M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, nous débutons aujourd’hui la nouvelle lecture d’un collectif budgétaire ambitieux – Valérie Pécresse l’a rappelé – tant pour notre pays que pour l’avenir de l’Union européenne.

En effet, ce collectif budgétaire contient un certain nombre de mesures qui visent à améliorer la compétitivité de notre économie en abaissant les charges qui pèsent sur le coût du travail. Il trace également les contours de la participation française au nouveau Mécanisme européen de stabilité, le MES. Il prévoit enfin d’instituer une taxe sur les transactions financières.

La semaine dernière, ici même, le Parti socialiste a refusé de débattre de ce projet, en déposant une motion tendant à opposer la question préalable. En d’autres termes, à des mesures importantes pour le soutien de notre économie et la pérennisation des dispositifs de solidarité européens, le Parti socialiste a opposé une manœuvre dilatoire – je le regrette de nouveau devant vous – qui le dispense de prendre ses responsabilités. (Mme Michèle André s’exclame.)

Il s'agit d’une posture d’esquive, qui est préjudiciable aux intérêts de notre pays. En menaçant de retarder la mise en place de dispositifs d’urgence, elle fragilise notre économie et la mise en œuvre de nouveaux leviers de solidarité européenne. En montrant à nos partenaires que la France ne parle pas d’une seule voix dans des circonstances aussi difficiles, elle fragilise la crédibilité de notre pays sur la scène internationale. Étant l’un des négociateurs français sur ces questions, je le regrette vivement.

J’ajoute que, même au sein des oppositions et gouvernements de gauche des autres pays européens, qui partagent vos idées et vos valeurs – que je considère naturellement comme respectables même si elles s’opposent aux choix du Gouvernement, puisqu’elles sont dans le champ démocratique –, personne ne comprend votre silence sous forme d’abstention,…

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il fallait être là hier !

M. Ronan Kerdraon. Les Français comprennent !

M. François Baroin, ministre. … tout à fait contraire à la position du Parti socialiste sous la présidence de François Mitterrand, qui a apporté de nombreux acquis à la construction européenne. Votre abstention est incompréhensible, illisible et probablement très contre-productive pour vos propres intérêts, puisqu’elle ne définit aucune ligne directrice et dilue votre message.

Nous aurions eu besoin de votre soutien et de vos voix pour voter la règle d’or. Cela ne vous engageait en rien à soutenir le reste de la politique gouvernementale ; vous auriez simplement suivi le chemin proposé par les socialistes espagnols et allemands.

Le même esprit aurait dû vous animer s'agissant du MES. Au nom de quoi un parti de gouvernement aussi important que le Parti socialiste pouvait-il prendre le risque d’être silencieux sur un sujet comme celui-ci ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est le débat d’hier !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est aussi le débat d’aujourd'hui !

M. François Baroin, ministre. Vous ne pouvez pas, d’un côté, prétendre que vous souhaitez aider le peuple grec – qui ne souhaite pas l’aider ? – et, de l’autre, refuser de voter le mécanisme de solidarité. En vous abstenant sur ce sujet, vous vous écartez de la solidarité concrète, pratique, organisée au sein de l’Europe…

M. Ronan Kerdraon. C’est du baratin !

M. François Baroin, ministre. … non seulement pour conserver l’unité de notre zone monétaire, mais aussi pour apporter par des prêts les fonds nécessaires afin de permettre à la Grèce de se redresser et à sa population de continuer à espérer en la reconstruction économique.

Pour toutes ces raisons, je regrette profondément – et ce ne sont pas des larmes de crocodile – votre position.

Le premier axe de ce projet de loi de finances rectificative, c’est le renforcement de la compétitivité de nos entreprises, grâce à une baisse ciblée du coût du travail. Je n’y insisterai pas, Valérie Pécresse ayant développé, avec le talent dont elle avait déjà fait preuve hier à l’Assemblée nationale, l’architecture globale de ce projet politique.

Il s'agit de transférer le financement de la protection sociale, en allégeant les charges qui pèsent sur les cotisations patronales pour alimenter la branche famille et en le faisant financer, à l’instar d’autres pays, par une fiscalité reposant sur des assiettes plus larges, dans un souci de cohérence économique visant à protéger la création d’emplois dans notre pays, à lutter contre les délocalisations et à préserver notre outil industriel.

Là encore, comment expliquer votre position, qui équivaut à un refus d’assumer sa responsabilité et ne fait que rendre plus confus les éléments développés dans le cadre de la campagne pour l’élection présidentielle ?

Qu’il me soit permis de rappeler que plusieurs institutions internationales ont souligné l’importance d’un rééquilibrage du financement de la protection sociale vers la fiscalité de la consommation. C’est le cas de la Commission européenne, dans les recommandations qu’elle a adressées à la France l’été dernier ; c’est également le cas du Fonds monétaire international, dans son rapport sur les politiques budgétaires de septembre 2011 ; c’est enfin le cas de l’OCDE, dans son rapport du début d’année sur les moyens de soutenir la croissance.

Là aussi, on peut contester, mais on ne peut pas nier les évidences et l’efficacité du dispositif proposé par le Gouvernement pour préserver notre outil industriel.

J’en viens rapidement, puisqu’il s’agit d’une nouvelle lecture, au deuxième axe de ce collectif.

C’est un ensemble de mesures concrètes pour rendre le Mécanisme européen de stabilité immédiatement opérationnel. C’est un pas supplémentaire vers une plus grande solidarité européenne.

Quelques chiffres et éléments sont à retenir. Ce collectif prévoit l’ouverture immédiate de deux des cinq tranches de la dotation globale, soit 6,5 milliards d’euros. Par rapport au projet initial, qui prévoyait l’instauration de ce mécanisme au 1er janvier 2013, avec une montée en charge sur cinq ans, l’apport de deux tranches dès l’été 2012 accroît la crédibilité des pare-feu, c’est-à-dire la dissuasion pour éviter la contagion à d’autres pays en difficulté.

J’ajoute que les États membres de la zone euro se sont engagés à ce que le mécanisme entre en vigueur en juillet 2012 au plus tard.

Pour être tout à fait complet, je précise que le traité entrera en application dès que des États membres représentant 90 % du capital autorisé l’auront ratifié, ce qui peut très bien se faire dès le mois de mai ou de juin 2012. De ce point de vue, la France est aux avant-postes du processus parlementaire de ratification des engagements pris par les chefs d’État et de Gouvernement au début du mois de décembre dernier.

Je ne reviens pas sur votre opposition ; en tout cas, chacun a compris la position qui est la mienne. Sur ces enjeux européens, votre position n’est pas non plus celle d’une personnalité dont je cite rarement le nom, car elle n’est pas une source d’inspiration naturelle pour notre construction politique, Daniel Cohn-Bendit. Je ne comprends pas que sa voix ne soit désormais plus entendue dans vos rangs.

Je ne m’étendrai pas non plus sur la promesse du candidat François Hollande de revenir sur les traités européens, de défaire ce qui a été fait et approuvé par l’ensemble de nos partenaires. Continuer d’enfourcher ce cheval de bataille, c’est la certitude d’aller au galop dans une impasse et de se fracasser le museau ! (Mme Frédérique Espagnac et M. Ronan Kerdraon s’exclament.)

Je vois très peu d’avenir, et je ne prédis pas non plus une très grande perspective, à la poursuite de cette demande du candidat socialiste.

M. François Marc. C’est la qualité de vos résultats qui vous conduit à parler avec autant d’assurance ?

M. François Baroin, ministre. Les Français entendront aussi cette hypothèse de voie sans issue.

Un mot, enfin, de la nouvelle taxe sur les transactions financières.

Chère Nicole Bricq, je me suis inspiré, vous le savez, d’une partie de votre réflexion. Parfois, on trouve aussi des bons auteurs concernant la réflexion autour de la contribution du secteur financier à la résorption de la crise !

Vous connaissez aussi nos autres sources d’inspiration : le droit de timbre britannique – bien sûr, mais pas totalement ! – et l’ancien impôt de bourse sans les dysfonctionnements qui ont justifié sa disparition. Je rappelle qu’il n’y a pas de plafond et que nous taxons les entreprises qui sont cotées en France et non les titres échangés, car ce serait ouvrir la voie aux délocalisations sur la base de la taxation des entreprises qui, elles, sont cotées. Naturellement, nous répondons à l’objection la plus dominante formulée sur cette taxe, à savoir que cela va faire perdre des emplois dans ce secteur. Nous pensons que ce texte est équilibré.

Je ne comprends pas l’ambiguïté de votre position, pour ne pas dire la contradiction. En effet, vous étiez favorables à cette taxe ; nous aussi. Vous avez soutenu l’initiative franco-allemande pour nourrir une directive européenne relative à une taxe sur les transactions financières à l’échelle européenne. Toutefois, lorsque nous la proposons, vous votez contre, en expliquant que ce n’est pas assez, mais que, naturellement, si vous accédez aux responsabilités, vous la mettrez en œuvre !

Il convenait de relever cette incohérence, cette contradiction, dans un contexte électoral qui favorise parfois de nombreux dérapages, mais aussi dans un contexte de crise qui impose au Gouvernement de travailler jusqu’au dernier jour au service des Français. C’est tout le sens du message de ce collectif budgétaire ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale de la commission des finances.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cela ne va plus être pareil !

M. René-Paul Savary. Changement de discours !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Madame la ministre, comme c’est le dernier exercice budgétaire de cette législature, j’ai bien noté que vous vous êtes donné un autosatisfecit. On n’est jamais si bien servi que par soi-même !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Si je ne le fais pas, ce n’est pas vous qui le ferez !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Alors que le candidat-président ne veut surtout pas qu’on lui rappelle son bilan, il est assez étrange que, vous, vous vous fassiez une gloire de ces cinq années passées. Avant de revenir à notre sujet, cette nouvelle lecture de la loi de finances rectificative, je les traduis en deux chiffres : 500 milliards d’euros supplémentaires de dette et 1 million de chômeurs en plus ! Les Français sauront apprécier un tel bilan...

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est une crise aussi, peut-être !

Mme Gisèle Printz. Pas de quoi se vanter !

M. Ronan Kerdraon. Triste bilan !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je voudrais maintenant en revenir à ce qui nous occupe, à savoir l’échec, qui n’a pas été vraiment une surprise après le vote du Sénat, de la commission mixte paritaire qui s’est réunie le lundi 27 février, et dire un mot du nouveau texte qui nous arrive et auquel, ce matin, la commission des finances a décidé d’opposer la question préalable, pour des motifs identiques à ceux que nous avions retenus en première lecture.

Si les motifs sont les mêmes, notre conviction est renforcée à l’issue des débats que nous avons eus depuis une semaine. Madame la ministre du budget, monsieur le ministre de l'économie et des finances, vous êtes longuement intervenus – et vous l’avez fait encore tout à l’heure – pour défendre votre texte et répondre aux orateurs. Vous ne nous avez pas convaincus, c’est le moins qu’on puisse dire !

Je rappelle rapidement les motifs justifiant qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la discussion.

Il n’est pas convenable de faire adopter par le Parlement une réforme qui engage un bouleversement de l’architecture des prélèvements obligatoires à la veille d’une élection présidentielle dont le résultat pourrait remettre en cause ce choix, ce que nous souhaitons.

L’instrumentalisation du Parlement – car il s’agit bien de cela ! – à des fins électorales est d’autant plus manifeste que les mesures en cause n’entreront en vigueur que plusieurs mois après l’issue des élections présidentielle et législatives.

De manière générale, la date différée d’entrée en vigueur des différentes mesures leur dénie tout caractère d’urgence. Par ailleurs, l’évolution de la conjoncture ne nécessite pas un ajustement sans délai de l’équilibre budgétaire.

Si la TVA dite « sociale » engendrera un surcroît d’inflation, elle n’améliorera ni la compétitivité, ni l’emploi. Ce n’est pas Mme Bricq qui le dit ; tous les observateurs ont calculé une augmentation située entre 0,4 % et 0,6 %. Certes, ce n’est pas une flambée, mais l’augmentation des prix est indéniable ; elle s’est traduite dans le passé.

La discussion au Sénat a été utile, puisque – cela a été votre dernier mot à cette tribune la semaine dernière – désormais vous ne revendiquez plus les 100 000 créations d’emploi et vous admettez que la fourchette s’établirait entre 75 000 et 120 000, ce qui est déjà mieux !

Monsieur le ministre de l’économie et des finances, la taxe sur les transactions financières n’est pas celle que nous souhaitions – je m’en suis expliquée longuement –, car elle relève d’une conception minimaliste qui pourrait servir de plus petit dénominateur commun et ainsi mettre en difficulté le projet beaucoup plus ambitieux préparé par la Commission européenne. Du reste, lors de l’examen en nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a encore rétréci l’assiette de la taxe. Par conséquent, ce qui était vrai voilà une semaine l’est encore plus, pour nous, à ce jour !

Les annulations de crédits dans la réserve de précaution sont d’une ampleur inégalée et, faute d’être précisément documentées, s’apparentent à un cadeau empoisonné pour le gouvernement qui succédera à celui auquel vous appartenez.

Enfin, le ralliement du Gouvernement et de sa majorité – ralliement tardif ! – à la TVA dite « sociale », que, pour la plupart, vous combattez depuis cinq ans, parachève un quinquennat d’improvisation et de revirements fiscaux, qui sont à l’origine d’une insécurité juridique accrue.

La nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative n’est pas le meilleur moment pour dresser un bilan de ce quinquennat marqué, en matière fiscale, par l’incohérence et l’injustice et, sur le plan budgétaire, par le cynisme – l’aggravation, en 2010, d’un déficit déjà abyssal, à hauteur de 35 milliards d’euros, au titre du grand emprunt, qui permet d’afficher une progression plus limitée des dépenses les années suivantes, est peut-être un procédé habile, mais ne déjoue pas la sagacité de la commission des finances du Sénat ! – et la mise en péril des services publics, en particulier avec la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques.

Le président-candidat ou candidat-président, comme vous voulez, a tout de même reconnu hier – je l’ai noté – que cela faisait du dégât dans les territoires, notamment en matière scolaire.

M. Ronan Kerdraon. Mieux vaut tard que jamais !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Combien de fois l’avons-nous dénoncé ici, preuve à l’appui, dans tous nos territoires ! J’ai bien noté aussi que ce ne serait qu’à partir de 2013.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. En attendant, à la rentrée 2012, il y aura 1 500 fermetures de classes…

M. François Marc. Effectivement !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mais vous savez très bien que, proportionnellement, les effectifs diminuent et j’attends que vous nous démontriez le contraire !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. … et j’attends que vous nous démontriez le contraire !

La nouvelle lecture nous permet, en revanche, d’envisager les prochaines échéances, en tout cas celles qui ne sont pas subordonnées au résultat des élections.

Madame la ministre, vous nous avez dit de ne pas regarder dans le rétroviseur. Vous n’aimez pas cela pour votre bilan et on le comprend. Mais, justement, je me porte vers le proche avenir, notamment vers les échéances européennes. J’y reviens, monsieur le ministre !

La disposition la plus importante, en montant, de ce collectif budgétaire est relative, effectivement, à la dotation en capital du Mécanisme européen de stabilité. J’ai bien compris, monsieur le ministre, que vous aviez été frustré de ne pas être présent hier, lorsque nous avons débattu pendant plus d’une demi-journée de ce mécanisme. Si vous aviez été là,...

M. François Baroin, ministre. Mais je vous lis !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. ... ce que nous aurions souhaité, vous auriez entendu que nous avons longuement évoqué le problème posé par la conditionnalité qui lie le Mécanisme européen de stabilité et le fameux traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, dit TSCG.

Je pense avoir démontré que c’est le Gouvernement qui porte atteinte à la crédibilité de ce mécanisme européen en faisant cette liaison malvenue ! On commence à voir ce qui se dessine et j’ai très clairement posé le problème hier. En voulant inscrire cette fameuse règle d’or de préférence dans la Constitution, vous introduisez le doute chez les investisseurs. D’ailleurs, on constate déjà que l’Irlande – pays qui n’est pas a priori concerné par le MES, puisqu’il dispose d’un autre mécanisme de soutien, mais qui est tenu de respecter la conditionnalité et donc de réduire ses déficits – veut recourir à un référendum ! Je pense donc que le processus de ratification du TSCG n’est pas prêt d’arriver à son terme !

Vous avez parlé d’un pare-feu crédible. Bien sûr, on a beaucoup discuté du montant. Mais, quand je vois que la réunion de l’Eurogroupe qui devait suivre le Conseil européen des 1er et 2 mars est remise à plus tard, je m’inquiète de la crédibilité de ce mécanisme, en raison à la fois de cette liaison malvenue avec le TSCG et du montant du pare-feu.

Peut-être avons-nous tort d’avoir eu raison trop tôt. En tout cas, il faudra y revenir. On a, nous dit-on, tout le mois de mars pour trouver un montant quelque peu crédible ; j’en accepte l’augure. Mais je regrette que la France ne soit pas, peut-être pas en position de force, mais la mieux à même de négocier correctement ce qui est un enjeu décisif, car, il faut bien le reconnaître, en fin de parcours, le pouvoir occupé par vous-mêmes et par le candidat-président ou président-candidat est à bout de souffle !

Se tourner vers l’avenir proche, cela signifie que, dans chaque assemblée, nous devons nous interroger sur les conséquences concrètes des textes adoptés, comme le « six pack » au mois de novembre, ou en cours de discussion, comme le Two Pack.

Je pense, en premier lieu, aux conséquences pour le Parlement et la procédure budgétaire. Quelle méthode devons-nous retenir pour déterminer les hypothèses économiques de manière indépendante ? Qui sera notre conseil budgétaire indépendant ? Quelles conséquences devons-nous tirer de la possibilité pour la Commission européenne de demander des modifications des futurs « plans budgétaires », et donc des textes financiers dans la seconde quinzaine d’octobre, à savoir en pleine procédure budgétaire ? Cette année, nous avons vu la désorganisation due à l’annonce du plan Fillon II, alors qu’au Sénat nous n’étions pas encore saisis de la loi de finances initiale pour 2012 !

Madame la ministre, monsieur le ministre, vous qui êtes les représentants du Gouvernement jusqu’au mois de juin, je vous invite, ainsi que tous ceux qui voudraient que nous ratifiions le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le fameux TSCG, à nous expliquer comment vous envisagez de transcrire en droit interne et même dans la Constitution la fameuse « règle d’or ». Vous avez fait allusion à l’Espagne, et j’ai dit un mot hier de la fameuse règle d’or espagnole, qui n’a rien à voir avec la règle proposée, avec l’Allemagne, pour le TSCG. En effet, il s’agit uniquement de donner la priorité à la réduction des déficits. Ainsi, les Espagnols eux-mêmes seront amenés, s’ils doivent céder à votre intransigeance, à la revoir.

M. François Baroin, ministre. Eh oui !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il faudra nous dire comment vous comptez rendre contraignante une règle reposant sur la notion de solde structurel, à partir d’une hypothèse commune de croissance potentielle. Nous rallierons-nous tous à la définition qu’en donnerait la Commission européenne, ou chaque État continuera-t-il d’établir ses propres hypothèses ? Quel mécanisme de correction automatique des dérapages nous proposerez-vous ? Tout cela, nous ne le savons pas !

Peut-être en apprendrons-nous davantage dans les prochaines semaines, car si nous tenons aujourd’hui, mes chers collègues, notre dernier débat budgétaire du quinquennat dans l’hémicycle, la commission des finances du Sénat – je vous rappelle, madame la ministre, monsieur le ministre, cette échéance – sera saisie au cours de la première semaine d’avril du projet de programme de stabilité 2012–2015, en quelque sorte le testament budgétaire de ce gouvernement et du président sortant. Il sera intéressant d’examiner, à deux semaines du premier tour – nous ne manquerons pas de le faire – les engagements que prend le candidat-président sortant à l’égard non pas des électeurs, mais de nos partenaires européens. Au demeurant, nos concitoyens seront également concernés, ces engagements ayant acquis, depuis la réforme du pacte de stabilité, un caractère plus contraignant. Je vous donne donc rendez-vous, madame la ministre, monsieur le ministre, à cette occasion, évoquée par M. le président de la commission et moi-même lorsque vous étiez venus nous présenter ce projet de loi de finances rectificative.

Le Gouvernement précisera-t-il enfin, à cette date, sur quels postes il entend faire les économies de dépenses qu’il a annoncées ? Une telle information serait d’autant plus intéressante que je ne l’imagine pas renoncer maintenant à l’hypothèse irréaliste qu’il a retenue pour l’évolution des dépenses publiques, soit 0,4 % par an en volume.

Confirmera-t-il l’objectif qu’il s’est fixé, à savoir battre un nouveau record, en 2013, concernant le taux de prélèvements obligatoires, fixé à 45,3 %, tout en expliquant, comme vous l’avez fait voilà quelques instants, qu’il n’augmente pas les impôts ? La hausse de la TVA ne serait surtout pas une hausse d’impôt, et on ne parle même plus de hausse généralisée ! Comme le dirait M. le président de la commission, c’est « le lapin dans le sac » ! Je ne savais pas que vous étiez si doués pour ces exercices.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il s’agit d’un transfert !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Dans un mois à peine, nous devrons nous pencher sur toutes ces intéressantes questions.

Dans cette attente, la commission des finances vous invite, mes chers collègues, à adopter la motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de finances rectificative pour 2012. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Éric Bocquet et Joël Labbé applaudissent également.)

M. François Marc. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, souhaitant éviter, au terme de cette discussion budgétaire, un trop grand nombre de redites, je ferai un point rapide sur la situation financière de notre système de protection sociale, en faveur de laquelle le présent collectif n’apporte aucune solution ou amélioration. Je tiens à dénoncer le bilan désastreux des dix dernières années.

Depuis 2002, la sécurité sociale affiche chaque année un déficit : il était de quelque 10 milliards d’euros jusqu’en 2008, supérieur à 20 milliards d’euros depuis 2009, avec un total cumulé de plus de 130 milliards d’euros.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce n’est pourtant pas une fatalité : nos comptes sociaux ont été à l’équilibre dans le passé, ils enregistraient même des excédents entre 1999 et 2001 ! On semble l’avoir oublié... Une gestion différente permettrait d’obtenir d’autres résultats.

La Cour des comptes l’a écrit dans tous ses rapports récents : rien n’a été fait depuis dix ans pour résorber le déficit structurel de nos comptes sociaux, qu’elle évalue à environ 10 milliards d’euros.

Nous en subissons lourdement les conséquences aujourd’hui, car la crise, que personne ne nie, est venue amplifier les difficultés initiales. L’effort à accomplir dans les prochaines années pour revenir à l’équilibre sera bien entendu très supérieur à celui qui aurait pu et dû être mis en œuvre avant la crise.

Il en est ainsi pour le remboursement de la dette sociale. L’accumulation des déficits a entraîné un doublement de la dette en à peine cinq ans : à la fin 2011, 143 milliards d’euros sont inscrits en tant que dette à amortir dans les comptes de la CADES, la Caisse d’amortissement de la dette sociale. Or, plutôt que de prévoir un remboursement au moyen de la ressource instituée à cette fin, à savoir la CRDS, la contribution au remboursement de la dette sociale, le gouvernement auquel vous appartenez, madame, monsieur le ministre, a préféré prélever des recettes sur d’autres instances, notamment – paradoxe incompréhensible ! – les organismes de sécurité sociale eux-mêmes, le Fonds de solidarité vieillesse, la Caisse nationale des allocations familiales et le Fonds de réserve pour les retraites. Au nom de quel dogme avez-vous préféré laisser filer ainsi la dette sociale, en choisissant de la financer par de nouveaux déficits ?

Comment qualifier une telle gestion ?

M. Ronan Kerdraon. La fuite en avant !

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. On a voulu boucher un trou en en creusant d’autres ailleurs. Aujourd’hui, 29 février 2012, nous célébrons l’anniversaire de la naissance du sapeur Camember et constatons que vous avez repris à votre compte sa vieille méthode. On a peine à sourire devant une telle attitude.

M. Jacky Le Menn. Très bien !

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le choix de reporter l’intégralité des difficultés des dix dernières années sur les générations futures est injustifiable. Comment un gouvernement peut-il, en toute responsabilité, renvoyer le règlement de dépenses courantes actuelles, notamment de santé, aux contribuables et assurés de demain qui auront déjà leurs propres dépenses à financer ?

Dans un tel contexte, les mesures proposées par le collectif paraissent fort éloignées de la réalité et sont loin d’être à la mesure des besoins.

En particulier, la mesure dite « TVA sociale » introduite à l’article 1er ne règle rien, cela a été démontré à longueur d’interventions, ni le problème de compétitivité des entreprises, ni le sous-financement de la protection sociale, ni, bien sûr, l’explosion du chômage dans notre pays.

Notre commission des affaires sociales s’y est déclarée résolument opposée. Sans reprendre dans le détail l’ensemble des arguments qui ont été développés, j’évoquerai d’abord la méthode utilisée. Nous débattons aujourd’hui dans l’urgence, ce qui est inacceptable à moins de deux mois d’une échéance politique majeure pour notre pays. Par ailleurs, les dates d’entrée en vigueur de ces réformes laissent franchement perplexes : la mesure dite TVA sociale serait appliquée à compter du 1er octobre prochain, tandis que la disposition concernant l’apprentissage devrait être mise en œuvre à compter des rémunérations versées en 2015, c’est-à-dire pour le calcul de la taxe payée en 2016 !

Au-delà de ces questions de méthode, notre opposition à ce texte porte bien évidemment sur le fond. Nous l’avons dit, démontré, répété, la hausse de la TVA aura bien un effet inflationniste, cela a toujours été le cas, en France comme ailleurs. Une telle mesure aura donc un effet sur la consommation des ménages et, par voie de conséquence, sur la croissance.

Nous l’avons dit également, la TVA est un impôt injuste, qui touche particulièrement les plus modestes, dont la totalité du revenu est consommée. L’effet attendu en termes de compétitivité semble aussi devoir être relativisé, cela a été largement démontré. J’ai expliqué à cette tribune, la semaine dernière, ce qu’une étude de l’INSEE révélait de la comparaison avec l’Allemagne. Enfin, que dire de l’objectif affiché de 100 000 créations d’emploi ?

Concernant la protection sociale, je souhaite évoquer la branche famille, qui a été l’une des victimes de la politique des trous creusés et rebouchés. En effet, certaines prestations auparavant servies par la CNAV – la majoration de pension pour les assurés ayant élevé au moins trois enfants et l’assurance vieillesse des parents au foyer – ont été transférées à sa charge, tandis qu’une partie du produit de la CSG, transférée à la CADES, a été remplacée par un « panier » de taxes sur les contrats d’assurance, panier qualifié rapidement de « percé », car constitué partiellement de recettes non pérennes, comme l’a démontré la semaine dernière notre rapporteur Isabelle Pasquet.

L’article 1er de ce collectif budgétaire, qui tend à organiser, par une augmentation de la TVA, le transfert vers les ménages du financement de la branche famille, s’inscrit dans la même ligne de pensée, qui assimile les finances sociales à une véritable variable d’ajustement de la politique budgétaire. Certes, avec la création d’un nouveau compte de concours financiers, un mécanisme de compensation est prévu. Mais il ne garantit pas contre de nouvelles baisses ou ponctions.

Techniquement, ce transfert n’est donc pas aussi neutre que ce gouvernement le prétend et voudrait le laisser croire. Il l’est d’ailleurs d’autant moins que l’augmentation de 24,1 % de la part de recettes fiscales de la branche, qui porterait l’ensemble des impôts et taxes affectés à plus de 55 % de son financement, opère nécessairement un changement de nature.

Il n’est par conséquent pas possible de s’en tenir à une analyse mécanique et comptable du processus de transfert, sauf à confirmer par là même l’absence de toute réflexion et projet sur la cohérence d’ensemble du système ainsi transformé.

Les structures, les modes de vie, les besoins des familles ont changé. Le choix d’intégrer les prestations familiales, qui sont effectivement de nature hybride, dans le système de sécurité sociale a été fait il y a un demi-siècle dans un contexte socio-économique qui n’est plus le nôtre. Le mode de financement de la branche famille, comme celui des autres branches, peut donc être sujet à débat.

Mais encore faut-il que ce débat ait lieu, que les arguments s’échangent, que les points de vue se confrontent, et que le nouveau système de protection sociale que nous proposons à nos concitoyens de construire soit clairement et ouvertement présenté !

Il n’est ni acceptable, ni loyal, ni responsable à l’égard de nos concitoyens qu’un tel changement, qui est loin d’être neutre, je le répète, soit opéré « par la bande », en catimini, réduit à l’accessoire d’un texte budgétaire relatif à la compétitivité et à l’emploi, qui plus est examiné dans l’urgence.

Tel est pourtant bien le choix de ce gouvernement, puisque vous proposez de franchir un nouveau palier dans la mutation sournoise de notre système de protection sociale, sous couvert de l’adoption, comme l’atteste l’intitulé de l’article 1er, de « dispositions fiscales améliorant la compétitivité des entreprises » !

L’institution de cette TVA sans nom, puisque vous ne voulez pas la nommer « sociale », mais que l’on pourrait qualifier de « TVA Sarkozy », est malheureusement exemplaire du sacrifice délibéré de notre système de protection sociale, en imposant une pensée unique arcboutée sur la seule maîtrise de court terme des dépenses, au détriment de toute justice sociale.

La question que nous devons nous poser est celle-ci : quelle serait la responsabilité du système social dans les problèmes de compétitivité, de croissance et d’emploi ?

Quelle serait la responsabilité de notre système social en termes d’emplois ? Je ne reviendrai pas, je l’ai dit, sur la comparaison avec l’Allemagne, rappelant simplement la baisse constante des charges sociales patronales en France depuis trente ans et la quasi-suppression des cotisations de sécurité sociale pour les salaires au niveau du SMIC, celles-ci étant passées de 33 % environ en 1980 à moins de 5 % en 2005.

L’efficacité commande donc une analyse plus fine des causes réelles de notre différentiel de compétitivité. Ne nous contentons pas d’une lecture trop simplifiée, qui risque de nous faire passer à côté des vraies évolutions attendues de l’économie française.

Parmi les éléments d’analyse dont nous disposons, rien ne justifie que soit sacrifié, morceau par morceau, notre système de protection sociale, lequel a justement permis d’amortir, mieux qu’ailleurs, les premiers effets de la crise. Rien ne justifie non plus d’engager un changement de nature de la sécurité sociale, au détour d’un texte budgétaire, en dehors de toute réflexion d’ensemble et d’un projet de réforme structurelle de long terme, dont nous avons besoin pour que les principes de justice et de solidarité de notre protection sociale puissent perdurer.

Mes chers collègues, vous l’avez compris, dans le cadre de cette nouvelle lecture, nous voterons donc de nouveau la motion tendant à opposer la question préalable déposée par la commission des finances, pour marquer notre ferme opposition à la politique budgétaire et financière menée au cours des dernières années. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. Joël Labbé applaudit également.)