M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Gaudin. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l’UCR.)

M. Jean-Claude Gaudin. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nos concitoyens ont choisi un nouveau Président de la République et une nouvelle majorité.

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est bien vrai !

M. Jean-Claude Gaudin. Ce choix démocratique s’impose à tous et détermine le rôle de chacun.

À nous, l’UMP et le centre, l’opposition républicaine.

À vous, la responsabilité du gouvernement de la France, toute la responsabilité, parce que vous avez toutes les clés : la Présidence de la République, le Gouvernement, l’Assemblée nationale et le Sénat.

M. Jean-Louis Carrère. Sauf Marseille !

M. Jean-Claude Gaudin. Sans parler d’autres pouvoirs qui sont autant de leviers d’influence majeurs. Il n’y a guère que la majorité constitutionnelle qualifiée des trois cinquièmes dont vous ne disposiez pas, mais vous avez encore mieux : le référendum ! Nous espérons que vous vous en servirez. (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Nous avons écouté le candidat socialiste pendant la campagne électorale et « tout ce qu’il avait oublié de nous dire ». Et, hier, nous avons écouté votre déclaration de politique générale, monsieur le Premier ministre. Nous regrettons de vous dire que nous en sommes toujours réduits au doute, à l’interrogation et à l’inquiétude pour les cinq années à venir.

Mais il y a aussi des certitudes. La première est que l’importance de vos pouvoirs est à la mesure des attentes et des espérances. Toute victoire électorale oblige. Mais votre victoire complète vous oblige complètement ! Les Français veulent le redressement de la France dans un monde recomposé et compétitif.

M. Roland Courteau. Ils l’auront !

M. Jean-Claude Gaudin. Ils veulent la sécurité face au risque, face à tous les risques, ceux de la délinquance, mais aussi ceux des atteintes à l’environnement et à l’avenir. Ces attentes ne sont pas nouvelles, mais elles ont été renforcées par toutes vos promesses. D’autant que vous n’avez lésiné ni sur les critiques du Président et du gouvernement précédents…

M. Martial Bourquin. Elles étaient fondées !

M. Jean-Claude Gaudin. … ni sur les affirmations, voire les rodomontades quant à votre capacité de faire beaucoup mieux.

Mais aujourd’hui, votre première responsabilité, à partir de votre déclaration de politique générale, est de refermer le temps des élections. Cela signifie d’abord qu’il faut mettre un terme à ce « concours d’inélégances » vis-à-vis de l’ancien Président de la République (Applaudissements sur les travées de l'UMP.), concours qui a marqué les premiers temps du nouveau pouvoir. (M. David Assouline s’exclame.) Il sera beaucoup plus utile pour la France que le nouveau Président de la République, qui n’a pas reconnu à son prédécesseur d’autre qualité que celle de partir, témoigne rapidement, au service des Français, d’autres mérites que celui d’être arrivé.

M. Didier Boulaud. C’est une qualité !

M. Jean-Claude Gaudin. Et vous n’y parviendrez pas si votre premier souci est de défaire, par pure idéologie, ce que la précédente majorité a construit,…

M. Jean-Louis Carrère. Ça, c’est de l’idéologie !

M. Jean-Claude Gaudin. … ou de dire, comme l’a fait récemment M. le ministre de l’économie, que « l’UMP n’a rien foutu », et de continuer à réciter par cœur les strophes du programme électoral socialiste.

M. Jean-Louis Carrère. C’est du mauvais Pagnol !

M. Jean-Claude Gaudin. Nous savons trop les règles du genre : une collection de promesses, un chapelet de poncifs, un feu d’artifice d’illusions, beaucoup d’annonces, des contresens ; mais aussi, désormais, des silences majeurs.

Dans votre déclaration de politique générale, vous n’avez pas échappé à la reprise de ces 60 propositions. C’est déjà beaucoup moins que les 110 propositions de 1981, mais, trente et un ans plus tard, j’ai un peu l’impression de me retrouver en face de Pierre Mauroy qui, à la tribune de l’Assemblée nationale, nous avait aussi annoncé qu’il allait « changer la vie ».

Monsieur le Premier ministre, personne ne souhaite que, dans deux ans, dans un an, voire plus tôt encore, vous veniez nous dire ici que vous êtes obligé de changer radicalement de politique, de refaire « le tournant de la rigueur ».

M. Didier Guillaume. Mitterrand a fait deux mandats !

M. Jean-Claude Gaudin. Cela étant, avec le recul, j’avoue que j’ai de l’estime pour Pierre Mauroy, avec qui vous avez en commun, je pense, nombre de qualités.

En 1983, s’il n’avait pas été un Premier ministre responsable, et sans Jacques Delors, la France serait sortie du système monétaire européen, et nous n’aurions pu mettre en place ni le marché unique ni l’euro.

M. David Assouline. C’est du passé !

M. Jean-Claude Gaudin. Aujourd’hui, si la France mène une politique à contresens de l’Europe, elle risque de sortir de l’euro. J’espère, monsieur le Premier ministre, que vous ne serez pas le chef d’un gouvernement qui nous placera dans cette situation.

M. Pierre Hérisson. Très bien !

M. Jean-Claude Gaudin. Monsieur le Premier ministre, je l’ai dit, votre victoire vous oblige. Votre obligation est de regarder les réalités en face et de les expliquer aux Français. La réalité, c’est la crise, une crise très grave qui vous contraint terriblement.

Face à cette crise française et européenne, une course de vitesse est engagée par notre pays contre le déclin et ses stigmates, les déficits, la dette, le chômage, les délocalisations, la récession, c'est-à-dire la spirale du déclin.

M. Roland Courteau. C’est l’héritage !

M. Jean-Claude Gaudin. La situation de la France et des Français ne peut désormais être ni appréhendée ni décidée à l’intérieur des frontières de notre « cher et vieux pays ».

M. François Rebsamen. À qui la faute ?

M. Jean-Claude Gaudin. La dimension hexagonale n’existe plus, comme en témoigne, depuis un mois et demi, l’agenda international du Président de la République. Il a en effet passé davantage de temps dans les sommets internationaux qu’à Paris,…

M. Didier Guillaume. Il a œuvré avec succès !

M. Jean-Claude Gaudin. … mais il ne viendrait à l’idée de personne de le lui reprocher.

M. David Assouline. C’est le Premier ministre qui gouverne !

M. Jean-Claude Gaudin. Ceux qui voudraient isoler la France, la conduire à se refermer sur elle-même, sur sa production, sa monnaie, ses droits de douane, ne feraient que l’enfoncer davantage.

Mais tel n’est pas votre cas, monsieur le Premier ministre. Nous partageons en commun la conscience du monde d’aujourd’hui, un monde qui doit être organisé, régulé, solidarisé.

La crise, vous avez largement fait l’impasse pendant la campagne électorale sur ce qu’il fallait en dire et surtout en déduire. (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.) Pourtant, vous connaissiez parfaitement la situation. Vous avez suffisamment d’experts amis dans les administrations, lesquels vous ont décrit depuis longtemps la gravité de la crise.

Je ne pense pas que l’on puisse appliquer au Premier ministre la formule que Pagnol – voilà pour vous, monsieur Carrère ! – a employée à propos de Marius et de Fanny : « Tout le monde était au courant. Mais M. Brun, lui, ne le savait pas. » Car il n’est pas lyonnais ! (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UCR.)

M. Marc Daunis. « Tu me fends le cœur ! » (Sourires.)

M. Jean-Claude Gaudin. Ne dites pas non plus que cette situation est pire que prévu. C’est exactement celle qui, depuis des mois et des mois, est décrite dans tous les rapports sur les comptes publics réalisés par la Cour des comptes, l’Inspection générale des finances, les commissions des finances du Parlement et la Commission européenne, sans compter, bien sûr, le nouvel audit publié hier par la Cour des comptes. Ce dernier a le grand mérite de confirmer que « les objectifs budgétaires de 2011 ont été atteints » et qu’il faudra « procéder à un freinage sans précédent des dépenses publiques ». Ce n’est pas nous qui le disons, c’est la Cour des comptes ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

M. Charles Revet. Bravo ! Il fallait le rappeler !

M. Jean-Claude Gaudin. Des rapports, monsieur le Premier ministre, vous en avez sur votre bureau jusqu’au plafond. Ils font tous le même diagnostic : l’endettement français doit être maîtrisé pour éviter la banqueroute ; l’économie française perd des emplois parce qu’elle est écrasée par les charges et les prélèvements publics.

En fait, ces réalités, vous les connaissiez, mais vous n’avez pas souhaité les dire aux Français. Vous avez préféré leur promettre des dépenses nouvelles, plutôt que des économies.

D’ailleurs, lorsque le gouvernement précédent a proposé d’instaurer la règle d’or, vous l’avez refusée. Pourtant, elle vous serait bien utile aujourd’hui pour éviter les débordements de vos alliés politiques et syndicaux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Lorsque le gouvernement précédent a fait voter par le Parlement l’abaissement des charges des entreprises gagé sur la « TVA compétitivité », vous l’avez également refusé. C’était pourtant bien ce qu’il fallait faire ! Les Allemands l’ont d’ailleurs fait pour rétablir la compétitivité de leurs entreprises. Or vous vous apprêtez à revenir sur cette mesure.

Au demeurant, dès la mise en place de votre gouvernement et avant même l’audit de la Cour des comptes, vous avez remis en cause la courageuse réforme des retraites adoptée par le Parlement. Vous l’avez modifiée par décret, ce qui est une grave erreur, pour ne pas dire une faute !

M. Yves Daudigny. C’est la sagesse !

M. Jean-Claude Gaudin. Mais, surtout, la réalité, c’est que la situation économique actuelle peut encore se dégrader davantage, et ce très vite sous l’effet de vos annonces et de vos décisions.

M. Jean-Louis Carrère. On dirait que vous le souhaitez !

M. Jean-Claude Gaudin. Il ne faudra alors surtout pas venir insulter le passé et dire que les plans sociaux de la rentrée sont la faute du gouvernement précédent.

M. David Assouline. C’est la vérité ! Non seulement on le dit, mais on l’affirme !

M. Jean-Claude Gaudin. Tout dépend maintenant de vous.

Il est vrai – personne ne l’a jamais nié – qu’il faut de la croissance, et personne ne ménagera ses efforts pour la favoriser. Le grand emprunt, les pôles de compétitivité, ainsi que de nombreuses réformes engagées par le gouvernement précédent, notamment l’autonomie des universités, participent de ce grand chantier destiné à créer une nouvelle croissance française.

D’ailleurs, la croissance figure clairement dans les conclusions du Conseil européen de mars 2011. L’accord positif conclu lors du dernier Conseil européen est, d’abord, l’aboutissement d’un long processus, entamé bien avant vous.

Toutefois, la croissance n’a que faire des exhortations inénarrables, telle cette déclaration, faite dès le lendemain de la victoire de François Hollande, par l’un de vos amis : « Le vent de la croissance commence à souffler sur les steppes de l’austérité. » (Rires sur les travées de l'UMP.) Un tel lyrisme n’étonne pas de la part de l’auteur d’un pamphlet célèbre sur la démondialisation, mais il faudra que votre ministre du redressement productif déploie d’autres talents pour faire revenir la croissance.

Il lui faudra ainsi instaurer la confiance. « Pas de confiance, pas de croissance », disent les économistes. Or on n’attrape pas la confiance avec du vinaigre, autrement dit avec des potions fiscales amères pour ceux qui entreprennent et investissent.

Il ne sera plus nécessaire de stigmatiser le gouvernement britannique, qui veut « dérouler le tapis rouge » aux entrepreneurs français,…

M. Jean-Louis Carrère. Ils n’aiment pas le rouge ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Gaudin. … si la France et son gouvernement savent mobiliser et retenir ceux-ci afin qu’ils investissent en priorité dans leur pays, la France,…

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Jean-Claude Gaudin. … et qu’ils créent en priorité des emplois pour les Français.

M. David Assouline. Qu’avez-vous fait pendant dix ans ?

M. Jean-Claude Gaudin. Face aux réalités de la crise, il n’y a pas d’échappatoire ; il n’y a que des impératifs catégoriques : celui de la maîtrise des comptes publics, celui de la compétitivité et de la croissance, celui de la cohésion européenne pour la réussite de la France.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Tout l’inverse de ce que vous avez fait !

M. Jean-Claude Gaudin. Monsieur le Premier ministre, vous êtes au pied du mur. Votre victoire vous oblige, la crise vous contraint, mais votre programme vous condamne ! (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Tel qu’il est conçu, et tel que vous nous l’avez confirmé lors de votre déclaration de politique générale, avec ses dépenses publiques nouvelles sans réformes structurelles, dans la situation d’aujourd’hui et de demain, votre programme vous condamne à effectuer un revirement rapide, brutal et douloureux. Au total, ce seront encore les Français qui paieront l’addition, et ce dans des proportions bien plus importantes qu’en 1983. Pas seulement les riches et les classes moyennes, mais tous les Français !

Votre programme est un boulet que vous allez devoir traîner. La seule solution, votre seule chance, c’est de ne pas l’appliquer (Nouveaux rires et applaudissements sur les mêmes travées.), tout du moins les mesures les plus contraires à l’intérêt de la France. Voilà ce que vous serez obligé de faire dans quelques mois !

Le principe de réalité a d’ailleurs déjà commencé à descendre un peu sur vous, à l’instar d’un lundi de Pentecôte ! (Rires sur les travées de l'UMP.) Ainsi, vous ne parlez plus de certaines propositions comme le doublement du plafond du livret A ou une réforme de la fiscalité des carburants. Mais, surtout, vos lettres de cadrage budgétaire prévoient une réduction du nombre des fonctionnaires et des économies de gestion, ce que, du reste, nous ne vous reprocherons pas !

Nous vous le disons, il vous faut absolument choisir entre une politique de redressement et une politique de relâchement. Vous ne pouvez mener les deux à la fois. Or il y a encore trop de flou dans vos intentions et dans vos annonces, et, comme l’a dit Mme Aubry, « quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ». (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

M. Roland Courteau. C’est un peu facile !

M. Jean-Claude Gaudin. Il n’y aura pas de maîtrise de la dette publique sans économies importantes.

Il n’y aura pas d’économies sans réduction du nombre des fonctionnaires.

Il n’y aura pas de redressement de l’emploi sans diminution des charges des entreprises, donc des dépenses sociales.

Il n’y aura pas de solution dans une fuite en avant vers l’illusion d’une dette payée par d’autres pays.

Vous connaissez et appréciez suffisamment les Allemands pour savoir que l’appel de la Chancelière Angela Merkel à éviter « les solutions de facilité » et « la médiocrité comme recettes face à la crise » est le seul message de lucidité et de responsabilité qui vaille.

Depuis quelques semaines, l’attitude du Gouvernement à l’égard de l’Allemagne est difficilement acceptable (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), elle est surtout inefficace et injuste. (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.)

M. David Assouline. Et le patriotisme ?

M. Jean-Claude Gaudin. Nous restons persuadés que le couple franco-allemand doit continuer de bien s’entendre pour rester une force de progrès de l’Europe,…

M. Jean-Claude Gaudin. … comme il l’a toujours été depuis le général de Gaulle et Konrad Adenauer.

Le problème, votre problème, n’est pas seulement celui du ministre des finances, qui doit trouver 10 milliards d’euros pour boucler le budget de 2012 et 33 milliards d’euros, nous dit-on, pour financer celui de 2013.

Le « choc fiscal » que vous programmez va affaiblir le secteur productif, détruire des centaines de milliers d’emplois, atrophier un peu plus notre capacité à l’exportation,…

M. Jean-Louis Carrère. Et vous êtes des experts !

M. Jean-Claude Gaudin. … alors même que le déficit de notre commerce extérieur s’élève déjà à 70 milliards d’euros.

Dans ce contexte, il serait irresponsable de programmer des dépenses nouvelles.

M. Jean-Louis Carrère. Et les 600 milliards d’euros ?

M. Jean-Claude Gaudin. Le Président de la République a d’ailleurs lui-même déclaré devant le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, que « la croissance ne naîtra pas de dépenses publiques supplémentaires au moment où les États connaissent un endettement élevé ».

Monsieur le Premier ministre, il n’échappe à personne que vos dépenses nouvelles sont autant de « marqueurs idéologiques » destinés à certaines catégories d’électeurs.

M. Christian Bourquin. Vous ne manquez pas d’air !

M. David Assouline. Et les 600 milliards d’euros ?

M. Jean-Claude Gaudin. Laissez tomber ces marqueurs au nom de la raison d’État, notamment votre stupide taxation à 75 % des revenus élevés.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Elle concernera les riches !

M. Jean-Claude Gaudin. Cette mesure a déjà donné son meilleur bénéfice en réduisant le score du Front de gauche au premier tour de l’élection présidentielle !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et à combien s’élèvent vos cadeaux fiscaux ?

M. Jean-Claude Gaudin. Elle ne produira maintenant que des pertes, en faisant fuir les talents et les capitaux !

M. Didier Boulaud. Rendez-nous Johnny Hallyday !

M. Jean-Louis Carrère. Même Zidane a dit « oui » !

M. Jean-Claude Gaudin. L’idéologie marque aussi d’autres domaines évoqués lors de votre déclaration de politique générale : l’éducation, la sécurité, la justice, le vote des étrangers notamment. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. David Assouline. Écoutez M. Borloo !

M. Jean-Claude Gaudin. Certes, des réformes sont toujours à imaginer et des progrès à réaliser, mais à condition que les propositions nouvelles soient réalistes, qu’elles soient le fruit d’une réflexion et d’une discussion.

L’enjeu de l’emploi mérite mieux que l’annonce de la création de 150 000 emplois d’avenir. On ne fera pas deux fois aux collectivités territoriales le coup des emplois jeunes de M. Jospin ! (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.)

M. Jean-Claude Gaudin. L’enjeu de l’éducation mérite mieux que l’annonce faite un jour, puis aussitôt démentie le lendemain, du retour à la semaine de cinq jours. Si M. Peillon avait toujours été un élu local, il se serait posé un certain nombre de questions avant de faire une telle annonce et il nous les aurait posées !

Mme Christiane Demontès. Qu’a fait Xavier Darcos quand il était ministre de l’éducation nationale ?

M. Claude Bérit-Débat. Qu’avez-vous fait ?

M. Jean-Claude Gaudin. Beaucoup mieux que vous ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

L’enjeu de la sécurité et de la justice mérite mieux que les premières mesures annoncées, qui témoignent d’une vision naïve de la délinquance et d’un retour au laxisme,…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. N’importe quoi !

M. David Assouline. Vous êtes forts à Marseille !

M. Jean-Claude Gaudin. … avec la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, ceux qui savent le mieux faire fonctionner les kalachnikovs (Rires sur les travées de l'UMP.), et la suppression des peines planchers. Je ne parlerai même pas du « récépissé de contrôle d’identité », qu’on pourrait croire directement sorti de Pif Gadget (Nouveaux rires.), et dont votre ministre de l’intérieur se demande lui-même « comment ça pourrait fonctionner ».

Quant à l’enjeu de la cohésion sociale et de l’intégration, il serait desservi par votre projet d’accorder le droit de vote aux étrangers aux élections locales. Procédez par référendum, et vous ne serez pas déçu du résultat ! Vous risquez d’avoir deux gagnants, le populisme et le nationalisme, et un perdant, la France républicaine. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

Le Président de la République aime à se présenter comme un président normal,...

Un sénateur du groupe socialiste. Et populaire !

M. Jean-Claude Gaudin. ... avec un gouvernement normal. Conduisez donc une politique normale (Rires sur les travées de l’UMP.), avec une dette normale et une fiscalité normale. C’est ainsi que nous aurons une croissance normale, une économie normale et une Europe normale ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

Certes, comme vous l’avez dit, « l’œuvre qui est devant [vous] est immense, rien ne sera facile, rien ne [vous] sera donné », notamment parce qu’il vous faudra convaincre vos amis du Front de gauche et vos alliés écologistes. (Tout à fait ! sur certaines travées de l’UMP.)

À cet égard, monsieur le Premier ministre, nous regrettons que vous ayez eu recours hier à l’article 50-1 de la Constitution. Pour notre part, nous aurions préféré voter sur votre déclaration de politique générale. Notre vote à nous, vous le connaissez, il ne vous aurait pas surpris. En revanche, celui de la majorité sénatoriale, parce qu’il se joue à six voix près, aurait pu conduire à un résultat différent de celui que vous avez obtenu à l’Assemblée nationale. D’ailleurs, il ne manquera pas d’être différent à l’avenir, on vient de vous le dire ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Cela commence donc mal, monsieur le Premier ministre ! C’est pourquoi les sénatrices et les sénateurs du groupe UMP n’accorderont évidemment pas leur confiance au Gouvernement. (Les sénateurs de l’UMP se lèvent et applaudissent. –Les sénateurs de l’UCR applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.

M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres – permettes-moi de saluer tout particulièrement Cécile Duflot et Pascal Canfin –, mes chers collègues, comme nous tous, j’ai apprécié l’esprit convivial, la faconde et l’humour de Jean-Claude Gaudin.

Toutefois, même si, sur la forme, son discours était un peu amusant, j’avoue que je suis très fier et content que nous ayons enfin tourné la page de ce quinquennat de brutalité, d’injustice et de discrimination (Vives protestations sur les travées de l'UMP.), de ce quinquennat au cours duquel on a sans vergogne dressé les Français les uns contre les autres, de ce quinquennat qui s’est achevé ouvertement à l’extrême droite, par une campagne empoisonnée par la vindicte et la haine à l’égard des pauvres, des étrangers et des musulmans. Les leçons, cela suffit : ce sont plutôt des excuses que nous attendons ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste. –La plupart des sénateurs de l’UMP quittent l’hémicycle.)

Si nous sommes parvenus, mes chers collègues, à nous libérer de cette violence insoutenable, c’est notamment parce que la gauche et les écologistes ont choisi, avec responsabilité, d’unir leurs forces pour l’élection présidentielle et les élections législatives, comme nous l’avions déjà fait lors des élections sénatoriales l’an dernier, ce qui nous avait permis de faire basculer la majorité d’un Sénat jusque-là promis à un éternel conservatisme. C’est grâce à ce basculement que vous êtes devenu le premier président du Sénat de gauche de la VRépublique, monsieur Bel ; c’est une grande fierté pour nous. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

La situation financière de la France est problématique : la dette nous accable, sa charge nous obère. À cet égard, je tiens à saluer le discours de vérité du Président de la République. Pour nous, écologistes, qui sommes souvent accusés de catastrophisme, il est primordial de donner à nos concitoyens une vision lucide de l’avenir. Pendant sa campagne, François Hollande n’a pas cherché à dissimuler la réalité aux Français. (Protestations sur quelques travées de l'UMP.)

Lestés de cette dette héritée du passé, nous partageons avec vous, monsieur le Premier ministre, le poids de la responsabilité qui nous incombe face à la jeunesse de notre pays. C’est à notre majorité qu’il appartient désormais d’entreprendre les efforts nécessaires à l’assainissement de nos finances publiques.

Nous aurons l’occasion, lors de l’examen des projets de loi de finances, de discuter des modalités des mesures que vous proposez – augmentation des recettes fiscales et stabilisation des dépenses –, mais sachez d’ores et déjà que nous soutenons pleinement votre volonté, monsieur le Premier ministre, de réhabiliter l’assiette de l’impôt, actuellement grevée de niches, de rééquilibrer le rapport entre le travail et le capital et de réduire les inégalités de revenus. La transition écologique que nous appelons de nos vœux ne pourra se faire que dans une société équitable et apaisée, société à l’avènement de laquelle les mesures que vous proposez vont concourir.

Toutefois, en dépit de l’exigence de justice à laquelle s’astreint votre gouvernement, les efforts qui doivent être consentis pèseront sur nos concitoyens. Si, dans leur majorité, ils y sont sans doute prêts, il ne faudrait pas que, dans cinq ans, on vienne leur expliquer que leurs efforts ont été vains. Or vous avez affirmé hier, monsieur le Premier ministre, que rien ne serait possible sans le retour de la croissance. On touche là, chacun le sait, au cœur du paradigme écologiste, selon lequel la progressive raréfaction des ressources entraîne inéluctablement une augmentation des prix et un ralentissement de la croissance.

Il ne s’agit pas seulement d’une théorie : la croissance française, qui était en moyenne de 5,7 % par an dans les années soixante, n’était plus que de 3,7 % dans les années soixante-dix, de 2,4 % dans les années quatre-vingt, de 2 % dans les années quatre-vingt-dix et de 1,1 % dans les années deux mille. Dans la mesure où une part de cette croissance moribonde a en outre été artificiellement créée par la dette qui nous submerge aujourd’hui, il ne nous semble plus permis de croire – car il s’agit bien d’une croyance, monsieur le Premier ministre – au retour d’une croissance durable, au-delà des variations conjoncturelles.

M. Jean-François Husson. Apôtre de la décroissance !

M. Jean-Vincent Placé. Ainsi que l’avaient prédit en 1970 les scientifiques du Club de Rome, nous vivons en ce début de XXIe siècle les prémices des crises de rareté, avec une nette augmentation du prix des matières premières et de l’énergie – nous le voyons tous les jours –, tandis que la croissance s’évanouit inexorablement.

À cela s’ajoutent les conséquences de la course folle d’un système productiviste fondé sur la rentabilité : accéléré par la publicité et l’obsolescence programmée des objets, le cycle de consommation s’emballe jusqu’à l’absurde, causant des pollutions diverses, provoquant des crises sanitaires, malmenant la biodiversité et déréglant le climat. Il n’est donc plus possible, sauf à ne jamais sortir de ce cercle infernal, de fonder un modèle économique et social sur le seul retour hypothétique de la croissance, en se bornant à considérer les questions écologiques comme un luxe ou un supplément d’âme.

Prenons l’exemple de l’industrie automobile, si dramatiquement mise à mal ces derniers temps ; je pense en particulier aux salariés de PSA, qu’Aline Archimbaud soutient en lien avec le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg. Face à la détresse de ces centaines de salariés, dont l’État se soucie fort légitimement, il serait tentant de relancer le secteur par quelque subvention, comme une nouvelle prime à la casse.

Nous tenons toutefois à rappeler que 60 % du parc automobile français fonctionne au diesel, lequel vient d’être classé par l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, comme un cancérogène certain. Sans même évoquer les drames humains liés à la maladie, le coût de la prise en charge médicale des affections de longue durée suffirait à remettre en question, d’un strict point de vue économique, la pertinence globale de ce choix industriel.

En outre, le maintien ou le développement du parc automobile engendreraient des besoins en pétrole supplémentaires, alors même que cette énergie est non seulement dévastatrice pour le climat, mais également dépourvue d’avenir, car fossile. Ces nouveaux besoins justifieront de nouveaux forages pétroliers, comme on l’a récemment vu en Guyane, avec un très grand risque pour la biodiversité.

La transition écologique consisterait à favoriser la reconversion partielle et progressive de l’industrie automobile avant que son déclin ne soit imposé par les contraintes extérieures. Ainsi, à Vénissieux, un équipementier automobile s’est reconverti avec succès dans l’assemblage de panneaux photovoltaïques. Des emplois seraient ainsi pérennisés tandis que la réduction du parc automobile améliorerait la situation sanitaire. Cela permettrait également de réduire les extractions de pétrole préjudiciables tant à la biodiversité qu’au climat et de favoriser l’évolution vers une société de l’après-pétrole.

On voit bien que même la question de l’emploi ne peut suffire à elle seule à appréhender les choix politiques qui s’offrent à nous : les dimensions écologique, économique et sociale sont inextricablement liées. C’est pourquoi les écologistes seraient particulièrement favorables, monsieur le Premier ministre, à ce que, sur le modèle de ce qui se passe au conseil économique, social et environnemental, les associations environnementales que vous avez conviées à une grande conférence en septembre puissent également être associées dès ce mois de juillet au sommet social.

Sur ce sujet majeur qu’est la transition écologique, nous avons, monsieur le Premier ministre, des cultures et des sensibilités différentes.