compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Carle

vice-président

Secrétaires :

Mme Odette Herviaux,

Mme Catherine Procaccia.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Décès d'un ancien sénateur

M. le président. J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Paul Caron, qui fut sénateur de Seine-Maritime de 1973 à 1977 puis de 1986 à 1995.

3

Candidatures à des organismes extraparlementaires

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de trois organismes extraparlementaires.

La commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a fait connaître qu’elle propose les candidatures de :

- M. Michel Delebarre, pour siéger en qualité de membre titulaire au sein du conseil d’administration du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres ;

- M. Yves Détraigne, pour siéger en qualité de membre titulaire au sein de la Commission consultative des archives audiovisuelles de la justice ;

- et de Mme Corinne Bouchoux, pour siéger en qualité de membre titulaire au sein du Conseil national de l’aménagement et du développement du territoire.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

4

Engagement de la procédure accélérée pour l’examen de deux propositions de loi

M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi visant à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale et de la proposition de loi relative à la modification de certaines dispositions encadrant la formation des maîtres, déposées sur le bureau de l’Assemblée nationale.

5

Consultation d’une assemblée territoriale

M. le président. En application de l’article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales, M. le président du Sénat a saisi, le 31 janvier 2012, le président de l’Assemblée de Corse en vue de la consultation de son assemblée sur la proposition de loi, présentée par M. Éric Doligé, de simplification des normes applicables aux collectivités locales.

6

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, les 2 et 3 février 2012, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2012-233 et 2012-234 QPC).

Le texte de ces décisions de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

7

Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 3 février 2012, trois décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité (n° 2011-216 QPC, 2011-217 et 2011-218 QPC).

Acte est donné de ces communications.

8

Candidature à une commission

M. le président. J’informe le Sénat que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, à la place laissée vacante par M. Alain Bertrand, dont le mandat de sénateur a cessé.

Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.

9

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

reconduite du dispositif de l'allocation équivalent retraite

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, auteur de la question n° 1535, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les dispositifs d’allocation fluctuent parfois au gré des majorités politiques. Ils sont également abscons, bien souvent, pour celles et ceux qui ne s’y intéressent pas.

Pourtant, derrière ces allocations se trouvent des hommes et des femmes dont la vie est bien réelle, et dont la situation personnelle peut tanguer au fil de réformes plus ou moins sociales.

Tel est le cas pour les hommes et les femmes concernés par l’ancienne allocation équivalent retraite, ou AER.

Au mois de décembre dernier, les salariés de l’ancienne entreprise Jabil, basée à Brest, dont la plupart sont des femmes qui y ont travaillé plus de trente ans avant d’être licenciées, m’ont fait part de leur immense désarroi face au brutal changement des règles d’allocation. Victimes d’un plan social, ils pensaient bénéficier d’un revenu décent jusqu’à leur retraite. Or le cumul de la réforme des retraites et de la suppression de l’AER remet en cause toutes les espérances de ces salariés et les poussent dans la précarité.

Créée par le gouvernement socialiste en 2001, l’AER concernait les demandeurs d’emplois âgés de moins de 60 ans en fin de droit qui avaient atteint la durée de cotisation pour bénéficier de la retraite à taux plein.

La loi de finances pour 2008 a supprimé l’allocation équivalent retraite, mettant ainsi un terme aux nouvelles entrées dans ce dispositif à compter du 1er janvier 2009. Toutefois, dans le contexte de crise économique mondiale, qui rend particulièrement difficile la situation de certains demandeurs d’emploi âgés de plus de 55 ans, le Gouvernement a prolongé l’existence du dispositif AER, à titre exceptionnel, en 2009 puis en 2010. Ainsi, depuis le 1er janvier 2011, l’AER n’accepte plus de nouveaux entrants.

Vous avez justifié cette politique en disant vouloir privilégier l’emploi des seniors. Or le chômage des personnes âgées de plus de 50 ans a augmenté de 0,3 point en 2011.

Face à des revendications syndicales fortes et aux protestations des élus, le Gouvernement a mis en place un nouveau dispositif : l’allocation transitoire de solidarité, ou ATS, valable seulement pour les chômeurs âgés de 60 ans au moins. Cela signifie que les demandeurs d’emploi seniors sont désormais contraints de vivre dans la précarité, parce qu’ils n’ont pas l’âge requis pour partir en retraite, alors que la plupart ont déjà suffisamment cotisé pour bénéficier d’une retraite à taux plein.

Cette situation est inacceptable, monsieur le secrétaire d'État. Elle pousse dans la précarité de nombreux foyers. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 11 000 personnes seraient concernées par la nouvelle allocation, alors que 50 000 personnes étaient éligibles à l’AER en 2010.

Le nouveau dispositif ATS est un premier pas, certes, mais un pas insuffisant. Il est porteur d’injustice sociale. Nombreux sont ceux qui vont rester sur le carreau, avec pour seule consolation les minima sociaux, qui représentent, la plupart du temps, moins de 500 euros par mois.

L’amendement voté par le Sénat lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, amendement qui tendait à une évaluation par le Gouvernement du coût pour les comptes publics du rétablissement de l’AER, a été « retoqué ». Il semble donc que vous fassiez la sourde oreille.

Ma question est pourtant simple, monsieur le secrétaire d'État. Dans quelles conditions pourriez-vous envisager un retour à l’AER ou, tout du moins, la mise en place d’un dispositif moins restrictif permettant aux seniors qui ne retrouvent pas un emploi de vivre décemment jusqu’à leur retraite ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Monsieur le sénateur, l’allocation équivalent retraite, ou AER, était destinée aux demandeurs d’emploi âgés de moins de 60 ans disposant de l’ensemble de leur durée de cotisation.

Vous venez de le rappeler, elle a été supprimée définitivement le 1er janvier 2011. En effet, le Gouvernement entend très clairement privilégier le retour à l’emploi des seniors plutôt que leur retrait anticipé du marché du travail. Plusieurs mesures mises en œuvre depuis 2007 ont ainsi permis de renforcer considérablement l’emploi des seniors.

C’est le cas de l’augmentation du taux de la surcote, porté à 5 % depuis le 1er janvier 2009, de la libéralisation totale du cumul emploi-retraite pour les assurés âgés de plus de 60 ans, du report à 70 ans de l’âge de mise à la retraite d’office dans le secteur privé, de la réforme des limites d’âge dans la fonction publique et, enfin, de la suppression progressive de la dispense de recherche d’emploi. Par ailleurs, l’obligation pour les entreprises de plus de 50 salariés d’être couvertes par un accord en faveur de l’emploi des seniors a permis d’engager une dynamique positive, avec, à ce jour, plus de 35 000 plans mis en place.

Toutes ces mesures ont permis d’augmenter de plus de 5,5 points, depuis la fin de l’année 2007, le taux d’emploi des 55-64 ans et de porter le taux d’emploi des 55-59 ans à 63,4 % au deuxième trimestre 2011. Ce taux est désormais nettement supérieur au taux moyen de l’Union européenne, qui s’élève à 61,5 %.

Cependant, le Gouvernement a souhaité prendre en compte la situation particulière des demandeurs d’emploi qui étaient indemnisés au moment de la publication de la loi de réforme des retraites du 9 novembre 2010, pour lesquels les mesures de report de l’âge de départ à la retraite ont pu créer un défaut d’allocation imprévu entre leur période d’indemnisation chômage et la liquidation de leurs droits à retraite.

Nous avons donc mis en place, à titre dérogatoire et tout à fait exceptionnel, une allocation transitoire de solidarité, ou ATS, d’un montant identique à l’AER, pour les personnes détenant la durée du taux plein, et dont l’indemnisation chômage s’épuise après l’âge de 60 ans mais avant le nouvel âge de départ.

Ce dispositif est opérationnel depuis novembre dernier. Il constitue un effort exceptionnel à l’attention de ceux dont les allocations chômage n’ont pas permis ou ne permettront pas de faire la jonction entre l’ancien âge et le nouvel âge légal de départ à la retraite. Il s’éteindra spontanément au 31 décembre 2014. Les estimations actuelles indiquent qu’il devrait bénéficier à plus de 12 000 assurés, pour un coût total de plus de 40 millions d’euros.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État. Cependant, vous ne répondez pas véritablement à ma question, illustrée par la situation des ouvrières de Jabil. Les salariés de cette entreprise, en effet, ont cotisé pendant les quarante années nécessaires. Ils comptaient sur l’AER pour pouvoir atteindre l’âge légal de départ en retraite dans des conditions correctes. À 60 ans, ils se retrouvent aujourd'hui démunis. Certains d’entre eux sont des personnes seules, disposant de revenus inférieurs à 500 euros.

Toutes les mesures mises en place par le Gouvernement visaient à favoriser l’emploi des seniors, nous dites-vous. Je constate simplement que le chômage augmente dans cette catégorie de population, ainsi que je l’ai indiqué tout à l’heure. Dans le département dont je suis l’élu, le taux d’emploi des personnes âgées de 55 à 64 ans, proche de la moyenne nationale, s’élève à 33 %, ce qui laisse à penser que les mesures prises par le Gouvernement sont inefficaces.

Je souhaite donc que l’on réfléchisse très sérieusement à la situation de ces personnes qui n’ont pas démérité, et qui s’enfoncent pourtant, aujourd'hui, dans une très grande précarité.

financement du forum mondial de l'eau et du forum alternatif mondial de l'eau 2012

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, auteur de la question n° 1532, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Forum mondial de l’eau se réunit tous les trois ans. Comme vous le savez, le prochain se tiendra à Marseille en mars 2012.

Ce forum mondial n’est pas une émanation de l’ONU. C’est un organisme privé, lieu d’affaires privilégié pour les grandes multinationales de l’eau.

Il bénéficie de toutes les attentions des pouvoirs publics, et notamment de moyens financiers conséquents. Son budget s’élève à plus de 30 millions d’euros, provenant en partie de différents ministères, des agences de l’eau, mais aussi de la ville de Marseille, qui contribue à hauteur de 5 millions d’euros.

Le député André Flajolet, président du Comité national de l’eau, ou CNE, a même été désigné commissaire de cet événement, preuve de l’attention toute particulière que lui porte le Gouvernement.

De son côté, le forum alternatif, réunissant des instances et des mouvements du monde entier, est né du constat de l’insuffisance des réponses apportées par le forum « officiel » et de la volonté de prendre la mesure du 1,1 milliard de personnes qui n’ont pas accès à l’eau, ainsi que des plus de 15 millions de celles et ceux qui meurent par manque d’eau ou des suites de maladies liées à la consommation d’eau insalubre.

Les politiques actuelles, menées en lien avec le Conseil mondial de l’eau et le Global Water Partnership, institutions internationales privées, sous l’impulsion de la Banque mondiale et des multinationales de l’eau, dominent le marché et considèrent l’eau comme de l’or bleu. Elles sont bien loin des préoccupations et des besoins des populations pauvres de la planète.

Il y a donc urgence à sortir l’eau de la sphère de la marchandisation et à en faire l’objet d’une réappropriation citoyenne, parce qu’elle représente un droit essentiel à la vie. L’eau, bien commun de l’humanité, doit devenir un droit universel, fondamental et inaliénable, tant elle est au cœur des défis sociétaux, environnementaux, économiques et humains des prochaines décennies. C’était le sens de la proposition de loi que le groupe CRC avait déposée en 2009, tendant à une véritable mise en œuvre du droit à l’eau.

Plusieurs milliers de participants, venus des cinq continents, se rassembleront autour du Forum alternatif mondial de l’eau pour, notamment, porter ce message. Et pourtant, jusqu’à aujourd’hui, malgré des paroles encourageantes – M. Flajolet s’est ainsi engagé à se rendre sur place, ce qui est une très bonne nouvelle car cela contribuera à créer des passerelles d’échanges entre les deux forums –, le forum alternatif ne bénéficie toujours d’aucune subvention ministérielle.

C’est pourquoi je souhaite savoir, monsieur le secrétaire d'État, quel soutien financier le ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement compte apporter à l’organisation et au bon déroulement de ce forum alternatif, pour assurer une utilisation équitable des financements publics.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Madame la sénatrice Laurence Cohen, comme vous l’avez rappelé, le Forum mondial de l’eau se déroulera à Marseille du 12 au 17 mars 2012.

Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement attache évidemment une grande importance à cette manifestation. En effet, comme vous venez de le souligner, l’eau est un bien public fondamental, et l’accès à l’eau potable et à l’assainissement est un enjeu vital pour plusieurs milliards d’humains.

Les précédents forums, qui se sont tenus à Marrakech, à La Haye, à Kyoto, à Mexico puis à Istanbul, ont permis de faire progresser la cause de l’eau. Dans la dynamique ainsi créée, l’assemblée générale des Nations unies a adopté le 28 juillet 2010 une résolution qui reconnaît le « droit à une eau potable, salubre et propre comme un droit fondamental, essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l’homme ».

Ces progrès prouvent que, contrairement à ce que vous affirmez, le Forum mondial de l’eau n’est pas le « lieu d’affaires privilégié des grandes multinationales ». Au contraire, il permet de faire dialoguer toutes les parties prenantes : États, collectivités locales, entreprises de tous les secteurs concernés, salariés, organisations non gouvernementales, ou ONG, et citoyens.

Nous souhaitons tout comme vous que le sixième forum mondial de l’eau soit un moment important de rencontres, de débats et d’élaboration de propositions, grâce à la participation de tous les acteurs concernés. À cet égard, nous ne pouvons que regretter l’organisation de forums « alternatifs », qui ne pourront pas créer les conditions d’un véritable débat au sein du Forum mondial de l’eau.

Pour autant, Nathalie Kosciusko-Morizet, qui est attachée au processus participatif, a demandé que toutes les mesures soient prises pour organiser des passerelles entre le Forum et le forum alternatif. Des moments d’échanges particuliers seront organisés et largement diffusés sur les sujets non consensuels, comme ce que vous appelez « la marchandisation de l’eau et la réappropriation citoyenne ».

Dans le même esprit, le comité national français d’organisation du Forum prendra pour partie en charge les frais de participation, par exemple le transport et le logement, de représentants d’ONG des pays en développement, afin d’assurer une large participation d’acteurs venus des cinq continents.

Pour toutes ces raisons, le ministère ne soutiendra pas financièrement le forum alternatif, mais aidera toutes les parties prenantes à apporter leurs contributions et leurs solutions. Cela passe, jusqu’au Forum, par l’inscription sur la plateforme collaborative mise en place sur Internet des solutions portées par les acteurs : déjà plus de 1 000 propositions y ont été inscrites. Cela passe bien évidemment par la participation de tous, y compris la vôtre, au Forum à Marseille du 12 au 17 mars, afin d’en faire véritablement le forum des solutions et des engagements.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le secrétaire d’État, à l’écoute du début de votre intervention, j’ai cru que nous partagions les mêmes aspirations et que nous étions enfin d'accord, s’agissant de l’eau.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Mais vous avez été déçue ensuite ?

Mme Laurence Cohen. En effet ! J’avais eu l’impression que le Gouvernement prenait conscience de la marchandisation effrénée dont l’eau fait aujourd'hui l’objet, mais je me suis rendu compte que ce n’était pas possible et que je rêvais…Je le regrette d’autant plus que, dans la première partie de votre réponse, vous repreniez les préoccupations que j’avais évoquées.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Nous les partageons !

Mme Laurence Cohen. Vous savez bien qu’il sera très difficile, en l’absence de soutien financier, d’organiser le forum alternatif dans de bonnes conditions et d’en faire un véritable cadre d’échanges dans lequel chacun pourra s’exprimer

Encore une fois, il est nécessaire de montrer qu’une prise de conscience, même tardive, a bien eu lieu, en donnant des moyens au forum alternatif.

J’espère que vous interviendrez en ce sens, monsieur le secrétaire d’État ; les actrices et les acteurs du forum y seraient très sensibles. Vous le savez, on juge les responsables politiques à leurs actes, et non à leurs paroles. Et, pour l’instant, les actes ne suivent pas vos paroles !

mobilisation des crédits du fonds barnier pour le déplacement d'une école

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, auteur de la question n° 1536, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.

Mme Françoise Cartron. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la situation très particulière de la commune de Saint-Louis-de-Montferrand en Gironde, qui est en zone inondable et dont une partie du territoire est classée zone rouge par le « plan de prévention des risques inondation », ou PPRI.

Au mois de février 2010, la France et particulièrement la Gironde ont été frappées par la tempête Xynthia, qui a causé d’innombrables dégâts et de lourdes pertes humaines.

Plus spécifiquement, la commune de Saint-Louis-de-Montferrand s’est retrouvée sous les eaux, onze ans après la tempête de 1999. Située au confluent de la Dordogne et de la Garonne, elle est régulièrement victime d’inondations qui menacent la sécurité de ses habitants et causent la désolation.

Sur ce territoire, une école maternelle et une école primaire se trouvent dans la zone rouge du plan local d’urbanisme, le PLU, à quelques mètres de la digue de protection des eaux. Ce sont ainsi les premiers bâtiments exposés au débordement fréquent de la Garonne.

Les élus, très mobilisés, très inquiets, très conscients du danger, ont donc envisagé de reconstruire une nouvelle école sur un site protégé de tels risques. Or, fait incompréhensible, la commune s’est vu refuser la possibilité de bénéficier des crédits du fonds Barnier pour réaliser le déplacement des deux établissements en zone sécurisée.

Je suis consciente du fait que les communes sont normalement chargées des écoles maternelles et primaires publiques. (M. le secrétaire d’État acquiesce.) Mais je constate que le budget d’investissement dont dispose cette petite commune – il ne dépasse pas 400 000 euros – ne lui permet pas d’envisager seule une opération d’une telle envergure.

Par ailleurs, des fonds ont pu être débloqués lors d’une procédure d’acquisition à l’amiable pour des maisons individuelles situées en zone rouge d’extrême danger et également durement touchées par la dernière catastrophe.

De la même manière, le déplacement de ces écoles doit être considéré comme une urgence, 200 élèves étant directement concernés par les risques naturels majeurs.

Monsieur le secrétaire d’État, envisagez-vous que Saint-Louis-de-Montferrand puisse bénéficier des crédits du fonds Barnier pour assurer la sécurité des enfants, sachant que la commune est dans l’impossibilité, compte tenu du montant de son budget, de procéder seule à une telle reconstruction sur un site sécurisé ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Madame la sénatrice, vous avez bien voulu attirer l’attention du Gouvernement sur l’attribution de crédits du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « fonds Barnier », en vue du déplacement d’une école maternelle et d’une école élémentaire sur le territoire de la commune de Saint-Louis-de-Montferrand.

Le Gouvernement partage évidemment vos propos sur la nécessité pour l’État et la collectivité publique d’accorder des subventions destinées à protéger la vie humaine, notamment celle des enfants, lorsqu’elle est menacée par des risques naturels.

L’article L. 561-3 du code de l’environnement fixe deux conditions à l’attribution du fonds Barnier pour l’acquisition amiable d’un bien : d’une part, le bien doit être exposé à un risque naturel menaçant gravement des vies humaines ; d’autre part, son coût d’acquisition doit être inférieur à celui des moyens de sauvegarde et de protection des populations.

Il appartient évidemment au préfet du département de la Gironde d’apprécier si la situation des deux écoles justifie ou non leur acquisition amiable et, le cas échéant, de demander au ministère de l’écologie la délégation des crédits sur le fonds Barnier.

Il est en particulier nécessaire d’examiner l’existence d’une menace grave sur les vies humaines, qui doit être appréciée au regard de l’état d’entretien de la digue, de la vitesse de la montée des eaux et des délais nécessaires à l’évacuation des enfants.

Si l’acquisition amiable est retenue, il sera nécessaire de veiller à leur implantation dans une zone sans risque. Si l’acquisition amiable de ces deux écoles n’est pas considérée comme justifiée, il serait évidemment possible de prévoir le financement de mesures de réduction de la vulnérabilité de ces écoles, qui sont des équipements publics, sur le fonds Barnier, dans la mesure où la commune de Saint-Louis-Montferrand est couverte par un PPRI de la presqu’île d’Ambès, approuvé par arrêté préfectoral du 4 juillet 2005.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Monsieur le secrétaire d’État, j’entrevois une ouverture dans vos propos, puisque la commune et les deux écoles répondent aux deux conditions que vous avez rappelées.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. C’est au préfet de l’apprécier !

Mme Françoise Cartron. J’espère donc que le préfet fera une bonne analyse.

Au demeurant, le maire de la commune a utilisé toutes les possibilités dont il disposait. Il a ainsi proposé de construire en hauteur, c'est-à-dire dans une zone normalement un peu à l’abri, une sorte de préau pour recueillir les enfants en cas de danger. Et c’est justement le préfet qui a rejeté le permis de construire compte tenu du fait que la commune se situait en zone rouge PPRI.

Nous sommes donc confrontés à une situation absurde. D’un côté, on empêche la commune de mettre en œuvre des solutions de substitution face aux risques de catastrophe ; de l’autre, on ne lui accorde pas les crédits nécessaires.

Compte tenu de votre réponse, je vais adresser un courrier à M. le préfet. J’espère d’ailleurs que vous me soutiendrez dans cette démarche, monsieur le secrétaire d’État. Je ne doute en effet pas que votre intérêt pour la Gironde – particulièrement pour Bordeaux, mais jusqu’à la commune de Saint-Louis-de-Montferrand, j’espère –, manifesté par vos récentes visites dans ce département (M. le secrétaire d’État sourit.), permettra de faire aboutir cette demande.

préservation d'un habitat à l'année dans les communes à forte pression immobilière

M. le président. La parole est à Jean-Luc Fichet, en remplacement de M. Joël Guerriau, auteur de la question n° 1554, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.

M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, M. Joël Guerriau, qui est empêché par des difficultés en matière de transports, m’a chargé de vous interroger sur la pérennisation de l’habitat principal dans les communes littorales ou insulaires à forte pression immobilière.

L’accroissement de résidences secondaires force l’exode des jeunes ménages vers l’intérieur des terres. Le maintien d’une population active à l’année dans les petites cités littorales est nécessaire à l’activité touristique, ainsi qu’à la pérennité des écoles et des petites entreprises qui ont du mal à recruter des employés dans l’impossibilité de se loger sur place.

La préservation d’un habitat à l’année dans les communes à forte pression immobilière est une préoccupation pour les maires. Il n’est pas rare que les habitations secondaires dépassent 60 % ou 70 % du nombre de logements.

Des solutions partielles existent dans le domaine du locatif social, mais les communes sont freinées par la valeur très élevée des terrains, les contraintes liées à la loi sur le littoral et, depuis peu, aux circulaires consécutives à la tempête Xynthia. Ces communes consacrent des budgets importants pour un nombre insuffisant de réalisations. Il faut renforcer les capacités d’action des communes dans le domaine du locatif social.

Vous noterez un effet paradoxal de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la loi SRU. Le taux de logements sociaux se calculant par rapport au nombre de résidences principales, il monte mécaniquement chaque fois qu’une résidence principale devient secondaire à la suite d’une vente.

Les solutions évoquées plus haut concernent le seul logement locatif, alors que nombre d’actifs souhaitent aussi accéder à la propriété. Des programmes communaux, des zones d’aménagement concerté, ou ZAC, ont été créées dans le passé pour répondre à cette demande. Mais, au fil du temps, ces acquisitions se sont transformées également en résidences secondaires, le prix de revente étant hors de portée des jeunes ménages. Aucun dispositif ne permet de garder durablement dans l’habitat principal les opérations aidées et réservées aux primo-accédants : les quelques artifices en ce sens sont compliqués, imparfaits et deviennent totalement inopérants après sept ou huit années, au grand maximum.

Aujourd’hui les terrains constructibles dans ces communes sont devenus très rares et les élus locaux hésitent avant de lancer de nouvelles opérations d’accession à la propriété, qui pourront elles aussi être détournées à terme de leur objectif initial.

Une éventualité serait de permettre un zonage dans le PLU « réservé » à l’habitat principal, les résidences secondaires étant alors soumises à des taux de taxes locales plus élevés. Les candidats à l’accession à la propriété achèteraient en connaissance de cause dans ces secteurs où des conditions favorables initiales profiteraient de facto à tous les acheteurs successifs.

Si l’établissement d’un tel zonage paraît relativement simple pour une ZAC nouvelle, il devrait être soigneusement encadré dans le cas de quartiers déjà urbanisés.

Serait-il possible de faire évoluer la loi pour prendre en compte cette suggestion ou toute autre mesure qui permettrait d’atteindre l’objectif visé : donner à des actifs la possibilité de bénéficier de logements locatifs et préserver durablement une part d’habitat principal dans les communes où les habitants à l’année sont de plus en plus minoritaires ?