M. François Patriat. C’est bien le cas !

Mme Valérie Pécresse, ministre. L’industrie bénéficiera de 25 % de l’allégement global, alors qu’elle ne représente que 13 % de la valeur ajoutée française.

M. François Marc. Il ne faut pas que l’allégement profite au secteur du commerce ! C’est l’industrie qui est exposée !

Mme Valérie Pécresse, ministre. L’industrie profitera donc largement de la mesure, bien au-delà de son poids dans l’économie française, sachant que 80 % des salariés de l’industrie perçoivent moins de 2,4 fois le SMIC.

Notre barème couvre également 97 % des salariés agricoles, mais aussi très largement ceux des transports, de la recherche et développement et des services aux entreprises, qui sont eux aussi soumis à une concurrence internationale accrue.

Le barème que nous avons retenu nous permet donc de viser à la fois la compétitivité et l’emploi. J’indique à Mme la rapporteure générale qu’aucune étude sérieuse n’avait jamais été faite, dans le passé, sur les conséquences de la mise en place d’une baisse des charges sociales ciblée dans l’économie.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ah bon ? C’est le Trésor qui va être content ! Il aura travaillé pour rien !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous avons réalisé une telle étude en collaboration avec la direction générale du Trésor et la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES : la baisse des charges que nous proposons d’instaurer devrait déboucher sur la création d’environ 100 000 emplois, au bénéfice, en priorité, des classes moyennes.

Toutes les études qui ont été faites sur la TVA sociale, madame Bricq, notamment le rapport Besson, portaient sur une baisse des charges sociales concernant l’ensemble de la grille des salaires, y compris le haut de celle-ci, tandis que la réforme que nous proposons est ciblée, d’où sa forte incidence sur l’emploi. Sachant que les précédents allégements de charges ont permis de créer ou de préserver entre 400 000 et 800 000 emplois, on conviendra que notre estimation selon laquelle environ 100 000 emplois devraient être créés est difficilement contestable. Cette politique a largement prouvé, par le passé, son efficacité. D’ailleurs, M. Manuel Valls, avant qu’il ne devienne porte-parole de François Hollande, la vantait lui-même en affirmant qu’une hausse de 10 milliards d’euros de la TVA permettrait de créer quelque 300 000 emplois. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Caffet. Vous en êtes là…

Mme Valérie Pécresse, ministre. Quand une mesure fait consensus, pourquoi ne pas le dire ? Grâce à ce dispositif, nous allons créer de l’emploi marchand, tandis que la mise en œuvre de votre programme en détruirait.

Enfin, contrairement à ce qu’en dit la gauche, cette réforme n’aura aucune incidence significative sur le pouvoir d’achat. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mesdames, messieurs les sénateurs de gauche, vous aimez à dénaturer cette réforme, probablement pour faire oublier que vos propositions aboutiraient à accroître le coût du travail.

La première des caricatures, c’est de faire croire que cette réforme consiste à augmenter les taxes au profit de l’État.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais non, cette réforme vise avant tout à abaisser le coût du travail : son objet est de développer l’emploi,…

M. François Marc. C’est bien d’y croire !

Mme Valérie Pécresse, ministre. … ce n’est pas une réforme anti-déficit, puisque pas un euro supplémentaire n’ira dans les caisses de l’État. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) La baisse du coût du travail est strictement égale au produit de la hausse de la TVA et des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine – vous les oubliez toujours –, qui sera directement affecté à la branche famille de la sécurité sociale. Il s’agit bien d’un transfert de fiscalité vers la sphère sociale qui n’augmente pas les prélèvements obligatoires. Il n’y aura donc pas de hausse globale des impôts.

La seconde caricature, c’est d’invoquer le spectre d’une inflation galopante. En réalité, la réforme aura une très faible incidence sur les prix et le pouvoir d’achat des ménages.

Tout d’abord, la baisse du coût du travail, qui atteindra 13 milliards d'euros, est supérieure à la hausse de la TVA, qui représentera 10 milliards d'euros.

M. Jacky Le Menn. Cela ne touche pas les mêmes publics !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ensuite, 60 % de la consommation des Français relève d’un taux de TVA nul ou réduit. C’est notamment le cas des loyers, des produits alimentaires, des médicaments. Ces biens et services bénéficieront dans une large mesure de la baisse du coût du travail et leur prix devrait donc diminuer.

M. Jean-Yves Leconte. Qui va payer ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Enfin, pour les 40 % restants, les trois quarts des produits achetés sont fabriqués en France et verront leur prix hors taxe baisser.

M. François Marc. Tout va baisser, alors ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Certes, les produits importés, qui représentent 10 % de la consommation des ménages, subiront une hausse de TVA « sèche », sans baisse du coût du travail. Mais l’objectif de la réforme est justement de décourager les délocalisations et d’améliorer la compétitivité des produits français par rapport à ceux qui sont fabriqués chez nos partenaires européens. Néanmoins, nous estimons que le prix des produits importés, qui sont soumis à une pression concurrentielle extrêmement forte et dont les fabricants cherchent à gagner des parts de marché, ne devrait pas augmenter significativement. Les expériences étrangères, en particulier celles du Danemark ou de l’Allemagne, nous confirment qu’une telle réforme a peu d’effet sur les prix et nous incitent à suivre la même voie.

Dans ces conditions, comprenez, mesdames, messieurs les sénateurs, que je n’accepte pas l’idée selon laquelle cette réforme grèverait le pouvoir d’achat des Français. Je l’accepte d’autant moins que les sénateurs socialistes soutiennent l’augmentation des cotisations pour la retraite proposée par M. Hollande ! Cette augmentation, dont la finalité est de détricoter la réforme des retraites, représente une perte annuelle de 230 euros pour un couple dont chacun des membres gagne 1 500 euros par mois.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Qui, dans ces conditions, porte atteinte au pouvoir d’achat des ménages ?

Augmenter les cotisations sociales salariales et patronales de 5 milliards d’euros, raboter les allégements de charges pour les bas salaires, remettre en cause la défiscalisation des heures supplémentaires, revenir sur la réforme de la taxe professionnelle, voilà le projet de l’opposition pour les PME : des charges, des charges, encore des charges, au détriment de leur compétitivité et de l’emploi ! Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, votre déclaration d’amour aux PME est en fait une déclaration d’impôt ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Notre projet est radicalement différent : il est d’alléger les charges pour donner aux entreprises la compétitivité qui leur fait défaut, afin qu’elles puissent produire en France, exporter et créer des emplois.

Cependant, je l’ai dit, en matière de compétitivité, les coûts ne sont pas l’unique déterminant. C’est la raison pour laquelle ce collectif contient également des avancées en termes de compétitivité hors prix, concernant le financement des entreprises et la formation des jeunes.

Dans le prolongement de notre action de financement des PME, nous proposons de créer une banque de l’industrie, filiale d’OSEO, qui sera spécifiquement dédiée au financement des PME et des établissements industriels de taille intermédiaire.

Cette banque de l’industrie sera dotée de 1 milliard d’euros de fonds propres et viendra compléter le socle très puissant des moyens que nous consacrons depuis 2007 au financement de l’industrie, par le biais notamment d’OSEO, du Fonds stratégique d’investissement et des investissements d’avenir.

Nous souhaitons, par ailleurs, accentuer notre effort en matière de formation en alternance : c’est, on le sait, un véritable tremplin vers l’emploi, contrairement aux différentes formules d’emplois jeunes, quel que soit leur nom. Avec le plan de développement de l’apprentissage, nous avons déjà obtenu de très bons résultats : près de 500 000 jeunes sont entrés en alternance en 2011 ; toutefois, il faut aller plus loin. Il est clair que, dans notre pays, les grandes entreprises ne font pas assez d’efforts à cet égard : la plupart d’entre elles comptent moins de 1 % d’apprentis, alors que nous avons fixé un quota de 4 %.

C’est pourquoi, au travers de ce projet de loi de finances rectificative pour 2012, nous faisons deux propositions : d’une part, doubler les pénalités pour les grandes entreprises qui ne respectent pas la règle du jeu ; d’autre part, relever le quota de jeunes en alternance à 5 %. À terme, grâce à la mise en application de ce nouveau quota, les entreprises devraient embaucher 270 000 jeunes de plus qu’aujourd’hui.

Outre les mesures tendant à renforcer la compétitivité, le collectif vise à garantir le respect de notre engagement en matière de déficit pour 2012, en dépit d’une croissance plus faible que prévu. Toutefois, François Baroin l’a dit excellemment, l’INSEE a confirmé que le quatrième trimestre de 2011 avait été meilleur qu’envisagé : la croissance française a été de 0,2 %, alors que la zone euro et nos principaux partenaires connaissent, quant à eux, une récession. Les PIB de l’Allemagne et du Royaume-Uni ont ainsi reculé de 0,2 %.

M. Michel Vergoz. Il ne faut pas grand-chose pour vous satisfaire !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Dans un contexte de ralentissement de la croissance mondiale, nos bons résultats sont, je le crois, de nature à faire taire les Cassandre qui nous annonçaient la récession, en l’imputant à Nicolas Sarkozy. Puisque le spectre de la récession s’éloigne, ces Cassandre ne pourront donc que reconnaître l’efficacité de la stratégie adoptée par le Gouvernement : nous avons su réduire nos déficits publics…

Mme Valérie Pécresse, ministre. … par des mesures ciblées, sans pour autant peser sur la croissance.

Nous atteignons ainsi un acquis de croissance de 0,3 %. C’est une bonne nouvelle, et cela prouve que la révision de notre prévision de croissance, passée de 1 % à 0,5 %, est totalement crédible, tout en restant prudente. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Madame Borvo Cohen-Seat, nous sommes prudents en permanence. Rappelez-vous ce que disait Lionel Jospin après le 11 septembre 2001 : « on ne change pas un budget dans l’urgence ».

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Oui !

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’était un contresens absolu ! De ce fait, le budget voté pour 2002 était totalement insincère, son élaboration ayant répondu à des motivations électoralistes.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ne parlez pas de 2002 et occupez-vous de 2012 !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Pour notre part, telle n’est pas notre stratégie. Nous sommes sincères et prudents (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), et nous révisons nos prévisions de croissance quand il le faut.

Au total, cette révision pèsera sur le solde des administrations publiques à hauteur de 5 milliards d’euros. Mais son incidence sur les recettes sera intégralement compensée, sans qu’il soit besoin de mettre en place un troisième plan de rigueur.

M. Jean-Pierre Caffet. Il y en a eu assez…

Mme Valérie Pécresse, ministre. Là aussi, les Cassandre en sont pour leurs frais !

Si nous ne demandons pas le moindre euro supplémentaire aux Français, c’est grâce à la très bonne gestion qui a caractérisé l’exercice 2011 et à la prudence de nos hypothèses pour 2012.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela prête à sourire : les déficits se sont creusés !

Mme Valérie Pécresse, ministre. J’évoquerai, d’abord, la bonne gestion.

Pour 2011, alors que l’opposition a répété, pendant des mois, que nous ne tiendrions pas nos objectifs, nos résultats seront meilleurs que prévu, de 4 milliards d'euros au minimum. Le déficit public, dont on pensait qu’il s’établirait à 5,7 %, devrait être inférieur à 5,5 %. Ce bon résultat aura naturellement des prolongements en 2012, à hauteur de 3,6 milliards d'euros, et explique en grande partie pourquoi nous pouvons absorber le ralentissement de la conjoncture et de la croissance sans avoir besoin d’un plan d’effort supplémentaire.

Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, ces 4 milliards d’euros sont loin d’être le fruit du hasard. Ils témoignent de la sincérité et de la réactivité de la gestion des comptes publics par le Gouvernement, en dépit des incertitudes qui pèsent sur la conjoncture.

M. François Marc. Merci Nicolas !

Mme Valérie Pécresse, ministre. En matière de gestion, nous avons fait des choix importants : nous avons réduit de 260 millions d'euros les dépenses de l’État – c’est une première depuis 1945 –, nous avons sécurisé nos recettes fiscales à hauteur de 1,3 milliard d’euros et nous avons consacré l’ensemble des produits exceptionnels, soit 3,1 milliards d'euros, à la réduction du déficit. Sur ce dernier point, il s’agit des efforts de valorisation du patrimoine de l’État, notamment de la mise aux enchères des fréquences de téléphonie mobile de quatrième génération pour 800 millions d'euros.

Cette bonne gestion s’accompagne de prudence. L’opposition nous a reproché, pendant des mois, d’en avoir manqué, mais, sur ce point encore, elle est démentie par les faits.

Notre estimation des taux d’intérêt, par exemple, est très prudente, ce qui nous permet de bénéficier de marges de manœuvre supplémentaires. Sur la base des taux de court terme constatés – 0,17 % à trois mois – et d’un scénario de remontée progressive, l’économie potentielle sur la charge de la dette dépasse largement, en théorie, 1 milliard d’euros. Nous proposons, à ce stade, de ne retenir qu’une partie de cet effet attendu sur la dette à court terme, soit 700 millions d’euros, afin de nous prémunir contre les conséquences d’un éventuel risque inflationniste.

Autre marque de prudence, nous avons pris la décision d’augmenter la réserve de précaution, pour la porter à 6 milliards d'euros.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. La revoilà !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Là encore, cela nous permet de gérer la moindre croissance sans difficulté. Nous annulons, sur cette réserve, 1,6 milliard d’euros de crédits, dont 400 millions d’euros sont redéployés pour financer les mesures en faveur de l’emploi annoncées lors du sommet sur la crise du 18 janvier dernier. Il reste donc des marges de manœuvre, à hauteur de 4,4 milliards d'euros, pour faire face aux aléas de l’exécution du budget de 2012. Je rappelle que nous avions annulé plus de 2 milliards d'euros sur la réserve en 2011.

Ce collectif consolide par ailleurs nos recettes, grâce à deux décisions importantes.

D’abord, nous disposerons dès 2012 des gains liés à la mise en place de la taxe sur les transactions financières, dont François Baroin vous a parlé. Cette année, ladite taxe engendrera 500 millions d’euros de recettes en droits constatés. En année pleine, les recettes estimées sont de 1,1 milliard d’euros.

Ensuite, nous durcissons encore notre arsenal de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, ce qui devrait accroître nos recettes de 300 millions d’euros. Conformément à notre stratégie sans concession à l’égard de la fraude fiscale et sociale, je vous propose, au travers de ce collectif, de décupler le montant des amendes sanctionnant la fraude et l’évasion fiscales, qui n’ont pas été revalorisées depuis des décennies, et de faire de l’évasion fiscale un facteur aggravant dans l’échelle des peines applicables.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, comment sera intégralement compensée l’incidence de la révision de la croissance sur nos recettes. De la même manière que nous avons tenu notre objectif pour 2011, en dépit de deux révisions de la croissance, nous respecterons notre objectif pour 2012, avec une croissance moindre que prévu.

Le candidat François Hollande a dit que si la croissance n’était pas au rendez-vous, il ne tiendrait pas ses engagements de réduction des déficits publics. Les nôtres sont intangibles : quoi qu’il arrive, nous progresserons au rythme prévu sur le chemin du désendettement, pour atteindre l’équilibre en 2016, et non en 2017 – de surcroît seulement si la croissance est au rendez-vous –, comme l’annonce le candidat socialiste. C’est là toute la différence. Nous engageons la parole de la France, dans un esprit de totale responsabilité. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’engagez rien du tout, vous n’êtes pas crédibles !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, ce collectif s’inscrit, avec une parfaite cohérence, dans la stratégie globale du Gouvernement. Il repose sur les deux piliers fondamentaux de notre action, qui sont autant d’engagements envers les Français : garantir le retour à l’équilibre budgétaire, en réduisant nos déficits publics, et réamorcer la croissance, en restaurant notre compétitivité.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est complètement raté !

Mme Valérie Pécresse, ministre. La Cour des comptes l’a souligné dans son rapport sur la situation des finances publiques : sur le chemin qui mène à la croissance, le désendettement et la compétitivité sont deux exigences incontournables. C’est aussi la stratégie que préconisent la Commission européenne et le FMI.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Cette stratégie n’est donc ni de droite ni de gauche, elle est tout simplement d’intérêt général. C’est celle qui a fait ses preuves ailleurs en Europe, celle qui nous permettra de sortir renforcés de la crise, celle qui repose sur le choix de la lucidité et du courage, un choix que je vous propose de faire ensemble en adoptant ce collectif budgétaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative est inédit : sa discussion au Sénat intervient soixante jours avant l’élection présidentielle, alors même que le Président de la République, qui a voulu ce texte, est désormais candidat à part entière.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est l’abandon d’un principe républicain. Il était en effet entendu, jusqu’à présent, que l’on s’abstenait d’engager des réformes substantielles dans les semaines précédant les consultations électorales nationales.

M. Antoine Lefèvre. Et la crise ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Lorsque l’on est en campagne électorale, on confronte son programme à celui de ses adversaires.

Or, le 8 février 2012, le conseil des ministres a innové sur le plan institutionnel en décidant de soumettre au vote des assemblées parlementaires une composante d’une plateforme électorale. Le Gouvernement a choisi de soumettre au Parlement une réforme dont plusieurs voix autorisées qui comptent à droite disent depuis plusieurs années qu’elle constitue une réforme de début de mandat.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est bien ce qu’elle sera !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je fais référence ici, vous l’aurez compris, à la hausse généralisée de la TVA, curieusement qualifiée de « TVA sociale », mais aussi de « TVA emploi », de « TVA antidélocalisation », ou encore de « TVA compétitivité » ; bref, c’est un remède miracle ! Ces appellations, consécutives ou cumulatives, n’ont pas eu de succès, au point que désormais le Gouvernement ne qualifie plus sa réforme. C’est déjà ça !

M. Jean-Jacques Mirassou. Il est disqualifié !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je conteste donc le principe de ce collectif budgétaire, même si, juridiquement, le Gouvernement a la maîtrise de son ordre du jour réservé. En période pré-électorale, on peut concevoir un collectif budgétaire si les intérêts du pays sont menacés ou si des mesures urgentes sont nécessaires. Or, dans ce collectif, rien n’est urgent ! Dans le cas où le président-candidat serait réélu, les principales mesures qu’il contient n’entreraient pas en vigueur avant le mois d’août s’agissant de la taxe sur les acquisitions d’actions françaises et avant octobre pour ce qui est de la hausse de la TVA. Quant aux annulations de crédits, elles peuvent attendre, puisqu’elles portent sur des crédits qui sont déjà gelés. Il importe simplement que le Gouvernement s’abstienne de les dégeler d’ici là. Quant à la dotation en capital du Mécanisme européen de stabilité, on aura observé que la date retenue par les États pour l’entrée en vigueur de ce dernier est non pas le 1er juillet 2012, mais juillet 2012. Dès lors que la France a manifesté son intention de contribuer dans les délais, rien ne l’oblige à s’exécuter dès aujourd’hui.

Si rien n’est urgent dans ce collectif budgétaire, certaines de ses mesures sont carrément nocives. À partir du moment où le Gouvernement veut traduire les annonces du candidat- président dans une loi de finances rectificative, madame la ministre, il est obligé de réviser sa prévision de croissance pour satisfaire au principe de la sincérité budgétaire. C’est donc par là que je commencerai ma revue du texte.

Un taux de croissance de 0,5 % reste une hypothèse plausible pour 2012, même si le consensus des conjoncturistes est désormais plus proche de 0 %.

Mme Valérie Pécresse, ministre. On a déjà 0,3 % !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. M. Hollande dit 0,5 %, lui aussi !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Mais lui avait pris le risque d’annoncer dès le 25 janvier une croissance de 0,5 %.

N’ayant pas de boule de cristal, je ne m’aventurerai pas plus loin sur le terrain des prévisions de croissance ! En revanche, je dois constater que, comme à son habitude, le Gouvernement court toujours après la conjoncture plutôt que de l’anticiper. En estimant que la révision à la baisse de l’hypothèse de croissance imposait de prendre des mesures supplémentaires à concurrence de 5 milliards d’euros pour respecter l’objectif de déficit de la fin de l’année, le Gouvernement s’est, encore une fois, calé sur l’hypothèse la plus favorable, celle dans laquelle la crise ne réduit pas l’élasticité des recettes par rapport au produit intérieur brut.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Pour financer les 5 milliards d’euros dont il a besoin pour tenir la trajectoire de déficit, le Gouvernement profite, à hauteur de 3 milliards d’euros, des effets de l’exécution de 2011, mais il a aussi recours à la méthode très pratique consistant à transmettre à son successeur une « pilule empoisonnée » : je veux parler des annulations de crédits dans la réserve de précaution qu’il nous est proposé de voter. Depuis le mois de septembre, cette question nous oppose, madame la ministre.

Il faut avoir à l’esprit que, chaque année, la réserve de précaution est utilisée en cours d’exercice pour financer des besoins imprévus. En fin d’année, il reste de 100 millions à 200 millions d’euros de crédits – ce chiffre s’élevait à 114 milliards d’euros en 2010 et à 228 millions d’euros en 2011 –, que le Gouvernement peut choisir d’annuler. Or, dans ce collectif, on nous propose d’annuler dès le mois de février 1,2 milliard d’euros ! Ce n’est peut-être pas impossible, mais une telle demande est inédite. Pour qu’un tel changement d’échelle soit convaincant, il aurait fallu que le Gouvernement donne des précisions tant sur les ministères qui seront touchés que sur les dépenses ou projets précis qui seront concernés. Mais une fois encore, madame la ministre, lorsqu’il s’agit de dépenses, le Gouvernement préfère rester dans le vague…

Pour en terminer avec l’équilibre de ce collectif, le Gouvernement compense – au moins formellement – les conséquences sur le déficit de la révision à la baisse de la croissance, certes, mais il n’en demeure pas moins que le présent texte traduit, par rapport à la loi de finances initiale, une aggravation du déficit de l’État de 6,2 milliards d’euros. On peut donc dire que ce collectif a pour objet d’augmenter à la fois le déficit et les impôts sur les ménages.

Les prélèvements obligatoires ont été alourdis de 43 milliards d’euros entre 2010 et 2012.

M. Philippe Dallier. Vous dites le contraire !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Mon travail est de faire les comptes, monsieur Dallier, et de dresser un constat ! Je ne crois pas que mes chiffres soient contestables.

Cette fois-ci, les hausses d’impôt générales prévues par le collectif budgétaire pèseront sur les ménages, afin de compenser une réduction à due concurrence des cotisations sociales des entreprises : c’est le principe de la TVA dite « sociale ».

Ceux – il y en aura ! – qui, dans l’avenir, s’intéresseront au débat fiscal en France au tournant des années 2010 seront stupéfaits ! Voilà une réforme longuement débattue au sein de la droite, régulièrement écartée par les gouvernements que celle-ci soutient, passionnément défendue par certains, notamment dans cet hémicycle, toujours présentée comme un tournant majeur pour notre système fiscal, voire pour notre modèle économique ; eh bien ce que l’on voudrait nous vendre aujourd’hui comme un premier pas vers une grande réforme, qui aurait pu être présentée et défendue par les mêmes en début de mandat, est mise en œuvre sans enthousiasme par un gouvernement finissant, à peine soutenu par une majorité inquiète, comme on a pu le voir à l’Assemblée nationale ou hier en commission des finances ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous exagérez beaucoup ! Mme la ministre nous enthousiasme !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est, en fait, le bouquet final d’un quinquennat d’improvisation et de revirements fiscaux.