Sommaire

Présidence de M. Jean-Claude Carle

Secrétaires :

M. Jean Desessard, Mme Catherine Procaccia.

1. Procès-verbal

2. Rappel au règlement

MM. Claude Domeizel, le président.

3. Aménagement numérique du territoire. – Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale : MM. Philippe Leroy, auteur de la proposition de loi ; Hervé Maurey, rapporteur de la commission de l’économie ; Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.

Rappel au règlement

Mme Laurence Rossignol, MM. le secrétaire d'État, Daniel Raoul, président de la commission de l'économie.

Discussion générale (suite)

Mme Mireille Schurch, MM. Jean-Michel Baylet, Bruno Retailleau.

4. Communication relative à une commission mixte paritaire

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

5. Questions cribles thématiques

indemnisation des victimes de maladies et d'accidents professionnels

MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

MM. Ronan Kerdraon, le ministre.

MM. Dominique Watrin, le ministre, Mme Annie David.

Mme Aline Archimbaud, M. le ministre.

MM. Jean-Michel Baylet, le ministre.

Mme Catherine Deroche, M. le ministre.

Mme Catherine Génisson, M. le ministre.

MM. Marc Laménie, le ministre.

MM. Claude Jeannerot, le ministre.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Carle

6. Aménagement numérique du territoire. – Suite de la discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (suite) : MM. Joël Labbé, Pierre Camani, Daniel Dubois, Raymond Vall, Claude Léonard, Michel Teston, Yves Rome, Yves Krattinger.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Clôture de la discussion générale.

7. Candidatures à quatre missions communes d'information et à une commission d’enquête

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

8. Nomination des membres de quatre missions communes d'information et d'une commission d'enquête

9. Commission mixte paritaire

10. Aménagement numérique du territoire. – Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Article 1er A (nouveau)

Mme Bernadette Bourzai.

Amendement n° 12 de M. Bruno Retailleau. – MM. Bruno Retailleau, Hervé Maurey, rapporteur de la commission de l’économie ; Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 1er. – Adoption.

Article 2

Amendements identiques nos 13 de M. Bruno Retailleau et 47 du Gouvernement. – MM. Bruno Retailleau, le ministre, le rapporteur. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l’article.

Article 3

M. Claude Jeannerot.

Amendement n° 39 du Gouvernement. – MM. le ministre, le rapporteur, Daniel Dubois, Philippe Leroy, Bruno Retailleau, Yves Rome. – Rejet.

Amendement n° 14 de M. Bruno Retailleau. – M. Bruno Retailleau.

Amendement n° 32 rectifié de M. Yves Rome. – M. Yves Rome.

Amendement n° 33 rectifié de M. Pierre Camani. – M. Pierre Camani.

MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet de l’amendement n° 14 ; adoption des amendements nos 32 rectifié et 33 rectifié.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l'article 3

Amendement n° 34 rectifié de M. Yves Rome. – MM. Yves Rome, le rapporteur, le ministre. – Retrait.

Article 3 bis (nouveau). – Adoption.

Article 3 ter (nouveau)

Amendement n° 15 de M. Bruno Retailleau. – MM. Bruno Retailleau, le rapporteur, le ministre. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l'article 3 ter

Amendement n° 2 rectifié de M. Philippe Leroy. – MM. Philippe Leroy, le rapporteur, le ministre. – Retrait.

Article 4. – Adoption.

Article 5

Amendement n° 10 de M. Joël Labbé. – MM. Joël Labbé, le rapporteur, le ministre, Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. – Rejet.

Amendement n° 16 rectifié de M. Bruno Retailleau. – MM. Bruno Retailleau, le rapporteur, le ministre. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 6

Amendement n° 48 du Gouvernement. – M. le ministre.

Amendement n° 17 de M. Bruno Retailleau. – M. Bruno Retailleau.

MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des amendements nos 48 et 17.

Adoption de l’article.

Article additionnel après l'article 6

Amendement n° 11 de M. Joël Labbé. – MM. Joël Labbé, le rapporteur, le ministre, le président de la commission. – Retrait.

Article 7 (supprimé)

Article 8

Amendement n° 18 de M. Bruno Retailleau. – M. Bruno Retailleau.

Amendement n° 7 de Mme Mireille Schurch. – Mme Cécile Cukierman.

Amendement n° 41 du Gouvernement. – M. le ministre.

Amendement n° 6 rectifié de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch.

MM. le rapporteur, le ministre, Philippe Leroy. – Rejet des amendements nos 18, 7, 41 et 6 rectifié.

Adoption de l’article.

Article 9

Amendement n° 35 rectifié de M. Pierre Camani. – MM. Michel Teston, le rapporteur, le ministre. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article 10

Amendement n° 19 de M. Bruno Retailleau. – MM. Bruno Retailleau, le rapporteur, le ministre, Pierre Hérisson, le président de la commission, Philippe Leroy. – Rejet.

Amendement n° 3 de M. Philippe Leroy. – MM. Philippe Leroy, le rapporteur, le ministre. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article 11

Amendement n° 42 du Gouvernement. – MM. le ministre, le rapporteur. – Rejet.

Amendement n° 20 de M. Bruno Retailleau. – MM. Pierre Hérisson, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 12

Amendements identiques nos 21 de M. Bruno Retailleau et 43 du Gouvernement. – MM. Bruno Retailleau, le ministre, le rapporteur, Yves Rome, Pierre Hérisson. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l’article.

Article 13

Amendement n° 22 de M. Bruno Retailleau. – MM. Bruno Retailleau, le rapporteur, le ministre, Philippe Leroy. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 13 bis (nouveau)

Amendement n° 23 de M. Bruno Retailleau. – MM. Bruno Retailleau, le rapporteur, le ministre, Michel Teston, Pierre Hérisson. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.

Amendement n° 4 de M. Philippe Leroy. – Devenu sans objet.

Article 14

Amendement n° 49 du Gouvernement. – M. le ministre.

Amendement n° 36 rectifié de M. Yves Rome. – M. Yves Rome.

MM. le rapporteur, le ministre. – Retrait de l’amendement n° 36 rectifié ; rejet de l’amendement n° 49.

Adoption de l’article.

Article additionnel après l’article 14

Amendement n° 37 rectifié de M. Yves Rome. – MM. Yves Rome, le rapporteur. – Retrait.

Article 15 (supprimé)

Amendement n° 27 de M. François Fortassin. – MM. Jean-Claude Requier, le rapporteur, le ministre, le président de la commission. – Retrait.

L’article demeure supprimé.

Article 16 (supprimé)

Article 16 bis (nouveau)

Amendement n° 24 de M. Bruno Retailleau. – MM. Bruno Retailleau, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 28 rectifié de M. François Fortassin. – Devenu sans objet.

Amendement n° 30 rectifié de M. François Fortassin. – MM. Jean-Claude Requier, le rapporteur, le ministre. – Retrait.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l’article 16 bis

Amendement n° 8 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch, MM. le rapporteur, le ministre, le président de la commission. – Rejet.

Article 17

Amendement n° 40 du Gouvernement. – MM. le ministre, le rapporteur. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 18. – Adoption

Article 19 (supprimé)

Article 20

Amendement n° 44 du Gouvernement. – MM. le ministre, le rapporteur. – Rejet.

Amendement n° 9 de Mme Mireille Schurch. – Mme Cécile Cukierman, MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 21

Amendement n° 46 du Gouvernement. – M. le ministre.

Amendement n° 52 de la commission. – M. le rapporteur.

Amendement n° 38 rectifié de M. Yves Rome. – M. Yves Rome.

MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet de l’amendement n° 46 ; adoption des amendements nos 52 et 38 rectifié.

Adoption de l'article modifié.

Article 22

Amendement n° 45 du Gouvernement. – MM. le ministre, le rapporteur. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 23

Amendement n° 25 de M. Bruno Retailleau. – MM. Bruno Retailleau, le rapporteur, le ministre, Philippe Leroy. – Rejet.

Amendement n° 51 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 24

Amendement n° 50 du Gouvernement. – MM. le ministre, le rapporteur. – Rejet.

Adoption de l'article.

Articles additionnels après l’article 24

Amendement n° 1 rectifié de M. Michel Magras. – MM. Michel Magras, le rapporteur, le ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 25

M. le rapporteur.

Rejet de l’article.

Vote sur l’ensemble

Mme Mireille Schurch, MM. Pierre Camani, Bruno Retailleau, Raymond Vall, Philippe Leroy, Daniel Dubois, Joël Labbé, Pierre Hérisson, le rapporteur, le ministre.

Adoption de la proposition de loi.

M. le président de la commission.

11. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Carle

vice-président

Secrétaires :

M. Jean Desessard,

Mme Catherine Procaccia.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour un rappel au règlement.

M. Claude Domeizel. Monsieur le président, mon intervention se fonde sur l’article 75 bis du règlement du Sénat.

Deux jeudis par mois, ont lieu les séances de questions dites « d’actualité » : ces questions appellent normalement des réponses ! Or, bien souvent, elles restent en suspens. D’ailleurs, celles et ceux qui nous regardent ne sont pas dupes et, régulièrement, nous entendons des remarques telles que : « Vous posez des questions, mais le Gouvernement n’y répond pas ! »

Jeudi dernier, on a atteint un stade supérieur. En effet, non seulement le Gouvernement n’a pas répondu, mais un de ses membres – en l’occurrence M. Pierre Lellouche – est allé jusqu’à proférer des contre-vérités. Et pourtant, le début de son intervention ne le laissait pas augurer…

En effet, à Michel Berson qui l’avait interrogé sur le décret relatif au tarif social du gaz, dont la rédaction a pris du retard, M. Lellouche a tout d’abord rétorqué : « Aligner des contre-vérités ne fait pas une vérité ! » Or il s’est aussitôt révélé un expert en la matière ! Il a soutenu bec et ongles que ledit décret était bel et bien publié et que, à compter du 1er janvier 2012, les ménages souffrant de précarité énergétique bénéficieraient du tarif social.

Il s’agit là d’une contre-vérité criante ! Jeudi, en séance publique, nous avons aussitôt protesté contre cette affirmation ; je n’étais d’ailleurs pas le dernier, étant au demeurant le mieux placé pour contester les propos de M. le secrétaire d’État : le matin même, je rapportais devant la CNIL précisément sur ce décret ! Celui-ci ne pouvait donc pas, l’après-midi, être publié ! Du reste, il ne l’est toujours pas : il est actuellement soumis au Conseil d’État.

S’il est désagréable de ne pas obtenir de réponse à une question, il est encore plus déplaisant – notamment pour ceux qui nous écoutent – que des mensonges soient proférés dans cet hémicycle, qui trahissent un véritable manque de considération envers nos 4 millions de concitoyens qui souffrent de précarité.

Je tenais donc, aujourd'hui, à dénoncer de manière formelle cette fausse information et à apporter la rectification qui s’imposait, de manière que cela figure au compte rendu de nos débats et reçoive la plus large publicité.

Bien entendu, sur le fond, je souhaite que les personnes éligibles puissent bénéficier de ce tarif social à titre rétroactif, c’est-à-dire à partir du 1er janvier 2012.

Monsieur le président, je vous prie de bien vouloir transmettre cette observation à qui de droit, en l’occurrence à M. le Premier ministre. (M. Michel Teston applaudit.)

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

3

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer l'aménagement numérique du territoire
Discussion générale (suite)

Aménagement numérique du territoire

Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer l'aménagement numérique du territoire
Rappel au règlement

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à assurer l’aménagement numérique du territoire, présentée par MM. Hervé Maurey et Philippe Leroy (proposition n° 118, texte de la commission n° 322, rapport n° 321).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Leroy, auteur de la proposition de loi.

M. Philippe Leroy, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé du commerce, mes chers collègues, je suis en fait, avec notre collègue Hervé Maurey, coauteur de la présente proposition de loi.

Ce texte vise à compléter positivement le programme national très haut débit, le PNTHD, lancé par le Gouvernement et présenté à la Nation il y a près de deux ans. De fait, la présente proposition de loi traduit pleinement l’objectif fixé par le Président de la République et accepté par tous les Français : éviter toute fracture numérique, en permettant à tous les Français d’accéder aux moyens modernes de communication dont ils aspirent à profiter. C’est du reste pourquoi, aujourd’hui, les élus locaux sont tous soumis à de fortes pressions, de la part de leurs concitoyens, au sujet du haut débit et du très haut débit.

Par ailleurs, cette proposition de loi se fonde sur un constat unanimement partagé : les futurs moyens de télécommunication nécessiteront que la fibre optique soit mise à la disposition de l’ensemble de nos populations. Contrairement à tous ceux qui jugent un semblable projet irréalisable, demain, tous les foyers français, quels qu’ils soient, exigeront d’être abonnés à la fibre optique, de la même manière qu’ils disposent déjà de l’électricité, de l’eau ou du téléphone.

M. le Président de la République est très attaché à cet objectif : d’ailleurs, renoncer à un tel dessein reviendrait à exclure purement et simplement certains territoires de la vie moderne. Or le réseau de demain, fondé sur la fibre optique, devra couvrir l’ensemble du territoire français.

Ce projet n’entre nullement en contradiction avec la nécessité de disposer d’un réseau haut débit en matière de téléphonie mobile, lequel sera mis à la disposition de nos concitoyens via les téléphones de quatrième génération. Au demeurant, pour pouvoir utiliser de semblables appareils, il faudra disposer d’un réseau très dense d’émetteurs qui seront tous alimentés par des réseaux de fibre optique.

Je n’évoquerai plus la question de la téléphonie dans la suite de mon intervention. En effet, cette proposition de loi a déjà été amendée par la commission des affaires économiques du Sénat : les divergences qui se faisaient jour en la matière ont ainsi été largement gommées par nos collègues MM. Retailleau et Hérisson comme par le Gouvernement, qui, à mes yeux, ont obtenu satisfaction.

Je centrerai à présent mon propos sur ce point : en matière numérique, les collectivités sont nécessairement au cœur de l’aménagement du territoire.

Certes, le modèle choisi dans les années 1990, lors de la mise en place du marché unique, confiait le déploiement des télécommunications aux entreprises privées, soumises à la concurrence. D’ailleurs, à cette époque, sous un gouvernement socialiste, me semble-t-il – ces conceptions étaient alors largement partagées ! –, France Télécom avait obtenu la propriété de tous les réseaux cuivre, avec obligation de les mettre à disposition de l’ensemble des opérateurs : c’est ce qu’on appelait le dégroupage.

Ce modèle différait des choix opérés pour EDF et la SNCF : pour l’électricité et le transport ferroviaire, la gestion des réseaux et celle des services avaient été séparées. En l’espèce, le réseau cuivre a été confié à France Télécom, tandis que l’ART, l’Autorité de régulation des télécommunications, devenue par la suite l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, était chargée de réguler cette mise en œuvre.

À l’origine, au début des années 2000, compte tenu des connaissances technologiques de l’époque, la première étape a consisté à « doper » le réseau cuivre confié à France Télécom, afin de lui permettre d’atteindre un débit satisfaisant : c’est ce que nous nommions le haut débit mégabit qui, dans le meilleur des cas, visait à obtenir le triple play à partir des câbles téléphoniques. Pour les zones qui ne pouvaient être reliées par ce biais, on complétait le système par des réseaux hertziens de type Wimax, par le satellite ou par d’autres moyens technologiques.

Or, très rapidement, des carences se sont fait jour chez les acteurs privés pour assurer cette montée en débit : ce constat a conduit le Sénat, contre l’avis du Gouvernement – Eh oui, déjà à l’époque ! Mais la Haute Assemblée n’est-elle pas le représentant des collectivités locales ? – et sur proposition de notre ancien collègue Jean-François Le Grand et de moi-même, à adopter l’article 1425-1 du code général des collectivités territoriales, auquel, avec le temps, tout le monde a fini par se rallier. Cette disposition permet aux collectivités locales d’intervenir comme opérateurs d’opérateurs.

En outre, dès 2004, la France a instauré un système de partenariats public-privé, associant collectivités locales et investisseurs privés pour accomplir la montée en débit sur le réseau cuivre.

Monsieur le secrétaire d’État, je constate que ce dispositif a globalement bien fonctionné ! (M. le secrétaire d’État acquiesce.) D’ailleurs, il n’est pas question de le critiquer. À mon sens, dans cette première étape de montée en débit, la France a globalement mieux réussi que bien des pays européens. (M. le président de la commission acquiesce.) Nous pouvons donc nous satisfaire de cette avancée qui, je vous le rappelle, est liée à la forte intervention des réseaux d’initiative publique.

Il ne s’agit pas de renationaliser les réseaux de téléphonie : il s’agit simplement d’associer privé et public pour satisfaire les besoins des Français.

Grâce à ce système, nous avons évité une fracture numérique majeure sur le moyen débit. En la matière, le bilan me semble globalement satisfaisant, même si certains territoires français ne disposent toujours pas de ce débit de 6 mégabits.

Parallèlement à cette montée en puissance du haut débit pour tous, les premiers réseaux de fibre optique à l’abonné se déployaient dans les zones les plus denses ; au cours des dix ou quinze dernières années, les opérateurs privés et certaines collectivités ont en effet pris des initiatives pour développer ces réseaux, qui constituent désormais le moyen à privilégier pour les télécommunications.

En 2008, à l’occasion de l’examen par le Sénat de la loi de modernisation de l’économie, la LME, j’avais déjà dû, avec Élisabeth Lamure, et contre l’avis du Gouvernement, déposer un certain nombre d’amendements visant à faciliter l’implantation de la fibre optique.

Un an après, en 2009, notre collègue Xavier Pintat, qui avait perçu les difficultés que nous rencontrions pour assurer un déploiement harmonieux de toutes ces techniques, prévoyait dans la loi qui porte son nom l’élaboration de schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique. Ces schémas de développement ne sont certes pas obligatoires, mais ils permettent de prendre en compte chaque territoire dans sa diversité.

On parle toujours des Hauts-de-Seine, mais il faut savoir que ce département souffre actuellement d’un excès de réseaux à très haut débit.

M. Jean-Jacques Mirassou. En effet, les Hauts-de-Seine ne manquent pas de réseaux ! (Sourires.)

M. Philippe Leroy. On cite souvent les Hauts-de-Seine comme un mauvais exemple. On prétend en effet que les initiatives du conseil général des Hauts-de-Seine sont dramatiques parce qu’elles ont pour conséquence une surabondance de réseaux. Il est vrai que ce département compte trois ou quatre réseaux à très haut débit, tandis que certains départements ne disposent pas encore des 6 mégabits indispensables.

Face à de telles disparités, et sachant que les élus ont une compréhension très variable de ces problèmes, ces schémas locaux étaient nécessaires. Ils sont à mettre au crédit de la « loi Pintat », de même que la création d’un fonds d’aménagement numérique des territoires.

Nous le savons tous, mes chers collègues, si nous voulons gagner cette bataille, nous devrons compléter les initiatives privées, que nous souhaitons les plus nombreuses possibles, par des crédits publics émanant des collectivités, de l’État ou de l’Europe.

Nul ne peut juger raisonnable de confier aux seules initiatives privées le soin d’équiper toute la France, y compris les zones insuffisamment peuplées pour être rentables. Il est donc nécessaire d’introduire des idées de péréquation et de mutualisation, et c’est pourquoi ce fonds d’aménagement numérique des territoires me semble bienvenu.

Mais, au-delà, il faudra aussi réfléchir au modèle économique général. En effet, on ne parle jamais du chiffre d’affaires des télécommunications, ni des profits tirés de l’exploitation des réseaux de télécommunication. À y regarder de plus près, on constaterait pourtant que les masses d’argent qui sont en jeu sur ces marchés dépassent, et de loin, les 20 milliards à 25 milliards d’euros nécessaires pour moderniser le réseau de télécommunications, sommes que l’on considère parfois comme exagérées.

Nous devons aujourd’hui nous rendre à l’évidence : si nous voulons éviter une fracture numérique sur la fibre optique à l’abonné et, partant, une division de la France, il nous faut inventer un nouveau « PPP fibre optique », un nouveau partage, une nouvelle mutualisation des moyens entre le public et le privé. Nous devons avancer prudemment et bâtir un partenariat public-privé de qualité, qui permettra de servir convenablement tous les Français et de donner tort à tous ceux qui ne voient dans les PPP que des PPPP : « profits privés, pertes publiques ». (Sourires.)

Il s’agit, monsieur le secrétaire d’État, d’éviter que les bonnes intentions de l’État et des collectivités locales ne soient trahies, car tous les Français souhaitent le déploiement du très haut débit.

Nous devons éviter les coups de frein multiples de ceux qui veulent préserver leurs rentes sur le fil cuivre et de ceux qui veulent réserver les investissements aux zones privilégiées, des aides aux investissements étant octroyées aux zones pauvres.

Nous devons au contraire accélérer le processus d’installation de la fibre optique sur toute la France. Aujourd’hui, nous constatons que les initiatives privées annoncées sont loin de correspondre aux attentes de M. le ministre de l’industrie, ce qui prouve au demeurant que le fil cuivre est encore très intéressant et que les paris sur la rentabilité de la fibre optique ne sont pas encore tous gagnés.

Voilà un an, M. le ministre affirmait vouloir faire le bilan des propositions des opérateurs privés en matière de déploiement de la fibre optique au 1er février 2012. Or, aujourd’hui, les intentions réelles d’investissement sont peu nombreuses. Certes, cela ne nous empêche pas de dresser un état des lieux, mais, si nous comptons seulement sur les initiatives privées, et au regard des sommes annoncées, il nous faudra cinquante ou cent ans pour aboutir !

Je n’accuse personne, mais, avec d’autres, je dis que nous devons agir pour éviter une réelle fracture numérique en matière de fibre optique, ce qui constituerait une profonde déception pour tous les territoires laissés à l’abandon, notamment les zones rurales, les zones peu peuplées et les zones pavillonnaires autour des villes.

Ainsi, dans mon département, et alors même que les agglomérations de Metz et de Thionville ont reçu des promesses d’investissements de la part des grands opérateurs, je sais que toutes les communes de ces deux agglomérations ne seront pas servies, à tel point que certaines intercommunalités envisagent de financer elles-mêmes des réseaux de fibre optique, constatant la carence des opérateurs privés, en l’occurrence Numéricable, France Télécom et SFR. (M. le président de la commission et M le rapporteur marquent leur approbation.)

Nous devons donc absolument avancer sur ces questions.

Cette proposition de loi est d’une simplicité biblique, et je ne comprends pas pourquoi elle soulève tant d’émotion de la part de France Télécom et du ministre ! Je ne vois pas où pourrait être le danger. Simplement, nous constatons, eu égard aux déclarations d’intention et aux dispositifs d’aides existants, que les opérateurs privés ne peuvent pas tout faire, et nous voulons prendre des mesures.

Celles-ci sont d’une simplicité enfantine et je ne doute pas que, ce soir, nous adopterons cette proposition de loi à l’unanimité (Sourires sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.). Nous allons bien sûr l’amender, mais les peurs que l’on essaye de communiquer me semblent sans fondement.

Mme Cécile Cukierman. Nous n’avons pas peur !

M. Philippe Leroy. Nous œuvrons dans l’intérêt des Français et des collectivités locales.

M. Philippe Leroy. Si, demain, nous ne rattrapons pas notre retard, les collectivités locales devront financer, sur leurs propres deniers et sans aucun retour sur investissement, l’aménagement des zones les moins peuplées de notre territoire.

Si nous voulons que les collectivités locales réalisent des économies, nous devons adopter cette proposition de loi à l’unanimité.

Son objet est simple : rendre obligatoires, territoire par territoire, les schémas d’aménagement numérique. Ce n’est pas compliqué : on s’assoit autour d’une table, avec le préfet et tous les acteurs concernés, pour faire un diagnostic partagé, qui tiendra compte de la diversité des territoires.

M. Jean Desessard. Et dans les Hauts-de-Seine ? (Sourires.)

M. Philippe Leroy. Pour une fois que vous partagez mon point de vue, chers collègues de gauche,…

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est bien ce qui nous gêne ! (Sourires.)

M. Philippe Leroy. … ne me compliquez pas la tâche ! (Nouveaux sourires.)

Ne nous compliquez pas la tâche, devrais-je dire, puisque nous travaillons dans l’intérêt des Français.

M. Pierre Hérisson. Très bien !

M. Philippe Leroy. Il s’agit simplement de s’asseoir autour d’une table et de s’expliquer franchement. Les grands opérateurs et les experts devront dire la vérité aux élus et faire de la pédagogie.

Ce schéma sera ensuite révisé périodiquement, tous les deux ans, pour suivre l’état d’avancement des projets.

Bien sûr, rien ne sera obligatoire. Si les collectivités ne veulent pas participer, libres à elles ; si elles veulent passer des conventions avec le privé, elles le pourront !

Mais si des conventions ont été conclues dans le cadre de ce schéma, elles seront annexées à celui-ci et systématiquement vérifiées par l’ARCEP. Si l’un des partenaires ne joue pas le jeu, il sera sanctionné, tout comme est puni celui qui ne respecte pas un marché public. En effet, si une commune refuse de payer les travaux routiers effectués par une entreprise, elle est condamnée à payer, et vice-versa en cas d’inexécution.

Mes chers collègues, n’abordez pas la discussion de cette proposition de loi avec crainte : nous ne défendons ni les intérêts des opérateurs privés ni ceux des collectivités locales, mais un modèle de participation public-privé utile à la France, et voulu par la France.

Monsieur le secrétaire d’État, nous ne faisons qu’accompagner le Gouvernement, afin que les promesses du Président de la République soient tenues. C’est l’intérêt de tous, et nos collègues de gauche partagent ce point de vue. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mes chers collègues, faites confiance aux optimistes et ne vous laissez pas décourager par les peurs quelque peu moyenâgeuses que l’on cherche à entretenir. Je le dis avec gentillesse…

M. Jean-Michel Baylet. Avec tendresse ! (Sourires.)

M. Philippe Leroy. … et esprit de dialogue à France Télécom : donnons-nous la main et avançons ensemble !

Mes chers collègues, vive la fibre optique à l’abonné pour tous ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Maurey, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il y a quelques mois, le 6 juillet dernier, la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, adoptait à l’unanimité le rapport d’information sur l’aménagement numérique de notre pays intitulé : « Aménagement numérique des territoires : passer des paroles aux actes ».

Ce titre volontairement « fort » avait pour but d’interpeller l’ensemble des responsables et des décideurs sur la situation réelle de notre pays en matière de numérique – de leur ouvrir les yeux ! – et sur l’absolue nécessité de réagir avant qu’il ne soit trop tard.

Ce rapport faisait suite à un précédent rapport remis au Premier ministre en octobre 2010, dans le cadre de la mission temporaire qu’il m’avait confiée pour formuler des propositions sur le financement du très haut débit.

Le rapport d’information de notre commission rappelait l’importance capitale de l’aménagement numérique de nos territoires en termes de développement économique et de qualité de vie et soulignait qu’un territoire, quelle que soit sa situation géographique, peut espérer offrir une réelle attractivité et jouir d’un réel dynamisme dès lors qu’il bénéficie d’une couverture numérique satisfaisante. Dans le cas contraire, il est malheureusement assuré d’un inexorable déclin !

J’étais vendredi dernier dans une petite commune de l’Eure, Barneville-sur-Seine, qui, grâce à la neutralisation du multiplexeur, a enfin accédé au haut débit. Le maire de cette commune rurale a remarquablement exprimé combien le haut débit était attendu, dans sa commune, par les agriculteurs, les enseignants, les artisans et les gestionnaires de gîtes touristiques. Cela montre que, dans tous les territoires, aujourd'hui, on a besoin de haut débit et qu’on ne peut pas dire à nos concitoyens : « Patientez, le très haut débit viendra dans quinze ans ! »

Ce rapport mettait également en exergue le fait que, contrairement à ce que certains affirment, la couverture numérique du territoire n’est pas si satisfaisante que cela.

Le réseau de téléphonie mobile continue de comporter des « zones blanches » et des « zones grises », et le taux de 98,82 % de couverture est atteint uniquement parce que les critères de mesure ne sont pas pertinents. Chacun sait en effet que l’ARCEP mesure la réception dans les seules zones habitées, à l’extérieur des bâtiments et en situation fixe.

La situation est pire encore dans les « zones blanches », où il suffit que seul un point du centre-bourg soit couvert pour que la totalité de la commune soit considérée comme couverte.

Quant au réseau à haut débit, il affiche, à entendre Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, un taux de couverture de 100 %. Or chacun sait très bien ici que ce n’est, hélas ! pas le cas. Ce taux n’est atteint qu’en recourant à la solution satellitaire, qui devrait rester une solution d’appoint, pour ne pas dire palliative, car elle n’offre ni la même qualité de service ni la même tarification que l’ADSL.

Si l’on prend en compte le haut débit par ADSL, le taux est de 98,3 %, mais il tombe à 77 % pour les connexions supérieures ou égales à 2 mégabits par seconde, lesquelles représentent, selon Éric Besson lui-même, le débit minimum nécessaire pour une connexion de qualité. Quant à l’offre triple play, à laquelle souhaitent accéder nombre de Français, la majorité de nos concitoyens ne peut en bénéficier aujourd'hui.

Concernant le très haut débit, dont le Président de la République a promis que 100 % des foyers bénéficieraient en 2025, M. le secrétaire d’État nous expliquera certainement que 6 millions de foyers ont aujourd’hui accès à une offre ; mais il faut préciser que 4,7 millions d’entre eux sont raccordés par câble et que, sur les 1 350 000 foyers éligibles à la fibre, 550 000 se sont abonnés, dont 175 000 seulement en FTTH ou fibre optique jusqu’à l’abonné ! À ce rythme, il faudra, selon la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, la FNCCR, cent ans pour couvrir le territoire.

Voilà pour l’existant. Mais, ce qui est encore plus grave, c’est que le modèle de déploiement retenu par le programme national très haut débit ne nous paraît pas pertinent. En effet, il repose intégralement sur le bon vouloir des opérateurs.

Je voudrais, à cet égard, dire mon regret que l’État ait totalement renoncé à être un acteur de ce déploiement et à remplir une mission qui me paraît pourtant essentielle : l’aménagement du territoire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Il fallait le dire !

M. Hervé Maurey, rapporteur. Les opérateurs peuvent donc déployer où ils veulent – c'est-à-dire dans les zones rentables – et quand ils veulent, sans être aucunement tenus ni liés par leurs déclarations. Celles-ci n’ont d’ailleurs, en l’état, aucune valeur juridique ; elles les engagent d’autant moins qu’il n’a été prévu ni mécanisme de contrôle ni sanction.

Cette situation est d’autant plus anormale que, à l’inverse, les annonces des opérateurs ont des effets contraignants sur les collectivités locales puisque leurs déclarations interdisent, de fait, à ces dernières de déployer sur les zones ainsi préemptées. En effet, si les collectivités le faisaient, elles seraient privées de toute subvention, y compris sur la zone non rentable du déploiement.

M. Marc Daunis. Exactement !

M. Hervé Maurey, rapporteur. Cette forte pénalisation, qui exclut toute péréquation à l’échelle d’un territoire, n’existait pas à l’origine du programme national très haut débit ; elle a été introduite par le Gouvernement, en avril 2011, pour une raison mystérieuse.

M. Yves Rome. Idéologique !

M. Hervé Maurey, rapporteur. Elle conduit à réserver les foyers situés dans la zone rentable aux opérateurs et à ne laisser aux collectivités que les zones coûteuses, sans que, pour autant, le concours de l’État soit assuré.

La question du financement du Fonds d’aménagement numérique des territoires, créé par la loi Pintat du 17 décembre 2009, n’est en effet toujours pas réglée. Plutôt que d’alimenter ce fonds, le Gouvernement a préféré en créer un second, le FSN, ou Fonds de solidarité numérique, créé au titre des « investissements d’avenir » par la loi de finances rectificative pour 2010.

Quelle est la cohérence d’un tel « doublonnement » ? Pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas fait appel au Fonds d’aménagement numérique des territoires plutôt que de créer un nouveau fonds, surtout si c’était pour le calquer en grande partie sur celui qui existait. N’était-ce pas seulement pour « garder la main » sur les financements, via le Commissariat général à l’investissement ?

Autre interrogation, portant, elle, sur le périmètre financier du Fonds de solidarité numérique : avec 2 milliards d’euros, dont seulement 900 millions consacrés aux initiatives publiques, c’est-à-dire aux zones non rentables, comment donner confiance aux acteurs locaux quant à la réalité et à la pérennité de l’engagement de l’État ? Or cette confiance est indispensable pour amorcer un réel déploiement dans les territoires ruraux.

Le FSN, nous dit-on, n’aura d’existence que temporaire, le Fonds d’aménagement numérique des territoires étant voué à en prendre le relais. Mais alors, pourquoi ne pas anticiper, pourquoi ne pas prévoir dès maintenant un mode d’alimentation pour ce qui reste, à ce jour, une « coquille vide », un « fonds sans fonds » ?

C’est pour commencer dès à présent à alimenter ce fonds que la présente proposition de loi prévoyait la création d’une « contribution de solidarité numérique » de 75 centimes par mois sur les abonnements de communications électroniques et d’une taxe de 2 % sur les ventes de téléviseurs et consoles de jeux. Ce dispositif, qui a été supprimé par la commission, reprenait une des propositions formulées à l’intention du Premier ministre dans le cadre de ma mission. Personnellement, j’ai eu l’occasion de le dire, ma préférence va à une dotation de l’État plutôt qu’à la création de nouvelles taxes. Toutefois, l’article 40 de la Constitution interdisait son inscription dans ce texte.

Je voudrais attirer votre attention sur le fait que, si la somme de 600 millions d’euros, nécessaire pour alimenter ce fonds chaque, n’est pas négligeable, elle n’est pas démesurée. Je rappelle que le passage du taux réduit au taux normal de TVA sur les abonnements triple play, voté en loi de finances pour 2011, entraîne un surcroît annuel de recettes de 1,1 milliard d’euros.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Exact !

M. Hervé Maurey, rapporteur. J’avais, à l’époque, proposé qu’une partie de cette somme soit affectée à l’alimentation du FANT.

Je rappelle également, pour illustrer le caractère raisonnable de ce besoin de financement, que la diminution de la TVA dans la restauration coûte chaque année plus de 3 milliards d’euros au budget de l’État.

Je reprends aussi une comparaison éclairante qu’a faite le président de l’ARCEP lors de son audition par la commission : les 60 à 70 milliards d’euros qui devraient être consacrés aux routes dans les quinze prochaines années sont à rapprocher des 19 milliards d’euros du coût du déploiement de la fibre d’ici à 2025.

Enfin, on a beaucoup parlé ces derniers temps de la tarification de l’accès à la boucle locale cuivre et il serait sans doute intéressant de confronter les différents points de vue sur la question ; j’y reviendrai tout à l’heure.

Le rapport de notre commission, voté à l’unanimité, je le rappelle, ne se contentait pas de dresser un état des lieux : il contenait trente-trois propositions pour relever le défi de l’aménagement numérique de notre territoire.

C’est dans le prolongement de ce rapport que Philippe Leroy et moi-même avons élaboré cette proposition de loi, qui vise à instaurer un véritable haut débit pour tous, à améliorer la situation de la téléphonie mobile en assurant une « opération vérité » sur la réalité de la couverture et à améliorer le modèle de déploiement du très haut débit.

Je tiens à dire, après Philippe Leroy, qu’il ne s’agit pas d’une rupture avec le dispositif mis en place par le Gouvernement. Si nous avions voulu une rupture, nous aurions proposé un autre modèle. Nous aurions suggéré, comme en Australie, une structure publique chargée de déployer la fibre ou, comme en Finlande, le recours à des partenariats publics-privés sur le territoire.

Nous aurions également pu – c’est une solution qui me semble d’ailleurs intéressante – confier la réalisation et l’exploitation du réseau à des sociétés de BTP, sur le modèle des concessions d’autoroute. Une telle solution aurait du sens, car ces entreprises sont habituées à amortir sur une longue durée leurs investissements et à bénéficier d’un taux de rendement annuel relativement faible, à l’inverse des opérateurs de télécommunications. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les actionnaires des opérateurs de télécommunications ne sont pas favorables au déploiement de la fibre par leurs sociétés.

Nous ne l’avons pas fait – tout en nous réservant, si nécessaire, la possibilité de le faire ultérieurement –, car nous ne voulions pas prendre le risque de retarder encore le déploiement en remettant en cause le modèle choisi. Nous avons donc retenu la solution consistant à l’améliorer.

Je sais qu’un grand nombre d’entre vous sont attachés à la complémentarité et à la coopération entre les collectivités et les opérateurs. Ils ont raison ! Ce texte vise précisément à renforcer l’une et l’autre en rééquilibrant les relations entre les opérateurs et les collectivités, relations aujourd'hui totalement déséquilibrées, en faisant en sorte que les collectivités ne soient plus soumises aux décisions unilatérales des opérateurs.

Avant d’en venir au texte de cette proposition de loi, je voudrais évoquer l’avis récemment rendu par l’Autorité de la concurrence.

Afin de mieux cerner les réelles possibilités d’intervention des collectivités sur le déploiement du très haut débit, au mois de septembre dernier, notre commission, alors présidée par Jean-Paul Emorine, a saisi pour avis l’Autorité de la concurrence. Celle-ci a rendu son avis à la mi-janvier. C’est un avis extrêmement intéressant et nombre de ses conclusions rejoignent celles du rapport d’information, et donc de la proposition de loi.

C’est ainsi que l’Autorité a constaté que le Gouvernement, dans la physionomie de son plan national et dans les critères de financement très restrictifs des collectivités, a fait un « choix d’opportunité ». Cela montre que ce plan aurait pu être tout autre, contrairement à ce qui a pu nous être dit.

Elle a également souligné que l’opérateur historique n’avait pas d’intérêt au déploiement du réseau fibre, du fait de la « rente » qu’il percevait sur le réseau cuivre.

Elle a reconnu que les projets intégrés des collectivités pouvaient sans aucun risque faire l’objet de subventions publiques, dès lors qu’ils s’inscrivent dans des services d’intérêt économique général.

Elle a aussi invité les pouvoirs publics « à exiger des opérateurs la plus grande précision dans leurs intentions de déploiement et à veiller de manière régulière à leur strict respect ». C’est le sens de cette proposition de loi.

Allant plus loin encore, elle a estimé nécessaire, « pour la crédibilité du dispositif [...] que, dans l’hypothèse où les projets d’investissement devraient s’écarter de la trajectoire initialement prévue, le Gouvernement envisage sérieusement de revoir en profondeur la logique du PNTHD ».

Cet avis, vous le voyez, mes chers collègues, conforte notre appréciation et nos propositions.

J’en viens, à présent, au contenu de la proposition de loi en précisant l’apport du travail de la commission, étant précisé que des amendements de tous les groupes ont été retenus.

Sur l’initiative de nos collègues du groupe socialiste, nous avons introduit l’article 1er A, qui fixe en quelque sorte le cadre général du texte, en rappelant l’importance de l’aménagement numérique du territoire et ses implications en termes de réseaux.

L’article 1er tend à élargir le champ de compétence des schémas directeurs à tous les aspects de la problématique numérique : haut débit, téléphonie mobile, sans oublier les technologies satellitaires. Ces schémas directeurs, en effet, ne doivent plus viser uniquement le très haut débit : la couverture numérique est un tout et ils doivent devenir l’« ossature numérique » des territoires en hiérarchisant les priorités.

L’article 2 vise à généraliser les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique. Aujourd’hui encore, une vingtaine de départements n’ont pas commencé à élaborer un tel document. Nous proposons donc de rendre ces schémas obligatoires dans un délai d’un an après la publication du texte. L’article tend également à supprimer leur caractère indicatif et nous avons introduit en commission une procédure à suivre si aucune initiative n’est prise pour élaborer un schéma, en confiant, dans ce cas, un rôle moteur au préfet.

L’article 3, qui est essentiel, fait des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique la base d’une contractualisation, sous l’autorité de l’État, entre les collectivités territoriales et les opérateurs, afin que ces derniers précisent leurs engagements et soient réellement liés par le contenu de ceux-ci. Cette disposition permettra de passer d’une situation où, unilatéralement, les opérateurs décident et obligent les collectivités à s’ajuster, pour ne pas dire à se soumettre, à une situation plus équilibrée, plus égalitaire, où les deux parties discutent, négocient et contractualisent.

Sur proposition de nos collègues du groupe socialiste, la commission a créé un article 3 bis, qui impose de rendre raccordable au réseau très haut débit tout immeuble à construire.

L’article 3 ter, qui résulte d’un amendement que j’ai proposé à notre commission, conformément aux recommandations de l’Autorité de la concurrence, oblige les opérateurs intégrés, c'est-à-dire ceux qui sont également fournisseurs d’accès, répondant à des appels d’offres de collectivités pour la réalisation de réseaux d’initiative publique, à indiquer les conditions dans lesquelles ils comptent utiliser ces réseaux en tant qu’opérateurs de services.

Ces opérateurs disposent d’un avantage commercial important sur les pure players, c'est-à-dire les simples opérateurs de gros, qui est de nature à fausser la concurrence dans le cadre des procédures publiques. En effet, ils peuvent s’engager à être client du réseau public s’ils remportent l’appel d’offres pour son établissement et son exploitation.

Cet article a pour objet de rétablir les conditions d’un équilibre entre ces deux types d’acteurs et de permettre aux collectivités d’avoir plus de visibilité sur la commercialisation de leur réseau.

L’article 4 vise à assurer la meilleure couverture mobile avec un minimum de déploiement, en optimisant le nombre de points hauts. Il a été amendé par notre collègue Bruno Retailleau, qui en a simplifié la rédaction et a apporté plus de souplesse dans l’intervention des collectivités.

L’article 5 prévoit la mise en place d’un groupe de travail associant des représentants de l’ensemble des parties concernées, afin que soit redéfinie la manière d’appréhender les taux de desserte en téléphonie mobile – j’ai souligné précédemment les lacunes existant en la matière –, qui ne rendent pas compte de la couverture réelle du territoire. Sur proposition de nos collègues Bruno Retailleau et Pierre Hérisson, nous avons élargi l’objet de cet article à l’amélioration de la couverture mobile, et nous avons précisé, à ma demande, que la redéfinition des critères de couverture n’aurait pas d’effet sur les engagements des opérateurs découlant de l’attribution de leurs licences.

L’article 6, qui reprend un amendement que notre collègue Bruno Sido avait lui-même proposé dans l’un de ses rapports et qui avait été adopté et inséré dans la proposition de loi relative aux télécommunications de Daniel Marsin, prévoit une obligation de couverture des « zones grises » de téléphonie mobile par itinérance ou mutualisation des infrastructures.

Sur l’initiative de nos collègues Bruno Retailleau et Pierre Hérisson, nous avons complété cet article en commission, en prévoyant la remise d’un rapport par le groupe de travail créé à l’article 5.

Estimant que le cahier des charges du déploiement du réseau mobile de quatrième génération accordait une place importante à la mutualisation, nous avons supprimé, à ma demande, ainsi qu’à celle de nos collègues Bruno Retailleau et Pierre Hérisson, l’article 7, qui comportait des mesures en ce sens.

L’article 8, un article également très important, prévoit la mise en place d’un véritable haut débit pour tous, en reconnaissant à tout abonné la possibilité d’accéder à un débit minimal de 2 mégabits par seconde d’ici à 2014 et de 8 mégabits par seconde d’ici à 2016.

Avant de parler de très haut débit, il me semble essentiel de pouvoir assurer un véritable haut débit sur l’ensemble de nos territoires. Il n’est pas acceptable que certains d’entre eux disposent de connexions à 100 mégabits par seconde, voire davantage, quand d’autres espèrent toujours parvenir à 512 kilobits par seconde.

À cet égard, je rappelle que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 10 juin 2009 sur la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, dite « Hadopi », a reconnu une valeur constitutionnelle au droit d’accès de nos concitoyens au réseau de communications électroniques. Il est donc temps de donner une réalité à ce droit.

Compte tenu de la complexité technique et financière de cette question, nous avons fait en sorte de distinguer la fixation d’un tel objectif dans le présent texte et la détermination des moyens pour y parvenir, pour laquelle nous avons renvoyé à un rapport de l’ARCEP.

En vue d’améliorer qualitativement la desserte des foyers ne bénéficiant actuellement que d’une connexion à faible débit, l’article 9 rend la montée en débit sur tout type de réseau éligible au Fonds d’aménagement numérique du territoire, dans les cas où l’arrivée du très haut débit ne constitue pas, à court terme, une « porte de sortie par le haut ».

Afin de ne pas « gaspiller » de l’argent public sur une technologie appelée à devenir obsolète, nous avons précisé, sur proposition de nos collègues Bruno Retailleau et Pierre Hérisson, que les investissements réalisés devront être réutilisables pour le très haut débit.

L’article 10 permet le financement public national des « projets intégrés » des collectivités, portant pour partie sur une zone non rentable et pour partie sur une zone rentable, à condition que ne soient subventionnés que les projets de déploiement sur les zones non rentables. Pour sécuriser pleinement le dispositif au regard du droit communautaire, nous avons tenu compte des remarques de l’Autorité de la concurrence et précisé que ces projets intégrés devraient s’inscrire dans le cadre de services d’intérêt économique général pour être « subventionnables ». Cette disposition importante répond aux attentes des élus, car elle permet d’assurer une péréquation à l’échelle de leur territoire.

L’article 11 ouvre aux collectivités la possibilité de bénéficier du financement public national dans les zones que les opérateurs devaient, au terme de leur engagement contractuel, couvrir dans les trois ans. Un tel délai permet de s’aligner sur les prescriptions du droit communautaire, là où le programme national très haut débit mis en place par le Gouvernement prévoit un délai plus large de cinq ans.

L’article 12, très important, confie à l’ARCEP la compétence et les moyens de contrôler et de sanctionner le respect des engagements pris par les opérateurs sur la base des conventions découlant des SDTAN, en lien avec l’article 3.

Je sais que cela choque certains, les opérateurs en premier lieu, ce que je comprends – il est tellement plus agréable de ne pas être sanctionné ! –, mais aussi quelques-uns de nos collègues, qui l’ont indiqué en commission.

Pour ma part, je ne vois vraiment pas ce qu’il y a de choquant à sanctionner le non-respect d’un engagement librement consenti dans le cadre d’un accord contractuel. C’est même, vous en conviendrez, mes chers collègues, d’une banalité et d’un classicisme élémentaires. J’ajoute que ce pouvoir est confié à l’ARCEP, qui le détient déjà en matière de téléphonie mobile. Or, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’Autorité n’a pas fait preuve d’une sévérité ou d’un zèle excessif en la matière.

M. Hervé Maurey, rapporteur. Je ne vois donc pas pourquoi il en serait autrement ici.

Afin que s’opère de façon claire et définitive la transition du haut vers le très haut débit, l’article 13 prévoit d’intégrer dans les SDTAN la date à laquelle aura lieu le basculement du premier type de réseau vers le second. Une date butoir est fixée au 31 décembre 2025, ce qui permet de s’inscrire très exactement dans les objectifs visés par le Président de la République. L’ARCEP doit établir les conditions de ce basculement, parmi lesquelles figurera, bien entendu, l’indemnisation de l’opérateur propriétaire du réseau.

L’article 13 bis prévoit, à la demande de nos collègues socialistes, la remise par l’ARCEP d’un rapport sur un sujet souvent évoqué, mais sur lequel nous manquons d’informations précises quant à ses conséquences, à savoir la séparation des activités « réseau » et « services » chez les opérateurs intégrés. Je précise ici que l’opérateur historique n’est pas seul concerné.

L’article 14, cher à notre collègue Philippe Leroy, coauteur de cette proposition de loi, reconnaît le statut d’« opérateurs d’opérateurs » aux collectivités intervenant dans le cadre de réseaux d’initiative publique, sans pour autant en faire un statut dérogatoire.

Les articles 15 et 16 visaient à assurer le financement du FANT durant sa période de fonctionnement attendue, soit jusqu’en 2025. Je l’ai dit, il était proposé d’alimenter ce fonds au moyen, d’une part, d’une contribution de solidarité numérique sur les abonnements internet et de téléphonie mobile et, d’autre part, d’une taxe sur les téléviseurs et les consoles de jeu. Je le répète, cette solution n’est pas celle qui avait ma préférence. J’estime, en effet, que le FANT devrait être abondé par des dotations de l’État.

Opposée à l’instauration de toute nouvelle taxe, la commission a décidé de supprimer ces deux articles. Néanmoins, je souhaiterais que nous débattions sur ce sujet lors de l’examen des articles. Comme l’avait parfaitement souligné notre collègue Michel Teston lors de la discussion de la loi Pintat, il ne faut pas que nous ayons un « Fonds sans fonds ».

L’article 16 bis, qui résulte d’un amendement proposé à la commission, affecte au FANT le produit des sanctions financières que l’ARCEP pourra prononcer à l’encontre des opérateurs qui ne respecteraient pas leurs engagements. Ce recyclage des pénalités est logique, mais il ne constitue pas une solution suffisante pour abonder le FANT à hauteur des besoins.

L’article 17 conditionne le montant des aides accordées au titre du FANT aux capacités financières des collectivités et au coût du déploiement du très haut débit. Force est de constater que les coûts de déploiement les plus élevés se situent en général dans les départements les moins riches. Il faut donc un dispositif de financement plus souple et donc plus équilibré que celui qui est proposé dans le cadre du FSN.

L’article 18 donne mission à l’ARCEP de réaliser une étude sur les tarifs de connexion pratiqués par les opérateurs de haut et de très haut débit. En effet, ceux-ci s’avèrent excessivement élevés pour les entreprises, ce qui constitue notamment un obstacle au raccordement des petites et moyennes entreprises. J’ai pu, personnellement, observer que, sur des zones couvertes en très haut débit, très peu d’entreprises ont été raccordées en raison des coûts inhérents au raccordement.

En vue d’éclairer la représentation nationale sur la tarification par l’opérateur historique de l’accès à la boucle locale, dont il est propriétaire, et, le cas échéant, de dégager des sources de financement complémentaires pour le déploiement des réseaux très haut débit, l’article 19 chargeait l’Autorité de régulation d’un rapport sur le sujet. Toutefois, ce rapport a été rendu depuis le dépôt de la proposition de loi. C’est pourquoi la commission a supprimé cet article.

Ainsi que je l’ai déjà souligné, le débat sur les coûts réels de la boucle cuivre locale n’est pas clos, car les estimations faites par l’ARCEP demeurent contestées. Une discussion de fond doit avoir lieu sur ce point très important. Nous envisageons donc d’organiser une table ronde avec les acteurs concernés.

L’article 20 assigne un objectif prioritaire de couverture des territoires ruraux à la politique d’aménagement du territoire, à commencer par les zones économiques et les services publics. Le retour des premiers déploiements expérimentaux permet, en effet, de constater que l’appétence au très haut débit est bien plus importante en zone rurale qu’en zone urbaine.

Afin de favoriser l’interconnexion des réseaux, l’article 21 prévoyait la création d’un groupement d’intérêt public ayant pour objet l’harmonisation des référentiels techniques pour les réseaux très haut débit. Cette demande a été formulée aussi bien par l’ARCEP, par l’Autorité de la concurrence, par les collectivités que par les opérateurs eux-mêmes.

Toutefois, ayant appris que le Gouvernement souhaitait invoquer l’article 40 de la Constitution, la commission a transformé ce groupement d’intérêt public en simple « comité de pilotage ». Il aurait été, en effet, regrettable que cette structure, souhaitée par tous, soit retoquée par le Gouvernement pour cause d’irrecevabilité financière.

L’article 22 confie au comité de pilotage du très haut débit, qui sera préalablement réactivé, la tâche de réaliser, avec l’appui technique de l’ARCEP, un bilan du programme national très haut débit accompagné, le cas échéant, de propositions de réforme du dispositif.

Comme je l’avais indiqué dès 2010 dans le rapport que j’avais remis au Premier ministre, autant il ne faut pas aujourd’hui changer de modèle pour les raisons déjà évoquées, autant il faut pouvoir dresser un bilan dès 2013 pour éviter de persévérer dans une voie qui aurait montré son inefficacité.

L’article 23 prévoit que les documents d’urbanisme, les SCOT, les schémas de cohérence territoriale, et les PLU, les plans locaux d’urbanisme, devront prendre en compte les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique ; je parle bien ici d’une simple « prise en compte », soit le niveau de relations entre deux documents le plus souple existant dans le droit de l’urbanisme.

L’article 24 introduit la présence de représentants du Parlement dans la composition du comité de gestion du FANT.

Enfin, l’article 25 reprend une formule habituelle pour éviter la censure de l’article 40 de la Constitution au stade du dépôt du texte. Compte tenu des aménagements dont ce dernier a été l’objet en commission, cet article pourrait être, me semble-t-il, supprimé.

Telle est, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la présentation générale de cette proposition de loi.

J’indique que ce texte est soutenu par les associations d’élus dans leur ensemble. Par ailleurs, il a été adopté à la quasi-unanimité des membres de la commission ; seuls deux sénateurs ont voté contre.

Ce sujet concerne tous nos territoires, et tous les sénateurs, quelle que soit leur appartenance politique, connaissent les difficultés liées à la couverture numérique de leur territoire. Je souhaite même que nous retrouvions l’unanimité qui s’était dégagée lors de la présentation du rapport d’information.

Ce texte doit nous rassembler, car il n’a pas d’autre objet que de résorber la « fracture numérique » et d’assurer un égal accès de nos territoires, dont nous sommes les représentants, aux réseaux de communications électroniques. Le droit à cet accès est, je l’ai rappelé précédemment, un droit à valeur constitutionnelle.

Pour terminer, je veux vous rappeler les résultats d’un sondage réalisé l’été dernier par l’Association des maires ruraux de France, car il montre bien l’importance que revêt cette question pour les élus ruraux. La mise en place d’un réseau très haut débit arrive très largement en tête des priorités d’investissements citées, ce qui m’a moi-même étonné, et ce bien avant les routes et mêmes les écoles,…

M. Hervé Maurey, rapporteur. … qui sont pourtant, comme vous le savez, si chères aux élus.

Par ailleurs, l’Association des maires ruraux de France a publié hier, dans le cadre de la campagne présidentielle, ses dix priorités. La couverture des territoires en très haut débit figure comme première priorité.

Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est exact !

M. Hervé Maurey, rapporteur. Vous voyez que, face à cette situation, on ne peut pas rester sourd ; nous devons nous retrouver pour apporter des solutions concrètes. C’est le but visé au travers de ce texte et c’est d’ailleurs pour cela que, tout à l’heure en commission, nous serons certainement amenés à donner des avis positifs sur des amendements présentés par des collègues issus des différentes formations de cet hémicycle.

Encore une fois, ce qui compte, c’est d’arriver à apporter des solutions concrètes à nos territoires et à nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l’économie, cher rapporteur Hervé Maurey, monsieur Philippe Leroy, coauteur de cette proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est absolument en phase à 100 % avec l’objet de cette proposition de loi visant notamment à assurer l’aménagement numérique du territoire, ainsi que sur un certain nombre de points techniques proposés par le Sénat. (M. Claude Bérit-Débat s’exclame.)

Toutefois, le Gouvernement ne peut pas être totalement en phase avec la proposition de loi.

M. Jean Desessard. En phase déphasée ! (Sourires.)

M. Marc Daunis. À 100 % ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. En effet, malgré la volonté des auteurs de la proposition de loi d’atteindre l’objectif partagé par le Gouvernement, un certain nombre des mesures techniques qui sont proposées auraient au contraire pour résultat, selon notre analyse, de freiner l’évolution attendue. Cela a très bien été rappelé par M. le rapporteur, par l’ensemble des élus de notre territoire, gauche et droite confondues.

Le déploiement des réseaux numériques constitue un enjeu majeur pour la compétitivité de notre économie et pour l’attractivité de nos territoires. Lors de chacun de mes déplacements en France – trois fois par semaine, je vais, dans chacun de vos départements, à la rencontre des acteurs économiques –, j’ai constaté qu’il était essentiel, y compris pour les commerçants, les artisans, avec le développement du multicanal par exemple, d’avoir accès aux outils numériques.

Messieurs Maurey et Leroy, le 17 novembre 2011, vous avez déposé une proposition de loi qui vise à assurer l’aménagement numérique du territoire. Elle s’inscrit dans le cadre d’un objectif de première importance que nous partageons tous et, Hervé Maurey l’a rappelé tout à l’heure, qui est défendu par le président de la République lui-même, celui d’un déploiement équilibré des réseaux dans nos territoires.

Pour aborder la discussion de cette proposition de loi, je souhaiterais, si vous me le permettez, rappeler le contexte dans lequel elle s’intègre.

Grâce à l’action volontaire du Gouvernement, soutenu par la majorité, la France est aujourd’hui très bien placée en matière de numérique. Ce secteur a créé 700 000 emplois nets en quinze ans et créera 450 000 emplois supplémentaires d’ici à 2015. Très peu de pays dans le monde – je veux souligner ce point – ont réussi à développer des géants mondiaux sur l’ensemble de l’écosystème numérique.

Pour ne donner que quelques exemples, STMicroelectronics est le septième plus grand fabricant de semi-conducteurs au monde ; Alcatel-Lucent est l’un des trois premiers équipementiers de télécommunications mondiaux ; Orange est l’un des dix plus grands opérateurs de télécommunications, avec 220 millions de clients ; le groupe Vivendi, quant à lui, réunit à la fois le numéro un mondial de la musique, Universal, et le numéro un mondial du jeu vidéo, Activision Blizzard.

S’agissant du déploiement des réseaux numériques, puisque tel est le sujet qui nous rassemble cet après-midi, le Gouvernement a engagé des efforts sans précédent, afin de doter notre pays de l’un des réseaux les plus étendus et les plus compétitifs en Europe.

Cette politique se décline selon quatre priorités.

La première priorité du Gouvernement a été de soutenir le développement des usages numériques. En effet, rien ne sert d’installer des tuyaux s’il n’y a pas de contenus et de services pour les utiliser. Les trois quarts des procédures administratives sont aujourd’hui dématérialisées, contre moins d’un tiers en 2007. Cher Hervé Maurey, il est aujourd’hui possible, en un clic, de s’inscrire sur les listes électorales ou de déclarer ses impôts. Ces progrès, qui ne sont pas accomplis par tous les pays du monde, ni même d’Europe, sont à mettre au crédit de l’action de la majorité. J’ajoute, chers Hervé Maurey et Philippe Leroy, que vous y avez très largement participé tout au long de ces quatre années.

Le commerce électronique s’est développé de manière spectaculaire. Je l’évoquais ce matin en présentant à Bercy les résultats 2011 du Baromètre des réclamations, qui recense les plaintes adressées par les consommateurs à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, le chiffre d’affaires du commerce électronique a presque triplé en cinq ans. En 2011, plus de trente millions de Français ont acheté au moins une fois sur Internet, soit 11 % de plus qu’en 2010. De même, le chiffre d’affaires de l’ensemble des sites a atteint près de 38 milliards d’euros contre 31 milliards en 2010.

Ces résultats sont évidemment remarquables et doivent être soulignés. Ils montrent, et c’est la raison pour laquelle on ne peut que partager l’objectif visé au travers de votre proposition de loi, l’appétence de la population française à utiliser cet outil qui présente des avantages considérables, notamment en matière de consommation et de services.

La deuxième priorité du Gouvernement concerne la télévision numérique terrestre.

M. Yves Rome. Cela n’a rien à voir !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Mais si, cela a tout à voir, mon cher ! D’ailleurs, si vous écoutiez les citoyens qui habitent dans votre département, ils vous l’expliqueraient. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Yves Rome. Ils nous écoutent plus que vous !

M. Jean Desessard. C’est plus pratique ! (Sourires.)

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Là encore, le Gouvernement a réussi l’une des principales révolutions audiovisuelles depuis le passage à la télévision en couleurs.

Au lieu de quatre ou cinq chaînes suivant les régions, l’ensemble des Français reçoit désormais dix-neuf chaînes gratuites en qualité numérique (Cela dépend ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.) ; six nouvelles chaînes en haute définition complèteront prochainement cette offre. C’est un succès majeur pour l’aménagement numérique du territoire. Pour les quelques zones qui ont des difficultés à recevoir ces dix-neuf chaînes, vous savez que les solutions satellites sont actuellement mises en place.

M. Yves Rome. Cela n’a rien à voir !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Mais si, au contraire, cela a tout à voir, car le numérique est à la fois pour les acteurs économiques et pour les citoyens !

M. Yves Rome. Il n’y a pas le triple play !

M. Bruno Retailleau. Mais il y a la 4G dans la bande qu’on appelle le dividende numérique !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Effectivement, il y a le dividende numérique, comme le dit M. Bruno Retailleau, avec qui vous devriez vous entretenir, car c’est un spécialiste de ces questions. Il aurait beaucoup à vous apprendre sur ces sujets, monsieur le sénateur ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

La troisième priorité du Gouvernement concerne les réseaux de téléphonie mobile.

Désormais, 99,9 % des Français bénéficient d’une couverture en téléphonie mobile. Le taux de pénétration du mobile en France a dépassé les 100 %. Vous allez encore me dire que cela n’a rien à voir, mais c’est le contraire !

Pour autant, comme dans tous les pays du monde, il reste des zones blanches. Même dans les grandes villes, y compris à Paris – chacun de vous le sait ici –, on trouve, non pas sans arrêt, ce serait un peu exagéré, mais ponctuellement, des zones où la couverture n’est pas satisfaisante. C’est pourquoi nous poursuivons – n’est-ce pas, monsieur Pierre Charon ? – nos efforts pour parachever cette couverture.

Le Gouvernement met en œuvre depuis 2003 le programme de résorption des zones blanches en téléphonie mobile, dit programme « zones blanches ». Il a déjà permis de couvrir plus de 3 000 communes de zones rurales pour un investissement total de près de 600 millions d’euros. L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, est chargée de faire appliquer les obligations de couverture du territoire en technologie 3G, c’est-à-dire en haut débit mobile. Depuis la fin de l’année 2011, les opérateurs doivent avoir couvert 98 % de la population. Cher Hervé Maurey, c’est largement supérieur à la moyenne européenne, qui est de 90 % !

Le Gouvernement a attribué les meilleures fréquences jamais affectées aux télécommunications dans l’histoire de ce pays : celles du dividende numérique. C’est ce que rappelait M. Bruno Retailleau. Cela a même fait débat avec le monde des médias. Là encore, il s’agit d’une priorité donnée par le Gouvernement au développement du numérique sur le territoire. Nous avons retenu les critères les plus favorables à l’aménagement du territoire jamais mis en œuvre dans un pays européen. Aucun pays au monde n’est allé aussi loin...

M. Yves Rome. Allez en Australie ! Il faut voyager !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Cela vous fait sourire, mais c’est la réalité ! Aucun pays au monde n’est allé aussi loin dans les obligations de couverture du territoire.

En effet, 99,6 % de la population française et 95 % de la population de chaque département devront être couverts par les opérateurs dans un délai de quinze ans. Une zone de couverture prioritaire a été définie, représentant 60 % des territoires les plus ruraux de notre pays.

Le réseau 4G sera le premier à être déployé simultanément dans les villes et dans les campagnes. À cette occasion, vous me permettrez d’ailleurs de rappeler, puisque visiblement cela a échappé aux uns et aux autres, que, s’il y a un quatrième opérateur, s’il y a du 4G, cela résulte de la volonté du Gouvernement. Ce n’est pas lui qui, tout à coup, s’est fait imposer, par l’évolution technologique, l’apparition de nouveaux opérateurs ou du 4G. Au contraire, c’est bien le Gouvernement qui a voulu cette évolution.

M. Yves Rome. Mais il faut la technologie !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Bien sûr, monsieur le sénateur. Mais il faut en même temps un engagement public et un engagement du Gouvernement ! (M. Jean Desessard s’exclame.)

Chacun ici devrait se satisfaire que notre pays soit leader en la matière...

M. Didier Guillaume. Avec l’argent de qui ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Avec l’argent des Français.

M. Didier Guillaume. L’argent des collectivités !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Pardonnez-moi, monsieur le sénateur, mais l’argent des collectivités, vous m’expliquerez ce que c’est ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

L’argent des collectivités, comme l’argent de l’État, c’est l’argent de nos compatriotes, monsieur le sénateur.

M. Pierre Hérisson. Très bien !

M. Jean-Jacques Mirassou. Argent que vous gaspillez !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Vous ne pouvez pas vous approprier l’argent des Français ; d’ailleurs personne ne le peut. L’argent des Français, levé par les impôts, par l’État ou par les collectivités territoriales, est l’argent de nos compatriotes. C’est la raison pour laquelle il y a une grande différence entre vous et nous. Comme nous savons que c’est l’argent des Français, nous essayons de l’utiliser sans le gaspiller. Voilà la différence ! (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Michel Baylet. Vous ne savez pas ce qu’est une collectivité !

M. Jean Desessard. C’est caricatural !

M. Jean-Michel Baylet. Respectez le Parlement !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Vous pouvez vous époumoner, cela ne m’impressionne pas ! (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Vous me permettrez ensuite, s’agissant de la couverture du mobile, de dire que le Gouvernement a créé un groupe de travail, ce qui, monsieur le rapporteur, répond d’ailleurs à l’article 5 de la proposition de loi débattue aujourd’hui.

Ce groupe de travail rassemble des parlementaires, des représentants des collectivités territoriales – car le Gouvernement est décidé, comme il le montre en permanence, à dialoguer et à associer au dialogue les collectivités territoriales –...

M. Jean-Michel Baylet. C’est votre interprétation !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. ... ainsi que les opérateurs des télécommunications, l’ARCEP et les administrations concernées. Monsieur le rapporteur, Éric Besson a réuni ce groupe de travail le 8 février dernier.

Son mandat est le suivant : d’abord effectuer un bilan du programme « zones blanches » et proposer des modalités d’extension et de finalisation du programme ; ensuite, vérifier la cohérence entre les chiffres de couverture du territoire fournis par les opérateurs et la couverture réelle.

Grâce à l’action du Gouvernement, nous disposons aujourd’hui de l’une des meilleures couvertures du territoire en téléphonie mobile en Europe. À cet égard, je souhaite vous alerter – je le dis à la fois à Philippe Leroy et à M. le rapporteur – sur l’article 6 de la proposition de loi.

Cet article crée de nouvelles obligations de couverture pour les opérateurs titulaires des licences. Je comprends bien l’objectif défendu par les auteurs de la proposition de loi, mais chacun doit être conscient que l’État a vendu des licences assorties d’obligations précises en matière de couverture du territoire. Les modifier change la valeur de ces licences.

Les prix auxquels elles ont été vendues seront donc immédiatement contestés par les opérateurs, qui demanderont un dédommagement de la part de l’État. Vous savez, l’un et l’autre, que c’est incompatible avec l’état de nos finances publiques.

Enfin, s’agissant de la quatrième priorité, les réseaux d’accès à internet, le Gouvernement a mis en place le programme national très haut débit, qui est extrêmement ambitieux et repose sur trois piliers.

Les investissements privés constituent le premier pilier. Les opérateurs se sont engagés à couvrir 57 % de la population en fibre optique dans les dix prochaines années, ce dont nous pouvons nous féliciter, car cela signifie moins d’argent public à engager et plus de concurrence sur le marché du très haut débit. (M. Vincent Eblé s’exclame.)

Les consommateurs le savent, la mise en concurrence est le meilleur moyen pour faire baisser les prix et défendre le pouvoir d’achat. (Rires sur les travées du groupe socialiste.) Si certains ont pu un moment l’oublier et croire au mirage de l’encadrement des prix, l’arrivée du quatrième opérateur vient aujourd’hui le leur rappeler ! Il ne me paraît pas inutile de reformuler aujourd’hui cette vérité, y compris en direction de ceux qui ne partagent pas ce point de vue.

Le Gouvernement veillera, tous les ans, à ce que les opérateurs réalisent les déploiements qu’ils ont annoncés. Ainsi les avons-nous interrogés sur l’avancement de leur déploiement au titre de l’année 2011. Leur réponse est attendue pour la fin du mois de février. Je sais qu’il s’agit d’un point essentiel pour vous, cher Hervé Maurey, et c’est la raison pour laquelle je vous le redis clairement : le Gouvernement sera très ferme quant au respect de ces engagements. Si les promesses n’étaient pas tenues, la zone d’investissement privé serait réduite, pour laisser la place aux projets des collectivités.

Les opérateurs ne prennent pas à la légère une telle menace. En effet, ils ont tout intérêt à conserver la propriété de leur réseau, qui est au cœur du modèle économique qu’ils ont choisi. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder la situation des opérateurs virtuels depuis l’arrivée de Free Mobile.

Le deuxième pilier traite des initiatives publiques, qui seront soutenues partout où l’initiative privée fera défaut. Le Gouvernement a ouvert, le 27 juillet 2011, un guichet de 900 millions d’euros pour aider les projets des collectivités territoriales. Bien évidemment, ces dernières auront vocation non pas à intervenir partout, mais à se substituer aux opérateurs privés quand ceux-ci ne seront pas en mesure d’offrir à nos compatriotes le service qu’ils attendent. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Claude Bérit-Débat. À quel prix ?

M. Vincent Eblé. Privatisation des bénéfices et collectivisation des déficits !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Ce guichet a été validé par l’ARCEP le 18 février 2010, par l’Autorité de la concurrence le 17 mars 2010 et par la Commission européenne le 19 octobre 2011. Il s’agit du premier programme public de soutien au très haut débit en Europe.

Vous devriez tous vous réjouir, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, que la France soit le premier pays d’Europe à mettre en place un dispositif de cette nature. J’imagine que la majorité sénatoriale saluera le travail du Gouvernement et de la majorité en la matière ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

À la grande différence du Fonds d’aménagement numérique des territoires, ce guichet peut financer, monsieur le rapporteur, monsieur Leroy, des opérations de montée en débit, ce qui est bien évidemment l’intérêt de nos territoires. Vous devez prendre conscience de cet avantage.

Il aura d’ailleurs des résultats concrets : cinq départements bénéficieront d’une aide de 54 millions d’euros du programme national très haut débit. Ainsi, l’Auvergne, qui est l’une des régions les plus rurales de France, sera l’une des premières à fournir du très haut débit à ses habitants. Vous évoquiez les Hauts-de-Seine, je vous parle pour ma part de l’Auvergne ! (M. Philippe Leroy sourit.) L’action du Gouvernement et l’investissement public permettront justement d’offrir à nos compatriotes vivant en Auvergne le très haut débit.

D’ici à un an, douze départements ou régions seront soutenus par le Gouvernement. Vous le voyez, monsieur le rapporteur, monsieur Leroy, mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit là de réponses concrètes. (M. Yves Rome s’exclame.)

Troisième pilier, le Gouvernement prépare le très haut débit par satellite, avec un investissement de 40 millions d’euros dans la recherche et développement. Chacun l’a bien compris, dans certaines zones, plutôt que de dépenser par tonneaux l’argent des Français, il convient de trouver les solutions les plus efficaces et les mieux adaptées. Le satellite en est une.

Cet engagement permettra de dépasser les performances du satellite Ka-Sat, qui permet d’ores et déjà, vous le savez, monsieur le rapporteur, vous qui connaissez parfaitement ces dossiers, d’atteindre un débit de 10 mégabits par seconde sur l’ensemble de notre territoire.

Un sénateur du groupe socialiste. Ce n’est pas symétrique !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur, monsieur Leroy, je le redis aujourd’hui, 100 % des Français ont aujourd’hui accès au haut débit par ADSL...

M. Jean-Luc Fichet. Ce n’est pas vrai !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. ... ou par satellite. Ne venez pas me dire le contraire !

J’en viens maintenant au contenu de cette proposition de loi.

Plusieurs de ses dispositifs, avec lesquels le Gouvernement est en phase, sont positifs. Je pense notamment aux schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique, dont l’adoption sera obligatoire. Il est extrêmement intelligent d’inciter, grâce à un dispositif d’obligations voire de sanctions, à l’élaboration de ces schémas. Nous devons poursuivre dans cette voie, qui permet de clarifier la situation.

Sachez pourtant, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce texte pose plusieurs difficultés majeures. Je m’efforcerai de rallier à mon point de vue M. le rapporteur, M. Leroy, ainsi qu’un certain nombre de sénateurs de droite comme de gauche, puisque ces questions, en réalité, dépassent le cadre du traditionnel clivage droite-gauche. Ce qui compte, c’est que nous puissions apporter des réponses qui satisfassent nos compatriotes.

L’ensemble du cadre politique, financier et réglementaire est aujourd’hui en place pour le déploiement du très haut débit en France. Certes, entre l’adoption de la loi de modernisation de l’économie et le lancement effectif du programme national très haut débit, quatre ans se sont écoulés. Certains d’entre vous, je le sais, ont pu trouver le temps long ! Le Gouvernement lui-même s’est parfois impatienté, face à la lenteur du processus. Mais il s’agit, je le rappelle, d’un chantier sans précédent : le téléphone avait été déployé en France en un siècle par un opérateur en situation de monopole, ce qui démontre bien que ceux qui croient à une solution publique se trompent.

Nous sommes en train de remplacer l’intégralité de cette boucle locale par de la fibre optique, en à peine quinze ans, et avec la participation de quatre opérateurs nationaux et de dizaines d’opérateurs locaux.

Cette proposition de loi vise à remettre en cause – c’est d’ailleurs l’un des principaux risques de son adoption – le cadre mis en place par le Gouvernement et l’ARCEP, ce qui conduirait à engager un nouveau processus de discussions de plusieurs années. Pouvons-nous nous le permettre, alors même que vous déplorez à juste titre le temps que nous avons déjà perdu ? Vous le savez, monsieur Leroy, monsieur le rapporteur, les investissements seraient de nouveau gelés, comme ils l’ont été entre 2008 et 2010.

Je ne suis pas en train de dénoncer vos objectifs ni même les moyens que vous suggérez pour y parvenir. Je vous rappelle simplement que l’adoption du dispositif que vous proposez aurait pour effet immédiat et pervers, même si vous ne le souhaitez pas, de retarder le déploiement du très haut débit en France, ce qui ne va dans l’intérêt ni de notre économie ni de nos territoires. Vous ne pouvez que partager ce constat.

Les premiers chiffres sont pourtant encourageants : 4,7 millions de foyers, soit 20 % de la population, sont couverts en très haut débit par câble ; 1 350 000 foyers sont raccordés à la fibre optique, qui enregistre un taux de croissance de 40 % par an. L’entreprise France Télécom s’est engagée à doubler le rythme des déploiements en 2012 : 800 000 logements seront ainsi équipés cette année. Il faut y ajouter 200 000 logements neufs, dont l’équipement sera réalisé par les promoteurs, ainsi que les projets menés en faveur de l’Auvergne et de la Manche. Ainsi, un million de logements supplémentaires bénéficieront du très haut débit, ce qui témoigne d’une réelle accélération du rythme de déploiement.

Nous devons poursuivre nos efforts, afin que la France entre de plain-pied dans l’ère du très haut débit. Monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, tous ceux qui croient que les dispositions contenues dans cette proposition de loi permettront de développer le très haut débit se trompent : elles conduiront au contraire, par un effet mécanique, à le freiner, ce que vous ne souhaitez pas. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement ne pourra pas soutenir un certain nombre des solutions techniques que vous proposez.

Je le répète, sur le fond, nos positions ne sont guère différentes. J’attire simplement votre attention sur les dangers que représenterait l’application des dispositifs spécifiques que vous prônez.

Par ailleurs, cette proposition de loi ne permettra pas de mettre en œuvre, comme ses auteurs le prétendent, un aménagement équilibré de nos territoires. Son adoption comporte en effet un certain nombre de risques. En réalité, son principal effet – s’il n’est pas souhaité par les auteurs du texte, ceux qui y sont favorables, notamment à gauche de cet hémicycle, s’en réjouissent – sera de dissuader l’investissement privé dans les zones moins denses de notre territoire.

M. Christian Bourquin. Ne nous provoquez pas !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je ne fais pas partie de ceux qui pensent a priori que la solution doit être d’origine publique. Selon moi, l’intervention publique n’a de sens que si aucune solution privée ne permet d’offrir le service attendu par nos concitoyens.

M. Christian Bourquin. Ne vous en prenez pas aux collectivités locales, monsieur le secrétaire d’Etat !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. L’adoption de cette proposition de loi risquerait de remettre en cause tous les principes de notre économie, en donnant la priorité à l’initiative publique par rapport à l’initiative privée. Tel est le danger principal qui nous menace, monsieur Leroy. Si on systématise l’initiative publique en inscrivant dans la loi le principe de sa priorité, au lieu de l’utiliser seulement, comme le souhaite le Gouvernement, en cas de difficultés rencontrées par les opérateurs privés, on dissuadera malheureusement l’initiative privée.

M. Christian Bourquin. Le raisonnement est un peu poussif !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Dans votre système, ce sont les contribuables qui paieront ! Vous évoquiez tout à l’heure, mesdames, messieurs les sénateurs de gauche, l’« argent des collectivités locales » ! Vous oubliez un peu rapidement que c’est en réalité l’argent des Français, qui, bien souvent, travaillent dur ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Christian Bourquin. Vous avez tout pris aux collectivités locales !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Ces Français n’ont pas envie qu’on utilise le fruit de leur travail pour réaliser des investissements qui pourraient parfaitement être assurés par des entreprises privées.

M. Christian Bourquin. Ne nous faites pas la leçon ; regardez plutôt ce que vous avez fait : le dérapage de la dette en cinq ans !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Or 95 % de nos lignes en fibre optique ont été déployées par les opérateurs privés. Disant cela, je me tourne vers M. le président de la commission de l’économie, qui connaît bien tous ces dossiers, contrairement à certains dans cet hémicycle.

M. Christian Bourquin. Vous n’êtes pas sérieux !

Mme Laurence Rossignol. Comment osez-vous dire des choses pareilles ?

M. Yves Rome. C’est de l’ordre du fantasme !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Vouloir dissuader les investissements privés, qui ont permis de déployer la quasi-totalité des lignes de très haut débit, serait une erreur grave, en termes de stratégie, pour notre pays. Le risque serait de conduire à une forme de renationalisation du réseau de très haut débit, ce que les auteurs de cette proposition de loi, je le sais, ne souhaitent pas. Malheureusement, certains, qui seraient tentés de voter cette proposition de loi, n’attendent que cela !

Rappelez-vous l’échec du plan câble ou encore du minitel ! On avait alors opté pour le « tout public » !

M. Christian Bourquin. Cessez de nous provoquer ! Vous-même êtes loin d’incarner la modernité !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. On sait où cela nous a menés : nos compatriotes, qui ont payé, n’ont pas pu bénéficier du service de qualité qu’ils étaient en droit d’attendre.

C’est précisément l’ouverture à la concurrence et une régulation avisée qui ont permis l’essor de l’internet haut débit, en France comme partout dans le monde. La France est ainsi devenue le troisième pays européen en termes de pénétration de l’internet haut débit, devant l’Allemagne, la Suède et le Royaume-Uni.

Chacun, dans cet hémicycle, devrait se féliciter de cette remarquable situation.

M. Christian Bourquin. Quelle situation ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Soyons fiers de nos acteurs économiques privés et des investissements qui ont été réalisés en France,…

M. Christian Bourquin. C’est de vous que nous ne sommes pas fiers ! (Sourires sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … plutôt que de critiquer en permanence, comme vous le faites, et de montrer du doigt ceux qui ont permis à notre pays d’être en avance sur la plupart des autres pays dans le monde, et même en Europe.

Revenir sur le développement de la concurrence dans ce secteur, si tant est que ce soit possible, c’est renoncer à la baisse des prix, à l’encouragement au déploiement des réseaux et, surtout, à l’innovation. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

À l’approche des prochaines échéances électorales, je prête une oreille attentive à ce qui se dit (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.), et je constate que le mirage de l’encadrement des prix et l’illusion de l’investissement public à tout prix refont surface.

M. Christian Bourquin. Vous avez tout lâché !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Par exemple, dans le domaine du logement, j’entendais François Hollande, candidat à l’élection présidentielle,...

M. Christian Bourquin. Vous dérapez, monsieur le secrétaire d’État !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. ... nous expliquer que l’encadrement des prix réglerait le problème de la hausse des loyers.

M. Christian Bourquin. On n’est pas en campagne électorale ! Vous faites comme le Président de la République !

M. le président. Monsieur Bourquin, vous n’avez pas la parole ; veuillez laisser s’exprimer M. le secrétaire d’État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Monsieur le président, je vous remercie de me permettre de poursuivre mon propos, qui, visiblement, provoque une certaine gêne sur les travées de gauche de cet hémicycle ! Si tel n’était pas le cas, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, vous me laisseriez parler !

M. Christian Bourquin. Eh bien parlez !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je suis certain que cela va vous faire plaisir !

S’agissant de la question de l’encadrement des loyers (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues, un peu de calme, s’il vous plaît ! Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Décidément, cela vous gêne ! Sinon, ayez la patience de m’écouter trente secondes.

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est hors sujet !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. M. le président de la commission de l’économie sait bien où je veux en venir puisqu’il m’a déjà entendu.

Quand M. Hollande, donc, déclare aux Français qu’il va encadrer les loyers,...

M. Yves Rome. Nous ne sommes pas en campagne électorale !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. ... en réalité, c’est un mirage !

M. Jean-Jacques Mirassou. Cela n’a rien à voir !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Mais si, c’est exactement le même sujet, celui de la concurrence ! (M. Christian Bourquin s’exclame.)

Visiblement, cela vous dérange puisque vous ne me laissez pas parler. Je suis très patient, je peux attendre. Je peux même me taire le temps que vous vous calmiez... (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Christian Bourquin. Vous avez peut-être remarqué que vous avez la parole depuis un certain temps !

M. le président. Mes chers collègues, seul M. le secrétaire d'État a la parole !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Même si cela vous gêne tant, mesdames, messieurs les sénateurs de la gauche,...

M. Christian Bourquin. Et du centre !

M. Jean-Jacques Mirassou. Cela ne nous gêne pas !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … je vous le répète : François Hollande s’est déclaré favorable à l’encadrement des loyers plutôt qu’à la concurrence. S’agissant de l’aménagement numérique du territoire, la problématique est strictement identique : vous voulez promouvoir l’intervention publique plutôt que d’inciter les opérateurs privés à investir dans le cadre d’un système concurrentiel.

Permettez-moi de vous poser une question : qui a mis fin à l’encadrement des loyers ? Je vous écoute ! Vous êtes moins bruyants, d’un seul coup !

M. Christian Bourquin. On parle du numérique !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je vous le donne en mille : c’est M. Jospin, en 1997 ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Il avait bien compris que l’encadrement des loyers non seulement ne servait à rien, mais encore allait à l’encontre de l’intérêt de nos compatriotes. De temps en temps, il n’est pas inutile, avant de faire des propositions, de réfléchir et de se rappeler certains faits du passé...

S’agissant du sujet qui nous occupe aujourd’hui, je vous invite à faire de même. Je le répète, revenir sur le développement de la concurrence dans ce secteur, en admettant que ce soit possible, c’est renoncer à la baisse des prix et à l’innovation. Contrairement à ce que certains prétendent, dissuader l’investissement privé ne réduira pas les besoins en financements publics, au contraire. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

M. Yves Rome. Nous n’avons pas dit cela !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je voudrais citer l’exemple de la région Auvergne. Je fais souvent référence à ce territoire, auquel je suis très attaché, d’une part, parce que j’y compte quelques amis…

M. Pierre Charon. Brice ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Brice Hortefeux, en effet !

M. Jean-Michel Baylet. Et M. Mézard !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. D’autre part, par atavisme familial, parce que ma belle-famille est originaire de cette magnifique région. (Ah ! et sourires.)

M. Christian Bourquin. On s’en moque !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Puisqu’on a systématiquement tendance à m’associer aux Hauts-de-Seine – cela a encore été le cas tout à l’heure –, il ne m’a pas paru inutile d’observer ce qui se passe dans une région rurale confrontée à des difficultés.

M. Raymond Vall. Il ne se passe pas grand-chose !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. En Auvergne, donc, les déploiements des opérateurs privés ont permis une baisse de 20 % de l’investissement public.

M. Yves Rome. On verra !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Savez-vous qui le dit ? C’est non pas le Gouvernement, mais le conseil régional d’Auvergne. Qui le préside ? Ni l’UMP ni le Nouveau Centre !

Mme Laurence Rossignol. Vous ne présidez qu’une seule région !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Pareillement, le département de Seine-et-Marne a chiffré le surcoût d’un déploiement public sur les zones rentables : 80 millions d’euros d’argent public supplémentaires ! Encore une fois, c’est non pas le Gouvernement qui le dit, mais la collectivité territoriale.

Cela renchérit le coût du réseau d’initiative publique de 25 % et pourrait, en outre, remettre en cause l’équilibre économique du projet public. Or j’imagine que pas un seul d’entre vous ne voudrait en prendre le risque, simplement parce que les opérateurs privés risqueraient de ne pas se raccorder à ce réseau.

M. Jean-Jacques Mirassou. Il fait les questions et les réponses !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Dissuader l’investissement privé revient à confronter l’État et les collectivités à ce que l’on appelle le « mur d’investissement » de la fibre optique.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. M. Retailleau connaît bien ces sujets, tout comme Hervé Maurey.

Je vous pose la question suivante : comment financerez-vous 24 milliards d’euros d’investissement public ?

M. Yves Rome. Vous aurez la réponse !

M. Gérard Le Cam. Par les niches fiscales !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Puisque des échéances importantes approchent, j’aimerais que vous nous disiez comment vous comptez faire. Vous savez parfaitement, les uns et les autres, que cette proposition est totalement incompatible avec l’état actuel de nos finances publiques. Faire croire le contraire aux Français, c’est les prendre pour des gogos, et nos compatriotes ne sont pas prêts à croire n’importe quoi. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Christian Bourquin. Il n’y en a plus beaucoup qui vous croient !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Pour conclure, je veux souligner que le Gouvernement partage les intentions des auteurs de cette proposition de loi et approuve un certain nombre de ses dispositions, qui représentent des avancées, notamment en termes de volontarisme. Et je sais, monsieur le rapporteur, combien vous êtes volontariste en la matière.

Néanmoins, ce texte soulève un certain nombre de difficultés sur le plan technique. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement considère que son adoption risquerait de bloquer véritablement le déploiement du très haut débit dans notre pays, en contradiction avec l’objectif que visent ses auteurs. Et je sais à quel point ce combat est cher à M. le rapporteur et à Philippe Leroy.

Le Gouvernement vous propose au contraire de poursuivre dans la démarche qu’il a déjà engagée visant à permettre à tous les Français d’accéder au très haut débit. C’est le choix du progrès que nous vous demandons de faire !

Je le répète, même si nous partageons les intentions des auteurs de cette proposition de loi et approuvons plusieurs de ses dispositions, nous ne pouvons nous y montrer favorables dans son ensemble, certains de ses articles présentant un risque sérieux de nature à entraver le déploiement du numérique dans notre pays, notamment eu égard aux investisseurs privés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

Rappel au règlement

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer l'aménagement numérique du territoire
Discussion générale (début)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour un rappel au règlement.

Mme Laurence Rossignol. Mon rappel au règlement se fonde sur les articles 36 et 40 de notre règlement.

D’abord, monsieur le secrétaire d'État, il serait souhaitable que vous vous conformiez davantage au déroulement des débats en évitant d’interpeller constamment les sénateurs siégeant à la gauche de cet hémicycle et de répondre, de manière tout à fait malvenue, à des interventions qui n’ont pas encore eu lieu.

Faut-il vous rappeler que, avant vous, seuls se sont exprimés MM. Philippe Leroy, coauteur de la proposition de loi, et Hervé Maurey, rapporteur, par ailleurs tous deux membres de la majorité gouvernementale ?

Ensuite, reprocher à certains d’entre nous de méconnaître leurs dossiers, c’est méprisant et d’autant plus déplacé qu’ils ne sont pas encore intervenus !

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, cette proposition de loi a donné lieu à un travail approfondi en commission, auquel ont pris part l’ensemble des sénateurs. Aussi, nous déplorons votre volonté de mêler les discussions autour de l’élection présidentielle à nos débats, comme l’attestent vos diverses références au candidat François Hollande, qui n’est pas membre de cette assemblée et ne s’est pas prononcé sur cette proposition de loi. Aujourd’hui, nous débattons d’une proposition de loi et non de la campagne présidentielle ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, vous donnez des leçons au Gouvernement…

M. Claude Bérit-Débat. Au secrétaire d’État !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Il se trouve que je représente le Gouvernement, monsieur le sénateur. Personne d’autre, dans cet hémicycle, que je sache, n’assume cette charge.

Je disais donc que vous donniez des leçons au Gouvernement, madame la sénatrice, mais permettez-moi de vous dire que, sur ce sujet qui devrait pourtant être consensuel, je me suis efforcé d’expliquer pourquoi nous approuvions certaines dispositions de cette proposition de loi et pourquoi nous estimions que d’autres éléments comportaient des risques, et ce en dépit des vociférations – c’est bien le mot qui convient (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) d’une partie de cet hémicycle –…

M. Christian Bourquin. Vous êtes un provocateur !

Mme Laurence Rossignol. Vous n’avez jamais été parlementaire !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Si, je l’ai été, mais je n’ai jamais vociféré comme vous l’avez fait aujourd’hui – vous pourrez le vérifier –, parce que je considère que ce genre de comportement tire malheureusement le débat public vers le bas. Je le répète, j’ai été interrompu en permanence par des vociférations.

M. Christian Bourquin. Arrêtez donc !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. En voici une de plus ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) D’ailleurs, monsieur le sénateur, vous êtes un spécialiste en la matière ! (M. Christian Bourquin s’exclame.)

M. le président. Monsieur Bourquin, vous n’avez pas la parole ! Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'État.

M. Christian Bourquin. Il nous provoque !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Parce qu’il est important d’éclairer nos compatriotes, j’ai simplement essayé d’expliquer que, sur ce sujet, il existe deux visions de la société :...

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. ... soit faire intervenir la puissance publique, avec l’argent des Français et non pas avec l’argent des collectivités locales, comme je l’ai entendu, ou celui de l’État, comme je l’entends parfois ; soit considérer que la collectivité publique n’intervient que si les investisseurs privés font défaut, et défendre un régime de concurrence, ce qui est exactement l’inverse de ce que vous défendez.

Au milieu des vociférations et du brouhaha, j’ai entendu, à plusieurs reprises, quelques réflexions parfaitement compréhensibles provenant de la gauche de l’hémicycle. À partir du moment où vous m’avez interrogé, il était normal que je vous réponde.

Il est sain, dans un débat démocratique, que le Gouvernement réponde aux interpellations des sénateurs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le secrétaire d'État, je vous ai connu, à d’autres moments, bien plus constructif. Si je puis me permettre de vous donner un conseil, vous devriez changer de ton et d’attitude. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Mes chers collègues de la majorité présidentielle, M. le secrétaire d’État m’ayant cité tout à l’heure, je ne fais que lui répondre !

Nous traitons ici d’un problème touchant à l’aménagement du territoire. Aussi, monsieur le secrétaire d'État, vous devriez vous rappeler ce à quoi vous a conduits, le 25 septembre dernier, votre refus d’écouter les collectivités locales. Or, je le rappelle, elles se sont toutes prononcées en faveur du présent texte. Vous ne pouvez tout de même pas avoir raison contre tout le monde ! (M. Pierre Hérisson s’exclame.)

Cette proposition de loi, qui a fait l’objet d’un travail transversal remarquable, a été adoptée à l’unanimité par la commission de l’économie. Compte tenu des objectifs et des enjeux qu’elle contient en termes d’aménagement du territoire, vous devriez l’appréhender avec plus de considération. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Monsieur le secrétaire d'État, finissez-en avec les provocations concernant le logement ou l’élection présidentielle : vous êtes hors sujet ! Revenez-en à l’aménagement du territoire et vous nous trouverez constructifs à vos côtés. (Bravo ! et nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

Discussion générale (suite)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Mireille Schurch.

Rappel au règlement
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer l'aménagement numérique du territoire
Discussion générale (interruption de la discussion)

Mme Sylvie Goy-Chavent. Revenons au numérique !

Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les auteurs de la présente proposition de loi, nos collègues Philippe Leroy et Hervé Maurey, pointent, très clairement à nos yeux, les enjeux liés à l’accès au numérique dans nos territoires. Nous voilà donc au cœur du sujet !

Ils posent en substance plusieurs questions. Quelle valeur contraignante et quelle consistance donner aux documents programmatiques d’aménagement numérique ? Qui doit financer cet effort ?

M. Pierre Hérisson. C’est la vraie question !

Mme Sylvie Goy-Chavent. La bonne question !

Mme Mireille Schurch. Comment coordonner initiatives publiques et privées, et selon quels critères ? Enfin, quels doivent être les droits de nos concitoyens ?

Ces questions méritent une réponse ; en ce sens, le débat que nous allons avoir est utile et nécessaire.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Les Français !

Mme Mireille Schurch. Malgré la satisfaction affichée par le Gouvernement, la France a pris un retard préjudiciable sur ces questions – retard qui inquiète les collectivités – et elle risque aujourd’hui de rater le virage du numérique à cause d’une ambition trop faible.

Pourtant, nous le voyons bien, la question de l’accès au numérique pour tous et dans tous les territoires correspond bien aux défis du xxie siècle en termes de création d’infrastructures de réseau, comme ce fut le cas dans le passé pour les réseaux de téléphone, d’électricité, d’eau ou de chemins de fer.

Ainsi, aujourd’hui, l’accès à ces technologies est déterminant dans tous les domaines de la vie quotidienne de nos concitoyens, que ce soit la santé, l’éducation, les achats, les documents administratifs, mais aussi l’industrie, l’agriculture, le tourisme et la culture.

Par ailleurs, l’économie numérique est un puissant facteur de croissance et pourrait également constituer un outil privilégié d’une politique ambitieuse de réindustrialisation.

Dans le même ordre d’idée, la manière dont nous aurons pensé ce développement numérique nous permettra de lutter contre d’autres fractures, sociales et territoriales.

C’est pourquoi nous considérons que le programme national très haut débit, adopté en 2010, manque d’ambition en fixant l’échéance de couverture totale du territoire à l’horizon de 2025. Il procède également, à notre sens, d’une mauvaise architecture puisque, dans les zones non rentables, il fait reposer l’effort exclusivement sur les collectivités alors que, dans les zones rentables, il laisse les opérateurs privés se partager les bénéfices, par la multiplication des réseaux et des offres.

Nous sommes bien là dans le schéma libéral qui socialise les pertes et privatise les profits. Les collectivités ne sont en effet amenées à intervenir que pour suppléer la carence du privé, et ce alors même que le souci partagé de bonne gestion des deniers publics devrait nous rendre plus vigilants. Nous considérons qu’il est anormal de faire peser sur les collectivités le risque d’investissement dans un secteur où les technologies sont en évolution permanente.

En outre, le dispositif institué est particulièrement favorable aux investisseurs privés, qui bénéficient des infrastructures par la mutualisation, ou de l’intervention publique dans les zones non rentables. Pour les grands opérateurs, c’est donc un investissement sans risque, avec un retour sur investissement garanti !

L’Autorité de la concurrence et l’ARCEP considèrent même que le cadre d’intervention défini par le programme national très haut débit est contraire à la concurrence, dans la mesure où il favorise trop nettement l’intervention privée.

Le Gouvernement a donc mis en place un mécanisme qui, loin de préserver l’intérêt général et les droits de nos concitoyens, garantit simplement la profitabilité pour les opérateurs privés.

M. Gérard Le Cam. Très bien !

Mme Mireille Schurch. Ces derniers ne sont astreints à aucune obligation d’intervention et doivent simplement déclarer leurs intentions d’investissement, sans être tenus de les réaliser.

C’est pourquoi nous approuvons le mécanisme de sanctions prévu par la présente proposition de loi, en son article 12, pour les engagements qui ne sont pas respectés dans le cadre des schémas d’aménagement numérique des territoires.

Nous contestons également l’absence de péréquation entre les différentes zones définies par le programme. De fait, la péréquation est inexistante, puisque les collectivités en zone peu dense devront financer leurs propres réseaux, avec l’aide éventuelle du Fonds d’aménagement numérique des territoires – espérons qu’il soit alimenté par des fonds... – et ce, alors même que les collectivités situées en zone dense n’auront pas d’investissements à financer.

Si le Gouvernement considère que la péréquation est remplie par une répartition des marchés entre les collectivités et les opérateurs privés, et que les engagements pris par les opérateurs de couvrir 57 % de la population d’ici à 2020 sont suffisants, notons tout de même qu’il restera dans ce cadre près de 23 milliards d'euros à la charge du financement public.

Dès lors, la péréquation horizontale proposée est une farce. Elle est bien éloignée de l’ambition républicaine de lutte contre les disparités territoriales, inscrite dans notre histoire et dans notre droit.

Eh oui, mes chers collègues, si nous sommes tous d’accord sur les enjeux du passage au numérique, nous nous heurtons au final sur la question du financement et sur celle de savoir à qui il revient de payer.

M. Gérard Le Cam. Très bien !

Mme Mireille Schurch. Ainsi, le Fonds d’aménagement numérique du territoire, institué par la loi de 2009, n’a jamais été créé, le financement du très haut débit reposant uniquement sur l’enveloppe ponctuelle octroyée par l’État dans le cadre des emprunts d’avenir, à hauteur de 900 millions d'euros.

Les auteurs de la proposition de loi ont donc eu raison de soulever à nouveau, comme ils le font dans les articles 15 et 16, la question du financement. Pour autant, nous ne sommes pas en accord avec les pistes de financement préconisées dans la proposition de loi, et d’ailleurs supprimées par la commission. Ces pistes faisaient reposer l’effort essentiellement sur les usagers des télécommunications, voire de consoles vidéo.

Les milliards d’euros de profits du secteur des télécoms démontrent pourtant qu’une autre répartition des richesses favorable à l’investissement productif permettrait le financement propre des infrastructures de réseaux sans mettre à contribution ni la collectivité ni les usagers.

Tout cela nous amène à considérer que la privatisation de France Télécom, en 1997, fut une redoutable erreur qui a conduit l’entreprise à se doter d’une stratégie reposant uniquement sur la rentabilité et non sur des missions de service public propres à satisfaire à l’intérêt général.

Le changement de stratégie s’est fait très simplement, comme en témoigne la hauteur des bénéfices réalisés par l’entreprise – 28 milliards d'euros pour les cinq dernières années –, à mettre en corrélation, bien sûr, avec une politique sociale désastreuse que nous déplorons.

À ce titre, il est significatif de constater que France Télécom a su trouver intérêt au dégroupage, lequel représente un gain annuel de 800 millions d'euros par an, qui ne sont pas réinjectés dans le financement des solutions d’avenir.

Nous comprenons donc bien que l’opérateur historique n’ait aucun intérêt, en l’état, à déployer la fibre optique au regard de la rente du réseau en fil de cuivre. Mais pour quelle utilité sociale avons-nous permis tout ce gâchis ?

Pour toutes ces raisons, nous proposerons un financement reposant sur les opérateurs de télécommunications, et dont le coût ne pourra pas être répercuté sur les usagers. Reconnaissez, mes chers collègues, que leurs bénéfices leur permettront largement de financer cet effort ! Il est en effet intolérable que la logique concurrentielle et les stratégies financières des entreprises aboutissent aujourd’hui à ce que tous les opérateurs se renvoient la balle, refusant de financer le développement de la fibre optique sous prétexte que leurs concurrents risqueraient d’en profiter.

Nous prônons donc, et depuis longtemps, la pertinence d’un opérateur unique ayant la capacité, grâce à des ressources soumises à péréquation, de procéder à un aménagement progressif de l’ensemble du territoire, plutôt que l’application de règles complexes et la présence de multiples acteurs ne permettant pas d’avoir une réelle vue globale du secteur numérique, qui revêt pourtant un intérêt général national.

Nous proposons donc de rétablir un monopole public sur les infrastructures de réseaux pour assurer un équipement complet du territoire. C’est nécessaire si l’on veut éviter les gâchis dus à la concurrence, notamment dans les zones rentables où se superposent pléthores de réseaux, comme cela s’est produit dans les Hauts-de-Seine.

Par ailleurs, nous souhaitons en lieu et place d’un droit au numérique opposable, auquel nous prédisons la même destinée que celle du droit au logement opposable, le DALO, la redéfinition du champ et des missions de service public imposables aux opérateurs en termes de déploiement du réseau, mais également de tarification. Une disposition déclaratoire, telle que celle qui est rédigée à l’article 8, ne permettra pas de transformer en acte cet engagement du haut débit pour tous. Il faut par la loi nous en donner les moyens, et c’est ce que nous vous proposerons.

Plus précisément, sur le corps même de cette proposition de loi, outre les dispositions que nous avons déjà mentionnées, nous sommes en accord avec les principes d’obligation à la contractualisation et de planification de la couverture du territoire par la fibre optique dans le cadre de schémas précis.

Toutefois, sur le fond, nous estimons que ce texte ne règle pas le problème essentiel de la structuration du marché des télécommunications et du financement de la fibre optique. Comme le reconnaît l’un de ses auteurs, il s’agit non pas de casser le modèle qui prévaut aujourd’hui, mais bien de l’améliorer, ce qui nous semble difficile en l’état et dans le cadre d’un marché libéralisé des télécommunications. C’est tout simplement, à notre avis, de logiciel qu’il faut changer, et pour cette raison, nous nous abstiendrons sur ce texte, malgré l’excellent travail de la commission de l’économie et de son rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet. (Mme Anne-Marie Escoffier applaudit.)

M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, « mettre en valeur le rôle de l’électricité dans la vie nationale et dégager notamment le rôle social de premier plan joué par la lumière électrique », tels sont les termes de la commande passée par la Compagnie parisienne de distribution d’électricité au peintre Raoul Dufy pour sa fameuse fresque La Fée Électricité.

L’électrification complète de notre territoire national ne s’est pas faite en un jour. Elle a nécessité un investissement financier important et, surtout, une volonté politique sans faille. Ce sont ces deux éléments essentiels, monsieur le secrétaire d'État, qui manquent cruellement aujourd’hui à la politique du Gouvernement en matière tant de développement des nouvelles technologies d’information et de communication que d’aménagement équilibré du territoire.

En effet, la révolution numérique est similaire à celle qui a été provoquée par l’arrivée de l’électricité quant à l’aménagement du territoire. Le déploiement du haut débit, et de surcroît, bien sûr, du très haut débit, constitue un enjeu prioritaire pour nos départements qui ne peuvent, sans ces outils, être attractifs ni pour les particuliers ni pour les entreprises.

Pourtant, l’amélioration de la vie quotidienne des usagers et la portée sociale des technologies numériques ne sauraient être contestées. Elles offrent notamment des possibilités de télétravail, de démarches administratives à distance, mais aussi de télémédecine particulièrement appréciées par nos concitoyens ruraux qui vivent dans des zones enclavées et qui voient la dégradation quotidienne des services publics et la fermeture de trop nombreuses entreprises.

De même, l’aménagement numérique du territoire représente un enjeu primordial pour le développement économique et la compétitivité de nos entreprises qui ne peuvent pas supporter, nous le savons, le handicap que constitue l’absence d’accès aux haut et très haut débits dans des conditions financières acceptables.

Vingt-deuxième sur vingt-six pays européens, force est de constater que la France n’a pas réussi à prendre à la corde le virage numérique. Comme l’a souligné avec pertinence M. le rapporteur, le retard pris dans le déploiement du très haut débit, lié sans doute à une insuffisance de moyens, mais aussi, disons-le, à un manque d’ambition, crée une nouvelle fracture numérique entre zones urbaines denses et zones rurales peu denses.

M. Jean-Michel Baylet. Mes chers collègues, à l’évidence, la solution retenue ab initio, fondée sur l’initiative privée, a montré ses limites, en dépit des propos tenus voilà quelques instants à cette tribune.

En effet, les opérateurs privés disposent de tout pouvoir quant au déploiement et se concentrent naturellement sur les zones les plus rentables. Reléguées au second plan, cantonnées malheureusement, monsieur le secrétaire d'État – et vous l’avez confirmé tout à l'heure –, à un rôle de substitution, les collectivités territoriales doivent prendre à leur charge l’installation du très haut débit dans les zones les moins denses, et donc les plus coûteuses.

Très attachés à l’égalité de nos concitoyens sur l’ensemble du territoire national et à la défense du milieu rural, les radicaux de gauche regrettent qu’une réelle péréquation n’ait pas été établie, et, surtout, que l’État n’ait pas retenu un modèle de déploiement du très haut débit plus pertinent, tel que le recours à un opérateur unique mutualisé, qui aurait d’ailleurs pu être public.

Mme Mireille Schurch. Très bien !

M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le secrétaire d’État, vous savez comme moi que l’enclavement géographique va trop souvent de pair avec le marasme économique. Vous demandez aux collectivités, que vous venez d'ailleurs de clouer au pilori à l’instant,…

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Absolument pas !

M. Jean-Michel Baylet. … de remplir une fois encore – vous venez de le confirmer, nous en prenons acte – l’une des missions que l’État a abandonnées. (Eh oui ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.) Je vous invite à plus de respect pour lesdites collectivités, qui régulièrement sont obligées de pallier les carences de l’État et du Gouvernement en se substituant à eux.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Vous oubliez que c’est l’argent des Français !

M. Jean-Michel Baylet. Mais l’argent des Français, c’est celui de l’État et des collectivités !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. C’est bien ce que j’ai dit !

M. Jean-Michel Baylet. Les collectivités, jusqu’à nouvel ordre, donnent un meilleur exemple de gestion des finances que ne le fait l’État ! (Bravo ! sur plusieurs travées du RDSE et du groupe socialiste. – Protestations sur certaines travées de l'UMP.)

M. Jean-Michel Baylet. Elles ont des budgets équilibrés et ne cumulent pas les déficits, elles !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Elles augmentent l’impôt et la dépense publique !

M. Jean-Michel Baylet. Tirant les conséquences inquiétantes de la situation numérique de la France, les auteurs de ce texte nous proposent de nombreuses solutions à même de combler notre retard. Je me félicite particulièrement de la création d’un droit opposable « au haut débit » ou encore de la possibilité offerte aux collectivités de voir leurs « projets intégrés » faire l’objet d’un financement public national.

Pour conclure, je tiens à saluer la mise en place d’une dose de péréquation dans l’octroi des subventions du Fonds d’aménagement numérique des territoires, le FANT, fondée sur les capacités financières des collectivités et sur le degré de ruralité des zones couvertes.

Pour toutes ces raisons et en l’état actuel du texte issu des travaux de la commission de l’économie, commission que je tiens à féliciter, les sénateurs radicaux de gauche apporteront leur soutien à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, vous connaissez tous cette phrase du général de Gaulle : « Vers l'Orient compliqué, je volais avec des idées simples ».

M. Pierre Hérisson. Très bien ! 

M. Bruno Retailleau. Je crois qu’en matière de numérique, où les choses sont souvent très compliquées, très techniques, il faut faire preuve d’un minimum de bon sens si l’on veut s’extraire de la complexité effectivement inhérente à ce sujet.

M. Pierre Hérisson. Effectivement !

M. Bruno Retailleau. Je voudrais dire, après vous, monsieur le secrétaire d’État, au rapporteur et au coauteur de la proposition de loi, Philippe Leroy, que nous partageons, me semble-t-il, la même conviction et que nous partons de la même analyse.

En tant qu’élus, nous représentons des villes, des quartiers, mais aussi des milieux ruraux. Or il est clair que, comme vient de le dire mon collègue président de conseil général Jean-Michel Baylet, nous souffrons, en milieu rural ou dans certains quartiers, de voir que de grandes villes, sans rien débourser,…

M. Yves Rome. Très bien !

M. Bruno Retailleau. … vont bénéficier du déploiement de certains réseaux, tels que la fibre ou la 4G, auquel nous devrons, nous, contribuer.

Nous partageons la conviction qu’avec le numérique rien ne sera plus comme avant. Le numérique change le monde. Il réinvente notre quotidien dans toutes ses dimensions.

Comme on l’a vu avec les révolutions arabes, c’est aussi un vecteur puissant de démocratisation. Désormais, les tyrannies ne peuvent plus s’abriter derrière le manteau sombre de l’ignorance pour accomplir leurs basses œuvres.

Enfin, nous savons très bien que, grâce au numérique, nous pourrons relever l’un des grands défis économiques français, car c’est aussi un vecteur extrêmement important de compétitivité et de productivité.

Mais, en même temps, face à cette espérance que nous donne le numérique, nous avons une crainte formidable dont j’ai parlé il y a quelques instants. L’espérance numérique a en quelque sorte une sœur jumelle, presque une sœur siamoise, qui est la crainte d’une fracture numérique au moment même où nous devons déployer sur l’ensemble du territoire français deux infrastructures essentielles de la société de l’information de demain, l’une fixe avec la fibre, et l’autre mobile avec la 4G. Bien entendu, les deux sont complémentaires, il ne s’agit pas d’opposer ces deux grandes infrastructures.

Il y a des convergences sur les convictions, sur le point de départ, ainsi que sur un certain nombre de dispositions.

Je suis tout à fait favorable à rendre les SDTAN obligatoires. Lors de l’examen de la loi Pintat, nous nous étions interrogés. Nous préférions, à l’époque, une incitation plutôt qu’une obligation puisque c’était le tout début. Je suis parfaitement d’accord que le SDTAN doit être le lieu d’une contractualisation assez ferme avec les opérateurs et d’une stratégie globale aussi bien sur le fixe que sur le mobile.

Nous sommes aussi parfaitement d’accord sur le fait qu’il faut aller plus loin en matière de couverture (M. Yves Rome opine.) : si beaucoup a été fait, il reste des zones blanches.

Enfin, la tarification pour les entreprises – qui est d'ailleurs selon moi un des points les plus originaux de votre projet – mérite aussi l’attention. Beaucoup d’entreprises bénéficient d’offres en matière de fibre mais la tarification est souvent élevée. À ce titre, on doit pouvoir raisonnablement traiter ce genre de problème.

En dépit des liens qui peuvent nous unir les uns aux autres, il existe aussi des points de divergence. Je le dis en usant de ma liberté de parole qui, sur ces sujets comme sur d’autres, m’a parfois amené à soutenir des positions contraires à celles que défendait le Gouvernement.

Aujourd’hui, je me retrouve dans les propos de M. le secrétaire d’État (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.) – je le dis avec la même liberté – parce qu’ils correspondent à mes convictions…

M. Pierre Hérisson. Très bien !

M. Bruno Retailleau. … et je vais tenter de le démontrer.

J’ai deux points de désaccord majeurs. Le premier, nous en reparlerons. Je pense qu’il est dangereux, par souci de cohérence, de vouloir organiser partout des jardins à la française, lesquels se transforment souvent en labyrinthes. Lier les SDTAN avec les documents d’urbanisme, mes chers collègues, même s’il ne s’agit que d’une prise en compte, me paraît hasardeux. La jurisprudence du Conseil d’État sur ce sujet et sur le terme de la prise en compte, dont je vous ferai part, m’incite à dire qu’il faut faire attention.

Nous examinerons sans doute les propositions d’Éric Doligé. Notre excellente délégation aux collectivités territoriales avait, dans un rapport, traité de « maladie de la norme » cet excès bien français. Veillons donc à ne pas en rajouter ! Il y a ici un arc électrique qui est un cadeau empoisonné à tous les élus de France, ruraux et citadins.

M. Pierre Hérisson. Absolument !

M. Bruno Retailleau. J’en viens au cœur du sujet. Mon désaccord le plus fondamental porte sur la logique de ce texte, qui, selon moi, enferme dans un face-à-face les opérateurs privés et les collectivités locales. Cette logique de la confrontation sera par ailleurs contre-productive, quelle que soit notre appartenance politique, notre position idéologique.

M. Pierre Hérisson. Tout à fait !

M. Bruno Retailleau. La confrontation, je la vois dans la sanction que vous voulez instituer à l’égard d’opérateurs qui ont parfois été très allants. En tout cas, ce sont ceux qui ont été les plus actifs dans la couverture des villes moyennes qui se retrouvent finalement menacés de sanction. Vous faites peser sur les opérateurs une sorte de présomption de culpabilité, alors que – sanction ou pas – cela ne changera rien. Vous verrez que cela ne simplifiera pas les choses. Tel est le premier point qui me paraît favoriser la confrontation.

Un deuxième point incite à la confrontation : là où existe un réseau privé, vous souhaitez encourager les collectivités à développer un réseau public (M. le président de la commission fait un signe de dénégation.) ;…

M. Yves Rome. Mais non !

M. Bruno Retailleau. … c’est l’article 10, sur lequel je vais revenir, car la disposition qu’il prévoit ne me paraît pas raisonnable.

Le paroxysme, si je puis dire, est atteint avec les articles 13 et 13 bis – ce dernier résulte d'ailleurs d’un amendement socialiste – dans lesquels vous proposez la séparation fonctionnelle. Michel Teston et d’autres qui ont souvent lutté contre la séparation fonctionnelle devraient s’interroger. J’aimerais savoir ce qu’il y a derrière ce projet.

Lorsqu’on a donné à l’ARCEP cette arme nucléaire pour lutter contre des procédés discriminatoires, en tout dernier recours, une fois tous les autres remèdes épuisés, vous vous y êtes violemment opposés, chers collègues. Là, vous proposez d’étudier cette perspective, qui est celle du démembrement.

Mais vous proposez aussi d’exproprier l’opérateur historique. J’ai également été rapporteur de la loi relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, qui a organisé le basculement sur les fréquences hertziennes. (Mme Sylvie Goy-Chavent s’exclame.) Les fréquences hertziennes, c’est le patrimoine immatériel de l’État. Le réseau « cuivre », ce n’est pas la propriété de l’État ; il s’agit d’une expropriation. En mettant l’un à côté de l’autre ces deux articles, c'est-à-dire la séparation fonctionnelle et cette perspective d’expropriation, vous envoyez des signaux qui renforcent la confrontation.

M. Yves Rome. Mais non !

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Cela ne figure pas dans le texte !

M. Bruno Retailleau. Par ailleurs, cette confrontation, je l’ai dit, sera contre-productive. Nous disposons aujourd'hui d’un cadre, qu’il a fallu à peu près quatre années depuis la loi LME pour stabiliser. Or, pour l’investissement tant public que privé, on ne peut pas changer à tout bout de champ les règles du jeu, ce cadre ayant à peine été établi. La bougeotte fiscale, réglementaire ou législative est une mauvaise chose, car les entreprises ont besoin de perspectives, d’un cadre stable au regard de leurs investissements, qui sont lourds.

Autre point important, comme plusieurs d’entre nous l’ont souligné, cette proposition de loi traduit un regret, la nostalgie d’un autre modèle, qui aurait pu être porté par une sorte de monopole public.

M. Bruno Retailleau. N’ayant pu le faire par le haut, vous essayez finalement de le faire par le bas via les collectivités.

M. Yves Rome. C’est de la caricature !

M. Bruno Retailleau. Ce n’est pas de la caricature. La France a choisi un modèle mixte, qui combine l’initiative publique et l’initiative privée et incite à un haut niveau de mutualisation. (Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

Savez-vous, mes chers collègues, que dans les zones denses plus de 50 % des coûts seront mutualisés et que dans les zones faiblement denses au moins 90 % des coûts seront mutualisés ?

M. Yves Rome. N’importe quoi !

M. Bruno Retailleau. Ce choix de la complémentarité, de la mutualisation, est, à mon sens, le seul qui nous permette de relever le défi de ce mur d’investissement qui est important.

Mme Mireille Schurch. Non, ce n’est pas le seul !

M. Bruno Retailleau. J’en viens au fameux article 10 qui, pour moi, résume bien les choses et constitue le nœud de cette proposition de loi. Cet article est contre-productif sur les plans juridique et économique.

Sur le plan juridique, je vous renvoie à l’avis rendu par l’Autorité de la concurrence qui est dans le droit fil de celui qu’a rendu l’ARCEP il y a quelques mois : les collectivités ont le droit d’établir des SIEG. L’Autorité a néanmoins pris le soin d’indiquer, en citant l’exemple des Hauts-de-Seine, qui est aujourd’hui contesté auprès du Tribunal de l’Union européenne, qu’il fallait être prudent.

Je pense en effet que, sur le plan juridique, c’est un nid à contentieux. Un des critères essentiels des SIEG est leur dimension universelle. En clair, en matière de couverture du territoire, dès lors que vous vous engagez dans cette voie – vous êtes libre de le faire –, il faut couvrir la totalité des foyers d’un territoire donné.

Sur le plan économique, il y a la question de la mutualisation. Quand, nous, élus, entendons le mot « mutualisation », nous dressons l’oreille : les riches vont-ils payer pour les plus pauvres ? Le problème est que, là encore, c’est contre-productif et ce n’est pas rendre service aux collectivités territoriales.

Plusieurs exemples ont déjà été cités, notamment la Seine-et-Marne. Je pourrais citer la Vendée, qui a voté, voilà quelques mois, son schéma directeur territorial d’aménagement numérique, les Hauts-de-Seine et l’Auvergne.

En Auvergne, le président du conseil régional, René Souchon, a étudié deux hypothèses : l’une est fondée sur une mutualisation et une couverture totale sans tenir compte de la complémentarité et l’autre, à l’inverse, en tenant compte de cette complémentarité. Le surcoût de l’une par rapport à l’autre de ces hypothèses est de 20 %.

Prenons maintenant le cas des Hauts-de-Seine qu’on peut considérer comme une zone globalement dense. Le département, malgré tout, doit apporter 59 millions d’euros. Mais si la mutualisation était la panacée, alors les Hauts-de-Seine n’auraient pas dû débourser un euro ! (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.) Je suis prêt à entendre tous les arguments contraires à ma démonstration, à condition qu’ils s’appuient sur des chiffres et sur un véritable raisonnement.

Ce qui compte pour la collectivité, ce n’est pas le coût moyen unitaire de la prise – il est vrai que ce coût diminue lorsqu’on fait la moyenne entre les zones denses et les zones moins denses –, mais le coût net à sa charge. C’est ce qui fait la différence, notamment parce que les revenus issus de la fibre sont très faibles. Comme l’a souligné le président de l’ARCEP, la fibre pose un problème non pas d’investissement, mais de revenu.

Il faut donc distinguer les raisonnements selon qu’ils sont fondés sur le coût moyen unitaire ou sur le coût net total pour la collectivité. Il est clair que tout cela plaide en faveur d’un modèle complémentaire plutôt que d’un modèle mixte, d’autant que les choses sont aujourd'hui en train de s’accélérer, comme le montrent les chiffres cités par M. le secrétaire d’État.

Les opérateurs qui se livrent une bataille extraordinaire sur la téléphonie mobile ont souscrit des accords de co-investissement : cette contractualisation est tout à fait positive. Or c’est à ce moment précis que l’on voudrait envoyer des signaux négatifs pour casser ce modèle économique !

Les opérateurs ne sont ni des anges ni des démons ; ce sont de grandes entreprises françaises, et je suis fier que notre pays ait de tels acteurs économiques, d’autant qu’ils investissent bien plus dans ce secteur que ce n’est le cas dans d’autres – je pense à l’électricité ou au rail.

Je sais bien que nous avons tendance, en France, à nous auto-dénigrer, mais je rappelle que les tarifs du triple play français sont les plus bas du monde et que, en matière de tarifs et de couverture de téléphonie mobile, selon l’OFCOM, le régulateur britannique, notre pays est le deuxième parmi les grands pays européens. Les chiffres ont été rappelés. Il est bien sûr toujours possible d’améliorer les choses, mais on ne peut pas dire que rien n’a été fait et que la France est le pays le plus nul du monde en termes d’aménagement numérique,…

Mme Mireille Schurch. Nous n’avons pas dit cela !

M. Bruno Retailleau. … car cela est faux. Notre pays est extrêmement bien placé !

À gauche, on l’a bien entendu, vous vous placez dans une logique de rupture, et non pas dans une logique d’inflexion ou d’amélioration.

M. Pierre Hérisson. Absolument !

M. Bruno Retailleau. Pour ma part, je proposerai avec Pierre Hérisson des amendements tendant à obtenir davantage de transparence. Les opérateurs doivent nous fournir les véritables cartes du réseau : si les collectivités ne savent pas où passe réellement la fibre, comment leur demander de ne pas dupliquer les réseaux ?

Monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais que vous nous fassiez part de l’état d’avancement du décret visant à prévoir cette information des collectivités et à mettre en œuvre cette exigence de transparence.

Voilà un sujet sur lequel il faut se battre ! (M. Michel Bécot opine.)

De même, nous devons nous battre pour instaurer une véritable contractualisation. Si l’opérateur n’investit pas pour faire passer la fibre dans un territoire, la sanction, si j’ose dire, doit être la suivante : le territoire revient dans la zone d’investissement de la collectivité. (M. Pierre Hérisson acquiesce.)

Mes chers collègues, nous vous proposerons bien d’autres améliorations. Mais je ne saurais terminer mon propos à la tribune sans souligner, en accord avec Pierre Hérisson et Philippe Leroy, que c’est grâce au Sénat qu’ont été obtenues les plus grandes avancées législatives en matière de couverture numérique du territoire. Cela fut notamment le cas en 2004 – Michel Teston le sait bien, car il a suivi à l’époque tous les débats –, puis lorsque nous avons imposé, pour la TNT, un taux de couverture de 95 % de la population, alors que l'Assemblée nationale n’en voulait pas au départ, et en 2009 avec la loi Pintat.

À chaque fois, ces progrès ont été accomplis grâce au Sénat : nous n’avons donc pas à rougir de notre travail.

M. Pierre Hérisson. Très bien !

M. Bruno Retailleau. Aujourd'hui, il nous faut une évolution, et non pas une révolution ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Raymond Vall applaudit également.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer l'aménagement numérique du territoire
Discussion générale (suite)

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Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation relatif aux moyens nécessaires à la mise en œuvre de la loi n° 2009–1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants afin de permettre les derniers préparatifs de la retransmission, par Public Sénat et France 3, des questions cribles thématiques ; nous les reprendrons à dix-sept heures précises.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est reprise.

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Questions cribles thématiques

indemnisation des victimes de maladies et d'accidents professionnels

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur l’indemnisation des victimes de maladies et d’accidents professionnels.

L’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Je vous rappelle que ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et qu’il sera rediffusé ce soir sur France 3, après l’émission Ce soir (ou jamais !) de Frédéric Taddéï.

Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. À cet effet, des afficheurs de chronomètres ont été placés à la vue de tous.

La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur l’amiante, plus grosse affaire pénale et plus grande catastrophe sanitaire du siècle, avec, à l’horizon 2020, 100 000 morts annoncées en France et 500 000 dans le monde.

En effet, l’actualité en la matière est marquée par deux jugements qui remettent en cause les deux composantes de notre système de réparation.

Le premier jugement est l’arrêt rendu, le 27 octobre dernier, par la cour d’appel de Douai, laquelle a condamné dix-sept victimes à rembourser au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, une partie importante de leur indemnisation.

Vous l’avouerez, cette décision met à mal le premier pilier sur lequel repose notre système de réparation : l’indemnisation collective.

La question n’est pas juridique, mais éthique : le Fonds d’indemnisation a pour objet d’indemniser les victimes, et non de les poursuivre. C'est la raison pour laquelle, avec d’autres élus, j’ai demandé au Gouvernement qu’il obtienne du FIVA une remise gracieuse des sommes réclamées.

Le second jugement est celui qui a été rendu hier par le tribunal de Turin, lequel a condamné deux responsables d’Eternit à seize ans de prison.

Cette décision remet en cause le second pilier de notre système de réparation : l’action judiciaire. En effet, en France, alors même que les données de l’affaire – y compris l’entreprise en cause – sont rigoureusement les mêmes qu’en Italie, l’instruction piétine depuis seize ans.

Le prétexte en est la loi Fauchon tendant à préciser la définition des délits non intentionnels. En réalité, de l’analyse même de Pierre Fauchon, qu’au Sénat nous connaissons bien, ce texte n’est pas un obstacle. Notre ancien collègue avait ainsi déclaré, devant la mission commune d’information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l’amiante, que, « dans le cas de l’affaire de l’amiante, l’imprudence est du reste plus que caractérisée ».

Le seul obstacle véritable réside dans la faiblesse des moyens et dans le fonctionnement du pôle santé des parquets de Paris et Marseille.

C’est donc, ici encore, un problème non pas juridique, mais politique.

En conséquence, ma question est, elle aussi, politique. Elle est double : monsieur le ministre, le Gouvernement a-t-il demandé au FIVA de renoncer au remboursement des sommes qu’il réclame aux victimes de l’amiante, pour garantir à ces dernières la reconnaissance et la réparation qui leur reviennent ? Par ailleurs, a-t-il l’intention de donner au pôle santé les moyens d’accomplir sa mission d’instruction ? (Applaudissements sur les travées de l'UCR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Monsieur le sénateur, vous le savez, je me suis déjà exprimé sur l’arrêt de la cour d’appel de Douai : j’ai déjà indiqué qu’aucun commandement de payer n’avait été signifié par huissier, sur l’initiative du FIVA, aux victimes de l’amiante. Seules les décisions de la Cour de cassation ont bel et bien été notifiées.

En revanche, je sais que quelques personnes, estimant qu’il était plus simple, ou plus normal – je n’ai pas à me prononcer sur les motivations des intéressés – d’appliquer la décision de justice, ont spontanément pris l’initiative de rembourser le FIVA.

En outre, je le répète, je suis très attentif à la situation des victimes de l’amiante et à celles de ces personnes qui se trouveraient dans des difficultés matérielles très importantes du fait de cette décision.

J’ai donc écrit, en décembre dernier, à la présidente du FIVA afin qu’elle examine les dossiers au cas par cas et avec un maximum d’humanité. Je crois que les membres du conseil d’administration du Fonds ont été sensibles à cette initiative visant à retrouver un climat apaisé. Nous avons d'ailleurs également discuté du sujet avec un certain nombre de parlementaires ayant souhaité nous rencontrer.

Des solutions existent, qui vont de l’étalement des paiements à la remise gracieuse pour les cas les plus critiques.

J’en viens maintenant au dossier tranché par le tribunal de Turin. Vous le savez, puisque vous en avez rappelé la durée, une procédure équivalente est en cours en France. Je ne peux ni ne veux me prononcer sur l’affaire.

En revanche, sachez que, au regard de la décision qui a été prise en Italie, j’ai prévu de me rapprocher du garde des sceaux, Michel Mercier, afin d’examiner avec précision si les moyens existants sont suffisants et si leur niveau est de nature à expliquer les délais. Vous le savez, cette absence de perspectives n’entrave pas le cours des procédures d’indemnisation ; elle ne peut néanmoins perdurer.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour la réplique.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le ministre, j’entends bien votre réponse. Pour ce qui concerne le FIVA, vous avez évoqué un examen au cas par cas. Mais ce que nous attendons tous, et notamment les veuves de Dunkerque que plusieurs parlementaires, dont moi-même, ont rencontrées, c’est une remise gracieuse.

Il y a là une véritable erreur de jugement sur la fonction du FIVA. Je sais bien que la justice est indépendante mais je crois que le Gouvernement a aujourd'hui la capacité de demander au Fonds de mettre un terme aux recours.

Certes, le tribunal de Turin est une juridiction étrangère mais je pense que le gouvernement français serait bien avisé d’examiner en profondeur le jugement qu’il a rendu, car je ne doute pas celui-ci puisse faire jurisprudence, compte tenu de la teneur du dossier.

M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.

M. Ronan Kerdraon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la décision rendue hier par le tribunal de Turin porte un éclairage nouveau sur le drame de l’amiante. Elle est un espoir pour les victimes de l’amiante dans notre pays, qui attendent un tel jugement pénal depuis des années, notamment depuis le dépôt des premières plaintes en 1996.

En France, près de 3 000 personnes meurent chaque année de cancers liés à l’amiante et 100 000 décéderaient d’ici à 2025.

Or les dispositifs mis en œuvre dysfonctionnent gravement, comme en attestent moult rapports, et nombreuses sont les victimes qui ne verront pas l’aboutissement des procédures judiciaires en cours. Au nom de la séparation des pouvoirs, je ne souhaite bien entendu pas commenter ces dernières.

Néanmoins, force est de constater que, tandis que s’achève en Italie le premier procès pénal relatif à l’amiante ouvert en 2009 contre le géant Eternit et ses dirigeants, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris annulait, le 16 décembre dernier, la mise en examen de la même multinationale en tant que personne morale, ainsi que celle de ses principaux dirigeants français.

L’indépendance des parquets en Italie n’est certainement pas étrangère à la tenue et à l’issue de ce procès de Turin. Au contraire, en France, le parquet ne veut pas de procès pénal de l’amiante.

Alors que la restauration des victimes dans leurs droits devrait être privilégiée, que constatons-nous ? D’abord, la composition du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, n’est pas paritaire. Ensuite, le FIVA exerce, contre les décisions de justice favorables aux victimes de l’amiante, des recours, vécus comme une double peine par les familles. Enfin, le dispositif d’accession à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante souffre toujours d’imperfections : manque de rigueur dans l’élaboration des listes des entreprises ; des catégories entières de salariés – intérimaires et salariés des entreprises sous-traitantes – largement discriminés. (M. Alain Gournac s’exclame.)

Aussi, monsieur le ministre, quels enseignements tirez-vous du verdict de Turin ? Ne pensez-vous pas qu’il est temps de remettre à plat l’ensemble de l’édifice et de mettre fin au naufrage judiciaire que nous connaissons en France ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué, avec prudence, le principe de séparation des pouvoirs. Il m’est à moi aussi impossible de commenter une décision de justice.

Comme je l’ai dit à l’instant à M. Vanlerenberghe, le problème est simple : je dois m’assurer auprès de Michel Mercier que ce n’est pas une question de moyens, ce que j’ai bien l’intention de faire.

J’apporterai tout de même plusieurs précisions.

En France, nous avons mis en place des dispositifs spécifiques de compensation et de réparation parce que nous savons que les délais peuvent être plus longs que ce que les victimes considèrent comme compréhensible ou acceptable.

Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est animés du même esprit que, récemment, à la suite du drame du Mediator, vous avez institué un mécanisme d’indemnisation des victimes de ce médicament, afin de ne pas laisser les victimes face à des procédures judiciaires forcément plus longues.

Beaucoup, y compris au-delà de nos frontières, s’accordent à reconnaître que notre système d’indemnisation, qui, financièrement, repose sur la branche AT-MP, accidents du travail-maladies professionnelles, et sur les dispositifs du Fonds commun des accidents du travail agricole, le FCATA, et du FIVA, est l’un des plus complets qui soient

Le FCATA permet d’assurer une retraite anticipée. Je vous signale d'ailleurs que l’Italie, qui avait institué un dispositif analogue, l’a abandonné depuis plusieurs années.

Pour notre part, nous l’avons maintenu et nous y avons même, en 2010, apporté des améliorations, notamment en revalorisant l’indemnité minimale et – je tiens à le dire car j’ai souvent entendu le contraire – en maintenant inchangées, malgré la réforme des retraites, les conditions de départ anticipé pour les personnes qui pouvaient y prétendre.

Quant au FIVA, il permet d’assurer l’indemnisation intégrale dans des conditions rapides et simples, ce qui est la moindre des choses pour des personnes touchées par l’une des pathologies de l’amiante.

Tels sont les outils que nous utilisons, au-delà des procédures judiciaires, sur lesquelles j’ai répondu tout à l'heure, pour ne pas laisser les victimes de l’amiante sans réparation ni indemnisation.

M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour la réplique.

M. Ronan Kerdraon. Monsieur le ministre, nous prenons acte de votre réponse.

Cela étant, je ne peux que souscrire aux propos de mon collègue Jean-Marie Vanlerenberghe, qui, voilà quelques instants, vous invitait à examiner de beaucoup plus près le verdict du tribunal de Turin et, surtout, à en tirer les enseignements.

Il me semble que les victimes et leur famille attendent plus que des déclarations d’intention : elles souhaitent que justice leur soit enfin rendue et que l’on arrête de les victimiser une nouvelle fois en leur réclamant le remboursement de ce que d’aucuns appellent un « trop-perçu ».

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite revenir sur le sujet de l’amiante et associer à ma question ma collègue sénatrice du Nord, Michelle Demessine, qui, comme moi, est mobilisée aux côtés des victimes.

Il faut dire que notre région, le Nord – Pas-de-Calais, est, malheureusement, particulièrement concernée : sur ce territoire, tout le monde connaît au moins un proche concerné par l’amiante et les cancers qu’il provoque. Les victimes subissent ce poison dans leur corps et dans leur âme. Des salariés meurent chaque année du fait de leur travail parce que les lobbies patronaux ont retardé l’interdiction de l’amiante jusqu’en 1976, alors que ses effets nocifs étaient connus depuis 1905. Telle est la réalité !

S’il est impossible de revenir sur le passé, il importe aujourd’hui que les personnes concernées soient indemnisées dans les meilleures conditions ; c’est d’ailleurs la raison même de l’existence du FIVA.

C’est aussi pourquoi les victimes et les associations ne peuvent comprendre ni les décisions rendues par la cour d’appel de Douai ni les actions en remboursement engagées par le FIVA. Cette situation est d’autant plus incompréhensible que les actions récursoires que devrait logiquement engager le FIVA contre les employeurs ne sont que trop rares. Or comment ne pas faire le lien entre l’évolution à la baisse des indemnités versées aux victimes par le Fonds et le manque de dynamisme dans les actions engagées à l’encontre des employeurs ? Le sentiment que le Fonds applique deux poids et deux mesures suscite, à juste titre, la colère des victimes, qui sont également attentives à ce qui se passe en Italie.

Monsieur le ministre, vous venez de rappeler que vous avez demandé à la direction du FIVA un examen des dossiers au cas par cas. Si cette démarche constitue un premier pas dans la prise en compte des souffrances des victimes, elle n’est pourtant pas suffisante. La preuve en est : peu après votre annonce, le FIVA déposait de nouveaux recours.

Ma question est donc double et s’adresse à vous en tant que ministre de tutelle du FIVA.

Premièrement, quand allez-vous enfin demander au FIVA qu’il renonce aux actions en cours, ainsi qu’à celles qu’il pourrait engager, et qu’il adopte le principe d’une remise gracieuse au bénéfice des victimes déjà condamnées, seul moyen de régler le problème d’une manière humaine ?

Deuxièmement, qu’entendez-vous faire pour que le FIVA se retourne désormais plus régulièrement et avec plus de détermination contre les employeurs qui sont les vrais responsables de la situation que vivent les malades ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez parlé des actions récursoires du FIVA contre les entreprises : sachez que 1 900 actions sont actuellement engagées, pour un montant de 26 millions d’euros par an. Je ne peux donc pas laisser dire que le FIVA n’engage pas d’actions récursoires !

Pour le reste, j’ai eu l’occasion de répondre, à l’Assemblée nationale, à une question d’actualité portant sur ce sujet. On m’a reproché d’outrepasser mon rôle en intervenant auprès du FIVA pour que tous les cas soient examinés individuellement.

Permettez-moi de vous faire observer qu’il faudrait également examiner comment ces personnes ont pu se retrouver dans une telle situation, car elles ont été accompagnées dans leurs démarches par des associations et ont eu recours aux services de conseils. Or elles se trouvent aujourd’hui dans une situation difficile. Aucun aspect du problème n’est donc à négliger.

Par ailleurs, quand vous dites que le FIVA aurait engagé des recours contre les victimes de l’amiante, il s’agit simplement de la notification des décisions de la Cour de cassation, comme je l’ai dit tout à l’heure, et de rien de plus !

J’ai eu l’occasion d’expliquer à des parlementaires appartenant à diverses sensibilités politiques, dont Mme Demessine faisait partie, que nous étudiions comment traiter au mieux ces dossiers : l’étalement du remboursement des doubles indemnisations et les recours gracieux ne sont ni impossibles ni interdits. C’est donc sur ces bases que nous travaillons aujourd’hui.

Pour le reste, vous ne pouvez pas faire l’économie d’un examen au cas par cas et le FIVA travaille dans cet état d’esprit. Je tiens à réaffirmer que ses membres ont les mêmes conceptions que moi – je crois même pouvoir dire : que nous – en la matière.

Enfin, s’agissant des actions récursoires, elles sont exercées à l’encontre des entreprises concernées, et c’est normal !

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour la réplique.

Mme Annie David. Monsieur le ministre, nous entendons bien votre réponse : les situations doivent être examinées au cas par cas, la justice est indépendante et ses décisions doivent être respectées. Dans votre précédente réponse, vous avez évoqué les listes des entreprises reconnues comme ayant exposé leurs salariés à l’amiante, il me semble bien que ces listes sont désormais closes et que de nouvelles entreprises ne pourront pas y être inscrites.

En abordant la question des actions récursoires, mon groupe a souhaité relancer la discussion sur la responsabilité des employeurs et revenir sur la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010, qui a reconnu le principe d’une indemnisation intégrale des préjudices subis par les victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dès lors que la faute inexcusable de l’employeur est reconnue.

Monsieur le ministre, sans doute serait-il temps d’engager, de nouveau, une réflexion sur cette réparation intégrale, en revenant, il est vrai, sur la loi de 1898. Cette loi, en instituant une présomption de responsabilité de l’employeur, a permis d’instaurer ce régime d’indemnisation forfaitaire. Il me semble que, sans remettre en cause le principe de l’imputabilité de la faute à l’employeur, nous devrions engager une discussion pour aboutir, enfin, à une réparation intégrale des préjudices subis par l’ensemble des victimes du travail, non seulement celles de l’amiante, mais aussi celles d’autres maladies professionnelles.

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a plus d’un siècle, la loi du 9 avril 1898 créait un régime spécial d’indemnisation des victimes d’accident du travail, élargi en 1919 aux maladies professionnelles, et constituant une énorme avancée pour tous les travailleurs, mais n’ouvrant droit qu’à une indemnisation forfaitaire, donc nécessairement partielle.

Entre-temps, le législateur a ouvert à toute une série de victimes, notamment les victimes d’accidents de la route ou d’erreurs médicales, le droit à une réparation intégrale, qui prend donc en compte tous les préjudices, de la perte de capacité aux pertes financières, en passant par la souffrance physique et morale, la perte de qualité de vie et le préjudice esthétique.

Notre système de réparation est donc profondément injuste pour les victimes du travail. Alors même que le Président de la République a fait de la « valeur travail » un credo, on ne peut demander aux travailleurs de s’engager toujours davantage et les laisser tomber quand ils paient cet engagement de leur santé et de leur vie : toutes les victimes du travail ont droit à une réparation intégrale de leurs préjudices.

Le 18 juin 2010, le Conseil constitutionnel, par un revirement de jurisprudence, a enfin permis aux victimes du travail d’obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices, dès lors qu’elles font reconnaître la faute inexcusable de leur employeur. Mais, pour diverses raisons, l’application de cette jurisprudence se heurte, sur le terrain, à de nombreuses difficultés et, de toute manière, elle ne concerne que les cas dans lesquels la faute inexcusable de l’employeur peut être engagée, donc une trop faible part des victimes du travail.

De plus, les personnes malades, atteintes d’une incapacité grave, ou leur famille, doivent multiplier les démarches, mener des combats judiciaires longs et éprouvants, alors qu’elles sont déjà affaiblies physiquement et psychologiquement. Cette situation ne nous paraît pas normale et nous pensons que nous ne pouvons faire l’économie d’une révision de la loi de 1898, sur ce point comme sur d’autres, d’ailleurs.

Le législateur pourrait notamment intervenir pour exiger une réparation intégrale de tous les accidents du travail et des maladies professionnelles, ce qui simplifierait considérablement la vie des accidentés et des malades du travail, qui ont, eux aussi, droit à la sérénité et à la tranquillité. Monsieur le ministre, pourquoi n’avoir pas encore engagé une telle réforme ? (MM. Jean Desessard et Claude Jeannerot applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Madame la sénatrice, tel est bien le sens de la mission confiée à Mme Ruellan, afin de proposer des modifications qui seront intégrées au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, dont vous aurez à débattre à la fin de l’année 2012.

Vous le savez, la demande d’une réparation intégrale des sinistres professionnels est récurrente de la part de nombreux acteurs et elle s’est évidemment avivée, vous avez eu raison de le souligner, depuis la décision rendue le 18 juin 2010 par le Conseil constitutionnel sur notre système de réparation.

Je tiens à préciser la portée de cette décision. Le Conseil constitutionnel a confirmé la constitutionnalité de l’indemnisation forfaitaire des accidents du travail et maladies professionnelles, en émettant une réserve : les victimes et leurs ayants droit peuvent s’adresser au tribunal pour demander à l’employeur, lorsque celui-ci a commis une faute inexcusable, la réparation des dommages que la sécurité sociale ne répare pas. Le Conseil constitutionnel, dans cette dernière hypothèse, reconnaît aux victimes le droit à réparation de tous leurs préjudices, mais ne leur ouvre pas droit à la réparation intégrale de chacun des préjudices. Je m’efforce d’être précis, parce que ce sujet est complexe, même si celles et ceux qui sont directement concernés feront la part des choses, car ils connaissent le sens de chacun de ces mots.

Vous le savez, l’État s’est engagé, avec la CNAM, dans la convention d’objectifs et de gestion pour les années 2009 à 2012, à entreprendre les travaux préalables nécessaires à une rénovation de la réparation des accidents du travail. Mme Rolande Ruellan, ancienne présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, a été désignée le 6 juin dernier pour diriger un groupe de travail qui s’est déjà réuni à trois reprises dans une formation limitée aux administrations et caisses de sécurité sociale intéressées. Ce groupe de travail sera étendu, en avril, aux partenaires sociaux et à la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, la FNATH, qui ont d’ores et déjà désigné leurs représentants, afin que ce travail ne prenne pas le moindre retard. (Mme Sophie Primas applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour la réplique.

Mme Aline Archimbaud. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse ; cela dit, j’ajouterai deux remarques.

D’une part, le groupe de travail auquel vous faites allusion n’est composé pour l’instant, selon nos informations, que de représentants de l’administration. Un certain nombre de partenaires sociaux qui avaient souhaité y être associés ne le sont pas et nous avons l’impression que ce travail s’engage très lentement, puisqu’ils n’ont reçu aucune information.

D’autre part, en ce qui concerne les réparations dues en cas de faute inexcusable de l’employeur, de multiples exemples montrent que, de fait, l’obtention d’une indemnisation intégrale est actuellement très aléatoire, car il est extrêmement difficile de savoir qui paie : les CPAM sont censées faire l’avance des frais, mais elles refusent de le faire pour la totalité de l’indemnisation ; il faut alors se retourner contre l’employeur, alors que les victimes, à ce stade, ont déjà derrière elles plusieurs années de procédure. J’y insiste donc : même quand la faute inexcusable de l’employeur est reconnue, il est extrêmement difficile d’obtenir que l’indemnisation intégrale soit appliquée.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.

M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est aujourd’hui plus que vraisemblable que les risques liés à l’utilisation de produits phytosanitaires aillent bien au-delà des seules maladies respiratoires et affections cutanées. En effet, depuis plusieurs années, tous les travaux scientifiques convergent.

Selon une étude réalisée par l’université de Harvard en 2006, confirmée à plusieurs reprises depuis, une exposition aux pesticides augmente de 70 % le risque de développer la maladie de Parkinson. De même, les premiers résultats relatifs au cancer doivent nous alerter : d’après le rapport de référence de l’INRA sur les pesticides, « des effets cancérigènes, neurotoxiques ou de type perturbateurs endocriniens des pesticides ont été mis en évidence chez l’animal. La question des risques pour l’homme […] est donc posée. » L’étude CEREPHY va même plus loin en soutenant que les sujets les plus exposés encourent un risque plus de deux fois supérieur d’être atteints d’une tumeur cérébrale.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, plusieurs dizaines d’agriculteurs ont déjà obtenu devant les tribunaux la reconnaissance comme maladie professionnelle de la maladie de Parkinson, de leucémies ou de myélomes, du fait d’une exposition aux pesticides.

Réduire de 50 % les quantités de pesticides utilisés par l’agriculture dans les dix ans à venir, selon l’objectif fixé par le Grenelle de l’environnement, constitue certes un objectif louable, mais ne prend pas en compte l’ampleur de ce véritable problème de santé publique.

Monsieur le ministre, le monde agricole, qui paie aujourd’hui un lourd tribut, ne peut plus se contenter de déclarations d’intention. Je souhaite donc savoir quand le Gouvernement va enfin permettre à l’ensemble des trop nombreuses victimes contaminées par des produits phytosanitaires d’être facilement et convenablement indemnisées en procédant au classement de ces pathologies en maladies professionnelles ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – M. Jacques Berthou applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le sénateur, il s’avère que le ministre du travail et de l’emploi est aussi le ministre de la santé. En ce qui concerne les questions que vous avez soulevées, il ne me semble pas possible de les hiérarchiser les unes par rapport aux autres.

Votre question appelle une double réponse. Tout d’abord, il ne m’a pas échappé que vous faisiez allusion à la réparation des préjudices subis, puisque vous avez mentionné une décision de justice qui a fait l’objet de nombreux commentaires. Des procédures particulières sont effectivement engagées sur la question du classement en maladie professionnelle et sur celle de la réparation.

Ensuite, comme je pense à l’ensemble des Français qui peuvent être exposés à ces risques – ce n’est pas parce que je suis élu dans un département agricole que cet aspect m’aurait échappé, loin s’en faut ! –, je considère que cette décision de justice doit nous inciter à réfléchir à la prévention du risque chimique, notamment celui qui résulte de l’emploi de produits phytosanitaires. Cette question fait partie des cibles prioritaires de la deuxième édition du plan Santé au travail, qui concerne les années 2010 à 2014.

Les questions relatives à la réparation et aux procédures judiciaires sont au cœur de l’actualité, mais nous n’avons pas attendu la décision de justice à laquelle vous avez fait allusion pour envisager la mise en œuvre de la prévention : tout le secteur de l’agriculture est bien concerné par cette dimension. Si nous pouvons être plus efficaces encore dans ce domaine, nous avons le devoir d’agir et cette mission intéresse non seulement le ministre du travail, mais aussi le ministre de la santé. (Mme Catherine Troendle et Mlle Sophie Joissains applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet, pour la réplique.

M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le ministre, je ne peux que souscrire à vos propos relatifs à l’amélioration de la prévention : vous avez raison et la volonté que vous avez exprimée est aussi la nôtre.

Cependant, ces risques n’étaient pas connus en d’autres temps – et il n’y a pas si longtemps encore ! – et la politique de prévention est très récente. Je souhaitais donc insister auprès de vous pour que celles et ceux qui n’ont malheureusement pas pu bénéficier de cet effort de prévention et se trouvent, du coup, victimes de maladies graves soient indemnisés convenablement et selon des procédures qui ne soient pas trop compliquées, afin que cette indemnisation puisse intervenir dans les meilleurs délais. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – MM. Claude Jeannerot et Jean Besson applaudissent également.)

M. Robert Tropeano. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche.

Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aider les victimes à obtenir une juste et légitime compensation du préjudice subi dans le cadre de leur activité professionnelle constitue bien entendu un impératif auquel nous devons répondre.

Mon propos se situe en amont de l’indemnisation proprement dite. En effet, pour indemniser, encore faut-il reconnaître la maladie.

Si les accidents du travail connaissent un recul, le nombre de maladies professionnelles déclarées et reconnues a augmenté ces dix dernières années. Cette reconnaissance a néanmoins des limites.

Il existe, de longue date, une sous-déclaration des accidents du travail et plus encore des maladies professionnelles. Les raisons en sont multiples, comme le manque d’information des salariés ou la formation insuffisante des médecins traitants et hospitaliers, qui ne font pas suffisamment le lien entre les pathologies et l’activité professionnelle du patient.

La médecine du travail joue un rôle majeur dans le diagnostic, la prévention ou encore la déclaration d’une maladie professionnelle, mais elle doit rompre son isolement, tout en étant confrontée à une situation particulièrement tendue, dans cette branche, en matière de démographie médicale.

La réforme adoptée cet été constitue une réponse à plusieurs de ces inquiétudes, en plaçant notamment le médecin du travail au centre d’une équipe pluridisciplinaire. Elle était très attendue.

Deux décrets d’application viennent d’être publiés, monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer quels sont les premiers retours et comment s’engage cette réforme sur le terrain ?

Par ailleurs, le dernier rapport Diricq a souligné l’insuffisance de la formation des futurs médecins en ce qui concerne la connaissance des pathologies professionnelles, compte tenu du faible nombre d’heures qui y est consacré au cours des six années d’études. Comment pensez-vous inciter les universités à améliorer cette formation ?

Enfin, l’assurance maladie a mis en place en 2011 une offre de services en ligne pour aider les médecins à repérer, à déclarer les maladies professionnelles et à orienter les patients. Des formations continues spécialisées sont proposées. Des expérimentations de repérage dans le domaine des cancers professionnels, notamment des cancers de la vessie, ont lieu dans plusieurs régions. Il est sans doute encore trop tôt pour évaluer ces dispositions. Nul doute que le résultat sera très intéressant en matière de déclaration et de reconnaissance des maladies professionnelles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Madame le sénateur, en matière de sous-déclaration des maladies professionnelles, la solution porte avant tout, même si elle n’est pas la seule, sur la formation et l’information des médecins. Il s’agit, vous l’avez rappelé, de l’une des préconisations du rapport Diricq de juillet 2011.

Plusieurs actions ont déjà été entreprises. La Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, a réalisé deux campagnes d’information auprès des médecins traitants – en 2008 sur les maladies professionnelles et en 2011 sur les troubles musculosquelettiques, dits TMS, et la prévention de la désinsertion professionnelles – et une large campagne médiatique nationale sur les TMS de 2008 à 2010, sur mon initiative.

Elle a développé, dans le cadre de la formation professionnelle conventionnelle, des modules de formation sur les risques professionnels à destination des médecins : 185 formations ont ainsi été dispensées entre 2007 et 2009 à environ 3 000 participants.

La Caisse régionale d’assurance maladie d’Île-de-France, la CRAMIF, a mis en place un outil internet à l’attention des médecins traitants. Celui-ci ayant porté ses fruits, il a été repris en mai 2011 sur le site « ameli.fr » de la CNAMTS.

Enfin, la Haute Autorité de santé a publié, en janvier 2009, des recommandations relatives au contenu et à la tenue du dossier médical au travail, afin d’améliorer les pratiques professionnelles des médecins du travail.

Telles sont les premières pistes sur lesquelles nous avons agi. Elles sont réelles et consistantes. Faut-il aller plus loin ? Certainement !

Les décrets d’application de la loi du 20 juillet 2011 sur la réforme de la médecine du travail ont été publiés le 31 janvier 2012. Cette réforme était attendue et les décrets étaient, eux aussi, attendus. Je pense que nous disposons des outils pour faire évoluer et moderniser la médecine du travail. Ces décrets précisent les missions des services de santé au travail interentreprises, notamment celles du médecin du travail, en définissant aussi – c’était très attendu ; vous aviez été nombreux à intervenir ici même au cours du débat – les actions et les moyens des différents membres de l’équipe pluridisciplinaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour la réplique.

Mme Catherine Deroche. Il est vrai que les dispositions mises en place par la CNAMTS vont porter leurs fruits. Pour ma part, je suis dans l’attente des résultats, notamment en ce qui concerne le repérage des cancers professionnels.

Quant à la médecine du travail, nous souhaitions que les décrets d’application soient publiés rapidement tant la situation est tendue dans certains services médicaux interentreprises. Certaines entreprises ne parviennent pas à remplir leurs obligations. C’est également le cas de certaines collectivités locales qui, comme dans mon département, n’assurent plus le suivi de leurs agents du fait des difficultés rencontrées par les services de médecine du travail. (Mlle Sophie Joissains applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les mesures envisagées pour lutter contre les risques psychosociaux en entreprise. Ces risques d’origines variées mettent en jeu l’intégrité physique et la santé mentale des salariés et induisent un fonctionnement perturbé de l’entreprise.

Conscient d’un problème qui n’est pas sans lien avec la pression exercée à la suite du « travailler plus », vous avez donné une première impulsion, le 9 octobre 2009, en présentant un plan d’action d’urgence pour la prévention du stress au travail, un deuxième plan « Santé au travail » devant pérenniser le premier.

Pourtant, l’état des lieux demeure inquiétant. La culture du résultat, de la performance et les systèmes de management reposant sur des injonctions paradoxales et ne privilégiant que l’exécution à court terme au détriment d’activités créatrices se développent dans une rupture croissante avec toute notion d’humanité, le tout étant souvent étroitement lié à une situation économique où la finance et la course à la compétitivité ont pris le pas sur l’industrie.

La tension générée est souvent pathogène, mais, hélas ! la découverte du burn out ne se réalise que quand celui-ci est bien avancé, souvent quand il est déjà trop tard.

Est-il utile de rappeler les 107 suicides qui ont fait l’objet d’une reconnaissance au titre des accidents du travail durant la période 2008–2009 ?

Comment supporter la vague de suicides, sur le lieu de travail et en dehors, chez France Télécom, Renault, Pôle emploi ? Récemment, dans le Nord – Pas-de-Calais, un jeune inspecteur du travail de trente-deux ans a mis fin à ses jours, huit mois après la tragédie qui a touché un inspecteur du travail dans un autre département.

Trois cents agents de contrôle de l’Inspection du travail viennent de se réunir pour demander au Gouvernement la reconnaissance de ces deux suicides en accident de service, pour que soit établi le lien entre la dégradation de leurs conditions de travail et ces actes désespérés, ainsi que pour ouvrir la voie à une indemnisation des familles.

L’entreprise est dorénavant souvent perçue comme une « machine à broyer » l’individu. Il y a urgence à renverser la situation. « Travailler mieux », tel est l’esprit qui doit soutenir une véritable politique active en matière de prévention, la souffrance au travail constituant un véritable problème de santé publique.

L’accord du 20 novembre 2009 constitue un premier engagement, comme la circulaire du 21 juin 2011 et la reconnaissance, le 7 février dernier, de la tentative de suicide de l’inspecteur du travail comme accident de service.

Cependant, tout cela est bien insuffisant. Le métier n’est pas qu’une source de rémunération ; il est partie prenante de l’épanouissement personnel, de l’intégration et du lien social.

Aussi, je vous demande, monsieur le ministre, quelles mesures concrètes vous entendez prendre pour établir le lien entre la dégradation des conditions de travail et les pathologies de souffrance au travail, avec l’indemnisation qu’il sous-tend.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Madame le sénateur, nous poursuivons au Sénat les échanges que nous avons eus à l’Assemblée nationale.

Il est dangereux, pour ne pas dire aussi douloureux, de pratiquer l’amalgame entre des situations très différentes, dans les diverses entreprises et administrations que vous avez évoquées.

Une sénatrice du groupe UMP. Bravo !

M. Xavier Bertrand, ministre. Je me suis rendu dans des entreprises concernées par la question du suicide sur le lieu de travail : si les choses avaient été simples, les représentants des organisations syndicales que j’ai rencontrés me l’auraient dit. Certains avaient reconnu s’être trouvés en contact avec une personne qui s’était suicidée quelques jours après sans avoir détecté quoi que ce soit. Vous êtes très avertie de ces questions de santé, madame le sénateur, et vous savez donc bien que rien n’est plus difficile que de prévenir de tels actes et de prendre en compte de telles situations.

Vous avez développé tout un amalgame sur la finance, etc. Or les changements dans l’organisation du travail liés aux trente-cinq heures – je ne suis pas le seul à le dire – ont également généré du stress. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Je le dis sans passion…

M. Christian Bourquin. La main sur le cœur !

M. Xavier Bertrand, ministre. Quand je veux le faire, je sais le faire…

M. Xavier Bertrand, ministre. Mais là, je ne veux pas le faire !

M. Christian Bourquin. La main sur le cœur !

M. Xavier Bertrand, ministre. Quand je veux le faire, si je veux enclencher un débat public sur ces questions, je sais le faire ! En l’occurrence, je ne le souhaite pas !

Toutefois, il faut bien reconnaître que, lorsqu’il a fallu renégocier l’organisation du travail (M. Christian Bourquin s’exclame.), beaucoup de pauses ont disparu, et vous le savez bien.

Je voudrais souligner un autre point : lorsque des objectifs importants sont assignés et que les manageurs n’ont pas conscience du stress supplémentaire que ceux-ci peuvent provoquer, on se trouve dans des situations à risque.

J’ai moi-même posé ce dossier sur la table en tant que ministre du travail, peut-être aussi parce que j’avais été auparavant ministre de la santé. Le sujet était tabou, éventuellement considéré comme un sujet de société. J’estime que c’est aussi une question de santé. Le rapport Légeron, que j’avais commandé, a formulé des recommandations nouvelles et un plan d’urgence sur la prévention du stress au travail a été engagé en octobre 2009, dont j’ai adressé le bilan au Conseil d’orientation sur les conditions de travail, le COCT, en avril 2011.

La prévention des risques psychosociaux est en outre l’une des cibles du plan Santé au travail.

Par conséquent, je connais bien le sujet ; je sais aussi qu’il nous faut éviter tout raccourci en la matière, le sujet étant suffisamment douloureux pour les familles des victimes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – MM. Jean-Jacques Pignard et François Zocchetto applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour la réplique.

Mme Catherine Génisson. Je suis très surprise de votre réponse, monsieur le ministre. Les risques psychosociaux sont effectivement un sujet très grave, qui peut avoir des conséquences dramatiques pour certains de nos concitoyens.

Il n’est pas question de pratiquer l’amalgame entre le monde de l’entreprise et celui de la fonction publique, mais le résultat est là, avec les drames individuels et familiaux que cela engendre.

Mme Sophie Primas. Les 35 heures !

Mme Catherine Génisson. Le sujet étant complexe, il ne justifie pas de votre part – ce n’est d’ailleurs pas votre habitude – une réponse partisane, monsieur le ministre. Sur un sujet particulièrement lourd, vous ne m’avez guère donné d’éléments de réponse satisfaisants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Robert Tropeano applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaitais évoquer, s'agissant du drame de l’amiante, la situation des victimes qui sont aujourd’hui contraintes de restituer une partie des sommes qu’elles ont perçues du FIVA, au titre d’indemnités. Ce point ayant déjà été évoqué par d’autres intervenants, vous avez répondu à ma question, monsieur le ministre.

Je rappelle néanmoins que la cour d’appel de Douai, le 27 octobre dernier, en application d’une décision de la Cour de cassation, a jugé que la somme perçue par les victimes de la part de l’assurance maladie devrait désormais être déduite de l’indemnisation accordée par le FIVA. Les justiciables concernés sont dans l’obligation de rembourser la somme en question.

Pour bien comprendre ce qui s’est passé, il faut savoir que les victimes de maladies professionnelles reçoivent deux indemnisations : une rente « maladie professionnelle » de la caisse primaire d’assurance maladie s’appliquant au titre du préjudice économique, et une rente d’incapacité du FIVA correspondant au préjudice personnel.

Le FIVA a toujours considéré qu’il fallait déduire du montant de ses indemnités celles qui sont versées par l’assurance maladie. Les victimes ayant la possibilité de contester le montant proposé par le FIVA devant la cour d’appel de leur domicile, en 2005, la cour d’appel de Douai a réévalué la rente. Elle a estimé qu’il ne fallait pas déduire les indemnités versées par l’assurance maladie de celles qui sont versées par le FIVA puisque les deux ne portaient pas sur les mêmes préjudices, l’un étant économique et l’autre personnel. Ainsi, jusqu’en 2009, elle a systématiquement doublé les montants des indemnités que le FIVA devait verser, et ce jusqu’à ce que la Cour de cassation prenne une position inverse, à la suite d’un pourvoi du FIVA.

On peut imaginer l’indignation de ces justiciables du Nord et leur désarroi face à un tel revirement.

Je suis conscient, monsieur le ministre, que vos pouvoirs sont limités en la matière, puisque, en vertu du principe de séparation des pouvoirs, vous ne pouvez contester une décision de justice. Je vous remercie donc d’être intervenu auprès de la présidente du FIVA.

Je vous pose néanmoins deux questions, monsieur le ministre. Avez-vous reçu des engagements de la part du FIVA ? Sera-t-il possible de stopper les recours ? (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le sénateur, ma réponse tiendra en trois points.

Pour l’instant, dix-sept dossiers sont identifiés, mais ils pourraient s’élever à 300. Ils seront, je le répète, examinés au cas par cas. Je serai vigilant à ce que cet objectif soit tenu, mais je fais toute confiance au FIVA et à sa présidente pour travailler dans ce sens.

Je précise également qu’il est important d’écouter les organisations syndicales en la matière. Elles ont d’ailleurs écrit aux parlementaires ; je ne sais pas si elles ont écrit à tous les parlementaires… Je respecte les associations et j’écoute leur position. Mais celle des partenaires sociaux et des organisations syndicales en la matière vaut la peine d’être écoutée et entendue.

Enfin, il est un troisième aspect sur lequel j’insisterai : nous devons faire attention à la judiciarisation, laquelle n’est pas le fait du FIVA. En effet, ce n’est pas lui qui, le premier, a engagé des actions judiciaires supplémentaires. Certes, le droit d’ester en justice est garanti par la Constitution, mais nous devons mesurer toutes les conséquences de la judiciarisation, car elles pèsent aujourd'hui sur les victimes.

Je le répète : premièrement, un traitement au cas par cas, même si les victimes se comptent par centaines, est possible, et cela sera fait. Deuxièmement, la position des organisations syndicales doit être prise en compte. Troisièmement, nous devons nous interroger sur la judiciarisation, qui peut avoir pour effet de pénaliser les victimes. Je pense bien évidemment aux victimes de l’amiante. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour la réplique.

M. Marc Laménie. Je vous remercie, monsieur le ministre, des différentes actions que vous menez. C’est très important. La tâche est immense, mais nous savons que nous pouvons compter sur vous. Nous vous remercions. (Mme Catherine Troendle applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Monsieur le ministre, vous le savez, à la suite d’un accident survenu à l’occasion du travail, les conditions d’indemnisation ne sont ni équitables ni toujours parfaitement lisibles. J’observe d’ailleurs que le droit à une indemnisation intégrale n’a jamais été érigé en norme de rang constitutionnel.

Les lois mettant en place des régimes spéciaux ou des systèmes d’indemnisation spécifiques des situations dommageables se sont multipliées, rendant parfois ardue pour les victimes la détermination des règles qui leur sont applicables, à plus forte raison lorsque leur situation spécifique les place au confluent de deux régimes d’indemnisation.

Ainsi, lorsqu’un accident de la route est également un accident du travail, rien n’est prévu pour résoudre le conflit entre les deux régimes d’indemnisation. Les victimes risquent alors d’être moins bien indemnisées.

Il résulte de cette incertitude des inégalités flagrantes entre les différents régimes d’indemnisation. Cette situation a conduit le Conseil constitutionnel – ma collègue Aline Archimbaud en a parlé – à combler les carences existantes, permettant ainsi d’assurer une meilleure cohérence en matière d’indemnisation des victimes. Je fais allusion à la décision du 18 juin 2010, que vous avez vous-même évoquée, monsieur le ministre, dans laquelle le Conseil a donné une interprétation favorable aux victimes.

Ainsi, sur le fondement de cette jurisprudence, les victimes d’un accident professionnel résultant d’une faute inexcusable de l’employeur peuvent espérer prétendre à la réparation intégrale de leur préjudice.

Ma question est simple, monsieur le ministre : ne conviendrait-il pas de clarifier les régimes applicables aux victimes d’accidents du travail afin de leur assurer une indemnisation plus équitable et plus lisible ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le sénateur, notre système peut-il, doit-il évoluer ? La réponse est oui. Faut-il pour autant le rejeter en bloc ? Je n’en suis pas certain.

Vous évoquez le cas des accidents de la circulation survenant sur les trajets entre le domicile et le lieu de travail. Ces accidents sont-ils considérés comme des accidents du travail ? Oui.

Monsieur le sénateur, il faut éviter toute confusion. Évoquez-vous le régime d’indemnisation des accidents de la circulation, et donc le régime mis en place par la loi Badinter de 1985, lequel est dérogatoire et extrêmement protecteur – c’est l’ancien assureur et professeur de droit qui s’exprime –, notamment pour les victimes d’accidents de la route ? Ou faites-vous allusion à la confrontation entre le régime applicable aux accidents de la circulation et le régime applicable aux accidents du travail ? (M. Claude Jeannerot opine.)

Je tiens à préciser, pour qu’il n’y ait pas d’erreur, qu’un accident de la circulation survenant sur le trajet entre le domicile et le lieu de travail est bel et bien considéré comme un accident du travail. Il n’y a pas de zone d’ombre qui conduirait à priver qui que ce soit d’une indemnisation.

Cependant, il est vrai que le système est perfectible. L’objet de la mission confiée à Mme Rolande Ruellan est d’ailleurs de faire évoluer les choses en la matière.

Je précise également que, en France, dès qu’il y a incapacité permanente, il y a indemnisation, même lorsque cette incapacité n’entrave pas la poursuite de l’activité professionnelle. Tel n’est pas le cas dans tous les pays d’Europe. En Allemagne et en Autriche, une incapacité inférieure à 20 % ne donne lieu à aucune indemnisation. C’est également le cas en Finlande dès lors que l’incapacité n’atteint pas 5 %.

Si j’apporte ces précisions, c’est parce qu’il ne faudrait pas donner l’impression que le système français n’est pas bon. De nombreux autres systèmes sont moins favorables que le nôtre, comme l’a montré l’étude réalisée par EUROGIP.

Voilà pourquoi je pense que nous ne devons pas tout rejeter. En revanche, si on peut faire évoluer les choses, cela a du sens de le faire.

Notre système garantit quelque chose d’inestimable aux victimes : l’imputabilité de leur accident au travail. La charge de la preuve n’incombe pas à la victime, qui n’a pas à aller s’expliquer devant le juge. L’indemnisation revêt un caractère certes forfaitaire, mais surtout automatique. Si on va vers la réparation intégrale, tout cela volerait en éclats. Je ne suis pas sûr que les salariés s’y retrouveraient.

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour la réplique.

M. Claude Jeannerot. Vous l’aviez compris, monsieur le ministre, je ne rejette pas l’intégralité du droit s’appliquant aujourd'hui. En revanche, il me paraît nécessaire de revendiquer plus de justice. Je ne partage pas votre interprétation sur les deux risques, les accidents du travail et les accidents de la circulation.

Si j’en juge par un arrêt de la Cour de cassation en date du 27 juin 1991, ce n’est pas toujours le régime le plus favorable qui s’applique. Or, dès lors que nous sommes dans une situation de ce type, il serait légitime que la victime d’un accident du travail bénéficie du dispositif le plus équitable et le plus favorable, y compris lorsque l’accident survient sur le trajet entre le domicile et le lieu de travail. À cet égard, il s’avère que le classement en accident de la circulation est plus avantageux.

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques consacrées à l’indemnisation des victimes de maladies et d’accidents professionnels.

Mes chers collègues, avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants ; nous les reprendrons à dix-huit heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de M. Jean-Claude Carle.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Carle

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

6

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer l'aménagement numérique du territoire
Discussion générale (suite)

Aménagement numérique du territoire

Suite de la discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer l'aménagement numérique du territoire
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi visant à assurer l’aménagement numérique du territoire.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en dépit des affirmations officielles, l’état actuel de l’aménagement numérique du territoire, au regard des enjeux tout à fait prioritaires qui lui sont liés, n’est pas vraiment satisfaisant. En conséquence, la présente proposition de loi, déposée par nos collègues Hervé Maurey et Philippe Leroy, est bienvenue. Elle comporte des avancées notables, malgré certains oublis.

Je débuterai mon propos par un bref rappel historique, afin de dissiper l’impression selon laquelle il faut toujours tout réinventer, et notamment les manières de mener à bien un projet.

Tout au long du XXe siècle, les générations qui nous ont précédés sont parvenues à développer sur le territoire français l’accès à l’eau, au téléphone, à l’électricité, ainsi que la desserte en axes routiers et ferroviaires.

Force est de constater qu’une volonté politique forte avait alors permis la mise en œuvre d’une solidarité et d’une réelle péréquation entre nos territoires. C’était avant que l’ouverture de nos services publics au marché ne modifie totalement la manière d’appréhender l’aménagement des territoires. Nous avons partiellement perdu cette culture du bien public – dont le numérique fait partie –, des services publics à rendre à la population. C’est bien cette culture qu’il s’agit de défendre aujourd'hui.

L’engagement public implique que tous les consommateurs puissent bénéficier, entre autres choses, d’un accès à Internet avec un débit minimal fixé à 2 mégabits par seconde à l’horizon du 31 décembre 2013. Pour ce faire, le déploiement de la fibre optique jusqu’à l’abonné est nécessaire.

Les chiffres annoncés par les pouvoirs publics, en matière, surtout, de déploiement du très haut débit, ne pourront pas être tenus. Des objectifs ambitieux ont été fixés par le Président de la République en février 2010 : 70 % des foyers devront être éligibles au très haut débit en 2020 et 100 % en 2025. Pourtant, au rythme de déploiement actuel, il faudra de nombreuses années afin de pouvoir desservir l’ensemble du territoire !

De fait, depuis la privatisation de France Télécom, nous sommes passés d’un monopole public à une situation monopolistique dangereuse, où quelques opérateurs privés, dont M. le secrétaire d'État a fait l’apologie tout à l'heure,…

M. Jean Desessard. Pas de provocation, monsieur Labbé !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Ce n’est pas un mal en soi que d’être opérateur privé ! Heureusement qu’il y en a !

M. Joël Labbé. … tous cotés en Bourse, parviennent, tout en étant concurrents, à parfaitement s’entendre, ce pour quoi ils ont d’ailleurs été condamnés en 2005 à verser une amende de 500 millions d’euros.

Le dispositif actuel repose sur ces opérateurs privés, qui ne déploient la fibre que dans les zones rentables, c’est-à-dire les zones urbaines. La situation vaut tout aussi bien pour la téléphonie que pour le haut ou le très haut débit.

De plus, leurs projets ne les engagent en aucune façon et bloquent l’initiative des collectivités territoriales, ce qui est inacceptable. En revanche, bien entendu, il revient aux collectivités territoriales de financer les investissements nécessaires, notamment pour le très haut débit, dans les territoires ruraux et semi-ruraux, qui sont les plus coûteux à desservir. Elles le font sans l’assurance d’un quelconque concours financier de l’État puisque le Fonds d’aménagement numérique du territoire, le FANT, créé par la loi du 17 décembre 2009, n’est toujours pas alimenté.

Il est nécessaire d’améliorer le dispositif en prenant en compte la péréquation entre les zones rentables et les zones non rentables et de remettre les collectivités au cœur de l’aménagement numérique du territoire. La présente proposition de loi aurait pu constituer l’occasion de mettre en place un dispositif d’aménagement plus avancé encore, fondé sur la création de sociétés d’économie mixte, afin d’assurer véritablement la péréquation et d’asseoir le rôle des collectivités de manière pérenne. Cela n’est pas le cas. Néanmoins, ce texte réaffirme les objectifs et rééquilibre les compétences en redonnant une place aux collectivités au sein du dispositif.

Je citerai ainsi deux mesures importantes.

Les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique, les SDTAN, ne sont plus indicatifs et doivent donc être pris en compte dans le plan local d’urbanisme, ou PLU, et le schéma de cohérence territoriale, ou SCOT, ce qui nous convient.

L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, peut contrôler les opérateurs, veiller à ce qu’ils respectent les engagements contractuels qui les lient aux collectivités, et les sanctionner en cas de manquement.

En ce qui concerne plus particulièrement le développement du très haut débit via la fibre optique, il est nécessaire d’établir un système de financement pérenne. Or des blocages demeurent, notamment pour abonder le FANT.

Les investissements dans la fibre optique pâtissent en outre de l’attractivité du cuivre, qui est très rentable. Or, sur ce point, les études se contredisent. Certaines pointent le fait que l’opérateur historique, Orange, toucherait une rente anormalement élevée de la location de sa boucle de cuivre. Si tel était le cas, cette situation serait effectivement anormale, dans la mesure où il s’agit d’une facilité essentielle. L’ARCEP, quant à elle, conteste l’importance de cette rente. Si elle était avérée, l’existence de cette rente pourrait justifier des mesures telles qu’une taxation du cuivre ou un traitement différencié de l’opérateur historique. La présente proposition de loi ne tranche pas le débat. Il apparaît donc d’ores et déjà nécessaire de revenir ultérieurement sur ce dispositif, car il ne serait pas acceptable que le financement repose une fois de plus sur les ménages.

La présente proposition de loi passe sous silence un autre aspect de la réalité du développement de la téléphonie mobile sur notre territoire : l’électrosensibilité. Un nombre croissant de nos concitoyens vivent des souffrances que de plus en plus de scientifiques imputent à l’exposition aux champs électromagnétiques. Sur ce sujet, les avis sont divers. Des experts constatent néanmoins un accroissement de l’hypersensibilité aux ondes électromagnétiques.

Il serait donc intéressant que l’étude menée sur le sujet en 2009 par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques soit mise à jour, car de nouvelles données existent.

Pour conclure, même si ce texte aurait pu aller plus loin, il marque une étape notable dans l’aménagement numérique de notre territoire, en permettant, surtout, que les collectivités territoriales soient davantage concernées. Le groupe écologiste votera donc la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur quelques travées du groupe socialiste. – Mme Mireille Schurch applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Camani. (Mme Bernadette Bourzai et M. Jean-Luc Fichet applaudissent.)

M. Pierre Camani. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’économie numérique représente un formidable levier de croissance pour notre pays. Elle constitue un enjeu majeur de compétitivité, d’aménagement et d’attractivité de nos territoires et de nos PME. On ne peut négliger, particulièrement en période de crise, le potentiel de croissance non négligeable qu’elle possède.

Aussi, le texte porté par MM. Hervé Maurey et Philippe Leroy nous donne l’occasion de débattre de ce sujet d’importance majeure pour l’avenir de nos territoires.

Une étude réalisée par le cabinet McKinsey en mars 2011 fait état de la création de 700 000 emplois dans ce secteur depuis l’année 2000 et prévoit 450 000 créations nettes d’emplois directs ou indirects à l’horizon 2015, ainsi que vous l’avez rappelé tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État.

L’accès au haut et au très haut débit sur l’ensemble du territoire, quelle que soit la technologie utilisée, est un défi que nous devons relever, afin de résorber les effets d’une fracture numérique devenue une réalité de plus en plus difficile à vivre pour ceux qui la subissent.

Examinons en effet l’état des lieux.

Selon les derniers chiffres publiés par l’ARCEP en septembre 2011, le nombre d’abonnements à Internet en haut et très haut débit sur réseaux fixes atteint aujourd’hui 22,4 millions, soit un accroissement net de 1,5 million d’abonnés sur un an.

Mais l’examen détaillé de ces chiffres révèle une situation contrastée, car 21,8 millions sont des abonnements à haut débit. Or le haut débit recouvre une multitude de situations. En effet, comment comparer un accès en haut débit permettant une connexion de 512 kilobits par seconde et un autre établissant une connexion de 8 mégabits par seconde ? Les services fournis ne sont pas les mêmes, notamment les possibilités d’accès aux offres triple play.

Par ailleurs, 175 000 abonnements à très haut débit sont du « Fiber to the home », ou FTTH – c'est-à-dire de la fibre optique au domicile –, et 425 000 en double système, avec un accès en fibre optique et une terminaison en câble coaxial. Difficile, là encore, de comparer la qualité d’un accès en très haut débit par le réseau « cuivre », et un accès en très haut débit par le réseau « fibre optique ».

Au regard du développement aujourd'hui embryonnaire de la fibre sur notre territoire, il est permis de s’étonner de la satisfaction affichée par le Gouvernement, qui se félicite des initiatives mises en place dans le cadre du programme national du très haut débit, le PNTHD.

L’Autorité de la concurrence, en janvier dernier, qualifiait le PNTHD de « choix d’opportunité ». Ce choix, nous ne le partageons pas. Avec le PNTHD, le Gouvernement a en effet décidé de favoriser l’initiative privée dans les zones « denses », là où une rentabilité est attendue, et de cantonner l’initiative publique aux zones dites « peu denses », c'est-à-dire là où, bien entendu, les opérateurs privés ne veulent pas intervenir.

Les appels à manifestations d’intentions d’investissement ont permis aux opérateurs privés de préempter et de geler les territoires qu’ils estiment rentables, sans aucune sanction en cas de non-respect de leurs engagements.

Aucune péréquation n’est donc possible pour les collectivités territoriales qui souhaitent investir dans l’aménagement numérique de leur territoire pour l’équilibrer, même dans le cadre de projets intégrés.

Pis encore, la mise en place du PNTHD a figé des projets régionaux programmés, qui prévoyaient un système de péréquation entre départements.

Enfin, la logique de l’écrémage, parfois même à l’intérieur de zones denses, met à mal la continuité du déploiement.

Au final, ce « choix d’opportunité » traduit un schéma libéral qui se résume en la privatisation des profits et la socialisation des pertes. Je ne vois là aucune réelle ambition nationale de déploiement de la fibre optique.

Il s’agit ici non pas de se livrer à une critique aveugle et infondée des opérateurs privés, mais de mesurer les conséquences et les effets pervers sur nos territoires, et notamment les plus ruraux d’entre eux, de choix gouvernementaux particulièrement discutables en matière d’aménagement du territoire.

D’ailleurs, l’Autorité de la concurrence estime que les pouvoirs publics devraient « exiger des opérateurs la plus grande précision dans leurs intentions de déploiement » et « veiller de manière régulière à leur strict respect ». Le simple « rappel à l’ordre », prévu par le Gouvernement en cas de non-respect des engagements, n’est absolument pas suffisant, nous le savons tous.

Elle va plus loin encore en estimant nécessaire que, « pour la crédibilité du dispositif [...], dans l’hypothèse où les projets d’investissement devraient s’écarter de la trajectoire initialement prévue, le Gouvernement envisage sérieusement de revoir en profondeur la logique du PNTHD ».

Nous devons nous rendre à l’évidence. Le modèle et le cadre juridique actuels ne peuvent répondre aux besoins de financement colossaux – ils sont estimés entre 20 milliards et 30 milliards d’euros – indispensables au déploiement de la fibre.

La loi pour la confiance dans l’économie numérique, modifiée en 2006, créait les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique, les SDTAN, en leur donnant une valeur seulement indicative.

La loi Pintat, adoptée en 2009, avait prévu la mise en place du FANT. Elle fixait des objectifs ambitieux, afin de réduire une fracture numérique déjà constatée. Quelque quatre années plus tard, ce fonds n’est toujours pas alimenté, et les conditions d’éligibilité des projets sont à revoir. Nous nous interrogeons par ailleurs sur la coexistence de ce fonds fantôme avec le Fonds national pour la société numérique, le FSN, insuffisant au regard de la demande et des perspectives d’investissement que les acteurs publics et privés ont à réaliser.

Il est temps, en effet, de passer des paroles aux actes, selon la formule du rapporteur Hervé Maurey.

Je salue donc le travail que nous avons réalisé en commission avec le rapporteur pour améliorer ce texte, qui nous permet de prendre acte des insuffisances actuelles et de proposer un cadre plus efficace.

Tout d’abord, en reconnaissant que l’aménagement numérique du territoire revêt un caractère d’intérêt général, nous avons souhaité réaffirmer la nécessité d’un aménagement équilibré du territoire, d’une véritable solidarité territoriale.

Par ailleurs, il nous semblait nécessaire de renforcer le cadre juridique actuel, en rendant les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique obligatoires et en leur annexant les conventions signées entre les collectivités territoriales et les opérateurs.

Compte tenu du nouveau statut des SDTAN et des conventions, Hervé Maurey a très justement supprimé le lien entre les engagements des opérateurs dans le cadre des zones « appel à manifestations d’intentions d’investissement », ou zones AMII, et ceux qui sont reportés dans ces schémas.

Si les obligations des opérateurs ont été renforcées, les engagements des collectivités seront clairement affichés, afin d’instaurer une relation plus fiable entre les différentes parties prenantes au déploiement de la fibre, ce que nous saluons.

La proposition de loi favorise par ailleurs le déploiement prioritaire du très haut débit dans les zones rurales, en commençant par les zones d’activités et les services publics.

L’attente en faveur du haut et très haut débit est très forte en milieu rural. La proposition de loi renverse de manière audacieuse la logique actuelle de déploiement dans les zones denses, où la demande est moins forte du fait de la présence du haut débit, pour la prioriser dans les zones rurales, dans lesquelles la demande est importante.

La priorisation sur ces zones rurales, sur les bassins d’activités et sur les services publics est une excellente chose.

Enfin, le texte qui nous est proposé nous a donné l’occasion de nous interroger sur l’éligibilité des projets au FANT et sur son financement. Nous sommes convaincus de l’absolue nécessité de pouvoir alimenter de manière pérenne le Fonds d’aménagement numérique du territoire.

Nous proposons qu’en cas de non-respect par les opérateurs des conventions conclues dans le cadre des SDTAN, le produit des sanctions financières, prononcées par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, soit reversé au FANT. Bien sûr, nous savons que ce financement ne sera pas suffisant pour couvrir les besoins, mais il s’agit d’un premier pas vers la recherche de ressources pérennes.

Compte tenu de toutes ces avancées, les membres du groupe socialiste voteront la proposition de loi dans sa rédaction issue des travaux de la commission et présentée par M. le rapporteur.

Mais si ce texte a le mérite de relancer le débat, il ne résout pas le problème de fond.

Il nous faudra demain changer de « paradigme », selon le terme du président de l’ARCEP. Il nous faudra proposer une vision différente de l’aménagement numérique du territoire, en articulant les initiatives publiques et privées, en donnant une vraie place aux collectivités territoriales et en créant un système pérenne de financement accompagné d’une véritable péréquation. Dans le modèle actuel, les opérateurs privés mènent le jeu. Ils interviennent en zone très dense, un peu en zone moyennement dense et pas du tout en zone peu dense, au regard de la rentabilité estimée du territoire.

Mais la notion même de rentabilité d’un territoire devrait nous inciter à la réflexion. Nous sommes-nous interrogés sur la rentabilité des territoires lorsqu’il s’agissait d’y amener l’eau et l’électricité ? Nous sommes-nous interrogés sur la rentabilité des territoires lorsque nous avons bâti les routes qui maillent nos départements et nos régions ?

Chaque époque a ses besoins, ses grandes politiques d’aménagement du territoire. Aujourd’hui, il nous appartient de bâtir des nouvelles routes, celles de l’information et de la communication, celles du très haut débit.

Ce texte nous donne l’occasion de réaffirmer un message essentiel : l’accès au très haut débit est un enjeu primordial d’aménagement de notre territoire bénéficiant à tous, et pas un enjeu de rentabilité profitant à quelques-uns. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC. – MM. Robert Tropeano, Raymond Vall, Joël Labbé et Jean Boyer applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois.

M. Daniel Dubois. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, peut-on imaginer aujourd'hui un village, même reculé, dépourvu d’électricité ?

Eh bien, ce qui nous semble évident pour l’électricité ou le téléphone fixe l’est aussi pour l’accès à Internet très haut débit et la couverture de téléphonie mobile.

L’enjeu est immense ! Internet est un outil de recherches et de connaissances, ainsi évidemment qu’un outil social et économique. Cela représente plus du quart de la croissance et 40 % des gains de productivité de l’économie.

Je ne m’attarderai donc pas sur l’opportunité d’une bonne couverture numérique de notre territoire pour répondre à ces enjeux fondamentaux, dans l’intérêt tant des citoyens que des entreprises. Aujourd'hui, nous nous rejoignons tous sur ce point.

Demandons-nous plutôt comment déployer avec équité, efficacité et au meilleur coût les kilomètres de fibre optique et les antennes-relais pour la téléphonie mobile sur tout le territoire.

Un an avant l’annonce par le Gouvernement du plan d’aménagement numérique du territoire, au Sénat, la loi dite « Pintat » relative à la lutte contre la fracture numérique posait déjà les fondations. Elle favorisera – nous en sommes tous persuadés – la construction de la France du très haut débit à horizon 2025.

Le dispositif repose sur trois piliers, que le présent texte tend à renforcer pour en corriger les faiblesses.

Premier pilier, la répartition de l’investissement entre les opérateurs privés, dans les zones denses, et les financements publics, dans les zones moins denses.

Deuxième pilier, la constitution d’un fonds d’aménagement numérique du territoire qui permettra de cofinancer les réseaux d’initiative publique, auquel le fonds national pour la société numérique s’est substitué. Ce dernier fonds finance majoritairement les contenus, comme l’e-éducation ou l’e-santé, mais réserve 900 millions d’euros au profit du déploiement des réseaux. L’État, qui a confié la gestion de ce fonds à la Caisse des dépôts et consignations, s’occupe de l’abondement, du fonctionnement et détermine les projets éligibles.

Troisième pilier de la loi Pintat, la mise en œuvre de documents de planification d’infrastructures numériques des collectivités territoriales. Aujourd'hui, 79 départements et régions ont déjà adopté les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique, les SDTAN.

En outre, la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie dispose que les promoteurs et constructeurs devront équiper les logements neufs en fibre optique. Une telle obligation ancre désormais le très haut débit en tant que commodité essentielle.

Comme pour tout chantier de cette envergure, les bonnes intentions n’ont pas réussi à se traduire pleinement dans les actes.

Notre collègue Hervé Maurey a d’ailleurs identifié à juste titre les points faibles du déploiement du plan national pour le très haut débit dans son excellent rapport, qui a été adopté à l’unanimité de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire le 6 juillet dernier.

La présente proposition de loi s’appuie évidemment sur les recommandations du travail constructif mené en amont et est fondée sur des analyses partagées par tous les membres de la commission.

Pour les sénateurs du groupe de l’Union centriste et républicaine, la question qui est au cœur de cette proposition de loi porte sur la conciliation entre l’objectif de rentabilité pour les opérateurs privés et celui d’aménagement équilibré du territoire.

Le texte initial y apportait trois éléments fondamentaux de réponse : le caractère obligatoire des schémas directeurs d’aménagement numérique du territoire, un financement pérenne pour le FANT et des sanctions en cas de manquement des engagements d’investissement des opérateurs privés, afin de rééquilibrer la relation avec les collectivités territoriales.

L’accès au très haut débit constitue, je le répète, une commodité essentielle, donc un élément fondamental de l’aménagement du territoire. À ce titre, il me semble indispensable que le SDTAN, outil stratégique d’aménagement du territoire, revête un caractère obligatoire, comme cela figure dans la proposition de loi.

Il me paraît aussi déterminant qu’il constitue la base d’une contractualisation, sous l’autorité de l’État, entre les collectivités territoriales et les opérateurs, afin que ces derniers soient réellement liés par leur contenu et leurs propres engagements concernant la couverture en très haut débit.

La question de la répartition de l’investissement est également centrale, puisque le manque d’investissements aujourd’hui se traduira par un décrochage demain.

Il faut donc que les conditions de cet investissement à long terme soient acceptables et soutenables financièrement.

Dans le département de la Somme, où le SDTAN a été approuvé, sans les opérateurs privés, nous, c'est-à-dire le conseil général et les établissements publics de coopération intercommunale, devrons mobiliser 12 millions d’euros par an sur vingt ans. En effet, pour l’instant, la région Picardie ne s’est pas encore engagée. (M. Yves Rome s’exclame.) J’espère qu’elle le fera, mon cher collègue, et je compte sur votre soutien…

M. Yves Rome. Il vous est acquis.

M. Daniel Dubois. … pour qu’il en soit ainsi. Car 12 millions d’euros par an, c’est loin d’être neutre.

Les opérateurs privés n’auront pas de mal à avoir de retour sur investissement dans les zones denses.

En revanche, les capacités d’investissement des collectivités ont réduit comme peau de chagrin. La question est donc la suivante : pourront-elles demain financer les boucles dans les zones rurales et semi-rurales, qui ne sont pas rentables, si on ne leur donne pas sur la durée la capacité financière d’assurer de tels investissements ?

Par conséquent, il faut évidemment assurer la pérennité des soutiens financiers de l’État, qui doit donc s’engager sur la durée à participer très largement aux investissements non rentables.

Mais, pour cela, il faut que le FANT soit abondé de manière pérenne par le produit de taxes dédiées, ou par des dotations. À cet égard, mes chers collègues, je regrette que la commission ait décidé de supprimer le dispositif qui figurait dans le texte initial ; il était prévu d’abonder le Fonds avec une contribution de solidarité numérique de 75 centimes d’euro par mois et par abonnement triple play. Il y avait aussi une petite dotation pour les achats. Ces dispositions étaient utiles au FANT.

La pérennité de l’abondement du Fonds par des contributions est la condition sine qua non – souvenons-nous de ce que le Fonds d’amortissement des charges d’électrification, le FACE, a représenté pour l’alimentation électrique – d’un déploiement assuré dans la durée et dans les moindres recoins de France.

De même, il me semble normal que la collectivité puisse se substituer en cas de carence de l’opérateur privé engagé sur une zone rentable dans le cadre de la contractualisation précédemment définie.

Enfin, pour s’assurer de la bonne exécution des engagements des opérateurs privés et respecter l’équilibre entre opérateurs privés et collectivités territoriales, il faut impérativement un arbitre, avec un pouvoir de sanction. Aujourd’hui, personne n’exerce cette mission, pourtant nécessaire à la bonne exécution du programme national.

Pour reprendre ce qui figure dans le rapport : « ce n’est qu’en disposant de mécanismes de contrainte clairs, complets et connus à l’avance que les “règles du jeu” seront claires et que l’on minimisera les risques de carence des opérateurs ».

La proposition de loi confie donc à juste titre ce rôle à l’ARCEP, à qui le statut d’autorité administrative indépendante permet d’exercer une telle mission.

Mes chers collègues, ce texte, qui est issu de l’excellent travail de notre rapporteur – je salue l’esprit constructif ayant présidé à nos débats en commission –, permettra certainement de concilier l’enjeu de rentabilité pour les opérateurs avec un objectif d’aménagement équilibré du territoire.

Il y va de l’avenir de nos territoires ruraux, de leurs entreprises, et de leurs habitants.

C’est pourquoi le groupe de l’Union centriste et républicaine soutiendra cette proposition de loi, tout en regrettant la suppression du financement pérenne au profit du FANT. (Applaudissements sur les travées de l'UCR et sur quelques travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Raymond Vall.

M. Raymond Vall. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, Aménagement numérique du territoire : passer des paroles aux actes, tel était l’intitulé du rapport d’information remis le 6 juillet dernier au nom de la commission de l’économie. Le Sénat a donc décidé de passer aux actes avec cette proposition de loi. Je m’en félicite et je remercie nos collègues Hervé Maurey et Philippe Leroy de cette initiative.

Je ne m’étendrai pas sur les problèmes de la ruralité, pas plus que je n’insisterai sur l’espoir que fait naître le désenclavement numérique dans nos territoires.

Dans mon département, le Gers, le schéma qui vient d’être réalisé nous amène à constater que le coût de l’aménagement numérique représente 120 millions d’euros pour 190 000 habitants. Savez-vous, monsieur le secrétaire d’État, à quelle hauteur s’élèvera la participation de l’opérateur historique, associé à d’autres ? Eh bien, cet opérateur prendra en charge exactement 30 000 habitants, soit 15 % de la population du département… Les autres attendront que l’on trouve des solutions, lesquelles dépendront du bon vouloir de l’opérateur historique et des autres, dont chacun sait ici le goût pour la rentabilité !

Les territoires ruraux ont beaucoup espéré du développement des infrastructures de transport. Il leur a été néanmoins répondu que Réseau ferré de France, RFF, avec plus de 30 milliards d’euros de déficit, ne pouvait plus assumer l’entretien des voies ferrées. Certaines lignes ont été fermées, les trains ne passent plus, et ce alors même que la région a consacré 900 000 euros à l’achat de trains neufs !

Nous avions également fondé de grands espoirs sur le schéma national des infrastructures de transport, le SNIT, qui prévoyait spécialement la construction de douze routes nationales reconnues comme indispensables pour le désenclavement des territoires. Mais l’État n’y consacrera pas un euro dans son budget pour 2012 !

La fibre optique constitue donc notre dernière chance de maintenir des activités sur nos territoires.

En Midi-Pyrénées, comme partout, il y a un pôle central et des activités périphériques. Dans la ville dont je suis le maire est implantée une entreprise qui a construit tous les bâtiments pour Airbus. Elle ne peut travailler sans le haut débit, et son bureau d’études également. Si nous ne trouvons pas de solution, elle devra se délocaliser.

Oui, ce texte nous redonne un peu d’espoir, notamment l’article 20, qui prévoit « le déploiement du très haut débit de façon prioritaire dans les zones rurales, en commençant par les zones d’activité et les services publics ».

Comment fonctionneront en effet les maisons de santé sans accès aux fichiers, sans télémédecine ?

Certes, le désenclavement numérique pose un problème de financement. Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous éclairer, car je suis très surpris. Sur les 2 milliards d’euros du Fonds d’aménagement numérique des territoires, le FANT, seulement 900 millions seront consacrés à la ruralité. Et comment ce fonds sera-t-il alimenté ? En 2010, et vous le savez, les over the top, ou OTT, c'est-à-dire les opérateurs qui se servent de ces tuyaux, ont réalisé 4 milliards d’euros de revenus en 2010 et la somme de 9 milliards est envisagée pour 2015. Est-il normal que des opérateurs de distribution se servent des infrastructures payées par l’État sans participer à proportion des énormes bénéfices qu’ils engrangent ? Il y a là un problème, et une piste intéressante à creuser.

M. Jean-Luc Fichet. Très bien !

M. Raymond Vall. Je vous propose, l’idée n’est pas de moi, de créer un groupe de travail afin d’étudier les voies et moyens de fiscaliser ces opérateurs OTT qui font fortune en utilisant des réseaux appartenant à la puissance publique ou financés par l’argent public.

Voilà une piste qui mérite d’être explorée, je pense que nous pourrons tous tomber d’accord sur ce point.

Pour respecter mon temps de parole, et parce que tout a été dit et fort bien dit, monsieur le secrétaire d’État, je conclurai en insistant : nous avons là une occasion qu’il nous faut saisir. À défaut, l’espoir de la ruralité s’éteindra à jamais ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Claude Léonard.

M. Claude Léonard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie Hervé Maurey et Philippe Leroy d’avoir déposé sur le bureau de la Haute Assemblée la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui. Ils s’attaquent ce faisant à un problème qui est bien réel, à savoir l’aggravation de la fracture numérique sur notre territoire.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. C’est sûr !

M. Claude Léonard. En effet, la réalité du terrain est très différente des discours officiels, souvent très rassurants, et à bien des égards la situation est inquiétante.

L’architecture du réseau téléphonique historique français sur lequel s’appuient la très grande majorité des accès à l’internet haut débit est déjà, en elle-même, une très grande source d’inégalité. Dans mon secteur, par exemple, l’accès au haut débit relève du miracle, puisque le réseau cuivre date des années cinquante. On a d’ailleurs peur quand l’opérateur France Télécom, ou un autre prestataire, ouvre les boîtes de connexion !

Comme l’ont souligné mes collègues, près de 2 % des lignes téléphoniques ne bénéficient pas d’un accès à l’ADSL, soit environ 600 000 foyers. De plus, 8 % des lignes téléphoniques – près de 2 millions de foyers –, ne permettent pas une connexion à plus de 512 Kbits par seconde, ce qui ne correspond pas vraiment à de l’internet à haut débit et entraîne, pour de nombreux sites, un accès très lent ou trop lent.

Quant au 2 Mbits par seconde, le seuil minimum pour du haut débit, il concerne 27 % des lignes, soit 8 millions de foyers. Néanmoins, ceux-ci risquent très rapidement d’être exclus des sites internet, très gourmands en bande passante. Les foyers installés en zones rurales seront tout particulièrement pénalisés.

Pour ce qui est du 8 Mbits par seconde, environ la moitié de la population peut en bénéficier, mais la couverture est très inégale suivant les territoires et ressemble souvent à une peau de léopard !

Certes, l’arrivée de la fibre optique et du très haut débit entraînera un progrès notable, mais, hélas ! elle ne réduira pas l’actuelle fracture numérique. Je crains, au contraire, que cette dernière ne s’aggrave, car les déploiements qui seront mis en œuvre par les opérateurs concerneront, bien évidemment, ce point a été souligné tout l’après-midi, les secteurs les plus rentables, c’est-à-dire les zones denses, notamment celles qui sont proches des centraux téléphoniques. Une fois de plus, les zones rurales seront délaissées et pénalisées.

Je dirai maintenant un mot de la téléphonie mobile. Nos collègues ont eu raison de souligner que, si le taux de couverture était relativement satisfaisant pour la technologie 2G, il n’en va pas encore tout à fait de même pour la technologie 3G. Cette analyse se vérifie aisément dans le département de la Meuse, que j’ai l’honneur de représenter au Sénat.

La téléphonie mobile donne encore lieu à des plaintes de la part d’élus et de certains de nos concitoyens dans les communes qui ne bénéficient que d’une réception médiocre. Je fais référence à la technologie 2G, la situation étant bien pire pour la 3G !

Concernant le haut débit, de très nombreuses personnes doivent se contenter d’une connexion internet à 512 Kbits par seconde, et ce résultat n’aurait même pas été possible sans l’action énergique du conseil général. En tout état de cause, ces personnes ne peuvent utiliser Internet dans de bonnes conditions. Pour elles, un accès internet à 2 Mbits, à 8 Mbits ou encore à l’internet à très haut débit relèvent plus du rêve que d’une réalité à portée.

Cette situation est très gênante pour les particuliers, mais également, et surtout, pour les entreprises, qui ont un besoin urgent de pouvoir utiliser ces nouvelles technologies.

Il faut reconnaître, cependant, que les collectivités territoriales ont souvent consenti de réels efforts afin de désenclaver numériquement les territoires. C’est le cas du département de la Meuse, qui a développé la technologie du WiMax, ce qui a permis d’améliorer la situation de nombreuses communes rurales. Toutefois, cette technologie a rapidement montré ses limites pour un usage au quotidien.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. C’est sûr !

M. Claude Léonard. Les collectivités territoriales sont également prêtes à s’engager en faveur du déploiement de la fibre optique, mais pas à n’importe quelles conditions. À l’heure actuelle, en effet, l’État favorise les opérateurs existants pour l’installation de la fibre dans les zones les plus rentables – environ 3 200 communes –, ce qui laissera aux collectivités territoriales la lourde charge de s’occuper des zones qui le sont moins.

Je citerai un exemple chiffré. Dans mon département, sur 500 communes, seules 16 seront concernées par la mise en place de la fibre optique par les opérateurs privés. Même si nos appartenances politiques sont différentes, monsieur Vall, les élus de la Meuse ont les mêmes préoccupations que ceux du Gers ! Cette opération représentera 27 500 foyers et 570 kilomètres de fibre à tirer pour un coût de 20 millions d’euros, soit en moyenne 700 euros par foyer.

Il resterait donc aux collectivités territoriales meusiennes 484 communes et 78 500 foyers à connecter, 4 200 kilomètres de fibre optique à poser, pour un coût de 170 millions d’euros, soit environ 2 200 euros par foyer. Si ce n’est pas une fracture…

Monsieur le secrétaire d’État, si on ne laisse pas la possibilité aux collectivités territoriales de s’occuper à la fois des zones rentables et de celles qui le sont moins, il leur sera impossible d’intervenir tant leurs finances sont déjà contraintes.

Si nous ne voulons pas aboutir à une France à deux vitesses dans le domaine technologique et si nous refusons de devoir attendre près d’un siècle avant que les territoires ruraux soient connectés au très haut débit, il faut prendre le taureau par les cornes.

Tout d’abord, il faut assurer une meilleure couverture en téléphonie mobile 3G dans les zones grises ou les zones blanches.

Ensuite, il faut mettre en place un droit au haut débit opposable, qui concerne tout naturellement les zones rurales.

Il faut également permettre aux collectivités territoriales qui le souhaitent d’installer la fibre optique dans tous les secteurs de leur département.

Il faut aussi mettre en œuvre un financement suffisant et pérenne du Fonds d’aménagement numérique des territoires, ce que l’adoption de la présente proposition de loi ne permettra malheureusement pas.

Enfin, il faut assigner un objectif prioritaire de couverture des territoires ruraux à la politique d’aménagement du territoire. En ce début de XXIsiècle, en effet, l’aménagement du territoire concerne non plus le seul désenclavement routier ou ferroviaire, mais également le désenclavement numérique.

J’ose espérer que ces mesures seront mises en œuvre dans les meilleurs délais. Si tel n’était pas le cas, ce serait non plus une fracture numérique, mais plutôt un véritable abîme qui séparerait les zones denses, disposant du meilleur en matière de nouvelles technologies de l’information et de la communication, et les zones rurales, définitivement reléguées en deuxième, voire en troisième division ! Ces territoires, dès lors, perdraient tout espoir d’attirer des entreprises qui ont désormais toutes besoins des nouvelles technologies. Quant aux particuliers, leur mécontentement serait à tous égards légitime.

Les entreprises de pointe ne sont pas toutes implantées dans les zones denses et urbaines. Elles travaillent également dans les territoires ruraux, certaines même pour la défense. Elles doivent pouvoir être connectées et joignables.

Mon département, si le Parlement en décide ainsi, accueillera bientôt un projet industriel de grande ampleur - il s’étalera sur un siècle -, je veux parler de Cigéo, qui concerne l’enfouissement de matières radioactives en couches géologiques profondes. Que penseront l’ANDRA, EDF, AREVA et le CEA, qui sont les quatre partenaires sur ce territoire, si demain ils n’ont pas accès, comme ils le font dans les zones denses, à la technologie de communication moderne ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, l’existence d’infrastructures de transport de qualité – routes, autoroutes, voies ferrées, aéroports – a longtemps été considérée comme le seul moyen efficace de désenclaver les territoires.

Le développement des technologies numériques a changé la donne en faisant apparaître que même les territoires bien desservis par les infrastructures de transport risquaient de connaître le déclin s’ils ne bénéficiaient pas aussi d’une bonne couverture numérique.

Or les projets actuels du Gouvernement en matière de déploiement de la fibre optique risquent d’engendrer une fracture entre les zones denses, très rentables pour les opérateurs privés, et les zones non denses, rurales notamment, où l’investissement sera laissé à la charge des collectivités.

M. Michel Teston. Le Programme national très haut débit, le PNTHD, mis en place en juin 2010 distingue trois types de zones : les zones très denses, où le déploiement sera laissé à l’initiative privée, sans aides publiques ; les zones moyennement denses, où les opérateurs privés pourront bénéficier de prêts et de garanties d’emprunt ; les zones peu denses où seul l’investissement public sera possible.

Ce plan favorise donc l’initiative privée, y compris dans les zones moyennement denses. Quant aux collectivités territoriales, elles sont cantonnées dans le déploiement des réseaux en zones rurales sans pouvoir opérer une péréquation territoriale. En effet, l’interprétation restrictive du PNTHD par le Gouvernement leur interdit de s’engager dans des projets intégrés associant dans un même déploiement des zones rentables et des zones non rentables.

Le modèle de déploiement choisi par le Gouvernement fait donc la part belle aux opérateurs privés, qui de surcroît ne sont pas engagés par leurs projets de déploiement et qui peuvent bloquer l’initiative des collectivités.

Enfin, les opérateurs privés ne contribuent nullement au financement du déploiement des réseaux dans les zones peu denses, alors que les instruments de financement public en zones très denses sont largement insuffisants.

Ce constat conduit à la conclusion qu’un autre modèle de déploiement est nécessaire à l’avenir, si l’on veut éviter une France à deux vitesses.

La proposition de loi de MM. Hervé Maurey et Philippe Leroy que nous examinons aujourd’hui n’a pas l’ambition de changer de modèle mais a simplement pour objet d’apporter un certain nombre d’améliorations à l’existant.

Au titre de ces aménagements, on peut citer le caractère obligatoire des schémas directeurs territoriaux et l’élargissement de leur spectre à toutes les technologies ; une meilleure couverture en téléphonie mobile ; la contractualisation des engagements des opérateurs ; le financement public national des projets intégrés des collectivités dans les zones non rentables ; un pouvoir de sanction reconnu à l’ARCEP en cas de non-respect des engagements pris par les opérateurs, ou encore la reconnaissance, dans le code des postes et des communications électroniques, du statut d’opérateur aux collectivités intervenant dans le cadre de réseaux d’initiative publique.

D’autres améliorations du modèle actuel de déploiement découlent de l’adoption d’amendements en commission, tout particulièrement sur l’initiative du groupe socialiste. Il en va notamment ainsi de l’affirmation du principe selon lequel l’aménagement numérique du territoire relève de l’intérêt général, ou encore de l’édiction de mesures favorisant la complétude des réseaux de boucle locale.

Monsieur le secrétaire d’État, nous avons considéré que, dans une réelle logique d’aménagement du territoire, le financement du FANT relevait avant tout de la compétence de l’État. Nous sommes donc opposés à l’instauration de taxes pour alimenter ledit fonds.

En outre, nous avons voté l’amendement rectifié de M. le rapporteur permettant d’alimenter le FANT par le produit des sanctions financières prononcées par l’ARCEP à l’encontre des opérateurs qui ne respectent pas leurs engagements.

Au cours des débats, nous défendrons un certain nombre d’amendements, dont les plus significatifs visent à obtenir la garantie que les opérateurs assureront bien la complétude de leur réseau de desserte en aval du point de mutualisation, ou encore à inscrire dans la loi que l’insuffisance de souscriptions à l’issue de la procédure d’appel à cofinancements a priori sur les réseaux en fibre jusqu’à l’abonné permet également de constater l’insuffisance d’initiatives privées. (M. Yves Rome acquiesce.)

Enfin, j’ajouterai un mot sur l’article 13 bis, qui prévoit la remise d’un rapport au Parlement sur les conséquences d’une séparation entre les activités de gestion du réseau et les activités de fourniture du service de la boucle locale cuivre.

Dans mon esprit, et tout mon engagement au Sénat en témoigne, ainsi que dans l’esprit de mes collègues du groupe socialiste, il ne s’agit en aucun cas de demander la séparation des activités de l’opérateur historique. Il s’agit simplement d’en connaître les conséquences, si la Commission européenne venait à s’orienter dans ce sens, ce qui n’est pas impossible.

M. Yves Rome. Tout à fait !

M. Michel Teston. À l’évidence, notre légitime préoccupation n’a pas été très bien comprise : nous avons donc déposé un amendement de suppression de cet article.

En conclusion, dans l’attente de la mise au point d’un autre modèle de déploiement, et il est absolument nécessaire, il convient de ne pas bloquer l’extension de la couverture en matière de très haut débit et d’améliorer le mode actuel. Tel est l’objet du débat que cette proposition de loi a rendu possible. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Yves Rome.

M. Yves Rome. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, ainsi que dans différents rapports, nos collègues Hervé Maurey et Philippe Leroy dressent un bilan préoccupant de la politique mise en œuvre depuis quelques années pour l’aménagement numérique de notre territoire. Si nous partageons un grand nombre de leurs critiques, nous considérons que ce texte demeure, malheureusement, dans le giron du programme national, par trop libéral, monsieur le secrétaire d’État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Tiens donc !

M. Yves Rome. En premier lieu, pour atteindre les objectifs ambitieux de couverture en très haut débit, il est impératif de « réviser les modalités du modèle de déploiement retenu », des parties entières du territoire, ce constat a été maintes fois rappelé, étant « non desservies ou de façon insatisfaisante ».

S’agissant du haut débit, si plus de 98 % des Français ont accès à des services ADSL, le taux de couverture tombe, selon l’ARCEP, à 77 % seulement pour les connexions bénéficiant d’un débit supérieur ou égal à 2 Mbits, seuil minimum pour un haut débit correct, alors même que le triple play nécessite, par exemple, un débit d’au moins 8 Mbits pour offrir un service confortable. Or actuellement, 48 % des lignes ADSL seulement bénéficient de plus de 10 Mbits.

Si les territoires ruraux sont les premiers lésés, les quartiers urbains mais peu denses connaissent le même sort. Des inégalités de couverture sont donc manifestes. Et qu’en sera-t-il demain ? Si nous devons absolument faire le choix de la fibre pour l’avenir, nous savons bien que la construction de ce nouveau réseau prendra du temps – dix ans, selon les plus volontaristes, vingt ans selon le programme actuel, véritable écran de fumée ! Il exigera par ailleurs – faut-il le souligner ? – entre 20 et 40 milliards d’euros, selon les estimations.

Au-delà des inégalités constatées dans les zones denses, la fracture numérique ne cesse de se creuser entre les territoires, laissant des secteurs entiers non couverts. La politique menée ces dernières années est très largement responsable de cette situation.

Vous l’avez vous-même longuement détaillé, monsieur le secrétaire d’État, le PNTHD fait la part belle aux opérateurs privés, au détriment des collectivités territoriales, lesquelles devraient pourtant être au cœur de l’aménagement numérique de notre territoire.

Les « intentions d’investissement » des opérateurs privés sont bien peu contraignantes : elles n’engagent ces opérateurs en rien, ni sur le plan financier ni en termes de calendrier. D’ailleurs, leur abandon ne peut pas être sanctionné, alors même – ce fait a également été souligné – qu’ils empêchent dans le même temps les collectivités territoriales d’agir.

L’écrémage du territoire est donc mis en œuvre, et il n’est plus supportable pour bon nombre de collectivités, en proie à la plus grande incertitude financière et juridique : elles ne doivent pas être condamnées à assumer un rôle de supplétif par rapport à l’initiative privée, dans les zones les moins denses et donc les plus coûteuses à couvrir ! Au surplus, ces collectivités territoriales ont acquis ces dernières années une véritable expertise en matière de très haut débit. En prise directe avec les attentes sociales sur l’accès aux usages, nombre d’entre elles bénéficient déjà des acquis de leur engagement dans des politiques locales et volontaristes de réseaux d’initiative publique.

À cet égard, et en tant que président de l’association des villes et des collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel, l’AVICCA, dont M. Leroy est le secrétaire général et qui regroupe plus de 200 collectivités locales – agglomérations, syndicats mixtes, départements, régions – je ne peux que me féliciter du niveau de compétence que les collectivités ont atteint et du fort potentiel qu’il leur reste encore à déployer, à condition, bien entendu, que l’on donne aux élus locaux les moyens d’agir.

Or, comme le souligne M. Maurey lui-même, le FANT reste un « fonds sans fonds » (Sourires.), un panier percé ou une coquille vide, si vous me permettez cette accumulation de métaphores. Quant au Fonds pour la société numérique, le FSN, doté de 900 millions d’euros, il n’offre aucune visibilité au-delà d’une période de trois ans. Ce faisant, il insécurise au plus haut point les projets de collectivités, enserrées dans le carcan du cadre actuel.

Monsieur le secrétaire d’État, cette situation n’est plus acceptable. De plus, elle contredit vos ambitions comme celles du Président de la République.

La présente proposition de loi tente de pallier ces incohérences.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Vous souhaitez nous aider ? Très bien !

M. Yves Rome. Toutefois, si nous partageons assez largement le diagnostic de nos collègues Hervé Maurey et Philippe Leroy, nous considérons cependant que le texte qui nous est présenté ne vise pas à changer le modèle ultralibéral,…

M. Bruno Retailleau. Ultralibéral ?

M. Pierre Hérisson. Il ne faut pas exagérer !

M. Yves Rome. … retenu pour l’organisation du déploiement du très haut débit en France.

Cette proposition de loi se contente de réviser le dispositif existant en corrigeant ses défauts les plus visibles. Certes, monsieur le rapporteur, c’est un progrès particulièrement significatif. Néanmoins, nous souhaitons évidemment aller beaucoup loin, car, si nous ne changeons pas rapidement de paradigme ou, pour être plus clair, de modèle, nous ne parviendrons pas à respecter les engagements ambitieux que nous nous sommes collectivement fixés.

À l’origine de 25 % de la croissance et de plus de un million d’emplois créés, le numérique est un levier économique majeur qu’il serait temps de considérer comme tel, surtout dans le contexte de la crise que nous traversons : oui, aujourd’hui et encore davantage demain, le numérique constitue et constituera la ligne de front de la compétition économique.

À cet égard, nous ne sommes pas sans ressources : nous devons nous montrer capables de tirer les enseignements de plus de dix ans d’expérience fructueuse, bâtie autour du modèle mis en œuvre pour le déploiement du haut débit, dont vous-même soulignez la qualité, monsieur le secrétaire d’État.

Or ce résultat a été atteint parce que l’on a reconnu la place éminente des collectivités territoriales dans le déploiement du haut débit. Nous le devons d’ailleurs à nos précurseurs, notamment ceux qui ont pris l’initiative d’insérer ce qui allait devenir l’article L.1425-1 du code général des collectivités territoriales, autorisant les réseaux d’initiative publique, qui ont su marier fort judicieusement initiative publique et initiative privée, notamment dans le cadre des délégations de service public, et jouant ainsi un rôle d’aiguillon incontestable, pour l’opérateur historique mais aussi pour les opérateurs alternatifs.

C’est la raison pour laquelle nous vous proposons d’amender ce texte. Dans cette perspective, deux lignes de force sont à privilégier : premièrement, encadrer plus strictement les engagements des opérateurs privés, en vue d’une véritable obligation de complétude de leur réseau de desserte ; deuxièmement, conforter le rôle des collectivités territoriales.

Mais, au-delà de ces aménagements, des choix essentiels restent à opérer pour ce qui concerne le statut de la boucle cuivre, le mode d’alimentation des aides publiques ou la complémentarité de solutions alternatives au très haut débit, notamment par l’usage du satellite et de la téléphonie mobile, à titre prudentiel, afin de ne pas retarder le déploiement de la fibre, car telle est notre ambition.

Certaines questions ne peuvent pas être tranchées en l’état actuel de la réflexion collective : elles le seront en temps voulu. Si en effet le financement du FANT constitue un enjeu central, mieux vaut définir au préalable les besoins d’investissement en fonction des rôles respectifs qui seront dévolus aux opérateurs privés et aux collectivités publiques.

Ce qui est certain, c’est qu’un système péréquateur et pérenne devra être privilégié pour corriger au plus vite les inégalités engendrées par les choix idéologiques d’un gouvernement qui manque parfois de souffle.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Ne soyez pas désobligeant !

M. Yves Rome. Monsieur le secrétaire d’État, si des analyses pertinentes sont à l’origine du texte que nous examinons aujourd’hui, ayons la sagesse d’interroger les solutions qui nous sont proposées aujourd’hui sous l’angle de leur efficience et de les amender à juste titre.

Les termes du débat sont posés, témoins de la prise de conscience collective de l’enjeu considérable que représente le très haut débit pour nos territoires et notre place dans la compétition économique. Ne nous arrêtons pas en route. Préparons le terrain d’un autre modèle d’aménagement numérique, cohérent, pérenne et solidaire. Donnons à nos territoires les moyens d’exercer leur expertise et engageons avec eux, dans le cadre d’un nouveau pacte de confiance et de croissance, ce vaste chantier d’avenir : le numérique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger.

M. Yves Krattinger. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après ces interventions brillantes et pertinentes, je vais essayer de développer devant vous une vision concrète, partagée par de nombreux élus locaux, de la question que nous abordons aujourd’hui.

Il faut en être conscient, la situation de départ est extrêmement défavorable pour les territoires ruraux.

Je retiendrai trois indicateurs : la couverture, le dégroupage, les infrastructures.

En termes de couverture, les foyers situés en zones blanches sont en nombre supérieur à la moyenne nationale. Ainsi, dans mon département, 27 % de la population ne peut disposer d’une connexion à un débit nominal de 2 Mbits par seconde et 55 % de cette même population est inéligible à un débit de 8 Mbits par seconde.

En termes de dégroupage, il existe peu d’opérateurs dégroupeurs en milieu rural, ce qui constitue un frein au déploiement de l’offre triple play pour les foyers non dégroupés.

En termes d’infrastructures, celles des zones rurales, telles que les nœuds de raccordement d’abonnés, les sous-répartiteurs, sont de petite taille, voire de très petite taille. L’évolution et l’entretien sont difficiles ; les multiplexeurs sont des obstacles à l’ADSL et les NRA ne sont pas opticalisés.

Quant au contexte économique et réglementaire, le modèle est figé et fonctionne « à l’envers » d’une logique de péréquation.

En effet, les zones d’appel à manifestations d’intentions d’investissement répondent, d’une part, à une logique d’écrémage et, d’autre part, à une logique de profits, ce qui se révèle contraire à l’aménagement équilibré du territoire et à la réduction de la fracture numérique.

Les opérateurs privés investissent en zones denses, comme le démontre la situation désormais établie des appels à manifestations d’intentions d’investissement. Aucune perspective d’investissement privé n’est prévue en zones non denses dans les infrastructures à très haut débit ou pour la résorption des zones blanches de l’ADSL.

Il n’y a pas de péréquation entre les zones denses rentables, lesquelles sont préemptées par les opérateurs, et les zones rurales non rentables, qui sont laissées aux collectivités, ce qui amplifie la fracture numérique ville-campagne.

La cible « 100 % FTTH » est totalement hors de portée pour les territoires ruraux.

Il est donc impossible de déployer directement la fibre optique dans toutes les zones cibles FTTH, avec pour conséquence non négligeable que se superpose le coût des technologies cibles pérennes – FTTH, 4G – et celui des solutions d’attente – WiFi, WiMax, montée en débit des points de raccordement mutualisés –, ce qui conduit à une facture plus lourde pour les collectivités rurales.

Après la fracture, la facture ! (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

Dans ces conditions, quelle approche pouvons-nous retenir ?

Il s’agit de rechercher une voie plus réaliste et plus crédible vers le très haut débit, en associant un mix de technologies additionnant FTTH, montée en débit, radio et 4G, et en « prenant la main » sur l’aménagement numérique, avec pour ambition de déclencher un effet de levier et de reconfigurer l’écosystème de l’aménagement numérique.

Quel scénario d’action pouvons-nous retenir, par ordre croissant d’interventionnisme dans le temps ?

La première hypothèse, privilégiée par certains pour le moment, est de ne rien faire, de « laisser faire », et donc de laisser monter le mécontentement. Il n’y aura alors aucun investissement privé, compte tenu des « engagements » en zones denses. C’est évidemment inenvisageable pour les élus des territoires, en raison des enjeux économiques – les entreprises se tournent vers eux –, des usages des services publics et des besoins des foyers. Les collectivités sont donc en quelque sorte contraintes d’agir.

La deuxième hypothèse consiste à agir en complémentarité, c’est-à-dire en complémentarité du réseau de l’opérateur historique, seul présent en ruralité.

La collectivité densifie alors le réseau optique de collecte - et uniquement celui-là - et améliore les infrastructures existantes par l’opticalisation de nœuds de raccordement d’abonnés, les NRA, l’effacement de multiplexeurs et l’installation, à ses frais, de nœuds de raccordement d’abonnés-point de raccordement mutualisé.

Ce scénario a cela de singulier qu’il est très favorable à l’opérateur historique en territoire rural, car, sans investir, celui-ci prescrit les évolutions, garde sa clientèle sur un réseau captif – c’est ce que l’on constate partout aujourd’hui - et prolonge durablement la vie du réseau de desserte en cuivre, lequel reste très lucratif et rentable, ce qui permet ensuite à l’opérateur d’investir ailleurs.

En revanche, ce scenario n’est pas favorable aux opérateurs alternatifs : ils ne viendront pas davantage sur ce réseau, car les conditions économiques, quasi inchangées, restent pénalisantes – tous les tarifs le prouvent.

Quant à l’objectif de résorption des zones blanches et de montée en débit, il n’y a pas d’ambition THD ou FTTH. À ce jour, il n’existe pas de stratégie FTTH ou 4G chez l’opérateur historique, en dehors des zones AMII, c’est-à-dire d’appel à manifestations d’intentions d’investissement.

On n’apporte pas non plus de réponse aux besoins en THD des services publics – universités, hôpitaux, grosses collectivités – ou de certaines entreprises, qui demandent un catalogue de services plus large et des prestations moins chères. En tant qu’élus, nous sommes, chaque semaine, confrontés à ce genre de questions.

Pour résumer la situation actuelle, cette solution maîtrisée permet de répondre à l’urgence dans les zones blanches du haut débit, mais sa portée et son ambition sont limitées, de sorte qu’elle ne tiendra pas dans le temps.

La troisième hypothèse consiste à aller plus loin et de « prendre la main » pour piloter les évolutions du schéma directeur territorial d’aménagement numérique, le SDTAN.

Dans ce cas, la collectivité devient opérateur d’infrastructures par la construction de réseaux de collecte et de desserte et la location longue durée de fourreaux ou de fibres, principalement à France Télécom et, occasionnellement, à Réseau ferré de France ou à des gérants de sociétés d’autoroutes, sous réserve de l’existence de capacités suffisantes.

Elle peut offrir à des opérateurs de services alternatifs des conditions économiques intéressantes en termes de prix de location ou de couverture.

Dans cette hypothèse, différentes préoccupations doivent être prises en compte.

On peut ainsi retenir un scénario en « complémentarité », c’est-à-dire ne pas prévoir de construction lorsqu’une infrastructure existe et est disponible : quand on n’a pas les moyens de faire, autant se limiter au strict nécessaire.

On peut également poser la question des moyens des collectivités pour mettre en œuvre leur stratégie THD et FTTH sur la collecte et la desserte fixe et mobile. On peut aussi poser la question des moyens pour les opérateurs alternatifs ; élaborer des offres de services THD à des administrés par des opérateurs ; enfin, élaborer des stratégies de couverture radio, voire 4G, lesquelles sont développées par un autre opérateur que je n’ai pas cité jusqu’à présent.

Mais que faut-il constater ?

La collectivité joue alors un rôle d’« éclaireur » de marché et n’a aucune garantie de succès a priori : des opérateurs loueront-ils des fibres ? Elle ne le sait pas ! Des entreprises feront-elles confiance à ces nouveaux opérateurs ? Elle ne le sait pas !

De surcroît, la collectivité peut avoir à acquérir des compétences, ce qui se révélera peut-être difficile et même très coûteux.

Il est également difficile de concevoir que, en 2012, la collectivité doive louer en permanence à l’opérateur historique des infrastructures pour une bonne partie financées par le contribuable dans les années soixante-dix et quatre-vingt, et ce pour pallier l’absence de programme THD des opérateurs privés en zones non denses.

Enfin, le risque n’est pas nul de devoir supporter la concurrence de France Télécom-Orange, puisqu’il me faut le citer, qui réagira a posteriori par une baisse de ses tarifs pour concurrencer le nouveau réseau et garder ses parts de marché.

Voilà l’équation incertaine à laquelle sont confrontés les territoires ruraux, et tout particulièrement les conseils généraux, qui se trouvent au cœur des solutions en préparation, sans avoir la certitude de disposer des moyens financiers permettant d’assurer les orientations qui leur sont imposées.

Vous le voyez, mes chers collègues, l’avenir du déploiement du très haut débit dans les zones rurales de notre pays suscite de très nombreuses interrogations ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Daniel Dubois, Pierre Camani et Yves Rome estiment que le Gouvernement ne surveille pas suffisamment les opérateurs et se demandent comment il peut les amener à respecter leurs engagements.

Je leur réponds que nous menons deux actions : d’une part, nous les incitons à investir, ce qui passe par un cadre législatif et réglementaire stable, notamment sur le plan fiscal ; d’autre part, nous prévoyons une sanction adaptée en cas de retard. Tous les ans, le Gouvernement veille au respect des engagements pris et il attend d’ailleurs la réponse des opérateurs pour la fin du mois de février.

Selon Joël Labbé, il faut alimenter dès aujourd’hui le Fonds d’aménagement numérique des territoires. Je rappelle que 900 millions d’euros ont été mobilisés par le Gouvernement et que ces crédits permettront de financer des projets durant plusieurs années, le déploiement de la fibre optique dans les zones rurales constituant une priorité du Gouvernement.

Mireille Schurch, Pierre Camani et Yves Krattinger viennent à l’instant de poser la question du très haut débit et de la péréquation. Nous devons nous concentrer sur les zones de carence de l’initiative privée, à l’exclusion des autres, en veillant à la sécurité juridique des dispositifs mis en place. En effet, la Commission européenne et l’Autorité de la concurrence ont déjà précisé qu’il ne saurait y avoir d’aides d’État, sauf dans les zones non rentables.

Il faut donc éviter les situations de superposition de deux réseaux sur un même territoire, ce qui ne serait de toute façon pas raisonnable – Bruno Retailleau l’a souligné –, car cela engendrerait une dépense inutile et remettrait en cause l’équilibre économique du réseau d’initiative publique. Au contraire, nous devons nous concentrer sur les zones de carence de l’investissement privé, en nous appuyant sur la péréquation organisée par le Programme national très haut débit et sur l’appétence des foyers ruraux pour la fibre optique, laquelle compensera le coût plus élevé des prises.

Mireille Schurch et Jean-Michel Baylet ont évoqué notre prétendu retard en matière numérique. Je le redis, nous sommes le premier pays européen en nombre de foyers éligibles au très haut débit, avec près de 6 millions de foyers raccordés, et le deuxième pays européen en nombre d’abonnés au très haut débit, avec 600 000 abonnés environ. À titre de comparaison, l’Allemagne ne compte que 150 000 foyers abonnés et le Royaume-Uni, 4 500.

L’Europe est certes, de manière générale, en retard sur l’Asie, mais la France n’y occupe pas moins la place de leader.

L’hypothèse de l’opérateur unique mutualisé évoquée par Jean-Michel Baylet ne me semble pas souhaitable.

Premièrement, elle aurait pour conséquence de revenir sur la concurrence dans le secteur, alors même que celle-ci a permis la baisse des prix et l’innovation. Je ne m’attarderai toutefois pas sur la concurrence, n’ayant pas envie de réveiller les ardeurs de certains d’entre vous… (Sourires.)

Un opérateur de réseau unique en situation de monopole ne serait d’ailleurs aucunement incité à investir. Le Royaume-Uni en fournit un bon exemple : ce pays a choisi de séparer son opérateur de réseau des fournisseurs d’accès à Internet, et seuls 4 500 foyers sont abonnés, contre plus de 600 000 en France.

M. Bruno Retailleau m’a interrogé très précisément sur le décret relatif à la connaissance des réseaux, qui avait été adopté, il le sait bien, le 12 février 2009. Le Conseil d’État l’avait partiellement annulé ; la loi du 22 mars 2011 a redéfini une base légale. Le Gouvernement a élaboré un nouveau projet et vient d’achever l’ensemble des consultations obligatoires, notamment celle de l’ARCEP et de toutes les commissions consultatives. Le nouveau décret sera donc publié dans les prochains jours.

M. Raymond Vall a souligné le problème des opérateurs OTT, qui utilisent les réseaux sans contribuer à leur financement. C’est une préoccupation partagée par le Gouvernement. Nous avons d’ailleurs chargé le Conseil national du numérique de formuler des propositions sur ce sujet. Les taxes sur Internet proposées jusqu’à maintenant pénalisaient les acteurs français de l’internet, mais pas les grands fournisseurs de services comme Google et Facebook. La réflexion est en cours.

Je partage nombre des propos de M. Léonard sur l’objectif, mais pas sur les moyens qu’il propose pour l’atteindre.

Je dirai à Yves Rome qui a parlé de « modèle ultralibéral » que nous, nous ne voulons pas tomber dans « l’ultra-dirigisme » ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. Yves Rome. Il n’y a pas de danger !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Vous le voyez, nous nous retrouverons au moins sur ce point… (Sourires.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Cela n’arrivera pas !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Si, au contraire, puisque nous condamnons les uns et les autres les « ultra » ! (Nouveaux sourires.)

M. Michel Teston a souligné qu’il fallait soutenir les projets intégrés. C’est juridiquement possible, mais ce n’est pas économiquement judicieux. Je prendrai l’exemple du conseil général de l’Ain, qui a déployé un réseau de 55 000 prises de fibre optique, mais aucun opérateur national ne s’est raccordé à ce réseau, car la collectivité territoriale l’a déployé en duplication avec les opérateurs privés. Résultat ? Seuls 3 800 foyers se sont abonnés, soit la moitié du taux de pénétration national.

M. Yves Rome estime que le haut débit et le numérique se sont développés en France essentiellement grâce aux collectivités territoriales.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je suis tout à fait en désaccord avec cette affirmation. Je ne dis pas qu’elles n’y ont pas contribué, elles ont clairement participé à l’aménagement numérique du territoire, mais ce sont essentiellement la concurrence et les investissements privés dans le dégroupage qui ont permis le décollage de l’internet à haut débit en France.

M. Claude Bérit-Débat. Grâce à qui ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. D’ailleurs, tous les pays qui n’ont pas mis en place des dispositifs du même type sont en retard.

Je vous remercie tous d’avoir participé, avec beaucoup d’énergie et de technicité, à ce débat utile. Il vous permettra d’entrer plus avant, ce soir, dans la discussion des articles de cette proposition de loi avec Éric Besson, et je sais toute votre impatience ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer l'aménagement numérique du territoire
Discussion générale (suite)

7

Candidatures à quatre missions communes d'information et à une commission d’enquête

M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt-sept membres :

- de la mission commune d’information sur les dispositifs médicaux implantables et les interventions à visée esthétique, créée sur l’initiative du groupe Union pour un mouvement populaire en application de son droit de tirage ;

- de la mission commune d’information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement, créée sur l’initiative du groupe socialiste et apparentés en application de son droit de tirage ;

- de la mission commune d’information sur les inondations qui se sont produites dans le Var et, plus largement, dans le sud-est de la France au mois de novembre 2011, créée sur proposition du groupe du Rassemblement démocratique et social européen ;

- et de la mission commune d’information sur le fonctionnement, la méthodologie et la crédibilité des agences de notation, créée sur l’initiative du groupe de l’Union centriste et républicaine, en application de son droit de tirage ;

- ainsi que la désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur le coût réel de l’électricité afin d’en déterminer l’imputation aux différents agents économiques, créée sur l’initiative du groupe écologiste, en application de son droit de tirage.

En application des articles 11 et 8, alinéas 3 à 11, de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été affichées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

En outre, je vous informe que, sous réserve de la ratification de la liste de ses candidats, la mission commune d’information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement est convoquée pour se constituer demain, mercredi 15 février, à quatorze heures trente, dans la salle de la commission des affaires sociales.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.)

PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

8

Nomination des membres de quatre missions communes d'information et d'une commission d'enquête

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures pour les missions communes d’information sur les dispositifs médicaux implantables et les interventions à visée esthétique ; sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement ; sur les inondations qui se sont produites dans le Var et, plus largement, dans le sud-est de la France au mois de novembre 2011 ; sur le fonctionnement, la méthodologie et la crédibilité des agences de notation ; ainsi que pour la commission d’enquête sur le coût réel de l’électricité afin d’en déterminer l’imputation aux différents agents économiques.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées, et je proclame :

– Mme Aline Archimbaud, MM. Gilbert Barbier, Philippe Bas, Mmes Marie-Thérèse Bruguière, Françoise Cartron, Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Laurence Cohen, Catherine Deroche, MM. Alain Fauconnier, Michel Fontaine, Mmes Catherine Génisson, Nathalie Goulet, Chantal Jouanno, Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Jacky Le Menn, Jean-Louis Masson, Alain Milon, Jean-Jacques Mirassou, Alain Néri, Mmes Isabelle Pasquet, Gisèle Printz, MM. Gérard Roche, René-Paul Savary, René Teulade, Mme Catherine Troendle, membres de la mission commune d’information sur les dispositifs médicaux implantables et les interventions à visée esthétique ;

– Mme Jacqueline Alquier, MM. Gérard Bailly, Gilbert Barbier, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Pierre Bordier, Yannick Botrel, Mme Bernadette Bourzai, M. Jean-Noël Cardoux, Mme Laurence Cohen, M. Alain Fauconnier, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. François Grosdidier, Alain Houpert, Jean-François Husson, Claude Jeannerot, Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure, MM. Serge Larcher, Daniel Laurent, Gérard Le Cam, Pierre Martin, Mme Michelle Meunier, M. Gérard Miquel, Mmes Sophie Primas, Laurence Rossignol, Esther Sittler, M. Henri Tandonnet, membres de la mission commune d’information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement ;

– Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Bérit-Débat, Jacques Berthou, Gérard César, Pierre-Yves Collombat, Roland Courteau, Ronan Dantec, Marc Daunis, Éric Doligé, Alain Dufaut, Hubert Falco, Jean-Paul Fournier, Mme Colette Giudicelli, MM. Claude Haut, Michel Houel, Mme Christiane Hummel, M. Jean-Jacques Lasserre, Mme Françoise Laurent-Perrigot, MM. Jean-Jacques Mirassou, Robert Navarro, Louis Nègre, Mme Isabelle Pasquet, MM. Jean-Marc Pastor, Marcel Rainaud, François Trucy, membres de la mission commune d’information sur les inondations qui se sont produites dans le Var et, plus largement, dans le sud-est de la France au mois de novembre 2011 ;

– Mmes Leila Aïchi, Michèle André, MM. René Beaumont, Michel Berson, Jean Bizet, Éric Bocquet, Jean-Pierre Caffet, Marc Daunis, Robert del Picchia, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Esnol, Mme Frédérique Espagnac, MM. Christian Favier, François Fortassin, Jean-Claude Frécon, Pierre Hérisson, Roger Karoutchi, Jean-Yves Leconte, Dominique de Legge, Jean-Pierre Leleux, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. François Marc, Jean-Louis Masson, Aymeri de Montesquiou, Christian Namy, Charles Revet, membres de la mission commune d’information sur le fonctionnement, la méthodologie et la crédibilité des agences de notation ;

– MM. René Beaumont, Jacques Berthou, Ronan Dantec, Jean Desessard, Alain Fauconnier, François Grosdidier, Philippe Kaltenbach, Ronan Kerdraon, Jean-Claude Lenoir, Claude Léonard, Hervé Marseille, Jean-Claude Merceron, Jean-Jacques Mirassou, Jean-Marc Pastor, Xavier Pintat, Ladislas Poniatowski, Jean-Claude Requier, Mmes Laurence Rossignol, Mireille Schurch, Esther Sittler, M. Jean-Pierre Vial, membres de la commission d’enquête sur le coût réel de l’électricité afin d’en déterminer l’imputation aux différents agents économiques.

9

Commission mixte paritaire

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

10

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer l'aménagement numérique du territoire
Article 1er A (nouveau)

Aménagement numérique du territoire

Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi visant à assurer l’aménagement numérique du territoire.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Nous passons donc à la discussion des articles.

TITRE IER

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer l'aménagement numérique du territoire
Article 1er

Article 1er A (nouveau)

L’aménagement numérique du territoire relève de l’intérêt général de la Nation. Il implique la création d’un réseau d’infrastructures permettant la fourniture d’un service de communications électroniques à haut et très haut débits aux entreprises comme aux particuliers.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai, sur l'article.

Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 1er A, dont le groupe socialiste est à l’initiative, dispose que « l’aménagement numérique du territoire relève de l’intérêt général de la Nation ».

Je souhaite ici relayer les attentes de nos concitoyens victimes de la fracture numérique parce qu’habitant des territoires ruraux, des territoires difficiles d’accès, qui présentent de graves handicaps, je veux parler des territoires de montagne.

Comme cela a été longuement rappelé lors de la discussion générale, l’aménagement numérique du territoire est un formidable enjeu pour la France du XXIe siècle, mais le modèle libéral sur lequel repose actuellement le Programme national de très haut débit du Gouvernement oppose l’initiative privée dans les zones les plus denses au soutien à l’initiative publique dans les territoires jugés non rentables par le marché, c'est-à-dire les territoires ruraux, dont je veux me faire ici l’écho.

L’objet de cet article nouveau est d’inscrire dans la loi les principes fondateurs qui doivent présider au déploiement de l’aménagement numérique, c'est-à-dire la mutualisation, l’optimisation des investissements entre le public et le privé et, surtout, l’aménagement équilibré du territoire pour répondre aux besoins de tous nos concitoyens, ainsi que la solidarité territoriale.

Comme pour l’eau, l’électricité, le ferroviaire, les routes ou encore le téléphone au cours des siècles passés, le très haut débit est une infrastructure essentielle et d’intérêt général. À ce titre, il doit être mis en place sous maîtrise publique, en partenariat et en coïnvestissement avec les opérateurs privés ; c’est ce que nous avons souhaité rappeler en introduisant par amendement cet article 1er A avant l’article 1er.

Monsieur le ministre, nous vous demandons dès maintenant de revoir le modèle que vous prônez, celui qui donne la priorité absolue aux opérateurs privés sur les réseaux d’initiative publique, car il s’agit d’une aberration économique qui casse la péréquation territoriale. Notre collègue Yves Krattinger l’a fort bien souligné lors de la discussion générale : après la fracture, voici la facture !

Certaines initiatives de collectivités territoriales ont montré leur efficacité ; elles ne doivent donc pas être remises en question, ni être bloquées par l’hégémonie du monde libéral dominant.

M. Frédéric Lefebvre a cité à plusieurs reprises l’Auvergne. Pour ma part, je prendrai l’exemple d’une région voisine, le Limousin.

Le déploiement du haut débit et, demain, je l’espère, du très haut débit, est porté dans cette région par un syndicat mixte dénommé DORSAL, pour Développement de l’offre régionale de services et de l’aménagement des télécommunications en Limousin.

Ce syndicat réunit les principales collectivités du Limousin ayant décidé de prendre en charge, ensemble, l’aménagement numérique de la région, en mutualisant leurs moyens pour mettre en place une infrastructure en fibre optique, dite « boucle haut débit ». Les résultats sont probants et le désenclavement des zones les plus reculées progresse.

Dans ces conditions, pourquoi ne pas se fonder sur ces expériences réussies pour diffuser les bonnes pratiques en matière de déploiement ?

À cette fin, l’État ne doit pas se désengager, mais il lui faut au contraire organiser un déploiement équilibré et coordonné du très haut débit.

Comme l’ont si justement rappelé à maintes occasions les parlementaires élus des zones oubliées par le Programme national très haut débit, le plan qui est actuellement déployé en matière d’aménagement numérique du territoire risque tout bonnement d’exclure de larges zones et de nombreuses populations rurales d’un réseau structurant et de services numériques pourtant indispensables au maintien de ces populations et à l’attractivité de ces territoires.

Avec le modèle que vous défendez, monsieur le ministre, les opérateurs du très haut débit sont essentiellement attirés par les territoires urbains à forte densité démographique pour déployer la fibre optique, gage d’une rentabilité assurée à court terme ou à moyen terme, au détriment des zones de faible densité.

Au nom de l’équité territoriale et de la solidarité nationale, nous tenons ici à rappeler haut et fort que, pour assurer le développement équilibré des zones urbaines et rurales, il y a urgence à développer des solutions adaptées aux spécificités territoriales, afin qu’aucune région, aucune partie de notre territoire ne soit oubliée du très haut débit. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. L'amendement n° 12, présenté par MM. Retailleau et Hérisson, est ainsi libellé :

Seconde phrase

Après les mots :

aux entreprises,

insérer les mots :

, aux services publics

La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Cet amendement est clair. Il vise simplement à inclure les services publics dans le champ de l’article 1er A, qui pose un principe général auquel on ne peut être que favorable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Pour être tout aussi synthétique que l’auteur de cet amendement, je me contenterai de dire que la commission a émis un avis favorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Le Gouvernement est également favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er A, modifié.

(L'article 1er A est adopté.)

Article 1er A (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer l'aménagement numérique du territoire
Article 2

Article 1er

(Non modifié)

À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 1425-2 du code général des collectivités territoriales, les mots : « concernant prioritairement les réseaux à très haut débit fixe et mobile, y compris satellitaire » sont remplacés par les mots : « qu’ils soient fixes comme mobiles, y compris satellitaires, à haut débit comme à très haut débit ». – (Adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer l'aménagement numérique du territoire
Article 3 (début)

Article 2

I. – (Non modifié) À la seconde phrase du premier alinéa du même article L. 1425-2, les mots : «, qui ont une valeur indicative, » sont supprimés.

II. – Les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique sont adoptés dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi. Leur révision est examinée tous les deux ans dans les conditions prévues par l’article L. 1425-2 du code général des collectivités territoriales.

III (nouveau). – Dans les départements où aucun schéma n’est en cours d’élaboration lors de la promulgation de la présente loi, le représentant de l'État réunit les collectivités mentionnées à l'article L. 1425-2 précité afin d'y remédier. En l'absence d'accord dans un délai de six mois, le schéma est établi sous la responsabilité du représentant de l’État dans le département, en concertation avec lesdites collectivités.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 13 est présenté par MM. Retailleau et Hérisson.

L'amendement n° 47 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Bruno Retailleau, pour présenter l’amendement n° 13.

M. Bruno Retailleau. Il sera intéressant d’entendre le Gouvernement, qui a présenté un amendement identique…

Déjà, lorsque j’étais rapporteur de la proposition de loi de Xavier Pintat relative à la lutte contre la fracture numérique, nous avions tenu, Pierre Hérisson et moi-même, après une réflexion juridique, à indiquer que les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique avaient une valeur indicative, cela précisément pour éviter de leur donner une valeur impérative.

En clair, il ne fallait pas que les SDTAN soient opposables aux tiers et créent des obligations particulières à leur charge.

À ce moment-là, la difficulté juridique était de deux ordres : d’une part, l’article 72 de la Constitution, aux termes duquel aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre ; d’autre part, la liberté du commerce, qui intéresse notamment les opérateurs.

Si le I de l’article 2 devait induire pour les SDTAN une opposabilité aux tiers, il s’ensuivrait un vrai problème juridique. C’est la raison pour laquelle il faut le supprimer.

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 47.

M. Éric Besson, ministre. Comme vient de le suggérer M. Bruno Retailleau, revenons au cadre issu de la loi du 17 décembre 2009, qui a instauré les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique.

Rendre ces schémas contraignants va, selon nous, nuire au dialogue entre les collectivités territoriales et les opérateurs. Ces derniers sont libres de leur déploiement de réseaux, conformément au cadre réglementaire de l’Union européenne pour les réseaux et services de communications électroniques. Par conséquent, une collectivité territoriale ne peut pas, par un schéma directeur, créer de nouvelles obligations de déploiement pour les opérateurs privés.

En revanche, le Gouvernement partage la préoccupation des collectivités territoriales de renforcer les engagements et le suivi des engagements des opérateurs. C’est pourquoi nous avons mis en place des commissions consultatives régionales pour l’aménagement numérique des territoires, afin de favoriser le dialogue entre les collectivités territoriales et les opérateurs, et de suivre la bonne réalisation de ces engagements.

Ces engagements réciproques des opérateurs et des collectivités territoriales font aussi l’objet d’une convention. Les collectivités territoriales ne peuvent pas imposer aux opérateurs un plan de déploiement. C’est contraire à la Constitution et aux règles européennes.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement propose la suppression du I de l’article 2. Il est bien évidemment favorable à l’amendement identique n° 13 de M. Bruno Retailleau.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. Nous proposons non pas de rendre ces schémas opposables ou contraignants, mais simplement de préciser qu’ils ne sont pas indicatifs, ce qui est déjà le cas.

En effet, aujourd’hui, les acteurs qui ne respectent pas les schémas perdent le bénéfice des financements de l’État. Par conséquent, maintenir dans le code général des collectivités territoriales la mention que les schémas ont une valeur indicative n’est tout simplement pas conforme à la réalité, car, en fait, le respect des SDTAN est la condition de l’éligibilité au FANT.

Avec cette proposition de loi, nous ne changeons rien ; simplement nous faisons en sorte que la loi soit conforme à la réalité grâce à une rédaction juridiquement « plus propre », si vous me permettez l’expression.

Voilà pourquoi la commission est défavorable à ces deux amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 et 47.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer l'aménagement numérique du territoire
Article 3 (suite)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 3 (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer l'aménagement numérique du territoire
Article additionnel après l'article 3

Article 3

Le même article L. 1425-2 est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Dans les six mois suivant leur approbation, une négociation se met en place en vue d’améliorer la couverture des territoires en téléphonie mobile de deuxième et troisième générations et en accès à internet à haut débit. » ;

2° Le deuxième alinéa est complété par dix phrases ainsi rédigées :

« Le schéma recense les engagements des opérateurs privés en matière d’investissement dans la réalisation de lignes de communications électroniques en fibre optique à très haut débit dans un délai de trois années. Ces opérateurs précisent l’intensité de déploiement de manière à en assurer la complétude. Ils s’engagent sur le volume de lignes construites jusqu'au point de mutualisation situé en pied d’immeuble et le pourcentage de foyers et d’entreprises, le calendrier de déploiement, année par année, et la cartographie précise des zones à couvrir sur cette période. Ces engagements sont accompagnés des justificatifs permettant d’assurer la crédibilité des informations fournies, notamment un plan d’entreprise, ainsi qu’une preuve de l’existence d’un financement approprié ou tout autre élément susceptible de démontrer la faisabilité de l’investissement envisagé par les opérateurs privés. Les engagements conformes aux dispositions du présent article donnent lieu à une convention entre les opérateurs privés et les collectivités et les groupements de collectivités concernés. Cette convention est annexée au schéma et transmise à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes afin qu'elle se prononce sur son exécution. Les collectivités précisent pour chaque zone la nature de leurs engagements à l’égard des investisseurs privés. Chaque année, les opérateurs privés rendent compte de l’état d’avancement de leurs déploiements à la personne publique rédactrice du schéma, ainsi qu’à toute collectivité ou à tout groupement de collectivités concerné à l’initiative d’un réseau de communications électroniques en application de l’article L. 1425-1 sur le territoire constituant le périmètre du schéma. Quand elles sont conformes aux objectifs du schéma auquel elles se rapportent, les conventions signées avant la promulgation de la loi n° … du … demeurent applicables. Dans le cas contraire, elles sont mises en conformité dans un délai de six mois suivant l’adoption du schéma auquel elles se rapportent. » ;

3° (nouveau) Après la première phrase du troisième alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« L'autorité est également destinataire des schémas achevés, qu'elle rend publics. » ;

4° (nouveau) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les opérateurs privés et publics communiquent à la personne publique qui établit le schéma directeur l'ensemble des informations nécessaires, notamment celles mentionnées à l'article L. 33-7 du code des postes et des communications électroniques. »

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, sur l'article.

M. Claude Jeannerot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans Le défi numérique des territoires - Réinventer l’action publique, Christian Paul souligne qu’un « nouvel Internet est en train de voir le jour ». Il poursuit : « Ferment démocratique, favorisant le partage de la culture, il dissémine les savoirs et l’expertise mais est également le théâtre de nouveaux rapports de force […] ».

Depuis dix ans, les collectivités territoriales tentent d’investir pour réduire la fracture numérique. Dans le département que je préside, le Doubs, c’est devenu l’investissement de première priorité pour les prochaines années.

Dans cette perspective, le schéma directeur territorial d’aménagement numérique que nous nous sommes donné recense les engagements des opérateurs privés pour investir dans la fibre optique. À l’échelon national, 3 400 communes, dont 89 communes du Doubs, devraient faire l’objet du très haut débit en France.

La difficulté résulte de l’absence de contrainte juridique concernant l’engagement de ces opérateurs privés. Dès lors que ces « déclarations d’intention » ne lient par leurs auteurs, n’y a-t-il pas un doute sur la faisabilité des investissements envisagés ? Cette incertitude est d’autant plus dommageable pour les collectivités que celles-ci se positionnent « en complémentarité » dans les zones jugées trop peu rentables par les opérateurs privés.

Dans le Doubs, l’investissement est estimé à 262 millions, dont 180 millions pour la part publique. Rendez-vous compte ! Bien qu’il soit limité au regard de situations comparables sur le territoire national, l’investissement pour une petite communauté de communes comme celle de Vaîte-Aigremont dans mon département, représente 4,9 millions d’euros, dont une participation des communes et de l’intercommunalité de 10 euros par habitant et par an pendant quinze ans, soit près de 17 % de la somme !

En cas d’abandon de projets par les opérateurs privés, les collectivités concernées devront prendre le relais sur ces zones. Cela représente un poids financier considérable qui n’était pas initialement prévu.

L’enjeu de ce texte est donc de définir le juste équilibre entre la liberté économique des opérateurs privés, par ailleurs imposée au niveau de l’Union européenne, et une sécurité juridique et financière suffisante pour les collectivités, alliée à une coopération et à une transparence entre les acteurs.

À ce titre, l’article 3 de la proposition de loi est essentiel, car il traduit l’esprit de la politique d’aménagement numérique du territoire que nous souhaitons, à savoir une véritable coordination des initiatives publiques et privées.

En amont, les engagements des opérateurs sont renforcés par deux biais.

D’abord, l’article 3 crée une véritable contractualisation, c’est-à-dire un lien qui engage, par une convention, opérateurs privés et initiatives publiques, la convention étant ensuite annexée au schéma directeur territorial d’aménagement numérique.

Ensuite, l’article 3 répond au souci de crédibilité et de faisabilité des engagements par la transmission des informations nécessaires, qui devront être chiffrées – budget, financement, volume du déploiement, pourcentage de foyers et d’entreprises ainsi couvertes, calendrier et cartographie.

La connaissance de l’implantation des infrastructures et de leur état d’occupation est un enjeu essentiel pour les collectivités, qui pourront soit utiliser les infrastructures disponibles, soit en déployer de nouvelles. Or cette information, si elle n’était pas communiquée par les opérateurs privés, représenterait un coût supplémentaire pour les collectivités, contraintes de lancer des études pour la rechercher.

En aval, cette disposition instaure un véritable suivi : chaque année les opérateurs feront part de l’état d’avancement de leurs opérations. De plus, de véritables sanctions sont prévues en cas de constat de défaillance par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP. Il s’agit non pas, comme j’ai pu l’entendre, d’effrayer les opérateurs privés, mais, au contraire, de les responsabiliser.

Au final, l’article 3 de la proposition de loi permet de parvenir au juste équilibre recherché et favorise la cohérence et l’efficacité de l’aménagement numérique du territoire.

M. le président. L'amendement n° 39, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre. Cet amendement vise à supprimer l’article 3, qui rend contraignants les projets de déploiement des opérateurs de réseaux.

Évidemment, les opérateurs privés sont appelés à jouer un rôle de premier plan dans la construction de ces réseaux. Il est utile que leurs intentions de déploiement puissent être consignées dans une convention avec la ou les collectivités territoriales.

Mais le dispositif mis en place avec cet article 3 est extrêmement complexe. Comme je l’ai déjà dit, le SDTAN est un document unilatéral d’une collectivité territoriale qui ne peut donc que recenser des projets et en aucun cas formaliser des engagements des opérateurs. Comment une collectivité territoriale pourrait-elle imposer un déploiement à des opérateurs ? C’est à la convention bipartite entre opérateur et collectivité territoriale de préciser les engagements respectifs.

Par ailleurs, l’article L.33-7 du code des postes et des communications électroniques prévoit d’ores et déjà la transmission aux collectivités, par les gestionnaires d’infrastructures de communications électroniques et les opérateurs, de données qui leur permettent d’affiner l’élaboration d’un schéma directeur. Le décret d’application paraîtra dans les prochains jours au Journal officiel.

Il n’est donc pas utile d’inscrire cette nouvelle disposition dans le code général des collectivités territoriales, alors que, conformément à la loi qui a été votée sous cette mandature, le Gouvernement la met déjà en œuvre.

C’est pour toutes ces raisons que le Gouvernement propose la suppression de l’article 3 de la proposition de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, car l’article 3 est essentiel en ce qu’il vise à rééquilibrer les relations entre les opérateurs et les collectivités.

Le Gouvernement n’en veut pas, car il est très content – je ne sais pas pourquoi ! – d’une situation dans laquelle les opérateurs sont aujourd’hui tout puissants. Ils peuvent annoncer un déploiement sans être liés en aucune façon par cette déclaration. Or, et on a eu l’occasion de le dire tout à l’heure, les annonces de déploiement ont des conséquences sur les collectivités, puisqu’elles ne peuvent plus déployer de réseaux là où les opérateurs ont dit qu’ils le feraient. Et ils peuvent dire des tas de choses ! On en reparlera sans doute dans la suite de la discussion.

Qu’en est-il des déclarations faites par les opérateurs en janvier 2011 pour les 3 600 communes où ils ont annoncé qu’ils allaient déployer des réseaux ? Pour l’instant, je crois qu’il n’y a pas eu un seul commencement d’exécution !

Cette situation convient au Gouvernement ; c’est naturellement son droit. Mais, en ce qui nous concerne, et c’est un point essentiel de la proposition de loi, nous voulons rééquilibrer la relation et non, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, imposer quoi que ce soit aux opérateurs, ni être contraignants à leur égard.

Oui, nous voulons une relation équilibrée, c’est-à-dire réunir autour de la table l’État – car c’est lui qui est éventuellement amené à financer et qui, à notre sens, même si ce n’est plus tout à fait exact dans les faits, a une vocation en matière d’aménagement du territoire –, les collectivités et les opérateurs, pour ensuite négocier, discuter de ce qui est bon pour le territoire.

Ici, on va considérer qu’il faut en priorité du très haut débit ; là, on va dire que le très haut débit peut attendre et ne déployer que du haut débit ; ailleurs encore, on va demander surtout un effort sur la téléphonie mobile. Enfin, lorsque tout le monde est tombé d’accord, on contractualise. C’est cela une négociation dans une relation équilibrée, monsieur le ministre.

Disant cela, je rejoins un certain nombre d’orateurs qui ne sont pas forcément favorables à la proposition de loi mais qui veulent, comme nous, une bonne coopération entre les opérateurs et les collectivités.

Cet article me paraissant tout à fait essentiel, vous comprendrez, monsieur le ministre, que je ne puisse pas donner un avis favorable sur cet amendement de suppression.

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

M. Daniel Dubois. L’article 3 est bien évidemment essentiel.

Nous avons des schémas directeurs et une complémentarité entre acteurs privés et publics. Les engagements pris seront mis en œuvre sur la durée. Dialogue, contractualisation, points d’étape et éventuelles sanctions constituent alors autant de dispositions absolument indispensables.

M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy, pour explication de vote.

M. Philippe Leroy. L’article 3 nous situe au cœur du problème. Nous en rediscuterons, puisque nous n’en sommes ce soir qu’à la première lecture de cette proposition de loi, sans savoir du reste ce que sera la suite de son parcours dans les mois qui viennent, une fois qu’elle aura été adoptée dans la rédaction issue des amendements du Sénat.

L’essentiel, c’est que ce débat ait lieu et que nous puissions rééquilibrer les relations entre les opérateurs privés et les réseaux d’initiative publique.

Si nous souhaitons soutenir le modèle choisi par l’État, l’adoption de l’article 3 est tout simplement fondamentale, mes chers collègues. En la matière, nous ne pouvons pas céder aux craintes et aux peurs qui se font entendre.

On nous a dit que des dispositions de ce type bloqueraient ou freineraient les décisions d’investissement des opérateurs privés.

M. Yves Rome. C’est faux !

M. Philippe Leroy. Mais faisons l’expérience ! Pour le moment, on ne peut pas dire que la situation soit satisfaisante, en dépit des bons résultats de nos politiques d’aménagement numérique.

Aujourd’hui, nous devons absolument rééquilibrer les relations entre les deux catégories d’opérateurs, publics et privés. Le schéma que nous avons peu à peu choisi, au cours des dix dernières années, privilégie un équilibre que nous souhaitons maintenir, notamment au moment de déployer les réseaux de fibre optique.

N’ayons pas peur de l’avenir ! Rien n’est pire que l’immobilisme : si nous ne remettons pas en cause la situation actuelle, nous nous plaçons totalement entre les mains des opérateurs privés. Je conçois que ces derniers doivent avoir toute liberté dans leurs initiatives, mais pourquoi ne pas prévoir de contrepoids en faveur de l’initiative publique ?

Je suivrai donc l’avis de M. le rapporteur, qui est favorable au maintien de l’article 3. (MM. Joël Labbé et Claude Jeannerot applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Il faut dire les choses telles qu’elles sont, comme l’a d’ailleurs fait notre collègue de gauche Bernadette Bourzai, en contestant le modèle de déploiement mis en place depuis quatre ans.

J’observe que M. le rapporteur et d’autres sont pris en otages. Ils nous disent en effet que cette proposition de loi ne vise à modifier que de façon marginale le cadre fixé. Pourtant, sur les travées de gauche, on entend un tout autre point de vue ! Le modèle auquel vous avez rêvé, chers collègues, une sorte de « RFF de la fibre » (Protestations sur les travées du groupe socialiste.), un monopole imposé par le haut, vous voulez le réintroduire par le bas !

Si je suis tout à fait favorable à une coopération, je suis en revanche hostile à une confrontation. Or c’est bien ce que ce texte organise, comme si la vertu, c’était le public, et le vice, le privé.

M. Yves Rome. On n’a jamais dit cela !

M. Bruno Retailleau. Je pourrais vous donner un certain nombre d’exemples de réseaux d’initiative publique dans des départements,…

M. Yves Rome. Chez vous !

M. Bruno Retailleau. … là où 76 000 prises ont été financées par l’argent du contribuable, mais aucun opérateur n’a souhaité s’investir !

M. Yves Rome. Oui, chez vous !

M. Bruno Retailleau. De grâce, cessons de prétendre que le public fait forcément bien les choses, alors que le privé se contenterait de le prendre en otage.

Relisez l’article 3, mes chers collègues ! J’y vois tout d’abord un problème de rédaction, puisqu’on peut lire, s’agissant des opérateurs privés, qu’ils « s’engagent sur le volume de lignes construites jusqu’au point de mutualisation situé en pied d’immeuble ». Or, nous devrions au moins nous entendre sur ce point, dans le cadre actuel, le point de mutualisation en zone dense n’est pas du tout le même qu’ailleurs, puisqu’il remonte progressivement au fur et à mesure que l’habitat est plus dispersé.

Par ailleurs, cet article, beaucoup trop intrusif, n’est pas raisonnable. Selon moi, l’adoption de l’amendement que je m’apprête à soutenir permettrait justement d’obtenir une coopération et d’établir un vrai rapport de force entre les opérateurs et les collectivités, sans déséquilibrer le cadre actuel.

Quoi qu’il en soit, chacun doit assumer ses positions. Soit on veut casser le cadre actuel pour en changer ; c’est la position de la gauche, et on peut la comprendre. Soit, comme moi, on veut protéger le cadre actuel, parce que, après quatre années de gros investissements, il a acquis une stabilité certaine et qu’il ne faut pas tuer la dynamique qui émerge sur le terrain.

Ayons donc le courage de dire les choses et d’accepter chacun nos propres positions !

M. Jacques Chiron. On le fait !

M. le président. La parole est à M. Yves Rome, pour explication de vote.

M. Yves Rome. Vos propos, monsieur Retailleau, sont particulièrement excessifs et caricaturaux. Vous avez cité l’exemple fâcheux de certaines collectivités territoriales. Pour ma part, je vous renverrais bien, si j’osais, au cas de la Vendée, qui s’est empressée de satisfaire à des obligations que France Télécom a remplies quelques semaines plus tard dans d’autres départements, ce qui n’est pas nécessairement un gage de bonne gestion de l’argent public. (M. Bruno Retailleau proteste.) Mais passons !...

L’article tel qu’il est proposé vise non pas à opposer public et privé, mais à reconnaître l’action majeure de bon nombre de collectivités émérites, notre collègue Philippe Leroy l’a rappelé, dans le cadre du déploiement du haut débit.

Or, aujourd’hui, nous sommes bien dans l’obligation de constater que le modèle proposé par le Gouvernement ne fonctionne pas.

Devant le déploiement limité du réseau FTTH par le privé, il devient de plus en plus évident que nos collectivités territoriales seront appelées à la rescousse. Tout à l’heure, on a beaucoup cité l’Auvergne, mais le taux de déploiement y est de 27 % ; il est de 25 % en Bretagne, de 26 % en Eure-et-Loir et de 17 % dans le Jura. Bref, on le voit bien, nous sommes au bout d’un système !

Il convient donc, ne vous en déplaise, monsieur Retailleau, d’instaurer une relation équilibrée, qui n’oppose pas le public au privé, mais s’efforce de fédérer les uns et les autres, pour atteindre l’objectif fixé par cet article.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Maurey, rapporteur. J’aimerais bien qu’on ne tombe pas dans la caricature ! Déjà, tout à l’heure, en écoutant M. Lefebvre, avec qui j’entretiens par ailleurs d’excellentes relations, j’avais le sentiment qu’il nous dépeignait un paysage numérique version « Bisounours » (Sourires.) Il nous a en effet expliqué que tout allait très bien, sans préciser naturellement que, en matière de très haut débit, la France était vingt-deuxième sur vingt-six. Le refrain, c’était « tout va très bien, madame la marquise » !

Face à ce tableau idyllique, notre proposition de loi serait, en revanche, l’apocalypse ! Le texte est, pour reprendre le communiqué de presse des opérateurs, « mauvais pour la France ». (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Voici donc une proposition de loi dangereuse pour notre pays…. Rendez-vous compte, mes chers collègues !

De grâce, ramenons les choses à leur juste mesure.

Il s’agit, je le répète, non pas de susciter une « confrontation », comme l’a dit Bruno Retailleau, mais bien une contractualisation.

M. Yves Rome. Eh oui !

M. Hervé Maurey, rapporteur. Depuis quand ces deux termes sont-ils équivalents ? Depuis quand des rapports équilibrés entre les parties, c'est-à-dire ici entre collectivités et opérateurs, seraient-ils dangereux, mauvais, et refléteraient une volonté de tout nationaliser ?

Nous souhaitons simplement, je le dis et je serai sans doute obligé de le redire encore, sortir d’une situation où les collectivités sont dominées par les opérateurs, qui décident seuls de déployer le réseau, mais uniquement dans les zones rentables. (Très bien ! sur des travées du groupe socialiste.)

Qui, dans cette assemblée, trouve normal que les collectivités soient totalement soumises au bon vouloir des opérateurs, pieds et poings liés face à leurs diktats ? Qui peut dire ici que cette situation est normale ? (M. le ministre lève la main.) M. le ministre ? Je n’en suis pas étonné ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.) Mais, parmi les élus, je ne vois aucune main se lever.

Je le répète, cette proposition de loi vise simplement à créer les conditions d’un équilibre. Elle n’a rien d’autoritaire et n’est pas plus susceptible de créer une quelconque confrontation.

La négociation, la contractualisation, ce n’est pas la confrontation !

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre. Monsieur le rapporteur, je me contentais de lever le doigt pour demander la parole à M. le président. Je croyais qu’il fallait procéder ainsi, mais peut-être existe-t-il des moyens électroniques dont je ne dispose pas ou que je ne connais pas… (Protestations amusées sur les travées du groupe socialiste.)

« Caricature », le mot a été lancé. Mais personne ne caricature quoi que ce soit !

Je souscris aux propos tenus par M. Retailleau. Nous avons mis quatre ans pour définir, en liaison avec la Commission européenne, un cadre politique, financier et réglementaire.

Permettez-moi de rappeler les dates données tout à l’heure par Frédéric Lefebvre. Ce cadre a été validé par l’ARCEP le 18 février 2010, par l’Autorité de la concurrence le 17 mars 2010 et par la Commission européenne le 19 octobre 2011. Si personne ne prétend que tout va bien, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à souligner pour ma part qu’il s’agit du premier programme public de soutien au très haut débit en Europe.

M’étant déjà exprimé plusieurs fois en commission sur cette question, avec une capacité de conviction moyenne, il faut le reconnaître, je ne m’acharnerai pas toute la soirée à vous expliquer le problème fondamental soulevé par ce texte ; je dirai simplement qu’il va tout bloquer. Vous devrez alors reprendre une à une toutes les étapes. Les opérateurs affirment que ce texte est mauvais pour la France ? Pardonnez-moi, mais je pense comme eux.

Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte est mauvais pour la France, parce qu’il va retarder le programme mis en œuvre, qui a permis d’ouvrir, le 27 juillet 2011, un guichet de 900 millions d’euros.

Vous savez par ailleurs, puisque vous êtes soucieux, et à juste titre, de voir respectés les engagements de déploiement des opérateurs, que nous leur demanderons chaque année d’en établir le bilan. Pour 2011, ils devront le faire à la fin du mois de février, et j’ai déjà pris des engagements devant vous à cet égard : tous ceux qui ne respecteront pas les obligations de déploiement qu’ils ont contractuellement souscrites se verront « rebasculés » dans le domaine public.

Normalement, vous devriez être satisfaits de ces dispositions.

Dans votre texte, ce n’est pas la contractualisation qui pose problème, c’est la contrainte, car elle va à rebours des objectifs que vous prétendez servir et incitera les opérateurs à se désengager, là où vous voulez leur demander de presser le pas.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 14, présenté par MM. Retailleau et Hérisson, est ainsi libellé :

Alinéas 4 et 5

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

2° Après le deuxième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« Le schéma recense les projets d’investissement des opérateurs privés ou publics dans les infrastructures et réseaux à très haut débit dont la réalisation doit effectivement démarrer dans un délai de trois années à compter de la date de son adoption.

« Dans le cadre de ce recensement, les opérateurs privés et publics précisent leurs calendriers de déploiement, année par année, le nombre de lignes correspondant à ces déploiements et les zones couvertes par ces derniers.

« Les engagements de déploiement des opérateurs privés donnent lieu à une convention avec la personne publique chargée du schéma. Cette convention précise le calendrier de déploiement ainsi que la cartographie des zones à couvrir.

« Chaque année, à la date anniversaire de l’adoption du schéma, les opérateurs rendent compte de l’avancement des déploiements effectifs au regard de ceux inscrits dans ce schéma. Ils confirment leurs projets de déploiement. S’ils y renoncent, le territoire concerné par le projet abandonné est réputé n’avoir fait l’objet d’aucun projet de déploiement depuis l’origine. » ;

La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Monsieur Rome, je vous invite à venir en Vendée, au mois de novembre, au moment du départ du Vendée Globe. Vous pourrez voir de beaux bateaux, et même jouer à un jeu virtuel, Virtual Regatta. (Sourires.)

Mais restons en Vendée, chers collègues : dès 2009-2010, seules quelques centaines de lignes vendéennes, sur 350 000 lignes, n’étaient pas éligibles au haut débit, pour 13 millions d’euros. La Vendée peut donc se comparer à de très nombreux départements, sur ce plan comme sur d’autres.

Pour en revenir à mon amendement, je ne dis pas que rien ne peut être amélioré. La preuve en est que je propose tout d’abord de parfaire la rédaction de cet article.

Le SDTAN, le schéma directeur territorial d’aménagement numérique, recense l’ensemble des projets d’investissement, publics comme privés. Il demande aux opérateurs privés des engagements, notamment en termes de calendrier et de zones de couverture.

Plutôt que de prévoir une sanction en cas de non-respect par les opérateurs privés de leurs engagements de déploiement, il me paraît préférable de prononcer la nullité du projet de déploiement, ce qui a pour effet de faire revenir la zone concernée dans le périmètre de l’initiative publique.

Non seulement ma proposition est plus claire, beaucoup moins intrusive, mais encore elle fait du SDTAN le lieu de la contractualisation entre les opérateurs et les collectivités territoriales, dans le respect des uns et des autres.

Si les opérateurs ont déclaré des intentions d’investissement pour les 3 600 communes en sus des 148 communes situées en zones très denses, ce n’est pas pour gêner les collectivités, c’est aussi parce qu’ils y ont été poussés.

Dans ma région, l’Ouest, nous avons été heureux d’apprendre qu’un certain nombre de communes et d’agglomérations seront concernées par cette initiative privée.

Comme je l’ai dit dans la discussion générale, il serait tout de même paradoxal d’inciter les opérateurs privés à réaliser des investissements tout en les menaçant de sanctions. Vous faites peser sur les opérateurs, sans doute parce qu’ils sont privés (Oh ! sur les travées du groupe socialiste.), une présomption de culpabilité.

Mon amendement vise simplement à améliorer le cadre juridique actuel, construit laborieusement depuis quatre ans, sans toutefois remettre en cause l’équilibre sur lequel il repose.

M. le président. L'amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Rome, Camani, Teston, Guillaume et Cornano, Mme Bourzai, M. Fichet, Mme Durrieu, MM. Krattinger, Marc, Patient, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 5, troisième phrase

Remplacer les mots :

jusqu’au point de mutualisation situé en pied d’immeuble

par les mots :

jusqu’à proximité immédiate des logements et locaux professionnels

La parole est à M. Yves Rome.

M. Yves Rome. Cet amendement vise à corriger une légère inexactitude dans la rédaction de l’article 3.

Dans la mesure où le point de mutualisation n’est situé en pied d’immeuble qu’en zone très dense, il convient de préciser que les opérateurs s’engagent sur le volume de lignes construites « jusqu’à proximité immédiate des logements et locaux professionnels ». Cette rédaction, plus générale, permet de couvrir une majorité de situations sur le territoire national.

Par cet amendement, qui est loin d’être anecdotique, nous mettons en évidence la situation absurde qui prévaut dans certaines zones. Notre objectif est notamment de régler certains cas problématiques, fort nombreux. Ainsi, des zones pavillonnaires situées à proximité immédiate d’ensembles d’immeubles sont délaissées, car les opérateurs considèrent qu’il est trop coûteux d’y tirer la fibre, alors même qu’ils le font, en vertical, pour les immeubles !

Même dans les zones AMII, pourtant situées en milieu urbain, de nombreux élus locaux déplorent qu’il subsiste des « poches » délaissées, formant des territoires « en peau de léopard ».

Cette situation, monsieur le ministre, témoigne des limites évidentes du modèle sur lequel se fonde le Programme national très haut débit. Il convient donc, au moyen de cette proposition de loi, de le corriger significativement en renforçant notamment la nécessaire contractualisation avec les opérateurs privés afin que le déploiement soit le plus complet et le plus homogène possible.

Pour conclure, je rappellerai à notre collègue Bruno Retailleau, avec lequel s’est établi un face-à-face productif, que tous les opérateurs ne se plaignent pas du système. À de nombreuses reprises, j’ai rencontré l’ensemble des acteurs du très haut débit et je puis vous dire que les opérateurs alternatifs ainsi que de nombreux industriels de la filière ne se satisfont pas, contrairement à ce que vous dites, du programme tel qu’il a été fixé et qu’ils rêvent d’un autre modèle. Je pense notamment à Alcatel, qui est l’un des principaux acteurs intéressés par le déploiement effectif du très haut débit.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Très bien !

M. Hervé Maurey, rapporteur. C’est vrai !

M. le président. L'amendement n° 33 rectifié, présenté par MM. Camani, Teston, Guillaume et Cornano, Mme Bourzai, M. Fichet, Mme Durrieu, MM. Rome, Krattinger, Marc, Patient, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5, sixième phrase

Supprimer les mots :

afin qu'elle se prononce sur son exécution

II. – Alinéa 7

Supprimer les mots :

qu’elle rend publics

La parole est à M. Pierre Camani.

M. Pierre Camani. Dans sa rédaction issue des travaux de la commission, le cinquième alinéa de l’article 3 laisse planer des incertitudes. Avec cet amendement, le groupe socialiste entend clarifier le dispositif envisagé.

Dans un premier temps, il nous paraît souhaitable de supprimer ce qui pourrait être interprété comme un pouvoir donné à l’ARCEP de se prononcer sur l’exécution des conventions. Dans sa rédaction actuelle, le texte laisse à penser que l’Autorité pourrait avoir un pouvoir de validation des conventions, ce qui ne doit pas être le cas.

Ces conventions sont conclues entre les opérateurs, les collectivités ou groupement de collectivités. Rien ne justifie un tel contrôle ex post.

En outre, si cette rédaction a pour but de permettre à l’ARCEP de régler d’éventuels différends entre les parties, elle est redondante. En effet, l’article 12 de la proposition de loi permet à l’ARCEP de prononcer des sanctions contre les opérateurs ou les collectivités qui ne respecteraient pas leurs engagements.

Compte tenu de ces éléments, il nous paraît utile de préciser qu’il s’agit simplement d’une transmission ne donnant lieu à aucune validation.

Par ailleurs, au vu de la rédaction actuelle de la proposition de loi, il reviendrait à l’ARCEP de rendre publics les schémas.

Cette disposition est inutile, voire juridiquement problématique.

En effet, au titre des articles L. 2131–1 et L. 2131–3 du code général des collectivités territoriales, les actes pris par les autorités territoriales sont exécutoires dès qu’il est procédé à leur publication.

Les schémas étant des actes des collectivités, leur publication est une obligation légale pour ces dernières. C’est donc à la collectivité de publier le schéma et de le transmettre à l’Autorité. Libre à celle-ci, ensuite, de le diffuser.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 14, dont l’adoption aurait pour conséquence de réduire considérablement la portée de l’article 3, notamment en supprimant tout contrôle et tout pouvoir de sanction de l’ARCEP en cas de non-respect des engagements contractuels librement pris par les opérateurs.

En revanche, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 32 rectifié, qui reprend utilement une terminologie employée par l’ARCEP, ainsi que sur l’amendement n° 33 rectifié, qui améliore sensiblement la rédaction de l’article.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 14 et un avis défavorable sur l’amendement n° 32 rectifié. Il s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 33 rectifié, qui va plutôt dans le bon sens, même s’il ne suffit pas à corriger les défauts de cet article.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3 (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer l'aménagement numérique du territoire
Article 3 bis (nouveau)

Article additionnel après l'article 3

M. le président. L'amendement n° 34 rectifié, présenté par MM. Rome, Camani, Teston, Guillaume et Cornano, Mme Bourzai, M. Fichet, Mme Durrieu, MM. Krattinger, Marc, Patient, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa du I de l’article L. 1425–1 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée :

« L’insuffisance de souscription à l’issue de la procédure d’appel à coïnvestissement a priori sur les réseaux en fibre jusqu’à l’abonné permet également de constater l’insuffisance d’initiatives privées. »

La parole est à M. Yves Rome.

M. Yves Rome. Cet amendement à visée pédagogique tend à insérer un article additionnel qui a toute son importance.

Comme nous avons pu l’observer sur le terrain, les opérateurs se montrent réticents quand il s’agit de coïnvestir sur les réseaux d’initiative publique, arguant qu’ils ont déjà prévu leurs investissements en zones denses jusqu’en 2015, parfois même jusqu’en 2020, comme c’est le cas dans mon département sur les zones AMII.

Ils répondent alors aux sollicitations des collectivités que c’est seulement à cette échéance qu’ils envisageront de s’investir sur des nouveaux projets.

Dès lors, les collectivités se retrouvent avec des réseaux d’initiative publique sous-utilisés. À nos yeux, il s’agit là d’un gâchis d’argent public. C’est pourquoi la Haute Assemblée doit envoyer un signal aux opérateurs en indiquant que les collectivités ne laisseront pas des réseaux sous-employés. Elle doit également rappeler le rôle fondamental qu’ont joué les réseaux d’initiative publique en complément de l’initiative privée et non en opposition à celle-ci.

Il faut adresser ce message pour éviter que des réseaux établis et exploités par des collectivités territoriales, donc la puissance publique, restent sous-utilisés et dépendants du bon vouloir des opérateurs privés, en attendant que ces derniers « écrèment » les zones les plus rentables de nos territoires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. Les deuxième et troisième alinéas du I de l’article L. 1425–1 prévoient déjà une procédure générale de constat de carence des opérateurs. Aussi, il ne nous paraît pas utile de créer une procédure spécifique pour le cas particulier des appels à coïnvestissements.

Pour cette raison, la commission demande à son auteur de bien vouloir retirer son amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Les auteurs de cet amendement confondent deux choses différentes : d’une part, les modalités d’accès au réseau, d’autre part, la fourniture de services par des opérateurs de détail sur le réseau ouvert à la collectivité. Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Rome, l'amendement n° 34 rectifié est-il maintenu ?

M. Yves Rome. Compte tenu des explications de M. le rapporteur, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 34 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 3
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Article 3 ter (nouveau)

Article 3 bis (nouveau)

Après le troisième alinéa de l’article L. 111-5-1 du code de la construction et de l’habitation, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Dans les zones où les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique mentionnés à l’article L. 1425-2 du code général des collectivités territoriales prévoient le déploiement d’un réseau de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, tout immeuble neuf est équipé des gaines techniques nécessaires au raccordement audit réseau.

« L'obligation prévue à l'alinéa précédent s'applique aux immeubles dont le permis de construire est délivré après le 30 juin 2012. » – (Adopté.)

Article 3 bis (nouveau)
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Article additionnel après l'article 3 ter

Article 3 ter (nouveau)

Le chapitre V du titre II du livre IV de la première partie du code général des collectivités territoriales est complété par un article L. 1425-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 1425-3 – Les opérateurs de communications électroniques sont tenus d’indiquer aux entités adjudicatrices, préalablement à leur réponse aux appels d’offres des collectivités territoriales et de leurs groupements pour l’établissement et l’exploitation d’infrastructures et de réseaux de communications électroniques en application de l’article L. 1425-1, les conditions économiques et techniques dans lesquelles ils sont, ainsi que les opérateurs qu’ils contrôlent ou qui les contrôlent, susceptibles de commercialiser des offres de détail en tant qu’usagers de ces réseaux d’initiative publique. »

M. le président. L'amendement n° 15, présenté par MM. Retailleau et Hérisson, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

, susceptibles d’utiliser le réseau public en tant que fournisseur d'accès Internet, indépendamment de l’identité de l’opérateur qui sera in fine désigné. Les entités adjudicatrices communiquent ces informations à l’ensemble des candidats.

La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. L’article 3 ter peut être utile à condition que sa rédaction soit modifiée.

En réalité, il reprend imparfaitement, et en la tronquant, l’une des recommandations formulées par l’Autorité de la concurrence. Le présent amendement, présenté par Pierre Hérisson et moi-même, a pour objet de reprendre à l’identique cette recommandation, afin d’éviter toute difficulté d’interprétation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. La commission émet un avis favorable.

Ainsi que nous l’avons évoqué précédemment, il est exact que l’Autorité de la concurrence a pointé du doigt le déséquilibre qui existe, parmi les opérateurs répondant aux appels d’offres, entre ceux qui disposent de filiales leur permettant de jouer le rôle de fournisseur d’accès et les autres.

C’est pourquoi la commission a inséré cet article additionnel reprenant la recommandation formulée par l’Autorité de la concurrence. Notre collègue Bruno Retailleau propose simplement de transcrire celle-ci à l’identique, ce à quoi la commission ne peut qu’être favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3 ter, modifié.

(L'article 3 ter est adopté.)

Article 3 ter (nouveau)
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Article 4

Article additionnel après l'article 3 ter

M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par M. P. Leroy, est ainsi libellé :

Après l’article 3 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la première phrase de l’article L. 38–4 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Les conditions d’investissement et d’exploitation de cette offre d’accès à la sous-boucle doivent être équivalentes, pour tout opérateur, à celles de l’offre d’accès à la boucle locale. »

La parole est à M. Philippe Leroy.

M. Philippe Leroy. Cet amendement, très technique, vise à assurer l’égalité d’accès de tous les opérateurs à la sous-boucle, dès lors que cette dernière est susceptible de permettre l’accès au haut débit.

Il convient en effet de faire en sorte que certains opérateurs ayant investi sur des sous-boucles n’oublient pas l’esprit de la loi : les investissements destinés à améliorer la sous-boucle doivent être au service de tous les opérateurs. C’est le principe du dégroupage.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. La commission juge utile d’aligner les conditions d’accès à la sous-boucle locale cuivre sur celles de l’accès à la boucle locale, pour permettre aux opérateurs alternatifs de proposer une offre de gros au niveau de la sous-boucle, ce qu’ils ne peuvent pas faire aujourd’hui. Elle a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Sur la forme, cet amendement est contraire au droit communautaire, car il appartient à la seule ARCEP, dans le cadre de ses analyses de marché, de fixer les obligations s’imposant à France Télécom en termes d’accès à sa boucle et à sa sous-boucle locale.

Sur le fond, et cet argument est peut-être plus important encore, cet amendement est satisfait, car l’ARCEP détient déjà le pouvoir, dont elle use d'ailleurs, d’imposer une obligation de non-discrimination entre les opérateurs.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Leroy, l'amendement n° 2 rectifié est-il maintenu ?

M. Philippe Leroy. Je ne veux pas me battre contre des moulins à vent. Si cet amendement est satisfait, et nous le vérifierons, je ne demande qu’à le retirer. Nous ferons donc l’inventaire qui s’impose, non que je n’aie pas confiance en vous, monsieur le ministre, bien au contraire (M. Yves Rome s’exclame.), mais, en bon juriste, je souhaite avoir des certitudes, vous le comprendrez.

Je suis favorable aux clauses de rendez-vous. Je ne suis pas persuadé que vous avez raison, chers collègues de la majorité sénatoriale, mais j’ai choisi de vous croire, car je me bats non pas contre vous, mais pour les Français.

Monsieur le ministre, je considère que cette sous-boucle doit être disponible pour tous les opérateurs. Vous m’affirmez que c’est le cas. Je vous fais confiance et je retire donc mon amendement.

M. le président. L’amendement no 2 rectifié est retiré.

TITRE II

MESURES SPECIFIQUES

CHAPITRE IER

Téléphonie mobile

Article additionnel après l'article 3 ter
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Article 5

Article 4

Après le premier alinéa de l’art. L. 1425-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La personne publique chargée du schéma recense les besoins locaux en matière de couverture mobile, identifie des priorités et en informe les opérateurs mobiles. Elle recense également auprès des opérateurs mobiles les éventuelles difficultés qu’ils rencontrent dans le déploiement de leurs réseaux et, le cas échéant, leur transmet des propositions visant à faciliter ces déploiements. Ces propositions portent notamment sur l’accès aux points hauts et peuvent, le cas échéant, concerner la mise à disposition de sites aux opérateurs et leur adduction par un lien en fibre optique. » – (Adopté.)

Article 4
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Article 6

Article 5

Il est créé un groupe de travail associant des représentants de l’État, du Parlement, de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, des collectivités territoriales, des opérateurs et des consommateurs ayant pour objet la redéfinition des critères de mesure et l’amélioration de la couverture en téléphonie mobile de deuxième, troisième et quatrième générations, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d’État.

Les obligations de couverture pesant sur les opérateurs au titre des licences acquises pour les réseaux de deuxième, troisième et quatrième générations correspondants ne sont pas affectées par cette redéfinition.

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par MM. Labbé et Dantec, Mmes Aïchi, Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Desessard, Gattolin et Placé, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer les mots :

et des consommateurs

par les mots :

, des consommateurs et des associations agréées de protection de l'environnement

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Cet article crée un groupe de travail ayant pour objet la redéfinition des critères de mesure et l'amélioration de la couverture en téléphonie mobile de deuxième, troisième et quatrième générations.

L’esprit de la présente proposition de loi étant de chercher la coopération des différents acteurs concernés par le développement de la couverture numérique du territoire, les auteurs de l’amendement saluent la présence de consommateurs dans ce groupe de travail.

Nous considérons toutefois que, au-delà des consommateurs, il est souhaitable d’y associer les associations agréées – pas toutes les associations, donc – de défense de l’environnement. En effet, le développement de la couverture numérique n’est pas sans incidence sur l’environnement, que ce soit sur le paysage, sur la sécurité ou sur la santé publique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. Le groupe de travail qu’il est proposé ici de créer est destiné à présenter des propositions pour affiner nos outils d’évaluation de la couverture de nos territoires en matière de téléphonie mobile. Les associations qui représentent l’environnement n’ont pas forcément, vous en conviendrez, mon cher collègue, leur place dans un tel groupe de travail.

La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Le Gouvernement partage l’avis et l’argumentation de M. le rapporteur.

Les questions qui ont été évoquées sont légitimes. Elles sont traitées lors d’une table ronde dite « radiofréquences, santé, environnement ».

L’objectif du groupe de travail, que nous avons mis en place à la demande des parlementaires, dont plusieurs sénateurs ici présents, consiste à évaluer, en accord avec l’ARCEP, la manière dont cette dernière estime que tel ou tel village ou centre-bourg est couvert au sens statistique du terme. Nous avons donc deux questions distinctes. Le groupe de travail vient d’être installé. L’adoption de cet amendement le contraindrait à interrompre ses travaux, ce qui serait contre-productif.

Dans la mesure où il s’agit de deux sujets distincts, je souhaite le retrait de l'amendement n° 10.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Je ne veux pas laisser croire que la couverture du territoire par la téléphonie mobile est à l’origine de problèmes de santé. Laissons aboutir les travaux en cours, que vient d’évoquer M. le ministre, et attendons les conclusions du Grenelle des ondes.

Monsieur Labbé, dans l’état actuel des choses, vous ne pouvez pas évoquer les problèmes de santé publique à l’appui de votre argumentation.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Monsieur le président de la commission, je n’ai rien affirmé, j’ai simplement émis des doutes. Selon la manière retenue pour assurer la couverture du territoire par la téléphonie mobile, l’impact sur la santé sera plus ou moins important.

Vous semblez nier toute incidence de la téléphonie mobile sur la santé. Soit ! Toutefois, l’électro-sensibilité est un problème réel. Je considère pour ma part qu’il y a doute. Nous aurions donc tout intérêt à intégrer dans ce groupe de travail les associations agréées de défense de l’environnement, parce qu’elles comprennent des experts dans ces domaines. Cela reviendrait tout simplement à appliquer le principe de précaution.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Retailleau et Hérisson, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

la redéfinition des critères de mesure en matière de téléphonie mobile et l'amélioration de la couverture en téléphonie mobile de deuxième et troisième génération.

La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Le présent amendement vise à supprimer l’encadrement, selon nous inopportun, de la création du groupe de travail par le Conseil d’État.

Il est surtout un amendement de clarification. Le groupe de travail s’intéressera aux licences de deuxième et troisième génération, mais les licences 4G doivent être mises à part, car elles viennent juste d’être attribuées avec des critères de couverture de territoire extrêmement exigeants. C’est en effet la première fois qu’un pays décide que les opérateurs devront commencer leur déploiement simultanément en ville et à la campagne.

J’ai donc tenu à présenter une rédaction plus précise et plus claire pour améliorer la couverture des territoires, mais en excluant la 4G.

Tel est l’objet de la rectification apporté à l’amendement no 16, consécutive au débat que nous avons eu tout à l’heure en commission.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. Je suis favorable à cet amendement. Nous avons évoqué en commission la rectification de l’amendement no 16 afin que la 4G soit exclue de la notion d’amélioration de la couverture, mais pas de l’aspect « évaluation de la couverture ».

M. Bruno Retailleau. C’est le « thermomètre » !

M. Hervé Maurey, rapporteur. Tout à fait ! La rectification, proposée en commission, a été acceptée par l’auteur de l’amendement, d’où mon avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Article 5
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer l'aménagement numérique du territoire
Article additionnel après l'article 6

Article 6

I. – (Non modifié) La section 4 du chapitre II du titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques est complétée par un article L. 34-8-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 34-8-5. – Les zones, incluant les centre-bourgs ou des axes de transport prioritaires, non couvertes par tous les opérateurs de radiocommunications mobiles de deuxième générations sont couvertes en services de téléphonie mobile de deuxième génération de voix et de données par l’un de ces opérateurs chargés d’assurer une prestation d’itinérance locale, dans les conditions prévues par l’article L. 34-8-1.

« Par dérogation à la règle posée au premier alinéa, la couverture en téléphonie mobile dans certaines zones est assurée, si tous les opérateurs de radiocommunications mobiles en conviennent, par un partage d’infrastructures entre les opérateurs.

« Les zones mentionnées au premier alinéa sont identifiées par les préfets de région en concertation avec les départements et les opérateurs. En cas de différend sur l’identification de ces zones dans un département, les zones concernées sont identifiées au terme d’une campagne de mesures conformément à une méthodologie validée par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Le ministre concerné rend publique la liste nationale des communes ainsi identifiées et la communique à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

« Sur la base de la liste nationale définie au troisième alinéa et dans les deux mois suivant sa transmission aux opérateurs par le ministre précité, les opérateurs adressent audit ministre et à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes un projet de répartition entre les zones qui seront couvertes selon le schéma de l’itinérance locale et celles qui seront couvertes selon le schéma du partage d’infrastructures, un projet de répartition des zones d’itinérance locale entre les opérateurs, ainsi qu’un projet de calendrier prévisionnel de déploiement des pylônes et d’installation des équipements électroniques de radiocommunication. Le ministre précité approuve ce calendrier prévisionnel dans le mois suivant sa transmission par les opérateurs. L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes se prononce sur les répartitions proposées, qui ne devront pas perturber l’équilibre concurrentiel entre opérateurs de téléphonie mobile, dans le mois suivant leur transmission par les opérateurs. La couverture d’une commune est assurée dans les trois ans suivant son identification par le ministre précité.

« Ledit ministre rend compte annuellement au Parlement de la progression de ce déploiement. »

II. – (Non modifié) À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 34-8-1 du même code, les mots : « de deuxième génération » sont supprimés.

III (nouveau). – Dans les six mois suivant l'entrée en vigueur de la présente loi, le groupe de travail créé à l’article 5 remet au Parlement un rapport sur la mise en œuvre du plan d’extension de la couverture du territoire par les réseaux de téléphonie mobile créé par la convention du 15 juillet 2003 entre l’État, l’Autorité de Régulation des Télécommunications, l’Association des maires de France, l’Assemblée des départements de France et les opérateurs de téléphonie mobile.

Ce rapport propose des modalités et un calendrier de finalisation du plan d’extension de la couverture du territoire par les réseaux de téléphonie mobile.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 48, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 1 à 7

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre. L’extension des obligations de couverture des opérateurs mobiles remettrait en cause les licences de téléphonie mobile qui leur ont été attribuées. Le prix de ces licences serait alors bien évidemment contesté par les opérateurs, ce qui conduirait à un remboursement mécanique partiel. Compte tenu de l’état de nos finances publiques, je ne crois pas que quiconque ait envie de s’aventurer sur cette voie !

Pour ce qui concerne la couverture mobile du territoire, mieux vaut privilégier la concertation à la loi. Par ailleurs, j’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, nous avons adopté en matière de 4G des obligations de couverture et de déploiement concomitant, dans les villes et à la campagne, qui sont d’une ampleur sans équivalent dans le passé.

M. le président. L'amendement n° 17, présenté par MM. Retailleau et Hérisson, est ainsi libellé :

Alinéas 1 à 6

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Je partage l’avis du Gouvernement quant aux risques de remise en cause des conditions d’attribution des licences. Toutefois, nous sommes confrontés ici à un problème de méthodologie.

Nous avons créé, à l’article 5, un groupe de travail chargé d’améliorer le fameux « thermomètre » que nous mentionnions tout à l’heure. Ce groupe a tenu sa première réunion à Bercy, voilà quelques jours, et plusieurs d’entre nous y ont participé.

Par ailleurs, j’ai déposé un amendement, qui a été retenu par la commission, visant alinéa 8 de l’article 6 et aux termes duquel, dans les six mois suivant l’entrée en vigueur de la loi, le groupe de travail remettrait au Parlement un rapport proposant des mesures précises.

Le problème de méthode est le suivant : à l’article 5, on crée un groupe de travail ; à l’article 6, on prévoit que ce groupe de travail devra, dans les six mois suivant l’entrée en vigueur de la loi, formuler des propositions, mais, en réalité, celles-ci sont déjà contenues dans les alinéas 2, 3, 4 et 5 de l’article 6.

Si l’on crée un groupe de travail – nous sommes, je le répète, plusieurs à y participer – pour améliorer les moyens de la couverture du territoire en matière de téléphonie mobile, quelle est l’utilité de graver dès aujourd’hui certaines dispositions dans le marbre ? Pourquoi ne pas attendre les conclusions du groupe de travail ? Peut-être M. le rapporteur pourra-t-il m’éclairer sur ce point.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. Les dispositions de l’article 6 reprennent celles qui étaient prévues dans un amendement présenté par M. Bruno Sido, et voté lors de la discussion de la proposition de loi de M. Marsin, que le Sénat a adoptée.

Dans les dispositions de cet amendement, M. Sido s’inspirait des conclusions du rapport qu’il avait rendu au nom de la commission des affaires économiques sur la téléphonie mobile. L’article 6 vise à améliorer la couverture de notre territoire en matière de téléphonie mobile, nécessité que personne ne saurait nier. La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement no 48.

Monsieur Retailleau, je comprends votre argumentation. Toutefois, précisément, il ne s’agit pas de graver des dispositions dans le marbre. Je vous rappelle, mais cela ne vous aura pas échappé, que nous sommes en première lecture. Compte tenu du calendrier des prochains mois, cette proposition de loi sera examinée à l’Assemblée nationale, dans le meilleur des cas, à la fin de l’année 2012.

J’espère ardemment que, d’ici là, le groupe de travail aura présenté des propositions pertinentes qui nous permettront d’améliorer le dispositif prévu dans ce texte.

Ne lâchons pas la proie pour l’ombre. Il me paraît souhaitable, dans un premier temps, de poser un cadre, qui reprend l’amendement de M. Bruno Sido adopté par le Sénat. Rien ne nous empêchera de l’améliorer au cours de la navette.

À l’inverse, ne rien prévoir et attendre le résultat des travaux du groupe de travail me paraît d’autant moins satisfaisant que celui-ci, si j’ai bien compris, doit rendre ses conclusions au mois d’avril prochain. Aura-t-il vraiment le temps, dans un délai si court, de présenter des propositions susceptibles d’être reprises ? Je n’en suis pas persuadé.

Dans ces conditions, au nom du principe de précaution qui a été évoqué tout à l’heure, je préfère présenter un dispositif sans plus attendre. Je le répète, rien n’empêchera de l’améliorer au cours de la navette, soit à l’Assemblée nationale, soit au Sénat en deuxième lecture.

La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 48 et 17.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Monsieur le rapporteur, en ce qui concerne les délais dont dispose le groupe de travail, vous aviez vous-même exprimé le souhait que les choses aillent vite. Le groupe de travail est constitué et je lui ai demandé de respecter des délais extrêmement courts. Or, au lieu de remercier le Gouvernement et de féliciter le groupe de travail, vous arguez du principe de précaution et vous vous plaignez que, en raison du délai très court, le groupe ne pourra pas travailler beaucoup. Il faut faire un choix dans les arguments que vous utilisez !

Par ailleurs, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 17. Comme je l’ai dit tout à l'heure par anticipation, nous visons les mêmes objectifs.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Article 6
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Article 7

Article additionnel après l'article 6

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par MM. Labbé et Dantec, Mmes Aïchi, Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Desessard, Gattolin et Placé, est ainsi libellé :

Après l’article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 111-1-5 du code de l’urbanisme, il est inséré un article L. 111-1-6 ainsi rédigé :

« Art. L. 111-1-6. – À moins de cent mètres d'un établissement sensible, l’installation d’équipements utilisés dans les réseaux de télécommunication et d’installations radioélectriques est interdite. Les bâtiments réputés sensibles sont les établissements d'enseignement maternel et élémentaire, les établissements périscolaires, les structures accueillant des enfants n'ayant pas atteint l'âge de la scolarité obligatoire, les établissements hospitaliers et les structures d'accueil de personnes âgées. »

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Cet amendement, qui se justifie par son texte même, se fonde sur le principe de précaution. Nous nous référons aux recommandations émises dans une circulaire du ministère de la santé du 16 octobre 2001.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, dont les dispositions ne sont pas vraiment de nature à favoriser la couverture numérique de l’ensemble des territoires, que nous appelons de nos vœux.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. C’est un euphémisme !

M. Hervé Maurey, rapporteur. Si j’ai bien compris, il tend à interdire l’implantation d’équipements de réseaux de télécommunication et d’installations radioélectriques dans un périmètre de cent mètres autour de sites sensibles.

L’adoption d’un tel amendement non seulement n’améliorerait pas la couverture du territoire, mais entraînerait évidemment un recul, puisque l’on serait obligé de démonter un grand nombre d’émetteurs.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Défavorable également.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Vous m’avez mal compris, monsieur Labbé : je n’ai jamais nié l’existence ni la souffrance de personnes hyper-électrosensibles. Toutefois, ce problème relève-t-il d’une sensibilité extraordinaire ou d’un effet nocebo ? Je n’en sais rien, et les experts, pour le moment, sont incapables de se prononcer. En tout cas, tous les tests réalisés en double aveugle ont été négatifs.

On m’expliquera sans doute qu’il peut y avoir des gens sensibles à des champs radioélectriques ou autres. Pour l’anecdote, monsieur Labbé, à une époque, j’étais capable, en tout lieu, de situer exactement le nord. Et ce n’est pas parce que je faisais de la voile ! Je peux donc imaginer que certaines personnes développent une sensibilité extraordinaire à certains champs, y compris dans leur milieu domestique.

Vous évoquez l’incidence extérieure des installations radioélectriques, mais si vous observez ce qui se passe à l’intérieur des habitations, vous serez surpris par l’amplitude des champs magnétiques développés par les installations, notamment par le simple câblage des chauffages électriques. Livrez-vous à quelques comparaisons, et vous serez édifié par l’intensité des champs, ne serait-ce que par celui du radioréveil qui émet des ondes près de notre tête !

Interdire toute installation à moins de cent mètres d’un site sensible implique donc de bannir jusqu’au radioréveil. Je ne vois pas comment un tel dispositif peut fonctionner.

Vous faites allusion à une circulaire de 2001. Je la connais très bien : elle avait été prise sur la proposition du professeur Zmirou afin de calmer une agitation qui ne se fondait sur aucune certitude scientifique.

Le professeur Zmirou avait recommandé l’éloignement des émetteurs dans un rayon de cent mètres autour d’établissements sensibles – vous les évoquez d’ailleurs dans votre amendement – en précisant que, dans tous les cas, les lobes d’émission ne devraient pas cibler ce type de bâtiments. Cette préconisation est actuellement respectée, sans qu’il y ait toutefois, je vous le répète, monsieur Labbé, de certitude scientifique quant à l’interaction de ces champs avec des problèmes sanitaires.

Enfin, je le rappelle, la classification au niveau 2B retenue par l’OMS signifie que ces ondes sont aussi cancérogènes que le café !

M. le président. Monsieur Labbé, l'amendement n° 11 est-il maintenu ?

M. Joël Labbé. J’entends bien la nécessité de couvrir le territoire, ainsi que les arguments développés à l’instant par le président de la commission. Si j’ai été extrêmement déçu par le rejet de l’amendement visant les associations de protection de l’environnement, j’accepte néanmoins de retirer celui-là, afin d’éviter tout malentendu.

M. le président. L'amendement n° 11 est retiré.

Article additionnel après l'article 6
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer l'aménagement numérique du territoire
Article 8

Article 7

(Supprimé)

CHAPITRE II

Haut débit

Article 7
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Article 9

Article 8

Tout abonné à un réseau fixe de communications électroniques doit être en mesure d'accéder à un débit minimal de 2 Mbit/s avant le 31 décembre 2013 et 8 Mbit/s avant le 31 décembre 2015.

Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes remet au Parlement un rapport précisant les actions à mener pour atteindre ces objectifs.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 18, présenté par MM. Retailleau et Hérisson, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi, l’Autorité de régulation des communications électroniques remet au Parlement un rapport précisant les modalités techniques et financières des actions à mener par les opérateurs et les pouvoirs publics afin que chaque abonné à un réseau de communications électroniques puisse y accéder à un débit minimum de 2 Mbits avant le 31 décembre 2013 et de 5 Mbits avant le 31 décembre 2015. Ce rapport étudiera notamment le cas du recours au service universel. À la suite de la remise de ce rapport, le Parlement et le Gouvernement précisent les mesures nécessaires pour atteindre ces objectifs. Les investissements en découlant sont retranscrits dans les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique prévus à l’article L. 1425-2 du code général des collectivités territoriales. L’Autorité de régulation des communications électroniques vérifie si ces objectifs sont atteints au 31 décembre 2013 et au 31 décembre 2015.

La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Dans ce texte, chers collègues, vous posez le principe d’une sorte de droit opposable qu’aurait chaque foyer, d’accéder à un débit minimal de 2 mégabits avant la fin de 2013 et 8 mégabits avant la fin de 2015.

Cette rédaction soulève plusieurs questions, me semble-t-il.

Premièrement, quel est l’outil permettant de parvenir à ce résultat ? Est-ce un droit opposable ? Est-ce le service universel ? Ce problème mérite en tout cas que l’on s’y attarde et que l’on puisse l’étudier.

Deuxièmement, quel en est le coût ? Qui va payer ? Et comment ?

Troisièmement, où est la compatibilité européenne du dispositif que vous proposez ?

Quatrièmement, comment peut-on étudier les conditions du droit que vous posez et en même temps son impact éventuel sur les réseaux d’initiative publique ?

C'est la raison pour laquelle je propose, au travers de mon amendement, que l’ARCEP remette au Parlement un rapport dans lequel elle répondrait à ces questions. Ainsi éclairés sur le coût et sur les outils les mieux adaptés pour parvenir à ces résultats, nous pourrions ensuite trancher.

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

À la seconde phrase du premier alinéa du 1° de l'article L. 35-1 du code des postes et communications électroniques, les mots : « débits suffisants » sont remplacés par les mots : « débits minimaux de 2 Mbit/s avant le 31 décembre 2012 et de 8 Mbit/s avant le 31 décembre 2015 ».

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. L’article 8, dans sa forme initiale, créait un véritable droit opposable au haut débit garanti par l’État.

Si nous avions des doutes sur la pertinence d’un tel dispositif au regard du retour d’expérience sur le droit opposable au logement, qui, faute de crédits budgétaires suffisants, reste fictif, nous estimons que le passage en commission a dévitalisé totalement cet article, en en faisant une disposition purement déclaratoire.

Or nous savons quelle valeur donner aux simples déclarations d’intention dans un contexte de crise économique et d’austérité budgétaire où le désengagement de l’État reste le maître mot du Gouvernement.

Ainsi, le présent article dispose simplement que « tout abonné à un réseau fixe de communications électroniques doit être en mesure d’accéder à un débit minimal de 2 Mbit/s avant le 31 décembre 2013 et 8 Mbit/s avant le 31 décembre 2015 », laissant le soin par ailleurs à l’ARCEP de définir les moyens d’atteindre cet objectif et nous laissant dans le flou.

Une nouvelle fois, on délègue à des autorités administratives indépendantes, dont la mission première est de faire place aux nouveaux entrants, des prérogatives exorbitantes et, en l’occurrence, le soin de définir des missions d’intérêt général. Cela nous semble contestable et devoir relever exclusivement du pouvoir politique.

Nous préconisons, pour notre part, en conformité avec les préconisations émises par M. Maurey dans son rapport d’information de juillet dernier, que le droit d’accès pour tous au haut débit soit reconnu dès 2012, et non en 2013 comme le prévoit la nouvelle rédaction de cet article. Je tiens à le souligner.

Pour ce faire, nous estimons que le moyen le plus pertinent reste bien de renforcer le périmètre du service universel au haut débit, de manière progressive, comme beaucoup d’entre nous le préconisent par ailleurs, et à l’image de l’évolution européenne, puisqu’une consultation a été engagée visant à définir les modalités d’élargissement du service universel au haut débit.

Nous estimons donc que la rédaction du présent article devrait faire consensus, la définition du champ du service universel permettant en outre d’accorder des compensations à l’opérateur à qui est confiée cette mission pour charge de service public.

Si nous avons unanimement voté l’article 1er de ce texte, qui dispose que l’aménagement numérique du territoire relève de l’intérêt général de la Nation, il nous faut en tirer les conséquences. Cela passe, premièrement, par la reconnaissance d’un périmètre élargi au service universel du numérique et, deuxièmement, par un financement de cette mission d’intérêt général qui soit garanti et non pas laissé à l’appréciation des grands opérateurs, comme nous avons toutes raisons de le craindre.

Mes chers collègues, ne me dites pas qu’il est trop tôt pour définir une telle obligation ; je pense pour ma part qu’il est déjà trop tard. En effet, nous privons les différents territoires d’un levier efficace pour atteindre cet objectif.

Pour autant, et à titre de solution de repli, nous vous présentons cet amendement dans l’espoir de garantir un droit réel aux quelque 23 % de personnes – excusez du peu ! – encore exclues aujourd’hui du haut débit.

M. le président. L'amendement n° 41, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

II. – Alinéa 2

Après les mots :

remet au Parlement un rapport

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

sur les actions à mener afin d’améliorer le débit des réseaux fixes de communications électroniques.

La parole est à M. le ministre

M. Éric Besson, ministre. Les dispositions de cet amendement s’inscrivent dans la même logique que celles que vient de présenter M. Bruno Retailleau. Il est donc défendu.

M. le président. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… - À la seconde phrase du premier alinéa du 1° de l'article L. 35-1 du code des postes et communications électroniques, les mots : « débits suffisants » sont remplacés par les mots : « très haut débit ».

La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Mes chers collègues, lors de la discussion de toutes les lois ayant trait de près ou de loin au numérique, nous vous avons proposé d’adopter cette disposition, qui a été systématiquement rejetée, et pour la dernière fois lors de l’examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs.

Néanmoins, nous tenons à réaffirmer notre degré d’ambition chaque fois que l’occasion nous en est donnée. En effet, à l’heure actuelle, le service universel des postes et télécommunications couvre simplement l’acheminement de communications à des débits suffisants pour permettre l’accès à Internet.

Face aux évolutions technologiques actuelles, ces prescriptions sont particulièrement limitées et ne permettent pas de reconnaître un véritable droit à l’information et à la communication.

Force est ainsi de reconnaître que les questions liées à l’accès au très haut débit sont devenues de véritables enjeux de société liés à la révolution numérique et à l’aménagement du territoire, comme nous en convenons tous ici. Il nous faut donc – sans attendre, car c’est à présent que cela se passe – porter le niveau d’exigence à la hauteur de ce défi du XXIe siècle.

Ce défi appelle une réponse, selon nous : le fibrage optique de l’ensemble du territoire national permettant l’accès de tous au très haut débit, nouvelle infrastructure du siècle, comme le furent en leur temps le train, l’eau ou l’électricité.

Hélas, monsieur le ministre, au lieu de placer cet effort au cœur des politiques nationales, vous préférez permettre aux grands groupes privés de capter le dividende numérique et de renforcer leurs positions dans les zones rentables, au détriment des territoires ruraux. C’est ainsi que sur les cinq dernières années, France Télécom a engrangé un bénéfice qui aurait permis le fibrage de l’ensemble – j’y insiste – du territoire national.

Pourtant, vous avez jugé utile, en décembre dernier, afin de repousser cet amendement, d’arguer de l’effort trop lourd qu’une telle reconnaissance ferait peser sur les opérateurs. C’est vrai, France Télécom, aujourd’hui privatisée, préfère distribuer des milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires plutôt que de financer des missions d’intérêt général, ce qui est bien dommage.

En outre, l’architecture du plan national pour le très haut débit se fait au détriment non seulement des collectivités territoriales, qui devront financer des infrastructures lourdes, mais surtout, en dernier ressort, des usagers finals, notamment ceux qui se trouvent dans la troisième zone et qui verront le très haut débit, voire le haut débit, dans bien trop longtemps. La plupart y auront d’ailleurs accès simplement par les ondes, dont l’impact sur la santé n’a pas encore été contrôlé, ce qui ne manque pas de nous interpeller.

Comme dans de nombreux autres secteurs stratégiques, cette logique conduit inévitablement à creuser des inégalités territoriales et sociales déjà fortes.

Aux solutions inégalitaires prônées par le Gouvernement, nous préférons donc le service universel du très haut débit, afin d’être à la hauteur des enjeux, car nous sommes tout à fait conscients de la vitesse de développement de ces technologies.

Certes, notre amendement n’est pas euro-compatible, mais les traités peuvent être rediscutés, comme nous le constatons chaque jour. Il est donc plus que temps pour le Gouvernement, qui vante tant les « services publics à la française », de revenir sur ces règles européennes faisant la part trop belle au privé et cantonnant les États dans le rôle de simples opérateurs, alors qu’ils devraient être les garants des droits fondamentaux, dont fait partie l’accès aux nouvelles technologies.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. L’article 8 est un article important, qui traite de l’instauration d’un véritable haut débit pour tous. Nous avons eu à plusieurs reprises des débats sur ce sujet en commission et nous étions unanimes à reconnaître que, dans nos territoires, la situation actuelle n’était pas satisfaisante.

En effet, la réalité ne correspond pas aux taux annoncés : M. le ministre nous a assuré que le territoire est intégralement couvert par le haut débit, mais, comme il l’a d’ailleurs reconnu, ce taux de 100 % n’est atteint que grâce à la solution satellitaire, dont chacun sait qu’elle n’offre ni le même service ni les mêmes tarifs. Seuls 77 % de la population ont accès au haut débit par l’ADSL avec une connexion de 2 mégabits par seconde qui constitue, comme l’a rappelé M. le ministre à juste titre, un minimum.

Nous avons donc aujourd'hui un véritable problème de haut débit, car, comme on me le dit souvent, à raison d'ailleurs, dans le département dont je suis l’élu, avant de parler de très haut débit, il faudrait déjà être couvert en haut débit. Beaucoup seraient heureux d’avoir au moins une connexion à 512 kilobits par seconde !

Avec cet article, nous avons voulu poser le principe d’un véritable haut débit pour tous. Les auteurs des différents amendements trouvent que nous sommes allés soit trop loin, soit pas assez loin. Cela me conforte dans l’idée que nous avons peut-être trouvé un juste milieu, auquel le centriste que je suis ne peut être – vous l’imaginez bien – que très attaché ! (Sourires.)

Bruno Retailleau l’a très bien expliqué, la mise en œuvre du principe du haut débit pour tous soulève des difficultés financières et techniques assez importantes : nous demandons donc un rapport à l’ARCEP, comme le propose d’ailleurs M. Retailleau, pour fixer les voies et moyens d’y parvenir.

Les amendements nos 18 et 41 tendent à supprimer l’alinéa posant le principe du haut débit pour tous, pour ne retenir que la mission confiée à l’ARCEP. La commission estime que cela n’est pas suffisant : nous souhaitons poser ce principe en tête de l’article. Nous avons donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

J’en viens à l'amendement n° 7, qui a pour objet le service universel. Il s’agit, là aussi, d’une question très importante. Nous en débattons avec cette proposition de loi, comme nous l’avions déjà fait lors de la transposition du paquet Télécom ; par ailleurs, j’ai souvent eu l’occasion d’en discuter avec Michel Teston. Ce sujet est complexe, car le service universel n’est pas forcément souhaité par les collectivités, par l’État ou par les opérateurs. Là aussi, il serait sage d’attendre les propositions de l’ARCEP.

Madame Schurch, avec votre amendement, qui tend carrément à inclure le très haut débit dans le service universel, vous êtes visionnaire ! J’espère siéger encore dans cette assemblée pour adopter, dans quelques décennies, votre proposition,…

Mme Cécile Cukierman. Dans dix ans, nous serons ringards si ce n’est pas le cas !

M. Hervé Maurey, rapporteur. … car il faudra au préalable une couverture du territoire en très haut débit, ce qui n’est pas prévu avant 2025. Vous le voyez, vous êtes un peu en avance !

Par ailleurs, comme vous l’avez vous-même fait remarquer, votre amendement n’est pas conforme au droit communautaire.

La commission est donc défavorable aux amendements nos 18, 7, 41 et 6 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 18 et défavorable aux amendements nos 6 rectifié et 7.

M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 18.

M. Philippe Leroy. Nous devrons tous sérieusement réfléchir un jour à la difficile question du service universel minimum, qui soulève de nombreux problèmes techniques, notamment pour assurer un service de type ADSL asymétrique.

Je suis donc favorable à la proposition de Bruno Retailleau, qui souhaite que nous étudions cette question. Il ne s’agit pas de rejeter le principe d’un service minimum, mais de garantir qu’une réflexion sera menée, ce qui est déjà, à mes yeux, une avancée tout à fait satisfaisante.

Je le répète, cette proposition de loi est en réalité un appel, voire un cri. La discussion durera au minimum une année et notre débat de ce soir fera réfléchir l’ensemble des acteurs concernés sur la question, ce qui est déjà – je le répète – une avancée formidable. Monsieur le ministre, ce débat aide le Gouvernement et honore le Sénat.

Contrairement à la commission, je suis, pour ma part, favorable à l’amendement de M. Retailleau. Nous avons posé la question du service universel, qui est difficile à mettre en place. La réflexion complémentaire qui sera menée au cours de l’année qui vient nous permettra d’avancer. Nous pourrons ensuite reprendre ce texte en ayant peut-être des idées plus claires sur cet aspect du problème.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Article 8
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Article 10

Article 9

Le premier alinéa du I de l’article 24 de la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique est complété par les mots : « y compris les travaux de montée en débit, quelle que soit la technologie des réseaux de communications électroniques mobilisés, lorsque les infrastructures ainsi déployées sont réutilisables pour le déploiement ultérieur des réseaux à très haut débit ».

M. le président. L'amendement n° 35 rectifié, présenté par MM. Camani, Teston, Guillaume et Cornano, Mme Bourzai, M. Fichet, Mme Durrieu, MM. Rome, Krattinger, Marc, Patient, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après les mots :

à très haut débit

rédiger ainsi la fin de cet article :

. Cette disposition ne peut avoir pour effet de conduire au subventionnement d’une seule technologie au profit d’un seul opérateur. »

La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Dans sa rédaction initiale, cet article prévoyait de rendre toute opération de montée en débit éligible aux aides du Fonds d’aménagement numérique du territoire. Notre groupe a souhaité limiter les subventions aux seuls territoires qui ne pouvaient pas compter sur le très haut débit « filaire » dans un avenir proche.

Toutefois, dans un souci d’optimisation du dispositif, un amendement voté en commission a pour effet de ne réserver le financement des opérations de montée en débit qu’à celles qui permettaient la réutilisation des infrastructures déployées au service du très haut débit à des fins d’optimisation.

À la réflexion, cette rédaction nous paraît fragile. En effet, des investissements de montée en débit sont théoriquement possibles partout où passe la boucle locale cuivre, mais celle-ci étant détenue par un seul et même opérateur, une telle disposition pourrait être comprise par les autorités européennes comme une aide déguisée. C’est pourquoi nous proposons d’ajouter une phrase permettant de préciser que les solutions de montée en débit « sans fil » pourront, elles aussi, être subventionnées.

Certes, l’article 9 comprend des dispositions qui pourraient permettre d’éviter que la Commission européenne n’y voie une aide déguisée. Cependant, dans le doute, nous préférons insister en ajoutant une phrase, même si cela paraît quelque peu redondant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. Cet amendement tend à ouvrir le subventionnement de la montée en débit au-delà de la seule technologie du cuivre. Il me paraît largement satisfait, puisque, aux termes de l’article 9, la montée en débit est éligible « quelle que soit la technologie des réseaux de communications électroniques utilisée ».

Les craintes des auteurs de l’amendement ne me paraissent donc pas fondées. Dans ces conditions, la commission sollicite le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour les mêmes raisons que la commission.

M. le président. Monsieur Teston, l'amendement n° 35 rectifié est-il maintenu ?

M. Michel Teston. J’ai bien entendu les propos de M. le rapporteur, avec lequel j’avais déjà eu l’occasion de m’entretenir de cette question. Effectivement, à l’article 9, il est bien précisé que les travaux de montée en débit sont éligibles « quelle que soit la technologie des réseaux de communications électroniques utilisée ».

Toutefois, mes chers collègues, je vous mets en garde : il faut veiller à ce que la Commission européenne n’ait pas une interprétation différente. Nous voulions simplement nous assurer que l’opérateur historique ne puisse être ennuyé par cette disposition.

Je retire donc mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 35 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 est adopté.)

CHAPITRE III

Très haut débit

Article 9
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Article 11

Article 10

I. – Après le troisième alinéa du I du même article 24, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les projets intégrés des collectivités territoriales et de leurs groupements réalisés dans le cadre de services d'intérêt économique général, qui sont déployés dans les zones non rentables et dans les zones rentables de leur territoire dans le cadre de l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, sont éligibles aux aides du fonds d’aménagement numérique des territoires à condition que ces aides ne soient assises que sur la partie de ces projets déployée dans les zones non rentables. On entend par zones rentables les zones dans lesquelles des opérateurs privés ont déjà déployé leur propre réseau de lignes de communications électroniques en fibre optique très haut débit desservant l’ensemble des utilisateurs finals de la zone considérée ou se sont engagés à le faire dans le cadre de la convention jointe en annexe du schéma directeur territorial d’aménagement numérique dans les conditions fixées par le deuxième alinéa de l’article L. 1425-2 du même code. »

II. – (Non modifié) Le présent article est applicable au Fonds national pour la société numérique mis en place par le programme national « très haut débit ».

M. le président. L'amendement n° 19, présenté par MM. Retailleau et Hérisson, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de la discussion générale, l’article 10 est une disposition importante. C’est, en quelque sorte, la clef de voûte de cette proposition de loi. Je voudrais répéter les raisons pour lesquelles j’y suis opposé.

Tout d’abord, sur le plan juridique, nous connaissons bien la procédure qui permet aux collectivités d’utiliser les SIEG, les services d’intérêt économique général. Dans son avis, l’Autorité de la concurrence a été assez claire, mais elle nous invitait, dans le même temps, à être prudents, en citant le cas des Hauts-de-Seine, un département qui a fait l’objet d’une contestation devant le tribunal de la Cour de justice de l’Union européenne.

Si une collectivité veut établir un SIEG sur son territoire, elle doit répondre au critère d’universalité, ce qui signifie qu’une couverture totale du territoire doit être assurée. Sinon, cela devient un nid à contentieux !

Ensuite, cet article soulève une difficulté d’ordre économique. Il témoigne bien de la volonté de la commission de s’engager dans une démarche de rupture par rapport au cadre établi depuis quatre ans, puisqu’il tend clairement à encourager les collectivités à travailler là où les opérateurs ont déjà déployé leurs réseaux, et ce de façon très extensive. En effet, les zones rentables, dans lesquelles les collectivités pourront agir, sont entendues comme « les zones dans lesquelles des opérateurs privés ont déjà déployé leur propre réseau ».

Il ne s’agit donc pas seulement des zones AMII, c'est-à-dire « appel à manifestations d’intentions d’investissement ». Bien au contraire, toutes les zones sont concernées !

Je vous rappelle que le cadre actuel prévoit, dans les 148 zones très denses, la concurrence par les infrastructures – à savoir l’existence de plusieurs réseaux d’opérateurs –, le marché permettant de soutenir cet écosystème, ainsi que, dans les zones un peu moins denses, le principe du co-investissement – les quatre opérateurs nationaux ont d'ailleurs signé des accords en la matière. Enfin, le cadre actuel prévoit la complémentarité pour les collectivités.

Je pense que, si l’on encourage les collectivités à investir là où la fibre est déjà déployée, on multipliera les dépenses. Et ce n’est pas 24 ou 25 milliards d’euros qu’il faudra : c’est beaucoup plus de 30 milliards d’euros !

La mutualisation est sans doute, pour un très grand nombre de départements et pour beaucoup de régions, une fausse bonne idée ; je m’en suis déjà expliqué. Certes, elle permet de réduire le coût unitaire de la prise, la moyenne du coût entre une zone peu rentable et une zone plus rentable.

Toutefois, ce qui compte pour les collectivités, c’est la charge nette. On constate ainsi, notamment en Auvergne, en Seine-et-Marne ou dans les Hauts-de-Seine, que j’ai citées tout à l'heure, que le choix de la redondance des réseaux – plutôt que de la seule complémentarité, conformément au cadre actuel – est défavorable à la collectivité, la mutualisation ne permettant pas à cette dernière de bénéficier in fine d’un coût moindre.

Au stade actuel, on n’a donc pas intérêt à changer fondamentalement le cadre existant, ni à encourager les collectivités à s’engager dans une mauvaise voie, qui ne pourra que conduire à des gaspillages d’argent public et privé.

Mes chers collègues, quand une même zone sera couverte par deux réseaux, croyez-vous que les opérateurs choisiront le réseau public ? Bien au contraire, ils choisiront le réseau privé !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. Mon cher collègue, je suis un peu étonné de l’importance, peut-être excessive, que vous semblez attacher à cet article.

En effet, vous l’avez vous-même déclaré, l’article 10 reprend les préconisations de l’Autorité de la concurrence. (MM. Yves Rome et Michel Teston manifestent leur approbation.) Il rappelle qu’une collectivité peut déployer ses réseaux sur l’ensemble de son territoire, en zone dense comme en zone non dense, et toucher des subventions, à condition naturellement que ces dernières ne portent que sur le déploiement concernant la partie non dense, et sous réserve que l’opération s’inscrive dans un SIEG.

Au final, cet article ne faire que dire le droit ! À la limite, vous pourriez plutôt me reprocher d’avoir proposé une disposition inutile, qui n’apporte rien au droit existant !

Je rappelle d'ailleurs ce que j’ai dit tout à l'heure dans la discussion générale : initialement, le Programme national très haut débit, le PNTHD, autorisait le subventionnement du déploiement portant sur la partie non dense, même lorsqu’existait en parallèle un déploiement en zone dense.

Curieusement, c’est lors d’une conférence de presse des ministres Éric Besson et Bruno Le Maire, le 27 avril 2011 – je me souviens de la date parce que j’ai vécu cet événement comme un recul du PNTHD –, que l’on a subitement mis un terme à cette situation, sans que l’on sache ni pourquoi ni sur quelles bases juridiques. On a alors menacé les collectivités qui oseraient commettre un « crime de lèse-opérateur » en déployant leurs réseaux dans des territoires déjà investis par les opérateurs d’une suppression de leurs subventions, y compris celles qui correspondent au déploiement sur la partie non dense.

M. Jacques Chiron. Voilà qui est bien dit !

M. Hervé Maurey, rapporteur. Je le répète, l’article 10 ne fait que confirmer l’avis de l’Autorité de la concurrence. Il rétablit le dispositif que le Gouvernement avait lui-même mis en place, avant de changer d’avis, au mois d’avril dernier, pour une raison inconnue ; M. le ministre s’en expliquera peut-être tout à l'heure.

En revanche – je parle sous le contrôle des présidents de conseils généraux ici présents –, cet article répond à une attente très forte des collectivités qui souhaitent pouvoir déployer leurs réseaux sur la totalité de leur territoire, et non plus seulement là où il n’y a pas un centime à gagner et où les coûts sont élevés, de manière à arriver à une péréquation des tarifs. Ce dispositif leur permettrait de n’être plus obligées de laisser les zones un peu rentables aux seuls opérateurs, qui, comme d’habitude, écrèment le territoire pour n’en garder que les bonnes parties.

M. Yves Rome. Exactement !

M. Hervé Maurey, rapporteur. Pour que les choses soient bien claires, j’ajoute que l’article 10 ne vise absolument pas à obliger les collectivités à déployer leurs réseaux sur tout le territoire ; il ne les y incite même pas. En revanche, il est vrai qu’il leur en donne la possibilité et qu’il leur fournit en quelque sorte une « arme » – ce mot me sera sans doute reproché – dans la négociation.

M. Yves Rome. Très bien !

M. Hervé Maurey, rapporteur. En effet, je le répète, toute cette proposition de loi est fondée non pas sur une volonté de rupture, mais sur un souci de rééquilibrage entre des opérateurs aujourd'hui tout-puissants – je dirais même trop puissants – et des collectivités totalement soumises.

M. Yves Rome. Très bien !

M. Hervé Maurey, rapporteur. À cet égard, une collectivité est un peu plus armée dans sa négociation avec les opérateurs quand elle peut les menacer de déployer ses réseaux sur l’ensemble du territoire !

Voilà pourquoi je suis très attaché à cet article 10, sans toutefois lui accorder l’importance que mon excellent collègue Retailleau veut lui donner. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Comme l’a indiqué Bruno Retailleau, le cadre juridique européen accorde de larges possibilités d’intervention aux collectivités locales, notamment au travers de la notion de service d’intérêt économique général, dans le respect de strictes conditions portant sur la sélection de l’entreprise chargée de fournir ce service, ainsi que sur les modalités de compensation financière de cette entreprise.

Toutefois, le soutien financier de l’État aux projets intégrés des collectivités territoriales n’est pas souhaitable, pour les raisons justement mentionnées par les auteurs de l’amendement.

En effet, un tel dispositif conduirait à une duplication inutile entre réseaux publics et privés.

M. Éric Besson, ministre. C’est là son problème essentiel.

Il risque en outre de remettre en cause l’équilibre économique des réseaux d’initiative publique. Il est donc juridiquement possible, mais économiquement non judicieux.

M. Yves Rome. Propos idéologiques !

M. Éric Besson, ministre. Considérant qu’il est préférable d’en rester au dispositif actuel, lequel assure la bonne articulation entre investissements publics et privés,…

M. Yves Rome. Cette articulation n’existe pas !

M. Éric Besson, ministre. … le Gouvernement est favorable à cet amendement.

Monsieur le rapporteur, je sais bien que nous sommes parfois pris dans des jeux de rôles, et que l’on peut toujours soupçonner un ministre d’être l’otage de tel ou tel lobby – celui des industriels ou celui des opérateurs, entre autres.

Néanmoins, il n’y a pas d’économie prospère sans des entreprises qui le soient également.

M. Yves Rome. C’est évident !

M. Éric Besson, ministre. Il n'y a pas de déploiement de réseau possible sans opérateurs en bonne santé.

Je ne suis pas l’avocat des opérateurs, avec lesquels nous avons un dialogue permanent. Cependant, je puis vous indiquer qu’ils doivent effectuer des investissements très lourds, non seulement pour déployer le réseau mobile de quatrième génération, au rythme que nous leur avons demandé et avec les exigences d’aménagement du territoire que j’ai rappelées tout à l'heure, mais aussi pour déployer la fibre optique.

À cet égard, vous savez que, pour accentuer la concurrence, le Gouvernement a permis à un quatrième opérateur d’entrer sur le marché de la téléphonie mobile.

M. Yves Rome. Ce n’est pas une réussite !

M. Éric Besson, ministre. Dans ces conditions, parler d’ « arme » dans le dialogue avec les opérateurs me semble inopportun.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.

M. Pierre Hérisson. Nous débattons ici d’un article important. Après la solution du partenariat public-privé proposée par M. Leroy, nous étions quelques-uns à penser, peut-être un peu naïvement, que nous allions nous écarter d’une idéologie concurrentielle pour nous orienter vers une complémentarité entre opérateurs privés, au regard notamment de l’article 1425-1 du code général des collectivités territoriales, qui permet d’être « opérateur d’opérateurs ».

Pour ma part, je partage complètement l’avis du Gouvernement : il faut éviter les discours trop complexes sur le sujet.

Toutefois, si l’on maintient les choses en l’état, en ne votant pas l’amendement de suppression, il est important, dès lors que les opérateurs continueront à déployer sur le territoire la fibre optique ou les moyens du très haut débit, que nous examinions assez rapidement, à une date que nous pourrions fixer ce soir, comment se feront les complémentarités et, surtout, comment s’appliquera l’article 1425-1 précité et quels opérateurs s’intéresseront au déploiement de ces réseaux.

En effet, ne l’oublions pas, en l’état actuel du texte, les collectivités auront la possibilité de déployer des réseaux, mais elles ne pourront à aucun moment se substituer aux opérateurs qui seront chargés de les exploiter.

Mes chers collègues, j’attire votre attention sur ce point car, dans certains secteurs, il existe déjà, depuis quelques mois, des syndicats départementaux, des régies, des conseils généraux ou des intercommunalités qui, après respect des obligations de mise en concurrence, peinent à trouver l’opérateur qui voudra bien s’intéresser à la réalité et à la précision des réseaux déjà déployés ou en cours de déploiement.

En tout cas, je forme le vœu ce soir que l’on ne se retrouve pas avec un nouveau plan câble, qui – on a essayé de le faire oublier – a coûté des centaines de millions de francs à de nombreuses collectivités, lesquelles continuent à rembourser des emprunts.

M. Bruno Retailleau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Permettez-moi de formuler deux remarques.

La première concerne la jurisprudence européenne évoquée par notre collègue Retailleau. Quelle est la définition exacte d’un SIEG ? Est-ce l’accès à une prise RJ45 ? Ou est-ce l’accès à un service qui peut être fourni par d’autres technologies ? Il ne faudrait quand même pas tout confondre, et il ne s’agirait pas d’évoquer la jurisprudence à tort et à travers.

Ce qui nous préoccupe, c’est bien l’accès de tous à un service, quels que soient la technologie et les réseaux utilisés. Or j’ai l’impression que notre discussion est polarisée sur l’établissement de réseaux à fibre optique.

Des convergences seront nécessaires, ne serait-ce que dans les zones montagneuses. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Il faudra bien utiliser le satellite, voire, dans certains cas, avoir recours au câble coaxial à partir d’une dorsale en fibre !

En tout état de cause, monsieur Retailleau, un nouveau chantier doit s’engager, à l’échelon européen, sur la définition exacte du SIEG : s’agit-il de l’accès au service, ou simplement de l’accès à un tuyau ? On attend toujours une précision sur un point !

M. Yves Rome. En effet !

M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. J’en viens à ma seconde remarque.

Il est vrai que l’article 10 constitue l’un des points forts de la proposition de loi. Comprenons-le bien : c’est à une concertation, à une complémentarité avec des opérateurs privés que l’on veut aboutir, et non à une confrontation née d’une duplication des réseaux. En tout cas, notre objectif est d’arriver à un aménagement du territoire équilibré, à partir de ces fameux schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique.

De grâce, cessons les procès d’intention ! Chers collègues, vous connaissez comme moi la façon dont les collectivités sont actuellement traitées sur le plan de leurs dotations financières. Je vous assure qu’elles ne sont pas du tout tentées par le gaspillage.

M. Pierre Hérisson. Propos de campagne électorale !

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président de la commission, j’ai avec moi le mémoire en défense concernant les Hauts-de-Seine (M. Bruno Retailleau brandit un document.) ; je le tiens à votre disposition.

S’agissant des SIEG, les choses sont claires depuis que la jurisprudence Altmark a posé des critères, lesquels ont d'ailleurs été utilement rappelés par le président de l’Autorité de la concurrence, M. Bruno Lasserre, lors de son audition par notre commission.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Exactement !

M. Bruno Retailleau. On ne peut donc pas dire que l’on parle dans le vide ! Les choses sont précises ; elles sont écrites. Je le répète : elles font l’objet d’une jurisprudence qui a été utilisée, non seulement en matière de télécommunications, mais aussi pour d’autres réseaux. Mon but n’est pas de polémiquer. Chacun peut vérifier ce que j’affirme en lisant cette décision.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Quelle mauvaise foi !

M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy, pour explication de vote.

M. Philippe Leroy. J’aurais aimé faire plaisir à mes collègues Retailleau et Hérisson en souscrivant à leur amendement de suppression de l’article 10.

Si je les entends bien, il s’agit d’éviter de gaspiller l’argent public.

M. Yves Rome. Il n’y a pas de gaspillage !

M. Philippe Leroy. On oublie toutefois que l’article 10 est en fait lié au schéma directeur territorial d’aménagement numérique, lequel sert de garde-fou, puisqu’il rend obligatoire la concertation entre tous les opérateurs, y compris les opérateurs de services, autour des objectifs fixés pour le territoire donné. Ce faisant, il évite la confrontation et permet d’espérer que chacun fasse tout son possible.

M. Yves Rome. Tout à fait.

M. Philippe Leroy. On peut même imaginer des co-investissements d’opérateurs publics et privés. N’interdisons donc pas cette évolution, car elle est fondamentale ! Si nous acceptons la logique de confrontation et de concertation sur le terrain, territoire par territoire, du SDTAN obligatoire, nous devons aussi accepter la possibilité de rechercher des modes de financement respectant au mieux les différents intérêts.

M. Yves Rome. La péréquation !

M. Philippe Leroy. En tant que responsable d’une collectivité locale, je serai toujours ravi de voir des opérateurs privés se charger de réaliser un projet à ma place, car je ne suis pas fou !

M. Hervé Maurey, rapporteur. Évidemment !

M. Philippe Leroy. Il ne faut donc pas isoler cet article 10 de la logique d’ensemble de cette proposition de loi. Nous avons présenté ce texte dans l’intérêt de tous les Français, et ce débat est important dans l’année qui vient. Il ne s’agit pas d’une question politique, car l’aménagement numérique du territoire n’est ni de gauche ni de droite : il s’agit de voir comment nous pouvons, tous ensemble, acteurs publics et privés, le mener à bien.

En dépit de toute l’amitié que je porte à Bruno Retailleau et de mon souci de préserver les deniers publics comme ceux du secteur privé, je pense que cet article 10, dans sa forme actuelle, est satisfaisant et respecte la logique de notre proposition de loi. Ne tuons pas cette logique ! (Applaudissements au banc des commissions.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 19.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 3, présenté par M. P. Leroy, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les projets des collectivités territoriales et de leurs groupements ayant réalisé ou lancé des projets de réseaux d’initiative publique tels que prévus par l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales à la date du 1er janvier 2011 sont éligibles au fonds d’aménagement numérique des territoires pour l’évolution de leurs réseaux vers le très haut débit. »

La parole est à M. Philippe Leroy.

M. Philippe Leroy. J’attends de prendre connaissance de l’avis de M. le rapporteur pour décider si je maintiens ou non cet amendement.

J’ai le sentiment que certains réseaux d’initiative publique qui ont lourdement investi dans le passé, pour des montées en débit ou pour d’autres services, se verront privés d’aide lorsqu’ils voudront passer au très haut débit.

J’illustrerai mon propos en évoquant un élément qui n’a pas été cité jusqu’à présent dans notre débat, je veux parler des régies. En France – et c’est plus particulièrement vrai dans le département de la Moselle –, des régies municipales ou intercommunales ont créé des réseaux câblés : elles ont investi en mettant en place des gaines, notamment, et souhaitent désormais, à partir de ce réseau de base, aller plus loin et passer au très haut débit, c’est-à-dire à la fibre optique. Or j’ai l’impression, aujourd’hui, que ce cas particulier n’a pas été pris en compte.

Je demande simplement que le Fonds d’aménagement numérique des territoires puisse cofinancer des initiatives visant à mettre en place la fibre optique, lorsque les investissements initiaux ont été réalisés par des réseaux d’initiative publique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. Monsieur Leroy, je comprends tout à fait votre souci, mais il me semble que la combinaison des articles 9 et 10 de la présente proposition de loi permet d’atteindre les objectifs que vous avez évoqués. C’est pourquoi je vous invite à bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Leroy, l’amendement n° 3 est-il maintenu ?

M. Philippe Leroy. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 3 est retiré.

Je mets aux voix l’article 10.

(L’article 10 est adopté.)

Article 10
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Article 12

Article 11

Après le troisième alinéa du I du même article 24, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le fonds d’aménagement numérique des territoires peut enfin attribuer des aides aux maîtres d’ouvrage pour ceux de leurs projets situés dans des zones que les opérateurs privés s’étaient engagés, conformément au deuxième alinéa de l’article L. 1425-2 précité, à couvrir dans un délai de trois ans, lorsqu’il est établi, par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et à la demande de ces maîtres d’ouvrage, que les déploiements annoncés n’ont pas débuté au terme du délai précité ou qu’ils ont pris un retard significatif constaté par rapport au calendrier de réalisation initialement communiqué. »

M. le président. L’amendement n° 42, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre. L’article 11 de la proposition de loi a pour objet de rendre éligibles au Fonds d’aménagement numérique des territoires, le FANT, les projets de déploiement de réseaux de collectivités territoriales sur des zones que les opérateurs privés s’étaient engagés à couvrir, dès lors que les travaux n’ont pas débuté dans les délais prévus ou qu’ils ont pris un retard significatif.

L’adoption de cette disposition ne me paraît pas nécessaire. En effet, rien n’empêche aujourd’hui les projets de déploiement des collectivités locales de prévoir des lots conditionnels portant sur des zones que des opérateurs privés se sont engagés à couvrir. Ainsi, en cas de retard significatif dans le calendrier de déploiement dû aux opérateurs privés, et en l’absence de justification valable de leur part, la collectivité peut solliciter le soutien financier de l’État pour réaliser ces lots, dans le cadre du Programme national très haut débit, et lancer effectivement les travaux de déploiement correspondants.

Par ailleurs, dans la mesure où les engagements pris par les opérateurs sont formalisés dans la convention qu’ils concluent avec les collectivités locales, il ne paraît pas nécessaire de prévoir une intervention du régulateur pour constater le non-respect de ces dispositions contractuelles.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement propose de supprimer l’article 11. Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. L’article 11 de la présente proposition de loi dispose que, lorsqu’un opérateur qui devait procéder à un déploiement dans une zone où il avait annoncé son intention de le faire renonce à tenir cet engagement, la collectivité locale peut procéder elle-même au déploiement et bénéficier de subventions de l’État.

Cette substitution intervient sous le contrôle de l’ARCEP, qui constitue une véritable garantie : nous tenions en effet à introduire un arbitrage indépendant, car nul ne saurait être juge et partie. Si le Programme national très haut débit prévoit déjà cette possibilité, tant mieux ! La loi viendra le conforter sur ce point.

En revanche, comme M. le ministre l’a souligné, le Programme national très haut débit ne prévoit pas l’intervention de l’ARCEP. Or celle-ci nous paraît importante, car cette autorité, dans sa fonction d’arbitre, pourra constater que le déploiement n’a pas eu lieu. Cette disposition constitue, en quelque sorte, une garantie pour les opérateurs.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 42.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 20, présenté par MM. Retailleau et Hérisson, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après le troisième alinéa du I de l’article 24 de la loi n° 2009-1572 relative à la lutte contre la fracture numérique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le fonds d’aménagement numérique des territoires peut attribuer des aides aux maîtres d’ouvrage pour ceux de leurs projets situés dans des zones que les opérateurs privés s’étaient engagés à couvrir dans le cadre des conventions précitées, lorsqu’il est établi par le comité national de gestion du fonds et à la demande de ces maîtres d’ouvrage que les déploiements annoncés n’ont pas débuté dans le calendrier prévu. »

La parole est à M. Pierre Hérisson.

M. Pierre Hérisson. Le présent amendement a pour objet de rendre éligibles au Fonds d’aménagement numérique des territoires, ou FANT, les projets de déploiement de réseaux de collectivités territoriales sur des zones que les opérateurs privés s’étaient engagés à couvrir, mais avec deux modifications d’importance par rapport au texte de la proposition de loi.

Tout d’abord, il n’appartient pas à l’ARCEP de constater d’éventuels manquements des opérateurs, ou alors le rôle de cette autorité mériterait d’être redéfini. Tant que ce domaine ne relèvera pas de ses compétences, il sera plus sage de ne pas lui confier cette mission.

Ensuite, l’expression « retard significatif » nous paraît imprécise. Nous aimerions obtenir davantage de précisions à cet égard, ce qui permettrait d’éclairer utilement le débat.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. L’amendement n° 20 tend à substituer à l’ARCEP le comité de gestion du fonds d’aménagement numérique du territoire. Lors du débat en commission, nous avions en effet évoqué cette possibilité, mais ce comité de gestion n’existe toujours pas : il a en effet été créé par une disposition de la loi Pintat du 17 décembre 2009 dont nous attendons depuis deux ans le décret d’application !

Confier une mission à un organisme que le Gouvernement ne semble pas vouloir mettre en place, bien qu’il soit déjà créé juridiquement, ne me paraît pas une bonne idée. L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 20.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 11.

(L’article 11 est adopté.)

Article 11
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Article 13

Article 12

La première phrase du 1° de l’article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifiée :

1° Les mots : « ainsi qu’aux » sont remplacés par le mot : « aux » ;

2° Après les mots : « liberté de communication », insérer les mots : « ou en cas de constatation de l’inexécution d’une convention en application du deuxième alinéa de l’article L. 1425-2 du code général des collectivités territoriales ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 21 est présenté par MM. Retailleau et Hérisson.

L’amendement n° 43 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bruno Retailleau, pour présenter l'amendement n° 21.

M. Bruno Retailleau. À partir du moment où je m’oppose aux sanctions, il est naturel et logique que je demande la suppression de cet article.

Je tiens seulement à vous faire observer, monsieur le rapporteur, que l’adoption de l’article 12 entraînerait un véritable dévoiement du point de vue de la correction juridique : en effet, vous raccrochez votre dispositif à l’article L. 36-11 du code des postes et communications électroniques, qui donne à l’ARCEP le pouvoir de sanctionner les opérateurs sur la base d’obligations de nature législative ou réglementaire. Or la contractualisation que nous avons souhaité introduire dans le SDAN n’est de nature ni législative ni réglementaire : il s’agit de conventions librement consenties entre des opérateurs et des collectivités territoriales. Il me semble donc que vous ouvrez la voie à une dérive inquiétante.

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 43.

M. Éric Besson, ministre. Selon moi, le principal problème que pose cette proposition de loi, c’est qu’elle vise en permanence à imposer, à contraindre, à sanctionner : elle obéit à une logique tournée contre les opérateurs. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Cécile Cukierman. Non ! Au service de l’usager !

M. Éric Besson, ministre. Or, mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne parviendrez pas à déployer un réseau en France contre les opérateurs, vous ne pourrez le faire qu’avec eux, avec la contribution de l’État et des collectivités locales ! Cette coopération nous a permis de construire le seul cadre existant actuellement au sein de l’Union européenne.

M. Yves Rome. Mais non !

M. Éric Besson, ministre. L’article 12 tend à confier à l’ARCEP le pouvoir de sanctionner les opérateurs qui ne respecteraient pas des engagements pris sur une base volontaire, mais le résultat obtenu sera l’inverse de celui que vous recherchez.

En effet, pénaliser les opérateurs qui ont décidé d’investir les dissuadera de mener à bien leurs projets et remettra en cause la viabilité du Programme national très haut débit, empêchant donc le déploiement rapide des réseaux à très haut débit.

Je tiens à rappeler que la quasi-totalité des lignes en fibre optique installées à ce jour l’ont été par des opérateurs privés.

M. Éric Besson, ministre. Une telle disposition ne pourra que les dissuader à investir à l’avenir dans de tels projets. L’État et les collectivités locales devront alors faire face aux investissements nécessaires au déploiement des réseaux à très haut débit : est-ce bien nécessaire, d’autant que, dans les zones où les opérateurs n’auraient pas respecté leurs engagements, il serait toujours possible aux collectivités locales, sur la base du constat de carence que j’évoquais tout à l’heure, de développer des réseaux d’initiative publique ?

Nous préférons, en tout état de cause, que l’articulation des projets publics et privés soit définie dans un cadre coopératif comme celui des commissions consultatives régionales pour l’aménagement numérique des territoires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. Je viens d’entendre M. le ministre nous reprocher de vouloir « imposer, contraindre, sanctionner » ! Toutefois, mes chers collègues, qu’y a-t-il de choquant à vouloir sanctionner une personne qui ne respecte pas ses engagements ? Ce principe se trouve à la base du fonctionnement de toute société !

Si des engagements librement consentis et contractualisés au terme d’une négociation ne sont pas respectés, cela mérite une sanction. Je suis stupéfait que des acteurs autres que les opérateurs, qui préfèrent évidemment l’immunité totale, puissent soutenir le contraire !

J’ajoute que l’on confie ce pouvoir à l’ARCEP, qui n’a pas fait preuve d’excès de zèle – certains l’ont même déploré – en matière de sanction pour non-respect des engagements des opérateurs de la téléphonie mobile. Je ne vois donc vraiment pas en quoi ces dispositions pourraient choquer.

Je le répète, les opérateurs ne sont nullement obligés de prendre des engagements contractuels. Il me paraît tout à fait normal de les sanctionner s’ils ne les respectent pas, à moins de considérer que le droit français admet, dans ce domaine, que l’on puisse se soustraire à ses engagements en toute impunité.

Monsieur le ministre, vous affirmez que seuls les opérateurs ont déployé le très haut débit. Il convient tout de même de souligner que 1,6 million de prises sont actuellement en projet dans le cadre des réseaux d’initiative publique, les RIP.

Telles sont les raisons pour lesquelles j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Yves Rome, pour explication de vote.

M. Yves Rome. Je voudrais indiquer à M. le ministre et à M. Retailleau – qui pourrait être promu secrétaire d’État ! – que, lorsqu’il s’agit de téléphonie mobile, les opérateurs acceptent de contractualiser et d’être sanctionnés. Cela ne les dissuade pas de s’engager dans de nouvelles installations, notamment dans le réseau 4G.

Figurez-vous que, malgré la contrainte, ils donnent de l’argent au Gouvernement ! Pourquoi ce qui est valable pour la téléphonie mobile ne le serait-il pas pour le très haut débit ?

M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.

M. Pierre Hérisson. Je voudrais formuler une observation, après le commentaire qui vient d’être formulé sur le peu d’efficacité de l’ARCEP en matière de sanction : si elle a déjà du mal à exécuter les missions qui lui sont confiées, comme le laisse entendre M. le rapporteur, c’est une bonne raison de ne pas lui en ajouter de nouvelles.

M. Hervé Maurey, rapporteur. Je n’ai pas dit cela !

M. Pierre Hérisson. Ce n’est pas la première fois que je l’entends.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. À ce point de la discussion, j’aimerais poser une question à M. le rapporteur, puisque l’on a bien compris que l’économie du texte reposait sur l’effet dissuasif de la sanction.

Pour notre part, nous avons proposé, par exemple, que le périmètre de l’AMII retombe dans le domaine public.

Si tout le dispositif de déploiement numérique repose sur la notion de sanction, je vous retourne la question : quelle est la nature exacte de cette fameuse sanction ? Quelles sont ses modalités d’application, son montant ? Comment constate-t-on, et au bout de combien de temps, que la sanction doit s’appliquer ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Maurey, rapporteur. Monsieur Retailleau, la réponse est simple : il revient à l’ARCEP, comme c’est déjà le cas en matière de téléphonie mobile, d’étudier la situation et d’estimer si les retards sont justifiés au regard des problèmes rencontrés. La sanction ne tombe pas de manière bête et méchante ! La remarque que j’ai formulée précédemment visait à montrer non pas, comme Pierre Hérisson a feint de le comprendre, que l’ARCEP ne faisait pas son travail, mais qu’elle avait fait preuve de pragmatisme.

L’ARCEP saura apprécier si un retard relève de problèmes fondés ou de la mauvaise foi. Le délai des engagements contractuels pris par les opérateurs est ramené de cinq à trois ans, en conformité avec le droit européen. À l’issue de ce délai, les collectivités pourront saisir l’ARCEP en vue de sanctionner les opérateurs qui n’auraient pas respecté leurs engagements.

M. Bruno Retailleau. Sur quelle base ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. Les pouvoirs reconnus à l’ARCEP en matière de téléphonie mobile sont élargis à la question des engagements contractés dans le cadre du schéma directeur territorial d’aménagement numérique, c’est-à-dire en matière de haut débit, de très haut débit et de téléphonie mobile.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. C’est simple !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre. Monsieur le rapporteur, je ne peux pas vous laisser suggérer qu’il n’y aurait aucune sanction : le fait de rebasculer dans le domaine public est une sanction crainte par un opérateur privé, pour lequel la propriété de son réseau constitue une base de stabilité de son modèle économique. C’est en tout cas la pensée dominante aujourd’hui, qu’aucun contre-exemple n’est venu infirmer.

Dans ces conditions, la sanction existe, mais elle est d’une autre nature que celle que vous suggérez. Je vous répète, à défaut de vous en convaincre, que votre logique aboutirait à décourager tout investisseur privé, qui n’aurait aucun intérêt à contracter, compte tenu de la batterie de sanctions et de menaces que vous prévoyez.

Mme Cécile Cukierman et M. Yves Rome. Mais non !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Maurey, rapporteur. Je voudrais apporter une précision supplémentaire à Bruno Retailleau.

L’article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques prévoit « une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d’affaires hors taxes du dernier exercice clos […] ». La sanction est donc très clairement précisée dans ce code.

Pour répondre à M. le ministre, je ne vois pas en quoi le basculement dans le domaine public serait une sanction : il s’agit simplement d’une conséquence. Si un opérateur ne dessert pas une zone, celle-ci revient ipso facto à la collectivité. Pour ma part, je ne considère pas cela comme une sanction. (M. Bruno Retailleau s’exclame.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 et 43.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 12.

(L'article 12 est adopté.)

Article 12
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Article 13 bis (nouveau)

Article 13

I. – Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 1425-2 du code général des collectivités territoriales, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :

« Ils fixent par ailleurs le délai dans lequel doit s’opérer, sur le périmètre qu’ils couvrent, l’extinction du réseau haut débit fixe et son basculement intégral vers le réseau à très haut débit. Ce délai n’excède pas le 31 décembre 2025. »

II. – (Non modifié) L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes établit annuellement, dans le cadre de son rapport adressé au Parlement, la liste des territoires départementaux concernés par la mise en œuvre de ce basculement.

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, elle établit les conditions dudit basculement.

Elle rend compte de l’ensemble de ces éléments aux commissions compétentes du Parlement.

M. le président. L'amendement n° 22, présenté par MM. Retailleau et Hérisson, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Pour reprendre la métaphore employée par Hervé Maurey, les articles 13 et 13 bis de la proposition de loi sont quasiment des armes nucléaires ! L’article 13 vise en effet à dupliquer le procédé employé pour le passage du spectre hertzien à la télévision numérique terrestre, la TNT, en fixant à 2025 la date limite du basculement vers le réseau à très haut débit.

Cependant, le spectre hertzien est la propriété matérielle de l’État ; il est un bien public. C’est aussi une ressource rare, raison pour laquelle des canaux compensatoires avaient été prévus au moment de l’adoption de la loi sur la télévision du futur.

En l’espèce, monsieur le rapporteur, vous prévoyez le basculement du réseau « cuivre », qui est un bien privé appartenant à une entreprise, vers le réseau « fibre ». Il s’agit donc purement et simplement d’une expropriation ! Cette arme extrêmement puissante s’inscrit parfaitement dans une logique de sanctions.

Je comprends que vous souhaitiez, à un moment donné, basculer tout le réseau vers la fibre. Nous avions d'ailleurs lutté, à l’époque, contre un avis très défavorable du Conseil de la concurrence en matière de montée en débit.

On ne peut pas à la fois favoriser le financement de la montée en débit, qui s’effectuera de toute façon sur le réseau « cuivre », et décider du basculement généralisé vers un autre réseau. Il s’agit, sur le plan juridique, d’une expropriation.

Nous reviendrons sur la question de la séparation fonctionnelle. Quoi qu’il en soit, dans le registre des armes que vous évoquiez, nous atteignons le niveau atomique !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. Dans notre esprit, le basculement n’est qu’une conséquence. Nous ne pouvons pas avoir indéfiniment deux réseaux parallèles. Il faudra bien, à un moment donné, basculer de l’un à l’autre. L’échéance a été fixée à 2025, conformément d'ailleurs à l’objectif assigné par le Président de la République.

Un certain nombre de problèmes techniques et juridiques se posent. L’article 12 prévoit donc que l’ARCEP remet un rapport au Parlement, dans un délai de six mois, afin d’établir les conditions dans lesquelles le basculement pourra s’opérer.

Il ne s’agit ici nullement d’une arme. En toute logique, nous ne pouvons pas conserver indéfiniment deux réseaux parallèles. Prévoyons donc une date butoir en 2025. Les schémas, qui sont, je le répète, un instrument de contractualisation, permettent aux opérateurs, aux collectivités et à l’État de se mettre d’accord, territoire par territoire, pour organiser ce basculement.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. Yves Rome. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 22.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Les Allemands ont choisi la technique du VDSL, qui emploie le réseau « cuivre » avec une puissance pouvant atteindre cinquante mégabits. Peut-être souhaitera-t-on conserver le cuivre, à l’horizon 2020 ou au-delà, afin de desservir certaines zones avec un débit de trente, quarante ou cinquante mégabits ? Qui peut le dire ?

M. Pierre Hérisson. Exactement !

M. Bruno Retailleau. Tel est l’argument supplémentaire que je souhaitais porter à votre connaissance, mes chers collègues.

M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy, pour explication de vote.

M. Philippe Leroy. J’en suis désolé, mais Bruno Retailleau tombe dans un excès de langage lorsqu’il invoque une « expropriation ». Le réseau « cuivre » a été donné à France Télécom, à charge pour cette entreprise, dans l’esprit de la loi initiale, de coopérer et d’ouvrir le réseau à la concurrence.

On ne peut pas dire que l’on exproprie en choisissant l’extinction du réseau « cuivre » : dans l’intérêt des populations, on bascule vers un nouveau réseau de fibre optique. C’est du reste le choix du Président de la République.

M. Hervé Maurey, rapporteur. Absolument !

M. Philippe Leroy. Pour ma part, j’appartiens à l’UMP et je défends avec obstination mes opinions. Je suis fier du choix du Gouvernement et du Président de la République. C’est un argument supplémentaire.

Ne nous amusons pas, dans ce débat d’excellente tenue, à ce genre d’excès de langage. Le droit, dans cette affaire, n’est pas si évident que cela.

Par ailleurs, il faut cesser de mettre en doute la parole du Président de la République et celle des techniciens. Le scepticisme nous a déjà fait perdre beaucoup de temps durant la phase de montée en débit. Il nous avait été dit alors de ne pas nous préoccuper des technologies nouvelles, parce que le haut débit serait mis en œuvre par tous les moyens, y compris le hertzien, les satellites, le courant porteur en ligne, et qu’il existait de nombreuses techniques de substitution. Tout cela a semé le doute dans la population.

Le Gouvernement a eu le courage de dire qu’il fallait passer à la fibre optique, et c’est tout à son honneur. Or, tout d’un coup, on nous dit d’arrêter, car il existe peut-être d’autres solutions. Ce n’est pas sérieux ! Je vous le dis franchement, monsieur le ministre, mes chers collègues : je ne comprends pas bien.

Il est important de poursuivre ce débat et de ne pas l’occulter ; j’y reviendrai dans un instant lorsque je défendrai un autre amendement. Ce que nous commençons ce soir sera terminé dans un an, aussi devons-nous débattre de manière honnête, non biaisée. Nous aurons ensuite tout le temps, au cours de l’année à venir, de réfléchir à ces questions. (Très bien ! sur quelques travées du groupe socialiste.)

M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Voilà qui est clair !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Monsieur Leroy, je vous prie de bien vouloir m’en excuser, mais, malgré l’hommage que vous venez de rendre au Gouvernement – hommage que j’ai goûté, à cette heure tardive, à sa très juste valeur –, force est de reconnaître que, en l’espèce, M. Retailleau a raison.

Si vous fixez une date butoir et si vous interdisez d’utiliser un bien, il s’agit d’une expropriation.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 13.

(L'article 13 est adopté.)

Article 13
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Article 14

Article 13 bis (nouveau)

Dans un délai d’un an suivant la publication de la présente loi, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes remet un rapport au Parlement sur les conséquences d’une séparation entre les activités de gestion du réseau et les activités de fourniture du service de la boucle locale cuivre.

M. le président. L'amendement n° 23, présenté par MM. Retailleau et Hérisson, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Nous abordons ici un autre sujet d’étonnement. L’article 13 bis a été introduit par le groupe socialiste, lequel a pourtant toujours été farouchement opposé – en particulier M. Teston – à la séparation fonctionnelle, à juste raison d’ailleurs selon moi.

Lors de la transposition du troisième paquet Télécom, l’ARCEP s’est vu octroyer un pouvoir dont on a bien dit qu’il ne devait être utilisé que lorsque tous les autres remèdes auraient été tentés au préalable. On a bien indiqué alors qu’il s’agissait d’une arme nucléaire dissuasive, qui ne devait pas être utilisée. Nous étions tous, sur l’ensemble de nos travées, d’accord sur ce sujet.

Or, voilà que, aujourd’hui, on nous propose une séparation fonctionnelle ! Pierre Hérisson et moi proposons donc de supprimer l’article 13 bis. Les Anglais ont opté pour une telle séparation et ont créé Openreach. Or l’expérience n’est pas du tout convaincante en matière de déploiement du très haut débit, comme vous le savez d’ailleurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. La discussion générale ayant montré que l’article 13 bis était source de malentendus, les auteurs de cette disposition m’ont fait savoir tout à l’heure qu’ils souhaitaient que la commission émette un avis favorable sur l’amendement n° 22 de M. Retailleau.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Le Gouvernement émet le même avis, monsieur le président : favorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Accusez, levez-vous ! (Sourires.)

M. Michel Teston. J’ai toujours trouvé que l’interprétation…

M. Yves Rome. Maladroite !

M. Michel Teston. … qui était faite des dispositions de l’article 13 bis nouveau était tout à fait anormale.

M. Yves Rome. Inadaptée !

M. Michel Teston. Qu’est-ce qui a motivé la réflexion du groupe socialiste ? Nous constatons tous les jours que la Commission européenne veut aller vers la séparation des activités d’un certain nombre d’opérateurs historiques.

Nous avons ainsi connu la séparation comptable dans le domaine du ferroviaire. À cet égard, le gouvernement français de l’époque est allé plus loin que ne le préconisait la Commission européenne en créant RFF, Réseau ferré de France, et en séparant cette structure et la SNCF. Comme Bruno Retailleau l’a rappelé, j’ai toujours été opposé à la séparation des activités des entreprises de réseaux.

Cela étant, il nous a semblé important de demander à l’ARCEP de réfléchir aux conséquences que pourrait avoir une telle orientation si elle était confirmée par la Commission européenne, de manière à s’y préparer et à éviter les difficultés qu’elles entraîneraient pour l’opérateur historique. Tel était l’objet de l’amendement du groupe socialiste visant à insérer un article additionnel après l’article 13 dans la présente proposition de loi.

Cette démarche n’ayant pas à l’évidence été bien comprise, nous sommes favorables à l’amendement de suppression de M. Retailleau, mais que l’on ne nous intente pas de procès à ce sujet.

Comme je l’ai rappelé lors de la discussion générale, et comme en témoigne mon engagement ici au Sénat, je n’ai jamais été favorable à l’évolution souhaitée par la Commission européenne.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.

M. Pierre Hérisson. Mes chers collègues, permettez-moi de formuler quelques observations à l’occasion de ce débat intéressant.

Tout d’abord, je pense que les comparaisons avec Réseau ferré de France doivent être faites avec la plus grande prudence. Soyons honnêtes et objectifs : si nous avons créé RFF, après en avoir débattu ici au Sénat, c’est pour lui transférer et mettre en quelque sorte en apesanteur la dette de la SNCF, un point, c’est tout ! Le reste s’est arrangé du mieux possible.

M. Michel Teston. Je n’y suis pour rien !

M. Pierre Hérisson. Je parle pour ceux qui ont pris cette décision.

Ensuite, M. Lasserre, qui a récemment relancé le débat sur la séparation fonctionnelle, s’est expliqué sur ce sujet. Il a bien dit qu’il ne s’agissait pas de revenir sur les questions dont nous avons très longuement débattu ici en 1996, en 2000 et en 2004 : fallait-il séparer les réseaux de l’opérateur historique, laisser l’opérateur historique en concurrence avec les nouveaux opérateurs et créer une structure permettant de gérer les réseaux ?

Juridiquement, France Télécom est propriétaire de ses réseaux, même si certains se demandent pourquoi l’opérateur historique a pu obtenir une décision consacrant sa pleine propriété. Cette question, qui a fait l’objet d’un long débat, a été tranchée. Il est vrai cependant, il faut le reconnaître, que les collectivités locales ont investi des sommes considérables dans l’enfouissement et la mise en souterrain des réseaux.

Le problème se pose de manière un peu moins significative dans certains pays, entre autres d’Amérique du Nord, où l’on continue à déployer la fibre optique en aérien. Aujourd'hui, le déploiement de la fibre optique y coûte environ 10 % de ce qu’il coûte chez nous. Il est important que chacun ait bien conscience de ces problèmes.

Enfin, un dernier élément me paraît important. Non, monsieur Leroy, le mot que j’ai employé tout à l'heure n’est pas excessif : France Télécom étant juridiquement propriétaire des réseaux, si la loi lui supprime la possibilité de les utiliser, cela pose un problème de dédommagement.

Ce réseau devenant inutilisable, il doit être racheté par quelqu’un, dans des conditions économiques satisfaisantes. À cet égard, je vous rappelle que la Constitution consacre le droit à la propriété. On ne peut donc pas à la fois déclarer que l’opérateur historique est propriétaire des réseaux et lui interdire de les utiliser sur le territoire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 13 bis est supprimé et l’amendement n° 4 n’a plus d’objet.

Pour l’information du Sénat, je rappelle que l’amendement n° 4, présenté par M. P. Leroy, était ainsi libellé :

Compléter l’article 13 bis par un alinéa ainsi rédigé :

Le même rapport devra aborder les modalités d'une affectation d'une partie des revenus générés par la boucle locale cuivre afin de permettre l'alimentation du fonds d'aménagement numérique des territoires.

Article 13 bis (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer l'aménagement numérique du territoire
Article additionnel après l’article 14

Article 14

Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :

1° Le 15° de l’article L. 32 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« On entend par opérateur de réseau toute personne physique ou morale, publique ou privée, établissant et exploitant des infrastructures et des réseaux de communications électroniques ouverts au public, en vue de leur mise à disposition, entièrement ou principalement, auprès d’opérateurs. » ;

2° Avant le dernier alinéa de l’article L. 36-6, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes prend en compte, dans l’élaboration de ces règles, les spécificités de chaque catégorie d’opérateurs dont les opérateurs de réseaux. Elle veille à assurer la présence dans les instances de concertation et d’expertise qu’elle met en place de tout opérateur dont les opérateurs de réseaux, publics et privés, concernés par les règles envisagées, et à prendre en compte, dans ses décisions, chacune de ces catégories. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 49, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 2 et 3

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

1° Au 15° de l’article L. 32, après les mots : « physique ou morale », sont insérés les mots : « , publique ou privée, » ;

II. – Alinéas 4 et 5

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre. L’amendement du Gouvernement vise à clarifier l’article 14 afin d’éviter toute ambigüité juridique.

La participation des différentes catégories d’opérateurs de réseaux dans les instances de concertation et d’expertise mises en place par l’ARCEP ne relève pas, à mon sens, du domaine législatif. Il appartient en effet à l’Autorité de définir la composition des groupes de travail qu’elle institue et de veiller à ce que l’ensemble des acteurs concernés y soient représentés.

Les collectivités territoriales sont ainsi représentées au sein du groupe d’échanges entre l’ARCEP, les collectivités territoriales et les opérateurs.

Par ailleurs, il n’apparaît pas nécessaire de compléter l’alinéa 15 de l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques afin de définir l’opérateur de réseau. En effet, la définition de l’opérateur qu’il prévoit inclut d’ores et déjà les opérateurs de réseaux au sens de l’article 14 de la proposition de loi, puisqu’elle englobe « l’établissement et l’exploitation d’un réseau ouvert au public ou la fourniture au public de services de communications électroniques », donc les opérateurs de réseaux et les fournisseurs de services de communications électroniques.

M. le président. L'amendement n° 36 rectifié, présenté par MM. Rome, Camani, Teston, Guillaume et Cornano, Mme Bourzai, M. Fichet, Mme Durrieu, MM. Krattinger, Marc, Patient, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

« En particulier elle veille à tenir compte des spécificités des opérateurs quant à leurs droits, obligations, et puissance sur les marchés de gros et de détail. »

La parole est à M. Yves Rome.

M. Yves Rome. Cet amendement vise à tenir compte des spécificités des réseaux d’initiative publique, les RIP, par rapport aux autres opérateurs de réseaux.

L’amendement vise à préciser les spécificités de cette catégorie d’opérateurs, leurs droits, leurs obligations et leur degré de puissance sur les marchés de gros et de détail. En effet, les obligations qui pèsent sur les RIP sont bien plus contraignantes. Ainsi, ils ne peuvent proposer que des offres de gros, sauf, bien sûr, en cas d’insuffisance de l’initiative privée.

Pour autant, il ne s’agit pas d’instituer une discrimination positive en faveur de ce type d’opérateur. En effet, la reconnaissance du rôle des RIP et l’encadrement juridique de leur intervention n’étaient jusqu’à présent pas très sécurisants. C’est à cette situation que tente en partie de remédier cette proposition de loi, en replaçant d’ailleurs au cœur du débat sur le numérique les collectivités et leurs réseaux d’initiative publique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. La commission est favorable au troisième alinéa de l’amendement n° 49, qui vise à préciser que les opérateurs peuvent être des personnes publiques ou des personnes privées.

En revanche, elle est défavorable au reste de l’amendement, qui tend à revenir sur la version du texte élaborée par la commission. Or la commission tient à ce que soit reconnue, aux côtés de la catégorie générale des opérateurs, la sous-catégorie des opérateurs de réseaux et qu’elle soit effectivement prise en compte par l’ARCEP dans son activité de régulation.

La commission émettrait donc un avis favorable sur l’amendement n° 49 si le Gouvernement acceptait de le rectifier.

Par ailleurs, la commission ne voit pas bien quel est l’apport de l’amendement n° 36 rectifié. La prise en compte des spécificités des opérateurs, qu’ils soient publics ou privés, est au cœur des missions de l’ARCEP. C’est d’ailleurs pour cela que l’Autorité met en place deux types de régulation, la régulation symétrique et la régulation asymétrique.

Je demande donc à M. Rome de bien vouloir retirer son amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 36 rectifié ?

M. Éric Besson, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 36 rectifié.

Par ailleurs, souhaitant maintenir l’amendement n° 49 dans son intégralité, il ne répond pas favorablement à la demande de rectification formulée par M. le rapporteur.

M. le président. Monsieur Rome, l'amendement n° 36 rectifié est-il maintenu ?

M. Yves Rome. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 36 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 49.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 14.

(L'article 14 est adopté.)

Article 14
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Article 15

Article additionnel après l’article 14

M. le président. L'amendement n° 37 rectifié, présenté par MM. Rome, Camani, Teston, Guillaume et Cornano, Mme Bourzai, M. Fichet, Mme Durrieu, MM. Krattinger, Marc, Patient, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l’article 14

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 1° du II de l’article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 1° bis À l’impact de leurs décisions sur les investissements publics réalisés ;

La parole est à M. Yves Rome.

M. Yves Rome. Il est défendu, monsieur le président. Je m’en remettrai d'ailleurs à l’avis de la commission.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. La commission demande aux auteurs de l’amendement n° 37 rectifié de bien vouloir le retirer.

M. Yves Rome. Je le retire donc, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 37 rectifié est retiré.

CHAPITRE IV

Mesures financières

Article additionnel après l’article 14
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Article 16

Article 15

(Supprimé)

M. le président. L'amendement n° 27 rectifié, présenté par MM. Fortassin, Collin, Requier, Baylet et Vall, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le chapitre VII octies du titre II de la première partie du livre premier du code général des impôts est complété par un article 302 bis KHA ainsi rédigé :

« Art. 302 bis KHA. - I. - Il est institué, jusqu'au 31 décembre 2025, une contribution due par tout opérateur de communications électroniques, au sens de l'article L. 32 du code des postes et des communications électroniques, qui fournit un service en France et qui a fait l'objet d'une déclaration préalable auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en application de l'article L. 33-1 du même code.

« II. - Cette contribution est assise sur le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers aux opérateurs mentionnés au I en rémunération des services de communications électroniques qu'ils fournissent.

« III. - L'exigibilité de la contribution est constituée par l'encaissement du produit des abonnements et autres sommes mentionnées au II.

« IV. - Le montant de la contribution est fixé périodiquement par arrêté du ministre chargé de l’économie numérique et du ministre du budget.

« V. - Le produit de la contribution est affecté au fonds d'aménagement numérique des territoires mentionné à l'article 24 de la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique.

« VI. - Les modalités d'application du présent article sont définies par décret. »

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Le FANT a été créé par l'article 24 de la loi Pintat, en vue de contribuer au financement de certains travaux de réalisation des infrastructures et réseaux envisagés par les SDTAN.

Dans la version initiale de la proposition de loi de M. Xavier Pintat, le FANT était abondé par une contribution versée par les opérateurs de communications électroniques, sur le modèle du Fonds d'amortissement des charges d'électrification, le FACE, lui-même alimenté par une contribution des gestionnaires de réseaux publics de distribution d'électricité. Toutefois, lorsqu’il a examiné ce texte, le Sénat a décidé de supprimer cette contribution. Aussi, le FANT se trouve dépourvu de toute recette. Comme l’ont dit plusieurs orateurs lors de la discussion générale, c’est une coquille vide, un fonds sans fonds !

Le financement de l’amélioration du réseau à haut débit et du déploiement du réseau à très haut débit est à ce jour la grande inconnue du modèle de déploiement retenu par le Gouvernement. Celui-ci a certes prévu une enveloppe de 2 milliards d'euros de recettes provenant du grand emprunt. Au sein du FSN, le Fonds national pour la société numérique, quelque 900 millions d’euros sont destinés à soutenir les projets des collectivités territoriales s’inscrivant en complémentarité des déploiements d’initiative privée.

Or, dans son rapport remis au Premier ministre en 2010, Hervé Maurey faisait état de besoins de l'ordre de 660 millions d'euros par an pendant dix ans pour atteindre l’objectif de couverture de 98 % de la population d’ici 2025. À l’évidence, le FSN pourrait se révéler rapidement insuffisant. Il paraît donc nécessaire d’anticiper ses besoins de financement et de le doter dès à présent de ressources pérennes.

M. le rapporteur avait prévu, à l’article 15 de la proposition de loi initiale, une taxe due par les opérateurs sur les abonnements à internet et à la téléphonie mobile, mais cette disposition a été supprimée par la commission. Pour notre part, nous y sommes favorables.

Toutefois, il y a certainement d’autres pistes à explorer, comme l’a évoqué tout à l'heure notre excellent collègue Raymond Vall. Les opérateurs présents sur internet – moteurs de recherche, réseaux sociaux, diffuseurs de contenus vidéo-musicaux – captent l’essentiel du dividende numérique, soit 4 milliards d’euros de revenus en 2010 et 9 milliards d’euros en 2015. Il nous paraîtrait donc normal de les faire participer à cet effort.

Cela dit, en attendant de trouver des pistes différentes, mettons en place un dispositif similaire à celui qui a fonctionné pour le FACE et l’électrification des campagnes.

L’amendement n° 27 rectifié tend donc à créer une contribution due par tous les opérateurs de communications électroniques sur le montant des abonnements et autres sommes acquittées par les usagers.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. Cet amendement, comme d’autres qui seront examinés ensuite, a pour objet l’alimentation du FANT, qui constitue une question importante. J’éprouve personnellement le regret de n’avoir pu, au travers du présent texte, soumettre des propositions qui auraient permis d’alimenter ce fonds. Sur ce sujet, je rejoins les propos tenus il y a un instant par Daniel Dubois.

En 2010, le Premier ministre m’avait confié une mission sur le sujet et demandé de faire des propositions relatives à l’alimentation du fonds. J’avais notamment suggéré de créer une contribution de solidarité numérique d’un montant de 70 à 75 centimes d’euros par abonnement sur l’internet fixe et la téléphonie mobile. Avec un petit complément prélevé sur la vente des téléviseurs et des consoles de jeu, on atteignait la somme de 660 millions d’euros, évoquée à l’instant.

La commission n’a pas souhaité que l’on adopte ce dispositif. Je me suis donc naturellement rangé à son opinion. Je l’ai déjà dit, mais je le répète à l’attention de M. le ministre, je pense que l’on pourrait alimenter le FANT par une dotation. Cette solution serait meilleure que celle visant à créer encore de nouvelles taxes.

La somme en question, environ 660 millions d’euros par an, est certes importante, mais elle n’est pas non plus colossale. Lors de la discussion générale, j’ai rappelé que l’augmentation de la TVA sur l’offre triple play rapportait 1,1 milliard d’euros supplémentaires chaque année. Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, j’avais proposé qu’on en affecte une partie à l’alimentation du fonds. Cette solution n’a malheureusement pas été retenue.

Penser que le Gouvernement allait déposer, dans le cadre de cette proposition de loi, un amendement visant à mettre en place une dotation de l’État eût été parfaitement utopique, mais j’avoue que j’aurais été très heureux qu’il en aille ainsi !

Quant à l’amendement n° 27 rectifié qui vient de nous être présenté, je tiens à dire, quitte à étonner certains, que je ne suis pas favorable à la taxation des opérateurs. J’ai déjà eu l’occasion de dire que, à mon sens, les opérateurs sont trop taxés. Il faut revoir la relation entre l’État et les opérateurs.

En effet, il arrive assez régulièrement que l’État taxe les opérateurs de manière assez curieuse. Je me souviens notamment d’un des premiers textes sur lequel je suis intervenu en tant que sénateur, la loi visant à compenser la suppression de la publicité à la télévision, où l’on n’a rien trouvé de plus illogique que de taxer les opérateurs pour ce faire. On pourrait aussi parler du compte de soutien à l’industrie des programmes, le COSIP, ou de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER, et multiplier ainsi les exemples où, à mon sens, les opérateurs ont été injustement mis à contribution. Pour ma part, je préférerais les taxer beaucoup moins, mais leur imposer bien plus d’obligations.

Je ne souscris donc pas à l’idée, sous-tendue par cet amendement, selon laquelle il faut taxer les opérateurs pour alimenter le fonds.

À la fois à titre personnel et au nom de la commission, qui a souhaité que l’on renonce à toute taxation dans le cadre de cette proposition de loi, j’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Je dirai, pour être bienveillant, que cette taxe est pour le moins prématurée.

Premièrement, les investissements d’avenir comprennent 900 millions d’euros mis à la disposition des collectivités territoriales. Observons d’abord à quel rythme est utilisée cette somme.

M. Yves Rome. Mais cela ne marche pas !

M. Éric Besson, ministre. Deuxièmement, j’ai déjà eu l’occasion de dire que, bien évidemment, l’État abonderait le fonds en question. Nous avons lancé une étude pour évaluer précisément le besoin de financement public à plus long terme. Pourquoi, dès lors, taxer les opérateurs par anticipation alors que nous disposons de ces 900 millions d’euros ?

Troisièmement, qu’il s’agisse de la fibre optique ou du déploiement de la 4G, nos opérateurs seront confrontés, au cours des prochains douze à dix-huit mois, à des investissements très importants. Le moment est-il opportun pour les taxer ?

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. L’abondement de ce fonds est un véritable problème. Vous évoquez, monsieur le ministre, les sommes dégagées par le grand emprunt. Soit !

Je voudrais néanmoins vous faire réfléchir, mes chers collègues, sur un colloque qui a eu lieu cet après-midi au Sénat, sur l’initiative de la commission des finances, et qui portait sur la fiscalité des technologies de l’information et de la communication, les TIC.

Je pose, à mon tour, la question soulevée par le rapporteur : faut-il taxer les opérateurs ou bien, pour suivre une proposition chère au président de la commission des finances, M. Marini, créer une « taxe Google » sur les fournisseurs de services ?

Pour prendre une image un peu osée, les opérateurs ne sont rien d’autre que des transporteurs de services. Par conséquent, si l’on ne taxe pas la marchandise qui est fournie à l’usager, ce n’est pas rendre service à la politique d’aménagement du territoire que de taxer toujours plus les opérateurs.

Contrairement à ce que vous pouvez penser, mes chers collègues, nous ne menons pas de combat contre les opérateurs. Nous souhaitons simplement une concertation visant à ce que les services dont nous parlons puissent être offerts sur l’ensemble de notre territoire. (M. Yves Rome acquiesce.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Maurey, rapporteur. Je tiens simplement à signaler à M. le ministre que, si la commission et le Gouvernement émettent le même avis sur cet amendement, nos points de vue diffèrent sur un point. Vous avez dit, monsieur le ministre, qu’il était largement prématuré d’alimenter le fonds. Je ne partage pas cet avis. Je pense qu’il faut, au contraire, l’abonder le plus tôt possible.

Tout d’abord, et c’est une raison de simple mathématique, plus la période d’alimentation du fonds sera longue, moins les besoins annuels seront importants.

Ensuite, et peut-être surtout, il est important d’envoyer très rapidement un signal fort aux collectivités territoriales, en alimentant ce fonds non pas de manière ponctuelle, au travers de la dotation de 900 millions d’euros issue du grand emprunt, mais dans la durée.

Mme Cécile Cukierman. Tout à fait ! C’est ce que nous attendons !

M. Hervé Maurey, rapporteur. Cette mesure rassurera les collectivités territoriales, leur donnera confiance dans l’engagement de l’État à les aider pour le financement des investissements nécessaires et les incitera donc au déploiement des réseaux.

M. Hervé Maurey, rapporteur. Je souhaite donc que l’on commence à alimenter ce fonds le plus rapidement possible.

M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 27 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président. Néanmoins, le groupe RDSE est très heureux d’avoir contribué à lancer cette réflexion sur les financements futurs.

M. Michel Teston. Très bien !

M. le président. L’amendement n° 27 rectifié est retiré.

L’article 15 demeure donc supprimé.

Article 15
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Article 16 bis (nouveau)

Article 16

(Supprimé)

Article 16
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Article additionnel après l’article 16 bis

Article 16 bis (nouveau)

L'article 24 de la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 précitée est complété par un III ainsi rédigé :

« III. – Le produit des sanctions financières prononcées par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, conformément à l'article L. 1425-2 du code général des collectivités territoriales, à l'encontre des opérateurs n'ayant pas respecté les conventions conclues avec les collectivités territoriales sur la base des schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique est affecté au fonds d'aménagement numérique des territoires. »

M. le président. L'amendement n° 24, présenté par MM. Retailleau et Hérisson, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. L’objet de cet article est assez clair, puisqu’il s’agit, encore une fois, du produit des sanctions affecté au FANT.

Pour tenter d’égayer cette soirée qui se prolonge un peu, je poserai une question simple : si ce fameux article est appliqué, demandera-t-on à percevoir une sanction s’élevant à 3 % du chiffre d’affaires des opérateurs parce qu’une sous-préfecture n’aura pas été couverte ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. Monsieur Retailleau, vous l’avez bien compris, les 3 % dont vous parlez sont un plafond fixé par la loi. On peut faire confiance à l’ARCEP pour ne pas infliger de sanctions disproportionnées. D'ailleurs, je vous le rappelle, la loi dispose que les sanctions doivent être proportionnées.

La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 24, parce qu’il nous semble tout à fait cohérent que les sanctions prises en cas de non-respect des engagements viennent alimenter le fonds. Cela dit, ne nous méprenons pas, les sommes affectées au titre des sanctions seront largement insuffisantes pour financer le déploiement. Je souhaite d’ailleurs qu’elles soient les plus modiques possible : cela prouvera que les opérateurs ont respecté leurs engagements, ce qui est, naturellement, l’objectif visé.

Les sanctions n’ont pas en elles-mêmes leur propre fin. Elles ne constituent pas non plus un moyen commode de dégager des pénalités permettant d’alimenter le fonds. Je ne reviendrai pas sur le débat tenu lors de la discussion de l’article 16, mais je tiens à souligner que notre objectif ici est de sanctionner les engagements non tenus. Et il me paraît à la fois évident et logique que les pénalités ainsi perçues doivent alimenter le fonds.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Très bien !

M. Hervé Maurey, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Le Gouvernement note une petite inflexion, perceptible dans le discours du rapporteur, qui, de « sanction » en « contrainte », en passant par les « armes » et la « dissuasion », commence à évoluer légèrement sur les pénalités infligées aux opérateurs, ce qui est heureux.

Il n’est peut-être pas exclu, puisque nous ne sommes qu’à l’article 16 bis, que cette inflexion s’amplifie et entraîne des conséquences positives avant la discussion de l’article 21 !

M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. On peut toujours rêver !

M. Éric Besson, ministre. J’émets donc un avis favorable sur l’amendement n° 24.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 28 rectifié, présenté par MM. Fortassin, Requier, Collin, Baylet et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« III. - Le fonds d'aménagement numérique des territoires est alimenté par le produit de la contribution de solidarité numérique prévue à l'article 302 bis KHA du code général des impôts. »

Je constate que cet amendement n’a plus d’objet.

L'amendement n° 30 rectifié, présenté par MM. Fortassin, Tropeano, Requier, Collin, Baylet et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« III. - Le fonds d'aménagement numérique des territoires est alimenté en partie par une contribution versée par tout opérateur de communications électroniques sur chaque abonnement délivré et par une contribution de solidarité numérique prélevée sur la facture de chaque abonné. Le taux de ces contributions est fixé périodiquement par arrêté du ministre chargé de l’économie numérique et du ministre du budget. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret. »

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Il s’agit là aussi de prévoir un financement pérenne pour le FANT, qui pourrait être assuré à hauteur de 30 % par une contribution versée par tout opérateur de communications électroniques pour chaque abonnement souscrit, de 20 % par une contribution de solidarité numérique prélevée sur la facture de chaque abonné et de 50 % par une dotation de l’État.

Toutefois, afin que cet amendement ne risque pas de se voir opposer l’article 40 de la Constitution, nous n’avons pas inclus de dotation de l’État dans le dispositif. Les contributions de solidarité numérique des opérateurs et des usagers que nous avons prévues pourraient s’éteindre avec le basculement vers le très haut débit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, pour les raisons précédemment évoquées.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Requier, l'amendement n° 30 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 30 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 16 bis.

(L'article 16 bis est adopté.)

Article 16 bis (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer l'aménagement numérique du territoire
Article 17 (Texte non modifié par la commission)

Article additionnel après l’article 16 bis

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 16 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa du I de l'article 24 de la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le fonds d’aménagement numérique des territoires est notamment alimenté par des contributions versées par les opérateurs mentionnés à la première phrase de l’article L. 33-7 du code des postes et communications électroniques dans des conditions fixées par décret. Ces contributions ne peuvent être répercutées sur la facture des usagers. »

La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Initialement, la proposition de loi Pintat de 2009 prévoyait que le fonds d’aménagement numérique des territoires serait alimenté par une contribution versée par les opérateurs de communications électroniques. Nous avions souscrit à ce dispositif, mais le Sénat a malheureusement décidé de supprimer cette contribution, estimant que sa mise en œuvre risquerait de décourager les opérateurs d’investir dans les territoires et d’aller ainsi à l’encontre de l’objectif visé au travers de la proposition de loi.

Je suis très impressionnée par la sollicitude du Gouvernement à l’égard des opérateurs de télécommunications. Je n’ai pourtant jamais entendu dire qu’ils connaissaient des difficultés économiques majeures. Au contraire, leurs profits sont considérables, et leurs obligations de service public inexistantes.

À défaut de solliciter les opérateurs, un autre fonds a été mis en place, abondé à hauteur de 900 millions d’euros par l’État, de manière non pérenne puisque ces recettes proviennent du grand emprunt. Cela semble un peu juste pour financer la couverture totale du territoire en très haut débit à l’horizon de 2025…

Aussi l’auteur de la présente proposition de loi a-t-il préconisé une nouvelle fois de taxer non pas les opérateurs, mais les usagers, via leur facture. Nous trouvons un tel raisonnement étonnant : afin de ne pas déstabiliser les opérateurs, on propose de faire reposer la solidarité nationale sur les usagers, eux-mêmes touchés de plein fouet par la crise.

Pour notre part, nous continuons de penser qu’il serait juste que ceux qui réalisent des bénéfices dans les zones rentables participent au financement de la desserte des zones moins rentables. Ce système prévaut d’ailleurs pour l’ensemble des services publics ouverts à la concurrence : les obligations de service d’intérêt général sont financées par un fonds de compensation, lui-même alimenté par l’ensemble des opérateurs.

C’est pourquoi nous proposons d’abonder le FANT par des contributions des opérateurs privés, sans pour autant faire de celles-ci le seul mode de financement du dispositif, afin de ne pas exclure le recours à des dotations de l’État.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. Avis défavorable, pour les raisons exposées précédemment.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Même avis.

Madame Schurch, tous les étudiants en économie connaissent le théorème d’Helmut Schmidt, selon lequel « les profits d’aujourd’hui font les investissements de demain et les emplois d’après-demain ». Il se peut que, pour développer notre économie, il soit nécessaire que quelques groupes fassent des profits…

Lorsque nous avons voulu mettre en vente les licences 4G en assignant des objectifs extrêmement ambitieux en matière d’aménagement du territoire, des voix se sont élevées, au Sénat et à l’Assemblée nationale, pour affirmer que le Gouvernement avait tort de fixer des prix de réserve aussi élevés et qu’il ferait mieux, afin de privilégier la couverture du territoire, de se montrer beaucoup moins gourmand pour les finances publiques.

Or les objectifs en termes d’aménagement du territoire seront intégralement atteints, sans que le prix de réserve ait constitué un obstacle. En outre, le budget de l’État a même bénéficié d’un surcroît de recettes en 2011, puisque nous avons vendu ces licences plus cher que nous ne l’avions d’abord envisagé.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Les bénéfices réalisés par les opérateurs pourraient effectivement être en partie consacrés à l’équipement de zones qui ne sont pas a priori les plus attrayantes du point de vue économique.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Toutefois, je crains que la mise en œuvre du dispositif présenté par notre collègue Mireille Schurch n’aboutisse à soumettre les opérateurs qui investissent à une forme de double peine.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Au demeurant, la valeur ajoutée se trouve avant tout chez les fournisseurs de services.

M. Pierre Hérisson. Très bien !

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. La fiscalité applicable aux acteurs des technologies de l’information et de la communication doit être considérée dans son ensemble ; ne prenons pas en otages les opérateurs de réseau.

Mme Mireille Schurch. Personne ne les prend en otages !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre. Comme l’a souligné tout à l’heure M. Retailleau, certains semblent considérer que l’investissement public serait le bien, et l’investissement privé le mal.

M. Yves Rome. Nous n’avons jamais prétendu cela !

Mme Cécile Cukierman. L’inverse n’est pas vrai non plus, d’ailleurs !

M. Éric Besson, ministre. Si des collectivités territoriales décidaient d’investir dans les réseaux, n’auraient-elles pas ensuite besoin des opérateurs pour exploiter ceux-ci ? Elles devront à l’évidence discuter et négocier avec les opérateurs.

Ne faisons pas semblant de croire qu’il existerait une source magique de fonds publics permettant de financer à bon compte le déploiement de la fibre optique sur l’ensemble du territoire français !

Mme Cécile Cukierman. Personne n’a dit cela !

M. Éric Besson, ministre. À mon sens, le compromis auquel nous sommes parvenus est probablement le meilleur possible. Quand je me regarde, je me désole ; quand je me compare, je me console : aucun pays d’Europe ne fait mieux que nous en matière de partenariats public-privé pour le déploiement du très haut débit.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l’article 16 bis
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Article 18

Article 17

(Non modifié)

Après le mot : « compte », la fin de la seconde phrase du quatrième alinéa du I du même article 24 est ainsi rédigée : « des capacités financières des maîtres d’ouvrage et du degré de ruralité de la zone concernée ».

M. le président. L'amendement n° 40, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre. L’article 17 vise à prendre en compte les capacités financières des maîtres d’ouvrage et le degré de ruralité des territoires au titre de l’allocation des aides du FANT. Le Gouvernement en propose la suppression, pour les raisons que j’ai indiquées précédemment.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

En effet, nous sommes attachés à la prise en compte du coût du déploiement du très haut débit et de la capacité financière de la collectivité concernée pour l’attribution des subventions publiques. Nous le savons bien, c’est souvent dans les départements les moins riches que les projets sont le plus coûteux, notamment pour des raisons géographiques.

La modulation du montant des subventions prévue par le programme national « très haut débit » ne nous paraît pas satisfaisante, car le dispositif est beaucoup trop rigide. Il convient, me semble-t-il, d’introduire davantage de souplesse, afin de pouvoir examiner au cas par cas les projets, leur coût et la capacité des collectivités territoriales à les financer.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 17.

(L'article 17 est adopté.)

Article 17 (Texte non modifié par la commission)
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Article 19

Article 18

Chaque année suivant l’entrée en vigueur de la présente loi, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes remet au Parlement un rapport sur la tarification par les opérateurs de l’accès aux réseaux à haut et très haut débits pour les entreprises, et formule des propositions afin de ramener cette tarification à des niveaux plus modérés. – (Adopté.)

Article 18
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Article 20 (Texte non modifié par la commission)

Article 19

(Supprimé)

CHAPITRE V

Mesures diverses

Article 19
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Article 21

Article 20

(Non modifié)

Après le 7° de l’article L. 111-2 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un 7° bis ainsi rédigé :

« 7° bis Favoriser le déploiement du très haut débit de façon prioritaire dans les zones rurales, en commençant par les zones d’activité et les services publics ; ».

M. le président. L'amendement n° 44, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre. Nous suggérons de supprimer cet article, qui introduit de notre point de vue une certaine confusion.

En effet, le code des postes et des communications électroniques et le code général des collectivités territoriales contiennent déjà plusieurs dispositions relatives aux réseaux à très haut débit.

Par ailleurs, je rappelle qu’un important travail de clarification visant à une meilleure articulation des différentes notions contenues dans ces codes est en cours. Il ne me paraît pas approprié d’en préjuger les conclusions.

C'est pourquoi le Gouvernement souhaite la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. Il nous paraît extrêmement important d’affirmer clairement que le très haut débit doit être déployé en priorité en zone rurale.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer le mot :

Favoriser

par le mot :

Assurer

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. L’ambition affirmée au travers du deuxième alinéa de cet article nous semble en retrait par rapport aux objectifs définis dans la présente proposition de loi et dans le programme national « très haut débit ».

Nous préconisons donc d’en modifier les termes, en indiquant que la politique d’aménagement rural vise à « assurer », et non pas simplement à « favoriser », la couverture en très haut débit des zones rurales.

Cet amendement pourrait être qualifié de rédactionnel, mais il s’agit, plus profondément, d’affirmer l’engagement de la puissance publique en la matière, afin de garantir l’accès au très haut débit dans les zones rurales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 20, modifié.

(L'article 20 est adopté.)

Article 20 (Texte non modifié par la commission)
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Article 22 (Texte non modifié par la commission)

Article 21

Il est créé un comité de pilotage ayant pour objet, dans le respect des décisions de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, d’harmoniser les référentiels techniques utilisés pour l’élaboration, la construction et l’exploitation des réseaux à très haut débit.

Ce comité est constitué de représentants des administrations de l’État, du Parlement, des collectivités territoriales, des opérateurs de communications électroniques et de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Le président du comité est choisi parmi les représentants du Parlement.

Un décret définit la composition et les modalités d’organisation du comité, qui rend compte de ses travaux au Gouvernement et au Parlement.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 46, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes élabore, avec l’appui du comité national de gestion du fonds d’aménagement numérique des territoires institué à l’article 24 de la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, des référentiels techniques harmonisés pour l’élaboration, la construction et l’exploitation des réseaux à très haut débit.

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre. Le Gouvernement partage pleinement l’objectif des auteurs de la proposition de loi. La mutualisation et la normalisation doivent en effet être recherchées afin de faciliter le déploiement et l’exploitation des réseaux.

Toutefois, si l’on veut pouvoir répondre rapidement aux besoins exprimés, cette tâche ne doit pas être confiée à un comité de pilotage institué à cet effet et dont la composition serait définie par décret, notamment en raison de la complexité administrative qu’implique la création d’une nouvelle structure.

Le groupe d’échanges entre l’ARCEP, les collectivités territoriales et les opérateurs – le GRACO – paraît être l’instance adéquate.

L’amendement du Gouvernement a donc pour objet de confier la tâche d’harmoniser les référentiels techniques à l’ARCEP, qui s’appuiera sur le comité national de gestion du fonds d’aménagement numérique des territoires, de sorte que l’ensemble des parties intéressées soient associées rapidement au processus.

M. le président. L'amendement n° 52, présenté par M. Maurey, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après le mot :

comité

insérer le mot :

technique

La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Maurey, rapporteur. Cet amendement de précision vise à éviter toute confusion avec le comité de pilotage du très haut débit, qui existe par ailleurs.

M. le président. L'amendement n° 38 rectifié, présenté par MM. Rome, Camani, Teston, Guillaume et Cornano, Mme Bourzai, M. Fichet, Mme Durrieu, MM. Krattinger, Marc, Patient, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Après les mots :

est constitué

insérer les mots :

, à parts égales,

La parole est à M. Yves Rome.

M. Yves Rome. Le dernier alinéa de l’article 21 prévoit que la composition du comité de pilotage soit fixée par décret, donc par le pouvoir réglementaire. Le Parlement n’aurait donc pas son mot à dire.

Il convient d’éviter toute inégalité de représentation au sein du comité de pilotage, notamment au détriment des collectivités. Cette exigence est d’autant plus légitime qu’une juste composition de ce comité permettra que l’expertise acquise par les collectivités territoriales profite à tous.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. Je ne crois pas que confier la tâche d’harmoniser les référentiels techniques à l’ARCEP permettra une simplification, ni un gain de temps puisque le comité national de gestion du FANT n’est toujours pas constitué. Ne voyant pas l’intérêt d’une telle proposition, monsieur le ministre, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 46.

En revanche, la commission est favorable à l’amendement n° 38 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Avis défavorable aux amendements nos 52 et 38 rectifié, pour les raisons que j’ai exposées.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 21, modifié.

(L'article 21 est adopté.)

Article 21
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Article 23

Article 22

(Non modifié)

Au 1er juillet 2013, le comité de pilotage du très haut débit remet un rapport sur l’avancement du programme national « très haut débit » ainsi que, s’il le juge nécessaire, des propositions de réforme de ce dernier. Il s’appuie pour ce faire et en tant que de besoin sur l’expertise technique de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

M. le président. L'amendement n° 45, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Remplacer les mots :

comité de pilotage du très haut débit

par les mots :

Gouvernement

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre. Aucun texte législatif ou réglementaire n’instituant le comité de pilotage du très haut débit, il semble plus clair de confier au Gouvernement la charge de remettre au Parlement, au 1er juillet 2013, un rapport sur l’avancement du programme national « très haut débit ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. L’avis est bien entendu défavorable.

Il s’agit d’un rapport d’évaluation de l’avancement du programme national « très haut débit », qui conclura, éventuellement, à la nécessité de revoir complètement ce dernier. On ne peut confier au Gouvernement, quel qu’il soit, la mission de le rédiger, car il serait alors juge et partie ! Si le gouvernement est de la même sensibilité que l’actuel, il jugera naturellement que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ; s’il est d’une autre couleur politique, ce que je ne souhaite pas,…

M. Yves Rome. Mais cela pourrait arriver !

M. Hervé Maurey, rapporteur. … il estimera que tout est à jeter !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre. La position de la commission m’étonne quelque peu : en principe, le Parlement souhaite que le Gouvernement lui rende compte de son action et demande volontiers qu’il lui remette des rapports à cette fin ! En la circonstance, le rapport sur la mise en œuvre du programme national « très haut débit » n’aura pas de caractère subjectif, mais contiendra des éléments objectifs et chiffrés : quelles sommes ont été dépensées, combien de départements sont couverts, etc. L’argument utilisé contre cet amendement me paraît donc surprenant.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 22.

(L'article 22 est adopté.)

Article 22 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer l'aménagement numérique du territoire
Article 24

Article 23

Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :

1° Après le troisième alinéa de l’article L. 122-2-12, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« - les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique lorsqu’ils existent. » ;

2° Le troisième alinéa du 14° de l’article L. 123-1-5 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ces critères de qualité prennent en compte les dispositions du schéma directeur territorial d’aménagement numérique lorsqu’il existe. »

M. le président. L'amendement n° 25, présenté par MM. Retailleau et Hérisson, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Très sincèrement, je crois que nous pourrions tous nous entendre sur la suppression de cet article. Ce n’est pas une question d’idéologie.

L’AMF a indiqué que le chantier prioritaire était la simplification des normes en matière d’urbanisme, ce domaine étant source de multiples contentieux. Le droit de l’urbanisme est déjà extrêmement complexe, or nous nous apprêtons à le compliquer davantage encore…

L’article 4 de la proposition de loi prévoit une concertation entre les collectivités et les opérateurs pour l’accès aux points hauts, afin qu’un dialogue permette de faire émerger des solutions là où existent des problèmes de couverture.

Cet article devrait suffire, mais, en France, nous aimons les jardins à la française, lesquels comportent souvent des labyrinthes. (Sourires.)

Vous allez m’objecter, monsieur le rapporteur, que l’article 23 vise une « prise en compte », notion plus faible que celles de « conformité » ou de « compatibilité ». Toutefois, le Conseil d’État, dans un arrêt du 28 juillet 2004, a défini clairement la notion de « prise en compte » : il s’agit d’une compatibilité qui peut admettre des exceptions devant être justifiées par des motifs d’intérêt général.

Par conséquent, dans un souci de bien faire, d’assurer une cohérence, nous allons compliquer la tâche des élus, notamment dans les petites communes. Il aurait au moins fallu prévoir une période transitoire, car pour les SCOT en passe d’être adoptés, toute la procédure devra être revue dans la mesure où les SDTAN leur seront opposables ! Ce sera un véritable nid de contentieux !

Sur ce point, nous pouvons laisser de côté nos différences idéologiques et considérer que l’article 4 suffit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. Monsieur Retailleau, sur cet article comme sur d’autres, il ne s’agit pas d’idéologie !

À entendre certains intervenants, je serais un étatiste, presque un communiste ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Éric Besson, ministre. Il n’y en a plus !

M. Hervé Maurey, rapporteur. En d’autres temps, le président de la commission de l’économie m’avait à l’inverse qualifié d’ultralibéral ! Ces appréciations contradictoires témoignent sans doute que je respecte un certain équilibre !

Mme Mireille Schurch. C’est ça, le centre !

M. Hervé Maurey, rapporteur. Quoi qu’il en soit, monsieur Retailleau, cet article n’a aucun caractère idéologique. Vous l’avez dit vous-même, il tend simplement à prévoir la prise en compte des SDTAN, notamment dans les SCOT.

Je rappelle à cet égard que, aux termes du code de l’urbanisme, les SCOT doivent déjà prendre en compte les programmes d’équipement de l’État, des collectivités territoriales et des établissements et services publics, ainsi que les schémas régionaux de cohérence écologique et les plans climat-énergie territoriaux. Dans le même esprit, il semble logique que les SDTAN soient pris en compte dans les SCOT, qui ont pour vocation d’assurer une cohérence des schémas à l’échelle du territoire concerné. Encore une fois, la notion de « prise en compte » est bien moins contraignante que celle de « compatibilité » et a fortiori que celle de « conformité ».

Quant aux PLU, la prise en compte du SDTAN ne sera qu’une éventualité. Un PLU peut définir des « critères de qualité renforcés » pour les infrastructures et réseaux de communications électroniques ; il s’agit donc d’une simple faculté. Si un PLU ne définit pas de tels critères, il ne prendra pas en compte le SDTAN. C’est, en particulier, le cas des PLU des petites communes.

Sur ce point, le Conseil d’État exerce un contrôle minimal, puisqu’il se borne à relever les erreurs manifestes d’appréciation. Le dispositif est donc beaucoup plus souple que vous ne semblez le penser, monsieur le sénateur.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 25.

M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy, pour explication de vote.

M. Philippe Leroy. Les arguments qui ont été développés par M. Retailleau me conduisent à penser que l’adoption de cet amendement ne ruinerait nullement la logique qui sous-tend la proposition de loi, et qu’il conviendrait plutôt de traiter cette question lors de l’examen d’un texte consacré à l’urbanisme.

Ne multiplions pas les points de friction : sur le fond, je suis satisfait des votes intervenus ce soir, ne chargeons pas trop la barque. Sans me désolidariser de M. Maurey,…

M. Yves Rome. Tout de même !

M. Philippe Leroy. … je m’en remettrai, sur ce point, à la sagesse de la Haute Assemblée. Nous pourrons revenir sur le sujet à l’occasion d’un débat relatif à l’urbanisme ou au droit de la construction.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Je voudrais ajouter que si cet article devait être adopté, il fournira aux associations qui militent en faveur d’une réduction drastique du nombre d’antennes un extraordinaire moyen de lutter contre les nouvelles implantations.

M. Hervé Maurey, rapporteur. Je ne vois pas en quoi !

M. Bruno Retailleau. Son dispositif deviendra une source de contentieux, monsieur le rapporteur. Il a une portée certaine, contrairement à ce que vous semblez penser. Voulez-vous vraiment compliquer la tâche des élus en matière d’urbanisme ? Là est bien la question, car l’article 23 n’apporte rien en termes d’efficacité ; il crée simplement un risque de contentieux supplémentaire, ce qui portera préjudice, à terme, à la qualité de la couverture territoriale. (M. le ministre acquiesce.)

M. Pierre Hérisson. Exactement !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 51, présenté par M. Maurey, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer la référence :

L. 122-2-12

par la référence :

L. 122-1-12

La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Maurey, rapporteur. Il s’agit simplement de corriger une erreur matérielle.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 51.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 23, modifié.

(L'article 23 est adopté.)

Article 23
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Articles additionnels après l’article 24

Article 24

À la première phrase du deuxième alinéa du I de l’article 24 de la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 précitée, les mots : « de l’État » sont remplacés par les mots : « des administrations de l’État et de membres du Parlement ».

M. le président. L'amendement n° 50, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre. L’article 24 ajoute de la complexité et de la lourdeur, en prévoyant que des parlementaires siégeront au côté des représentants des associations des collectivités territoriales et de ceux des collectivités ou des syndicats mixtes. À mon sens, un tel accroissement de l’effectif du comité nuirait à l’efficacité de celui-ci dans son rôle de formulation d’avis.

Par ailleurs, je constate que les parlementaires sont déjà largement associés au comité des réseaux d’initiative publique. Ainsi, M. Rome, en tant que représentant de l’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel, l’AVICCA, M. Pintat, au titre de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, M. Christian Paul, en tant que représentant de l’association des régions de France, en sont déjà membres.

Pour ces raisons, nous jugeons préférable de maintenir la composition actuelle : elle nous paraît équilibrée et inclut déjà l’ensemble des parties concernées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. Monsieur le ministre, je ne suis pas certain que nous parlions de la même chose : il s’agit ici du comité de gestion du FANT, qui n’a pas encore été créé.

Cela étant, la commission ne considère pas que l’adjonction de deux représentants du Parlement alourdira le fonctionnement de l’instance, d’autant que, dans notre esprit, ils peuvent très bien se substituer à des fonctionnaires, à effectif constant. Affirmer comme vous le faites, monsieur le ministre, que la présence de parlementaires complexifierait les choses peut même apparaître désobligeant !

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 50.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 24.

(L'article 24 est adopté.)

Article 24
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Article 25 (Texte non modifié par la commission)

Articles additionnels après l’article 24

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 1 rectifié est présenté par MM. Magras, Laufoaulu, Fleming, Cointat et Beaumont, Mme Bouchart et MM. Ferrand, Grignon, Revet et Houpert.

L'amendement n° 5 rectifié est présenté par MM. J. Gillot, Desplan, Antoinette, Patient et S. Larcher.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 24

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre V du titre II du livre IV de la première partie du code général des collectivités territoriales est complété par un article L. 1425-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 1425-4. – I. – Les capacités des réseaux de communications électroniques établis dans les départements et les collectivités d’outre-mer par les collectivités territoriales et leurs groupements au sens de l’article L. 1425-1, sont mises à disposition de tout opérateur de communications électroniques déclaré auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes qui en fait la demande.

« Le tarif de mise à disposition doit permettre de favoriser l’abaissement des coûts pour les consommateurs. Il est défini selon des modalités transparentes et non discriminatoires.

« L’exploitant en charge de ces réseaux est tenu de répondre à l’opérateur qui en a fait la demande dans les quinze jours suivant la réception de la demande. En l’absence de réponse de l’exploitant, les dispositions de l’article L. 36-8 du code des postes et des communications électroniques s’appliquent.

« La mise à disposition fait l’objet d’une convention entre les parties que l’exploitant notifie sans délai à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et à la collectivité territoriale concernée.

« Le présent I s’applique aux contrats en cours passés en application de l’article L. 1425-1 du présent code. Est exclu tout dédommagement du préjudice causé par l’application du même I.

« II. – Dans les départements et collectivités d’outre-mer, une personne morale ne peut à la fois exercer une activité d’opérateur de communications électroniques et être chargée de l’exploitation des réseaux de communications électroniques ouverts au public dans les conditions prévues au I du présent article.

« L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est chargée de la mise en œuvre du présent II.

« III. – Chaque année, les bénéficiaires de subventions publiques pour des activités de réseaux de communications électroniques dans les départements et collectivités d’outre-mer doivent établir et rendre public un rapport sur le montant et l’usage de ces subventions ainsi que leur contribution à l’abaissement du coût des communications électroniques. Ce rapport est adressé au Gouvernement qui en informe le Parlement. »

La parole est à M. Michel Magras, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié.

M. Michel Magras. Outre-mer, l’instauration d’un réseau public de communications électroniques visait à favoriser l’accès aux nouvelles technologies de l’information, bien entendu, mais aussi l’abaissement des prix pour le consommateur, grâce au jeu de la concurrence.

Or, aujourd’hui, nous constatons qu’une situation de duopole s’est instaurée, avec, d’un côté, un opérateur historique disposant de son propre réseau, et, de l’autre, un délégataire de la gestion du câble, lui-même opérateur de détail.

Nous proposons donc de renforcer les obligations pesant sur le délégataire, afin de faciliter l’accès des opérateurs concurrents au câble.

L’article 3 ter de la présente proposition de loi opère une avancée en permettant à l’entité adjudicatrice d’attribuer l’utilisation du réseau en connaissance des conditions commerciales des offres de détail.

Toutefois, à mon sens, cette disposition demeure insuffisante dans le contexte ultramarin. En effet, compte tenu de leur étroitesse, les marchés y sont très peu concurrentiels, ce qui favorise la création de situations de monopole. Par conséquent, il convient de fixer le cadre au sein duquel la concurrence pourra s’exercer, en vue d’aboutir non seulement à une amélioration du service, mais aussi à une diminution de son coût pour le consommateur.

Dans cette perspective, mon amendement a pour objet d’une part de rendre incompatible, dans les DOM-COM, la commercialisation des offres de détail avec l’exploitation des réseaux publics dans le cadre d’une délégation de service public, d’autre part de renforcer les obligations de mise à disposition pesant sur l’exploitant délégataire.

Enfin, la mise en place des réseaux publics ayant fait l’objet d’un investissement public de plus de 60 millions d’euros, il convient de vérifier qu’ils sont exploités conformément aux objectifs fixés. C’est la raison pour laquelle je propose de prévoir la remise d’un rapport annuel.

J’ai bien noté que la commission avait souhaité circonscrire le champ d’application du présent texte à l’Hexagone. Monsieur le rapporteur, je vous prie donc de bien vouloir réviser votre position sur cette question. Compte tenu de l’agenda parlementaire, cette proposition de loi constitue l’un des rares véhicules législatifs propres à accueillir un tel amendement, largement approuvé par nos collègues, notamment ultramarins, M. Gillot en ayant d’ailleurs déposé un identique. Cela témoigne de la nécessité de réviser le dispositif actuellement en vigueur outre-mer.

M. le président. L’amendement n° 5 rectifié n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 1 rectifié ?

M. Hervé Maurey, rapporteur. Il est vrai, monsieur Magras, que la commission avait dans un premier temps émis un avis défavorable, parce que cette proposition de loi fait suite à un rapport ne portant que sur la France métropolitaine, M. Virapoullé ayant été chargé d’établir un rapport sur l’outre-mer, qui a d’ailleurs débouché lui aussi sur l’élaboration d’une proposition de loi.

Toutefois, nous avons été sensibles aux arguments que vous avez invoqués en commission. En particulier, aucun autre véhicule législatif ne permettra, dans l’immédiat, de faire adopter votre amendement, qui nous semble effectivement utile.

C’est pourquoi, sous réserve des informations que le Gouvernement serait susceptible de nous communiquer, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre. Monsieur le sénateur, nous partageons votre objectif de favoriser l’émergence d’un environnement concurrentiel outre-mer, susceptible d’entraîner une baisse des prix des communications électroniques pour les consommateurs.

Toutefois, le dispositif dont vous préconisez l’adoption nous semble soulever un certain nombre de problèmes.

Vous proposez d’abord d’instaurer des obligations d’accès spécifiques pour les réseaux d’initiative publique outre-mer, ainsi que des tarifs de mise à disposition permettant de favoriser la baisse des coûts pour le consommateur. Or de telles obligations doivent être définies dans les contrats liant la collectivité concédante et le concessionnaire. Les imposer a posteriori par voie législative pourrait remettre en cause ces contrats, sans garantie d’efficacité. Prendre une telle mesure aurait pour principal effet d’engendrer des contentieux.

Par ailleurs, vous proposez que les opérateurs souhaitant avoir accès à ces réseaux puissent saisir l’ARCEP en règlement des litiges, sur la base de l’article L. 36-8 du code des postes et communications électroniques. Or tel est déjà le cas.

Pour ces raisons, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 24.

Articles additionnels après l’article 24
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer l'aménagement numérique du territoire
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 25

(Non modifié)

Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 403, 575, 575 A et 991 du code général des impôts.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Maurey, rapporteur. La commission propose de toiletter le texte en supprimant cet article prévoyant un gage, qui n’a plus d’utilité puisqu’aucune des dispositions de la proposition de loi, dans sa rédaction actuelle, n’entraîne l’augmentation d’une charge ou la diminution d’une ressource pour l’État.

Je prie donc le Sénat de ne pas voter l’article 25.

M. Yves Rome. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'article 25.

(L'article 25 n’est pas adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 25 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer l'aménagement numérique du territoire
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.

Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi soulève des questions intéressantes : quel doit être notre degré d’ambition concernant la couverture en haut débit, voire en très haut débit, de nos territoires ? Qui doit financer les projets ? Quelles sont, en la matière, les marges de manœuvre dont disposent les collectivités ? Quelles obligations doivent incomber aux différents acteurs ?

Nous l’avons vu, les dispositions de ce texte se heurtent aux intentions du Gouvernement en la matière, lequel préfère n’imposer aucun engagement ni aucune obligation aux opérateurs.

Ainsi, le Gouvernement propose de laisser les opérateurs décider de l’aménagement numérique du territoire, en interdisant même aux acteurs publics d’intervenir là où les entreprises privées souhaitent investir. En revanche, dans les zones non rentables, où aucun bénéfice ne peut être escompté, il reviendrait à la puissance publique d’agir !

Face à ce constat, le présent texte marque une ambition d’assurer la couverture du territoire par la fibre optique. Il manifeste très nettement un sentiment de lassitude devant le statu quo, et même d’exaspération devant l’autosatisfaction du Gouvernement, alors que rien ne bouge concrètement.

Ce texte souligne également le devoir qui incombe aux collectivités de définir des documents programmatiques s’appuyant sur des engagements fermes d’opérateurs ; intéressante nouveauté, le non-respect de ces engagements sera sanctionné.

Pour autant, comment se contenter d’un système à ce point compliqué, qui donnera sans doute lieu à des contentieux et qui ne paraît pas juste au regard de nos ambitions en termes de service public et de péréquation nationale ? Nous l’avons dit : les profits de France Télécom auraient permis de financer la couverture de l’ensemble du territoire national par la fibre optique en l’espace de cinq ans.

Pour nous, la modernité réside bien dans l’octroi de nouveaux droits à nos concitoyens, notamment en matière de communication et d’information. C’est pourquoi nous avons présenté des amendements tendant à intégrer le haut débit, voire le très haut débit, au sein du service universel.

Nous estimons que la création de ces nouveaux droits doit être adossée à des entreprises publiques ayant pour mission non seulement la réalisation des infrastructures, mais également la fourniture de services, afin de prendre en compte la fracture numérique territoriale, et par voie de conséquence la fracture sociale.

Pour toutes ces raisons, nous ne pourrons pas voter en faveur de l’adoption de cette proposition de loi. Toutefois, au regard des avancées pragmatiques qu’elle contient, nous ne souhaitons pas non plus voter contre. En conséquence, nous nous abstiendrons.

M. le président. La parole est à M. Pierre Camani, pour explication de vote.

M. Pierre Camani. Nous avons eu ce soir un débat intéressant et important pour l’avenir de notre pays.

Ce texte comporte des avancées incontestables en faveur d’un développement et d’un aménagement numériques équilibrés de nos territoires. Aussi le groupe socialiste le votera-t-il, même s’il ne va pas aussi loin que nous l’aurions souhaité.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Je regrette votre manque d’ouverture à nos propositions, monsieur le rapporteur. Il me semble pourtant que les amendements que nous avons présentés auraient pu permettre d’améliorer le texte, notamment en vue de mieux équilibrer les relations entre collectivités et opérateurs, le rapport de force étant souvent favorable à ceux-ci.

Comme la quasi-totalité des membres du groupe UMP, je ne voterai donc pas cette proposition de loi, dont le dispositif enfermera les collectivités dans une confrontation avec les opérateurs qui ne pourra déboucher sur rien de constructif. Seul le modèle coopératif pourra, demain, permettre de relier à la fibre la totalité, ou presque, de notre territoire.

Quand il s’agit d’investissements aussi lourds, que les opérateurs et les collectivités devront assumer dans la durée, on ne peut en permanence modifier les règles du jeu. La « bougeotte » législative constitue un mauvais signal.

Sans faire de procès d’intention, je voudrais par ailleurs relever une ambiguïté dont il me semble que vous avez été l’otage, monsieur le rapporteur : pour les uns, il faut revoir entièrement le modèle de développement actuel, afin d’affirmer plus nettement la prééminence de la puissance publique ; pour d’autres, dont vous faites partie, il s’agit simplement de l’améliorer à la marge.

M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour explication de vote.

M. Raymond Vall. N’en déplaise à M. Retailleau, j’estime pour ma part que les élus des départements ruraux ne peuvent se permettre de ne pas voter ce texte. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Cette proposition de loi constitue une bouffée d’espoir pour la ruralité. Pour certains territoires, elle représente même la dernière chance, après bien des déceptions ! Nous devons la saisir si nous voulons conserver le peu de richesse économique qui y subsiste. C’est pourquoi nous voterons ce texte sans états d’âme, même s’il est imparfait.

M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy, pour explication de vote.

M. Philippe Leroy. Si certains propos ont pu donner à penser que d’aucuns aspirent à un changement de modèle, tel n’est pas l’objet de cette proposition de loi, qui n’a rien d’idéologique. Il s’agit d’un texte purement technique, visant simplement à compléter et à enrichir le modèle retenu par l’État, de façon à éviter la fracture numérique qui menace non seulement les zones rurales, mais aussi un grand nombre de quartiers suburbains ou urbains. C’est là un objectif d’intérêt général.

Ce sera tout à l’honneur du Sénat d’adopter cette proposition de loi. Le débat, où l’idéologie, je le répète, n’a pas sa place, se poursuivra pendant toute une année. Notre vote d’aujourd’hui aura une grande portée ; les opérateurs, l’ensemble des partenaires nous écoutent. Nous prenons part à une avancée formidable pour le pays : ne décevons pas nos concitoyens, qui doivent tous pouvoir accéder à l’univers numérique !

En conséquence, je voterai cette proposition de loi sans arrière-pensées, de même qu’un certain nombre de mes collègues de l’UMP.

M. Yves Rome. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

M. Daniel Dubois. Cette proposition de loi permet de remettre en perspective les enjeux de l’aménagement numérique du territoire, en particulier pour les zones rurales.

Tout d’abord, le SDTAN doit être renforcé juridiquement et devenir obligatoire : il constitue le socle pour l’aménagement des territoires ruraux.

Ensuite, la complémentarité et la transparence dans les relations entre les opérateurs privés et les acteurs publics sont nécessaires. La mise en place d’engagements et d’une sanction en cas de non-respect de ceux-ci dans les délais prévus constitue le deuxième étage de l’édifice.

Le troisième étage a été supprimé, hélas ! Il s’agissait de la pérennisation du fonds d’aménagement numérique des territoires, le FANT. Même si 900 millions d’euros lui sont alloués, je pense, à l’instar de M. le rapporteur, qu’inscrire sa pérennité dans le texte aurait constitué un signal utile. La commission a choisi un autre chemin ; je le déplore.

Il n’en demeure pas moins que notre débat de ce soir va dans le bon sens au regard de l’enjeu majeur que représente l’aménagement numérique des territoires, notamment ruraux. C’est la raison pour laquelle le groupe de l’Union centriste et républicaine votera à l’unanimité ce texte.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Ce texte contient des avancées pour lutter contre le risque de fracture numérique. Il a aussi eu le mérite de lancer un véritable débat sur la place des collectivités publiques dans l’aménagement numérique des territoires.

En conséquence, le groupe écologiste votera cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.

M. Pierre Hérisson. Cette discussion importante aura permis de retracer l’historique du dossier, les évolutions intervenues, les divergences existant sur un certain nombre de points.

Le groupe UMP, à l’exception de quelques-uns de ses membres, votera contre ce texte.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé Maurey, rapporteur. Je n’avais pas prévu d’intervenir à cet instant, mais les propos de M. Retailleau m’ont beaucoup surpris.

Selon lui, nous aurions fait preuve de fermeture d’esprit et refusé tous ses amendements. Or nous avons tout de même accepté un nombre significatif d’entre eux dont la portée n’était pas que symbolique ou rédactionnelle, aussi bien ce soir en séance plénière qu’en commission. (M. Yves Rome marque son approbation.)

Je m’étonne également que M. Retailleau ait annoncé que le groupe UMP ne voterait pas cette proposition de loi. Celle-ci constitue pourtant le prolongement direct d’un rapport qui avait été adopté à l’unanimité de la commission. De surcroît, voilà quinze jours, tous les membres de la commission, à l’exception de deux sénateurs de l’UMP, avaient approuvé le texte.

Le changement d’attitude du groupe UMP me paraît donc quelque peu surprenant. Je souhaite bien du courage à ceux de ses membres qui devront maintenant expliquer sur le terrain pourquoi ils ont voté contre !

Par ailleurs, je cherche non pas la confrontation, monsieur Retailleau, mais l’équilibre. Je ne m’inscris nullement dans une démarche belliqueuse, mais il est exact que je refuse la domination des collectivités locales par les opérateurs.

Comme l’a très justement souligné M. Philippe Leroy, dont je salue la contribution, il s’agit ici d’un texte technique, dénué d’idéologie, marqué uniquement par la volonté d’améliorer la couverture numérique de nos territoires.

Cette volonté, je la croyais partagée par tous dans notre assemblée ; je suis un peu attristé que, pour des raisons qui m’échappent, on ne retrouve pas ce soir cette unanimité. Personne, me semble-t-il, ne peut considérer que la situation actuelle est satisfaisante.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre. Monsieur le rapporteur, vos intentions sont nobles et nous les partageons tous dans cet hémicycle : nous voulons tous permettre l’accès au très haut débit sur l’ensemble du territoire.

Cependant, il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour : nous serons jugés non pas sur nos intentions, mais sur les actes.

Votre proposition de loi marque-t-elle une avancée vers l’objectif que vous prétendez vouloir atteindre ? Ma réponse à cette question est très clairement « non » !

Ce texte et les propos que vous avez tenus ce soir sont empreints de défiance à l’égard du Gouvernement et de l’administration. Ce n’est pas très grave, même si vous faites ainsi preuve d’un peu d’ingratitude envers le Premier ministre, qui vous avait confié la rédaction du rapport auquel vous avez fait allusion… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Par ailleurs, vous nous accusez en permanence de candeur, de naïveté à l’égard des opérateurs, voire de vivre dans le monde des Bisounours. Il n’en est rien : nous avons simplement la profonde conviction que vous ne construirez pas l’économie numérique contre ses principaux acteurs, en particulier contre les opérateurs.

Mme Cécile Cukierman. Ils s’en remettront !

M. Éric Besson, ministre. Le programme national « très haut débit » est ambitieux, actuellement sans équivalent, à ma connaissance, au sein de l’Union européenne. Il vise, conformément à la volonté du Président de la République, à assurer une couverture totale de notre territoire d’ici à 2025 ; nous nous sommes donné les moyens d’atteindre cet objectif.

M. Hervé Maurey, rapporteur. On verra !

M. Éric Besson, ministre. La complexité est la deuxième caractéristique de votre texte. Je ne veux pas être désagréable, mais c’est une usine à gaz ! Chacune de ses dispositions ajoute de la complexité, de la lenteur. C’est comme si, après quatre ans de préparation, vous vouliez que l’avion qui vient de décoller revienne sur la piste au motif que l’on peut faire beaucoup mieux !

M. Hervé Maurey, rapporteur. C’est faux !

M. Éric Besson, ministre. Concrètement, que vous le vouliez ou non, votre texte remet en cause les licences de téléphonie mobile accordées et le programme national « très haut débit ». Cela ne manquerait pas de susciter des contentieux et d’entraîner des dépenses d’argent public.

Monsieur le rapporteur, les sénateurs UMP assumeront sans difficulté leur vote contre une proposition de loi dont la mise en œuvre déboucherait sur un gel complet des investissements des opérateurs au moins pour les deux ou trois prochaines années ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Tout serait à reconstruire ! Je ne mets pas en doute la noblesse de vos intentions, mais ce texte est totalement contre-productif.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Monsieur le ministre, les propos que vous venez d’adresser à M. le rapporteur m’ont beaucoup surpris. Pour ma part, je le remercie du travail qu’il a réalisé, qui marque une étape importante. Je trouve assez désobligeante la remarque que vous lui avez faite sur la mission confiée par le Premier ministre.

Il n’a jamais été question, dans notre esprit, de chercher la confrontation avec les opérateurs ; nous appelons de nos vœux la concertation, sachant que, comme M. Retailleau l’a lui-même reconnu tout à l’heure, le rapport de force est actuellement un peu trop défavorable aux collectivités. Nous avons simplement voulu redresser le fléau et rééquilibrer les relations. Tel est l’unique objet de cette proposition de loi.

Par ailleurs, monsieur Retailleau, je vous ferai observer que nous avons adopté nombre de vos amendements, tant en commission qu’en séance : vous ne pouvez pas nous reprocher de ne pas avoir fait preuve d’ouverture !

Quoi qu’il en soit, nous avons, me semble-t-il, franchi ce soir une étape importante pour l’aménagement du territoire, au bénéfice des territoires ruraux, bien sûr, mais aussi de certains territoires urbains très mal desservis. Il existe en effet des quartiers, y compris dans ma ville, où le débit est encore limité à 512 kilobits.

Je vous remercie, mes chers collègues, d’avoir siégé jusqu’à cette heure tardive pour contribuer à l’élaboration d’un texte en faveur de l’aménagement du territoire.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer l'aménagement numérique du territoire
 

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Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 15 février 2012 :

De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :

1. Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers ;

Rapport de M. Claude Jeannerot, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 337, 2011 2012) ;

Texte de la commission (n° 290, 2011-2012).

À dix-huit heures trente et le soir :

2. Proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales ;

Rapport de Mme Jacqueline Gourault, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 338, 2011 2012) ;

Avis de M. Jean-Jacques Lozach, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 343, 2011-2012) ;

Avis de M. Martial Bourquin, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (344, 2011-2012) ;

Texte de la commission (n° 779, 2010-2011).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 15 février 2012, à une heure trente-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART