M. Charles Revet. Pas du tout !

M. Thierry Foucaud. Cher Charles Revet, je sais que vous connaissez très bien cette entreprise, vous qui n’y avez jamais mis les pieds ! Il aura suffi que le Président de la République vienne y faire une visite pour que, tout à coup, tous les députés et sénateurs de l’UMP de la Seine-Maritime la découvrent !

M. Charles Revet. M. Besson ainsi que les salariés de Petroplus peuvent témoigner que j’étais présent à leurs côtés, tout comme Catherine Morin-Desailly !

M. Éric Besson, ministre. Je confirme !

Mme la présidente. Seul M. Foucaud a la parole !

M. Thierry Foucaud. On connaît en effet l’engagement de la droite en faveur de l’emploi...

Qu’il me soit également permis de citer Gaëtan Gorce, qui déclarait lors de cette même réunion de commission : « Je suis totalement interloqué, mais peut-être finirai-je par m’y habituer, de voir que l’on continue d’expliquer à nos concitoyens, particulièrement dans les périodes électorales, que nous pourrions garantir l’emploi par la loi. Si le législateur peut tout, c’est qu’il a méconnu auparavant ses responsabilités juridiques et politiques ! Pour toutes ces raisons, je m’abstiendrai [...] ». Comme chacun peut le constater, le consensus n’est pas total.

Quoi qu’il en soit, notre groupe, je le répète, ne s’opposera pas à la proposition de loi, malgré le chantage gouvernemental visant à nous empêcher de déposer des amendements, ce qui est pourtant un droit parlementaire fondamental, au motif, a-t-on expliqué aux salariés, que si le texte était amendé, son examen serait repoussé au mois de septembre. C’est du chantage !

M. Philippe Bas. Non, c’est la vérité !

M. Thierry Foucaud. Ces remarques étant faites, je vais à présent donner notre point de vue sur ce texte et indiquer quelle autre direction nous aurions pu prendre.

Il aura donc fallu quelques visites d’entreprises en difficulté et une couverture médiatique minimale ou, pour le moins, réduite aux faits et gestes de quelques candidats à l’élection présidentielle, pour que l’on se souvienne, d’un seul coup, que la France est d’abord, et avant tout, celle qui travaille, qui produit les richesses et qui, parfois, désespère de garder son emploi ou de voir ses enfants en trouver un.

Pour des raisons politiciennes qui n’échapperont à personne, une proposition de loi a été déposée par cinq députés de l’UMP de Seine-Maritime, le 22 février dernier, et nous sommes, ce 1er mars – soit huit jours après le dépôt du texte ! –, pratiquement mis en demeure de l’adopter conforme, afin qu’il soit appliqué le plus rapidement possible. La preuve est donc faite que « quand on veut, on peut ». Ce vieux proverbe populaire prend soudain tout son relief, mais aussi toute sa saveur !

À la vérité, cette apparente précipitation dissimule assez mal les intentions réelles des véritables auteurs de la proposition de loi.

En tant que parlementaire de Seine-Maritime, je suis interpellé, depuis plusieurs années déjà, par les salariés de la raffinerie Petroplus, ex-Shell France, inquiets pour le devenir de l’activité de leur site.

Le temps me manque évidemment pour évoquer la situation de cette entreprise historique des bords de Seine et pour souligner dans quelles conditions la Shell s’était délestée – déjà ! – de cette unité de raffinage, comme elle s’était débarrassée de la raffinerie de Berre-l’Étang, actuellement gérée par le groupe LyondellBasell.

Voilà donc plusieurs années que les salariés du site m’informent de la situation de leur entreprise.

Le groupe suisse de raffinage Petroplus, douillettement installé dans le canton de Zoug, dont la « spécialité » est d’être le paradis des paradis fiscaux, est aujourd’hui au bord de la cessation de paiement.

Il aura donc fallu que je convoque une conférence de presse sur le site de l’entreprise, vendredi 17 février, afin de présenter une proposition de loi relative à notre politique industrielle, élaborée en concertation avec les salariés de l’entreprise, notamment l’intersyndicale, et relative, entre autres dispositions, au renforcement des droits des salariés dans le cadre des procédures collectives et de la gestion courante des entreprises industrielles importantes, pour que, dans le secret des cabinets ministériels, quelques plumes commencent à rédiger le texte de la proposition de loi dont nous débattons ce matin.

Sans surprise, les choses n’ont pas traîné ! Et comme il fallait aller vite, on a cru bon de tirer de leur torpeur cinq députés seinomarins qui n’avaient jamais déposé, ni même inspiré, la moindre proposition de loi depuis le début de la législature, afin qu’ils assument le « portage » du texte et que son examen puisse intervenir au plus tôt.

Il est évident que, pour le Gouvernement et le Président de la République, la situation appelait des réponses, même partielles, au plus haut niveau, ne serait-ce qu’en raison de l’illusoire croyance en l’adhésion de quelques travailleurs au discours électoral de campagne présidentielle.

Que le Président de la République se rassure : il n’est pour rien dans la décision de Shell de confier à l’unité de Petit-Couronne six mois de raffinage, puisque la chose était réglée avant.

M. Éric Besson, ministre. Avant quoi ?

M. Thierry Foucaud. Avant son passage à Petroplus !

M. Éric Besson, ministre. C’est le Gouvernement qui a réglé cette affaire !

M. Thierry Foucaud. J’ai été stupéfait d’entendre le Président de la République dire que c’était grâce à lui que le problème avait été résolu.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Comme il fait tout, on se demande à quoi sert le Gouvernement !

M. Thierry Foucaud. Le patron de Shell, pour sa part, a déclaré qu’il n’avait jamais été en contact avec lui. C’est la presse qui le dit, ce n’est pas moi !

Venons-en au contenu de la proposition de loi, dont le cadre est strictement délimité.

Sur le fond, ses auteurs se contentent, comme l’a bien expliqué le président de la commission des lois, qui est aussi rapporteur du texte, de renforcer quelque peu les pouvoirs du président du tribunal de commerce, invité à statuer sur des « mesures conservatoires », qui étaient prises jusqu’à présent dans le cadre de procédures conduisant à la liquidation judiciaire des entreprises et qui pourraient désormais être étendues aux procédures de redressement.

Une telle procédure a effectivement été ouverte dans le cas de Petroplus France, dès lors que le groupe suisse de tête s’est déclaré en cessation de paiement, faute d’avoir pu mobiliser – du moins le prétend-il ! – le tour de table financier dont il avait besoin pour acheter, sur le marché spot, le pétrole brut à raffiner.

Évidemment, il paraissait presque inconcevable au Gouvernement que le texte puisse aller beaucoup plus loin que ces dispositions. Or on aurait très bien pu prévoir, par exemple, d’accorder au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, la possibilité de saisir le président du tribunal de commerce afin qu’il exerce la faculté qui lui est ouverte dans le présent texte.

Il faudra bien un jour ou l’autre – le plus tôt sera le mieux ! – se demander pourquoi seuls l’administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire ou le ministère public sont habilités à saisir le président du tribunal de commerce pour mettre en œuvre les mesures conservatoires prévues par la loi. Les premiers concernés, me semble-t-il, sont tout de même les salariés !

Soyons clairs : le texte qui nous est soumis est d’une portée limitée, même si l’on peut supposer qu’elle sera immédiate et que le président du tribunal de commerce de Rouen prendra quelques dispositions pour s’assurer du maintien du stock de produits raffinés sur le site de Petroplus.

La proposition de loi ne permet pas de faire le tour de la question posée par le devenir de cette entreprise, ni de toutes celles qui ont souffert d’une gestion défaillante et fautive, mais elle est considérée par les salariés comme un point d’appui dans la poursuite de leur mouvement. Elle est aussi, en quelque sorte, une concession faite par l’actuel gouvernement – dont nous sommes nombreux à espérer, y compris au sein de l’entreprise Petroplus, le remplacement dans les meilleurs délais – face à la force d’un mouvement qui a suscité une large sympathie de la population, l’engagement des élus locaux et un soutien dépassant largement les limites de la Seine-Maritime.

Les salariés de Petroplus, comme ceux de Photowatt, de Lejaby et d’autres entreprises, posent directement la question cruciale de l’emploi, singulièrement de l’emploi industriel, dans notre pays. Reste que je ne m’étendrai pas maintenant sur le secteur du raffinage, ni sur les importations de produits : j’en parlerai au moment de l’examen des articles.

Je ne peux qu’être heureux que ces questions occupent désormais le devant de la scène politique, loin devant les combinaisons et les calculs politiciens des uns et des autres.

Soyons-en sûrs : comme le disent à juste titre les salariés eux-mêmes, quel que soit le texte final de la proposition de loi, « nous ne lâcherons pas l’affaire » tant qu’une solution industrielle viable et pertinente n’aura pas été trouvée. Qu’ils sachent que nous serons à leurs côtés !

C’est précisément parce que nous sommes avec eux que nous ne nous opposerons pas à la proposition de loi, même si sa portée est limitée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Tropeano.

M. Robert Tropeano. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette fin de session parlementaire laisse à nos concitoyens l’étrange sensation que la majorité ne cesse de découvrir à quel point l’urgence sociale est criante dans notre pays.

Hier, le hasardeux projet de loi relatif à la majoration des droits à construire se voulait la réponse percutante du Président de la République à la crise du logement.

Aujourd’hui, cette proposition de loi nous est présentée comme la solution devant mettre un terme aux agissements scandaleux de certaines entreprises. Faut-il donc que la campagne électorale ouvre enfin les yeux du Gouvernement sur les désastres sociaux qui frappent jour après jour nos concitoyens…

La désindustrialisation de notre pays est une réalité et ses conséquences sont particulièrement dramatiques pour nos compatriotes les plus modestes. Non seulement les politiques appliquées depuis près de dix ans ont été inefficaces à l’enrayer, mais on pourrait même dire qu’elles ont été contre-productives. À l’évidence, le dernier subterfuge que constitue la TVA sociale, censée lutter contre les délocalisations, sera le baroud d’honneur de ces choix erratiques.

Sur la forme, la majorité des membres de mon groupe, le RDSE, ne peuvent que s’étonner du calendrier de la discussion de cette proposition de loi, qui intervient quelques jours à peine avant la suspension de nos travaux. Certes, le problème traité est lié à une circonstance particulière : le redressement judiciaire de la raffinerie de Petit-Couronne, en Seine-Maritime, dans les conditions qui ont déjà été rappelées.

Pour autant, de tels agissements ne sont, hélas ! pas une nouveauté. Les cas des sociétés Sodimedical, Ethicon ou Viveo, sanctionnées en appel pour mise en faillite frauduleuse, font figure de tristes précédents. Encore faut-il souligner que la Cour de cassation se prononcera prochainement sur ces trois affaires différentes et que, dans la dernière d’entre elles, les conclusions de l’avocat général ne sont pas favorables aux salariés.

Mes chers collègues, nous savons que le cœur du problème est d’arriver à garantir la survie d’entreprises défaillantes et des emplois qui leur sont liés lorsque certains de leurs dirigeants détournent sciemment les actifs pour échapper à leur responsabilité. Or le rapporteur a rappelé que, sur cette question, le droit est encore très parcellaire.

Aujourd’hui, en effet, le juge ne peut pas mettre en œuvre le droit commun des procédures civiles d’exécution ; il peut décider de mesures conservatoires dans le cadre d’une action en comblement de passif contre les dirigeants de l’entreprise uniquement au stade de la liquidation judiciaire et non au moment de la sauvegarde ou du redressement. Pourtant, en toute logique, les mesures à même de permettre la préservation d’un maximum d’emplois devraient pouvoir être prises dans toutes les procédures, et ce le plus en amont possible.

De même, il est indispensable d’empêcher au plus tôt les manœuvres qui aboutiraient à déprécier de façon dolosive l’actif net d’une société ou d’un groupe.

Tel est le sens de la présente proposition de loi. Pour notre part, nous la voterons, afin d’apporter aux salariés aujourd’hui confrontés à ces problématiques une réponse rapide et adaptée. Reste que notre soutien à ce texte n’est pas naïf. Il est circonscrit à une actualité brûlante, mais lourde de sens, sur l’avenir de l’emploi dans notre pays si toutes les choses restent en l’état. Rappelons que, pour la Cour de cassation, il n’appartient au juge ni de vérifier ou d’apprécier les motifs économiques invoqués par un employeur ni d’opérer le choix économique qui revient à ce dernier.

Pour la majorité des membres du RDSE, il est urgent d’élargir le débat à deux questions : le droit des représentants du personnel à prendre davantage part aux choix de gestion et la situation des entreprises réduisant leurs activités bien qu’elles soient bénéficiaires.

Nous estimons que le tribunal de commerce devrait pouvoir non seulement se prononcer sur les offres de reprise, mais aussi sur une obligation de cession afin de préserver l’emploi. Un tel dispositif permettrait en outre d’inciter les entreprises à investir pour développer leur appareil productif.

Alors que nos collègues députés ont débattu dans cet esprit, nous regrettons que l’urgence sociale n’ait pas constitué un argument suffisant aux yeux du Gouvernement. Aussi la présente proposition de loi reste-t-elle finalement centrée sur la seule question des mesures conservatoires.

Le groupe du RDSE votera ce texte avec responsabilité, afin qu’il entre en vigueur dans les meilleurs délais. Mais nous attendons surtout que soient enfin opérés des choix politiques volontaires et volontaristes pour maintenir l’emploi industriel dans notre pays ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention ne portera pas sur les mêmes points que celle de Marc Massion, qui va suivre. Pour part, je veux faire le lien entre la situation des salariés de Petroplus et celle des salariés d’ArcelorMittal à Florange, en Moselle. D’ailleurs, mes chers collègues, je suis sûr que vous pourriez tous citer dans vos départements de nombreux cas où notre potentiel industriel est mis à mal.

La proposition de loi qui nous arrive de l’Assemblée nationale vise à doter notre pays d’outils législatifs nécessaires. Les députés socialistes ont d’ailleurs souhaité les compléter pour tenir compte du cas où un groupe industriel rentable veut abandonner un site tout en refusant de voir un concurrent reprendre la production sur place. L’adoption des amendements qu’ils ont défendus aurait permis l’intervention du tribunal de commerce.

Le Gouvernement et sa majorité ont rejeté ces propositions, répétant comme une litanie qu’ils se battaient pour l’emploi et la reprise de l’activité à Florange par ArcelorMittal. Qui pourrait dire qu’il ne souhaite pas la poursuite de l’activité sidérurgique d’ArcelorMittal en Lorraine ?

Pourtant, vous le savez bien, il y a longtemps qu’ArcelorMittal se comporte non plus en industriel, mais en financier à la recherche de toujours plus de profit. D’ailleurs, il vient de dégager un bénéfice de plus de 2 milliards d’euros.

Comme vous l’aviez fait pour Gandrange voilà quelques années, vous nous expliquez que tous les signes sont favorables à une reprise de l’activité des hauts fourneaux de Florange. Vous évoquez les investissements de maintenance réalisés, et je ne sais quoi encore. Or Gandrange a fermé, comme ont fermé les hauts fourneaux de Liège, après deux années d’une fermeture prétendument temporaire, comme ont fermé les hauts fourneaux de Madrid et comme fermeront en mars ceux de Schifflange au Luxembourg.

M. Sarkozy est un homme de coups médiatiques.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Vous parlez du Président de la République !

M. Jean-Marc Todeschini. Je parle du candidat.

Sa déclaration de ce matin en est une nouvelle preuve. Conscient que la sidérurgie lorraine restera le symbole de l’échec de sa politique industrielle, il a annoncé, sur France Inter, 17 millions d’euros d’investissements pour Florange. Mais ces fonds correspondent à ce qui a déjà été prévu et ne concernent que des parties non menacées du site !

Sur cette somme, seuls 2 millions d’euros concernent réellement les hauts fourneaux. Encore ne s’agit-il pas d’investissements nouveaux, mais simplement d’une maintenance que les salariés, en octobre, ont exigée et obtenue auprès du préfet pour conditionner les accords de chômage partiel.

Quant aux 15 millions d’euros nouveaux, permettez-nous d’être perplexes et sceptiques. En effet, 7 millions d’euros concernent le gazomètre de la cokerie. Or ces travaux ne garantissent en rien la reprise de la filière liquide, car le coke peut être envoyé sur n’importe quel site. D’ailleurs, alors que les hauts fourneaux sont actuellement à l’arrêt, la cokerie de Florange fonctionne toujours.

Les autres 8 millions d’euros concernent des produits nouveaux dans la filière froide. Là aussi, il s’agit d’une entité totalement séparée des hauts fourneaux, actuellement alimentée par un acier venu de Dunkerque. En outre, ces sommes étaient elles aussi prévues depuis plusieurs mois pour le projet Usibor.

M. Éric Besson, ministre. Selon vous, ils investissent pour fermer ?

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, je ne vous interromprai pas lorsque vous parlerez.

Quant à la promesse de redémarrer les hauts fourneaux au second semestre, elle n’a aucune valeur d’engagement. Je rappelle qu’ArcelorMittal a fermé les hauts fourneaux de Liège quarante-huit heures après avoir pris l’engagement écrit de recruter et d’investir sur le site. Osez dire que ce n’est pas vrai, monsieur le ministre !

Vous nous aviez déjà joué le même cinéma pour Gandrange.

M. Philippe Bas. Ne soyez pas grossier ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Éliane Assassi. Nous ne sommes pas grossiers, nous posons des questions !

M. Martial Bourquin. De vraies questions !

Mme la présidente. Mes chers collègues, veuillez laisser M. Todeschini s’exprimer.

M. Jean-Marc Todeschini. Si vous trouvez cette expression grossière, monsieur Bas, je la retire. Disons que vous avez déjà utilisé ces arguments… Cela vous convient-il ?

M. Philippe Bas. C’est mieux !

M. Jean-Marc Todeschini. Il n’en reste pas moins que vos arguments sont toujours les mêmes.

Pour parer au risque de fermeture, les députés socialistes ont déposé des amendements qui allaient dans le bon sens, pour le site d’ArcelorMittal comme pour d’autres sur notre territoire.

Votre réponse a simplement consisté à prétendre qu’il s’agissait d’un coup politique, à la suite du déplacement de François Hollande sur le site de Florange. Eh bien non ! Les salariés et les élus, même s’ils espèrent la poursuite de l’exploitation du site par ArcelorMittal, ne veulent pas revivre ce qui s’est passé à Gandrange. Ils souhaitent défendre l’outil industriel, les emplois industriels et la sidérurgie en Lorraine. C’est pourquoi ils nous ont demandé de proposer l’adoption d’un dispositif permettant la poursuite de l’activité avec un autre repreneur.

Je le répète, vous avez qualifié cette initiative de coup politique, de proposition absurde, et de je ne sais quoi encore. Mais à qui ferez-vous croire que votre texte n’est pas une commande politique à quelques jours d’une élection capitale ? Pourquoi n’a-t-il pas remédié à de telles situations auparavant, celui qui veut aujourd’hui être le candidat du peuple alors qu’il a été pendant cinq ans le Président des riches ? (M. le garde des sceaux soupire.)

Pour notre part, nous prenons nos responsabilités. Nous aurions pu reprendre les amendements des députés socialistes, avec une chance de les voir adoptés dans l’intérêt de l’emploi et celui de la France. Mais compte tenu de l’attitude du Gouvernement à l’Assemblée nationale et des déclarations du ministre du travail imputant aux socialistes l’échec éventuel d’un dispositif souhaité par les salariés de Petroplus, nous avons décidé de voter conforme la proposition de loi pour ne pas retarder son adoption.

M. René Garrec. Très bien !

M. Jean-Marc Todeschini. Nous regrettons que le Gouvernement se contente de caricaturer nos propositions et qu’il s’enferme dans un jeu politicien de pure tactique électorale en rejetant une initiative socialiste qu’il sait être pertinente. Celle-ci nous aurait permis de nous doter d’outils législatifs nécessaires pour maintenir dans certains cas des emplois industriels et pour peser sur la stratégie, industrielle mais surtout financière, de certains grands groupes rentables qui se moquent des logiques de territoire et de l’emploi.

Monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, c’est donc à vos successeurs qu’il appartiendra de compléter la législation en faisant adopter ces outils. Ceux-ci permettront à notre pays de mener une véritable politique industrielle ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Massion.

M. Marc Massion. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis vise à combler un vide juridique, dont le Gouvernement s’est accommodé jusqu’à ce jour. J’ose même dire qu’il l’a laissé persister.

En vertu du droit en vigueur, le code de commerce ne permet au juge de prononcer des mesures conservatoires que dans le cadre d’une liquidation judiciaire, c’est-à-dire au moment de la dissolution d’une entreprise. Avec le nouveau dispositif, de telles mesures pourront être décidées en amont, c’est-à-dire au moment de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire d’une entreprise. Espérons que cette intervention en amont permettra d’éviter que des dirigeants indélicats organisent leur insolvabilité ou dépouillent une entreprise de ses actifs, qui ont une valeur certaine.

On peut d’autant plus saluer cette disposition qu’elle s’inscrit à rebours de ce que tous les gouvernements ont fait depuis dix ans en matière de responsabilité des dirigeants, à savoir la limiter toujours un peu plus. À cet égard, je pense à l’ordonnance du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté,…

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Très juste !

M. Marc Massion. … qui a supprimé l’action en paiement des dettes sociales créée par le législateur trois ans plus tôt par la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Absolument !

M. Marc Massion. Cette dernière permettait pourtant d’intenter une action contre un dirigeant, notamment lorsqu’il avait « détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale. »

Je songe également à l’ordonnance du 9 décembre 2010 portant adaptation du droit des entreprises en difficulté et des procédures de traitement des situations de surendettement à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, qui a considérablement contraint le champ de l’action en insuffisance d’actif introduite également par la loi de 2005 en l’excluant des procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire et en réduisant le montant éventuellement dû par le dirigeant fautif à la seule insuffisance d’actif, à l’exclusion des autres dettes.

Avec le présent texte, souvent qualifié de « proposition de loi Petroplus », on a l’impression que le Gouvernement s’offre une session de rattrapage. Mais, bien entendu, la loi qui résultera de nos travaux ne concernera pas uniquement Petroplus. Elle devrait permettre à d’autres entreprises malheureusement en difficulté, notamment à leurs salariés, de préserver leur avenir.

Sénateur de Seine-Maritime, j’interviens en cet instant en tant qu’élu local, et même très local, puisque ma commune Grand-Quevilly jouxte Petit-Couronne. J’associe d’ailleurs à mon intervention mon ami Alain Le Vern, qui est provisoirement empêché.

Je ne crois pas en l’intérêt spontané du Gouvernement à l’égard du devenir de cette raffinerie. Les faits sont là : ils montrent l’engrenage du désintérêt de la Shell, qui porte la première et lourde responsabilité de l’actuelle situation. Souvenons-nous : d’abord, fermeture du centre de recherche de cette société, puis vente à Petroplus, alors pratiquement inconnue. Hier soir, à l’Assemblée nationale, Laurent Fabius a rappelé qu’il avait interrogé Mme Lagarde, alors ministre de l’économie, au moment de la cession. Celle-ci s’était alors portée garante de la fiabilité et du sérieux de cette entreprise. Or, trois ans après, nous voyons le résultat !

À l’automne 2011, l’annonce de 120 suppressions d’emplois a conduit les salariés concernés à s’interroger. Au mois de décembre suivant, Petroplus déclarait qu’elle n’avait plus suffisamment de liquidités pour acheter du brut. Le 24 janvier, elle a été mise en redressement judiciaire, alors que peu de temps auparavant – peut-être quelques heures seulement – ses comptes avaient été totalement vidés.

Les syndicats sont alertés depuis longtemps, plus particulièrement depuis l’annonce des 120 suppressions d’emplois, et le mouvement social monte en puissance. C’est seulement en raison de cette démarche volontaire, responsable que les pouvoirs publics se sont intéressés au devenir de l’entreprise et, par voie de conséquence, à l’emploi. N’oublions pas non plus que l’élection présidentielle approche…

Il était urgent d’agir. Le présent texte est donc destiné à mettre hors d’atteinte des prédateurs les stocks existants, lesquels s’élèvent, dit-on, à 200 millions d'euros, et à préserver les intérêts des salariés. Je dis bien les intérêts et non les droits, car, à la suite de la lecture du compte rendu des débats à l’Assemblée nationale, je suis obligé de vous demander de lever la confusion qui existe entre les propos de Mme la rapporteur et les vôtres, monsieur le ministre.

Ce matin, vous nous avez bien indiqué, si je ne me trompe, que les obligations sociales visées par l’amendement présenté par Mme Guégot comprennent les droits acquis des salariés. Pouvez-vous nous le confirmer ? Il vous suffit de répondre à mon interrogation par « oui » ou par « non », à l’instar des citoyens lorsqu’ils sont consultés par référendum, dont il est beaucoup question actuellement…

M. Roland Courteau. C’est clair !

M. Marc Massion. Vous nous devez la vérité !

Il est aussi urgent d’assurer le redémarrage de la raffinerie. Les conditions de celui-ci ont d’ailleurs été présentées par un représentant de l’intersyndicale lors d’un grand rassemblement devant l’entreprise le 20 janvier dernier.

Lors de la visite à Petit-Couronne du Président de la République – mais peut-être était-ce le candidat à l’élection présidentielle –, beaucoup ont pensé qu’il venait non pas pour confirmer ce que tout le monde savait déjà, mais pour annoncer le nom d’un repreneur. En réalité, il a simplement parlé des 50 millions d'euros nécessaires à la réalisation des travaux permettant le redémarrage, et il a insisté sur la participation de Shell en déclarant aux salariés : Shell met 20 millions d'euros sur la table, et ça donne du boulot pour six mois ! Il ne s’agissait donc que d’une visite médiatique.