. »

Ce contentieux porte principalement sur l’interprétation de la notion de transfert du domicile ou de la résidence.

Un arrêt du 1er septembre 2009 de la cour administrative d’appel de Marseille a établi que les Français nés à Monaco et qui y ont toujours résidé n’ont jamais transféré leur domicile ou leur résidence à Monaco et ne peuvent donc pas être imposés sur le fondement de l’article 7-1.

Ainsi, la cour ne dissocie pas les deux membres d’une même phrase comme le fait l’administration fiscale, mais comprend l’article 7-1 globalement et subordonne donc l’exigence de cinq années de résidence à Monaco au 13 octobre 1962 à l’existence d’un transfert réel du domicile en Principauté.

Cette exigence ne peut par conséquent pas jouer pour les personnes qui, nées à Monaco, n’y ont jamais transféré leur domicile ou leur résidence.

L’arrêt n’est fondé que sur ce seul moyen, les autres moyens que le requérant avait fait valoir, notamment ceux qui sont tirés de sa double nationalité, n’ont pas été examinés par la cour ainsi qu’il est écrit dans l’arrêt : « Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ».

Or, par la suite, l’administration fiscale, par une instruction du 6 avril 2010, a adopté une position inverse à celle de la cour administrative d’appel de Marseille, en ne conférant pas de caractère jurisprudentiel à cet arrêt.

Bien au contraire, l’administration fiscale arguait que l’espèce en cause présentait à juger la situation d’une personne qui, de père italien et de mère française, possédait depuis sa naissance la double nationalité française et italienne.

Depuis, des contribuables uniquement Français ont introduit des requêtes devant le tribunal administratif de Nice tendant à obtenir la décharge des cotisations de l’impôt sur le revenu sur le seul fondement que la naissance à Monaco n’équivaut pas à un transfert de domicile ou de résidence.

Ces requêtes, jusqu’à ce jour, ont toutes obtenu gain de cause.

Je vous précise que, pour autant, l’administration fiscale a fait appel de ces jugements du tribunal administratif de Nice et le contentieux est actuellement pendant devant la cour administrative d’appel de Marseille.

Sans préjuger les jugements à venir au sein de cette cour, on ne peut imaginer un instant qu’ils affirmeront une position contraire à celle qu’elle avait elle-même établie dans son arrêt du 1er septembre 2009.

Monsieur le ministre, je souhaiterais savoir si, une fois toutes les voies de recours épuisées et le Conseil d’État ayant statué en dernier ressort, l’administration fiscale modifiera enfin sa position et reconnaîtra que les Français nés, travaillant et résidant à Monaco n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 7-1 de la convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur Christophe-André Frassa, je vous prie d’excuser l’absence ce matin de Valérie Pécresse, qui ne pouvait être présente pour vous répondre et qui m’a donc chargé de vous transmettre la réponse qu’elle avait prévu de vous apporter.

Tout d’abord, je tiens à vous rappeler la position qui a toujours été celle du Gouvernement sur l’interprétation de l’article 7-1 de la convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963, qui assujettit à l’impôt sur le revenu en France, de la même manière que si elles y avaient leur domicile, les personnes de nationalité française résidant à Monaco depuis une date postérieure au 13 octobre 1957.

Ainsi, le gouvernement français a, depuis l’origine, considéré que cette stipulation vise toutes les personnes qui ne peuvent justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962, que l’événement générant cette situation soit le transport du domicile ou la naissance à Monaco postérieurement au 13 octobre 1957.

Du fait des ambiguïtés nées de la décision de la cour administrative d’appel de Marseille du 1er septembre 2009 que vous évoquez, des Français nés à Monaco après 1957 ont contesté cette lecture de la convention fiscale de 1963.

En réponse, l’administration a précisé la portée qu’elle conférait à l’arrêt de la cour d’appel de Marseille et confirmé son interprétation dans une instruction fiscale du 6 avril 2010, n° 14 B-1-10. Cette instruction a fait l’objet d’une quarantaine de recours en excès de pouvoir devant le Conseil d’État.

Par décision en date du 2 novembre 2011, le Conseil d’État a rejeté le premier de ces recours. D’autres arrêts dans le même sens ont été rendus à la suite de celui-ci.

Monsieur le sénateur, la Haute Assemblée a ainsi pleinement confirmé l’analyse de l’administration fiscale et la légalité de l’instruction attaquée. Elle a considéré « qu’il résulte des dispositions de l’article 7-1 de la convention fiscale franco-monégasque que les personnes physiques de nationalité française sont assujetties en France aux impositions qu’elles mentionnent dans les mêmes conditions que si ces personnes avaient leur domicile ou leur résidence en France, soit lorsqu’elles transportent à Monaco leur domicile ou leur résidence, soit lorsqu’elles ne peuvent justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962, ce qui est le cas si elles sont nées à Monaco, après la date marquant le point de départ de cette période de cinq ans ».

Ces décisions privent dès lors de tout fondement l’analyse développée par la cour administrative de Marseille dans son arrêt du 1er septembre 2009 et l’ensemble des réclamations contentieuses en cours.

Telle est, monsieur le sénateur, la réponse que souhaitait vous faire Mme la ministre Valérie Pécresse.

M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa.

M. Christophe-André Frassa. Je vous remercie, monsieur le ministre, des éléments de réponse que vous venez d’exposer devant notre assemblée.

Cependant, je le regrette une fois de plus, depuis quarante-neuf ans que la convention fiscale dont il est question, unique en son genre, lie la France à la principauté de Monaco, les différents gouvernements de la République française se sont toujours contentés d’être les porte-parole – veuillez excuser ce terme – de l’administration fiscale.

Cette dernière, il faut le reconnaître, n’a pas de vision politique des problèmes. Elle n’a qu’une vision comptable des enjeux. Or, et c’est là tout le problème, une présence française forte en principauté de Monaco nécessite une position politique et, donc, une solution politique.

Lorsque je suis né à Monaco, en 1968, la communauté française représentait 57 % de la population totale de Monaco. Aujourd’hui, elle en constitue moins du quart. C’est le seul pays d’Europe où la communauté française diminue, alors que nulle guerre, nulle crise économique ou autre événement majeur n’y est intervenu. Il y a donc bien là un problème d’ordre politique !

Il appartient aujourd’hui au politique, c'est-à-dire à nous-mêmes, de trouver la solution qui permettra de conserver une communauté française à Monaco, afin d’y assurer la présence de notre pays.

Comme le disait le général de Gaulle, les politiques décident, et les fonctionnaires fonctionnent. À nous de le démontrer !

avenir des salariés de l'entreprise prevent glass en seine-et-marne

M. le président. La parole est à M. Vincent Eblé, auteur de la question n° 1523, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

M. Vincent Eblé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette période de crise, nos PME sont particulièrement exposées, notamment dans le secteur industriel, où l’interpénétration des circuits financiers et le resserrement des crédits ont des répercussions très graves sur l’économie française et singulièrement sur l’emploi.

L’Île-de-France et, en particulier, la Seine-et-Marne, dans le sud de son territoire, ont connu ces dernières années un phénomène de désindustrialisation très fort, accompagné d’immenses difficultés de reconversion, dont la conséquence a été la perte de plus de 1 000 emplois.

Face à cette situation préoccupante, les différents acteurs de l’emploi et de l’économie, et en premier lieu l’État, la région et le département, se sont regroupés, dès 2006, afin d’unir leurs moyens en créant un groupement d’intérêt public, le GIP Sud Seine-et-Marne, dénommé « Plateforme de revitalisation et de développement du sud Seine-et-Marne ».

Cette structure a permis des réalisations significatives, insufflant sur le sud de ce département un élan positif au regard de la pérennisation de certaines PME et des emplois qu’elles engendrent.

Néanmoins, le placement en redressement judiciaire, le 21 novembre 2011, de la société Prevent Glass, située à Bagneaux-sur-Loing, par le tribunal de commerce de Melun, ravive l’inquiétude, notamment sur l’avenir de ses 219 salariés.

Monsieur le ministre, je sollicite votre intervention, afin que l’État puisse flécher les fonds nécessaires à la survie de l’entreprise et à la préservation de tous les emplois de Prevent Glass, via notamment la mobilisation de fonds de revitalisation de l’ancien GIP Sud Seine-et-Marne, car l’État, semble-t-il, continue de les gérer, malgré la dissolution formelle de ce GIP.

La création d’un pacte pour l’emploi entre la région, le département et les collectivités locales est actuellement à l’étude. Il serait souhaitable que l’État y apporte son concours.

Enfin, il me paraît indispensable, dans l’intérêt de ces salariés du sud seine-et-marnais, que les services de l’État se mettent à la disposition de l’entreprise, pour lui permettre de s’inscrire dans tous les dispositifs existants, afin de sauvegarder son activité, et l’aider à retrouver des repreneurs potentiels.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, l’entreprise Prevent Glass, qui emploie, à Bagneaux-sur-Loing, 219 salariés, dont le savoir-faire est reconnu dans la production de verres automobiles, connaît des difficultés depuis plusieurs années.

Prevent Glass a enregistré des pertes, en dépit de réorganisations majeures et, notamment, de la conduite d’un important plan d’investissement et de formation, cofinancé en 2005 par le Fonds social européen, le FSE, et le Fonds national de l’emploi, le FNE, pour adapter l’outil de production. Face à ces pertes, le groupe a décidé, l’été dernier, de vendre l’entreprise.

En novembre 2011, Prevent Glass a été cédé au fonds d’investissement International corporation investissement, ICI, qui a engagé des négociations avec Volkswagen, principal client de l’entreprise, afin d’obtenir une hausse des prix des produits vendus. L’échec de ces négociations a conduit ICI à se retirer du projet et à ouvrir une procédure collective.

Nous ne pouvons que déplorer que le repreneur n’ait pas mieux construit son projet industriel, en s’assurant préalablement des marges de manœuvre de son principal client.

Depuis lors, l’État s’est mobilisé pour soutenir financièrement l’entreprise et rechercher un repreneur.

Un groupe verrier turc a déclaré son intérêt pour ce site. Des discussions sont actuellement en cours, sous l’égide de l’Agence française pour les investissements internationaux, l’AFII, qui a été spécialement mandatée pour trouver un repreneur.

Le préfet de Seine-et-Marne suit également de très près, à la demande du Gouvernement, la situation de cette entreprise. C’est pourquoi je vous confirme que l’État orientera, si besoin, tout repreneur vers les dispositifs d’aide à l’investissement, comme la prime d’aménagement du territoire ou le financement d’un plan de formation lié à l’adaptation des salariés à de nouvelles activités, dont, notamment, la production de verre pour le solaire, qui bénéficie d’un marché en pleine expansion.

Soyons clairs : notre but est de sauver l’activité et l’emploi à Bagneaux-sur-Loing. Croyez-le bien, monsieur le sénateur, conformément à vos souhaits, le Gouvernement est totalement mobilisé pour y parvenir.

M. le président. La parole est à M. Vincent Eblé.

M. Vincent Eblé. Monsieur le ministre, j’entends bien la réponse circonstanciée que vous nous faites. Je prends acte de la mention relative à la mobilisation de la prime d’aménagement du territoire. Cette PME, dans un territoire francilien éloigné des dynamiques du cœur de métropole, doit absolument bénéficier de cette prime.

Finalement, la situation est assez particulière, dans la mesure où la taille encore modeste de cette entreprise ne lui permet pas forcément de bénéficier des dispositifs orientés vers les grands groupes internationaux. En matière de politique industrielle, nous ne devons surtout pas oublier les milliers de PME et TPE victimes de la baisse de l’activité industrielle. La situation de l’entreprise Prevent Glass en est la douloureuse illustration.

Force est de le constater, notre pays manque d’une politique industrielle forte, les actes ne suivant pas souvent les déclarations. En l’occurrence, il faut agir pour soutenir notre activité industrielle et nos salariés.

L’ensemble des acteurs de cette entreprise, les forces vives de ce territoire et les élus sont extrêmement attentifs, singulièrement à notre échange, monsieur le ministre, cette question orale étant bien évidemment très attendue. Nous espérons que la société que vous avez évoquée, la Sisecam, confirmera son intention de reprendre Prevent Glass, car rien n’est encore définitif aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, nous restons très vigilants et comptons sur l’État pour accompagner cette reconversion.

validité du protocole d'accord relatif à la réforme de la filière des sapeurs-pompiers professionnels

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, auteur de la question n° 1537, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question orale reprend les questions orales posées par plus d’une dizaine de parlementaires depuis le mois d’octobre dernier et restées sans réponse à ce jour. Elle concerne en effet la validité du protocole d’accord relatif à la réforme de la filière des sapeurs-pompiers professionnels.

Ce protocole est l’aboutissement d’une réflexion qui a réuni, au cours de l’été dernier, d’une part, les services de l’État et, d’autre part, quelques organisations syndicales et une association regroupées sous le nom de « Dynamique des acteurs de la sécurité civile ». Le 23 septembre dernier, lors du congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, le protocole a été officiellement signé par le ministre de l’intérieur, les secrétaires de quatre organisations syndicales et le président de cette fédération.

Tout irait donc pour le mieux, les sapeurs-pompiers attendant depuis plusieurs années une réforme portant sur le déroulement de leur carrière et la promotion professionnelle. Ce serait oublier que les principaux représentants de personnels de la sécurité civile ont été écartés des négociations et de l’accord qui en a suivi : il s’agit des organisations syndicales CGT, CFDT et Autonomes, qui représentent près des deux tiers des personnels, d’après les résultats obtenus aux élections professionnelles de 2008.

Or la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social, qui modifie la loi du 13 juillet 1983, repose sur le postulat suivant : les organisations syndicales représentatives ont qualité pour mener, avec le Gouvernement, des négociations. En effet, conformément aux termes de son article 8 bis, « les organisations syndicales disposant d’au moins un siège dans les organismes consultatifs au sein desquels s’exerce la participation des fonctionnaires et qui sont déterminées en fonction de l’objet et du niveau de la négociation » sont appelées à participer à ces négociations.

Par conséquent, la validité du protocole de niveau national dont il est question peut être remise en cause sur quatre points.

Premièrement, trois organisations syndicales majoritaires – CGT, CFDT et Autonomes – ont eu connaissance d’un texte négocié sans elles et qu’elles ne pouvaient pas amender, quatre jours seulement avant sa signature.

Deuxièmement, le texte a été approuvé seulement par trois organisations syndicales – CFTC, UNSA et FO – minoritaires puisqu’elles n’ont recueilli que 39 % des voix aux élections professionnelles.

Troisièmement, il est cosigné par une organisation syndicale – Avenir-secours-CGC – qui n’est plus représentative au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale depuis 2008.

Quatrièmement, il est cosigné par la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, association régie par la loi de 1901, qui n’a pas compétence pour négocier, aux termes des accords de Bercy portant sur le renouveau du dialogue social.

Enfin, il convient de le souligner, l’Assemblée des départements de France n’a pas non plus été consultée, alors même que les départements sont les principaux employeurs et financeurs de cette filière. Son bureau a ainsi refusé de signer, le 11 octobre 2011, le protocole.

Constatant ces irrégularités et cette absence de consensus, je vous demande donc, monsieur le ministre, de revenir sur ce protocole.

Par ailleurs, pourriez-vous m’indiquer la manière dont vous entendez instaurer une négociation avec l’ensemble des organisations syndicales de salariés représentatives, dans le respect des dispositions réglementaires et statutaires en matière de dialogue social, afin de poursuivre la réflexion sur la modernisation de la filière des sapeurs-pompiers ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Madame la sénatrice, vous avez appelé l’attention du ministre de l’intérieur sur la validité du protocole d’accord relatif à la réforme de la filière des sapeurs-pompiers professionnels et sur les modalités de négociations avec les organisations syndicales représentatives.

Une première réunion de négociation s’est tenue le 5 juillet 2011, au cours de laquelle toutes les organisations syndicales ont quitté la salle. Des réunions de travail ont ensuite été organisées pendant l’été, à la demande de plusieurs organisations syndicales, afin de formuler une nouvelle proposition, et la négociation a été rouverte le 20 septembre dernier.

La CGT, la CFDT et FA-FPT ont considéré que les propositions n’étaient pas acceptables et ont de nouveau quitté la salle.

Je précise que la CGC, qui n’est plus membre du CSFPT, le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, mais qui est largement majoritaire chez les cadres de cette profession, est par ailleurs représentée au sein de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, la CNSIS. Aussi a-t-elle participé aux réunions de travail, mais n’a siégé, aux séances de négociations du 5 juillet et du 20 septembre, qu’en qualité d’expert.

Le dialogue social sur la réforme de la filière des sapeurs-pompiers poursuit son cours normal, puisque les projets de décrets résultant du protocole signé le 23 septembre 2011 seront soumis, le 1er février prochain, à l’avis de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, puis, le 15 février, au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, et enfin, le 1er mars, à la Commission consultative d’évaluation des normes, la CCEN.

Ces instances sont les lieux du débat entre les différents acteurs de la sécurité civile dans le premier cas, entre les employeurs et les représentants des fonctionnaires territoriaux dans le deuxième cas, et avec les élus locaux, sur le plan financier, dans le troisième cas.

Le dialogue avec les organisations syndicales représentatives, qui a débuté en juillet 2011, se poursuivra donc dans le cadre du CSFPT et de sa préparation, notamment, ainsi que dans celui de la CNSIS.

Les textes présentés constitueront des avancées sociales majeures attendues par la profession et une modernisation de nature à garantir un meilleur service public d’incendie et de secours sur le territoire.

Madame la sénatrice, telles sont les précisions que souhaitait vous apporter le ministre de l’intérieur.

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Monsieur le ministre, je ne manquerai pas de faire part de votre réponse aux sapeurs-pompiers professionnels, qui sont très attentifs à toutes ces questions.

Ce sont tout de même vos services qui, par la voix du directeur adjoint de la toute nouvelle direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, ont reconnu que les négociations s’étaient déroulées avec « des » organisations syndicales et une association.

Chacun pourra donc apprécier le souci qu’a le Gouvernement de respecter la démocratie représentative, disqualifiant ou non ses interlocuteurs selon des critères qui lui sont propres.

Devant ce constat, les syndicats majoritaires ont d’ailleurs déposé une requête devant le Conseil d’État. Pourtant, le Président de la République avait souhaité être exemplaire dans le domaine du dialogue social.

Aujourd’hui, cependant, vous poursuivez votre marche forcée dans le mépris du consensus, souhaitant en finir au plus vite. Ainsi, vous nous avez confirmé que 21 projets de décrets préparés à partir de ce que vous nommez « protocole », lequel n’a donc pas été validé par l’ensemble des instances syndicales, seront présentés à la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, le 15 février prochain.

J’en appelle donc à la vigilance des membres de la Conférence, maires, conseillers généraux, parlementaires, ainsi qu’à celle de son président, notre collègue Yves Rome.

Ce dernier a en effet déclaré, lorsqu’il a pris la présidence, qu’il veillerait à « associer dans une collaboration étroite, franche et respectueuse tous les acteurs du secteur ».

Il est nécessaire que toute réforme statutaire d’une telle importance soit le fruit d’une négociation respectueuse du nombre et de la représentativité des organisations syndicales.

Monsieur le ministre, il est indispensable de rétablir le dialogue avec l’ensemble des personnels de la sécurité civile, dont chacun loue régulièrement le courage, le dévouement et l’abnégation. Je vous encourage à agir en ce sens.

délais de publication des décrets d'application de l'article 96 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 1520, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

M. Daniel Laurent. Ma question porte sur les délais de publication des décrets d’application de l’article 96 de la loi n° 2011–267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite « LOPPSI 2 ».

Cet article a pour objet la fixation du montant du loyer au-dessus duquel tout projet de bail emphytéotique administratif présenté pour la réalisation d’une opération d’intérêt général liée aux besoins de la justice, de la police ou de la gendarmerie nationale est soumis à la réalisation d’une évaluation préalable dans les conditions fixées à l’article L. 1414–2 du code général des collectivités territoriales.

Le bail emphytéotique administratif « construction » lié aux besoins de la gendarmerie nationale est prévu par l’article L. 1311–2 du code général des collectivités territoriales, modifié par la loi du 14 mars 2011.

La possibilité d’utiliser ce montage est soumise à la publication de deux décrets en Conseil d’État.

Le premier concerne la réalisation d’une évaluation préalable en fonction d’un montant de loyer à définir ; le second doit fixer les modalités de mise en concurrence et de mesures de publicité.

À ce jour, ces deux décrets n’ont pas été publiés. Dans ce contexte, en matière de construction de locaux de gendarmerie, la direction générale de la gendarmerie nationale ne donne pas suite à cette possibilité de prise à bail.

De nombreux projets sont ainsi bloqués.

Par exemple, la construction d’une nouvelle gendarmerie à Pons, ville de cinq mille habitants située dans mon département de la Charente-Maritime, pour un montant d’environ 2 millions d’euros, est largement attendue par la collectivité, les administrés et les familles de gendarmes, dont les logements ne sont plus adaptés.

La collectivité ne peut supporter financièrement un tel coût. Le porteur du projet, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, est actuellement dans l’attente de la publication dudit décret pour mener à terme la validation de la construction de la gendarmerie.

En conséquence, monsieur le ministre, pouvez-vous me préciser les contours de ces décrets et leurs dates de publication ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l’attention du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration sur les délais de publication des décrets d’application de l’article 96 de la loi n° 2011–267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

Leur objet est de préciser les modalités des montages financiers qui permettent aux collectivités territoriales d’investir aux côtés du ministère de l’intérieur pour l’immobilier des forces de police et de gendarmerie.

J’ai le plaisir de vous informer que ces deux décrets d’application ont été regroupés en un seul texte qui a été publié au Journal officiel le 31 décembre 2011.

Les dispositions principales de ce décret n° 2011–2065 sont les suivantes.

D’une part, le montant du loyer annuel du bail emphytéotique administratif présenté pour la réalisation d’une opération d’intérêt général liée aux besoins de la justice, de la police et de la gendarmerie, au-delà duquel la réalisation d’une évaluation préalable est obligatoire, est fixé à 1 million d’euros hors taxes. Il est en outre prévu que les modalités de financement du coût de cette évaluation sont fixées par une convention conclue entre l’État et la collectivité propriétaire du bien faisant l’objet du bail emphytéotique administratif.

D’autre part, la conclusion des baux emphytéotiques administratifs, accompagnés d’une convention non détachable qui constitue un marché public, une délégation de service public, un contrat de partenariat ou une concession de travaux publics, est précédée d’une publicité et d’une mise en concurrence selon les règles applicables à ces contrats.

Telles sont les précisions que je souhaitais vous apporter, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent.

M. Daniel Laurent. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse. La publication du décret pris en application de l’article 96 est un acte important qui permettra de débloquer nombre de situations sur l’ensemble du territoire, pas uniquement en Charente-Maritime. De nombreux gendarmes attendent de nouveaux locaux, de qualité, afin de pouvoir s’acquitter de leur mission auprès de nos concitoyens.

pratiques des opérateurs funéraires

M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, auteur de la question n° 1527, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

M. Yannick Vaugrenard. Chacun sait que, après la perte d’un être cher, il est délicat et particulièrement difficile d’avoir à négocier réellement les services proposés pour des obsèques.

La tristesse de ces moments rend les familles fragiles, désemparées et plus aptes à une attitude d’acceptation que d’éventuelle contestation.

C’est sûrement l’une des raisons qui ont présidé à la réforme de 2008. Celle-ci a renforcé l’information du consommateur et imposé la mise en place d’un modèle de devis obligatoire. Mais est-elle correctement appliquée et respectée ?

L’Union fédérale des consommateurs–Que Choisir de Nantes, en Loire-Atlantique, a rendu publics, à la fin de l’année dernière, les résultats d’une enquête qu’elle a menée dans quatorze magasins funéraires de l’agglomération.

L’objectif était de vérifier le respect de leurs obligations légales par les professionnels du secteur.

Malgré la nouvelle législation, l’enquête a montré que, malheureusement, les magasins funéraires ne se plient toujours pas aux règles de transparence. Aucun des devis recueillis ne respecte le modèle de devis obligatoire et seulement 43 % s’en rapprochent, sans y être conformes.

L’opacité créée par cette situation empêche la comparaison des prestations par les familles et favorise bien sûr la hausse des prix. Dans l’agglomération nantaise, le coût total pour des obsèques s’établit en moyenne à 2 280 euros contre 3 100 euros au niveau national, mais, d’un opérateur à l’autre, pour une demande similaire, la facture totale peut considérablement varier : de 2 300 euros à près de 4 000 euros pour le plus onéreux.

Ces différences sont liées à un grand nombre de prestations non obligatoires, mais aussi à des opérations surtaxées : par exemple, les formalités administratives ont un coût se situant dans une fourchette allant de 90 euros à 263 euros. Il s’agit pourtant d’opérations standardisées qui ne justifient pas de tels tarifs.

Au vu de ces pratiques, monsieur le ministre, il est urgent de mieux encadrer le marché.

Il conviendrait, par exemple, de prévoir des sanctions contre les professionnels qui n’utilisent pas le modèle de devis obligatoire et de demander à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de réaliser des contrôles afin de veiller à ce que des devis conformes à la loi soient systématiquement émis.

Par ailleurs, un livret d’information sur les obsèques rappelant les engagements consécutifs à la nouvelle législation pourrait également être élaboré par la direction générale des collectivités locales, après consultation du conseil national des opérations funéraires.

Ce livret serait donné obligatoirement aux familles par les prestataires funéraires et mis à disposition dans les mairies.

La loi, aujourd’hui, malheureusement, est mal appliquée, insuffisamment respectée, il est donc indispensable de remédier à cette situation.

Ces propositions sont ouvertes, monsieur le ministre. J’aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez et ce que compte faire le Gouvernement pour pallier les dysfonctionnements constatés par nombre de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l’attention du ministre de l’intérieur sur les pratiques des prestataires funéraires.

La question que vous soulevez touche au sujet particulièrement sensible des funérailles. En effet, au cours de sa vie, chacun d’entre nous est amené à faire face au décès de l’un de ses proches et à ses conséquences. Outre la peine que constitue la perte d’un proche, les familles doivent, dans un bref délai, organiser les funérailles en respectant les dernières volontés de la personne disparue.

Les opérations consécutives au décès et leur réalisation sont confiées aux opérateurs de pompes funèbres, qui sont majoritairement des entreprises de droit privé évoluant dans un marché concurrentiel.

Comme les échanges réguliers entre les services du ministère de l’intérieur et leurs organisations représentatives l’attestent, la plupart de ces opérateurs exercent leur métier avec professionnalisme.

Les préfets n’hésitent pas à faire usage de leurs prérogatives reconnues par la loi pour retirer leur habilitation aux entreprises qui ne respecteraient pas le cadre légal.

Dans ce contexte, je crois utile de rappeler que la loi du 8 janvier 1993 relative à la législation dans le domaine funéraire a libéré les prix des opérations funéraires et que, de ce fait, des écarts de tarifs peuvent être constatés, d’un établissement à un autre, pour des prestations similaires.

Mais cette liberté des prix s’accompagne d’un certain nombre de règles, qui portent notamment sur l’établissement des documents commerciaux – les devis, les bons de commande et les factures.

En outre, les familles ont la liberté de choix de l’opérateur.

Au regard de la situation particulière des familles confrontées à un deuil, le Gouvernement est attentif au respect de cette réglementation. Sur ce point, l’adoption de la loi du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire, issue d’une proposition de loi de M. Jean-Pierre Sueur, actuellement président de la commission des lois, a constitué une étape importante dans la prise en compte, par le législateur, de l’évolution des pratiques funéraires constatée ces deux dernières décennies.

Cette loi a notamment cherché à renforcer les protections légitimes des familles.

Comme vous l’avez rappelé dans votre question, la loi a instauré un modèle de devis pour les prestations funéraires. Au terme d’une concertation approfondie avec les élus, les professionnels, les associations de consommateurs et les représentants des salariés, le Gouvernement a fait le choix de définir, par un arrêté du 23 août 2010, une terminologie commune de nature à faciliter les comparaisons des tarifs entre opérateurs de pompes funèbres.

Ce modèle de devis est en vigueur depuis le 1er janvier 2011.

Depuis cette date, certains préfets ont déjà engagé des sanctions administratives à l’encontre d’entreprises n’ayant pas respecté ce modèle. L’habilitation d’un opérateur funéraire a ainsi été suspendue par un préfet.

Le ministre de l’intérieur a demandé à ses services de dresser, dans les prochaines semaines, un état des lieux de l’application de cette réglementation.

Enfin, vous appelez de vos vœux un « encadrement des prix ». Une telle mesure, qui irait à l’encontre des objectifs de la loi de 1993 évoquée précédemment, risquerait de ne pas aller dans l’intérêt des consommateurs en raison des restrictions qu’elle apporterait à l’exercice de la libre concurrence entre opérateurs funéraires. Pour cette raison, le Gouvernement n’y est pas favorable.

Comme vous pouvez le constater, le Gouvernement est conscient des difficultés qui peuvent ponctuellement exister et dont vous vous faites l’écho. Dans ce cadre, en particulier sur la mise en œuvre de l’arrêté « modèle de devis », le ministre de l’intérieur est prêt à envisager, une fois établi l’état des lieux que je viens de mentionner, et lorsqu’il l’aura évoqué avec le ministre de l’économie, également compétent, de compléter les instructions déjà données aux préfets par une demande de renforcement des contrôles.

Voilà la réponse que je tenais à vous apporter au nom du ministre de l’intérieur. Nous souhaitons que l’encadrement et le contrôle accrus de ces pratiques contribuent à aider les familles confrontées à un deuil.

M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.

M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse et de votre compassion.

Je note que des initiatives ont été prises par le Gouvernement, par l’intermédiaire des préfets. Je souhaite connaître les résultats de l’évaluation qui en sera faite par l’administration dans les six mois ou dans l’année qui viennent. Et pourquoi ne pas donner aux sénateurs qui le souhaitent la possibilité de vérifier, avec les préfets ou les sous-préfets, si les choses se sont, ou non, améliorées ? Si tel devait être le cas, monsieur le ministre, je serai bien sûr satisfait de votre réponse.

Je n’ai pas parlé d’encadrement des prix. Néanmoins, certains excès ne sont pas acceptables. En effet, le prix pour une prestation identique peut varier de 90 à 263 euros. Or, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, les familles, dans ces circonstances particulières, ont bien d’autres préoccupations que de discutailler des prix qui leur sont proposés.

Les familles en deuil, quelles qu’elles soient, ont donc besoin de protection, et il appartient à l’État, à la puissance publique, aux préfets et aux sous-préfets d’intervenir dans ce domaine. Je souhaite, comme vous, monsieur le ministre, que cette protection soit renforcée et qu’elle soit véritablement effective.

programmes de réussite éducative

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, auteur de la question n° 1525, adressée à M. le ministre de la ville.

M. Dominique Watrin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’éducation est un investissement dans le devenir de nos sociétés.

Néanmoins, bien que ce soit une prérogative régalienne, à force de déléguer au niveau local tout en donnant toujours plus d’autonomie aux établissements à moyens constants, l’éducation nationale a progressivement abandonné l’ambition de réussite pour tous.

À la rentrée de 2011, mon département, le Pas-de-Calais, a subi la fermeture de 145 classes, et 37 postes de RASED, ou réseaux d’aide spécialisée aux élèves en difficulté, ont simultanément été supprimés. Pour 2012, on annonce la suppression de 1 020 postes supplémentaires dans le Nord – Pas-de-Calais.

L’arrêt progressif des financements des programmes de réussite éducative, les PRE, cœur de mon interpellation, couronne cette démarche.

Lorsque les programmes de réussite éducative ont été mis en place, ils visaient à « rendre effective l’égalité des chances pour les enfants et les adolescents des quartiers défavorisés ». Le sort que vous leur réservez semble condamner cet objectif.

En effet, la convention entre l’État et les services déconcentrés arrive bientôt à son terme. Les collectivités, qui reprennent déjà à leur compte nombre de projets, devront encore financer partiellement, puis totalement, les recrutements à durée indéterminée des postes de coordinateurs des PRE.

L’organisation de la précarité des contrats par l’État via le financement de contrats à durée déterminée fait porter aux collectivités locales le poids financier de leur qualification en contrats à durée indéterminée.

Cette situation est d’autant plus absurde qu’une commune peut ensuite être alertée par les services préfectoraux sur le risque de dépassement du ratio entre masse salariale et budget communal, et ce alors même qu’on lui impose de nouvelles charges salariales.

Ce désengagement de l’État à l’égard des projets menés dans un but de cohésion sociale est inacceptable, d’autant plus lorsqu’il vise des territoires – c’est le cas de celui que je représente – où seule une politique volontariste peut contribuer à une réduction des inégalités dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la réussite scolaire et sociale.

Le travail mené par les équipes en charge des PRE a montré qu’il était possible de développer des coopérations efficaces pour la mise en œuvre d’actions personnalisées auprès des familles. Les personnels des services sociaux locaux collaborent au quotidien et étroitement avec les agents des programmes de réussite éducative dans l’intérêt des familles. Et cela marche ! J’en veux pour preuve le fait que certains PRE sont même cités comme modèle par les services préfectoraux. La réussite scolaire ne se divise pas ; elle nécessite un accompagnement global.

Aussi, outre la destruction du fruit de plusieurs années de travail, l’arrêt du financement des programmes de réussite éducative aura des conséquences néfastes pour l’avenir des enfants, des adolescents et de leurs familles, mais aussi des coordinateurs en place.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous pour dépasser cette situation de blocage, sans pénaliser les territoires où les besoins sont les plus importants. ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Maurice Leroy, ministre de la ville. Monsieur le sénateur, vous appelez mon attention sur l’avenir des programmes de réussite éducative, que vous soutenez, et je m’en réjouis.

Le soutien à l’éducation est en effet la priorité de mon ministère. Il représente le premier poste de dépense du budget d’intervention de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’ACSÉ.

Concrètement, j’ai deux objectifs : d’abord, éveiller l’ambition des plus méritants et favoriser leurs parcours vers l’excellence, avec les cordées de la réussite et les internats d’excellence ; ensuite, accompagner les jeunes qui connaissent des difficultés sociales ou scolaires. Les programmes de réussite éducative participent à cet objectif.

Vous le savez, les équipes pluridisciplinaires de réussite éducative prennent en charge 135 000 enfants pour l’année scolaire 2011-2012.

Depuis sa création en 2005, par Jean-Louis Borloo, 365 140 enfants ont bénéficié du programme de réussite éducative. Au total, 532 programmes de réussite éducative sont déployés dans toute la France sur 718 communes.

Ce programme fonctionne, c’est un succès et, je le constate sur le terrain, ce dispositif est plébiscité par tous, comme l’illustre votre intervention. C’est pourquoi, sur ma proposition, le Gouvernement a souhaité le pérenniser lors du dernier comité interministériel des villes du 18 février 2011, présidé par le Premier ministre François Fillon.

Dans le projet de budget pour 2012 que j’ai présenté devant le Parlement et qui a été voté, 83 millions d’euros sont prévus pour ce programme.

Malgré un contexte de contrainte budgétaire, j’ai tenu à ce que ce programme soit préservé et même consolidé. Ainsi, au niveau local, les préfets et les recteurs d’académie ont reçu l’instruction de poursuivre leur collaboration avec les collectivités locales pour soutenir les programmes de réussite éducative.

Nous avons donc les moyens budgétaires d’agir. Si vous voulez demander qu’il n’y ait pas de désengagement de l’État au niveau des collectivités locales, encore faut-il voter le budget de l’État. Et là, je vous laisse, sans volonté polémique, à votre contradiction, puisque vous avez salué, à juste raison et je vous en remercie, le programme de réussite éducative.

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Monsieur le ministre, je vous ai écouté attentivement et je ne manquerai pas de communiquer votre réponse aux acteurs des 27 programmes de réussite éducative qui sont en cours dans mon département, le Pas-de-Calais.

Vous soulignez une contradiction. Elle est chez vous. Vous dites que l’objectif est de « pérenniser » les programmes de réussite éducative.

M. Maurice Leroy, ministre. C’est le cas !

M. Dominique Watrin. Vous affirmez que le budget prévu est suffisant. C’est là un discours de ministre. Sur le plan départemental, les responsables des programmes de réussite éducative, les maires qui sont engagés dans ce dispositif reçoivent d’autres informations de la part des préfets. Ainsi, une commune qui souhaite renouveler un contrat de coordinateur de programme de réussite éducative se voit proposé un financement dégressif de l’État, par exemple 50 % en 2012, 25 % en 2013, puis plus rien à partir de 2014, si elle veut pérenniser le poste et le transformer en contrat à durée indéterminée. Il se peut aussi qu’on lui propose tout simplement de mettre fin au contrat. Telle est la réalité dans les départements !

Les problèmes que rencontrent les territoires résultent du cumul d’échecs scolaires, de difficultés sociales et de problèmes de santé. Les communes qui y sont confrontées sont aussi celles qui sont les plus pauvres.

La politique de la ville avait précisément pour objectif de corriger ces inégalités. Or, force est de le constater, le nouveau désengagement de l’État, et c’est pour cela que nous n’avons pas voté les budgets que vous avez évoqués, conduit à un arrêt progressif, voire définitif, de certains de ces programmes, et je le regrette.

réorganisation de peugeot scooters à dannemarie

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, auteur de la question n° 1522, transmise à M. le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique.

Mme Patricia Schillinger. Je souhaitais attirer l’attention de M. François Baroin sur les intentions du groupe Peugeot scooters de fermer son site de Dannemarie, dans le Haut-Rhin, et, plus particulièrement, sur les inquiétudes que cette annonce suscite auprès des salariés de l’usine, mais également auprès des élus et des habitants du Sundgau, qui craignent pour le dynamisme et l’avenir économique de leur territoire.

Au début du mois de décembre, la direction préférait parler de réorganisation, alors qu’elle avait confirmé son intention de fermer le site de Dannemarie lors de la présentation d’un plan de restructuration durant un comité central d’entreprise qui s’est tenu dans le Doubs, le 25 novembre 2011.

Depuis, la direction s’est voulue rassurante en promettant qu’aucun salarié ne serait laissé de côté. Elle a ainsi annoncé le reclassement de 100 salariés vers le site de Peugeot Mulhouse – en fait uniquement une vingtaine – et Sochaux, ainsi que le reclassement de 40 salariés vers le siège de l’entreprise à Mandeure, dans le Doubs.

Cette proposition traduit l’incompréhension des dirigeants de l’entreprise quant à l’impact d’une telle fermeture, sur les salariés eux-mêmes, sur leurs familles et, au-delà, sur l’ensemble de la zone située autour de Dannemarie.

En effet, Peugeot scooters est le poumon économique de la ville et la solution proposée par le P-DG de Peugeot ne répond pas aux conséquences que provoquera cette fermeture dans un bassin économique que l’entreprise contribue largement à irriguer.

Par ailleurs, les solutions de reclassement avancées par la direction ne satisfont en aucune façon les salariés qui ne souhaitent pas travailler sur un site géographiquement éloigné de leur lieu d’habitation, ou encore être contraints de déménager.

De plus, les salariés ne sont nullement rassurés quant à la pérennité de leurs emplois lorsqu’ils observent la situation du site de Mandeure, également en proie à des difficultés, avec la délocalisation annoncée d’une grande partie des moyens de recherche et de développement en Chine.

Ce nouveau coup dur porté à l’industrie alsacienne suscite indignation et incompréhension auprès des habitants du département et auprès des élus, surtout lorsqu’on sait ce que la collectivité a investi pour favoriser le développement de Peugeot scooters à Dannemarie.

En effet, alors que l’industrie haut-rhinoise comptait près de 72 300 salariés au troisième trimestre de 2001, on n’en dénombre plus que 53 900 au deuxième trimestre 2011, avec un taux de chômage qui a lui doublé sur la même période, passant de 4,8 % en 2001 à 8,7 % aujourd’hui.

L’incompréhension est d’autant plus grande au regard de certains choix stratégiques opérés, voir de l’absence observée de stratégie, notamment lorsque l’on considère l’acquisition récente par La Poste de 3 000 scooters d’origine asiatique.

Enfin, le manque de coopération des dirigeants de l’entreprise dans le cadre de l’expertise comptable commandée par les syndicats laisse penser que, si la branche « scooter » peut être déficitaire, le site de Dannemarie n’en demeure pas moins rentable du fait de la croissance de son activité de sous-traitance de la branche automobile.

Monsieur le ministre, quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet ? Entendez-vous rappeler à Peugeot sa responsabilité d’employeur et l’encourager à maintenir une activité industrielle pérenne sur le site de Dannemarie et, dans l’affirmative, quels moyens êtes-vous prêt à mettre en œuvre ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Maurice Leroy, ministre de la ville. Madame la sénatrice, je vous demande tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue Éric Besson, actuellement retenu.

Comme vous, le Gouvernement est très attentif à la situation de chacune et de chacun des 141 salariés du site Peugeot Scooters de Dannemarie.

Il est aussi très attentif à l’avenir industriel de ce territoire. Comme vous le savez – vous l’avez d'ailleurs rappelé –, l’activité scooters du groupe PSA est déficitaire depuis maintenant onze ans et les ventes ont baissé de 30 % ces quatre dernières années.

Cette évolution est imputable non pas tant à une concurrence acharnée qu’à des changements d’habitude et de préférence des consommateurs.

En réaction à ces évolutions, PSA a mis en œuvre un plan pour renforcer sa gamme de produits, son réseau de distribution et son modèle de production.

C’est dans ce contexte que, en décembre dernier, Peugeot Scooters a annoncé à ses salariés de Dannemarie un plan de réorganisation de la production de scooters vers les sites de Mandeure et de Mulhouse. Cette activité restera donc bien en France.

Par ailleurs, il faut le rappeler, la démarche initiée par Peugeot Scooters reste très clairement fondée sur le principe du volontariat.

Tous les salariés de Dannemarie se verront proposer une solution de mobilité en Franche-Comté. Bien entendu, les salariés qui préféreraient une mobilité externe bénéficieront d’un accompagnement spécifique, notamment en matière de formation. Il faudra voir combien de salariés souhaitent volontairement bénéficier de ces mesures de mobilité, mais il semble que nombre d'entre eux aient déjà fait part informellement de leur souhait de se saisir de ces opportunités de mobilité.

C’est pourquoi le Gouvernement a demandé expressément à PSA de veiller au maintien d’activités industrielles durables à Dannemarie. Vous le savez, deux réunions sur la revitalisation du site ont déjà eu lieu en décembre avec l’ensemble des parties prenantes, notamment les élus concernés et l’État.

Une nouvelle réunion a été programmée hier même à la sous-préfecture d’Altkirch. Nous serons extrêmement attentifs aux moyens mobilisés par PSA dans ce processus. Nous attendons de Peugeot Scooters un comportement exemplaire en la matière et une responsabilité citoyenne.

Madame la sénatrice, sachez enfin que l’État mobilisera si nécessaire les aides à la réindustrialisation des territoires pour accueillir de nouvelles activités industrielles sur le site de Dannemarie.

La Franche-Comté, qui, rappelons-le, est la première région industrielle de France, conservera ainsi toute son attractivité.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. J’espère toutefois ne pas devoir l’interpréter comme un aveu d’impuissance de l’État.

M. Maurice Leroy, ministre. Je n’ai rien avoué de tel !

Mme Patricia Schillinger. Cette impuissance est d’autant moins acceptable que le Président de la République déclare ne pas être « l’homme d’un nouveau Vilvoorde ».

Pourtant, dans mon département du Haut-Rhin, vous le savez bien, la liste des faillites industrielles est longue. Aussi est-il urgent d’agir et de repenser notre politique économique.

Par respect pour les collectivités territoriales, qui ont investi des milliers d’euros, il est urgent de réagir face au désengagement des grands groupes. Les élus ne veulent pas d’une nouvelle friche industrielle. Or, d’après ce que j’ai entendu hier, les grands groupes ne souhaitent pas investir dans le site, lequel restera donc vide dans les années à venir, puisque l’on sait très bien par ailleurs qu’il n’y aura pas de repreneur.

Pour la ville de Dannemarie, c’est un véritable échec ; pour les foyers concernés et pour la zone industrielle, c’est une nouvelle terrible, surtout au regard des formations qui étaient liées à l’entreprise Peugeot Scooters.

J’attends donc vraiment que l’État s’engage pour que ce site ne devienne pas une friche industrielle.

comité de suivi de la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, auteur de la question n° 1524, adressée à M. le ministre de la culture et de la communication.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le ministre, la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, que nous avons définitivement adoptée le 4 février 2009, prévoyait, à l’article 75, la création par décret d’un comité de suivi chargé d’évaluer son application. Cette disposition, initialement introduite par un amendement de notre commission des affaires culturelles, devenue depuis la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, avait pour objectif d’accompagner la mise en œuvre de la réforme, notamment sur les modalités de financement de l’audiovisuel public.

Le comité de suivi, composé de quatre députés et de quatre sénateurs, était censé vérifier l’adéquation des ressources attribuées à France Télévisions avec celles qui sont nécessaires à la mise en œuvre des missions de service public de cette société. Nous avions aussi prévu qu’il puisse proposer une adaptation des « taxes télécoms ». Enfin, il devait transmettre chaque année au Parlement un rapport sur ses travaux. Déjà conscients que l’évolution de l’économie du secteur conditionnerait partiellement celle du financement du service public audiovisuel, nous avions chargé ce comité de faciliter une application cohérente de la loi.

Or, depuis le vote de cette loi, le décret permettant la création du comité n’est jamais paru.

En revanche, chaque loi de finances adoptée depuis a été l’occasion de modifier différentes dispositions concernant le financement de France Télévisions, au regard, bien sûr, de la situation économique : je pense par exemple à la taxe sur les revenus publicitaires des chaînes privées ; je pense également au maintien de la publicité diurne sur les chaînes publiques jusqu’en 2016, à la suite du moratoire que j’avais proposé, ainsi qu’aux débats sur l’évolution de l’assiette de l’ancienne redevance audiovisuelle, aujourd'hui appelée « contribution à l’audiovisuel public ».

Concernant les « taxes télécoms », sur lesquelles j’ai toujours émis des réserves, la Commission européenne a décidé, le 14 mars 2011, de traduire la France devant la Cour de justice de l’Union européenne, à la suite de son refus de revenir sur le principe de la taxe appliquée aux fournisseurs d’accès à internet.

Monsieur le ministre, vous en conviendrez, ces différents éléments prouvent bien que le comité de suivi aurait été très utile à l’évolution des dispositions contenues dans la loi, compte tenu notamment de notre situation économique. Je considère pour ma part que ce comité est plus que jamais d’actualité.

Dès lors, pouvez-vous m’indiquer les mesures que le Gouvernement compte prendre pour que soit enfin publié le décret d’application et que le comité puisse entamer son travail de réflexion et proposition ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Maurice Leroy, ministre de la ville. Madame la sénatrice, je vous demande tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue Frédéric Mitterrand, qui est actuellement retenu.

L’article 75 de la loi n° 2009–258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision – texte que vous connaissez bien puisque vous en avez été le rapporteur ici même – a effectivement instauré un comité de suivi, composé de parlementaires.

Vous l’avez rappelé, ce comité est chargé d’évaluer l’application de la loi qui l’a créé et de proposer des adaptations des modalités de financement de France Télévisions ainsi que des taxes prévues aux articles 302 bis KG et 302 bis KH du code général des impôts.

Madame le rapporteur de ce texte devant la Haute Assemblée, une ambiguïté rédactionnelle a toutefois retardé l’adoption du décret fixant les modalités de fonctionnement de ce comité : la rédaction actuelle de l’article 75 pourrait en effet laisser croire à l’existence d’un lien ente le produit de ces taxes et le financement de France Télévisions.

Or, comme vous le savez, tel n’est pas le cas, et telle n’était d'ailleurs pas la volonté des auteurs de l’amendement dont est issu l’article 75 : ces taxes abondent le budget de l’État, et leur produit n’est pas affecté à France Télévisions.

Ce faisant, par l’ajout de l’adverbe « notamment » – adverbe qui pose parfois beaucoup de difficultés au moment de la prise des décrets d’application –, cet article permet de ne pas limiter les compétences du comité de suivi en fonction de la seule évolution du produit de la contribution à l’audiovisuel public en lui offrant la possibilité de se fonder sur d’autres critères pour proposer des adaptations des taxes et des modalités de financement de France Télévisions.

C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité supprimer cette ambiguïté rédactionnelle en déposant un amendement au premier projet de loi de finances rectificative pour 2011.

Cet amendement avait pour objet de clarifier le contrôle exercé par le Parlement en lui offrant la possibilité de se fonder sur d’autres critères que l’évolution du produit des recettes fiscales pour proposer des adaptations des taxes et des modalités de financement de France Télévisions.

Vous le savez : adopté par le Parlement, l’amendement a toutefois été censuré par le Conseil constitutionnel, lequel a considéré qu’il était étranger au domaine des lois de finances, dans sa décision du 28 juillet 2011.

Le Gouvernement étudie donc aujourd'hui les modalités permettant la publication du décret d’application de l’article 75 de la loi du 5 mars 2009 dans les meilleurs délais, afin que le comité de suivi puisse être constitué, comme vous l’avez souligné à raison dans votre intervention, madame la sénatrice.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous venez de m’apporter.

Je note que le Gouvernement a essayé de lever l’ambiguïté rédactionnelle qui caractérise la rédaction actuelle de l’article 75 de la loi de 2009.

J’insiste absolument sur la nécessité de trouver les voies et les moyens pour que le comité de suivi puisse enfin être installé et engager le travail nécessaire car la suite à donner au moratoire reportant à 2016 la suppression totale de la publicité donnera lieu à de nouvelles réflexions et à de nouveaux débats.

Je rappelle que Mme Albanel, alors ministre de la culture et de la communication, avait promis la création de ce comité parce que des parlementaires – dont mon collègue député Jean Dionis du Séjour, mais aussi moi-même – avaient à juste titre émis le souhait qu’une réflexion puisse être menée sur l’évolution de l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public, ce qui avait été reconnu comme nécessaire.

M. Maurice Leroy, ministre. Tout à fait !

Mme Catherine Morin-Desailly. Le comité de suivi aura donc au moins à travailler sur ce sujet important.

En outre, pour nos deux assemblées, ce serait une façon un peu cohérente, un peu structurée de suivre l’évolution d’une loi qui nous tient particulièrement à cœur : la loi sur le service public de la télévision au bénéfice de nos concitoyens.

Monsieur le ministre, je vous remercie donc de faire passer le message que le comité de suivi doit absolument pouvoir se réunir.

M. Maurice Leroy, ministre. Ce sera fait !

avenir de la filière betteravière

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chauveau, auteur de la question n° 1486, adressée à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Pierre Chauveau. Monsieur le ministre, comme vous le savez, la filière betteravière française est à la croisée des chemins. Ainsi, elle vient de connaître une année record avec une campagne exceptionnelle qui récompense tous les efforts engagés par la profession : la combinaison de très bons rendements et de l’augmentation des surfaces fait que les betteraviers français produiront entre 37 et 38 millions de tonnes, niveau encore jamais atteint.

Pourtant, et paradoxalement, cette filière est extrêmement inquiète pour son avenir. En effet, l’attitude de la Commission européenne est fortement décriée par les producteurs de betteraves : ils estiment qu’aucune remarque des producteurs n’a été prise en compte lors des récentes négociations, alors que le principe de la reconduction du règlement « sucre » pour la campagne 2015–2016 serait abandonné.

L’Union européenne est déficitaire en sucre : la suppression des quotas et du prix minimum garanti risque de déstabiliser une filière pourtant reconnue pour la qualité de son organisation. La colère des planteurs est accentuée par le fait que la Commission européenne n’a transmis aucune explication aux représentants de la profession. Cette position est d’autant plus surprenante qu’elle s’oppose à celle du Parlement européen qui demande, quant à lui, la reconduction du règlement sucre jusqu’en 2020. La position du Parlement européen semble acceptable et devrait inspirer la Commission qui semble rester sourde à tous les appels.

Ce sujet revêt une importance majeure, puisque l’économie betteravière représente, en France, plus de 25 000 planteurs, pour un chiffre d’affaires de 800 millions d’euros. La France est d’ailleurs le premier producteur mondial de sucre de betterave.

Chaque année la betterave européenne améliore ses rendements et pourrait atteindre la compétitivité de la canne à sucre brésilienne à l’horizon de 2020. Il convient alors de ne pas briser cet élan. À cette fin, l’application de l’actuel règlement sucre pourrait être maintenue, afin de combler l’écart de 30 % entre les coûts de production.

Les planteurs souhaitent voir reconduits les dispositifs réglementaires jusqu’en 2020, mais aussi préservé et renforcé le cadre contractuel betteravier, y compris les accords interprofessionnels. Cette question est essentielle puisqu’il s’agit de garantir, à moyen terme, la sécurité d’approvisionnement de l’Union européenne, sans oublier l’importance de la valeur agronomique de la betterave qui est irremplaçable pour diversifier la rotation des cultures et dont l’abandon comporte des réelles menaces en termes de biodiversité. Cette valeur de la betterave doit également être examinée à l’aune de nos besoins en matière de biocarburants.

Dans ce contexte, je souhaiterais connaître, monsieur le ministre, la position que le gouvernement français entend adopter pour défendre la filière betteravière.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Maurice Leroy, ministre de la ville. Monsieur le sénateur, je vous demande tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Bruno Le Maire, que vous avez interrogé sur la disparition programmée des quotas dont bénéficie aujourd’hui le secteur betteravier.

Vous le savez, le ministre de l’agriculture, sous l’impulsion du Président de la République, a fait de la régulation des marchés agricoles la pierre angulaire de son action, au niveau européen comme au niveau international.

La France s’oppose résolument, je le dis clairement devant le Sénat, à une libéralisation des marchés agricoles dont les conséquences sur le revenu de nos producteurs sont d’ores et déjà connues. Quelles que soient les filières – car la filière betteravière n’est pas la seule en cause –, nous avons besoin de régulation et d’instruments d’intervention sur le marché.

Au niveau communautaire, le secteur sucrier bénéficie, vous l’avez rappelé, d’un encadrement du marché qui garantit aux producteurs une stabilité, grâce aux instruments de régulation que sont, essentiellement, le prix minimum garanti de la betterave, la limitation des possibilités de production nationale pour le sucre alimentaire et non alimentaire et la prise en compte des accords interprofessionnels. L’organisation commune du marché du sucre en vigueur prévoit le maintien de ce régime jusqu’au terme de la campagne de commercialisation 2014–2015.

Si la réforme de la politique agricole commune implique une réflexion sur le fonctionnement du marché agricole européen, cette réflexion ne doit pas, pour autant, remettre en cause les principes fondateurs de ce système, notamment les instruments de maîtrise de la production qui ont fait leurs preuves, comme les quotas sucriers.

Dans le cadre de la préparation de cette réforme, la Commission européenne a cependant proposé, le 13 octobre 2011, de ne pas reconduire le régime des quotas au-delà de 2015.

Cette proposition ne prend pas en compte les enjeux liés au maintien des quotas, qui ont permis de développer une filière dynamique et de stabiliser le marché sucrier. La France, comme vous, monsieur le sénateur, ne l’accepte pas.

C’est pourquoi le ministre de l’agriculture a rappelé, lors des réunions du Conseil des ministres de l’agriculture d’octobre et de novembre dernier, son attachement à la prolongation des quotas sucriers et du prix minimum de la betterave jusqu’en 2020. Soyez assuré de sa détermination, et de celle du Gouvernement, à défendre les quotas et le prix minimum de la betterave.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chauveau.

M. Jean-Pierre Chauveau. Je remercie très sincèrement M. le ministre de l’agriculture et le Gouvernement de leur action en faveur de l’agriculture, en général, et du maintien de l’encadrement des prix de la filière betteravière, en particulier, car ce secteur est probablement l’un des plus prometteurs de notre agriculture. La position du Gouvernement répond tout à fait aux attentes des betteraviers : je sais que le Gouvernement les soutiendra, comme les parlementaires, d’ailleurs.

M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec la séance des questions orales avec une demi-heure d’avance, grâce à la concision de vos questions et des réponses des différents ministres.

4

Mise au point au sujet d’un vote

M. Jean-Pierre Chauveau. Monsieur le président, lors du scrutin n° 93 sur l’ensemble de la proposition de loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi, M. Bernard Saugey a été déclaré comme s’étant abstenu, alors qu’il souhaitait voter pour.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

5

Modification de l’ordre du jour

M. le président. À la demande de la commission des affaires sociales et en accord avec le Gouvernement, il est proposé d’avancer à dix-neuf heures l’examen de la proposition de loi relative à l’exercice des professions de santé par les titulaires de diplômes étrangers.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

L’ordre du jour de cet après-midi s’établit donc comme suit :

À 14 heures 30 :

- Hommage aux soldats français en Afghanistan.

- Projet de loi fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France.

À 19 heures :

- Proposition de loi relative à l’exercice des professions de santé par les titulaires de diplômes étrangers.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est reprise.

6

Hommage aux soldats français en Afghanistan

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 21 juin dernier, j’exprimais mon émotion après la mort d’un soldat qui appartenait au 1er régiment de chasseurs parachutistes basé à Pamiers. Une nouvelle fois, je veux, au nom du Sénat, saluer la mémoire de quatre soldats morts en Afghanistan. (M. le secrétaire d’État, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)

Il s’agit de l’adjudant-chef Fabien Willm, âgé de quarante-trois ans et père d’un enfant, de l’adjudant-chef Denis Estin, âgé de quarante-cinq ans et père de deux enfants, du 93e régiment d’artillerie de montagne ; du sergent-chef Svilen Simeonov, âgé de trente-quatre ans et père d’un enfant, du brigadier-chef Geoffrey Baumela, âgé de vingt-sept ans et père d’un enfant, du 2e régiment étranger de génie.

Désarmés, ils ont été lâchement assassinés.

Au nom du Sénat tout entier, j’assure à leurs familles, à leurs proches, toute notre compassion attristée. Je leur présente nos condoléances, ainsi qu’aux chefs de corps, officiers, sous-officiers et soldats engagés dans ce pays depuis plus de dix ans.

Une cérémonie s’est déroulée aux Invalides tout à l’heure.

Nous pensons également aux quinze autres soldats blessés, dont huit grièvement, douze ayant été rapatriés.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis le début du déploiement de la coalition internationale, quatre-vingt-deux militaires français, au total, ont perdu la vie. Avec ces sacrifices ultimes, c’est un lourd tribut que des militaires ont payé au service de la paix.

Nous n’oublions pas, à côté de nos soldats, le rôle de nos coopérants civils et l’importance de la coopération parlementaire nouée entre notre assemblée et la deuxième chambre afghane.

J’adresse, au nom de notre assemblée, aux 3 600 soldats français un message de soutien dans leur difficile mission.

Je veux, avec émotion et respect, exprimer aux soldats disparus et à leurs familles, la reconnaissance du Sénat de la République.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Marc Laffineur, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants. Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de saluer à mon tour la mémoire de nos quatre soldats, effectivement lâchement assassinés, monsieur le président, et d’avoir également une pensée pour leurs quinze frères d’armes qui ont été blessés.

La France entière porte aujourd'hui le deuil de ces quatre soldats, car, à travers eux, c’est elle qui est touchée.

Je veux dire à leurs familles combien je partage leur peine, combien je sais ce que signifie la perte d’un fils ou d’un frère. Qu’elles soient assurées de notre soutien. Qu’elles soient assurées également que ces quatre soldats sont morts dans l’accomplissement de leur devoir. Ils sont morts en portant les valeurs de la France, qu’ils voulaient et que nous voulons encore faire partager au peuple afghan : la paix, la liberté et la démocratie.

M. le président. En mémoire de ces quatre soldats morts en Afghanistan, je vous propose, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, d’observer un moment de recueillement. (M. le secrétaire d’État, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quatorze heures quarante, est reprise à quatorze heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Patrick Courtois.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Patrick Courtois

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

7

Modification de l'ordre du jour

M. le président. Par lettre en date de ce jour, M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement, demande la modification de l’ordre du jour des séances des mercredi 25 et jeudi 26 janvier 2012, qui s’établit désormais comme suit :

Mercredi 25 janvier 2012

À 14 heures 30 et le soir :

- Projet de loi relatif à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique.

Jeudi 26 janvier 2012

À 9 heures 30 :

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la protection de l’identité ;

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique portant diverses dispositions relatives au statut de la magistrature ;

À 15 heures et le soir :

- Questions d’actualité au Gouvernement ;

- Suite du projet de loi relatif à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique ;

- Projet de loi portant réforme des ports d’outre-mer.

8

Demande d'un avis sur un projet de nomination

M. le président. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, et en application de l’article L. 4312-2 du code des transports, M. le Premier ministre, par lettre en date du 24 janvier 2012, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente en matière de transports sur le projet de nomination de M. Alain Gest à la présidence du conseil d’administration de Voies navigables de France.

Cette demande d’avis a été transmise à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Acte est donné de cette communication.

9

Dépôt d'un rapport

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Michel Boyon, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel, le rapport relatif à l’audiodescription et au sous-titrage des programmes de télévision, établi en application de l’article 54 de la loi n° 2009-258 du 9 mars 2009 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

Il est disponible au bureau de la distribution.

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Mise au point au sujet d'un vote

M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.

M. Didier Boulaud. Monsieur le président, hier, lors du vote de la proposition de loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi, j’ai été déclaré comme n’ayant pas participé au vote, alors que je souhaitais voter contre. Je vous prie de faire procéder à cette rectification.

M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

11

 
Dossier législatif : projet de loi fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France
Discussion générale (suite)

Commémoration de tous les morts pour la France le 11 novembre

Adoption d'un projet de loi en procédure accélérée dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France (projet n° 251, texte de la commission n° 263, rapport n° 262).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France
Article 1er

M. Marc Laffineur, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il me revient l’honneur de présenter le projet de loi fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France.

Ce projet de loi avait été annoncé par le Président de la République le 11 novembre dernier, dans le discours qu’il avait prononcé sous l’Arc de Triomphe.

Ce jour-là, le Président de la République rendait hommage à l’ensemble des morts pour la France tout en commémorant la fin de la Grande Guerre. Il s’engageait dans le même temps à pérenniser cette approche nouvelle des cérémonies du 11 novembre.

Aujourd’hui, sa parole est en passe d’être tenue, à la satisfaction des principales associations d’anciens combattants, des familles ou encore des militaires d’active.

Nous le devons aussi à votre mobilisation, mesdames, messieurs les sénateurs. Vous savez tous combien les questions de mémoire sont importantes pour la cohésion de notre société, je dirais même pour sa dignité. C’est pourquoi elles ne peuvent être cantonnées dans des clivages partisans. Votre implication soutenue démontre qu’elles jouent pleinement leur rôle fédérateur.

L’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale fut exemplaire. Il en a été de même ici lors du passage en commission : je vous en remercie vivement.

Cette évolution était nécessaire, et plus encore : notre devoir de citoyen, notre devoir républicain nous l’imposait. Elle vise donc à renforcer la symbolique du 11 novembre, désormais « jour anniversaire de l’armistice de 1918 et de commémoration annuelle de la victoire et de la Paix, [où] il est rendu hommage à tous les morts pour la France ».

Cette évolution tient à deux raisons principales.

La première raison, c’est la disparition du dernier poilu en 2011 et l’approche du centenaire de la Grande Guerre. Pour que l’héritage historique de la Première Guerre mondiale soit préservé, pour que ses enseignements continuent de nous guider et de se transmettre, pour que le centenaire soit un grand moment d’unité nationale, il fallait une approche renouvelée des commémorations.

La seconde raison, c’est la nécessité d’honorer la quatrième génération du feu, qui n’a pas moins mérité de la Nation que les générations qui l’ont précédée. Les théâtres d’opérations se sont multipliés, exigeant de nos soldats un engagement plein et entier, au péril de leur vie. Depuis la fin de la guerre d’Algérie, ce sont plus de 600 militaires qui sont morts pour la France.

Les événements tragiques de vendredi nous l’ont rappelé douloureusement : le sacrifice de ces soldats mérite tout autant que celui de leurs aînés que l’on se souvienne, et qu’au souvenir soient associés respect et reconnaissance.

Or le calendrier républicain ne permettait pas jusqu’alors de rendre à la quatrième génération du feu l’hommage qui lui est dû. Il n’était cependant pas question de créer une journée commémorative spécifique : la commission Kaspi l’avait souligné, c’eût été fragmenter davantage notre mémoire collective, prendre le risque de la division et, finalement, de l’oubli.

L’esprit nouveau des commémorations du 11 novembre permet de pallier le manque tout en appelant à l’unité.

Associer l’ensemble des générations du feu, c’est en effet souligner les valeurs qu’elles ont en commun, ce sens de l’engagement qui va jusqu’au sacrifice ultime. C’est aussi rappeler que le combat pour la France, pour la liberté et la démocratie, est un combat qui traverse l’Histoire et ne sera jamais dépassé.

Nous l’avons vu ces derniers mois : en Libye et en Côte d’Ivoire, nos armées ont consacré leur professionnalisme, leur courage et leur réactivité au profit de l’aspiration des peuples à la liberté et à la démocratie. En Afghanistan, elles se mobilisent tout autant contre l’obscurantisme et pour la paix. Si les succès remportés, si les progrès réalisés font notre fierté, nous le devons à l’engagement d’hommes et de femmes qui acceptent de risquer leur vie pour une cause qui les dépasse.

Parce que leurs combats sont dignes de ceux de leurs aînés, la filiation entre les générations du feu sera désormais célébrée chaque 11 novembre. Ainsi, plus un mort pour la France, plus un sacrifice ne sera menacé par l’oubli parce qu’il ne peut être associé à une journée particulière de notre calendrier républicain.

Je rappelle que cette évolution ne remet absolument pas en cause les autres dates commémoratives : il n’est pas question d’en supprimer ou de les hiérarchiser. Le Président de la République en a pris l’engagement le 11 novembre dernier : les autres conflits – Seconde Guerre mondiale, Indochine, Corée, Algérie –, les autres événements marquants de l’histoire du XXe siècle – l’appel du 18 juin, l’hommage aux harkis – conserveront leurs journées nationales.

De même, l’héritage historique de la Grande Guerre continuera d’être honoré le 11 novembre. Le texte est clair : le 11 novembre demeure le « jour anniversaire de l’armistice de 1918 ». Et puisqu’il prend la forme d’une loi autonome, il ne modifie en rien la loi de 1922 : celle-ci reste l’acte de reconnaissance et de mémoire des seuls soldats morts au cours de la Grande Guerre.

J’ajouterai que ce projet de loi renforce davantage encore la profondeur historique du 11 novembre. Soulignant son caractère fédérateur, la commission Kaspi estime que le 11 novembre « apparaît, dans le souvenir collectif des Français, comme la manifestation la plus emblématique d’hommage aux combattants morts pour la Patrie ».

La Grande Guerre fut en effet un moment d’unité nationale comme il en existe peu dans notre histoire : unité dans l’horreur, mais aussi unité dans la victoire. Elle est à l’image de l’unité qui doit prévaloir en matière de mémoire : unité entre les générations du feu et unité de la Nation dans l’hommage.

Aussi ce souvenir fondateur du XXsiècle est-il à même de porter le renouveau de notre mémoire collective au XXIsiècle. Il se prête à une symbolique renforcée, à une solennité accrue. Il invite à méditer le sens de notre histoire nationale, que l’on doit d’abord aux morts pour la France, civils et militaires.

Dans le même esprit, le Gouvernement a appuyé, lors de l’examen du texte en commission à l’Assemblée nationale, l’amendement visant à rendre obligatoire l’inscription des morts pour la France sur les monuments aux morts. Cet amendement constitue l’article 2 du texte qui vous est présenté.

Jusqu’à présent, l’inscription était laissée à la discrétion des maires. Tous les morts pour la France, sans exception, pourront désormais recevoir cet hommage de la Nation. C’est un symbole fort, me semble-t-il, que de graver ainsi leurs noms dans le marbre. Et c’est particulièrement important pour le deuil et la mémoire des familles.

Je rappelle également que le Gouvernement soutiendra la construction d’un monument dédié aux soldats morts en opérations extérieures. Ce projet, qui repose sur une coopération productive avec la Ville de Paris, vise lui aussi à pérenniser la reconnaissance de la Nation envers la quatrième génération du feu.

Mesdames, messieurs les sénateurs, « c’est l’honneur d’un grand peuple de respecter ses soldats et d’honorer ceux qui sont morts pour le défendre ». Ces mots, prononcés par le Président de la République le 11 novembre dernier, traduisent l’esprit du texte qui vous est présenté aujourd’hui.

C’est parce que la France se fait une certaine idée de sa vocation dans le monde, c’est parce qu’elle se réclame de valeurs universelles et qu’elle se donne les moyens de les défendre, qu’elle se doit d’être exemplaire dans la reconnaissance qu’elle porte à ses soldats.

Chacun d’entre nous doit sa liberté à ceux qui sont tombés sous les drapeaux. Chacun d’entre nous doit sa dignité à ceux qui acceptent de défendre nos valeurs par les armes. Ce projet de loi nous invite à ne jamais l’oublier. C’est pourquoi je vous engage à lui apporter votre suffrage. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR. – Mme Gisèle Printz applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi soumis aujourd'hui à votre examen, à la suite de son adoption par la commission, fixe au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France.

L’objectif est de rassembler, dans un même hommage annuel, tous les morts pour la France : quelle que soit leur situation personnelle, quel que soit leur statut, quelle que soit la localisation des conflits, sur le territoire national ou sur des territoires extérieurs, quelle que soit la génération du feu à laquelle ils appartiennent.

Il s’agit d’abord des morts des conflits du passé : ceux de la Grande Guerre, la plus meurtrière bien sûr – elle a fait 1,4 million de morts –, mais aussi des conflits postérieurs, comme la Seconde Guerre mondiale, soldats et résistants, et des guerres d’Indochine et d’Algérie, ainsi que – pourquoi pas ? – dans notre cœur, ceux de conflits antérieurs qui ont forgé notre Nation – comment exclure, par exemple, ceux de Valmy ? –, et même ceux des guerres que nous avons oubliées et dont il nous faut, pour nous souvenir, ouvrir un livre d’histoire.

Il s’agit ensuite des morts des conflits du présent, ceux des opérations extérieures. Je pense bien entendu à nos militaires tombés en Afghanistan, à qui le Sénat vient de rendre hommage par une minute de silence.

Il s’agira enfin de ceux qui, hélas ! tomberont demain.

Tous auront eu la force, le courage, l’abnégation de servir leur patrie jusqu’au sacrifice suprême. Tous auront eu la volonté de servir la République et ses valeurs. Tous seront « morts pour la France ».

Il s’agit donc d’honorer non pas les guerres, mais les morts, de créer non pas une commémoration unique, mais une commémoration commune.

Le Président de la République, dans son discours du 11 novembre, a bien pris soin de le préciser : « Qu’il soit bien clair qu’aucune commémoration ne sera supprimée et qu’il s’agit seulement de donner plus de solennité encore au 11 novembre, alors que tous les témoins ont disparu ».

Cette assurance a été donnée à de nombreuses reprises, notamment par vous-même, monsieur le secrétaire d’État, à l’occasion des entretiens et échanges que vous avez eus avec les associations d’anciens combattants, lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, et à l’instant même au Sénat.

Si un certain nombre de ces associations ont très vite manifesté leur adhésion à ce projet, qui allait dans le sens de leurs réflexions, d’autres ont émis la crainte que cela ne préfigure l’instauration d’un Memorial Day, journée unique du souvenir à la française, et ne conduise à l’abandon progressif des autres commémorations nationales.

Il est important, cela a été rappelé en commission, de maintenir la singularité de ces commémorations. Outre l’attachement des anciens combattants à la perpétuation du souvenir des combats qu’ils ont menés et des camarades qui ont perdu leur vie, les spécificités de chaque conflit doivent être prises en considération pour en faire connaître les caractéristiques essentielles, parfois avec des appréciations différentes, qui reflètent la pluralité des mémoires de ceux qui les ont vécus. Elles donnent aussi l’occasion, renouvelée chaque année, de faire œuvre d’enseignement, d’histoire, d’instruction civique et de patriotisme au profit, notamment, des jeunes générations.

C’est pourquoi, après une discussion très ouverte, marquée par une volonté d’écoute et de dialogue à laquelle je vous remercie, monsieur le vice-président de la commission, ainsi que vous, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir contribué, votre commission a souhaité formaliser cet engagement en votant un amendement de notre collègue Alain Néri et du groupe socialiste, qui précise que cet hommage « ne se substitue pas aux autres journées de commémoration nationales ».

S’agissant de la date retenue pour cette commémoration de tous les morts pour la France, le choix du 11 novembre semble le meilleur.

Cette date reste, en effet, ancrée dans la mémoire collective comme la manifestation la plus emblématique d’hommage aux combattants morts pour la patrie.

Elle est la date de commémoration des morts de la guerre qui a engagé le plus de combattants et fut la plus meurtrière. C’est d’ailleurs à l’occasion de cette guerre que fut instituée, par la loi du 2 juillet 1915, la mention : « Mort pour la France ».

Elle est aussi, et peut-être surtout, la commémoration de l’unité nationale autour de la défense de la patrie et de la République, la commémoration d’une nation retrouvée dans l’épreuve, qui a su faire preuve de cohésion malgré ses divisions, la France de l’Union sacrée.

Cette date n’a jamais été contestée, ni lors de son instauration ni depuis.

Elle englobe, en outre, la mémoire d’autres événements, à commencer par le sursaut patriotique des étudiants et lycéens parisiens, qui convergent vers l’Arc de Triomphe le 11 novembre 1940 malgré l’interdiction de l’Occupant, et qui sera considéré comme l’un des premiers actes de la Résistance, jusqu’aux hommages rendus régulièrement aux forces engagées dans les différents conflits. Le dernier, en date du 11 novembre 2011, était adressé aux unités engagées en Côte d’Ivoire, en Afghanistan et en Libye.

Si, le 14 juillet, ce sont nos armées qui, par le défilé militaire, rendent hommage à la République, le 11 novembre, qui en constitue en quelque sorte le pendant, la Nation rend hommage à ceux de ses enfants qui sont morts pour la défense de son territoire et de ses valeurs.

Le projet de loi initial a été complété par l’Assemblée nationale pour rendre obligatoire l’inscription du nom des morts pour la France sur les monuments aux morts des communes et en organiser les modalités pratiques s’agissant des demandes d’inscription. Cela permettra d’inscrire, notamment, le nom des militaires morts pour la France en opérations extérieures, ou OPEX. Au-delà de l’hommage collectif annuel de la Nation, la mémoire de chacun d’eux sera ainsi conservée par cette inscription.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à l’image de votre commission, qui a voté ce projet de loi à l’unanimité, je souhaiterais que nous soyons le plus nombreux possible à nous rassembler pour commémorer le souvenir de ceux qui ont donné leur vie pour notre pays et pour les valeurs qu’il défend. Ce serait non seulement un beau témoignage adressé à ceux que nous honorons chaque année ainsi qu’à nos concitoyens, qui attendent de la représentation nationale l’expression de son unité autour des valeurs essentielles de la République, mais aussi la marque de notre reconnaissance envers ceux qui, sur des théâtres d’opérations extérieures, connaissent la dure réalité de la guerre.

En la circonstance, légiférer, c’est, d’une certaine manière, commémorer. C’est aussi, quel que soit notre point de vue sur les conflits passés ou en cours, reconnaître la valeur du sacrifice de nos enfants et le caractère sacré de leur vie.

L’ancien combattant d’Algérie que je suis a été honoré de vous présenter ce texte.

Je vous demande, mes chers collègues, de m’accompagner dans cette démarche d’union en hommage à nos morts pour la France, démarche qu’attendent la quasi-totalité des associations d’anciens combattants, démarche qui honore le Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la mort de quatre de nos soldats en Afghanistan, dans des circonstances tragiques, donne une signification toute particulière au projet de loi que nous examinons cet après-midi. Elle nous rappelle qu’un soldat français envoyé par le gouvernement de la République meurt toujours pour la France.

J’ai une pensée particulière pour la douleur des familles de ces hommes qui ont été lâchement abattus, alors qu’ils étaient venus dans ce pays avec la conviction de défendre des valeurs universelles.

Dans de telles circonstances, l’examen de ce projet de loi inciterait au consensus. Méfions-nous cependant de ces lois adoptées sous le coup de l’émotion. J’éprouve, en effet, quelque réticence aux appels au rassemblement, à l’union nationale, aux bons sentiments, quand ils sont lancés en temps de crise, et en période électorale…

Pourtant, il pourrait sembler naturel et logique de faire évoluer les cérémonies anniversaires de l’armistice de 1918, afin d’éviter que la commémoration du 11 novembre ne s’effrite. Mais quelle urgence y a-t-il donc à légiférer sur l’organisation et la signification de ces cérémonies, dix mois avant les prochaines commémorations et deux ans avant le centenaire de la guerre de 1914-1918 ?

Cette précipitation autorise vraiment à penser que ce texte traduit implicitement la volonté du Président de la République d’ajouter cette profonde modification de nos traditions à l’édifice de l’histoire nationale avant la fin de son quinquennat.

Comme sur d’autres sujets tout aussi importants, cette décision sent l’électoralisme (Mme Nathalie Goulet s’exclame. – Protestations sur certaines travées de l’UMP), car il s’agit à l’évidence de donner satisfaction, avant l’élection présidentielle, à une certaine partie de nos concitoyens, sensible à ces questions.

Cette façon empressée et précipitée de transformer la signification d’une de nos grandes commémorations nationales laisse la désagréable impression que le Gouvernement ne souhaite pas, en tout cas, un véritable débat sur la politique de mémoire.

Légiférer sereinement sur le sens à donner aux manifestations du souvenir aurait requis de débattre publiquement avec l’ensemble de la société, plus longuement et de manière plus approfondie. Ce débat aurait pourtant toute sa raison d’être, comme je viens de le dire, puisqu’il permettrait d’évoquer tant de périodes, souvent douloureuses, de notre histoire, dont les causes et la signification sont différentes.

Je puis en témoigner particulièrement, venant d’une région où des centaines de cimetières militaires de toutes les nationalités jalonnent le territoire sur des centaines de kilomètres, et portent ainsi la trace de la lourde mémoire de ces souffrances.

Dans ces conditions, la décision du Président de la République de fixer au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France, dans le but de donner plus de solennité à ces cérémonies, comme vous le suggérez, monsieur le secrétaire d’État, et d’y associer les soldats tombés lors d’opérations extérieures en reliant par le souvenir toutes les générations du feu, cette décision n’est pas, à notre avis, à la hauteur des valeurs qu’elle pourrait ainsi promouvoir.

Dans le cours de sa discussion du présent texte, l’Assemblée nationale a renforcé l’obligation d’inscrire le nom des morts pour la France sur les monuments aux morts de nos communes. Pour dissiper tout malentendu, la commission des affaires étrangères du Sénat a, à juste titre, clairement ajouté dans le texte que cet hommage transformé ne se substituait pas aux autres journées de commémoration nationales.

Pourtant, des questions importantes surgissent. Des problèmes de fond n’ont pas clairement été tranchés, ni par l’Assemblée nationale durant les débats ni lors des travaux de notre commission.

En effet, le diable se cache dans les détails.

La modification du caractère mémoriel de la commémoration du 11 novembre, en ce que l’on rend hommage à l’ensemble des morts pour la France en amalgamant, de fait, les dates et les conflits, risque d’accréditer l’idée que, au final, peu importent les raisons pour lesquelles des militaires et des civils ont perdu la vie, et, parallèlement, de faire perdre sa spécificité à cette journée commémorative.

Est-ce le meilleur moyen faire vivre le devoir de mémoire et d’entretenir le souvenir ?

La Première Guerre mondiale est, par le drame qu’elle a représenté, un élément fondateur du siècle dernier. Historique par le nombre d’États qui ont été engagés dans le conflit, elle est également inédite, au sens où elle a redessiné la carte de l’Europe et profondément influencé l’histoire géopolitique du XXe siècle.

Mais le 11 novembre doit, peut-être avant tout, rester l’évocation de ce terrible carnage, si bien dépeint dans Le Feu d’Henri Barbusse, qui a touché toutes les familles françaises et fait plus de dix millions de morts de toutes nationalités, dont un million et demi de jeunes Français.

De ce conflit particulier, nous devons continuer de tirer les enseignements.

Il y a donc un grand risque, en confondant les mémoires et les événements, en amalgamant des engagements multiples qui n’ont pas la même portée historique et humaine, de tout fondre dans une même condamnation abstraite de la guerre, qui empêche de réfléchir sur les causes.

En ne distinguant plus les choses, en confondant les conflits, on aboutit à une vision aseptisée de l’histoire et de la mémoire collective, qui ne permet plus de comprendre le passé et de construire lucidement l’avenir.

Je ne remets bien sûr nullement en cause la forte légitimité de la mention « Mort pour la France », portée sur les actes de décès. Un soldat envoyé par le gouvernement de la République est toujours tué au nom de la France.

En revanche, je conteste l’idée selon laquelle tous les conflits sont de même nature et qu’ils peuvent être mis sur le même plan. Tous les conflits dans lesquels la France a été engagée n’ont pas toujours délivré le même message de défense de nos valeurs et de notre sécurité à l’extérieur des frontières.

Et je doute vraiment que ce soit ce message qui ait été délivré par le corps expéditionnaire envoyé en Indochine, par le bataillon français qui a combattu en Corée dans les années cinquante, ou bien encore lors de la période de la décolonisation.

Autant nous sommes d’accord pour rendre un hommage particulier aux soldats qui, dans ce que l’on appelle aujourd’hui les opérations extérieures sous mandat de l’ONU, œuvrent pour le respect du droit international et assurent le maintien de la paix, autant nous refusons de mélanger tous les conflits en un même souvenir, pour les raisons que je viens d’exposer.

Cet amalgame risquerait, d’ailleurs, d’ôter au fil des ans leur signification aux autres cérémonies commémoratives et d’altérer le contenu du nécessaire devoir de mémoire, qui est aujourd’hui en jeu avec la disparition des derniers témoins.

Cette confusion et cette dilution des mémoires combattantes auraient aussi pour effet d’endormir la vigilance des jeunes générations, pourtant indispensable pour que les tragédies de l’Histoire ne se répètent pas.

Parce que nous pensons que ce projet de loi recèle des arrière-pensées et de graves ambiguïtés, nous ne le voterons pas.

M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano. (M. Yvon Collin applaudit.)

M. Robert Tropeano. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le 11 novembre 1920, la République française rendait son premier hommage, au pied de l’Arc de Triomphe, au soldat inconnu mort pendant la Grande Guerre. Cette date, déclarée chômée et commémorative deux ans plus tard par le Parlement, est depuis le point d’orgue de la mémoire collective française. En effet, elle trouve un écho particulier dans le cœur de nos concitoyens qui, pour beaucoup d’entre eux, ont reçu en héritage le récit de cette guerre, quand ils n’ont pas connu un valeureux poilu. À ce propos, le dernier nous a quittés le 12 mars 2008, rendant encore plus indispensable l’entretien de la flamme du souvenir.

La pérennité d’un attachement certain à la commémoration du 11 novembre 1918 tient aussi à l’ampleur du sacrifice consenti par le monde combattant.

Ce sont plus de soixante millions de soldats, provenant de vingt-deux États différents, qui se sont engagés dans une guerre dévastatrice déclarée à l’échelle du monde.

Le prix à payer fut lourd : dix-neuf millions de morts et vingt et un millions de blessés.

Au sortir de la guerre, la douleur fut immense. Non seulement il fallut constater une perte humaine considérable, mais le témoignage bouleversant des survivants devait marquer pour toujours les esprits.

Je citerai le récit anonyme d’un poilu résumant parfaitement ce qui a été enduré :

« Nous subissons à la fois toutes les souffrances, toutes les misères, toutes les privations dont les poilus peuvent être frappés : la pluie, la boue, la glace, la neige, la faim, la soif, les poux, le bombardement…

« Depuis six jours que nous sommes dans cette tranchée, nous n’avons pas eu la bonne fortune de voir luire le soleil un instant.

« Le ravitaillement est devenu à peu près impossible : les hommes qui se rendent la nuit à la corvée de soupe reviennent avec des boules de pain trempées dans la boue. Parfois, ils ne reviennent pas du tout, fauchés par les obus ou égarés dans les ténèbres de la nuit. »

Cette évocation, qui traduit le sort commun de toute une génération du feu, illustre aussi la dimension d’unité nationale que revêt plus que toute autre la guerre de 1914-1918.

C’est pourquoi on peut comprendre le choix de cette date comme journée d’hommage aux morts pour la France, civils et militaires.

M. Robert Tropeano. Pour autant, cela ne doit pas occulter toutes les autres manifestations commémorant les accidents de l’Histoire.

M. Yvon Collin. Absolument !

M. Robert Tropeano. Je pense notamment au 8 mai 1945, à la Journée nationale d’hommage aux morts pour la France en Indochine, à celle qui est consacrée aux harkis et, bien sûr, à l’hommage aux morts de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie.

D’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, en cette année du cinquantenaire de la signature des accords d’Évian, je souhaiterais que le 19 mars et la fin de la guerre d’Algérie soient commémorés d’une manière particulière.

M. Yvon Collin. Très bien !

M. Robert Tropeano. Je n’oublie pas non plus toutes les manifestations dédiées aux victimes d’actes de barbarie.

Je me réjouis de constater que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a modifié l’article 1er afin de préciser que l’hommage créé ne se substituait pas aux autres journées de commémoration nationales. Vous l’avez souligné, monsieur le secrétaire d’État, et je vous en remercie.

Cette précision est en effet importante. Une majorité d’associations réunies dans un comité d’entente avaient approuvé le projet de loi initial. Mais plusieurs d’entre elles avaient craint que cette initiative ne crée à terme une sorte de Memorial Day. J’ai moi-même partagé cette inquiétude, car l’instauration d’une journée unique pourrait en effet diluer les enjeux mémoriels propres à chacune des commémorations qui jalonnent actuellement le calendrier national.

Cette réserve étant désormais écartée, le groupe RDSE apportera son soutien à ce projet de loi, qui présente un double intérêt.

D’une part, comme l’a clairement indiqué notre collègue rapporteur, le dispositif permettra de construire un lien entre les victimes des différents conflits. Au cours de cette dernière décennie, la multiplication des commémorations publiques ou nationales tend à fragmenter la mémoire collective. Cette nouvelle journée sera l’occasion d’exprimer la continuité de l’engagement des générations pour les valeurs intemporelles de liberté et de fraternité.

D’autre part, le choix de célébrer tous les « morts pour la France » permet d’associer l’ensemble de ceux qui ne sont actuellement pas représentés par une journée commémorative. Je pense en particulier aux soldats morts en opérations extérieures, plus de 600, comme vous l’avez précisé, monsieur le secrétaire d’État.

Malheureusement, cette liste s’allonge avec le temps. Vendredi dernier, en Afghanistan, ce sont quatre de nos soldats qui ont été tués et seize autres blessés dans la province de la Kapisa. Leur courage et leur sens du devoir méritent toute notre compassion. L’actualité nous rappelle ainsi, de manière tragique, les dangers encourus par tous ces combattants, l’éloignement géographique faisant presque oublier à nos concitoyens que des jeunes gens sont prêts à faire don de leur vie pour un idéal de paix universelle.

Mes chers collègues, ce texte est de nature à donner un nouvel élan à la politique de commémoration, qui doit rester vive, parce qu’elle est un vecteur essentiel de l’unité nationale et l’instrument d’une transmission des valeurs républicaines d’une génération à l’autre. Dans une société que bien d’autres sujets divisent, le rassemblement autour d’une mémoire partagée participe de la cohésion nationale.

J’ajouterai que cela demeure fondamentalement un hommage à tous ceux qui ont versé leur sang sur l’autel de la liberté pour défendre les valeurs de la République. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste, de l’UCR et de l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi.

Mme Leila Aïchi. « Jamais je n’avais pensé que de telles atrocités pouvaient se passer. Dans mon imagination d’humain, ce n’était pas possible. » Tout est dit, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans ce témoignage du dernier des tirailleurs sénégalais, de la boucherie que fut la Première Guerre mondiale.

« Plus jamais ça ! », scandait-on au lendemain du 11 novembre 1918. Il est de notre devoir d’obéir à cet ardent souhait et de perpétuer ce message pacifiste en commémorant les morts de la Grande Guerre.

À l’aube du centenaire du déclenchement du conflit, alors que les derniers poilus nous ont quittés, perpétuer le souvenir de cette atrocité est un impérieux devoir pour les générations futures.

Ainsi, pour donner une nouvelle actualité à la commémoration du 11 novembre, le Gouvernement a souhaité que la Nation rende hommage à tous les morts pour la France à cette date.

Alors que nous sommes encore sous le choc de la perte de quatre de nos soldats en Afghanistan, les écologistes ne peuvent qu’approuver un projet de loi visant à commémorer les morts en opérations extérieures. Après tout, « seuls les morts ont vu la fin de la guerre », dit l’adage.

Le principe d’une non-discrimination des morts pour la France permettant d’intégrer ces soldats ayant perdu la vie en OPEX est une idée juste.

Dès lors je voterai, ainsi que l’ensemble du groupe écologiste, en faveur de ce projet de loi.

J’émets cependant quelques réserves sur le contexte dans lequel nous votons ce texte, et je voudrais vous en faire part, monsieur le secrétaire d’État, car je ne saurais en faire l’économie dans cette discussion.

À cent jours de l’élection présidentielle, le caractère électoraliste de ce projet de loi n’échappe à personne. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Pourquoi le Gouvernement aurait-il engagé une procédure accélérée si ce n’était pour s’assurer les voix des militaires et des anciens combattants lors des échéances des mois prochains ?

Monsieur le secrétaire d’État, cette précipitation du Gouvernement pénalise toute la Nation. En effet, les lois à caractère historique jouent un rôle capital dans le façonnement de la mémoire collective. Or seul un long débat peut être susceptible d’apporter une réponse apaisée à une si délicate question.

Je me permets également d’émettre des doutes quant à l’opportunité du choix de la date du 11 novembre.

M. Ronan Kerdraon. Très bien !

Mme Leila Aïchi. Si elle correspond à la fin de la barbarie et à l’élaboration de projets pacifistes telle que la construction de la Société des nations, cette date est aussi celle de la défaite de l’Allemagne, défaite que le traité de Versailles a rendue humiliante. Alors que nous souhaitons et œuvrons pour une intégration européenne toujours plus importante et que le couple franco-allemand nous est si cher, la date du 11 novembre, monsieur le secrétaire d’État, était-elle réellement la plus appropriée ?

Pour la commémoration de nos morts, la symbolique du 8 mai est plus adéquate. Elle marque la fin des dictatures fasciste et nazie. Mieux encore, nous aurions pu retenir celle du 9 mai, ce jour de 1950 où furent jetées les bases de la construction d’une Europe se fondant sur la paix et la coopération. Ces dates possèdent en effet une charge émotionnelle beaucoup moins belliqueuse. Mais là n’est pas mon principal regret.

Mon véritable regret est que, dans votre précipitation à faire voter cette loi, vous nous avez privés d’un débat apaisé sur ce que doit être la commémoration aujourd’hui.

En premier lieu, je m’interroge sur le visage de ces « morts pour la France ». Qui commémore-t-on ? La Grande Guerre a aussi causé la perte de nombreux civils. Sont-ils comptés au nombre des « héros de la Nation » ? Non ! Ces morts-là, ces victimes innocentes, n’ont pas de monument.

En instituant le 11 novembre un hommage à tous les soldats morts pour la France, vous réaffirmez le caractère militaire de cette commémoration. C’est là un nouveau pas qui nous éloigne du souvenir des victimes civiles de la guerre.

Pourtant, ce projet de loi était l’occasion de repenser notre conception de la commémoration.

Un débat apaisé aurait permis de retravailler le sens que nous donnons au mot « héros ».

Il est certain qu’il ne suffit pas d’obéir à la hiérarchie militaire au sacrifice de sa vie pour être un héros. Les mutins de la Grande Guerre ont rejeté l’absurdité et la barbarie dans laquelle la Nation se trouvait. Ils ont bravé une autorité militaire devenue absurde. À ce titre, ils étaient aussi des héros.

Il est temps de rendre grâce à ces acteurs de la paix, dont la mémoire a été salie pour les besoins de l’Union sacrée.

Un débat apaisé nous aurait permis de reconsidérer la mémoire de Jean Jaurès. Son assassin, Raoul Villain, a été acquitté et son procès annulé, toujours au nom de l’Union sacrée. L’Histoire a donné raison à Jaurès. Qu’attendons-nous pour le rétablir dans son honneur, et reconnaître ce que nous lui devons ?

Il est, certes, important de rendre hommage à tous les morts pour la France. Mais nous vivons aujourd’hui dans un ordre assis sur l’entente et le droit. Aussi nous faut-il rendre hommage à ceux qui font la « guerre à la guerre » et aux « nouveaux Jaurès », acteurs de la paix. Je pense aux travailleurs humanitaires, aux journalistes et aux militants des droits humains.

Vous nous privez de ce débat, monsieur le secrétaire d’État, mais n’est-ce pas précisément de bonne guerre ? Je veux bien admettre qu’il soit plus difficile de légiférer sereinement quand on se sent menacé par le vent du « changement ». (Murmures sur les travées de l'UMP.)

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’espère seulement que le vent du « changement » nous permettra dans quelques mois d’avoir un débat digne des acteurs de la paix et des enfants de Jaurès. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste. – Exclamations indignées sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vendredi dernier, nous avons encore perdu quatre de nos soldats en Afghanistan, ce qui porte ainsi le tribut que la France a dû verser à la lutte contre le terrorisme à quatre-vingt-deux hommes en dix ans.

Les guerres changent, mes chers collègues, mais elles exigent toujours le même douloureux prix du sang. Le siècle dernier s’est chargé de nous rappeler cette règle, hélas ! immuable : quatre générations d’hommes et de femmes ont fait le sacrifice de leur vie ou vu disparaître leurs proches. Il n’y a pas une famille en France qui ne porte en elle la trace de cette histoire.

Lazare Ponticelli, dernier survivant de la Première Guerre mondiale et ancien résistant, restera comme l’un des symboles les plus vibrants de cette histoire douloureuse qui traverse les générations. Il nous a quittés le 12 mars 2008, à l’âge de cent dix ans, après avoir vécu un siècle de fer, rompant ainsi le lien du témoignage vivant qui nous reliait à l’une des guerres les plus meurtrières de l’histoire.

Pour autant, Lazare Ponticelli ne nous a pas laissés comme des héritiers sans testament. Sa vie durant, il s’est élevé contre l’oubli relatif dans lequel ses compagnons d’armes avaient pu être plongés.

Il n’y a pas que des soldats inconnus et nous ne sommes pas redevables qu’aux poilus, pensons aussi aux soldats de la France libre, aux résistants, aux hommes pris au piège de la cuvette de Diên Biên Phú, à ceux qui sont partis sous l’égide d’un mandat international défendre à l’autre bout du monde notre conception de la liberté, et à tant d’autres encore.

Très nombreux sont nos compatriotes qui sont « morts pour la France ». Nous avons une dette vis-à-vis d’eux et il est de notre responsabilité de nous en acquitter. Le souvenir et la reconnaissance sont bien la moindre des choses que nous leur devions.

Le présent projet de loi, en dépit de son annonce récente par le Président de la République, le 11 novembre dernier, est le fruit d’un long processus de réflexion et de maturation.

Il s’agit en effet d’élargir le sens et la portée de la commémoration du 11 novembre, consacrée depuis la loi du 24 octobre 1922 aux soldats de la Première Guerre mondiale, à l’ensemble de ceux et de celles qui ont perdu la vie sous les armes au service de la France et des valeurs dont elle est porteuse.

Un tel projet ne repose que formellement sur une évolution du droit. La commémoration est avant tout un moment qui nous rassemble autour d’un douloureux passé commun. Le droit n’instaure pas la mémoire, mais il peut permettre de rassembler la Nation dans un même hommage à tous ceux qui ont écrit de leur sang notre histoire.

La gestation de ce texte a été longue. Dès le mois de novembre 2008, le Président de la République a confié une mission à l’historien André Kaspi, qui dénonçait « l’inflation commémorative » sévissant depuis une quinzaine d’années. Avec douze commémorations officielles par an, il devient en effet de plus en plus complexe de faire comprendre aux plus jeunes le sens profond et commun à chacune de ces manifestations.

C’est pourquoi il est important de redonner du sens à ces commémorations en accentuant la signification du 11 novembre. C’était là la préoccupation majeure que j’avais à l’esprit lorsque j’ai voulu apporter ma contribution à ce débat en déposant une proposition de loi en ce sens, à l’automne dernier.

Je tiens aussi à saluer l’impulsion que notre collègue Jean-Marie Bockel a donnée en ce sens lorsqu’il était membre du Gouvernement.

Évidemment, le droit restera lettre morte si la tâche n’est pas relayée par les enseignants, qui, dans chaque classe, auront à transmettre le devoir de mémoire du passé, qui préside à cette conception renouvelée du 11 novembre.

Je pense aux enseignants, mais également aux médias, qui devront relayer cet événement de manière à donner à ce jour la teinte particulière qui cristallisera la mémoire de tous les « morts pour la France ». Au-delà du simple travail législatif, il s’agira donc bien de travailler ensemble – enseignants, médias, mais aussi nous tous, citoyens attachés à notre histoire – à bâtir une nouvelle forme de commémoration, plus solennelle et plus compréhensible pour les jeunes générations.

Les sénateurs du groupe de l’Union centriste et républicaine se félicitent de la qualité des débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale et au Sénat, en commission comme en séance publique.

Ce projet de loi perdrait beaucoup de son sens s’il n’avait pas été porté par un consensus appuyé et construit tout au long du processus de préparation que j’ai évoqué précédemment. Je tiens ainsi à remercier le rapporteur de notre Haute Assemblée et celui de l’Assemblée nationale pour l’esprit de concorde dans lequel ils ont travaillé.

Pour toutes ces raisons, nous souscrivons à cette démarche et nous voterons en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Néri. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au moment où je prends la parole ici, devant la Haute Assemblée, pour m’exprimer sur ce projet de loi fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France, je voudrais, comme vous tous, avoir une pensée pour ces quatre soldats français qui viennent de laisser leur vie en Afghanistan. C’est pour moi l’occasion d’envoyer un message de soutien à leurs familles et à leurs compagnons d’armes. En effet, lorsqu’un soldat français meurt, c’est l’ensemble de la Nation qui est touché.

M. Yvon Collin. Très bien !

M. Alain Néri. Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes d’accord sur l’importance du devoir de mémoire, même si sa mise en œuvre pose parfois question et suscite, de loin en loin, des débats difficiles.

Plus que tout autre sujet, la mémoire doit permettre de se rassembler. On se rassemble pour se souvenir, se recueillir et rendre hommage à tous ceux qui ont sacrifié leur jeunesse et leur vie en répondant à l’appel de la Nation pour défendre la République, ses valeurs et ses lois.

La loi du 24 octobre 1922 appelle à célébrer, le 11 novembre, « la commémoration de la victoire et de la Paix ». Elle reprenait une idée qui correspondait à cette période de notre histoire. Aujourd'hui, une autre conception de l’histoire, une autre conception de la vie permet d’élargir la notion de commémoration et de rendre hommage à ceux qui, à l’appel de la Nation, ont su sacrifier ce qui leur était le plus cher, leur vie, ainsi qu’à leur famille.

Le projet de loi que nous avons à examiner vise donc à faire du 11 novembre, jour anniversaire de l’armistice de 1918, une journée de commémoration de tous les morts pour la France.

Nous n’avons aucune opposition de principe à ce sujet. Mais, monsieur le secrétaire d'État, nous sommes obligés de dire que nous avons été quelque peu surpris du choix du Gouvernement d’engager, sur ce texte, la procédure accélérée.

M. Alain Néri. Cette procédure ne nous paraît pas parfaitement justifiée. Elle peut même laisser à penser que, dans l’esprit de certains, ont germé quelques idées qui vont au-delà de la commémoration et de l’hommage rendu à l’ensemble des combattants. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)

En effet, des voix diverses et variées s’élèvent parfois, ici ou là, pour dénoncer le trop grand nombre de manifestations commémoratives. En 2008, une commission spéciale, la commission Kaspi, a même été créée pour faire des propositions en ce sens. Mais les conclusions auxquelles elle est parvenue ne visent en aucune façon à privilégier une seule date. Cette commission ne propose pas de retenir une date unique de commémoration, qui serait, en quelque sorte, un Memorial Day à la française.

D’ailleurs, nous ne sommes pas obligés de copier nos amis américains, qui ont leurs traditions quand nous avons les nôtres. De plus, si l’on prend la peine de regarder les choses de plus près, n’oublions pas qu’aux États-Unis il existe, outre le Memorial Day, le Veterans Day !

Donc, nous sommes attachés à une date spécifique pour commémorer chacun des conflits.

Dans le rapport Kaspi, il était proposé de privilégier trois dates : le 14 juillet, le 8 mai et le 11 novembre.

Nous trouvons impensable d’accepter un jour de commémoration unique pour toutes les guerres et tous leurs combattants. Cela reviendrait, en quelque sorte, à banaliser, voire à diluer la mémoire.

Chacune des générations du feu a droit, au nom de la spécificité de tout conflit, avec ses causes propres, avec ses conséquences propres, à une journée historique et symbolique de reconnaissance de la Nation.

Occasion de donner une leçon d’instruction civique et de renforcer la cohésion nationale, ces dates de commémoration doivent être le moment privilégié du devoir de mémoire et de la transmission du message aux jeunes générations. Ce travail aura sûrement lieu à l’école, mais je pense aussi, mes chers collègues, au sein des familles. Pour moi, chaque père ou mère de famille, chaque grand-père ou grand-mère, chacun d’entre nous peut saisir l’occasion de ces journées pour « prendre un enfant par la main » et l’amener au monument aux morts de la commune pour lui expliquer les causes et les conséquences des conflits, les raisons pour lesquelles nous nous rassemblons devant ces monuments aux morts dans ces occasions-là.

M. Yvon Collin. Très bien !

M. Alain Néri. Monsieur le secrétaire d'État, c’est certainement l’une des raisons de voir évoluer l’évocation du 11 novembre.

Mais je m’étonne que vous ayez mentionné devant nous la nécessité d’engager le processus pour fêter le centenaire de la Première Guerre mondiale. En effet, c’est en 2014 que nous célébrerons le début de la Première Guerre mondiale. Quant à la commémoration du centenaire de l’armistice, il faudra attendre le 11 novembre 2018 ! Convenez avec moi que nous avions un peu de temps devant nous pour mener ensemble une réflexion approfondie afin d’imaginer de nouvelles façons de commémorer et de donner un nouvel élan au devoir de mémoire.

À l’étonnement a succédé l’inquiétude quand, monsieur le secrétaire d'État, vous avez évoqué la disparition, en 2008, du dernier poilu français. Elle a précédé, m’avez-vous fait remarquer, celle du dernier poilu australien, survenue en 2011. En effet, cette guerre a été mondiale. Ce fut une affreuse boucherie dont personne ne pouvait envisager le degré d’horreur. Pourtant, la Seconde Guerre mondiale n’eut rien à lui envier !

Certes, le temps a fait son œuvre sur les générations. Il a déjà balayé tous les poilus de 1914-1918, et il arrive qu’il n’y ait plus d’anciens combattants de 1939-1945 devant nos monuments aux morts lors des commémorations.

Alors, il me revient un douloureux souvenir, celui de la suppression de la commémoration du 8 mai 1945 par un Président de la République qui était de ma région, M. Valéry Giscard d’Estaing. Il a fallu que François Mitterrand soit élu Président de la République pour que les anciens combattants de 1939-1945 et les résistants soient rétablis dans leur droit, le droit à une juste reconnaissance de leur sacrifice, eux qui répondirent à l’appel de la Nation quand il fallut relever la République qui avait été abattue. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Pour toutes ces raisons, nous avions hésité, monsieur le secrétaire d'État, à voter votre texte. Je m’en étais ouvert à M. le rapporteur, auquel je tiens à rendre hommage pour son ouverture d’esprit, que vous partagez, monsieur le secrétaire d'État. La preuve en est que vous avez bien voulu accepter de prendre en compte l’amendement que j’avais déposé au nom du groupe socialiste.

Je tenais en effet à préciser que l’hommage prévu par le texte ne se substitue pas aux autres journées de commémoration nationales. Certes, vous ne nous disiez pas autre chose et je ne vous ferai pas de procès d’intention. Peut-être n’aviez-vous en effet pas dans l’idée de supprimer une ou deux dates pour n’en laisser qu’une. Ma crainte, c’est que nous sommes en quelque sorte de passage dans notre œuvre de législateur. Et d’autres, mal intentionnés, pourraient avoir la volonté de nous imposer une date unique. Cette date unique, avec l’ensemble des combattants, nous la refusons, au nom du juste droit à une commémoration de chacun des conflits.

Notre amendement, déposé à titre de précaution, visait avant tout à apporter des garanties et des assurances. Après discussion, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées de notre assemblée a voté à l’unanimité une rédaction modifiée, avec l’accord de M. le rapporteur et de vous-même, monsieur le secrétaire d'État.

Aujourd’hui, nous considérons donc avoir obtenu aujourd'hui les garanties pour que le 11 novembre soit un moment fort de commémoration qui n’exclue cependant aucun autre moment de recueillement, aucune autre occasion d’exercer le devoir de mémoire et de rendre hommage à tous ceux qui ont répondu à l’appel de la Nation et de la patrie pour défendre les valeurs de la République.

C'est pourquoi, dans un souci d’unité nationale, nous voterons ce texte, monsieur le secrétaire d'État. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Charon.

M. Pierre Charon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la semaine dernière, la France a perdu quatre soldats. J’ai reçu la dépêche alors que je préparais cette intervention, et croyez-moi, chacun des mots qui la composent a été accompagné par l’émotion et par la consternation ressenties face à cet assassinat commis par des terroristes dont le cynisme n’a d’égal que la lâcheté.

Pour commencer, je tiens, bien sûr, à témoigner à nos soldats, à leurs familles et à leurs compagnons d’armes, ma plus sincère affliction et mon plus profond respect.

Nous connaissons leur professionnalisme, leur engagement et leur courage. Sur le sol national ou en opérations extérieures, à des milliers de kilomètres, ils sont la fierté de notre pays.

C’est pour chacun de ces hommes tombés au combat et pour ceux qui n’en reviennent jamais indemnes que nous nous réunissons aujourd’hui afin de tisser le souvenir de leur engagement avec la mémoire de la France.

Je forme le vœu que cette mémoire soit vivante et quotidienne.

Depuis 2007, grâce à l’impulsion donnée par le chef de l’État, les rendez-vous de notre pays avec son histoire ont été revitalisés et sont, chaque année, l’occasion de vivifier notre passé, qu’il soit glorieux ou douloureux.

Dans cette perspective, le Président de la République a souhaité faire du 11 novembre un jour de mémoire de tous les morts pour la France.

À cet égard, je souhaite rendre un hommage particulier à notre rapporteur, Marcel-Pierre Cléach, qui, sur ce projet de loi comme pour celui qui est relatif à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, a su créer les justes conditions législatives envers ceux qui ont servi, hier, la République.

Ce projet doit attirer la bienveillance de chacun d’entre nous. Les morts ne sont pas ceux de la gauche ou ceux de la droite. Ils sont les morts de la France. C’est donc collectivement et en faisant taire les querelles politiciennes que nous leur devons honneur et respect.

Donner sa vie pour protéger sa patrie, c’est la rencontre de l’humilité et de la gloire.

Ces dernières années, notamment - du fait de l’envoi de nos troupes en Afghanistan - mais pas seulement - notre pays a dû réapprendre ce qu’était la spécificité de l’engagement militaire.

Cela, nous le devons au fait que les Français ont la chance de vivre en paix sur le sol national et n’ont entrevu le phénomène de guerre et le prix du sang qu’à travers les médias. Cette paix, si précieuse, si douce, a pourtant un ennemi, l’oubli.

Il est bon que nous scellions ce lien douloureux entre les morts de la guerre et l’existence même de notre nation, existence de nos villes, de nos territoires, de notre civilisation et de nos frontières.

La France a plus que jamais besoin de se retrouver avec elle-même, de toucher ce lien sacré qui, dans l’histoire, a enfanté des miracles d’inspiration, de dévouement et d’héroïsme.

Honneur à vous, soldats morts pour la France, à Verdun ou en Kapisa ! Honneur à vous, soldats qui reposez dans la mémoire des siècles ! Honneur à vous, qui avez mis votre vie au service de la paix !

Les législateurs que nous sommes ont le devoir d’entretenir cette chaîne du souvenir, qui réunit les morts d’hier et ceux d’aujourd’hui. Nous avons la responsabilité de créer les conditions d’union et de rassemblement pour que nos concitoyens puissent témoigner à ces morts la reconnaissance de la Nation entière. Nous avons le devoir de porter leur mémoire avec fierté et avec grandeur.

Cette date doit devenir le socle solennel de ce souvenir. Elle doit rassembler la Nation dans l’épreuve autour de valeurs et de codes qui sont les fondements de notre République.

Il ne s’agit pas, bien sûr, de hiérarchiser les commémorations, pour la bonne et simple raison qu’on ne hiérarchise pas les morts.

Comme le soulignait le Président de la République, « quel que soit le lieu, quel que soit le moment de notre histoire, ce don est sacré et il mérite le même hommage, la même reconnaissance, la même ferveur. La mort au service de la France ne fait pas de différence. Le champ d’honneur est de toutes les guerres et de tous les conflits qui ont impliqué notre pays ».

Le choix de commémorer le même jour tous les morts pour la France permet de n’en oublier aucun. À ce titre, la date du 11 novembre me semble adéquate pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, un tel choix permet de ne pas alourdir le calendrier commémoratif, le nombre de dates ayant doublé depuis dix ans.

Ensuite, au-delà du simple fait de commémorer l’armistice qui mit fin aux souffrances de la Grande Guerre, le 11 novembre célèbre « le sacrifice consenti pour une nation qui représentait non seulement son territoire, mais surtout l’union d’un peuple autour des principes indéfectibles de liberté, d’égalité et de fraternité ».

Quel meilleur symbole que celui-ci pour abriter nos morts ? Quelle plus grande solennité pour honorer la mémoire de chacun de ces hommes tombés au combat ? Quel plus beau rendez-vous que celui de la paix et du peuple pour célébrer le lien charnel de la patrie et de son armée ?

C’est sans doute cette évidence qui a amené le projet de loi à être adopté à l’unanimité par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, présidée par Jean-Louis Carrère, et qui donne aussi aujourd’hui toute sa ferveur au groupe UMP pour voter en faveur de ce texte.

Je finirai avec ces quelques mots empruntés à Lamartine : « En récapitulant par la pensée toutes ces passions instinctives dont se compose pour nous l’amour de la patrie, et en y ajoutant encore une passion naturelle à l’homme, la passion de sa propre mémoire, […] de la gloire de la postérité qui inspire et qui récompense dans le lointain les grands sacrifices, les dévouements jusqu’à la mort à son pays, on comprend que, de toutes les nobles passions humaines, celle-là est la plus puissante, parce qu’elle les contient toutes à la fois, et que, s’il y a dans l’histoire des efforts surnaturels à attendre de l’humanité, il faut les attendre du patriotisme ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. André Trillard.

M. André Trillard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’instar des orateurs précédents, je tiens à rendre un hommage appuyé et solennel à la mémoire des quatre soldats disparus vendredi dernier ; j’ai une pensée particulière pour leurs familles, leurs proches, leurs camarades, ainsi que pour toute la communauté du monde combattant.

Évoquant les combattants d’hier et leurs descendants, m’adressant à ceux d’aujourd’hui et de demain, je veux saisir l’occasion qui m’est ici donnée pour leur témoigner notre attachement, leur exprimer le grand respect et la profonde admiration qu’ils nous inspirent.

Dans cet hémicycle, nous n’avons que trop rarement l’occasion de nous livrer à une véritable réflexion sur le monde combattant, sur ses acteurs militaires ou civils et sur leur rôle essentiel au sein de notre société, une société en quête de repères et dont les valeurs traditionnelles sont souvent malmenées.

Aussi, à cette tribune, je veux saluer tout particulièrement les associations et rappeler qu’elles assument des responsabilités. L’examen de ce projet de loi est l’occasion de souligner leur rôle fondamental en ce qui concerne l’entretien et la transmission de la mémoire nationale, dans une société civile aujourd’hui souvent éloignée des réalités militaires, peu consciente du lien fort entre l’armée et la Nation, voire sujette à un certain antimilitarisme.

Quoi qu’il en soit, les associations sont, au quotidien, le relais indispensable du « rendre honneur » et du « savoir commémorer ».

Par leurs actions, elles participent à l’indispensable ancrage dans les esprits de notre histoire, de nos valeurs et de nos idéaux, et ce au plus profond de nos territoires.

Cet après-midi, je salue l’adoption en commission à l’unanimité de ce projet de loi. Preuve est ainsi donnée que le devoir de mémoire envers ceux qui se sont sacrifiés pour la République dépasse les clivages politiques. Les questions de mémoire ne sont l’apanage d’aucun parti ni d’aucun groupe, ce dont nous pouvons être collectivement fiers.

Si la date du 11 novembre semblait s’imposer d’elle-même, je me félicite que M. le rapporteur ait accepté, dans sa grande sagesse, un amendement visant à préciser que celle-ci ne se substituerait pas aux autres commémorations.

L’article 2 permet l’inscription des noms de nos braves sur les monuments aux morts, mais encore faut-il créer les conditions de rassemblement de la Nation autour de ces monuments et autour des frères d’armes de ceux que l’on célèbre. Cela ne peut se faire sans pédagogie, sans l’éducation des jeunes générations.

Le « savoir commémorer » ne peut pas reposer sur le seul relais associatif ou sur la seule Journée du citoyen. Il doit passer d’abord par l’école de la République et par un projet mémoriel collectif. Il y va de la pérennité de notre esprit de défense et du témoignage de notre patriotisme.

Pour l’historien Pierre Nora, la commémoration est l’expression concentrée d’une histoire nationale, un moment rare et solennel. Rien n’est plus vrai, mais les législateurs que nous sommes doivent aller au-delà.

Mme Nathalie Goulet. On l’a vu hier !

M. André Trillard. Sans doute, mais il ne faut pas aller trop loin non plus…

C’est pour cette raison, mes chers collègues, que je souhaite attirer votre attention sur un point précis. Depuis la fin du service militaire, notre armée connaît un turn-over nécessaire aux nouveaux besoins opérationnels. Bon nombre de jeunes y auront commencé une carrière, mais retourneront à la vie civile.

Ces soldats sont de futurs jeunes vétérans. Beaucoup d’entre eux, qui rentrent d’OPEX, se heurtent à une certaine indifférence, et parfois à l’incompréhension d’une société pour qui le don de soi pour la patrie n’est pas une évidence.

Pourtant, ces vétérans d’un genre nouveau sont les ambassadeurs de valeurs inestimables telles que le dépassement de soi, le courage et la discipline.

De la même façon que la Nation doit rendre un hommage collectif à ceux qui sont tombés au champ d’honneur, elle ne doit pas oublier ni abandonner ceux qui en reviennent, parfois marqués psychologiquement et physiquement à vie. En cet instant, je pense à nos soldats hospitalisés à l’hôpital Percy.

Dans le même esprit, je dédie mon propos à tous ceux qui sont rentrés du Liban, de Côte d’Ivoire, du Kosovo et d’Afghanistan. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Ronan Kerdraon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis cet après-midi pour débattre du texte fixant au 11 novembre la date de commémoration de tous les morts pour la France.

Comme Alain Néri l’a annoncé, le groupe socialiste votera ce texte. Pour autant, ce projet de loi, qui fait suite au discours qu’a prononcé le Président de la République le 11 novembre dernier, suscite quelques interrogations. J’en ai relevé au moins quatre.

Premièrement, pourquoi engager la procédure accélérée sur un tel texte ? Dans le contexte actuel, d’autres sujets n’étaient-ils pas plus urgents ? Ne faut-il pas déceler dans cette précipitation l’arrière-pensée d’un bénéfice électoral à tirer dans quatre-vingt-dix jours ?

Deuxièmement, pourquoi choisir le 11 novembre ? N’existait-il aucune autre possibilité, aucune autre date spécifique et plus appropriée ?

Troisièmement, le Président de la République ne s’engage-t-il pas sur la voie aventureuse d’une américanisation de la commémoration du 11 novembre, avec une sorte de Mémorial Day qui ne dirait pas son nom ?

M. Ronan Kerdraon. Quatrièmement, ne craignez-vous pas, par cette confusion mémorielle, de légitimer les guerres impérialistes menées par la France ?

Certes, depuis plus de vingt ans, notre pays se trouve engagé sur de multiples théâtres d’opérations extérieures : Liban, ex-Yougoslavie, Afghanistan.

Beaucoup de soldats, trop bien sûr, sont morts : depuis la fin de la guerre d’Algérie, ce sont plus de 600 militaires qui sont tombés pour la France, et quatre encore à la fin de la semaine dernière.

Leur sacrifice mérite respect et reconnaissance de la part de la Nation tout entière.

Cependant, ma conviction est que ces engagements n’ont pas la même portée historique, humaine et géopolitique que la Grande Guerre.

L’ampleur inégalée du drame qu’a représenté pour la France la Première Guerre mondiale justifierait, s’il en était besoin, que soit maintenue la spécificité de la cérémonie du 11 novembre.

Selon moi, le 11 novembre aurait dû rester consacré à la commémoration de l’armistice de la guerre de 1914-1918, terrible carnage qui fit plus de 10 millions de morts et qui devait toucher presque toutes les familles. Souvenons-nous des écrits d’Henri Barbusse, pour la France, et d’Erich Maria Remarque, pour l’Allemagne.

Le 11 novembre aurait dû rester l’occasion du rappel des ravages des nationalismes, des esprits de revanche et des haines entretenues pour de mauvaises causes.

Par ailleurs, la Première Guerre mondiale marque véritablement l’entrée dans le XXe siècle. La carte de l’Europe a été redessinée par le traité de Versailles, les empires allemand, austro-hongrois et russe ont disparu, des alliances se sont nouées, de nouveaux États ont vu le jour et la Société des nations a été créée.

En outre, monsieur le secrétaire d’État, adopter ce texte sans la garantie du maintien des autres dates mémorielles, dont celle du 8 mai, serait en contradiction avec les efforts que nous faisons, en tant qu’élus, dans nos communes sur la Première Guerre mondiale, mais aussi sur la Deuxième Guerre mondiale, la Résistance, la Libération ou encore la Déportation.

N’était-il pas plus urgent de revenir sur les réformes des programmes d’histoire ayant conduit, depuis 2009, à un appauvrissement et à un affaiblissement inquiétants de cet enseignement, qui demeure pourtant l’un des meilleurs remparts contre les dérives de toute nature ?

Pour autant, nous sommes également persuadés qu’un hommage spécifique doit être rendu aux soldats morts ou blessés en opérations extérieures. C’est pourquoi nous regrettons que l’organisation d’une cérémonie en leur mémoire n’ait pas fait l’objet d’une réflexion approfondie, comme ma collègue l’a souligné, et d’un véritable débat, non seulement avec les associations patriotiques, avec les élus, mais aussi avec le milieu enseignant.

Toutefois, je ne crois pas que cet hommage puisse se faire au détriment de la réalité historique, de la confusion et de la mémoire d’un conflit dont il ne reste plus aujourd’hui de témoins. Je suis intimement persuadé que le souvenir et le sens des conflits ne doivent pas s’effacer avec la disparition des combattants.

Par ailleurs, j’ai constaté dans mon département, notamment dans ma commune, que l’idée de commémorer à une même date l’ensemble des morts pour la France est loin de faire consensus.

Certes, monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez rassurés en annonçant qu’aucune commémoration ne serait supprimée. Nous en prenons acte. Cela étant, nous préférons que la précision figure noir sur blanc dans la loi, car nous savons ce que valent les engagements du Gouvernement et du Président de la République, ce quinquennat ayant été marqué par une longue suite de reniements !

Nous n’avons pas à écrire une histoire officielle. En revanche, un double constat unanime peut, à mon sens, être fait : le peu d’appétence de nos concitoyens pour les commémorations et un sens de ces dernières quelque peu brouillé.

Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est sûr !

M. Ronan Kerdraon. Dès lors, quel rôle doit jouer le Parlement dans les commémorations ? De fait, quelle place tiennent-elles au sein de la Nation ? Sont-elles utiles, indispensables ? Faut-il en supprimer ou en choisir d’autres ? Quelles sont les valeurs à inclure dans ces commémorations ?

Comme réponse à cette dernière question, je fais mienne la position adoptée par André Kaspi, qui affirmait : « Les valeurs à inclure dans ces commémorations doivent reposer sur trois piliers. Les valeurs républicaines : liberté, égalité, fraternité, démocratie ; les valeurs patriotiques : héroïsme, sacrifice, indépendance nationale, paix, engagement ; les valeurs sociales : adhésion à la Nation, réhabilitation des victimes, respect, citoyenneté. »

Malheureusement, le texte que vous nous proposez aujourd’hui est loin de répondre à toutes nos interrogations. Surtout, il ne traite le véritable sujet qu’au travers d’un prisme, certes indispensable, mais réducteur.

Pour autant, et dans la mesure où la commission a adopté l’amendement déposé par Alain Néri, au nom du groupe socialiste, qui permet de garantir le maintien des dates mémorielles existantes, nous approuverons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le peuple français est paradoxal : cela vient d'être souligné, nous avons de nombreuses commémorations, mais nous savons aussi cultiver dans le même temps l'autodénigrement, voire la repentance.

Ce paradoxe apparent cache, en réalité, un attachement des Français à leur histoire, à leur pays et à leur identité. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez été, comme moi, témoin de cet attachement lors de la célébration du soixantième anniversaire de la mort de Jean de Lattre de Tassigny, à Mouilleron-en-Pareds, le village de naissance de ce grand soldat français, ainsi que d’un autre grand homme, Georges Clemenceau, dont vous vous souvenez aussi, mes chers collègues, qu’il fut sénateur.

Malgré l'heure matinale et la froidure, plus de 1 000 personnes s’étaient ce jour-là déplacées pour témoigner leur profond attachement, mais aussi leur reconnaissance et leur gratitude à l’égard de ce grand soldat, habitées aussi qu’elles étaient, je n’en doute pas, du souvenir de tous les soldats morts pour la France, dans des circonstances souvent dramatiques.

Aujourd'hui, en votant tous ce projet de loi, nous allons faire une belle œuvre. Ce texte nous permet, en effet, de répondre à un triple devoir : un devoir de mémoire, un devoir d'unité, mais, surtout, un devoir de transmission aux nouvelles générations.

Le devoir de mémoire, qui est souvent rappelé, est affaire de justice et de civilisation.

Il est affaire de justice dans la mesure où lutter pour le souvenir de tous ceux qui sont morts pour la France, quelle que soit la génération du feu, revient à combattre une injustice. Car oublier les morts pour la France, c’est, dans l’espace symbolique de la mémoire, leur donner une seconde fois la mort. À une époque où l’actualité raccourcit dramatiquement l'Histoire et où l’instant gouverne tout, il importe d'ancrer dans un jour particulier cet effort, qui doit rassembler la communauté nationale.

Il est également affaire de civilisation, car il n’y a pas de civilisation sans mémoire. Les sociétés sans mémoire sont des sociétés barbares. On a commis l’erreur, finalement fatale, de croire que le devoir de mémoire ne se rapportait qu’au passé. Bien au contraire, il concerne aussi l'avenir. C'est, à mon avis, le sens à donner à cette phrase que j’ai lue dans l’un des très beaux romans de Dostoïevski que je cite de mémoire : les peuples sans mémoire sont condamnés à mourir de froid.

Après le devoir de mémoire, nous avons un devoir d'unité.

Mes chers collègues, cette leçon nous a été donnée, à leur manière, par Clemenceau, avec l'Union sacrée, et par le maréchal de Lattre de Tassigny, avec la 1ère armée composée de résistants et de soldats professionnels.

Je pense aussi bien sûr à ceux qui sont morts dans les rizières ou le djebel et à ceux qui tombent aujourd'hui encore en Afghanistan pour défendre les valeurs de la France, pour défendre les valeurs de la République. Nous sommes tout à fait d’accord, chers collègues.

Oui, l’unité nationale doit aussi se faire autour de la mémoire. Nous en avions sans doute besoin face à l'adversité militaire d’hier ; elle nous est aujourd'hui d’autant plus nécessaire face à l’adversité économique que notre tissu social est aujourd’hui déchiré, par le haut et par le bas, aussi bien par l’hyper-individualisme, au nom duquel l'individu tire tout de la collectivité sans jamais rien lui devoir, que par le communautarisme. À cet égard, vous en conviendrez, mes chers collègues, la France n’est pas une rencontre de hasard : elle est beaucoup plus qu'une juxtaposition d'individus, beaucoup plus qu'un archipel de tribus ou de communautés.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Bruno Retailleau. S’associer tous ensemble pour voter ce projet de loi afin de reconnaître une seule et même mémoire pour tous les combattants français, c'est faire œuvre d'unité.

Notre troisième devoir, qui concerne l’avenir, porte sur la transmission. La mémoire ne doit pas seulement être tournée vers le passé : elle doit être vivante. La transmission est aussi essentielle que le devoir de commémoration lui-même.

De ce point de vue, ce texte sera positif s’il encourage les efforts de pédagogie réalisés dans les écoles à l’adresse des jeunes générations dont nous avons précédemment parlé. Il s’agit d’un point fondamental, car il faut montrer à notre jeunesse le côté positif de l’amour que l’on peut porter à son pays. Et je citerai ici Romain Gary, qui faisait une distinction entre le patriotisme, qui est l'amour des siens, et le nationalisme, qui est la haine des autres.

Ce texte devrait également contribuer à soutenir le civisme. En effet, comment, dans ce monde aplati par la mondialisation, faire vivre sans civisme une civilisation, une société, une cité ? Or le civisme, c’est avoir le courage d’enseigner à nos enfants qu’ils peuvent avoir, un jour, à donner au pays autant qu'ils ont reçu de lui.

Monsieur le secrétaire d'État, votre projet de loi ne nous parle pas seulement de ces valeurs éternelles de notre République qui sont si chères à nos cœurs, où que nous siégions dans cet hémicycle, et pour lesquelles des Français meurent encore, notamment à l'étranger ; il nous dit également les raisons qu’ont les Français de vivre encore ensemble aujourd’hui et demain. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Marc Laffineur, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier de ce débat qui honore votre assemblée, comme cela fut aussi le cas à l'Assemblée nationale. La discussion, qui a été d’une très haute tenue, a montré notre patriotisme, que Bruno Retailleau vient d’évoquer pour l’opposer au nationalisme, et notre attachement commun à la Nation et aux valeurs républicaines.

Permettez-moi tout d’abord de remercier Marcel-Pierre Cléach pour son excellent rapport. J’espère lui avoir montré que les inquiétudes qu’il nourrissait n’étaient pas fondées : nous n’avons jamais envisagé de supprimer toutes les autres dates de commémoration au profit d’un Memorial Day, ni d’établir une hiérarchie entre ces différentes commémorations. Toutes les autres dates commémoratives seront maintenues, et c’est tout à fait normal.

M. Roland Courteau. Bien sûr !

M. Marc Laffineur, secrétaire d'État. Je veux maintenant tenter d’apaiser les inquiétudes qui se sont exprimées sur d’autres sujets.

Mme Aïchi a regretté que le texte ne concerne que la commémoration des militaires morts pour la France. Mais, madame la sénatrice, ce sont bien les morts pour la France tant civils que militaires qui seront commémorés le 11 novembre.

Par ailleurs, cette date ne représente pas seulement une victoire des Français sur les Allemands : elle permet de commémorer le jour de la paix ; en témoigne d’ailleurs la loi de 1922. C’est cela qu’il faut retenir, et qui ne saurait être compris comme un geste agressif envers l’Allemagne.

L’un des intervenants, cela m’a assez choqué, a fait remarquer que les engagements variaient selon les conflits. Je peux vous assurer que, même si le nombre de morts n’est plus aussi élevé qu’avant, l'engagement de nos soldats est toujours le même. Et un soldat qui meurt, c’est toujours un soldat qui a été envoyé par un gouvernement de la République et qui est tombé pour défendre les valeurs de la France.

Souvenons-nous de cette bataille exemplaire qui a eu lieu pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1940, la France était à genoux. Si elle a pu rejoindre la table des vainqueurs, c’est grâce aux résistants, à la France libre, au général de Gaulle, à la division Leclerc, qui a remonté tout le désert depuis N'Djamena pour arriver en Afrique du Nord ; c’est grâce aussi à l’armée du général de Lattre de Tassigny, précédemment évoqué.

M. Marc Laffineur, secrétaire d'État. Ce sont aussi les 340 000 soldats de l'armée d'Afrique qui sont venus pour libérer la France.

C'est pour cela que nous avons obtenu un siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU, un siège qui nous donne des droits, mais également des devoirs. C'est la raison pour laquelle la France est engagée dans les conflits actuels. Nous avons des valeurs, et nous ne sommes pas un pays comme les autres.

Si la France ne représente que 1 % de la population mondiale, elle pèse pourtant bien plus lourd grâce aussi à son armée, à sa défense, à ses soldats qu’elle envoie dans des opérations extérieures et qui, malheureusement, y laissent quelquefois leur vie. Mesdames, messieurs les sénateurs, n'oublions jamais qu'ils tombent pour la France ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

M. le président. Nous passons à la discussion des articles.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France
Article 2 (Texte non modifié par la commission)

Article 1er

Le 11 novembre, jour anniversaire de l’armistice de 1918 et de commémoration annuelle de la victoire et de la Paix, il est rendu hommage à tous les morts pour la France.

Cet hommage ne se substitue pas aux autres journées de commémoration nationales.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.

M. Roland Courteau. Ce projet de loi vise à faire du 11 novembre une date de commémoration générale pour tous ceux qui sont morts pour la France et d onc à conférer à cette date une vocation en somme plus généraliste.

Je me réjouis que ce texte permette de rendre hommage également à nos soldats morts en opérations extérieures et que la date du 11 novembre soit dorénavant considérée comme un grand moment de mémoire. Je suis cependant surpris que ce projet de loi soit discuté en urgence, à la fin du quinquennat.

J'ai entendu dire que cette décision s’expliquait par la préparation du centenaire du début de la Grande Guerre qui, chacun le sait bien évidemment, aura lieu en 2014. Dès lors, pourquoi avoir engagé la procédure accélérée ? Peut-être le Gouvernement souhaitait-il faire adopter ce texte avant la fin du mandat présidentiel ? On serait alors bien loin du seul souci de commémoration du centenaire de la Première Guerre mondiale…

Mais un autre point me préoccupe. Le Président de la République a indiqué qu'aucune commémoration ne serait supprimée. Je me permets de signaler que cet engagement ne figurait ni dans l'exposé des motifs du projet de loi ni dans l'article unique du texte qui nous était initialement soumis. Or, ce qui m’inquiétait et ce que les associations d’anciens combattants craignaient, c’est non pas l'extension du champ de la commémoration, mais l’éventuelle transformation du 11 novembre en une date unique de commémoration.

L'amendement qui a été adopté en commission sur proposition d’Alain Néri et de mes collègues du groupe socialiste est de nature à nous rassurer, et avec nous les associations, car nous redoutions que ce projet de loi ne soit la porte ouverte à la suppression des autres commémorations. Cette question était, pour nous, centrale.

Mes chers collègues, oui, les grandes dates doivent être maintenues. La mémoire ne supporte pas la confusion. Chaque conflit possède ses caractéristiques propres, et la troisième génération du feu également. J'espère que nous aurons l'occasion de revenir prochainement sur le sujet. Chaque commémoration doit donc garder sa spécificité et son sens, et ce notamment dans un souci de pédagogie à l’égard des jeunes générations.

Oui, mes chers collègues, il faut que souffle sans cesse le vent de l’Histoire pour rappeler les sacrifices endurés.

Victor Hugo, siégeant en son temps sur ces mêmes travées, le disait avec beaucoup de pertinence : « Les souvenirs sont nos forces, ils dissipent les ténèbres, et quand la nuit essaie de revenir, il faut toujours allumer de grandes dates comme on allume des flambeaux ! » Cela se passe de tout commentaire… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Christian Namy, sur l'article.

M. Christian Namy. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon propos sera principalement consacré à l’article 1er du texte modifié par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. Il portera sur trois points.

Le premier concerne l’évolution de la définition du 11 novembre.

En 1922, le Parlement en a fait le jour anniversaire de l’armistice de 1918, de la victoire et de la paix. En 2012, le Parlement souhaite y ajouter un hommage à tous les morts pour la France. Nous pourrions nous poser la question suivante : cette dualité annoncée risque-t-elle d’amoindrir la perception historique de la Grande Guerre ?

Je ne le crois pas, car l’intérêt pour la Grande Guerre, que nous sentons reprendre de l’ampleur dans de nombreux secteurs de l’opinion publique, n’est pas uniquement centré sur la cérémonie du 11 novembre. La recherche historique sur la Grande Guerre connaît un formidable renouveau. La matérialisation du souvenir se diversifie de manière exceptionnelle. Permettez au président du conseil général de la Meuse, haut lieu de la guerre de « 14-18 », d’en témoigner.

Il nous appartient cependant d’être vigilants, et je pense ici au rôle des élus locaux afin que le souvenir de 1914-1918 demeure au cœur des cérémonies du 11 novembre.

Le deuxième point concerne ce que je dénommerai les risques de dégâts collatéraux de l’élargissement du 11 novembre.

L’hommage rendu à tous les morts pour la France transformera-t-il le 11 novembre en un Memorial Day à la française ? La réponse est clairement négative pour tous les conflits qui bénéficient d’une journée commémorative : je pense à la Seconde Guerre mondiale et à la guerre de décolonisation. L’existence de ces journées commémoratives garantit la sauvegarde d’une mémoire combattante spécifique.

La réponse est en revanche différente pour tous les conflits qui ne possèdent pas de journée commémorative, en particulier toutes les interventions françaises à l’étranger depuis la fin de la guerre d’Algérie. Pour ces interventions militaires, le 11 novembre deviendra la journée commémorative.

Compte tenu de l’émiettement de ces interventions et, heureusement, du nombre comparativement plus faible de tués par rapport à ce qu’il fut lors des grands conflits mondiaux, l’idée de rassembler ces mémoires sur une date aussi forte que celle du 11 novembre est une bonne idée.

Le troisième point, enfin, concerne le concept même de « Mort pour la France ».

Ce concept est inscrit dans la loi. Mais connaissons-nous bien ce qu’il sous-tend ? La mention « Mort pour la France » a été créée en 1915. Elle ne s’applique donc pas aux conflits antérieurs à la Première Guerre mondiale. De plus, l’attribution de cette mention n’est pas automatique, mais dépend nécessairement de l’intervention de l’administration. Le ministère des anciens combattants en fut chargé pour les deux conflits mondiaux, le ministère de la défense en est aujourd’hui chargé pour les OPEX.

J’appelle ici solennellement votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur l’impérieuse nécessité, pour ce ministère, d’étudier chacun des dossiers des combattants tués hors du sol français.

En conclusion, je vous dirai simplement, mes chers collègues, mon soutien à cet article 1er du texte issu des travaux de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Luc Carvounas, sur l'article.

M. Luc Carvounas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le vice-président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je souscris, avec vous tous ici, à la nécessité de réaffirmer le respect de la Nation au monde combattant de toutes les générations du feu.

Nous devons, chacun le reconnaîtra, être les gardiens vigilants du devoir de mémoire comme expression d’une priorité nationale.

Nous rendons aussi hommage à ceux qui ont donné leur vie pour la France, et nous construisons ensemble l’instruction civique de nos jeunes.

Se souvenir, c’est ne pas oublier que la paix dont nous jouissons aujourd’hui est intimement liée aux sacrifices que plusieurs générations de soldats ont faits avant nous et pour nous.

Je suis d’une génération politique qui n’a pas connu la guerre. Aussi, je ne peux que me satisfaire du consensus existant au sein de la représentation nationale quant à la nécessité de commémorer les disparus des missions et opérations extérieures.

Cependant, je ne peux que regretter, une nouvelle fois, la méthode utilisée par le Gouvernement. Pourquoi a-t-il choisi de ne pas traiter toute la question du calendrier des commémorations ? Le débat sur la politique de mémoire ne méritait-il pas une autre hauteur de vues et le temps de la nécessaire et utile concertation ?

Mes chers collègues, nous sortons d’un long, beau et grand débat qui a mis au cœur de nos échanges l’Histoire et la mémoire.

Hier, chacun d’entre nous a pu mesurer combien ces questions sont difficiles…

M. Luc Carvounas. … et combien elles ne peuvent être discutées sereinement dans ce « bougisme » qui est la marque de fabrique du Président Sarkozy.

Mme Sophie Primas. Quel conservatisme !

M. Luc Carvounas. Face aux nombreuses craintes exprimées par le monde des anciens combattants quant au maintien des commémorations telles que nous les célébrons – ces mêmes anciens combattants qui me répètent lors de nos rencontres, dans ma commune d’Alfortville, qu’ils sont profondément hostiles à un jour unique de commémoration –, je ne peux que me réjouir du travail réalisé par mon collègue Alain Néri et la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.

J’approuve donc avec force l’amendement de mon collègue qui a garanti, dans un réel souci d’unité nationale, les autres dates commémoratives. J’y suis d’autant plus favorable que cette proposition respecte la volonté des anciens combattants sur le sujet tout en conduisant à un vote unanime.

Le double objectif du respect des anciens combattants, d’une part, et de l’union nationale, d’autre part, est atteint. Je voterai donc en faveur de ce texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l'article.

Mme Cécile Cukierman. « La guerre aura-t-elle enfin provoqué assez de souffrances ou de misère, assez tué d’hommes, pour qu’à leur tour les hommes aient l’intelligence et la volonté de tuer la guerre ? »

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est cette interrogation que l’on peut lire, entre autres, sur le monument aux morts de la commune de Saint-Martin-d’Estréaux, située dans le département de la Loire. Il fait partie des quelques monuments aux morts dits « pacifistes », et l’on peut y voir, en face de chacun des noms de la longue liste des morts de la guerre de 1914-1918, une photo, manière de rendre un visage à ces morts.

En effet, dès le lendemain de la Grande Guerre, des voix s’élevèrent pour dénoncer ce conflit et, au-delà, tous les conflits à venir, pour dénoncer la guerre et son mécanisme barbare et, à l’inverse, proposer le pacifisme, ce que nous appelons aujourd’hui une culture de paix. Oui, l’être humain doit promouvoir ce type de culture !

Il en est ainsi chaque année, le 21 septembre, au travers des manifestations organisées dans le cadre de la Journée de la paix, notamment dans les communes ayant rejoint le réseau Mayors for Peace porté en France par l’Association française des communes, départements et régions pour la paix, qui compte aujourd’hui dans le monde plus de 5 000 communes.

Le devoir de mémoire est indispensable pour promouvoir la culture de paix. Les commémorations, indépendamment de l’obligation d’y consacrer un temps scolaire, doivent y contribuer. Comprendre notre monde, apprécier la paix actuelle, c’est comprendre, et surtout apprendre ce qui nous a permis d’y arriver pour mieux le mesurer.

Aujourd’hui, les années ont passé, et presque un siècle s’est écoulé depuis la fin de la Grande Guerre, ou plutôt, pour me placer du côté des hommes qui, par milliers, y ont laissé leur jeunesse et leur vie, la Grande boucherie ! Mais le sang a coulé en un siècle sur notre territoire comme à l’extérieur, cela a été rappelé.

Je ne reviendrai pas sur les éléments qu’a développés ma collègue Michelle Demessine. Mais, à l’heure de légiférer, nous devons nous interroger sur les conséquences d’une telle loi. Certes, nous n’avons plus de témoins survivants, tous les poilus sont morts ; on pourrait donc tranquillement effacer leur souvenir d’un revers de manche, et vous ne nous ôterez pas de l’esprit qu’il y a tout de même ici un peu de cela…

Mme Cécile Cukierman. Mais avons-nous le droit de mettre au sein d’une même journée, pour ne pas dire dans le même sac, tous ces morts pour la France ?

Bien sûr, et vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, tous les hommes méritent hommage. Bien sûr, il faut pouvoir honorer la mémoire des militaires qui meurent encore aujourd’hui dans les opérations extérieures, l’actualité nous l’a rappelé. Mais chaque conflit a ses spécificités, ses conséquences. Il ne peut pas et ne doit pas y avoir de Memorial Day à la française !

La France a été marquée par plusieurs conflits au cours du XXe siècle. De nombreux appelés n’en sont pas revenus, de nombreux civils ont été tués, de nombreux militaires ont péri. Modifier la commémoration du 11 novembre 1918, c’est aussi nier la spécificité de la guerre de « 14-18 ». C’est nier son importance et son rôle dans la construction politique du XXe siècle et de ce début du XXIe siècle.

Ce même 11 novembre permit aux jeunes, en 1940, à l’appel de l’Union des étudiants communistes alors clandestine, de manifester contre l’occupant nazi et les collaborateurs, et le texte reproduit par les jeunes et les lycéens pour inciter leurs autres lycéens à manifester, nous invite à ne pas oublier la portée du 11 novembre 1918. En effet, il était, entre autres, écrit : « Le 11 novembre 1918 fut le jour d’une grande victoire, le 11 novembre 1940 sera le signal d’une plus grande encore. »

Évitons la précipitation, ne confondons pas l’hommage aux soldats et aux morts au feu avec la commémoration d’un événement historique.

Ainsi, et malgré l’amendement adopté par la commission visant à apaiser les tensions créées par l’article 1er, nous ne partageons pas l’esprit de ce projet de loi et nous ne le soutiendrons pas.

Si nous devons respecter tous les morts au-delà des esprits partisans, n’oublions pas que les guerres sont le fruit de choix politiques qui, parfois, nous opposent.

Enfin, souvenons-nous, chaque 11 novembre, des paroles de cet homme qui ne connut pas le 11 novembre 1918, lui qui fut assassiné quatre ans plus tôt pour son engagement pacifiste et sa dénonciation de la guerre comme outil de l’impérialisme et de la domination : « L’humanité est maudite si, pour faire preuve de courage, elle est condamnée à tuer éternellement. » Je viens de citer Jean Jaurès ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Marc Laffineur, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, vous mettez en avant le rôle des communistes en 1940, mais vous devez sans doute oublier le Pacte germano-soviétique ! On peut tout dire, mais il faut tout de même, dans cet hémicycle, rétablir une certaine vérité historique ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Vives protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Cécile Cukierman. C’est honteux, vous récrivez l’Histoire ! Vous êtes partisan…

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, sur l'article.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le secrétaire d’État, jusqu’ici, le débat était intéressant, et la tournure qu’il avait prise, avec une connotation historique, avait permis aux uns et aux autres de livrer sereinement leur appréciation personnelle.

Mais là, pour le coup, vous venez de franchir allégrement la ligne jaune : aux pensées, vous avez substitué les arrière-pensées ! Ce n’est pas de nature à crédibiliser votre démarche (Bravo ! sur les travées du groupe socialiste.), d’autant moins, faut-il le rappeler ? que des incertitudes liées à la publication du rapport Kaspi et à une déclaration plus que maladroite du Président de la République, le 11 novembre dernier, avaient mis en émoi l’immense majorité des associations du monde combattant.

Une confusion certaine règne entre ce qui est écrit dans le présent texte et une arrière-pensée que l’on prête à ses promoteurs, dont certains pensent qu’ils souhaiteraient s’acheminer, lentement mais sûrement, vers un Memorial Day.

Je le répète, l’ensemble du monde combattant a eu l’occasion de s’insurger contre cette démarche.

M. Luc Carvounas. Bien sûr !

M. Jean-Jacques Mirassou. Je ne veux pas jeter de suspicion démesurée sur les dispositions de l’article 1er du projet de loi, mais, monsieur le secrétaire d’État, cela a été dit à de nombreuses reprises, chaque conflit a une spécificité, des causes précises, et fournit des leçons à tirer qui lui sont propres.

Ce n’est pas au moment où notre jeunesse manque des repères pour identifier clairement les faits historiques majeurs de notre histoire, qu’il serait bon de supprimer les dates mémorielles qui, justement, jalonnent des pans entiers de notre histoire dans ce qu’elle a de plus cruel ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Luc Carvounas. C’est évident !

M. Jean-Jacques Mirassou. Par conséquent, à mon sens, ce projet de loi n’est qu’une première étape sur la voie d’un Memorial Day que préconisent nombre de vos collègues, en dépit de l’adoption de l’amendement présenté par Alain Néri et visant à apporter une certaine clarification en la matière.

Dans le camp de la gauche, dans notre camp, nous souhaitons non pas que les dates mémorielles disparaissent, mais au contraire qu’elles continuent à jalonner notre histoire et éclairer l’avenir.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 19 mars et le 27 mai - cette dernière date étant celle de la création du Conseil national de la Résistance -, sont de véritables joyaux et nous entendons non seulement les préserver mais encore les promouvoir. Nous en ferons la démonstration dans les mois et les années qui viennent.

Monsieur le secrétaire d’État, je le répète : jusqu’à présent, le débat se passait bien. Or vous venez de jeter la suspicion sur votre démarche, et il vous sera désormais très difficile de renouer le lien de confiance qui existait entre nous au commencement de cette discussion et qui, manifestement, vient d’être rompu ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Michelle Demessine. Exactement ! Le secrétaire d’État a montré son vrai visage !

M. le président. La parole est à M. Alain Néri, sur l’article.

M. Alain Néri. Pour ma part, je suis atterré (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

M. Didier Guillaume. Nous aussi !

M. Alain Néri. … et déçu par le tour que prennent nos discussions ; du reste, je suis persuadé que l’ensemble de la représentation nationale l’est également.

Chacun s’était plu à reconnaître que ce débat se déroulait dans un climat apaisé et serein, animé par une volonté de rassemblement, afin de rendre hommage à toutes les victimes de tous les conflits.

Monsieur le secrétaire d’État, tout un chacun peut, dans certains cas, voir sa parole outrepasser sa pensée. C’est pourquoi, pour conserver aux débats toute la hauteur que mérite leur objet, je vous demande de bien vouloir retirer les propos que vous venez de prononcer (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Luc Carvounas. Exactement !

M. Alain Néri. … et qui portent atteinte à la dignité et au respect que méritent tous ceux qui ont donné leur vie pour la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Ronan Kerdraon. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Marc Laffineur, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je me suis contenté de mentionner un fait historique : en 1940, le pacte germano-soviétique était bel et bien en vigueur !

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur. Oui !

M. Marc Laffineur, secrétaire d'État. En outre, pour ce qui concerne la manifestation du 11 novembre 1940…

M. Didier Guillaume. Quel est le rapport avec notre débat ?

M. Marc Laffineur, secrétaire d'État. Le rapport ? L’une des sénatrices de la gauche a affirmé que les étudiants communistes avaient appelé à ce rassemblement.

Mme Michelle Demessine. C’est la vérité !

Mme Cécile Cukierman. C’est un fait historique !

M. Marc Laffineur, secrétaire d'État. Je rappelle simplement que, à cette date, l’Union soviétique était l’alliée de l’Allemagne nazie ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Alain Néri. Cette remarque était déplacée !

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France
Article 3

Article 2

(non modifié)

Lorsque la mention « Mort pour la France » a été portée sur son acte de décès dans les conditions prévues à l’article L. 488 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, l’inscription du nom du défunt sur le monument aux morts de sa commune de naissance ou de dernière domiciliation ou sur une stèle placée dans l’environnement immédiat de ce monument est obligatoire.

La demande d’inscription est adressée au maire de la commune choisie par la famille ou, à défaut, par les autorités militaires, les élus nationaux, les élus locaux, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre par l’intermédiaire de ses services départementaux ou les associations d’anciens combattants et patriotiques ayant intérêt à agir.

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, sur l’article.

M. Joël Guerriau. L’article 2 du présent projet de loi fait obligation à toutes les mairies de notre pays d’inscrire sur les monuments aux morts les noms de tous ceux qui ont combattu pour la Nation, quelle que soit la génération du feu dont ils sont issus – y compris donc depuis 1963 – et le théâtre d’opération sur lequel ils sont intervenus, lorsque la mention « Mort pour la France » a été portée sur leur acte de décès dans les conditions prévues à l’article L. 488 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre.

La demande d’inscription est adressée au maire de la commune de naissance ou de dernière résidence, choisie par la famille ou, à défaut, par les autorités militaires, les élus nationaux, les élus locaux, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l’ONAC, par l’intermédiaire de ses services départementaux, ou les associations d’anciens combattants et groupements patriotiques ayant intérêt pour agir.

Par l’article 3, le présent projet de loi s’applique également aux communes de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française, de Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les îles de Wallis et Futuna.

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur. Mais nous traitons à présent de l’article 2 !

M. Joël Guerriau. Ces articles répondent aux demandes exprimées depuis de nombreuses années auprès des institutions et dirigeants nationaux par les représentants des associations patriotiques. Ils permettraient d’honorer au cours d’une même journée tous ceux qui sont tombés en faisant leur devoir pour leur pays.

Ce projet de loi et les amendements déposés garantissent, comme l’avait souligné en amont le Président de la République, que cette commémoration ne viendra pas se substituer aux autres. Son but est d’unir et de réunir sous l’égide d’une commémoration nationale, le 11 novembre, l’ensemble de la population, toutes générations, tant civiles que militaires, confondues, afin d’honorer la mémoire de ses morts au service de la Nation.

Nous pouvons nous réjouir de cette initiative permettant, notamment, de souligner l’importance de la cohésion au sein de notre pays et de séparer la considération nationale du devoir de mémoire, en y incluant tous les combattants.

Pour autant, il convient également de veiller à ce que la substitution ou plutôt l’accumulation du souvenir autour d’une même date ne finisse pas par blesser, appauvrir ou stériliser le message transmis à la jeune génération, ainsi que la culture de mémoire qui y est liée.

En 2012, le 11 novembre deviendra la journée de toutes les mémoires, de tous les souvenirs, de tous les morts pour la France, alors qu’un grand nombre de Français identifient de moins en moins l’origine des jours fériés liés aux traditions religieuses, aux guerres ou aux victoires. Ainsi, les sondages attestent que les générations n’ayant pas connu les guerres ignorent si l’on commémore ce jour-là 1918 ou 1945.

Cette journée unique est une formidable occasion pour les historiens et les patriotes d’informer leurs concitoyens. Les autres cérémonies ne disparaîtront pas pour autant du calendrier, car les Français ont la mémoire patriote. Cette date n’occultera pas non plus les autres célébrations historiques, traditions entretenues par de multiples associations et fédérations patriotes qui rassemblent des milliers de familles fidèles.

De surcroît, ce 11 Novembre offre une grande liberté aux élus : celle de poursuivre les commémorations nationales habituelles, en fonction des spécificités locales ; nous en avons tous dans nos départements.

Néanmoins, si les mairies multiplient désormais les commémorations, comme on l’observe clairement aujourd’hui, la fréquentation de ces manifestations ne cesse, hélas, de diminuer régulièrement depuis vingt-cinq ans.

Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est certain, malheureusement.

M. Joël Guerriau. Cette loi permettra d’organiser une grande commémoration nationale, relayée dans chaque commune, comme l’est le 14 juillet. Ce sera une belle occasion d’organiser des conférences, des expositions publiques, des défilés et des rendez-vous pour le recueillement collectif.

À ceux qui redoutent que ce D-Day du 11 novembre n’amalgame le sacrifice des soldats tombés en Afghanistan, sur la Marne ou à Verdun, je réponds que tous ces combattants sont morts pour la France. Ce 11 Novembre rend hommage à chacun d’entre eux, y compris à nos soldats d’aujourd'hui. C’est une grande affaire à ne pas passer sous silence.

Non, le nouveau 11 Novembre n’endormira ni les consciences, ni les faits historiques, ni le souvenir : bien au contraire, il portera haut les valeurs patriotiques et le souvenir des combattants tombés pour la France. (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

Mme Sylvie Goy-Chavent. Très bien résumé !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur. Mon cher collègue, je vous remercie de votre intervention ; toutefois, je constate que vous avez procédé à une explication de vote sur l’ensemble du texte, dont nous examinons présentement l’article 2 !

Néanmoins, vous m’avez simplifié la tâche, en détaillant avec précision les dispositions essentielles de cet article : je n’ai pas à y revenir.

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2 (Texte non modifié par la commission)
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 3

La présente loi est applicable sur l’ensemble du territoire de la République – (Adopté.)

Vote sur l'ensemble

Article 3
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean Boyer, pour explication de vote.

M. Jean Boyer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les hasards de l’existence complètent et prolongent parfois des situations de portée beaucoup plus générale, voire nationale. Je le répète : tel est le cas du terrible drame que nous venons de vivre en Afghanistan. Celui-ci appelle de notre part le respect pour tous ceux qui ont donné et donnent encore leur vie pour la France.

Parmi d’autres présents dans cette assemblée, je suis de ceux qui ont très simplement répondu, sans hésitation ni murmure, à l’appel de la France. C’était normal : c’était ma génération.

Depuis cinquante ans, la France vit en paix, malgré certaines interventions de son armée à l’étranger, qui font que le sang français marque encore le sol de territoires parfois lointains.

En temps de guerre, la mort n’a pas de géographie : elle ne connaît pas de prévisions, elle n’a ni temps identique ni durée. En effet, comme nous le savons tous, mes chers collègues, l’homme ne maîtrise ni le berceau de sa naissance ni le lit de sa mort.

Depuis un siècle, ceux qui ont porté les couleurs de la France là où elle avait décidé d’être présente connaissent le jour de leur incorporation, mais pas leur destinée au sein de l’armée française. Les perspectives spontanées de la mort sont terribles pour ceux qui les ont vécues et qui, Dieu merci, sont encore vivants ; il y en a plusieurs dans cet hémicycle.

Mes chers collègues, Victor Hugo, qui fut des nôtres au siècle dernier, a écrit :

« Ceux qui pieusement sont morts pour la Patrie

Ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie ».

J’ajoute qu’ils ont droit à une reconnaissance collective. La mort est, comme nous le savons, la terrible épreuve de la séparation définitive d’avec les siens. Pour un soldat, elle marque également la séparation d’avec la patrie dont il portait les couleurs.

En cette période qui est encore celle des vœux, souhaitons tout d’abord la paix et tirons les enseignements des guerres. La science lutte pour le maintien de la vie, mais la folie de certains veut que les hommes se déchirent, qu’ils s’entre-tuent en déchirant aussi le monde.

Lorsque tous ces serviteurs de la France avancent jusqu’au sacrifice, ils font front derrière un drapeau, un idéal, une solidarité, une volonté : celle de servir la France.

Oui, il faut instituer la journée nationale du souvenir.

Mes chers collègues, lorsque l’on parcourt nos journaux locaux, on observe que, chaque jour, y figure la mention des anciens combattants d’Afrique du Nord. Notre monde combattant doit préserver son unité, cette solidarité qui s’est tissée naturellement entre nous, lorsque nous combattions sur certains territoires. C’est pourquoi la situation actuelle nous irrite, c’est pourquoi nous souhaitons que cette unité combattante – il s’agit d’un mot fort, mais d’un mot vrai pour ceux qui ont vécu de tels instants – soit plus solidaire encore.

Le 11 novembre est indiscutablement le symbole le plus fort, le plus exceptionnel de l’histoire de la France, comme l’illustrent les évocations auxquelles certains orateurs se sont livrés. Pour ma part, j’ai simplement accompli une partie de mon service militaire dans l’est de la France, où les cimetières alternent avec les champs de blé : lorsque l’on est Français et que l’on a un cœur, face à ces paysages, on ne peut qu’éprouver une forte émotion.

Mes chers collègues, la mémoire n’est pas un jeu de construction fragile. Au contraire, elle doit constituer un édifice inébranlable, permettant de rassembler la France. Ceux qui ont servi notre pays avec discipline savent aujourd’hui que l’on ne peut réécrire l’histoire : on peut certes la commenter, mais on doit surtout en tirer les enseignements qui s’imposent. Ils regrettent également que la construction de l’unité combattante, ce combat permanent, soit malheureusement inachevée : il faut garantir l’unité nationale, à laquelle la journée nationale du souvenir contribuera très largement, j’en suis convaincu. (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Je serais très curieuse de savoir ce que les jeunes gens présents aujourd’hui dans les tribunes du Sénat pensent de nos débats. J’espère par ailleurs qu’ils auront compris qu’ils doivent se rendre aux manifestations patriotiques.

Pour ma part, je suis élue de la Basse-Normandie, qui est une terre de mémoire : de fait, j’habite à trois kilomètres de ce qui fut le quartier général de Leclerc. Toutefois, ce n’est pas la bataille de Normandie que je souhaite évoquer,…

M. Didier Boulaud, vice-président de la commission des affaires étrangères. Vous avez assisté au débarquement, ma chère collègue ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Exclamations sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

Mme Nathalie Goulet. Non, je vous l’assure !

M. Yves Détraigne. Ce n’est pas très galant de votre part, monsieur Boulaud !

Mme Nathalie Goulet. Je veux profiter de ce débat pour rendre hommage au Souvenir français et à toutes les associations de porte-drapeaux, qui accomplissent un travail de mémoire absolument remarquable.

Entre le débat d’hier et celui d’aujourd’hui, notre hémicycle est décidément lié par le devoir de mémoire, et nous avons montré cet après-midi que nous étions capables de nous retrouver.

Puisque les célébrations patriotiques peinent à rassembler les foules, je veux rendre hommage aux élus qui, de concert avec les professeurs et l’ensemble des responsables des établissements scolaires, œuvrent pour que nos enfants participent à ces manifestations et – chose importante – connaissent La Marseillaise.

L’instauration de cette journée nous permettra aussi de maintenir ces célébrations nationales. En cela, ce texte me semble sous-tendu par une excellente idée : Memorial Day ou pas, cela n’a guère d’importance, dès lors que nous accomplissons le devoir de mémoire.

M. Charles Revet. Très bien !

Mme Nathalie Goulet. À nos collègues qui ont beaucoup travaillé sur le texte que nous avons adopté hier, je veux dire que le 24 avril est en même temps la date du début du génocide arménien et celle de la destruction du ghetto de Varsovie.

M. Didier Guillaume. Et aussi celle du début de la libération des camps de concentration !

Mme Nathalie Goulet. Toutes ces dates sont extrêmement importantes.

Plus nous les célébrerons, plus nous garderons vivant le souvenir des patriotes qui se sont battus et sont morts pour la France ! (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. Le groupe socialiste votera ce texte, car le devoir de mémoire doit, selon nous, constituer une priorité dans l’éducation des futurs citoyens. C’est en associant les jeunes aux différentes manifestations commémoratives que nous conserverons les valeurs de la République.

Dans chaque commune, le monument aux morts est un lieu de rassemblement et un symbole d’unité. Il vient rappeler que, quel que soit le conflit concerné, ceux qui se sont engagés ont répondu à l’appel de la Nation.

La camaraderie, la fraternité, le respect de la douleur des uns et des autres : autant de signes d’unité que l’on retrouvait dans les tranchées de la Grande guerre comme dans les rangs de la Résistance. Si cette dernière a réuni ceux qui croyaient au ciel comme ceux qui n’y croyaient pas, tous étaient soudés pour défendre les valeurs de la République et rétablir l’État, qui avait été immolé à Vichy un sinistre jour de juillet 1940 !

De même, ceux qui sont partis en Algérie ont accompli leur devoir en répondant à l’appel de la Nation, même si certains d’entre eux se posaient des questions.

La volonté du groupe socialiste s’est exprimée à travers l’amendement que nous avons déposé et défendu en commission. Le fait qu’un amendement identique ait été rejeté à l’Assemblée nationale montre toute l’utilité du Sénat. Nous devons prendre le temps de la réflexion, de l’échange, de l’écoute et ne pas nous précipiter.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, considérez aujourd’hui notre vote comme un appel au respect des personnes et des convictions des uns et des autres, qui savent si bien s’unir dans la défense de la République et de ses valeurs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au terme de ce débat, je voudrais saluer le vote de ce texte, à une très large majorité, par le Sénat.

Il est le fruit d’une volonté d’écoute et de dialogue que j’ai très vite ressentie en rencontrant les différentes associations d’anciens combattants. Les unes et les autres ont su affirmer leurs sensibilités avec tact et modération, en préservant l’essentiel, qui constitue le fondement et le cœur de leur action et de leur dévouement et qui s’exprime si fortement devant nos monuments aux morts lorsque retentit le clairon et que leurs porte-drapeaux inclinent leurs étendards dans un même mouvement d’hommage aux morts.

Cette volonté d’écoute et de dialogue, je l’ai retrouvée au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, lorsque nous avons pu, par une approche progressive, avec notre collègue Alain Néri, avec vous, monsieur le secrétaire d’État et avec les commissaires de toutes sensibilités politiques, parvenir à un accord sur un texte simple et explicite, qui apaise les malentendus, rassure et donne à chacun le sentiment d’avoir fait œuvre commune.

Cette volonté d’écoute et de dialogue, je l’ai également perçue au cours de cette séance, où nous avons, par ce vote, mes chers collègues, montré que nous sommes capables de transcender nos clivages politiques et de nous unir quand il s’agit d’honorer ceux qui sont morts pour la France.

De la sorte, nous procédons à un acte essentiel, attendu par nos concitoyens et qui constitue l’ultime hommage rendu par le Sénat, en ce jour si particulier, à nos soldats morts pour la France en Afghanistan le 20 janvier dernier : le brigadier-chef Geoffrey Baumela, les adjudants-chefs Denis Estin et Fabien Willm, ainsi que le sergent-chef Svilen Simeonov, lui-même déjà éprouvé par la mort, en novembre et décembre de l’année dernière, de trois de ses camarades de régiment, le première classe Goran Franjkovic, le sergent-chef Damien Zingarelli et l’adjudant-chef Mohammed El Gharrafi.

Je conclurai mon propos en saluant la présence dans nos tribunes d’un groupe important de jeunes, dont je félicite aussi les professeurs. (Applaudissements.)

En assistant à notre débat, ils ont pu constater que, si nous avons les uns et les autres des idées bien arrêtées, et souvent des divergences sur le sens à donner à l’histoire, nous savons aussi, très majoritairement, nous unir pour honorer les morts pour la France. (Vifs applaudissements.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux. Ils seront repris à dix-neuf heures, pour l’examen de la proposition de loi relative à l’exercice des professions de santé par les titulaires de diplômes étrangers.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France
 

12

Mise au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. Alain Milon.

M. Alain Milon. Monsieur le président, lors des scrutins publics nos 89, 90 et 91, M. Ladislas Poniatowski a été déclaré comme votant contre, alors qu’il ne souhaitait pas prendre part à ces votes.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique des scrutins.

13

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste, pharmacien et sage-femme pour les professionnels titulaires d'un diplôme obtenu dans un État non membre de l'Union européenne
Discussion générale (suite)

Exercice des professions de santé par des titulaires de diplômes étrangers

Adoption définitive d'une proposition de loi en procédure accélérée dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste, pharmacien et sage-femme pour les professionnels titulaires d'un diplôme obtenu dans un État non membre de l'Union européenne
Article 1er (Texte non modifié par la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l’exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste, pharmacien et sage-femme pour les professionnels titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne (proposition n° 273, texte de la commission n° 275, rapport n° 274).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui vous est présentée par M. Daudigny reprend les dispositions relatives à l’exercice des praticiens titulaires d’un diplôme obtenu dans un État extérieur à l’Union européenne qui avaient été adoptées lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

Je n’ai pas besoin de souligner l’importance de ce texte. Chacun a pu mesurer qu’il soulève à la fois des problèmes humains, eu égard à la précarité du statut de ces praticiens, et des questions liées à une possible fragilisation de notre système de soins, au cas où la situation de ces derniers dans les établissements au sein desquels ils exercent ne pourrait pas être confortée.

Il était indispensable d’autoriser ces praticiens à continuer à exercer et de leur donner la possibilité de se présenter aux épreuves de vérification des connaissances prévues dans le cadre de la procédure d’autorisation d’exercice.

Je tiens à remercier M. le rapporteur et Mme la présidente, ainsi que l’ensemble des membres de la commission des affaires sociales, pour leur implication dans l’examen de la présente proposition de loi. Leur travail et les liens qu’ils ont établis avec les députés devraient permettre de donner une issue favorable, comme nous le souhaitons tous, à cette situation délicate, et ce dans les meilleurs délais.

Je voudrais souligner, tout d’abord, le caractère consensuel de la disposition consistant à prolonger de façon transitoire l’exercice dans les établissements de santé des praticiens titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne. Accueillie favorablement par les parties concernées, à savoir le Conseil national de l’Ordre des médecins et les syndicats représentant les praticiens ayant obtenu leur diplôme dans un pays extérieur à l’Union européenne, elle avait été adoptée à l’unanimité, lors de l’examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, tant par l’Assemblée nationale que par le Sénat, avant d’être censurée par le Conseil constitutionnel.

Ce consensus tient très certainement au fait que l’ensemble des parlementaires ont conscience de l’importance de la mesure proposée, compte tenu de son incidence au regard de la continuité de fonctionnement des établissements de santé.

L’échéance de ce dispositif transitoire avait été fixée au 31 décembre 2011. En 2011, le Gouvernement a été saisi de deux types de difficultés posées par son application, tenant au caractère inapproprié d’une partie des épreuves de vérification des connaissances et, surtout, à l’obligation faite à un certain nombre de praticiens de cesser leurs fonctions au 1er janvier 2012, faute d’être lauréats des épreuves de vérification des connaissances prévues dans le cadre de la procédure d’autorisation d’exercice.

Cette situation risquant de fragiliser la continuité de fonctionnement de certains établissements de santé, il était nécessaire de prendre une mesure.

C’est pourquoi l’article 51 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, dont les dispositions sont reprises dans la proposition de loi de M. Jean-Pierre Door, prévoyait de permettre à ces praticiens, sous réserve qu’ils remplissent certaines conditions, de poursuivre leurs fonctions au sein des établissements de santé jusqu’au 31 décembre 2014. Cette date butoir a été repoussée au 31 décembre 2016 par les députés, avec le soutien du Gouvernement, pour permettre à l’ensemble des praticiens de se présenter aux épreuves à trois reprises.

Par ailleurs, la proposition de loi prévoit d’aménager la procédure d’autorisation d’exercice réservée à ces praticiens par l’institution d’une nouvelle épreuve de vérification des connaissances au contenu moins académique, laissant davantage de place à l’évaluation des compétences cliniques. Ses modalités seront précisées par décret.

Cette évaluation sera, après avis du jury, suivie ou non d’une année probatoire de fonctions exercées en établissement de santé, afin de permettre à la commission d’autorisation d’exercice compétente d’apprécier le cursus des praticiens concernés et leur aptitude à la prise en charge des patients. Un décret précisera quelles fonctions exercées permettront d’être éligible au dispositif aménagé d’épreuve de vérification des connaissances.

Enfin, je souhaite préciser que même si la date du 31 décembre 2011 ne concernait que les médecins et les chirurgiens-dentistes, le Gouvernement, dans un souci de cohérence, a souhaité que l’ensemble des professions médicales et les pharmaciens puissent bénéficier de la mesure proposée.

Pour conclure, j’appelle votre attention sur le fait que le caractère consensuel de la disposition, que j’évoquais au début de mon propos, conduit le Gouvernement à soutenir la proposition de loi de M. Jean-Pierre Door. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Daudigny, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les professionnels titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne occupent, de longue date, une place essentielle dans notre système de santé. Ils assument le fonctionnement quotidien de nombre de services hospitaliers, notamment dans les zones sous-dotées en praticiens, que ce soit dans de petites ou moyennes agglomérations ou en banlieue.

Certes, il existe une procédure de reconnaissance des diplômes, longue et complexe, qui prend la forme d’un concours pour un nombre de places très limité. Mais ceux qui ne s’y soumettent pas, ou qui échouent, se retrouvent placés dans la situation délicate où ils ne disposent pas d’une autorisation d’exercice pleine et entière. Leurs compétences sont alors limitées, et ils exercent sous la responsabilité d’un titulaire. Leur statut reste précaire et leurs conditions de rémunération sont souvent indécentes par rapport à celles de leurs collègues diplômés en France et au regard de leurs responsabilités effectives, sachant qu’ils assurent de nombreuses heures de garde et ont la confiance de leur chef de service.

Cela étant, cette dépendance n’est en fait que théorique et très éloignée de la pratique, car, dans les faits, ils assument pleinement leur rôle de soignant.

L’objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est de trouver une solution pérenne à une question ancienne. Il est aussi, au fond, de reconnaître le travail que ces professionnels accomplissent tous les jours au service des patients.

Le dispositif du texte est à double effet : immédiat et de plus long terme.

Il s’agit tout d’abord de permettre aux médecins et aux chirurgiens-dentistes recrutés sur diplôme étranger avant le 3 août 2010 dans un hôpital ou un établissement privé à but non lucratif de continuer d’exercer jusqu’au 31 décembre 2016, alors que cette faculté s’est éteinte le 31 décembre dernier.

Ensuite, au cours de cette période de cinq ans, ceux qui auront travaillé durant trois années pourront se présenter à une épreuve de vérification des connaissances. Aujourd’hui, les épreuves reposent sur un contrôle à la fois théorique et pratique, ce qui peut être rédhibitoire pour des praticiens diplômés, qui exercent depuis de nombreuses années mais qui consacrent la majeure partie de leur temps à assurer des gardes. Désormais, cette épreuve reposera uniquement sur le contrôle des compétences, de l’expérience professionnelle, du cursus du candidat.

S’inspirer d’une procédure de validation des acquis de l’expérience me semble tout à fait positif. Des épreuves seront ainsi organisées chaque année jusqu’en 2016.

Ceux qui auront satisfait à cette épreuve de vérification des connaissances devront ensuite exercer durant une année probatoire avant de présenter leur dossier devant une commission où siégeront leurs pairs. Les fonctions exercées auparavant pourront être prises en compte pour valider cette année de stage. Après avis de cette commission, le ministre chargé de la santé pourra autoriser l’exercice plein et entier de sa profession par le candidat. Cette nouvelle procédure est étendue aux pharmaciens et aux sages-femmes et adaptée aux spécificités de leur statut.

Mes chers collègues, vous le savez, il est urgent d’adopter cette proposition de loi, car le régime dérogatoire précédent, mis en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, est arrivé à échéance le 31 décembre dernier. Théoriquement, les professionnels qui exerçaient sous ce régime ne devraient plus pouvoir le faire : la période de vide juridique doit être la plus courte possible.

Les ministres compétents ont certes signé une instruction destinée aux agences régionales de santé et aux établissements de santé, mais sa portée juridique est fragile.

À cet égard, il faut reconnaître que le Gouvernement a tardé à proposer une mesure tendant à assurer la continuité du service public, inscrivant celle-ci, au dernier moment, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, qui a été adoptée en novembre dernier.

On peut aussi s’étonner de la décision du Conseil constitutionnel de censurer cette mesure, au motif qu’elle n’entrait pas dans le champ d’une loi de financement de la sécurité sociale. Cette décision était inattendue, car il avait accepté une mesure analogue lors de la précédente réforme, qui figurait dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Exactement !

M. Yves Daudigny, rapporteur. Saisi à l’époque de ce texte, le Conseil constitutionnel n’avait rien trouvé à y redire. Nous ne pouvons donc que prendre acte de l’évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel…

En raison de l’urgence, le rapporteur du présent texte à l’Assemblée nationale et moi-même nous sommes concertés en amont, pour convenir qu’il était préférable de retenir pour échéance 2016 plutôt que 2014, comme initialement prévu. En effet, bien que simplifiées, les procédures demeureront longues, et ce délai supplémentaire de deux ans permettra de prendre en compte la situation des candidats qui exercent à temps partiel.

En commission des affaires sociales, beaucoup d’entre vous se sont demandé si cette énième réforme suffirait et s’il ne faudrait pas y revenir en 2016.

Ce sera peut-être le cas, mais un élément a changé en 2010.

Auparavant, les praticiens ayant obtenu leur diplôme dans un pays extérieur à l’Union européenne pouvaient aisément s’inscrire en faculté pour compléter leur formation par une spécialisation en France. C’est par ce biais que les établissements de santé les recrutaient, et nombre de ces professionnels enchaînaient les spécialisations pour pouvoir, en fait, assumer leurs fonctions à l’hôpital.

Depuis le 3 août 2010, cela n’est plus possible. L’université de Strasbourg centralise la procédure d’inscription en spécialisation pour ces diplômés, et les établissements de santé ne peuvent donc plus les recruter directement.

Madame la secrétaire d’État, même s’il est encore un peu tôt pour dresser un bilan de la mise en œuvre de cette nouvelle procédure, pouvez-vous nous en présenter les premiers résultats ?

Je l’ai dit, l’adoption de ce texte est nécessaire et urgente. Pour autant, permettra-t-il de résoudre les problèmes aigus que connaît l’hôpital en France pour recruter des professionnels médicaux, auxiliaires et paramédicaux, notamment dans certaines zones ? Ce sont d’ailleurs souvent dans les mêmes territoires que l’on constate des difficultés en matière d’accès aux soins pour ce qui concerne la médecine de ville.

Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !

M. Yves Daudigny, rapporteur. J’imagine que le Gouvernement espère que l’augmentation du numerus clausus permettra de pourvoir les postes vacants, mais que l’on me permette d’en douter. Nous aurons, dans les prochains mois, un débat sur le niveau adéquat du numerus clausus. Le Gouvernement vient de relever très légèrement celui-ci, mais la Cour des comptes estime plutôt qu’il sera nécessaire, à moyen terme, de l’abaisser. Pour ma part, je crois surtout qu’il faut avoir une perspective pluriannuelle fiable et stable, mais tel n’est pas le sujet de notre débat d’aujourd'hui.

La question du recours à des praticiens titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne se pose depuis le début des années soixante-dix, c’est-à-dire depuis plus de quarante ans ! Je ne crois donc pas qu’elle soit fondamentalement liée à celle du nombre de médecins que nous formons chaque année dans nos universités, car le numerus clausus était élevé à cette époque. À mon sens, elle l’est davantage à celle de l’attractivité des métiers de l’hôpital. Or, à cet égard, la situation est inquiétante.

Certes, le nombre de praticiens hospitaliers a beaucoup progressé au cours de ces dernières années, à la fois pour accompagner l’aménagement et la réduction du temps de travail et pour transformer des postes de contractuel en emplois de titulaire.

Pour autant, d’après les chiffres dont je dispose, les postes statutaires vacants sont très nombreux : 22 % des postes à temps plein et 37 % des postes à temps partiel ne sont pourvus ni par un titulaire ni par un stagiaire. En outre, la réflexion ne peut plus être menée de manière globale, mais plutôt par territoire et par spécialité.

Je le répète, car c’est le cœur du problème : certains de nos territoires connaissent un sous-effectif chronique de médecins ou d’auxiliaires médicaux, ce qui participe de l’augmentation du nombre des personnes renonçant à des soins, que toutes les études corroborent.

À l’hôpital, par exemple, le tiers des postes à temps plein sont vacants statutairement en Basse-Normandie ou en Picardie.

Mme Nathalie Goulet. Eh oui, dans l’Orne !

M. Yves Daudigny, rapporteur. Par ailleurs, les difficultés sont très variables selon les spécialités.

À l’hôpital, plus du tiers des postes sont vacants statutairement en oncologie ou en radiologie. Comment admettre que, dans certains départements, un patient doive attendre six mois pour être reçu par un ophtalmologiste ?

Mme Sylvie Goy-Chavent. Voire dix mois !

M. Yves Daudigny, rapporteur. C’est, là aussi, une situation inacceptable !

En travaillant sur ce texte – beaucoup plus longuement d’ailleurs que je ne l’aurais pensé, malgré les délais contraints qui nous ont été imposés –, j’ai été frappé par la complexité des cadres d’emploi. Après l’internat, les médecins qui souhaitent continuer d’exercer à l’hôpital peuvent être recrutés selon tant de positions statutaires qu’il est très difficile de s’y retrouver : chef de clinique, attaché, praticien, assistant, chacun de ces postes ayant une déclinaison pour les titulaires d’un diplôme obtenu dans un pays extérieur à l’Union européenne. Ne pourrions-nous simplifier ce paysage administratif, qui ne peut, en l’état, que favoriser la cooptation et la précarité ?

Pas moins de six rapports, études et enquêtes ont été adressés au Gouvernement entre 2008 et 2011 sur l’exercice médical à l’hôpital. Le constat est donc connu.

Pour attirer les jeunes praticiens et fidéliser ceux qui sont déjà engagés dans le service public, il faut notamment valoriser et accompagner les carrières et les parcours, trop erratiques aujourd’hui, améliorer les conditions de travail, concentrer le temps disponible sur l’activité médicale, faire vivre les équipes et recourir davantage à la pluridisciplinarité.

Quelle ne fut donc pas ma surprise, hier soir, de lire dans une dépêche l’annonce de la signature par le ministre du travail, de l’emploi et de la santé d’un accord-cadre relatif à l’exercice médical à l’hôpital ! « Tout ça pour ça ! », aurais-je envie de dire… La plupart des « annonces » renvoient en fait à un groupe de travail, d’autres sont subordonnées à des concertations multiples et variées. On envisage, par exemple, « l’ouverture d’une négociation statutaire débutant au premier semestre 2012 ». De telles annonces sont pour le moins dilatoires, à quelques semaines d’échéances électorales majeures !

Les seules mesures concrètes, décidées depuis juillet 2011 mais dont la mise en œuvre est encore renvoyée à des textes d’application à venir, concernent une amélioration des régimes complémentaires et sur-complémentaires de retraite.

Derrière ce que j’appellerai un « enrobage », le cœur de cet accord consiste, en réalité, à tenter de traiter, enfin, la question lancinante des comptes épargne-temps. Toutefois, les premières réactions syndicales sont pour le moins mitigées, ce qui me donne à penser que rien n’est réglé. Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous apporter à la représentation nationale des éléments d’information sur ce sujet ?

Enfin, la création d’une nouvelle strate administrative, les « équipes médicales », s’ajoutant aux services et aux pôles médicaux, me laisse quelque peu perplexe. Autant je défends l’existence d’équipes de soins pluridisciplinaires, autant je ne vois pas bien comment les mesures prévues dans l’accord pourront être réellement mises en place, eu égard à la complexité déjà très grande de l’architecture de l’hôpital, que nous avions d’ailleurs dénoncée lors de l’élaboration de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST.

L’hôpital est ouvert tous les jours, toute l’année, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il est souvent un repère, un point d’ancrage dans la ville, et il est nécessairement au cœur du système de soins. L’architecture d’ensemble de la prise en charge des patients doit bien sûr s’adapter aux évolutions de la société et des techniques thérapeutiques, notamment le développement de l’ambulatoire, lié à la volonté de nos concitoyens d’être soignés à domicile.

Il est impératif que notre société puisse s’appuyer sur un système de santé efficace et solidaire ; or cette solidarité est aujourd’hui mise en péril, ce qui porte préjudice aux patients n’ayant plus les moyens d’acquitter le reste à charge, d’une part, aux habitants des territoires souffrant d’un manque de professionnels de santé, d’autre part. Cette question, qui sera l’un des enjeux de la campagne présidentielle, dépasse, j’en suis conscient, l’objet de la présente proposition de loi, mais il me semblait impossible de la passer sous silence dans ce débat.

Mes chers collègues, notre commission a adopté à l’unanimité et sans modification le texte qui lui a été soumis, parce qu’il est urgent de sécuriser le fonctionnement quotidien de nos hôpitaux. Cet objectif est éminemment prioritaire, et j’appelle chacune et chacun d’entre vous à suivre la commission dans cette démarche. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UCR.)

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l’adoption de cette proposition de loi par le Sénat est aujourd'hui indispensable, ainsi que vient de le démontrer M. le rapporteur.

En effet, le 15 décembre dernier, le Conseil constitutionnel a censuré l’article de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 qui reportait du 31 décembre 2011 au 31 décembre 2014 l’échéance de l’autorisation, pour les médecins titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne, d’exercer en France, afin de leur laisser le temps de passer un examen d’équivalence.

Depuis lors, certains de ces praticiens ont reçu des lettres émanant du préfet les menaçant d’une reconduite à la frontière. Il y a donc bel et bien urgence, aujourd'hui, à adopter la présente proposition de loi.

Toutefois, si l’adoption de ce texte est indispensable, c’est surtout parce que les médecins, les chirurgiens-dentistes, les pharmaciens et les sages-femmes titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne sont eux-mêmes indispensables à notre système de soins. En effet, depuis les années soixante-dix, les hôpitaux publics jonglent tant bien que mal avec le droit pour assurer le fonctionnement de leurs services, notamment les gardes.

Ainsi, à l’hôpital d’Argentan, dans l’Orne, sur trente-deux spécialistes, douze sont titulaires d’un diplôme obtenu à l’étranger.

Mme Aline Archimbaud. Toujours dans l’Orne, au centre psychothérapique d’Alençon, plus d’un tiers des praticiens sont menacés.

Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !

M. Jean-Claude Lenoir. C’est gentil à vous de parler de l’Orne, mais les sénateurs du département peuvent le faire eux-mêmes !

Mme Nathalie Goulet. L’Orne exerce un puissant attrait !

Mme Aline Archimbaud. Je ne passerai pas en revue tous les départements, mais l’Orne est loin d’être une exception en la matière : nous ne pouvons donc nous dispenser, aujourd’hui, d’adopter un tel texte.

Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !

Mme Aline Archimbaud. Toutefois, cette impérieuse nécessité de légiférer en urgence ne doit pas nous empêcher de nous interroger sur le dispositif proposé et de réfléchir à la situation des personnes concernées.

Tout d’abord, l’adoption à la hâte de cette mesure de court terme ne nous dispensera pas d’aborder réellement, et dans les délais les plus brefs, le problème de la démographie médicale, qui se pose de manière de plus en plus flagrante.

En effet, on ne pourra pas toujours traiter les professionnels de santé formés à l’étranger comme une véritable variable d’ajustement et se servir d’eux comme d’une béquille. Les mots que j’emploie ici sont durs, mais ils reflètent bel et bien la réalité, car c’est malheureusement ainsi que ces personnels sont considérés.

Certes, ces professionnels ont obtenu leur diplôme dans un pays extérieur à l’Union européenne, mais ils n’en sont pas pour autant moins compétents que leurs collègues. Or leur statut est extrêmement précaire : du jour au lendemain, ils peuvent être mis à la porte si l’on estime n’avoir plus besoin d’eux, bien qu’ils travaillent sans compter, enchaînant les gardes de nuit et du week-end, sans bénéficier d’aucune perspective. Animés d’une grande motivation, ils consacrent toute leur énergie à assurer la continuité des soins et l’accès à la santé pour nos concitoyens, tout en étant souvent payés au SMIC, soit trois voire quatre fois moins que leurs collègues détenteurs d’un diplôme français, alors que, dans les faits, leurs missions et leurs compétences sont identiques.

On m’objectera qu’il existe une porte de sortie pour ces personnes : une procédure en trois étapes, qui a été décrite par M. le rapporteur, leur permet d’obtenir l’autorisation pleine et entière d’exercer en France. Cependant, il s’agit d’un concours exagérément sélectif, puisque dix postes pour deux cents candidats sont offerts en médecine générale et cinq pour trois cents candidats en gynécologie, tandis qu’aucun poste n’a été ouvert en anesthésie-réanimation depuis trois ans. Réussir ce concours est donc quasiment impossible pour les professionnels de santé concernés, d’autant que leur rythme de travail ne leur laisse que peu de temps pour réviser dans la sérénité.

Par ailleurs, pour pouvoir se présenter aux épreuves, il leur faut justifier d’une période d’exercice suffisamment longue, qui est par exemple de trois ans pour les médecins. Or nombre de diplômés étrangers, ne trouvant pas de poste de médecin à leur arrivée en France, exercent des fonctions d’infirmier, d’enseignant ou de chercheur. Leur situation ne leur permet donc pas de passer le concours en question.

Autre injustice, il existe deux dérogations à cette procédure extrêmement sélective, au bénéfice des réfugiés et des apatrides, d’une part, et des personnes dont l’entrée en fonctions est antérieure au 10 juin 2004, d’autre part : dans ces deux cas, il suffit aux intéressés d’obtenir la moyenne à un examen. Pour les bénéficiaires de ces dérogations, une solution existe donc, mais quelle injustice pour les autres ! Depuis des années, parfois depuis 2005, ces derniers exercent dans le système de soin français avec dévouement. Ils maîtrisent parfaitement notre langue, ont fondé une famille, se sont intégrés. Souvent, ils ont continué à se former dans les universités françaises, nombre d’entre eux obtenant des diplômes universitaires de troisième cycle et des capacités en médecine.

La situation actuelle est donc vécue par beaucoup de praticiens comme une lourde injustice, doublée d’une discrimination entre médecins titulaires de diplômes équivalents. Je demande solennellement un assouplissement de la procédure d’autorisation d’exercice, madame la secrétaire d'État, car je sais que le décret d’application prévu par le texte que nous examinons aujourd’hui pourrait permettre à de nombreuses personnes d’assurer leur mission de soin dans des conditions plus sereines.

En conclusion, mes chers collègues, le groupe écologiste vous appelle bien sûr à adopter cette proposition de loi dans le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, afin d’éviter de perdre encore du temps. Nous espérons toutefois que le Gouvernement aura entendu nos remarques et qu’il saura les prendre en compte pour assurer plus d’équité, plus de justice ; les détenteurs de diplômes étrangers, dont je salue le dévouement, le professionnalisme et la détermination, doivent pouvoir exercer sereinement leur métier, conformément à leur vocation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Milon.

M. Alain Milon. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, dans sa décision du 15 décembre 2011, le Conseil constitutionnel a censuré l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, considérant qu’il constituait un « cavalier social ». Or cet article encadrait les conditions d’exercice de certains professionnels de santé titulaires d’un diplôme obtenu dans un pays non membre de l’Union européenne.

Si aucune disposition législative n’est prise rapidement, près de 4 000 professionnels de santé vont devoir cesser leur activité, car ils se trouvent dans une situation d’illégalité que les chefs de service ne pourront plus couvrir longtemps sans risquer de voir engager des actions en responsabilité.

Aussi la proposition de loi que nous examinons vise-t-elle à répondre à une double nécessité.

En premier lieu, sur un plan conjoncturel, aux termes de l’article 83 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, les professionnels de santé titulaires d’un diplôme obtenu hors de l’Union européenne n’étaient habilités à poursuivre leur activité, sous des statuts d’exercice restreint, que jusqu’au 31 décembre 2011, au titre d’une procédure dérogatoire d’autorisation. La censure du Conseil constitutionnel ayant empêché la mise en œuvre du dispositif transitoire initialement prévu, ces professionnels de santé sont maintenus dans un statut pour le moins précaire. Nous sommes donc face à un vide juridique.

En second lieu, sur un plan structurel, les établissements de santé ont besoin de recourir aux professionnels en question en raison du manque d’attractivité de l’hôpital public. Il serait irresponsable de laisser partir un personnel formé, qui a démontré ses compétences et son engagement auprès des patients.

Pour ces raisons, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, le Gouvernement avait présenté à l’Assemblée nationale un amendement visant, d’une part, à proroger le dispositif transitoire d’autorisation d’exercice jusqu’au 31 décembre 2014, et, d’autre part, à introduire de nouvelles épreuves de vérification des connaissances pour les médecins étrangers titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne.

Le groupe UMP du Sénat était allé plus loin dans cette logique en déposant un amendement qui avait permis d’élargir et d’assouplir le dispositif.

D’une part, il incluait dans le champ du nouveau dispositif l’ensemble des sages-femmes recrutées jusqu’à la date de publication de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

D’autre part, il tendait à alléger la portée de l’obligation, pour les lauréats de l’épreuve d’aptitude, d’effectuer une période probatoire. En effet, l’amendement ouvrait à la commission habilitée à accorder l’autorisation d’exercice compétente la possibilité de prendre en compte les durées de service précédemment accomplies, afin qu’elles vaillent année probatoire.

Nous rappellerons, pour nous en féliciter, que cet amendement avait été adopté à l’unanimité par le Sénat, ce qui témoigne d’un large consensus sur ce sujet.

La proposition de loi aujourd’hui soumise à notre examen vise à reprendre ce dispositif introduit en première lecture dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Elle comporte en outre un second article prévoyant, de manière rétroactive, une application au 1er janvier 2012, afin de tenir compte du vide juridique dans lequel nous nous trouvons actuellement.

Si le souci de la sécurité juridique nous pousse d’ordinaire à ne pas demander l’application rétroactive des textes votés, la situation particulière dont il s’agit ici le justifie, car il convient de régulariser a posteriori la période d’exercice des praticiens concernés comprise entre le 1er janvier 2012 et la date d’entrée en vigueur de la présente proposition de loi.

Ce texte permettra ainsi de prolonger le système dérogatoire consistant à soumettre les praticiens concernés non à un concours, mais à un examen, puisque les lauréats aux épreuves de vérification des connaissances ne se verront pas opposer une limitation du nombre de postes ouverts. Ce dispositif s’appliquera aux médecins, aux chirurgiens-dentistes, aux sages-femmes et aux pharmaciens.

En outre, comme je l’ai précisé, la proposition de loi introduit une nouvelle épreuve de vérification des connaissances distincte de celle que prévoit la procédure de droit commun et elle tend à réduire la période probatoire à un an, durée pendant laquelle les praticiens travailleront sous des statuts d’exercice restreint.

Mais il est nécessaire que le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière informe précisément les praticiens, afin qu’ils puissent accéder à cette procédure et clarifier ainsi leur situation. Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous assurer que cette information sera bien dispensée ?

Par ailleurs, je souhaite insister sur le fait que l’épreuve d’évaluation des acquis doit être bien adaptée à la spécialisation du médecin. Il serait paradoxal de faire passer des épreuves théoriques à des médecins qui exercent depuis de nombreuses années et dont la qualité du travail est reconnue.

Néanmoins, repousser de deux ans la date butoir pour la porter au 31 décembre 2016, comme le proposent les députés, me paraît plus réaliste. Cela devrait permettre de faire diminuer au plus vite le nombre de professionnels ne bénéficiant plus de la plénitude d’exercice dans les établissements de santé. Même si la procédure d’autorisation d’exercice a permis de régulariser la situation de la majorité des médecins étrangers en fonctions dans nos hôpitaux, il en demeure encore dont la position n’a pas évolué, soit parce qu’ils ont échoué à l’examen, soit parce qu’ils ne se sont pas présentés aux épreuves. Or nous ne pouvons décemment pas les accuser de dilettantisme : leurs journées extrêmement chargées ne leur permettent pas de préparer l’examen dans de bonnes conditions et, dans certains cas, les empêchent même d’en passer les épreuves. Souvent, par crainte d’échouer, faute de préparation suffisante, ils n’osent pas s’y présenter.

Pourtant, ces médecins représentent, dans certaines zones géographiques, jusqu’à 30 % du personnel des établissements de santé. La prorogation du dispositif transitoire jusqu’en 2016 prévue par cette proposition de loi donnera donc une bouffée d’oxygène aux hôpitaux, en laissant cinq années supplémentaires pour parachever le processus de régularisation de ces professionnels de santé.

Avant de conclure, je souhaite saluer la détermination du Gouvernement à trouver une solution au problème de l’accumulation, depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2002 ayant institué les 35 heures à l’hôpital, des journées de congé dues aux médecins hospitaliers au titre de la réduction du temps de travail. Je suis convaincu que cette loi a contribué à déstabiliser l’hôpital. Nous nous félicitons donc de l’accord trouvé avec les praticiens hospitaliers sur ce point.

Le groupe UMP votera naturellement le présent texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UCR.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est vrai que le département de l’Orne est dans une situation difficile, comme l’a souligné Mme Archimbaud, ce dont je la remercie.

La présente proposition de loi reprend une disposition que nous avions introduite dans un article du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale. J’étais intervenue en séance publique à cette occasion, ce qui me permettra d’être brève aujourd’hui.

Il est heureux que les médecins titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne qui exercent dans nos hôpitaux ne suivent guère les travaux du Conseil constitutionnel ! Ainsi, ils n’ont pas nécessairement connaissance de la censure par ce dernier d’une disposition qu’ils avaient tant attendue… Soyons donc discrets sur ce point ce soir !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Ils le savent !

Mme Nathalie Goulet. Disons qu’il n’est peut-être pas nécessaire de les inquiéter à nouveau en donnant une trop grande publicité à cette décision du Conseil constitutionnel.

M. Jean-Claude Lenoir. C’est trop tard !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Nous avons la solution !

Mme Nathalie Goulet. Comme je le disais à l’instant, le département de l’Orne connaît d’importantes difficultés en matière de démographie médicale, en dépit du remarquable travail accompli par M. Pierre-Jean Lancry à la tête de l’agence régionale de santé Basse-Normandie. Les chiffres cités par Mme Archimbaud ne sont pas tout à fait exacts, mais on dénombre cinq médecins hospitaliers étrangers titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne à Flers, neuf à Argentan, par exemple. Leur situation a ému non seulement la population, mais aussi les élus. Aujourd’hui, on nous propose donc une solution, ce qui ne peut que nous satisfaire.

Concernant le problème de la démographie médicale, la loi HPST comportait des mesures de contrainte pour amener davantage de médecins à s’installer en milieu rural. Dans cet hémicycle, nous sommes un certain nombre à prôner inlassablement de telles dispositions. L’État paie les études des médecins !

M. Alain Milon. Cela est vrai pour tous les étudiants !

M. Jean-Claude Lenoir. Les élus de l’Orne préfèrent les pôles de santé !

Mme Nathalie Goulet. Encore faut-il qu’ils puissent attirer des médecins !

M. Jean-Claude Lenoir. C’est pour cela qu’ils les paient !

Mme Nathalie Goulet. Certains élus de l’Orne font ce choix, d’autres non ! Il est tout à fait normal que nous puissions avoir des divergences, mon cher collègue, mais je souligne que certains pôles de santé sont dépourvus de médecin !

M. Jean-Claude Lenoir. Pas dans l’Orne !

M. le président. Seule Mme Goulet a la parole, mon cher collègue !

Mme Nathalie Goulet. Je vous remercie, monsieur le président.

En tout état de cause, je sais que je serai comprise du côté gauche de notre hémicycle !

M. Jean-Claude Lenoir. La gauche vous secourt !

Mme Nathalie Goulet. C’est peut-être ce qui m’a permis d’obtenir 60 % des voix lors des élections sénatoriales : ce n’est pas si mal !

Je continue à penser que nous en viendrons un jour à prendre des mesures contraignantes pour développer l’installation de médecins dans les zones rurales et dans les zones urbaines défavorisées.

Bien évidemment, les pôles de santé et les mesures incitatives mis en place, de façon coordonnée grâce notamment à l’action des agences régionales de santé, par les conseils généraux et les conseils régionaux contribuent à lutter contre les déserts médicaux,…

M. Jean-Claude Lenoir. Vive les pôles de santé !

Mme Nathalie Goulet. … mais la création de pôles de santé ne règle rien si l’on ne trouve pas de médecins pour les animer !

M. Xavier Bertrand a pris des engagements importants, retracés dans la lettre que M. Lenoir et moi-même avons reçue. Je m’en félicite, mais il revient maintenant au Parlement de voter les mesures nécessaires. Nous devrons revenir sur ce problème en 2014 ; je ne doute pas que, d’ici là, nous aurons l’occasion d’examiner un texte visant à améliorer la situation des départements ruraux et des zones urbaines sensibles en matière de démographie médicale, fût-ce en contraignant quelque peu les professionnels de santé.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Nathalie Goulet. En effet, notre pays n’a jamais formé autant de médecins qu’aujourd’hui ; c’est leur répartition sur le territoire qui pose problème ! Les habitants des zones rurales ne sont pas des Français de seconde zone, et il n’est pas normal qu’ils doivent payer trois fois pour être soignés : par le biais du budget de l’État, en tant que contributeurs au système de protection sociale et au travers de leurs impôts locaux. Il est grand temps de prendre des mesures qui soient appliquées ! (Applaudissements sur les travées de l’UCR, du RDSE, du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les circonstances qui nous amènent à discuter cette proposition de loi, préférant plutôt insister sur l’enjeu sanitaire immédiat qu’elle recouvre.

Depuis le 31 décembre 2011, près de 4 000 praticiens n’ont plus le droit, en théorie, d’exercer dans nos hôpitaux. Il s’agit de praticiens titulaires d’un diplôme obtenu dans un pays extérieur à l’Union européenne qui n’ont pas satisfait aux épreuves de vérification des connaissances prévues par la procédure d’autorisation d’exercice mise en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.

Cette situation soulève deux problèmes : d’abord, celui de la continuité des soins dans un certain nombre d’établissements publics ou privés d’intérêt collectif, dont le fonctionnement repose en partie sur ces praticiens ; ensuite et surtout, celui de la couverture assurantielle de ces professionnels de santé en matière de responsabilité civile. Imaginons à quelles difficultés s’exposeraient ces derniers et les établissements qui les emploient si un incident médical survenait !

À problème urgent, réponse urgente… Cette proposition de loi vise à prolonger jusqu’au 31 décembre 2016 le dispositif transitoire d’autorisation d’exercice restreint dont bénéficient les praticiens en question et à prévoir une nouvelle épreuve de vérification des connaissances, dont les modalités seront fixées par décret. Une fois de plus, nous aurions souhaité connaître, avant de voter, le contenu exact de celui-ci, ou tout du moins les orientations guidant sa rédaction. Peut-être, madame la secrétaire d’État, pourrez-vous nous apporter des éléments d’information sur ce point.

Cependant, le dispositif du présent texte constitue sans doute la meilleure solution si l’on se concentre sur l’enjeu immédiat, qui est de garantir la permanence des soins.

La grande majorité des praticiens titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne occupent des postes indispensables au fonctionnement des établissements, dans les services des urgences, de réanimation ou de médecine, où ils rendent des services importants pour des rémunérations inférieures à celles de titulaires. Une telle distorsion salariale n’est pas sans nous interpeller ; le retard pris dans la régularisation de la situation de ces professionnels de santé ne lui est-il pas lié ?…

Par ailleurs, nombre de ces médecins sont aujourd’hui français, ayant acquis la nationalité française depuis leur arrivée, notamment par le mariage, et ont des enfants également français.

Enfin, pour connaître plusieurs de ces praticiens et être intervenu en faveur de certains d’entre eux, je sais qu’ils sont, pour la plupart – mais pas tous –, dévoués et compétents. Il faut le reconnaître et le valider en les soumettant à des épreuves adaptées. Ne pas le faire serait injuste et aggraverait les difficultés d’un certain nombre d’établissements confrontés à des vacances de postes.

Cela étant, je m’interroge : pourquoi nombre des praticiens concernés n’ont-ils pas présenté les épreuves de vérification des connaissances avant la date fatidique, alors qu’ils ont très souvent acquis une expérience et une compétence réelles ? Comment expliquer que l’on ferme les études médicales à un certain nombre d’étudiants français, par l’instauration d’un numerus clausus trop strict, tandis que l’on a mis en œuvre une procédure dérogatoire au bénéfice des praticiens étrangers ?

Que l’on ne se méprenne pas, je ne m’oppose nullement à l’exercice de la médecine dans notre pays par des praticiens étrangers, pour autant que leurs compétences ont été validées. Je note au passage qu’on n’en serait pas là si la vérification des connaissances intervenait avant la prise de fonctions, même pour les praticiens recrutés sous statut d’exercice restreint. Une fois leur compétence établie, ils devraient pouvoir prétendre à un statut professionnel et salarial identique à celui de leurs homologues à diplôme français.

M. Jacky Le Menn. Tout à fait !

M. Gilbert Barbier. Je crois, madame la secrétaire d’État, que nous devrions réfléchir à l’adaptation de notre système de formation aux enjeux sanitaires. Alors que près de 10 000 postes ne sont pas pourvus par des praticiens titulaires, est-il raisonnable d’imposer une sélection si drastique à la fin de la première année des études médicales ? Manque d’attractivité de certains postes hospitaliers, désaffection pour la médecine générale et inégale répartition sur le territoire : la situation est préoccupante. Certes, des mesures ont été prises pour y remédier, avec en particulier la création de la spécialité de médecine générale, la multiplication des maisons pluridisciplinaires de santé, la régionalisation du numerus clausus et la mise en place des contrats d’engagement de service public, mais je ne suis pas convaincu que cela soit suffisant. Le ministère de la santé réfléchit-il à des dispositions plus efficaces, peut-être d’ordre salarial, en cette période de régularisation en matière de RTT ?

Quoi qu’il en soit, le secteur de la santé a aujourd’hui besoin de ces quelque 4 000 praticiens à diplôme étranger. La présente proposition de loi permet d’apporter une réponse à leur besoin légitime de reconnaissance et tend à fixer des conditions garantissant leur compétence. C’est la raison pour laquelle nous la voterons.

Espérons que le problème sera réglé à l’échéance de 2016 et que nous pourrons trouver de nouvelles solutions –autres que coercitives, car la contrainte ne changera évidemment pas la donne – pour répondre aux besoins en professionnels de santé de nombreux territoires qui désespèrent.

J’ajouterai, pour conclure, qu’il est également urgent de se préoccuper du sort des praticiens étrangers ayant obtenu leur diplôme dans leur pays d’origine et qui exercent des fonctions paramédicales dans nos hôpitaux, dans des conditions difficilement acceptables. Leur cas n’est pas réglé par ce texte, ce qui est bien regrettable. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. Jacky Le Menn. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord rendre hommage à tous ces praticiens qui, ayant obtenu leur diplôme dans un État non membre de l’Union européenne, exercent en France. C’est en partie leur travail, accompli dans des conditions souvent précaires, qui permet de maintenir la qualité du système de santé français.

S’ils ont obtenu leur diplôme à l’étranger, nombre d’entre eux sont français et ont effectué au moins une partie de leur formation dans notre pays. Alors que leurs compétences n’ont rien à envier à celles des médecins diplômés en France et en Europe, leurs conditions d’exercice sont particulièrement difficiles et incertaines.

Le recrutement de praticiens à diplôme hors Union européenne – les PADHUE –, théoriquement interdit depuis 1999, s’est poursuivi dans la pratique, illégalement et en l’absence de statut. Et pour cause : ces professionnels pallient une véritable carence de l’hôpital public français, liée à l’insuffisance du nombre de praticiens formés en France et à l’inégale répartition de ceux-ci sur le territoire.

Le numerus clausus appliqué aux études de médecine et le manque d’attractivité des carrières hospitalières sont tels que, sans ces praticiens à diplôme hors Union européenne, certains hôpitaux et services seraient tout simplement amenés à fermer. Que l’on ne vienne pas nous dire que la récente augmentation de ce numerus clausus permettra, fût-ce à terme, de résoudre les problèmes : cela est faux, et il est facile de le démontrer !

En réalité, ces praticiens sont indispensables à l’existence d’un service public de la santé de qualité sur l’ensemble du territoire français. En effet, ils sont souvent affectés dans des zones de désertification médicale et sont parfois les seuls garants du maintien d’hôpitaux publics de proximité. Ces médecins sont injustement traités et leur besoin de reconnaissance est légitime, eu égard au rôle qu’ils remplissent.

La Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, avait d’ailleurs estimé, dans un délibéré du 27 février 2006, que ces praticiens, cantonnés à des statuts précaires, sous-payés et empêchés d’exercer pleinement la médecine, sont victimes de discrimination. L’absence de statut a permis l’exploitation de ces professionnels de santé qui exercent pourtant des responsabilités identiques à celles de leurs homologues ayant obtenu leur diplôme dans un pays membre de l’Union européenne.

Afin de remédier à cette situation intolérable, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a instauré un processus d’autorisation d’exercice dérogatoire permettant aux praticiens à diplôme hors Union européenne, après examen, le plein exercice de la médecine et leur ouvrant la possibilité d’occuper officiellement les fonctions qui de fait sont déjà les leurs depuis de nombreuses années.

Reconnaissant la valeur probatoire de leur pratique professionnelle et l’injustice de leur situation, la loi leur a donné jusqu’au 31 janvier 2011 pour régulariser leur pratique. Au-delà de cette date, leur droit d’exercer dans les établissements de santé publics a pris fin s’ils n’ont pas satisfait aux épreuves de vérification des connaissances.

Alors que ce processus est arrivé à son terme, force est de constater qu’il n’a pas suffi : on peut estimer aujourd’hui à 4 000 le nombre de praticiens à diplôme hors Union européenne n’ayant pu bénéficier de cette autorisation d’exercice.

Qu’ils aient été remerciés ou qu’ils continuent d’exercer depuis le 1er janvier 2012 sans statut juridique, ces praticiens se trouvent dans une position très difficile. Quant aux hôpitaux qui continuent de les employer pour assurer la continuité du service public et la permanence des soins, ils se placent ainsi dans une situation juridique périlleuse.

La situation est connue depuis longtemps, mais ce n’est que voilà quelques mois seulement, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, que le Gouvernement a enfin consenti à déposer un amendement visant à proroger la procédure d’autorisation d’exercice jusqu’au 31 décembre 2014. Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition, qu’il a considérée comme un cavalier législatif. Il y a donc aujourd’hui urgence à légiférer, en raison de l’incapacité ou de la négligence du Gouvernement, qui n’a pas su traiter le problème à temps. Nous déplorons cette situation.

Nous sommes donc contraints d’adopter rapidement cette proposition de loi, qui reprend l’article censuré de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, afin de ne pas pénaliser davantage des hommes et des femmes plongés dans l’insécurité et la détresse. Ce débat est précipité, j’oserai même dire amputé, car si nous reconnaissons l’utilité du présent texte, nous en sommes également quelque peu prisonniers. L’urgence de son adoption interdit en effet de mener une véritable réflexion sur le sujet et nous réduit à voter une loi circonstancielle.

Portant exclusivement sur la procédure de validation dérogatoire, cette proposition de loi permet de faire oublier celle de droit commun et de contourner la question fondamentale des déserts médicaux. Or cette dernière se posera demain avec plus d’acuité que jamais, puisque le nombre des médecins formés en France restera insuffisant, tandis que les PADHUE, qui servaient jusque-là de variable d’ajustement, ne seront plus assez nombreux, à la suite de la régulation introduite par l’arrêté du 3 août 2010.

Par ailleurs, madame la secrétaire d’État, nous veillerons avec beaucoup d’attention à ce que les décrets d’application donnent les même chances à tous les praticiens ayant obtenu leur diplôme dans un État non membre de l’Union européenne. En particulier, il importe que ces textes n’excluent pas les diplômés en médecine ayant accepté, en France, des postes d’infirmier ou exerçant dans le secteur paramédical, l’enseignement ou encore l’industrie pharmaceutique.

Ajoutons que la procédure de validation est un long parcours. L’examen n’en est que le premier pas, avant l’année probatoire et la délivrance de l’accord de la commission d’autorisation d’exercice, laquelle peut demander, si nécessaire, une prolongation de la période de formation. Quelles mesures d’accompagnement prévoyez-vous pour permettre au plus grand nombre possible des praticiens concernés de réussir dans cette démarche, eu égard à leurs conditions de travail difficiles ?

Par respect pour le travail de ces professionnels de santé, nous voterons la présente proposition de loi, qui tend à prolonger la procédure de validation dérogatoire jusqu’en 2016, ce qui devrait permettre de tous les régulariser. Cependant, nous continuons de déplorer les conditions de son adoption, liées à la situation regrettable dans laquelle l’incurie du Gouvernement a placé ces praticiens, et surtout l’absence de réflexion à long terme.

Bien que ce texte soit utile, il ne constituera qu’une rustine de plus sur notre système de santé, qui a un besoin urgent de réformes structurelles courageuses. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, chers collègues, nous examinons, ce 24 janvier, une proposition de loi visant à encadrer les conditions d’exercice de certains professionnels de santé titulaires d’un diplôme obtenu dans un pays non membre de l’Union européenne, qui a été déposée le 20 décembre 2011 sur le bureau de l’Assemblée nationale et examinée le 18 janvier 2012 par nos collègues députés. Que l’on me permette de saluer l’exceptionnelle efficacité du Parlement… Mais ne faut-il pas plutôt parler de précipitation imposée par l’urgence de la situation ?

Certes, si nous débattons de ce texte aujourd’hui, c’est en raison de la censure par le Conseil constitutionnel, voilà quelques semaines, de l’article de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 qui traitait de la question qui nous occupe.

Le Conseil constitutionnel a en effet estimé qu’il s’agissait d’un cavalier législatif. D’aucuns ont alors fait remarquer qu’il s’était, en l’occurrence, montré particulièrement scrupuleux. Peut-être, mais il n’en demeure pas moins que cet épisode ne serait pas survenu si la majorité présidentielle avait su anticiper : là est bien le problème. Cela nous oblige de nouveau à légiférer dans l’urgence.

Déjà, il avait fallu attendre la fin de l’année 2006 pour que soit mis en place, au travers de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, un examen dérogatoire, parallèlement à la nouvelle procédure d’autorisation d’exercice qui astreint les praticiens titulaires d’un diplôme étranger à passer un concours très sélectif, alors même que leurs compétences sont reconnues et qu’ils occupent déjà un poste.

Il était prévu que cette mesure dérogatoire prendrait fin le 31 décembre 2011. Quelques jours seulement avant cette date, le Gouvernement a donc décidé d’introduire dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale un article la prorogeant. C’est ce que l’on peut appeler faire preuve d’une belle capacité d’anticipation…

En définitive, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel, ce sont quelque 4 000 praticiens qui, depuis le 1er janvier dernier, exercent dans l’illégalité.

Or, quand on sait que, dans certaines régions, comme le Nord-Pas-de-Calais, ces médecins ayant obtenu leur diplôme dans un pays extérieur à l’Union européenne, qu’ils soient français ou étrangers, représentent près de 50 % des effectifs hospitaliers, on mesure aisément les conséquences alarmantes d’une telle négligence.

La désertification médicale est telle que les praticiens à diplôme étranger jouent un rôle absolument essentiel pour assurer la continuité du service public de santé en France.

D’après le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, le nombre de ces professionnels de santé ayant obtenu leur diplôme dans un pays non membre de l’Union européenne s’établissait, en 2011, entre 6 700 et 7 100 ; s’y ajoutent 3 300 praticiens en formation. Sur les 214 000 médecins en activité au 1er janvier 2007, 17 000 étaient des PADHUE.

Pourtant, aussi indispensables soient-ils, ces praticiens subissent une grande précarité : leur statut contractuel est renouvelable d’année en année, sans prise en compte de leurs nombreuses années d’exercice ; leur salaire est bien inférieur à celui de leurs collègues à diplôme français, alors même qu’ils exercent le même métier et assument de fait les mêmes responsabilités ; ils exercent dans des conditions souvent extrêmement difficiles, dans des zones désertées par leurs collègues titulaires d’un diplôme français ; ils sont contraints d’accumuler les gardes, à la fois pour répondre aux besoins et pour améliorer leur salaire ; enfin, ils n’ont aucune perspective de carrière et n’obtiendront jamais l’autorisation de s’installer.

La proposition de loi que nous examinons ce soir est incontestablement nécessaire, mais elle ne résoudra nullement le problème de la quasi-exploitation de ces praticiens et ne répondra pas à leur légitime besoin de reconnaissance, voire de dignité.

À cet égard, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité avait très clairement dénoncé, dans sa décision du 27 février 2006, une discrimination à l’encontre de ces praticiens à diplôme étranger, trouvant sa source dans « l’exploitation qui est faite de leur absence de statut, alors même que leurs responsabilités concrètes sont identiques ».

Par ailleurs, le vote par nos collègues députés du report du 31 décembre 2014 au 31 décembre 2016 du terme de la période transitoire est bienvenu. Cela permettra en effet aux praticiens recrutés par les établissements de santé avant le 3 août 2010 de se présenter dans les meilleures conditions aux épreuves de vérification des connaissances, mais qu’en sera-t-il des étudiants et des médecins à diplôme étranger ayant commencé à exercer après 2010 ? À n’en pas douter, en 2016, le Parlement sera de nouveau saisi dans l’urgence d’un texte analogue à celui qui nous est soumis ce soir…

Il importe de prévoir une solution pérenne et de mettre fin à une hypocrisie qui ne nous honore pas : si ces médecins ont les compétences requises, comme en témoignent la place qui leur est accordée dans nos hôpitaux et le fait qu’ils y donnent satisfaction, nous devons, madame la secrétaire d'État, cesser de voter des textes à courte vue et offrir à ces médecins un statut qui leur rende leur dignité.

En tout état de cause, notre groupe votera cette proposition de loi, en dépit de ses imperfections. Bien qu’elle ne fasse que régler provisoirement le problème des PADHUE et n’appréhende pas la question de leur statut dans sa globalité, il convient de ne pas rendre encore plus précaire la situation juridique et statutaire de ces praticiens, dont la France a tant besoin.

Avant de conclure, je souhaite évoquer rapidement la situation spécifique des futurs médecins français à diplôme étranger qui n’ont pas la possibilité de bénéficier d’un recrutement en qualité d’étudiant « faisant fonction d’interne ». J’ai déjà abordé à plusieurs reprises ce problème, qui touche un grand nombre de nos concitoyens, placés ainsi dans une situation parfaitement injuste. Pour mettre fin à l’inégalité dont ils pâtissent, il suffirait, madame la secrétaire d’État, d’amender l’article 1er de l’arrêté du 8 juillet 2008, afin de permettre aux ressortissants communautaires résidant dans un pays extracommunautaire d’accéder aux cycles de formation médicale spécialisée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons donc ce soir, dans l’urgence, un texte essentiel pour garantir à très court terme la continuité des soins dans de nombreux hôpitaux.

Que nous soyons contraints d’étudier cette proposition de loi dans de telles conditions n’est pas neutre, tant s’en faut. La situation difficile que connaissent de nombreux établissements et leurs praticiens a été signalée à de nombreuses reprises. Cela fait non pas des mois, mais des années, que la question qui nous occupe aujourd’hui se pose.

Je ne pense pas que le manque de réactivité de différents ministres, qui met notre système de santé sous tension, soit uniquement imputable à une simple inertie. Le phénomène s’est amplifié, pour de multiples raisons, depuis quelques années, singulièrement depuis l’entrée en vigueur de la tristement célèbre loi HPST, qui n’a pas renforcé, madame la secrétaire d'État, l’attractivité de l’hôpital, bien au contraire.

M. Jean-Jacques Mirassou. Cette loi aligne de fait la gestion de l’hôpital sur celle d’une entreprise privée, soucieuse de rentabilité. Ce n’est pas un hasard si nombre de praticiens ont fui l’hôpital public après y avoir suivi tout le cursus des études médicales, internat et clinicat compris. Leurs motivations à le faire ne se résument en aucune façon à la seule quête d’une meilleure rémunération dans le secteur privé !

Fort logiquement, nos établissements de soins sont obligés, dans ce contexte, de faire appel à des professionnels de santé qui ne sont pas issus du circuit de formation classique.

M. Jean-Jacques Mirassou. On se satisfaisait jusqu’à présent, avec une sorte de fatalisme, d’utiliser comme variables d’ajustement des médecins compétents titulaires de diplômes obtenus dans des pays extérieurs à l’Union européenne, ces praticiens étant relégués dans les zones grises de la réglementation.

La crise sérieuse que traverse notre système de santé révèle les dysfonctionnements profonds qui affectent l’hôpital. Nous affirmons qu’il revient au politique de donner à celui-ci les moyens de fonctionner ; on ne saurait le condamner à recourir, en matière de recrutement, à des solutions hasardeuses sur les plans juridique et financier, se situant aux limites de la légalité. Nous affirmons également que l’on ne saurait laisser des professionnels de santé compétents à la périphérie du système de santé français, avant de les en exclure totalement pour ne pas avoir adapté les procédures trop contraignantes permettant de régulariser leur activité.

De lourdes incertitudes – le mot est faible ! – pèsent sur l’avenir professionnel des personnes concernées, qui sont de surcroît sous-payées alors qu’elles accomplissent parfaitement leur mission de service public au quotidien, avec compétence et dévouement. Circonstance aggravante, au moment où je parle, personne n’est en mesure de préciser quel est exactement leur nombre !

La contribution de ces médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens est à juste titre qualifiée d’indispensable. Il y a donc urgence à adopter le présent texte, car, depuis le 1er janvier 2012, et malgré les instructions émanant du ministère, il est patent que les établissements et les praticiens concernés courent un risque majeur en cas d’incident ou d’accident médical.

Il faut donc permettre à cette catégorie de professionnels de continuer à exercer sereinement leur activité. Cette proposition de loi ne résout rien sur le fond, elle est loin d’être parfaite, mais nous devons néanmoins l’adopter, afin d’offrir aux professionnels de santé titulaires d’un diplôme obtenu dans un pays non membre de l’Union européenne la possibilité de rester en fonctions jusqu’en 2016.

Pour autant, madame la secrétaire d'État, nous ne pouvons manquer de nous interroger sur le fait que l’une des premières puissances économiques du monde soit aujourd’hui incapable de former et de recruter des professionnels de santé dans des conditions garantissant un fonctionnement serein de son système de soin.

M. Jean-Jacques Mirassou. Je ne reviendrai pas sur l’insuffisance des moyens donnés aux établissements de santé, préférant mettre l’accent sur la question du numerus clausus pour les études médicales.

Lors de la discussion de la loi du 7 juillet 2009 portant création d’une première année commune aux études de santé et facilitant la réorientation des étudiants, beaucoup d’entre nous s’étaient étonnés que la fixation de ce numerus clausus soit déconnectée de toute projection à dix ou vingt ans en matière de démographie médicale. Nous en subissons maintenant les conséquences !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Exact !

M. Jean-Jacques Mirassou. En tout état de cause, comment justifier que la sélection soit à ce point sévère, quand les besoins sont très importants et les postes très difficiles à pourvoir ?

Quid, dans ces conditions, de la ventilation des médecins entre les zones urbaines et le milieu rural, entre médecine de ville et hôpital public ? Il ne faut pas non plus oublier que la féminisation croissante de la profession médicale a de fait pour corollaire le développement du temps partiel, ce qui pénalisera à terme le fonctionnement de notre système de soin, qu’il s’agisse de l’hôpital ou de la médecine de ville.

Enfin, j’évoquerai le cas des étudiants en médecine étrangers qui, bien qu’ayant accompli leur cursus en France, ne sont pas certains de pouvoir intégrer dans de bonnes conditions notre système sanitaire, du fait de la circulaire Guéant. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Roland Courteau. Très bien !

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste, pharmacien et sage-femme pour les professionnels titulaires d'un diplôme obtenu dans un État non membre de l'Union européenne
Article 2 (début)

Article 1er

(Non modifié)

Le IV de l’article 83 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est supprimé ;

2° Le dernier alinéa est remplacé par huit alinéas ainsi rédigés :

« Par exception aux dispositions du sixième alinéa du I de l’article 60 de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 précitée et aux dispositions du huitième alinéa du I de l’article 69 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, les médecins et les chirurgiens-dentistes titulaires d’un diplôme, certificat ou autre titre obtenu dans un État non membre de l’Union européenne ou non partie à l’accord sur l’Espace économique européen et permettant l’exercice de la profession dans le pays d’obtention de ce diplôme, certificat ou titre, recrutés avant le 3 août 2010 dans des conditions fixées par décret dans un établissement public de santé ou un établissement de santé privé d’intérêt collectif, peuvent continuer à exercer leurs fonctions jusqu’au 31 décembre 2016.

« Les praticiens se présentent à une épreuve de vérification des connaissances, organisée chaque année jusqu’en 2016, dès lors qu’ils justifient :

« 1° Avoir exercé des fonctions rémunérées pendant au moins deux mois continus entre le 3 août 2010 et le 31 décembre 2011 ;

« 2° Avoir exercé trois ans en équivalent temps plein dans des conditions fixées par décret, à la date de clôture des inscriptions à l’épreuve à laquelle ils se présentent.

« Les pharmaciens titulaires d’un diplôme, certificat ou autre titre obtenu dans un État non membre de l’Union européenne ou non partie à l’accord sur l’Espace économique européen et permettant l’exercice de la profession dans le pays d’obtention de ce diplôme, recrutés avant le 3 août 2010 dans des conditions fixées par décret, se présentent à l’épreuve de vérification des connaissances mentionnée au troisième alinéa du présent IV sous les conditions prévues aux 1° et 2°.

« Les sages-femmes titulaires d’un diplôme, certificat ou autre titre obtenu dans un État non membre de l’Union européenne ou non partie à l’accord sur l’Espace économique européen et permettant l’exercice de la profession dans le pays d’obtention de ce diplôme, recrutées avant le 1er janvier 2012 et ayant exercé des fonctions rémunérées dans des conditions fixées par décret, se présentent à l’épreuve de vérification des connaissances mentionnée au troisième alinéa du présent IV sous les conditions prévues au 2°.

« Les médecins, chirurgiens-dentistes, pharmaciens et sages-femmes ayant satisfait à l’épreuve de vérification des connaissances exercent durant une année probatoire des fonctions rémunérées, dans des conditions fixées par décret, dans un établissement public de santé ou un établissement de santé privé d’intérêt collectif. À l’issue de cette année probatoire, l’autorisation d’exercer leur profession peut leur être délivrée par le ministre chargé de la santé, qui se prononce après avis de la commission mentionnée au I de l’article L. 4111-2 du code de la santé publique ou du Conseil supérieur de la pharmacie. Les fonctions exercées avant la réussite à cette épreuve peuvent être prises en compte après avis de ces mêmes instances, dans des conditions fixées par décret.

« Les modalités d’organisation de l’épreuve de vérification des connaissances mentionnée au troisième alinéa du présent IV sont fixées par décret. »

M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour explication de vote.

M. Jacky Le Menn. Je voterai bien entendu cette proposition de loi, car en cas de feu, il faut appeler les pompiers et éteindre l’incendie ! Il est toutefois irritant de constater que l’on attend toujours le dernier moment pour régler des problèmes pourtant connus de tous depuis longtemps.

Certes, dans l’immédiat, une instruction ministérielle a été donnée pour que les médecins titulaires d’un diplôme obtenu dans un pays non membre de l’Union européenne puissent être payés et couverts au titre de leur exercice professionnel, mais cette solution semble juridiquement très fragile.

Voilà des années que le problème qui nous occupe ce soir se pose. Il existait déjà avant la mise en place des 35 heures. J’y ai d’ailleurs été personnellement confronté en tant que directeur d’hôpital, y compris dans l’Orne, où j’ai eu la chance d’exercer mes fonctions pendant quatre ans.

Mme Sylvie Goy-Chavent. L’Orne est à l’honneur, ce soir !

M. Jacky Le Menn. Voilà bien longtemps qu’existent des déserts médicaux dans le secteur hospitalier public. Ainsi, environ un poste à temps plein sur quatre est actuellement vacant dans les hôpitaux publics. C’est une réalité qui pose des problèmes insurmontables dans des structures de soin accueillant des populations déjà confrontées à de nombreuses difficultés, aussi bien en milieu rural que dans la périphérie de grandes villes. Mon expérience passée me permet d’en témoigner.

Madame la secrétaire d’État, il faut prendre le sujet à bras-le-corps, car on ne peut se résigner à voir coexister, dans notre pays, des zones où l’offre de soins est surabondante et d’autres qui manquent de médecins, tandis que les hôpitaux de proximité, pourtant indispensables, se raréfient et peinent à répondre aux besoins d’une population vieillissante, dont l’accueil par les centres hospitaliers universitaires soulève des difficultés.

Pour remédier au manque de personnel, les établissements de santé publics recourent à une main-d’œuvre surexploitée et sous-payée. Cela ne signifie pas pour autant, d’ailleurs, que les médecins hospitaliers titulaires soient payés confortablement.

Madame la secrétaire d’État, il faut trouver des solutions ! On ne peut continuer ainsi ! Comme l’a rappelé M. le rapporteur, il s’agit d’une situation qui perdure depuis les années soixante-dix. Je puis le confirmer, pour avoir débuté ma carrière professionnelle à cette époque. Il faut assurer la prise en charge des malades dans de bonnes conditions. Les médecins titulaires d’un diplôme étranger possèdent de grandes compétences ; leur situation doit être régularisée de façon pérenne, afin que nous n’ayons pas à y revenir en 2016.

La Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat, qui est présidée par M. Daudigny, devra se pencher sur la question de l’encadrement des hôpitaux en France, que l’on ne peut continuer à occulter ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. Je voudrais saluer le travail de M. Daudigny, qui a su, dans des délais très courts, rédiger un excellent rapport sur un problème récurrent depuis maintenant une quarantaine d’années. Dans certaines zones, il prend un tour aigu. Ainsi, dans le Pas-de-Calais, sans ces professionnels formés à l’étranger, dont la compétence et le dévouement sont indiscutables, les gardes ne pourraient être assurées dans les hôpitaux et certains établissements généraux devraient fermer. Il en va de même dans de nombreux territoires, même si certains sont plus touchés que d’autres, des spécialités comme les urgences, la radiologie, la chirurgie, l’anesthésie, l’obstétrique souffrant en outre particulièrement du manque de personnel.

Pour autant, nous ne devons pas adopter une approche utilitariste à l’égard d’hommes et de femmes qui méritent tout notre respect, d’autant qu’ils sont maltraités, n’hésitons pas à le dire. Comme vient de le souligner avec fougue M. Le Menn, ils ne bénéficient d’aucune perspective de carrière et leur travail n’est pas reconnu à sa juste valeur, y compris sur le plan financier, au prétexte qu’ils exercent sous l’autorité de médecins titulaires. Je ne dénigre pas ces derniers, bien entendu, mais ils ne sont en général pas sur le terrain, ce qui peut d’ailleurs poser des problèmes de responsabilité. J’espère, madame la secrétaire d’État, que vous nous apporterez des éléments d’information sur ces points avant la fin de notre discussion.

Il est donc vraiment plus qu’urgent d’offrir un statut correct à ces hommes et à ces femmes qui rendent d’immenses services.

Par ailleurs, nous ne devons pas oublier la nécessité de mener une politique de coopération internationale de qualité avec les pays d’origine de ces praticiens. Je rappelle que nous prospectons à l’étranger pour les attirer chez nous. Je le dis sans esprit polémique, il ne faudrait pas que ce soit un moyen pour nos hôpitaux publics, qui sont en grande difficulté financière, de faire des économies à bon compte.

Le recours à des médecins titulaires d’un diplôme étranger pose en outre, sur un plan plus structurel, la question de l’attractivité des carrières à l’hôpital public. Il ne s’agit pas seulement d’un problème financier, la reconnaissance des responsabilités exercées importe aussi. Un praticien qui commence une carrière à l’hôpital public sait très bien qu’il n’aura pas le même niveau de rémunération que son collègue du secteur privé, et ce n’est pas nouveau. Ajoutons qu’il faut alléger la chape de plomb administrative qui, à l’heure actuelle, empêche les praticiens hospitaliers de travailler. De ce point de vue, la loi HPST n’a pas amélioré les choses. Certains professionnels décident de quitter l’hôpital public pour cette raison, ne supportant plus de ne pas pouvoir travailler librement et dans des conditions satisfaisantes.

Le relèvement du numerus clausus ne suffira pas, à mon sens, à remédier à tous les problèmes. Les solutions ne sont pas simples, les médecins hospitaliers s’étant par exemple toujours opposés à une différenciation des carrières selon le degré de pénibilité des spécialités.

M. le rapporteur a évoqué l’annonce d’un accord miracle sur les RTT. Les praticiens hospitaliers croulent sous le travail, du fait du manque de personnel médical et paramédical. Il faut leur permettre de prendre leurs jours de congé supplémentaires ou, s’ils y renoncent, les rémunérer en conséquence. Personne ne le conteste, cette surcharge résulte pour partie de l’application des 35 heures,…

Mme Catherine Génisson. … mais pour partie seulement. Il faut reconnaître la pénibilité de leur travail et le poids des exigences de sécurité.

Je rappelle que le dispositif qui pose tant de problèmes aujourd’hui a été mis en place sous un gouvernement de droite, par un ministre, M. Jean-François Mattei, pour qui j’ai un grand respect, même si je ne partage pas ses orientations politiques. Faute sans doute d’études d’impact approfondies, il n’avait pas mesuré toutes les conséquences des dispositions qu’il a prises en matière de statut des praticiens hospitaliers dont il est question ce soir.

En conclusion, il est urgent de donner un statut digne aux médecins titulaires d’un diplôme étranger qui exercent dans nos hôpitaux, de les sortir de la fragilité statutaire et de l’instabilité professionnelle dans laquelle ils se trouvent, de renforcer l’attractivité et d’améliorer le fonctionnement de l’hôpital public. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent, pour explication de vote.

Mme Sylvie Goy-Chavent. Je voterai bien évidemment cette proposition de loi, mais je voudrais profiter de cette occasion pour dénoncer ce numerus clausus qui nous prive de tant de médecins de famille dans nos campagnes, de spécialistes dans nos villes et de praticiens à diplôme français dans nos hôpitaux…

Le numerus clausus, conjugué à un mode de sélection fondé sur les mathématiques et la physique en première année de médecine, incite les jeunes Français à s’expatrier, notamment en Roumanie, pour suivre des études médicales.

Le numerus clausus est dans une large mesure responsable de la raréfaction des médecins dans les zones rurales et du recours croissant, à l’hôpital public, à des médecins étrangers dont les compétences doivent être soulignées mais dont les diplômes ne sont reconnus ni par la France ni par l’Europe.

On m’oppose parfois que former des médecins coûte cher, surtout lorsqu’il s’agit de femmes… En effet, les femmes ont souvent l’ambition, curieuse au goût de certains, de fonder une famille et d’élever des enfants tout en travaillant à temps partiel pendant quelques années.

Madame la secrétaire d’État, cette proposition de loi met l’accent sur de nombreuses difficultés. Le malaise est profond. J’espère que nous saurons enfin un jour venir à l’aide de professions médicales qui – c’est un comble ! – semblent bien malades dans notre pays… (Applaudissements sur les travées de l'UCR.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. J’estime moi aussi que nous devons respect et reconnaissance aux médecins titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne qui exercent dans nos hôpitaux. Nous savons tous quelle part ils prennent, depuis très longtemps, à la permanence des soins, à l’accueil des malades et des blessés. C’est pourquoi nous sommes sensibles à leur situation.

On a beaucoup évoqué, au cours de ce débat, le cas du beau département de l’Orne, où 73 % des nouveaux inscrits à l’Ordre des médecins sont étrangers, comme le signale M. Daudigny dans son rapport… C’est l’un des taux les plus élevés dans notre pays.

M. Yves Daudigny, rapporteur. Il l’est encore plus dans l’Aisne.

M. Jean-Claude Lenoir. Il atteint même 100 % dans l’Yonne.

Lorsque la question qui nous occupe a été posée avec force, au cours de l’été dernier, je me suis adressé à M. Xavier Bertrand, qui m’a alors associé à l’élaboration de l’amendement ayant été adopté lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale à l’Assemblée nationale. Nous pensions la mission accomplie, d’autant que le dispositif avait encore été amélioré au Sénat peu après. C’est alors qu’est intervenue la décision du Conseil constitutionnel, que je ne commenterai pas.

Je me réjouis donc que le Gouvernement ait facilité l’examen de la proposition de loi déposée par l’un de nos collègues, le député Jean-Pierre Door, en engageant la procédure accélérée. Je me félicite également qu’une belle unanimité se dégage dans notre hémicycle en faveur d’une adoption la plus rapide possible.

Cela étant, nous sommes en train de créer une nouvelle dérogation à deux textes de loi, que certains de nos collègues ont peut-être oubliés : la loi du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle et la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, qui ont mis fin à la possibilité offerte aux centres hospitaliers publics de recruter des médecins étrangers.

Ces deux lois sont partiellement à l’origine du problème. La première donnait aux professionnels justifiant de titres leur permettant d’être reconnus comme médecins la possibilité d’entreprendre des démarches en ce sens jusqu’au 31 décembre 2001. La seconde, adoptée dans une certaine hâte au début de 2002, soit peu de temps avant les élections, permettait de corriger le tir en leur donnant un peu plus de temps.

Monsieur le rapporteur, je me permets de vous le dire en toute amitié, vous êtes injustement sévère. En effet, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a créé les conditions afin que ces médecins disposent du temps nécessaire pour faire reconnaître leurs titres et valider leur parcours professionnel : elle leur a donné cinq ans, délai qui paraissait suffisant. Les professionnels titulaires d'un diplôme obtenu dans un État non membre de l'Union européenne avaient donc l’obligation de satisfaire, avant 2012, aux conditions prévues par la loi.

Pourquoi certains de ceux qui étaient concernés par ce dispositif ne l’ont-ils donc pas fait avant la fin de l’année 2011 ?

Ne s’en étaient-ils pas préoccupés ? Je ne le pense pas.

Ont-ils été pris par le temps ? Je le crois. Je pense en effet que l’ampleur des tâches qu’ils ont à effectuer dans les centres hospitaliers ne leur a pas toujours permis d’entreprendre les démarches. Telle est la raison pour laquelle certains n’avaient pas réuni les conditions à l’issue de cette nécessaire période de cinq ans. Il ne faut donc pas renier la loi de 2007, qui était excellente.

Ce constat a inspiré la disposition du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale en octobre dernier ; il inspire aujourd'hui cette proposition de loi.

Reconnaissons ensemble que c’est un sujet complexe. C’est pourquoi j’invite nos collègues de la majorité sénatoriale à ne pas accabler le Gouvernement en parlant, notamment, de « bricolage ». Quand on regarde les choses de près, on s’aperçoit qu’il fallait donner du temps à ces médecins.

Moi qui appartiens à un territoire rural, je crois fortement que les pôles de santé sont une bonne réponse pour permettre de densifier le territoire avec de nouveaux médecins, notamment de jeunes médecins. J’ai d'ailleurs remarqué avec intérêt tout à l'heure que certains de nos collègues de la majorité sénatoriale opinaient du chef à cette idée.

Je peux témoigner que, dans mon département, les élus locaux sont très attachés au développement de ces pôles de santé. À l’instar des professionnels de santé, nous observons qu’il s’agit sans doute là de l’une des voies qui nous permettra d’attirer de jeunes médecins dans des structures adaptées, au sein d’équipes pluridisciplinaires, auxquelles ils sont aujourd'hui eux-mêmes attachés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de l’accueil unanimement favorable que vous réservez à ce texte. Il faut dire que vous aviez déjà adopté une disposition ayant le même objet lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, mais qui a été censurée par le Conseil constitutionnel.

Vous avez évoqué bien des sujets : la situation humaine de ces médecins qui travaillent dans nos hôpitaux et qui leur permettent ainsi de fonctionner, les structures hospitalières, la démographie médicale,…

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Sa remise en question, vous voulez dire !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. … avec le problème des déserts médicaux, ou encore la gestion hospitalière, avec une pseudo-remise en question de la loi HPST.

Mme Génisson est assez dubitative sur la pertinence de cette loi.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Oui !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Je voudrais simplement lui répondre – ainsi peut-être qu’à M. Le Menn qui a évoqué le manque de résultats en matière de répartition des professionnels sur le territoire – que les ARS ont jusqu’à la fin de l’année 2012 pour élaborer leurs projets régionaux de santé.

Mme Catherine Génisson. Les ARS n’ont aucun moyen !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Ceux-ci intégreront la question de la bonne répartition des professionnels sur les territoires et tiendront compte des spécificités de ces derniers. Je pense notamment au département de l’Orne et à la région du Nord-Pas-de-Calais qui ont été évoqués.

Connaissant beaucoup de professionnels titulaires d'un diplôme obtenu dans un État non membre de l'Union européenne, la question m’a immédiatement interpellée lorsque j’ai pris mes fonctions de secrétaire d’État chargée de la santé. La date butoir du 31 décembre 2011 m’a tout de suite amenée à penser un dispositif alternatif à la procédure d’autorisation d’exercice en vigueur.

Mais il fallait préparer un nouveau texte. Pour cela, il était nécessaire d’évaluer le dispositif en vigueur. Dans cette perspective, nous avons travaillé avec les syndicats des praticiens à diplôme hors Union européenne eux-mêmes, en les recevant à de multiples reprises ; le texte a été fait avec eux. Je crois d'ailleurs que c’est en travaillant avec les personnes concernées que l’on peut aboutir aux textes les plus pertinents et les plus justes.

C’est bien le fruit de cette collaboration qui nous amène aujourd'hui à assouplir le dispositif qui était en vigueur jusqu’au 31 décembre 2011 ; je veux parler de l’épreuve de vérification des connaissances.

Lors de la discussion générale, M. Daudigny a indiqué vouloir davantage d’informations sur ce sujet. Sachez, monsieur le rapporteur, que, de la même manière que nous l’avons fait pour la proposition de loi, nous travaillerons sur le décret d’application en concertation avec les syndicats afin de veiller à ce que la vérification des connaissances soit conforme à une validation des acquis de l’expérience.

Vous l’avez tous compris, mesdames, messieurs les sénateurs, un médecin ayant terminé ses études il y a cinq ou dix ans ne peut répondre de façon purement académique à des questions posées dans le cadre d’un examen théorique. Il est donc évident qu’il doit être évalué sur ses compétences médicales. C’est pourquoi nous travaillerons avec les syndicats à ce que l’examen reflète l’exercice pratique de la médecine, au quotidien, dans les établissements.

Ces médecins doivent bien entendu pouvoir travailler en toute légalité, avec des titres de séjour appropriés leur permettant de pérenniser leur présence dans les hôpitaux. Faute de quoi, nous en serions les premières victimes.

M. Jacky Le Menn. C’est sûr !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Nous avons en effet besoin d’eux !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Nous sommes évidemment tous d’accord sur ce point : la proportion d’établissements dont les services fonctionnent grâce à ces médecins est forte, en particulier dans les hôpitaux situés dans des zones rurales ou périurbaines.

Cette remarque m’amène à parler des déserts médicaux, même si ces derniers ne constituent pas l’objet de la présente proposition de loi.

Permettez-moi de citer un chiffre que je trouve assez éloquent : dans les zones rurales ou périurbaines, le nombre d’installations est aujourd'hui supérieur de 9 % à celui des départs. Ce signal encourageant nous informe que les mesures que nous avons prises vont dans le bon sens. Nous sommes ainsi entrés dans une dynamique vertueuse.

Vous avez évoqué les maisons de santé et les pôles de santé. Notre objectif était d’en créer 250 d’ici à la fin de l’année 2012. Or, à la fin de 2011, 231 maisons de santé avaient été créées, preuve de leur très grand succès.

Mme Catherine Génisson. Grâce à qui ? Aux collectivités territoriales !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Madame Génisson, il n’y a pas de solution miracle ! S’il y en avait une,…

Mme Sylvie Goy-Chavent. Cela se saurait !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. … nous aurions réglé le problème depuis des années, voire des décennies.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. C’est par l’intelligence de la réflexion et par la conjonction de plusieurs mesures que nous viendrons un jour à bout de la désertification médicale. Je le répète, nous avons enregistré un signal fort. La maison de santé n’est peut-être pas « la » réponse, mais c’est l’une des réponses.

Mme Catherine Génisson. Nous sommes d’accord !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Une autre de ces réponses réside dans les contrats d’engagement de service public. À ce jour, plus de 180 contrats ont été signés, permettant à autant d’étudiants de toucher une indemnité en contrepartie de leur engagement à travailler dans ces zones désertifiées.

Nous sommes là, avec l’aide à l’installation, dans les mesures incitatives.

Vous avez aussi évoqué la formation des médecins. Je suis bien sûr d’accord avec vous : comment un médecin n’ayant effectué que des stages hospitaliers pendant sa formation pourrait-il avoir un jour envie d’opter pour l’exercice libéral ?

M. Jacky Le Menn. C’est sûr !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Nous cherchons à résoudre ce problème en essayant de généraliser les stages au cours du deuxième cycle des études médicales. Nous travaillons sur ce point avec les syndicats d’enseignants de médecine générale, très engagés sur cette question.

Je le répète, c’est bien la conjonction de plusieurs mesures qui nous permettra d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.

Parmi les nombreux points que vous avez abordés, vous avez évoqué la question de la coercition pour lutter contre la désertification médicale. Vous l’aurez compris, le Gouvernement est contre,…

M. Jean-Claude Lenoir. Et il a raison !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. … parce qu’une telle démarche est vouée à l’échec. Pour autant, le dispositif prévu par la loi HPST n’est pas abandonné, il est simplement devenu incitatif. Nous l’avons en effet intégré dans la rémunération à la performance. Vous le savez, nous avons diversifié les modes de rémunération et, dans ce cadre, défini la performance sur la base d’une trentaine d’items, dont le contrat santé solidarité. Il existe désormais un objectif correspondant à l’exercice, au moins une demi-journée par semaine, dans une zone rurale ou périurbaine : les médecins qui le remplissent touchent une contrepartie financière.

Vous avez dénoncé la diversité des statuts professionnels auxquels sont soumis les médecins étrangers. Je souscris entièrement à cette critique : ces statuts précaires sont hétérogènes et il faut mettre fin à cette situation, car personne ne s’y reconnaît plus. En outre, cette diversité de statuts est à l’origine d’une disparité des niveaux de rémunération, ce qui n’est pas acceptable. Les décrets permettront que ces médecins étrangers, une fois qu’ils auront obtenu leur autorisation d’exercice, soient soumis à un statut homogène, qui leur permettra ensuite, s’ils le veulent, de rentrer dans le droit commun : ils pourront ainsi, s’ils le souhaitent, passer un concours de praticien hospitalier.

Je me permets d’ailleurs de vous rappeler que des médecins ayant suivi leur formation initiale en dehors de l’Union européenne sont aujourd’hui professeurs des universités-praticiens hospitaliers, ou PU-PH. Il n’y a pas d’antinomie : une fois que ces médecins ont reçu l’autorisation d’exercer, ils sont libres de passer des concours, de se présenter à l’habilitation à diriger des recherches ou d’être reçus PU-PH. Leurs perspectives de carrière ne se voient donc imposer aucune entrave.

J’en arrive enfin à la question de la coopération. Je suis bien évidemment la première à engager des démarches afin d’encourager le rayonnement de nos savoir-faire et de rendre notre pays attractif pour des médecins étrangers. J’ai engagé, par exemple, des coopérations avec la Chine et la Russie et je viens de signer une convention avec le Liban. Ce week-end encore, j’étais au Qatar : une convention signée en 2010 nous permet d’accueillir des médecins de ce pays qui souhaitent se former dans des spécialités ciblées par leurs autorités sanitaires. Ces coopérations fonctionnent donc et, dans la mesure du possible, j’essaie d’encourager nos partenaires potentiels à préférer la France à d’autres pays, anglo-saxons notamment.

Pour finir, je souhaite dire à Mme Génisson, qui a évoqué la nécessité de « sortir de la fragilité », que cette proposition de loi et les dispositifs en vigueur permettront d’atteindre cet objectif. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.

(L’article 1er est adopté.)

M. le président. Je constate que cet article a été adopté à l’unanimité des présents.

Article 1er (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste, pharmacien et sage-femme pour les professionnels titulaires d'un diplôme obtenu dans un État non membre de l'Union européenne
Article 2 (fin)

Article 2

(Non modifié)

La présente loi entre en vigueur à compter du 1er janvier 2012.

M. le président. Je mets aux voix l’article 2.

(L’article 2 est adopté.)

M. le président. Je constate que cet article a été adopté à l’unanimité des présents.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. En conclusion de ce débat, je ne peux que me réjouir de cette belle unanimité, surtout en raison de l’urgence qui a été évoquée.

Je rappelle simplement que la sonnette d’alarme avait été tirée par de nombreux acteurs et actrices du secteur de la santé et qu’il est dommage qu’il ait fallu attendre que la situation revête ce caractère d’urgence, en raison, notamment, de la censure du Conseil constitutionnel.

Je remarque également que le débat de ce soir ne s’est pas limité au cœur du texte, et je m’en réjouis. En effet, la proposition de loi ne portait que sur l’hôpital public et la place qu’y occupent les médecins ayant obtenu leurs diplômes à l’étranger. Or le débat a été beaucoup plus large – je remercie d’ailleurs Mme la secrétaire d’État d’avoir répondu longuement à toutes nos questions –, car il a porté sur de nombreux autres points : les maisons de santé, le secteur ambulatoire ou le recours à la coercition pour lutter contre la désertification médicale.

Nous devrions donc être amenés à nous retrouver le plus rapidement possible, sans doute après les échéances électorales qui nous attendent, pour un grand débat sur la santé publique, dans lequel nous n’oublierons pas non plus la santé mentale. En effet, nous attendons encore un texte portant sur ce sujet : il est en cours de discussion, le plan de santé mentale a été plus ou moins annulé, me semble-t-il, mais ce débat devrait nous permettre d’avancer ensemble. J’ajoute que ce secteur tend à concentrer les craintes de nos concitoyens, car de plus en plus de personnes rencontrent des difficultés à se soigner.

Pour conclure, je me réjouis de l’unanimité que nous avons su manifester ce soir. On peut reconnaître là le sens des responsabilités qui anime le Sénat : face à une situation d’urgence, il a fait la preuve de sa volonté d’assurer le fonctionnement du Parlement dans de bonnes conditions – on nous reproche parfois le contraire ! Ce soir, nous avons démontré la force de cette volonté et je tiens à vous en remercier, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Tout d’abord, je rappelle – vous reconnaîtrez que c’est de bonne guerre, mesdames, messieurs les sénateurs – que la censure du Conseil constitutionnel a fait suite à une saisine du parti socialiste.

M. Jean-Claude Lenoir. Il fallait le dire !

M. Jean-Jacques Mirassou. Il s’agit d’une initiative des groupes parlementaires, pas du parti !

M. Yves Daudigny, rapporteur. Notre saisine ne portait pas sur cet article !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Ensuite, le numerus clausus n’a jamais été aussi bas que dans les années 1980 ou 1990. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Claude Lenoir. C’est Ralite !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Cela dit, je tiens à remercier l’ensemble des parlementaires, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, de la pertinence de leurs propos et de leur engagement au service de l’équité, dans l’intérêt non seulement des personnes concernées, mais aussi du bon fonctionnement de nos structures hospitalières. Je remercie donc tout particulièrement la Haute Assemblée d’avoir décidé d’adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.)

Article 2 (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste, pharmacien et sage-femme pour les professionnels titulaires d'un diplôme obtenu dans un État non membre de l'Union européenne
 

14

Commission mixte paritaire

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

15

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 25 janvier 2012, à quatorze heures trente et le soir :

- Projet de loi relatif à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations relatives à la fonction publique (procédure accélérée) (n° 784, 2010-2011)

Rapport de Mme Catherine Tasca, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (n° 260, 2011-2012).

Texte de la commission (n° 261, 2011-2012).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinquante.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART