Mme Isabelle Debré. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Debré.

Mme Isabelle Debré. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 2, tel qu’il est rédigé, n’a, selon moi, plus d’objet, puisque nous avons rejeté l’article 1er.

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, j’allais justement vous demander une suspension de séance, ou tout au moins, si cela est possible, proposer une rectification de l’article 2 en séance.

À l’alinéa 2 de cet article, il conviendrait de supprimer les mots : « interdit par le troisième alinéa de l’article L. 1233–3 ». En effet, l’article 1er n’ayant pas été adopté, cet alinéa n’a pas été introduit dans le code du travail.

En revanche, l’article L. 1233–3 dudit code, qui définit les licenciements économiques, existe bel et bien, et l’alinéa 1 de l’article 2 reste donc en l’état.

L’alinéa 2 de l’article 2 serait ainsi rédigé : « Art. L. 1233–3–1. - L'établissement ou l'entreprise qui bénéficie d'aides publiques, sous quelque forme que ce soit, ne les conserve que s'il ne réalise pas de licenciement pour motif économique. À défaut, il est tenu de rembourser la totalité des aides perçues aux autorités publiques qui les ont octroyées, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État. »

Cela étant dit, une suspension de séance me paraît préférable.

M. Jean Desessard. Ce serait mieux, en effet.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Aussi, madame la présidente, je demande une suspension de séance d’une dizaine de minutes, afin de réunir la commission salon Victor-Hugo pour qu’elle puisse discuter de cette rectification.

Mme la présidente. Je vais bien sûr accéder à votre demande, madame la présidente de la commission, mais, auparavant, je donne la parole à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Je voudrais simplement préciser ce que signifie la rectification que vous venez de proposer : une entreprise en difficulté qui doit procéder à des licenciements économiques se verra aussitôt demander le remboursement des aides publiques. En somme, vous avez des difficultés à surnager, on vous met la tête sous l’eau ! Voilà exactement en quoi consiste cette rectification ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

La vérité est simple : l’article 1er ayant été repoussé, ce texte n’a plus aucun sens. Je l’ai dit, l’adoption des deux articles qui le composent aurait conduit à un fiasco économique.

Avec le seul article 2, c’est un fiasco juridique. Mais vous avez du mal à reconnaître qu’il s’agit avant tout d’un fiasco politique.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le fiasco, c’est vous !

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux quelques instants.

M. René-Paul Savary. Cela n’est pas nécessaire !

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à douze heures quinze.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

J’ai été saisie d’un amendement n° 1, présenté par M. Watrin, au nom de la commission, et qui est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après l'article L. 1233-3 du même code, il est inséré un article L. 1233-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1233-3-1. - L’établissement ou l’entreprise qui bénéficie d’aides publiques, sous quelque forme que ce soit, doit les restituer s’il réalise des licenciements pour motif économique, alors qu’il a distribué des dividendes au titre du dernier exercice comptable écoulé. Les modalités d’application de cet article sont fixées par décret en Conseil d’État. »

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Nous prenons acte du non-vote de l'article 1er de cette proposition de loi. Cet article visait à interdire les licenciements boursiers, c'est-à-dire les licenciements pour motif économique prononcés par des entreprises ayant distribué des dividendes à leurs actionnaires.

L’article 2 traite d’un sujet différent, car il cible les entreprises ayant reçu de l’argent public. Nous demandons que celles-ci soient tenues de le restituer dès lors qu’elles ont réalisé des licenciements boursiers, alors qu’elles ont versé des dividendes. La modification rédactionnelle que nous proposons a été rendue nécessaire par le fait que le Sénat n’a pas souhaité adopter l'article 1er.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, comment voulez-vous bien légiférer quand tout se décide, comme aujourd'hui, au dernier moment ? C’est impossible !

Imaginons que cet amendement soit adopté. Je ne prendrai qu’un seul exemple : dans un tel cas de figure, toutes les entreprises ayant pris des apprentis et bénéficié pour ce faire d’un certain nombre d’aides publiques devront rembourser l’État.

En réalité, vous éprouvez beaucoup d’amertume parce que vous avez été battus sur l'article 1er. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean Desessard. Vous n’avez pas tort, monsieur le ministre !

M. Xavier Bertrand, ministre. Je n’irai pas jusqu’à dire que votre nouvelle rédaction de l’article 2 équivaut à un déni du vote de la Haute Assemblée, mais rendez-vous compte : vous essayez, par cet amendement, de fondre les deux articles en un seul !

Mme Isabelle Pasquet. Non, ils traitent de deux sujets différents !

M. Xavier Bertrand, ministre. Dans cet esprit, il est normal que vous ne puissiez pas aboutir à une bonne solution. Les entreprises procédant à des licenciements devront rembourser les aides reçues pour des apprentis qui, eux, resteront dans les effectifs.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. S’il y a eu distribution de dividendes !

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous ne semblez pas avoir une idée claire du nombre d’entreprises concernées, en France, par l’apprentissage. Quoi d’étonnant, d’ailleurs, quand on sait que, dans le projet de M. Hollande, le mot « apprentissage » n’apparaît qu’une seule fois. Si vous croyiez à l’apprentissage, cela se saurait !

M. Michel Vergoz. Vous êtes bien agressif, monsieur le ministre !

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, vous ne m’avez pas écoutée ou, du moins, pas suffisamment.

Dans quel secteur se trouvent les entreprises qui prennent de nombreux apprentis ? Dans l’artisanat, principalement. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Gouvernement a voulu augmenter le pourcentage d’apprentis dans les grands groupes, car ils n’arrivent même pas à atteindre le seuil de 4 %.

Que je sache, les entreprises artisanales ne sont pas les plus concernées par le versement des dividendes,…

Mme Maryvonne Blondin. Effectivement !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. … ni même par ce que nous avons l’habitude de qualifier d’aides publiques.

M. Jean Desessard. Exactement !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. L'article 1er visait, je le redis, à empêcher les licenciements boursiers. Il n’a pas été adopté ; nous en prenons acte. Chacun devra assumer son vote une fois retourné dans son département.

L'article 2 porte sur un sujet bien différent, le remboursement des aides publiques, auquel seront tenues les entreprises qui auront procédé à des licenciements pour motif économique après avoir versé des dividendes à leurs actionnaires.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, la nouvelle rédaction est plus claire, plus conforme puisqu’elle ne fait plus référence à un alinéa non adopté, et plus transparente.

M. Xavier Bertrand, ministre. Bien sûr que non !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Je crois n’avoir jamais pratiqué cela moi-même, mais je sais que, souvent, les demandes de seconde délibération formulées par le Gouvernement provoquent des hurlements sur certaines travées.

En fin de compte, qu’est-ce que cette réécriture de l'article 2, sinon une forme de seconde délibération ?

Mme Isabelle Debré. Bien sûr !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est une mesure différente !

M. Xavier Bertrand, ministre. Sur le fond, vous avez été battus, l'article 1er a été rejeté parce qu’il était mauvais et nocif. La porte vous ayant été fermée, vous cherchez tout simplement à entrer par la fenêtre !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cela s’appelle le pragmatisme !

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vais mettre aux voix l'amendement n° 1, sur lequel j’ai été saisie d’une demande de scrutin public.

M. Jean Desessard. Formulée par qui, madame la présidente ?

Mme la présidente. Par le groupe UMP.

Je vous propose de considérer que le vote sur l’amendement n° 1 vaudra vote sur l'article 2. S’il n’était pas adopté, il n’y aurait plus lieu de voter sur l'ensemble de la proposition de loi dans la mesure où les deux articles qui la composent auraient été supprimés. Il n’y aurait donc pas d’explication de vote sur l'ensemble.

La parole à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous comprenons la hargne, la rage que vous mettez, monsieur le ministre, à combattre cette proposition de loi, tant vous semblez assumer, sans la moindre gêne, cette politique qui aboutit effectivement à ce que des salariés soient licenciés alors que des dividendes ont été distribués.

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous ne pouvez pas dire cela !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Peut-être est-ce le credo de la campagne du candidat-président : enrager contre les salariés.

M. Jean Desessard. Ça l’a boosté !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Même Mme Debré, avec d’autres, semble être d’accord avec nous, reprochant simplement à la proposition de loi d’être mal rédigée.

Mme Isabelle Debré. Je n’ai pas dit cela : ne parlez pas pour moi !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Notre collègue de la Marne a, lui, évoqué la situation d’une entreprise, Bosal Le Rapide, qui s’apprête à licencier 93 salariés alors qu’elle est rentable.

Vous savez, en matière économique comme partout ailleurs, il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour ! (Mme Catherine Deroche s’exclame.)

M. Xavier Bertrand, ministre. Justement !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Or, depuis que vous dirigez le pays, vous ne donnez que des preuves de désamour. Pis, vous avez réussi le tour de force d’enrichir les plus riches, avec à la clé un million de chômeurs supplémentaires !

Il ne faut jamais cesser de rappeler votre bilan, car, maintenant que vous êtes en campagne, vous semblez vouloir vous dédouaner. Vous devriez plutôt vous excuser auprès de vos électeurs. Allez leur expliquer, sur le terrain, votre action !

Mme Isabelle Debré. Comptez sur nous !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. D’ailleurs, nous nous ferons fort d’en parler de notre côté !

Cela fait cinq ans maintenant que l’exécutif s’adonne à une certaine logorrhée législative, en faisant voter des lois tous azimuts, au gré des événements, de la pluie et du beau temps. Ce sont des textes sans aucune cohérence, qui viennent contredire les dispositions votées précédemment. Vous avez donc beau jeu de nous reprocher de déposer trop de propositions de loi : quel comble !

Jusqu’au terme de la discussion, jusqu’au dernier moment, vous aurez tout essayé. Ceux qui auront voté contre nos propositions prendront leurs responsabilités et s’expliqueront dans le cadre des campagnes présidentielle et législatives, car ils entendent continuer à assumer le fait que des entreprises, celles du CAC 40 principalement, licencient en distribuant des dividendes à tout-va.

Il ne suffit pas de soutenir que l’on ne licencie pas par plaisir. De quoi parlons-nous ici ? Des fonds de pension ! Or, je l’ai dit, ils n’ont pas d’âme. Partout, dans le monde, ils déplacent les capitaux d’une entreprise à l’autre, en fonction de la rentabilité du capital. Si celle-ci ne dépasse pas un certain seuil – 15 %, en général –, ils licencient, et hop placent leurs capitaux ailleurs !

Voilà ce que c’est que le capitalisme financier actuel, et c’est bien de cela qu’il s’agit à cet article 2, pas des petits patrons !

M. Jean Desessard. Exactement ! Nous ne parlons pas des plombiers de quartier, même si certains pratiquent des tarifs abusifs !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà la réalité à l’œuvre depuis des années, c'est la raison pour laquelle nous en sommes là aujourd'hui. Le capitalisme financier a provoqué la crise qui touche les pays européens et le monde. Parlons donc de la même chose, s’il vous plaît, et n’essayez pas de dire que nous serions contre les petits patrons.

Pour les salariés, la situation sera encore pire, c’est sûr ! La hausse de la TVA va leur faire encore perdre du pouvoir d'achat. Permettez-moi de rappeler le montant du salaire moyen mensuel dans notre pays : 1 800 euros ! Or, actuellement, 9 millions de nos concitoyens vivent avec moins de 900 euros par mois. Beaucoup ont été mis à la porte, en général par les grandes entreprises du CAC 40, ou contraints de travailler à temps partiel. Voilà la réalité !

N’essayez donc pas de tergiverser. Clairement, vous ne voulez rien faire contre les licenciements boursiers, contrairement à la majorité de nos concitoyens, qui, eux, veulent que nous agissions ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Mme Isabelle Debré. Madame la présidente du groupe CRC, je n’ai jamais dit que cette proposition de loi était légitime. J’aimerais donc que vous ne parliez pas pour moi, surtout si c’est pour travestir mes propos. Je sais m’exprimer seule. J’ai juste indiqué que nous étions, bien évidemment, totalement contre les licenciements abusifs. Je persiste et je signe !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez dit que vous étiez contre les licenciements abusifs ; je vous ai dit qu’il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour !

Mme Isabelle Debré. J’irai expliquer moi-même, sur le terrain, notre position !

Je m’adresse maintenant à vous, madame la présidente de la commission des affaires sociales. Que l’article 2 soit modifié ou non, l’intitulé même de la proposition de loi – « interdire les licenciements boursiers » – ne veut plus rien dire. Ou alors c’est à n’y plus rien comprendre !

Par conséquent, le groupe UMP ne votera pas, bien évidemment, cet amendement.

Mme Isabelle Debré. Je le répète encore une fois, la mesure proposée est inapplicable sur le terrain, car elle vise toutes les entreprises qui ont des actionnaires. Oui, nous sommes contre les licenciements abusifs. Mais la jurisprudence est suffisamment claire aujourd'hui pour que les licenciements économiques qui n’ont pas lieu d’être soient interdits.

Vous avez réécrit, une fois de plus, je le dis sans aucune agressivité, un nouveau texte à la va-vite, toujours aussi flou et inopérant. Nous ne le voterons pas.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.

M. Ronan Kerdraon. Je tiens à saluer comme il se doit l’abnégation de M. le ministre, qui défend bec et ongles, mordicus, le triste bilan du gouvernement auquel il appartient. C’est un peu « Il faut sauver le capitaine Sarko », si vous me permettez cette allusion cinématographique ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

Mme Catherine Deroche. Ce n’est pas un « capitaine de pédalo », lui ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Ronan Kerdraon. Je suis, quant à moi, un peu plus dubitatif.

Il n’est pas utile, monsieur le ministre, de faire de la provocation ou manifester de l’agressivité à l’égard des parlementaires de gauche ! Nous sommes des parlementaires comme les autres, et nous avons autant de droits que les autres, notamment le droit d’être respectés.

Je pourrais éventuellement comprendre votre position si le bilan de ce quinquennat était à la hauteur des problèmes des Français. Malheureusement, on est loin, très loin du compte, très loin des discours de 2007 et de 2008 !

Que sont vos belles promesses devenues ?

Rien !

Malheureusement, monsieur le ministre, alors que s’ouvre cette période électorale, vous allez radicaliser encore plus vos propos. Or, qu’observe-t-on autour de nous ? L’injustice à tous les étages, de plus en plus de chômeurs ... Vous n’êtes plus le ministre du travail, vous êtes le ministre du chômage ! C’est bien malheureux pour notre pays.

On nous reproche de faire de la politique. Mme Debré s’étonnait même il y a quelques jours, en commission des affaires sociales, que l’on puisse faire de la politique au Sénat... (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.) En ce qui me concerne, je n’ai pas été élu pour enfiler des perles ou faire du macramé ! Autant rester au pays dans mon club de pétanque... (Sourires sur les mêmes travées.)

Alors, oui, madame Debré, nous sommes ici pour faire de la politique, et ce au service de l’intérêt général et de nos concitoyens ! (Mme Isabelle Debré proteste.)

Le groupe socialiste votera bien évidemment l’amendement 1er, c’est-à-dire l’article 2 réécrit par la commission. C’est une question de morale, une question de morale politique, une question de morale financière.

Mes chers collègues, combien de collectivités ont été dupées par des entreprises auxquelles elles accordaient des aides et qui, au motif qu’elles étaient contraintes de procéder à des licenciements économiques – en réalité, des licenciements boursiers ! –, ont fermé les sites et sont parties s’installer dans de lointaines contrées, en l’occurrence des pays émergents !

Il faudrait donc applaudir ces entreprises, et en plus régler l’addition du déménagement ? Nous nous y refusons ! Voilà pourquoi nous voterons cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je constate que la liste des demandes de parole pour explication de vote s’allonge. C’est tout à fait légitime, mais je tiens à rappeler que les conclusions de la conférence des présidents nous imposent d’interrompre nos débats à treize heures.

La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.

M. Alain Houpert. Mes chers collègues, vous voulez combattre les licenciements boursiers. Je pense, pour ma part, qu’il convient de lutter contre les licenciements abusifs.

Par ailleurs, je ne comprends pas le sens de cet amendement n° 1.

Lorsqu’une entreprise procède à des licenciements économiques, c’est qu’elle va mal. J’en connais peu qui, alors, distribuent des dividendes !

Vous avez dit, madame Borvo Cohen-Seat, que les fonds de pension n’avaient pas d’âme. Je suis d’accord avec vous, mais, je vous pose la question, pourquoi ces fonds existent-ils en France ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vous le demande !

M. Alain Houpert. Pourquoi n’y a-t-il plus d’investissement familial dans les entreprises en France ?

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Qu’avez-vous fait ?

M. Alain Houpert. Pourquoi n’encourage-t-on pas nos créateurs d’entreprises à les laisser grandir en France ? Pourquoi vendent-ils leurs entreprises ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Posez la question aux patrons !

M. Alain Houpert. La raison est simple : l’impôt de solidarité sur la fortune a fait fuir hors de France 100 milliards d’euros de capitaux. Ces entreprises ont donc été vendues à des multinationales et à des fonds de pension qui veulent des rendements à deux chiffres ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.

Mme Catherine Deroche. Nous ne voterons bien évidemment pas cet amendement, qui fait se réduire la proposition de loi comme une peau de chagrin.

Mme Annie David. Pas mal, pour une peau de chagrin...

Mme Catherine Deroche. Le principe de conditionnalité de l’attribution des aides publiques que l’on nous propose est toujours aussi flou, et ce n’est pas l’amendement qui permettra de le préciser.

Ainsi, les dispositions proposées s’appliquent à toutes les aides publiques et il n’est fait référence, à aucun moment, à l’objectif recherché au travers de l’aide publique accordée. Il serait préférable d’examiner la situation de l’entreprise au moment où cette aide est attribuée, et en fonction de cet objectif.

Vous n’apportez pas plus de précisions sur la procédure de remboursement que vous préconisez. Or celle-ci présente le double inconvénient de ne fixer aucun terme calendaire à l’engagement de ne pas licencier et de n’être accompagnée d’aucune modalité d’exonération.

Ainsi réduite à peu de chose, à l’issue du vote sur l’article 1er, cette proposition de loi n’a plus aucun sens. Nous ne pouvons donc pas l’approuver.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Je tiens à confirmer notre opposition aux licenciements abusifs. Or l’article 2 de la proposition de loi ne répond pas plus que l’article 1er aux difficultés que posent ces licenciements !

Madame Borvo Cohen-Seat, cet amendement ne permet aucunement de régler le cas de l’entreprise de la Marne que vous citez, car celle-ci n’a pas touché d’argent public ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Les collectivités ont aidé les entreprises à s’implanter en aménageant des zones d’activité. Pensez-vous vraiment que votre amendement puisse d’une quelconque manière nous servir de moyen de pression pour tenter de récupérer une partie des fonds ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous allez nous faire pleurer, monsieur Savary !

M. René-Paul Savary. Ce qui démontre encore une fois que ce n’est pas avec un texte rédigé dans la précipitation que nous pourrons résoudre les graves problèmes économiques qui existent sur le territoire.

Il nous appartiendra de réfléchir à nouveau, ensemble, aux solutions permettant de lutter contre les licenciements abusifs, mais dans la sérénité, et non dans la précipitation !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les salariés jugeront !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. On pourrait parler aussi, cher collègue, de la précipitation avec laquelle l’Europe agit en Grèce, au risque de l’enfoncer davantage... Mais passons !

Monsieur le ministre, j’ai l’impression que l’état de grâce dans lequel vous vous trouvez après l’annonce, hier soir, de la candidature du Président de la République, vous a empêché de bien lire l’amendement n° 1 ! (Sourires.)

Non, l’amendement n° 1 ne ressemble en rien à l’article 1er. Il ne s’agit donc pas d’une redite !

Vous vous êtes aussi réjoui, avec force sourires, que le premier vote ait été en notre défaveur. Vous l’attribuez au fait que la proposition de loi ne serait pas bonne. Monsieur le ministre, pardonnez-moi, mais lorsque l’une de vos propositions est rejetée, ce qui arrive souvent, vous n’attribuez pas cet échec à la mauvaise qualité de ce que vous défendez !

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous êtes majoritaires, il paraît...

M. Jean Desessard. La portée du présent amendement, tendant à rédiger l’article 2, est différente de celle de l’article 1er. Il s’agissait, dans un premier temps, d’interdire les licenciements boursiers. À présent, nous demandons au Sénat de se prononcer – et nous avons besoin de l’avis de tous - pour que l’entreprise qui procède à des licenciements pour motif économique, alors qu’elle a distribué des dividendes – cela répond à votre question, monsieur Houpert ! –, restitue les aides publiques qu’elle a perçues.

En votant contre cet amendement, vous signifierez clairement que vous ne souhaitez pas qu’une entreprise qui a licencié restitue les aides publiques qu’elle a perçues.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Requier. Je veux rappeler, brièvement et sans passion, les doutes de mon groupe, non sur la philosophie de la présente proposition de loi, mais sur son efficacité et son applicabilité. Ainsi, il paraît difficile de différencier un licenciement économique d’un licenciement boursier.

Nous aurions préféré une proposition de résolution, qui nous aurait permis de préparer, durant quelques semaines, une loi plus réfléchie.

Dans ces conditions, à l’occasion de ce vote, notre groupe maintiendra sa diversité d’expression.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1, tendant à rédiger l’article 2.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 105 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 332
Majorité absolue des suffrages exprimés 167
Pour l’adoption 162
Contre 170

Le Sénat n’a pas adopté l’amendement n° 1, non plus que l’article 2.

Les deux articles de la proposition de loi ayant été rejetés, je constate qu’il n’y a pas lieu de voter sur l’ensemble.

La proposition de loi est rejetée.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.)