Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, Joël Labbé a déjà développé ce matin le point de vue des écologistes sur la politique commune de la pêche. Je ne reviendrai pas sur ses propos, auxquels je souscris tout à fait. Néanmoins, en tant que membre de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, c’est sur la situation spécifique des territoires ultramarins que je souhaite m’exprimer.

Nous le savons, la pêche constitue un enjeu économique et social vital pour ces territoires. La Martinique est le premier département de France en matière de pêche artisanale, qui constitue 100 % du secteur et représente environ 3 000 emplois. En Guyane, la pêche est le troisième secteur productif. En Guadeloupe, le chiffre d’affaires de la filière est proche de celui de la canne à sucre ou de la banane. Et ce ne sont là que quelques illustrations de cette réalité.

Étant donné le nombre de personnes qui dépendent directement de la pêche, pour en tirer leur nourriture ou des revenus, je comprends et même partage les souhaits de mes collègues ultra-marins de voir leurs territoires exonérés de certaines contraintes que la politique commune de la pêche fait peser sur leurs économies et qui sont parfois si mal adaptées aux réalités de ces mêmes territoires.

Cependant, il ne faut pas oublier combien sont totalement imbriquées, outre-mer comme ailleurs, les questions environnementales, économiques et sociales. En effet, si la ressource halieutique n’est pas garantie, l’économie et l’emploi dans ce secteur ne le seront pas non plus.

On le sait, si les régions et collectivités d’outre-mer représentent 80 % de la biodiversité française, ces territoires, pour l’essentiel insulaires, sont également plus fragiles que les autres et davantage exposés aux conséquences du changement climatique, aux risques naturels majeurs et aux effets des activités humaines.

La politique commune de la pêche peut nous paraître contraignante, et elle l’est d'ailleurs en partie. Toutefois, il faut en avoir conscience, elle l’est beaucoup moins que les menaces que fait peser à long terme l’épuisement des ressources halieutiques. Au moment où certains prétendent que ces dernières seraient en bien meilleur état outre-mer qu’en métropole, il nous semble important d’appeler à la vigilance, car les connaissances scientifiques actuelles, limitées, n’offrent malheureusement pas à ce jour une vision complète de l’état de la ressource. L’IFREMER, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, est le premier à le déplorer : certains stocks outre-mer ne sont pas du tout suivis scientifiquement ; il faudrait sans doute mobiliser à cet égard un certain nombre d’énergies.

Nous, écologistes, ne partageons donc pas l’optimisme « mécanique » de certains en ce qui concerne la ressource halieutique ultra-marine. Nous considérons donc qu’il faut viser un double objectif : d'une part, s’assurer de la durabilité de la ressource halieutique ; d'autre part, faire en sorte que ces activités de pêche profitent en priorité aux territoires et aux populations de l’outre-mer, dans le respect d’un développement local endogène bien compris.

L’Union européenne pourrait en fait subordonner le paiement de ses aides publiques au respect de normes environnementales et sociales.

Par exemple, il s'agirait, outre-mer, de rétablir les subventions à la construction de navires pour les artisans pêcheurs ou de mettre un terme aux restrictions décidées en la matière – d’autres l’ont souligné avant moi –, pourvu que les nouvelles flottilles ainsi créées permettent une réduction de la dépendance énergétique des unités de pêche et la généralisation d’engins et de techniques plus « soutenables » pour l’écosystème, c'est-à-dire qui respectent les fonds marins, les habitats et les espèces.

Il s’agirait également de favoriser l’apprentissage et l’usage des bonnes pratiques, d’encourager les professionnels qui pêchent de manière plus écologique et socialement responsable.

Il nous paraît aussi important de nous battre pour les aires marines protégées, car il est nécessaire de se doter de tels outils pour favoriser le rétablissement des ressources halieutiques.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Aline Archimbaud. Par ailleurs, il est primordial que les activités de pêche bénéficient aux communautés côtières. Cela implique, par exemple, de débarquer les prises locales sur les rivages des zones concernées, d’y baser les navires, leur équipage et leur approvisionnement ou d’y investir de façon volontariste dans les industries de transformation.

L’encouragement à la constitution ou au développement de coopératives locales permettrait également de s’assurer que les produits de la pêche bénéficient aux populations concernées.

Je souscris en outre à tous les propos tenus par mes collègues sur la nécessité de développer la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée.

Enfin, je ne peux me résoudre à terminer cette intervention sans rappeler le nombre préoccupant de pêcheurs victimes dans la Caraïbe de la catastrophe du chlordécone.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

Mme Aline Archimbaud. Ce point nous a été confirmé lors des auditions réalisées par la délégation. Les difficultés de ces pêcheurs sont très insuffisamment prises en compte.

Le chlordécone présent dans les terres parvient dans la mer par le ruissellement, ce qui emporte des conséquences extrêmement graves à la fois sur l’environnement, sur la santé des populations et sur l’activité économique des pêcheurs. Par exemple, on nous a indiqué que, en Martinique, 400 pêcheurs – un nombre de plus en plus important et préoccupant – étaient concernés par ce problème.

En conclusion, je considère, bien sûr, que mon collègue Serge Larcher, président de la délégation à l’outre-mer, a eu raison d’attirer l’attention sur la nécessité pour l’Union européenne de prendre en compte les réalités de la pêche des outre-mer français.

J’estime également qu’il faut garder ce point à l’esprit que la pêche durable ne doit pas simplement être conçue comme une contrainte. Il est possible de concilier l’objectif de durabilité et le développement des économies locales en adaptant les dispositions de la politique commune de la pêche pour en renforcer la cohérence outre-mer. La pêche artisanale et l’aquaculture constituent dans ces territoires un secteur économique essentiel qui, si nous sommes vigilants, a un avenir durable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Antiste.

M. Maurice Antiste. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à me réjouir de la tenue de ce débat sur la pêche, secteur d’une importance économique et sociale primordiale pour l’ensemble de nos départements d’outre-mer qui ont le statut de régions ultrapériphériques, ou RUP, au sein de l’Union européenne. Mayotte ne devrait plus tarder à les rejoindre.

Le président de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, mon cher collègue et ami Serge Larcher, a saisi le président du Sénat, Jean-Pierre Bel, pour qu’un débat soit organisé. Celui-ci, toujours attentif à nos outre-mer, s’est fait le fidèle et efficace interprète de cette demande auprès du Gouvernement, qui, soucieux de respecter son engagement de valoriser l’expression de la représentation nationale, a accepté d’accueillir cette initiative sénatoriale dans le cadre de cette session extraordinaire. Voilà qui, me semble-t-il, constitue une première !

L’importance du sujet justifie pleinement l’organisation d’un tel débat en amont des procédures bruxelloises : le calendrier annoncé à ce jour pour la réforme de la politique commune de la pêche, la PCP, prévoit l’examen par le Parlement européen d’un texte en première lecture à l’automne prochain. Vous ne me contredirez pas sur ce point, monsieur le président de la délégation à l’outre-mer : cela nous permettra dès la rentrée d’aller à la rencontre des instances européennes afin de leur présenter notre résolution sur la prise en compte par l’Union européenne des réalités de la pêche de nos outre-mer.

Rappelons aussi que, bien que notre délégation ne dispose pas d’un pouvoir d’initiative propre, le 31 mai dernier, dans un bel élan d’enthousiasme et au terme d’une série d’auditions qui nous a largement mobilisés, la résolution précitée a fait l’objet d’une approbation unanime lors de sa présentation. Permettez-moi de remercier en cet instant le co-rapporteur désigné par notre délégation, Charles Revet, qui nous a fait profiter de sa connaissance approfondie du secteur de la pêche et avec lequel j’ai eu grand plaisir à travailler : je crois que nous avons formé un duo harmonieux ! (Sourires.)

Notre proposition de résolution, après avoir été adoptée sans modification par la commission des affaires européennes et par la commission des affaires économiques, est devenue tacitement résolution du Sénat le 3 juillet dernier.

Le débat d’aujourd’hui permet de pointer des constats et des paradoxes, voire des contradictions préjudiciables à la pêche ultramarine, que nous tenons à dénoncer.

Tout d’abord, un certain nombre de constats justifient un traitement européen spécifique de la pêche dans nos outre-mer.

Pour commencer, je rappellerai le leitmotiv selon lequel, grâce à ses outre-mer, départements d’outre-mer et collectivités d’outre-mer confondus, la France dispose de la deuxième surface maritime mondiale.

Les DOM français sont considérablement plus éloignés du marché européen et géographiquement plus dispersés que les RUP espagnoles – les Canaries – et portugaises – les Açores et Madère –, ce qui pose une difficulté accrue d’accessibilité à ce marché.

La pêche ultramarine représente une part importante de la pêche nationale : près de 35 % de la flotte artisanale française et 20 % des effectifs de marins pêcheurs.

À l’exception de la pêche hauturière australe, la précieuse pêche à la légine, et de la pêche palangrière dans l’océan Indien, la pêche dans les DOM, essentiellement de nature côtière, est réalisée avec des embarcations de petite taille : elle occasionne très peu de rejets. L’utilisation de dispositifs de concentration de poissons – les DCP – ancrés collectifs contribue même à la régénération des espèces non pélagiques.

À la différence des eaux européennes proches du continent, les eaux ultramarines regorgent de ressources halieutiques : aucune espèce n’y est placée sous quota, à l’exception de la crevette guyanaise pour laquelle le quota autorisé n’est pas atteint. Dans une communication de 2008, la Commission européenne a elle-même reconnu que les ressources halieutiques des RUP étaient riches et relativement préservées.

En raison de son caractère essentiellement vivrier, la pêche dans les DOM joue un rôle économique et social vital : quelle famille n’a pas son pêcheur ? La pêche est donc à la fois un secteur d’activité traditionnel, porteur de sens et de lien social au-delà de sa fonction strictement économique, et un secteur à fort potentiel de développement, y compris dans le domaine de l’aquaculture.

Encore faut-il lever un certain nombre de contraintes et de paradoxes qui entravent ce développement. Or l’Europe ne s’ouvre que très lentement à la reconnaissance des spécificités ultramarines. Rappelons que le Livre vert de 2009 ignorait les RUP ! Ainsi, les règles européennes adoptées en matière de pêche soit ne trouvent pas à s’appliquer aux RUP françaises – application dès 2015 du rendement maximal durable, interdiction totale des rejets et système de concessions de pêche transférables –, soit – qui pis est – entrent en contradiction avec les réalités ultramarines et sont préjudiciables au développement d’un secteur clé pour nos collectivités.

La situation est d’autant plus cruciale à l’heure où la crise frappe nos outre-mer de plein fouet, ce qui a suscité l’initiative de la délégation sénatoriale à l’outre-mer. Sa proposition de résolution, devenue résolution du Sénat, formule les préconisations suivantes.

Tout d’abord, les règlements relatifs tant à la politique commune de la pêche qu’au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, le FEAMP, doivent prévoir des dispositions spécifiques aux RUP sur le fondement de l’article 349 du traité de Lisbonne qui reste très insuffisamment invoqué, comme l’a lui-même reconnu le Parlement européen dans une résolution du 18 avril dernier. Ainsi faudrait-il rétablir la possibilité d’octroyer des aides à la construction de navires dans les RUP, car les embarcations y sont anciennes et vétustes, maintenir les aides aux investissements à bord et autoriser certaines subventions au fonctionnement, pour financer par exemple les DCP ancrés collectifs au profit d’une pêche sélective et durable.

Il faut également obtenir le maintien de deux dispositifs existants : le taux d’intensité d’aides majoré et le régime de compensation des surcoûts, ou dispositif POSEI pêche, dont nous demandons l’extension du bénéfice aux Antilles.

Par ailleurs, nous réclamons la création d’un comité consultatif régional spécifique aux RUP. Les acteurs ultramarins du secteur de la pêche disposeraient ainsi d’un lieu d’expression pour faire valoir leurs spécificités auprès de l’Union européenne.

Nous souhaitons aussi une meilleure articulation entre la politique commerciale de l’Union européenne et ses politiques sectorielles, notamment la PCP : les accords de partenariat économique, ou APE, conclus par l’Union européenne avec les pays voisins des DOM, loin de favoriser l’insertion régionale de ces derniers, sont dévastateurs pour leurs économies soumises à des contraintes normatives et à des coûts de production sans commune mesure. Il faut donc au minimum exiger une évaluation systématique et préventive des effets des accords commerciaux sur les RUP.

Nous demandons enfin que la problématique de la pêche illégale, fléau qui, dans certaines zones, provoque le pillage de nos ressources, soit prise en compte dans la négociation des APE.

Toutes ces demandes, loin d’être exorbitantes, ne sont que la juste prise en considération de réalités trop longtemps ignorées de Bruxelles : l’acuité de la crise économique et sociale qui frappe nos DOM rend cruciale l’urgence de leur mise en œuvre ! Messieurs les ministres, nous espérons vivement que la résolution sénatoriale, expression de la représentation nationale, vous sera d’un précieux appui lors des négociations que nous savons âpres. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Christiane Kammermann applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.

M. Yannick Vaugrenard. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme cela a été rappelé ce matin, l’Union européenne possède le plus grand territoire maritime du monde. La pêche représente donc une possibilité de ressources, à la fois financières et alimentaires, qu’il ne faut surtout pas négliger.

L’Europe est actuellement le quatrième producteur de pêche et d’aquaculture : plus de 6 millions de tonnes de poissons sont pêchés chaque année. En outre, sa flotte est constituée de plus de 80 000 navires.

Pourtant, 80 % des produits de la mer consommés par les citoyens européens sont importés. Je suis persuadé qu’une meilleure information du consommateur sur cette question permettrait de faire diminuer nettement cette importation. À cet égard, l’idée d’instituer un écolabel me semble judicieuse.

Pour la France, cette importation massive représente un déficit de sa balance commerciale qui a été multiplié par deux en trente ans, pour s’établir à 770 millions d’euros en 2011. La production annuelle diminue constamment. De ce fait, ces deux dernières années, notre pays a perdu près de 1 000 navires.

Ce constat nous amène à accueillir la réforme de la politique commune de la pêche – sa dernière révision date de 1992 – avec une grande attention, tant il est nécessaire de tenir compte des évolutions de ce secteur. Cependant, une vigilance particulière doit être portée sur trois points particuliers : les diagnostics, les concessions de pêche transférables et le volet social.

La majorité des mesures prises par la Commission européenne le sont sur la base de diagnostics. Or ceux-ci sont discutables. Estimés peu crédibles, ils sont souvent remis en cause.

L’ensemble des instruments de la politique commune proposés par la Commission européenne vise à protéger l’exploitation de la mer en réduisant la capacité de la flotte de pêche européenne. Mais ces politiques ne pourront pas véritablement s’appliquer tant que les études relatives à la surexploitation des ressources halieutiques seront contestées.

En matière de ressources, nous le savons, la situation est encore préoccupante pour certaines espèces. Toutefois, l’insuffisance des connaissances scientifiques dans ce domaine ne nous permet pas de disposer de points de référence permettant de dresser un réel constat. Ainsi, sur les 193 stocks suivis à l’échelon européen, moins de la moitié a fait l’objet d’un diagnostic avec des points de référence.

Par conséquent, il est indispensable que ces diagnostics donnent lieu à des évaluations contradictoires, qui doivent être effectuées en concertation avec les professionnels de la pêche afin de crédibiliser les recueils de données pour qu’ils deviennent incontestables.

Soyons convaincus que le dialogue et les évaluations partagées seront source de crédibilité et donc d’efficacité pour la préservation de la ressource halieutique. Tout le monde s’accorde sur ce point.

J’en viens aux concessions de pêche transférables. Sur ce sujet, la position de la France est claire : ces concessions ne sont pas acceptables !

Dès 2010, le Sénat a fait part de son opposition à ce type de projet dans une résolution européenne et sa position n’a pas varié depuis. Les concessions de pêche transférables ont le principal inconvénient de concentrer les droits de pêche, au détriment de la pêche artisanale, pourtant principal levier de l’emploi. Celle-ci représente plus de 80 % de la flottille en France et 83 % de la flotte européenne. Elle doit donc être préservée, voire renforcée.

Par ailleurs, les concessions de pêche transférables affaiblissent les organisations de producteurs en les remplaçant par le jeu du marché. Seul le marché régulerait alors un bien public, ce qui est absolument inacceptable !

Dans son avis sur la future politique commune des pêches en date du 31 janvier dernier, le Conseil économique, social et environnemental propose également de rejeter ce système de droits individuels transférables.

Par votre voix, monsieur le ministre, le Gouvernement écarte la proposition de la Commission européenne et souhaite donc laisser aux États la possibilité de rejeter la mise en place de concessions de pêche transférables, ce dont nous nous félicitons.

Par ailleurs, je me réjouis des propos que vous avez tenus ce matin, relevant à cette occasion votre participation assidue aux réunions du Conseil européen, ce dont je tiens à vous remercier, votre présence constituant un élément extrêmement positif. Je me plais à le souligner, car, lors des négociations sur les quotas de pêche relatifs à l’anchois notamment, la France avait péché, si je puis dire, en brillant par son absence, alors que l’Espagne avait été fort bien représentée par son ministre. Notons que, dans ce pays, la pêche occupe la même place que l’agriculture chez nous.

Pour finir, je souhaite remettre au centre des discussions un sujet particulièrement important, notamment dans la situation de crise que nous connaissons. Je veux parler du volet social de la réforme de la politique commune de la pêche.

Cette réforme est attendue depuis de nombreuses années. Elle est en gestation depuis la publication du Livre vert au mois d’avril 2009. Pourtant, le volet social en est quasiment absent. C’est une erreur qui doit être corrigée, notamment par une harmonisation européenne des conditions de travail des marins pêcheurs.

Comme le propose le Conseil économique, social et environnemental dans son avis du mois de janvier dernier, un socle de règles sociales minimales devrait être mis en place. Il faut réaliser une harmonisation par le haut des réglementations sociales, ce qui permettra une concurrence plus saine et, surtout, plus loyale entre les États membres.

Le développement du dialogue social et la mise en place de parcours de formation et de perfectionnement aux métiers de la pêche, avec des passerelles vers d’autres métiers, notamment lorsqu’existent de grosses difficultés de reconversion, doivent faire partie des priorités de la nouvelle politique commune de la pêche.

La sécurité des marins doit également être améliorée par la formation ainsi que par la modernisation non seulement des bateaux, mais aussi des équipements de débarquement.

Ce qui est vrai pour la pêche l’est dans de multiples domaines : l’Europe économique et financière ne peut se parfaire qu’accompagnée d’une meilleure Europe sociale, faite de dialogue et de respect mutuel. Tel est le vœu que nous formons pour l’avenir en général et pour celui de la pêche en particulier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, en ce qui concerne les outre-mer, la politique commune de la pêche souffre de deux maux.

En premier lieu, la PCP ne prend pas suffisamment en compte les réalités de la pêche ultramarine, le rapporteur et les orateurs qui m’ont précédé à cette tribune n’ont pas manqué de le souligner.

La Commission européenne méconnaît presque systématiquement les spécificités des RUP, les régions ultrapériphériques, et ce en dépit de l’article 349 du traité de Lisbonne.

Cette attitude est une constante : la Commission européenne prend régulièrement des résolutions qui sont animées par de bonnes intentions, mais qui demeurent des vœux pieux. La résolution du 18 avril 2012, qui prône « l’adoption de mesures spécifiques pour assurer aux RUP une intégration juste », risque de ne pas échapper à la règle !

En second lieu, quand des dispositifs spécifiques sont adoptés, ils le sont sans discernement.

J’avais fait remarquer dans cette même enceinte qu’il y avait non pas un, mais des outre-mer et demandé par amendement lors de l’examen de la LEODOM que l’on ne dise plus « l’outre-mer » mais « les outre-mer ». Cet amendement ayant été adopté, ce texte est devenu la loi d’orientation pour le développement économique « des » outre-mer.

C’est une réalité qui se vérifie à tous les niveaux et Serge Larcher, président de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, a parfaitement raison d’écrire dans son récent rapport que « en matière de pêche, il n’y a pas un mais des outre-mer » et que la pratique de la pêche n’est pas uniforme dans les DOM.

Certes, la pêche occupe une place prépondérante dans l’économie de tous les territoires outre-mer, et bon nombre de problématiques communes appellent certainement des solutions communes.

Je pense notamment aux questions relatives aux frais de transport, au coût du carburant, à l’interdiction des aides à la construction, au déficit des infrastructures portuaires, des structures de transformation et de commercialisation ou encore à la vétusté des embarcations, source de surcoûts d’exploitation.

Il n’en demeure pas moins que, si ces problématiques sont communes, il y a aussi des réalités différentes et des mesures appropriées doivent être prises pour chacun des outre-mer.

La Guyane – vous comprendrez que je parle de mon département – a, bien sûr, sa singularité. Elle se différencie notamment des autres DOM par sa continentalité. Or il n’est question dans le traité que d’insularité. Est-ce de la méconnaissance ou de l’ostracisme à l’égard de la Guyane ? (M. le ministre des outre-mer sourit.) Contrairement aux autres régions ultrapériphériques, elle a un important plateau continental.

La Guyane se distingue encore par la nationalité de ses équipages, composés majoritairement de ressortissants de pays tiers à l’Union européenne : 81 % des marins et 86 % des capitaines.

Son vaste domaine maritime, avec une façade de 350 kilomètres et une zone économique exclusive d’une superficie d’environ 130 000 kilomètres carrés, lui permet de disposer de ressources maritimes et halieutiques riches, mais aussi d’autres ressources dont l’exploitation pourrait contrarier le développement de la pêche.

Aussi l’accent doit-il obligatoirement être mis sur quelques points inhérents à la Guyane pour permettre à celle-ci d’assurer le développement de son secteur de la pêche, troisième secteur productif qui, avec 840 actifs en direct et 2 400 actifs en indirect, couvre totalement les besoins alimentaires des Guyanais en produits de la mer et exporte principalement aux Antilles.

Le premier de ces points est le financement.

La Guyane est la seule région littorale française à ne pas disposer de caisse régionale de Crédit maritime. De plus, le secteur étant considéré comme à haut risque par les banques commerciales, celles-ci ne participent pas au financement des investissements des entreprises de pêche, ce qui entraîne de nombreuses conséquences et rend notamment impossible la consommation des crédits du Fonds européen pour la pêche par les très petites entreprises, ce qui a eu un impact sur le programme opérationnel de 2007-2013.

Aussi est-il urgent de mobiliser les institutions financières européennes, la Banque européenne d’investissement et le Fonds européen d’investissement, et de prévoir des outils de financement adaptés à la filière pêche dans la future Banque publique d’investissement.

Il est également essentiel de maintenir les aides publiques – je pense particulièrement au FEAMP, le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, ainsi qu’au FEDER – pour le financement de projets de la première et deuxième transformation des produits de la mer, la réforme de la FEAMP faisant craindre des réductions défavorables aux régions d’outre-mer.

Un autre point essentiel est la protection de la ressource.

La Guyane est confrontée à un pillage récurrent de ses ressources halieutiques et ses marins sont agressés par l’intrusion de nombreux bateaux de pêche brésiliens et surinamiens qui violent les frontières maritimes. Il est grand temps que cesse cette menace sur la pérennité de nos ressources halieutiques.

Il est urgent, non seulement de renforcer les moyens matériels et humains de lutte contre la pêche illégale et la piraterie en mer, mais également d’obtenir des autorités brésilienne et surinamaise une mobilisation plus ferme. La situation est presque la même qu’en matière d’exploitation aurifère illégale. Les autorités de l’État ont été très souvent sollicitées et interpellées sur cette question centrale par les professionnels de la pêche, qui demandent l’application du traité de Lisbonne pour éviter toute violation des frontières.

Vous en avez parlé, monsieur le ministre, mais, à ce jour, on ne constate aucune véritable réaction. Faut-il attendre que, comme pour l’or, il y ait des morts pour que l’on mette en place des moyens adéquats ?

Le troisième point important est la nécessité de concilier les intérêts de la pêche et de l’exploitation minière.

La politique commune de la pêche doit ainsi permettre l’harmonisation entre les lois nationales et les directives européennes encadrant les activités de production de pétrole offshore, en veillant à l’application du principe pollueur-payeur.

La nécessité d’avoir une gouvernance est tout aussi fondamentale. En effet, la prise en compte des spécificités des RUP en matière de pêche passe aussi par la reconnaissance de leurs différents environnements régionaux et de leur appartenance à des bassins différents.

Ainsi, pour la Guyane, je m’associe pleinement aux propositions de la profession s’agissant de la subsidiarité de représentants en faveur des État et professionnels locaux dans les forums internationaux. Je pense également à la création d’un forum entre plateau des Guyanes – Guyane, Guyana et Suriname –, Brésil et Venezuela, à la reprise des négociations bilatérales avec les États de la Caraïbe ainsi qu’à la création d’un forum Caraïbe de concertation sur la gestion des ressources.

Pour conclure, j’insisterai encore une fois sur la nécessité que soient pleinement appliqués les articles 359 et 355, paragraphe 1, du TFUE, car c’est un préalable à toute négociation. Pour cela, à l’instar des États espagnol et portugais pour leurs RUP respectives, l’État français doit avoir la volonté d’imposer à la Commission européenne les mesures spécifiques « réellement nécessaires » pour ses RUP. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)