M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Sarkozy était contre !

M. Dominique de Legge. Au-delà du fond, mon propos portera aussi sur la forme.

Je le regrette très profondément, pour ne pas dire que je m’en offusque, depuis que la gauche est majoritaire au Sénat, nous ne pouvons plus discuter normalement des textes qui nous sont soumis.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. Philippe Bas. C’est vrai !

M. Dominique de Legge. Je crois au bicamérisme et je considère que l’honneur du Sénat est d’approfondir, de modérer et d’amender les textes qui sont proposés par le Gouvernement ou qui proviennent de l’Assemblée nationale.

Il y a un an, face à des textes difficiles comme le projet de loi portant réforme des retraites, vous nous expliquiez que le Parlement est là pour débattre et qu’il ne fallait pas s’offusquer de la longueur des débats et de la multiplication des amendements.

M. Dominique de Legge. Depuis que vous êtes majoritaires, on ne compte plus le nombre de motions de tout genre que vous déposez pour esquiver ou éviter la discussion, laissant ainsi à l’Assemblée nationale le soin d’écrire seule la loi.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est le cas tous les mois !

M. Dominique de Legge. Je crains que, à force d’agir de la sorte, au moment où vous devenez majoritaires dans cette assemblée, vous n’affaiblissiez les travaux de celle-ci et n’introduisiez un doute sur l’intérêt du bicamérisme.

M. Gilbert Barbier. Il a raison !

M. Dominique de Legge. Je ne prendrai que trois exemples récents pour illustrer mon propos.

Le premier est le renvoi à la commission de l’excellente proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales présentée par notre collègue Éric Doligé, alors que le Sénat était au cœur de sa mission et répondait à une attente des élus locaux en s’attaquant enfin à ce sujet.

Que l’importance des sujets en cause conduise à ne pas traiter tout à la fois, peut-être, mais nous avons perdu, ensemble, une occasion d’envoyer un message fort aux collectivités, et vous en portez la responsabilité. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Deuxième exemple : au final, les articles de ce collectif budgétaire n’auront pas été débattus sur le fond, puisque vous avez fait le choix de voter une motion tendant à opposer la question préalable dès la première lecture.

Vous avez donc estimé qu’il fallait rejeter l’ensemble du texte, d’un seul bloc, alors qu’il contenait pourtant des dispositions plus consensuelles, comme l’abondement du capital de la future banque publique de l’industrie, à hauteur de 1 milliard d’euros. Comment pouvez-vous vous y opposer alors même que votre candidat a proposé à la page 7 de son livre programme la création d’une banque publique d’investissement pour les PME industrielles ?

M. Dominique de Legge. Démonstration est faite que, à partir du moment où la mesure est proposée par le Gouvernement, vous vous y opposez systématiquement. Calcul politicien au détriment de l’intérêt collectif…

Rejeter en bloc le présent collectif budgétaire, dès la première lecture, et de nouveau en nouvelle lecture, c’est également faire fi de dispositions qui auraient pu nous rassembler et qui vont avoir une incidence positive sur les finances publiques.

Je pense à la mise en œuvre de la taxe sur les transactions financières, que vous prônez depuis longtemps et qui pourrait rapporter 500 millions d’euros cette année puis 1,1 milliard d’euros en année pleine, ou encore à l’intensification de la lutte contre la fraude fiscale, dont vous ne cessez de dire qu’elle n’est pas suffisante, et qui pourrait rapporter 300 millions d’euros en 2012.

C’est faire fi du renforcement des formations en alternance proposé, qui doit permettre d’offrir des formations supplémentaires à plusieurs centaines de milliers de jeunes.

Enfin, le troisième exemple est le relèvement du plafond de prêts accordés par la France au FMI et l’abondement du capital du futur Mécanisme européen de stabilité.

Vous nous avez encore fait la démonstration hier après-midi de votre scandaleux manque de courage,…

M. Gilbert Barbier. C’est vrai !

M. Dominique de Legge. … en vous abstenant sur le projet de loi autorisant la ratification du traité. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Alors que depuis plusieurs années les Verts et les socialistes au Parlement européen se sont battus pour l’existence d’un tel mécanisme de stabilité, la gauche en France, isolée, a fait le choix d’adopter une posture purement politicienne et électoraliste, au détriment d’intérêts bien supérieurs comme le sauvetage de la Grèce, la sauvegarde de la zone euro, la construction européenne et l’idéal européen. Vous voilà bien discrédités pour parler de l’Europe demain ! (Mme Annie David s’exclame.)

Quelle tristesse de constater que, dans un contexte où l’Europe et l’euro sont menacés, le courage ne soit pas unanime, au-delà des clivages politiques et des échéances électorales !

Le caractère abscons et tartufe de votre position est résumé par l’expression de Jean-Marc Ayrault, qui tente de la justifier ainsi : « Notre abstention est dynamique, offensive. Le vote “ non ” aurait donné l’impression de ne rien décider ». On ne peut mieux dire !

Voir du dynamisme dans de l’abstention et un acte de décision dans le refus de prendre position, il faut oser ! Si c’est ainsi que vous comptez gouverner la France, voilà qui devrait donner à réfléchir aux électeurs !

Mme Christiane Demontès. C’est tout réfléchi !

M. Dominique de Legge. J’espère que, dans deux mois, ils appliqueront ce concept d’abstention dynamique à votre candidat.

A contrario de votre irresponsabilité, le groupe UMP, pour sa part, votera le présent projet de loi de finances rectificative et s’opposera à la motion tendant à opposer la question préalable que vous défendrez dans quelques instants. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. René-Paul Savary. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure générale de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, je commencerai mon intervention en approuvant les propos que vient de prononcer mon collègue breton sur l’importance du bicamérisme. Je suis tout nouveau sénateur, mais j’ai compris que la Chambre haute est l’assemblée où l’on peut justement approfondir la réflexion.

Toutefois, à l’approche des élections nationales, je découvre une frénésie de mesures graves qui nous sont proposées dans la précipitation.

Mme Annie David. Exactement !

M. Joël Labbé. Je n’avais pas envisagé le rôle du Sénat sous cet angle.

Entre les promesses de campagne, les renoncements, les mesures inefficaces, idéologiques et à contre-emploi pour certaines, l’échec du Gouvernement et de la politique du Président, candidat aujourd’hui, est éclatant. Le bilan est catastrophique concernant le chômage et la dette. La crise a trop souvent bon dos !

Cela fait cinq ans, cinq ans déjà, que vous avez engagé notre pays dans une certaine spirale : pendant que de plus en plus de personnes sont tombées dans une grande précarité, ont été offerts divers cadeaux fiscaux tel l’allégement de l’ISF, qui coûte à l’État pas moins de 1,9 milliard d’euros.

Dans ce moment grave que nous vivons où solidarité, équité et justice doivent contribuer à une nécessaire unité nationale, en ces temps difficiles, vous persistez à prendre des mesures injustes.

Le 13 octobre 2007, Nicolas Sarkozy déclarait : « La croissance de 2007, je n’y suis pour rien, il faut la doper en 2008, et en 2009 ce sera la mienne. » En 2007, elle était de 1,9 %, en 2008 de 0,9 %, et en 2009 de moins 0,4 %.

Quant à la dette publique, elle est passée de 64,2 % du PIB en 2007 à 85,3 % en 2011, soit près de 1 700 milliards d’euros !

Et aujourd’hui, le Président de la République ose se présenter en sauveur de la crise !

M. Jacky Le Menn. En sauveur de l’humanité !

M. Joël Labbé. Le capitaine dans la tempête qui régulera la finance, le Président du plein emploi, du pouvoir d’achat, qui ne laissera plus personne dormir dans la rue dans les deux ans, ne peut plus faire illusion.

Le bilan de l’emploi, pour n’évoquer que celui-ci, est catastrophique. Nicolas Sarkozy, toujours en avril 2007, déclarait sur le plateau de France 2 : « Je veux m’engager, par exemple, sur le plein emploi : 5 % de chômeurs à la fin de mon quinquennat. Et ce travail, on nous demande pas une obligation de moyens, […] on nous demande une obligation de résultats. […] Si on s’engage sur 5 % de chômeurs et qu’à l’arrivée il y en a dix, c’est qu’il y a un problème. […] Je [dirai] aux Français : c’est un échec et j’ai échoué. Et [ce sera] aux Français d’en tirer les conséquences. »

Mme Marie-France Beaufils. Très bonne citation !

M. Joël Labbé. Eh bien oui, il y a un problème ! Approcher la barre des 10 % comme taux de chômage, on y est presque : quel résultat ! Cela représente près de 1 million de personnes supplémentaires à Pôle emploi, une institution qui a été au passage fragilisée davantage en raison de la diminution de ses moyens : on compte désormais un conseiller pour 200 demandeurs d’emplois. Un pour 200 : c’est absolument effarant !

M. Joël Labbé. Comment ces personnes peuvent-elles être correctement accompagnées dans de telles conditions ? Et comment les employés de Pôle emploi – j’en connais, dont certains travaillent dans des conditions de grande précarité – peuvent-ils jouer leur rôle ?

Mais au lieu de proposer des mesures réellement efficaces contre le chômage, vous stigmatisez les chômeurs à longueur de discours et prévoyez des dispositifs inefficaces !

Les heures supplémentaires, par exemple, n’ont pas permis de diminuer le chômage et coûtent néanmoins plus de 4 milliards d’euros par an. Il en est de même de la TVA sur la restauration, qui, elle, coûte 3 milliards d’euros par an.

Quant à la suppression de 100 000 postes de fonctionnaires dans le cadre de la RGPP, on en constate les effets désastreux sur nos services publics tous les jours, sans parler de ceux qui ont nécessairement été transférés vers les collectivités locales. Je pense notamment au service du droit des sols.

Donc, ce quinquennat, puisque nous en sommes au bilan, est celui du chômage de masse et de la précarisation du travail ; c’est un échec, et derrière cela, pour nous écologistes, c’est l’échec d’un modèle de société qui n’a décidément plus d’avenir.

Alors, en lançant des réformes à la dernière minute, vous pensez faire oublier ce bilan catastrophique. Mais les miracles, vous le savez bien, n’existent pas ! Vous montrez là que vous manquez d’une vision de long terme et que vous ne faites que multiplier les effets d’annonce.

Certes, pour qui que ce soit, l’exercice n’est pas et ne sera pas facile. Mais ce n’est pas avec des effets d’annonce et des mesures de dernier moment que l’on peut sauver la situation. La proposition d’une TVA sociale est à cet égard tristement emblématique : après avoir critiqué l’injustice de ce type d’impôt, le Président le présente comme une mesure de justice sociale. Il ne faut tout de même pas exagérer !

Avec cette mesure, c’est bien le pouvoir d’achat, l’ensemble du budget de nos concitoyens, notamment les plus défavorisés, qui va être touché, alors que nous sommes en pleine crise.

En effet, il faut cesser de mentir aux Français, une hausse de la TVA va inéluctablement faire augmenter les prix. Finalement, quel est l’objectif visé avec cette hausse de TVA ? Il s’agit de compenser l’exonération des charges patronales, un cadeau supplémentaire, alors même que les entreprises attendent des mesures autrement plus efficaces.

Vous demandez des sacrifices aux Français, mais vous gaspillez leurs efforts !

Vous le savez, vous nous engagez là dans une course folle de dumping social, une course que nous allons perdre et dont le prix sera lourd pour l’ensemble des Françaises et des Français. Au fond, le but recherché est-il de remettre en cause nos acquis sociaux afin que nous soyons de plus en plus compétitifs ? Mais plus compétitifs que qui ?

Pourquoi s’obstiner à refuser de construire une Europe solidaire où les droits sociaux s’ajusteraient par le haut ? Pourquoi persister à croire en un modèle de développement qui nous conduit droit dans le mur, et reporter le règlement de nos immenses problèmes sur les générations futures ?

Il s’agit maintenant d’investir dans les filières d’avenir, notamment le bâtiment, les économies d’énergies dont tout le monde profitera, les transports en commun, les énergies renouvelables.

Nous pouvons réindustrialiser notre pays, créer et localiser, relocaliser, refaire du lien entre l’économie et le territoire.

Ce projet de loi de finances rectificative est, selon nous, dangereux et inefficace. C’est, beaucoup le ressentent ainsi, un coup de communication de plus en vue des élections qui approchent !

Par conséquent, aux yeux des écologistes, ce texte est pour le moins inopportun, et comme nous l’avons déjà dit, un tel débat n’a pas lieu d’être au sein de la Chambre haute. C’est la raison pour laquelle nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je voudrais, à l’occasion de cette nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2012, poser trois questions.

La multiplication des questions préalables qui empêchent le débat est-elle une bonne chose pour le Sénat ?

M. Vincent Delahaye. Je n’ai pas encore répondu à cette question ! (Sourires.)

Sur le fond, ce projet de loi de finances rectificative va-t-il dans le bon sens ?

Enfin, pourquoi ne pas retenir les propositions que j’avais faites lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2012 ?

Tout d’abord, cette nouvelle lecture résonne étrangement dans cet hémicycle. En effet, le Sénat, sur proposition de la majorité de notre commission des finances, a préféré éluder la discussion de ce premier projet de loi de finances rectificative pour 2012 en déposant une motion tendant à opposer la question préalable.

Une fois de plus, nous devons nous prononcer sur une motion de procédure, bref, sur une énième manière de nous dédouaner de notre responsabilité…

M. Vincent Delahaye. … et de notre rôle de parlementaire, qui est, je le rappelle, de débattre, d’amender, de voter ou non la loi...

M. Vincent Delahaye. Ce n’est pas la première fois que cela arrive. Nous avons été privés du débat sur le projet de loi de finances pour 2012, nous avons été privés du débat sur le plan de sauvegarde des finances publiques, et nous serons manifestement privés du débat sur le présent texte une fois de plus ! (M. Jean-Marc Todeschini s’exclame.)

Autant dire que nous nous défaussons sur nos collègues députés ! Ce procédé n’est pas acceptable !

Les auteurs de la question préalable déposée sur ce texte mettent en avant l’absence d’urgence comme de nécessité des dispositions en cause. Je m’étonne de ces arguments : de fait, la compétitivité de notre économie exige des mesures d’urgence. Quant aux dispositions relatives à l’équité fiscale, à la lutte contre la fraude, à la solidarité européenne, qui font également partie de ce texte, elles me semblent de nature à être adoptées dès maintenant.

On ne peut faire grief au Gouvernement de travailler jusqu’au bout et de proposer des mesures susceptibles de renforcer la compétitivité de notre économie et de créer des emplois.

J’ai écouté avec attention les propos de notre rapporteur général. C’est à croire que ce n’est jamais le bon moment pour aborder des sujets cruciaux. Nous ne parlons, somme toute, que de l’orientation à donner aux structures de notre économie pour les prochaines années : rien que cela !

Eh bien, je suis de ceux qui pensent que non, la croissance et l’activité n’attendent pas les élections ! Nos concitoyens continuent de travailler, de produire et de consommer. On n’arrête pas d’un trait la machine économique. Du reste, celle-ci a cruellement besoin d’une révision d’ensemble et de courageuses réformes structurelles, au regard de notre déficit commercial abyssal et d’un taux de chômage inacceptable.

Jusqu’à la dernière minute, le Gouvernement reste légitime à gouverner et à réformer. C’est là la substance même de ce que l’on nomme la continuité de l’État : il n’y a pas de vacance du pouvoir, surtout pas en pleine crise économique.

Alors que nous ne sommes même pas assurés d’éviter la récession en 2012, il est irresponsable d’affirmer qu’il est trop tard pour réformer. Au contraire, il faut poser les véritables questions, quel que soit le calendrier. Les citoyens trancheront au printemps prochain.

M. Vincent Delahaye. Pour l’heure, notre devoir est d’assumer notre rôle institutionnel plutôt que d’apporter de l’eau au moulin de ceux qui appellent de leurs vœux la disparition du Sénat.

Or il est regrettable de constater que, depuis le mois d’octobre dernier, le Sénat n’assume plus véritablement ni totalement son rôle institutionnel.

M. Vincent Delahaye. Le Sénat ne saurait être réduit à une simple caisse de résonance de l’opposition à la majorité présidentielle !

Mme Annie David. Nous avons voté une loi de finances et une loi de financement de la sécurité sociale !

M. Vincent Delahaye. Cette attitude mine profondément la légitimité de notre institution et celle de nos mandats. (Mme Annie David s’exclame.) Nous ne pouvons pas nous permettre de devenir un simple frein aux rouages institutionnels de la République.

M. Philippe Bas. Exactement !

M. Vincent Delahaye. Sous la IIIe République, on disait du Sénat qu’il offrait « le temps de la réflexion ». Aujourd’hui on aurait plutôt tendance à croire qu’il est devenu le « lieu de l’expédition ». (M. David Assouline s’exclame.)

Mais n’oublions pas le fond du présent texte. Il s’agit de poser les premiers jalons d’une refondation structurelle de notre économie.

M. Jean-Marc Todeschini. Bulletin du Gouvernement : bon élève, peut mieux faire ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. David Assouline. Exactement !

M. Vincent Delahaye. Et le succès de cette entreprise passe par trois axes majeurs : stimuler notre compétitivité, renforcer l’équité de notre système fiscal et consolider nos outils pour lutter contre la crise des dettes souveraines.

Les différentes dispositions de ce collectif budgétaire vont dans le bon sens, indéniablement. L’OCDE a d’ailleurs salué récemment les différentes réformes entreprises par la France au cours des dernières années, à l’heure même où la Banque mondiale se montre de plus en plus pessimiste quant à l’avenir du régime de croissance de la Chine.

Le monde change plus vite qu’on ne pouvait le croire, et la France a son rôle à jouer dans le siècle à venir.

Certes, la TVA antidélocalisation aurait pu être mise en œuvre plus tôt,…

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est bien de le reconnaître !

M. Vincent Delahaye. … elle aurait dû être plus forte car, comme chacun sait, cette mesure ne produira ses effets qu’à moyen voire à long terme.

Certes, la taxe sur les transactions financières n’est pas assez forte et son assiette n’est pas encore européenne.

Et pourtant le présent texte a le mérite de mettre en œuvre ces mesures,…

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Non ! Il ne mettra pas en œuvre la moindre mesure !

M. Vincent Delahaye. … que les centristes appellent de leurs vœux,…

M. David Assouline. Tout bas, vraiment tout bas !

M. Vincent Delahaye. … dans leur grande majorité, et depuis de nombreuses années !

À ce titre, je salue le travail accompli par notre collègue Jean Arthuis, qui s’est imposé comme un pionnier majeur de cette modernisation tant attendue.

M. David Assouline. Bien sûr, et même avant ATTAC…

M. Jean-Marc Todeschini. C’est de la copie conforme, du pillage !

M. Vincent Delahaye. Ce texte a également l’intérêt de créer une banque de l’industrie, permettant de renforcer le soutien dont les petites et moyennes entreprises ont besoin pour se développer et pour embaucher.

Par ailleurs, le présent projet de loi de finances rectificative permet de renforcer l’apprentissage, voie essentielle vers l’emploi pour tous les jeunes qui cherchent à fonder leur avenir sur des bases solides.

Oui, mes chers collègues, le sentier de la croissance, la voie de la création d’emplois en nombre ne se dessineront qu’à force de réformes structurelles, et non en arrosant d’argent public le sable de nos déficits. Si la relance budgétaire assurait nécessairement la croissance économique, notre taux de croissance serait bien supérieur à 2 % ! Or il n’en est rien.

À mes yeux, ce texte trace la voie de mesures structurelles qu’il faudra renforcer dans les mois à venir.

En outre, ce projet de loi de finances rectificative acte, malheureusement, une hausse sensible de notre déficit public.

M. Jean-Marc Todeschini. Au secours ! On ne sait pas quoi faire !

M. Vincent Delahaye. Cette augmentation est liée à la prise en compte de la solidarité à l’égard de la zone euro – 6,5 milliards d’euros supplémentaires, tout de même ! –, qui est la conséquence du laxisme budgétaire des pays européens, y compris de la France. (Mme Gisèle Printz manifeste son exaspération.)

Je crains que nous ne soyons qu’au début d’un processus appelé à se poursuivre et à exercer ses effets néfastes sur nos finances publiques pendant un bout de temps ! De fait, il faudra bien payer nos dettes même si certains – y compris dans cet hémicycle – persistent dans l’illusion que l’on peut emprunter à perte de vue. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il ne faut pas exagérer !

M. Jean-Marc Todeschini. Qui a multiplié les dettes ?

M. David Assouline. 500 milliards d’euros !

M. Vincent Delahaye. Cette illusion est dangereuse pour nos compatriotes, à qui, même en période électorale, il ne faut pas faire croire que l’on peut continuer impunément à vivre au-dessus de ses moyens.

M. David Assouline. C’est clair !

M. Jean-Marc Todeschini. Ça, c’est vrai ! Il fallait le dire en 2007 !

M. Vincent Delahaye. Le texte dont nous discutons aujourd’hui corrige également la prévision de croissance qui, en définitive, avait été retenue à l’automne dernier.

J’en viens aux deux propositions que j’avais alors formulées sur ce point, et que je renouvelle aujourd’hui.

M. David Assouline. Soyez bref, car le temps de parole dont vous disposiez est écoulé !

M. Vincent Delahaye. Tout d’abord, j’avais proposé d’adopter la prévision de croissance issue du consensus des économistes – celle-ci s’établissait alors entre 0,9 % et 1 % – diminuée, par mesure de prudence, de 0,5 %.

Vous le remarquerez, si cette proposition avait été retenue, nous n’aurions pas à revenir aujourd’hui sur cet élément majeur pour l’élaboration de nos prévisions budgétaires.

M. Vincent Delahaye. La réalité nous a rattrapés : force est de constater que nous n’avons pu faire l’impasse sur un ajustement à la baisse de nos prévisions en matière de croissance et donc de recettes fiscales à périmètre constant.

M. Jean-Marc Todeschini. On vous l’avait bien dit !

M. Vincent Delahaye. Par ailleurs, nous devrons tôt ou tard – mais le plus tôt sera le mieux ! – opérer une importante réduction de nos dépenses publiques. Là aussi, il nous faut en finir avec cette trop grande timidité qui nous empêche de prendre le problème à bras-le-corps.

Si nous réduisons la dépense publique de 1 euro pour chaque euro d’impôt supplémentaire, comme je l’ai proposé, il y a fort à parier que nous trouverons une clef de réduction de notre déficit structurel.

Madame le ministre, mes chers collègues, la crise n’est pas terminée, en dépit des conditions plus favorables dont nous disposons actuellement pour financer notre dette. Le présent collectif budgétaire ne répondra pas à tous les défis posés à notre pays, à nos entreprises et à notre population active. Pourtant, il désigne une voie nouvelle qui mérite d’être explorée, mais qui, avant tout, aurait mérité d’être débattue !

Je regrette que la majorité sénatoriale nous prive de ce débat fondamental,…

M. Vincent Delahaye. … et même si, à mon sens, les mesures qui nous sont proposées sont à la fois trop tardives et trop peu fortes, sur le fond, ce texte va incontestablement dans le bon sens.

C’est pourquoi le groupe de l’Union centriste et républicaine votera, dans sa grande majorité, contre la motion tendant à opposer la question préalable qui nous est soumise aujourd’hui. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

Mme Gisèle Printz. Quelle nouvelle !

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai souhaité intervenir dans ce débat pour évoquer un enjeu précis du présent projet de loi de finances rectificative, à savoir la culture.

En effet, dans le contexte de grave crise que nous traversons, la culture peut apparaître, chez tous les acteurs du débat public, comme le parent pauvre que l’on oublie, en considérant qu’il ne s’agit là que d’un « supplément d’âme » à l’heure où les difficultés matérielles et concrètes frappent l’ensemble de nos concitoyens.

Je l’affirme, il n’en est rien : de fait, la culture est non seulement au cœur de notre pacte républicain, de notre vivre ensemble, mais elle constitue également – précisément dans les périodes de grandes difficultés – un vecteur de cohésion essentiel et vital, pour l’ensemble des Français.

Mes collègues Nicole Bricq et Yves Daudigny ayant abordé le présent texte dans son ensemble, je tiens à concentrer mon propos plus précisément sur la question de la culture.

Vendredi dernier, plusieurs centaines de personnes du monde du spectacle vivant et des arts plastiques ont manifesté à Paris, à Rennes, à Amiens et à Strasbourg, pour protester contre les coupes claires que le projet de loi de finances rectificative dont nous débattons cet après-midi opère dans les crédits culturels.

Il faut le souligner, ce texte supprime plus de 62 millions d’euros de crédits pour les secteurs de la culture et de l’audiovisuel, somme à laquelle il convient d’ajouter 67 millions d’euros gelés. Et, jusqu’à présent, il n’y a pas eu de dégel !

En réalité, la culture n’a jamais fait partie des priorités du Président de la République sortant. Du reste, la lettre de mission qu’il adressait dès le mois d’août 2007 à sa ministre de la culture de l’époque donnait le ton du projet ultralibéral qu’il nourrissait pour la culture : « Vous exigerez de chaque structure subventionnée qu’elle rende compte de son action et de la popularité de ses interventions, vous leur fixerez des obligations de résultats et vous empêcherez la reconduction automatique des aides et des subventions. »

Derrière ces phrases, qui peuvent paraître de bon sens,…