M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est un bon marin !

M. Vincent Delahaye. Mais j’espère vraiment que cela ne va pas durer cinq ans parce que cinq ans sans savoir où l’on va, ça risque d’être sacrément long ! J’attends de votre réponse, monsieur le ministre, quelques éclaircissements à ce sujet.

En effet, l’affirmation de tels principes est une nécessité impérieuse aujourd’hui. Il nous faut une garantie plus fiable des comptes de l’État. Les zones d’ombre sont encore trop nombreuses. Certains risques ne sont même pas couverts, ou du moins pas assez. La provision pour litige reste opaque ; cela s’explique, bien évidemment, mais nos engagements hors bilan mériteraient d’être mieux évalués à la lumière des risques souverain et bancaire qui existent aujourd'hui.

Nous ne savons pas à quelle hauteur le budget de l’État pourrait être engagé au titre de la couverture des garanties accordées. Il y a un moment où la confiance ne peut plus servir de monnaie symbolique ; le jour où le risque associé à nos garanties se réalisera, nous perdrons ce que Gilles Carrez, président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, a décrit comme notre plus précieux héritage : la confiance de nos investisseurs. Or les risques prolifèrent : nous sommes engagés pour plus de 12 milliards d’euros auprès de la Grèce, de l’Irlande, du Portugal et bientôt de l’Espagne et, pour presque 17 milliards, auprès de Dexia.

Pour conclure sur cette partie concernant la certification de nos comptes, je vous propose que nous nous donnions collectivement jusqu’en 2016 – soit, de manière symbolique, dix ans après la première certification – pour mettre au point un outil de certification fiable. Cet objectif, qui pourrait sembler lointain à certains, ne me paraît pas insensé : la France a eu raison de créer un outil de certification de ses comptes, comme l’on fait d’autres pays, les États-Unis par exemple. Cependant, il faut du temps pour qu’un tel outil soit pleinement opérationnel. Refuser de faire semblant, c’est dévoiler cette vérité : l’outil n’est pas encore au point. L’objectif que je propose inciterait l’administration à se montrer encore plus volontariste dans le suivi des recommandations de la Cour des comptes.

Face aux incertitudes financières et à une telle faiblesse de nos instruments comptables, nous nous retrouvons aujourd'hui pris dans la spirale infernale d’un déficit irréformable qui accroît indéfiniment une dette rendant nécessaire inlassablement de nouveaux impôts, au détriment de la bonne santé de notre économie. Nous traitons les symptômes et non la racine du mal, à savoir la décorrélation structurelle entre notre taux de dépenses publiques, supérieur à 54 % du PIB, et notre taux de prélèvements obligatoires, supérieur à 46 % du PIB. Il n’est pas envisageable, compte tenu de la nature de notre système fiscal et de la fragilité de notre économie, d’aligner ces deux taux. Personne n’oserait affirmer qu’un taux de prélèvements obligatoires de 46 % n’est pas déjà très élevé ; c’est donc qu’il faut réduire la dépense publique !

Je suis d'ailleurs certain que, au fond de vous-même, monsieur le ministre, vous avez envie de suivre la voie que trace le président de la Cour des comptes, que vous voulez suivre ses conseils afin d’être un grand ministre budget, celui qui aura su retrouver le chemin de l’équilibre.

M. Francis Delattre. Ce n’est pas ce qu’il a dit en commission !

M. Vincent Delahaye. Alors ne vous laissez pas prendre par vos prétendus amis, qui veulent nous faire croire qu’augmentation des dépenses publiques est toujours synonyme de progrès social, que les déficits et les dettes ne sont pas graves et que l’on pourra toujours faire payer demain ces investisseurs imprudents qui nous font confiance aujourd’hui... Ils vous engagent à prendre l’autoroute de l’Histoire à fond, mais à contresens !

Contrairement à eux, nous ne croyons pas que le progrès social découle de l’augmentation de la dépense publique. Nous pensons que le progrès social ne peut venir que du progrès économique, du dynamisme de nos entrepreneurs et investisseurs, de leur capacité à être créatifs et porteurs d’activités nouvelles. Il ne faut donc pas alourdir en permanence leur sac à dos ! L’augmentation ininterrompue des taxes et impôts qui pèsent sur eux constitue un véritable boulet qu’ils doivent traîner. Au début, à la sueur de leur front et grâce à leur énergie vitale, ils continueront à avancer. Mais plus lourde sera leur charge et moins vite ils avanceront... Et si l’augmentation des prélèvements confine au matraquage fiscal, ils peineront de plus en plus et finiront par s’arrêter et mourir.

Pour éviter cette issue tragique, Monsieur le ministre, vous devez absolument – même si la pression de vos « amis » est forte – refuser la voie de la facilité. Or les quelques annonces que l’on entend ici ou là vont malheureusement en sens inverse… On commence, ainsi que l’illustre notamment le cas des lignes TGV, à tailler allègrement dans les dépenses d’investissement, qui sont pourtant celles qui préparent l’avenir et font vivre beaucoup d’entreprises et de salariés français. On envisage de réduire sérieusement les budgets du ministère de la défense, au risque d’affaiblir fortement nos capacités d’intervention. On annonce une augmentation massive des impôts et taxes qui, contrairement à ce qui est dit, ne touchera pas exclusivement les gros patrimoines ; je pense en particulier à l’augmentation du forfait social pour l’intéressement et la participation, qui concerne 5 millions de salariés, et à la suppression des avantages sur les heures supplémentaires.

Il faut également mentionner la communication faite autour des soi-disant économies à réaliser, alors que ce sont des impôts nouveaux qui vont être mis en place ! Je crains d’ailleurs – mais j’espère que vous dissiperez mes craintes – que les réductions de dépenses annoncées ne concernent que principalement, voire exclusivement, les dépenses dites fiscales dans notre jargon technique, derrière lesquelles se cachent en réalité les fameuses niches fiscales. La suppression ou la réduction de ces niches se traduit en fait par des augmentations d’impôts, qui sont clairement ressenties comme telles par les citoyens contribuables : il conviendrait donc de ne pas taire leur nom.

M. le président. Vous avez dépassé votre temps de parole, cher collègue.

M. Vincent Delahaye. Je suis désolé ; je vais m’efforcer de conclure au plus vite.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, la voie de la facilité n’est pas celle que nous devons emprunter. Monsieur le ministre, je vous propose de suivre le chemin de la vertu. C’est vrai qu’il est difficile et que, à court terme, il est sans doute moins payant politiquement et électoralement, mais ne sombrez pas dans le court-termisme que vous dénoncez chez les investisseurs ; levez plutôt la tête du guidon pour voir loin. Poursuivez la politique de réduction des effectifs de la fonction publique, réduisez de façon sélective les dépenses publiques, favorisez l’investissement d’avenir et mobilisez l’épargne des Français au profit de notre économie !

Si vous choisissez cette voie de la vertu, monsieur le ministre, nous vous suivrons dans une démarche d’opposition constructive. En revanche, si vous optez pour la voie de la facilité, nous serons toujours contre vous. N’oubliez pas le proverbe bien connu : la vertu trouve toujours sa récompense ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion des lois de règlement est un exercice imposé. Il est l’occasion de constater si les positions prises lors de la discussion du projet de loi de finances initiale ont pu trouver quelques motifs de validation. Nous devons donc porter un jugement sur la manière dont les affaires publiques ont été conduites durant l’année 2011. J’observe toutefois que, lors de la séquence électorale de ce printemps, nos concitoyens ont déjà exprimé leur rejet des choix qui ont présidé à cette politique.

La loi de finances initiale pour 2011 a fait l’objet de quatre collectifs budgétaires différents, visant tous à l’adapter aux choix gouvernementaux et à la « conjoncture », comme on dit généralement.

Le premier collectif – la loi du 29 juillet 2011 – comportait comme principale mesure la réforme, pour ne pas dire la mise en extinction, de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, une nouvelle définition de son tarif ayant réduit la recette fiscale de près de 2 milliards d’euros ! Ce choix, comme plusieurs autres pendant le dernier quinquennat, a diminué la participation des plus riches au budget de l’État, alors même que celle des plus modestes allait s’aggraver ; nous le verrons lorsque j’aborderai le quatrième collectif budgétaire. Nous attendons donc avec intérêt que l’article 1er de la loi du 29 juillet 2011 soit purement et simplement rapporté afin que l’ISF retrouve toute son efficacité sociale et économique. Cette décision devrait intervenir la semaine prochaine ; nous y veillerons.

Comme la « disparition » budgétaire des coûteuses mesures du plan de relance en offrait l’opportunité, les mesures fiscales contenues dans ce collectif ont porté sur la seule fiscalité du patrimoine, accentuant un peu plus la hiérarchie des priorités du gouvernement de MM. Sarkozy et Fillon.

J’en viens au deuxième collectif – la loi du 19 septembre 2011 –, que nous avons dû examiner en accéléré. Ce texte a été rendu nécessaire par l’aggravation de la situation économique européenne et de la crise de l’euro. Il comprenait, entre autres mesures, le renforcement des moyens du Fonds européen de stabilité financière, avec pour conséquence un renforcement des garanties hors bilan accordées par l’État.

L’augmentation d’un certain nombre de prélèvements sociaux, notamment sur les revenus du patrimoine, ne faisait aucunement illusion. En effet, le collectif était assorti de 460 millions d’euros d’annulations de crédits frappant toutes les missions budgétaires, les seules ouvertures étant liées au service de la dette et aux remboursements et dégrèvements d’impôts. Ces réductions de dépenses ont touché toutes les actions publiques, mais elles ont plus particulièrement affecté celles que mènent les structures associatives auprès des populations les plus fragiles.

Le troisième collectif – la loi du 2 novembre 2011 – fut pour le Parlement l’occasion de constater que la crise financière et économique pouvait mettre en cause les acteurs même des marchés financiers responsables de cette crise. Le point principal du projet de loi était le plan de sauvetage du groupe Dexia, avec l’instauration d’une garantie partagée entre les gouvernements belge, français et luxembourgeois. Nous nous sommes alors interrogés sur les dispositions proposées, considérant que l’on devait reconstruire un outil public de financement des collectivités locales. Cela nous avait amenés à rejeter le plan proposé.

Aujourd'hui, la situation de Dexia demeure particulièrement préoccupante dans la mesure où la quasi-totalité des garanties prévues ont été appelées – même si elles ne sont pas encore mobilisées ; nous en restons au stade du cautionnement – et où le moyen de permettre à cet établissement de reprendre les activités qui constituaient son « cœur de métier », à savoir le financement des collectivités territoriales, n’a pas encore été trouvé.

Notons également que l’engagement de l’État n’a pas empêché le net ralentissement des efforts d’investissement des collectivités territoriales. Cette réduction a des conséquences évidentes. La faiblesse, pour ne pas dire l’inexistence de la croissance économique, trouve là l’une de ses causes. L’annonce de 6 000 suppressions d’emploi prévues cette année par la Fédération nationale des travaux publics est l’expression de ce ralentissement important, puisque la part des collectivités territoriales dans l’investissement public est passée de 75 % à 70 %. Si ces 6 000 suppressions d’emploi devaient effectivement se concrétiser, elles affecteraient tous nos territoires.

Enfin, nous avons eu droit au traditionnel collectif de fin d’année – la loi du 28 décembre 2011 –, qui fut profondément modifié par le Sénat. Cette loi de finances rectificative prévoyait notamment le relèvement du taux réduit de la TVA, qui concerne évidemment tous les consommateurs mais pèse davantage, comme on le sait, sur ceux qui ont des revenus modestes.

Ce quatrième collectif a également entériné le gel du barème de l’impôt sur le revenu, dont la conséquence principale a été l’accroissement du nombre de ses redevables. Cette mesure a concerné en particulier les redevables d’une cotisation limitée en montant direct mais qui, en raison même de ce faible niveau d’impôt, peuvent prétendre à des droits connexes. Les bénéficiaires des fameuses heures supplémentaires défiscalisées n’échapperont donc pas à ce processus, puisque ce sont eux qui ont les plus bas salaires : de 1 à 1,6 fois le SMIC. Après avoir acquitté une cotisation d’impôt sur le revenu, ils verront progresser leur contribution aux finances locales à travers un autre plafonnement de leur taxe d’habitation. En outre, certaines des aides au logement ou aides sociales dont ils bénéficiaient jusqu’alors seront réduites.

Cette question de l’adaptation des différents barèmes prévus par notre législation fiscale nous semble tout à fait cruciale, en particulier pour les plus modestes. Si ces foyers ne constituaient pas la priorité du précédent gouvernement, ce sont pourtant eux qui participent le plus, par leur consommation, à la dynamique économique. Rappelons-nous que les revenus salariaux représentent plus de 60 % de l’assiette de l’impôt sur le revenu, les pensions et retraites en représentant quant à elles entre 20 % et 25 %. En gelant le barème de l’impôt sur le revenu, le gouvernement de l’époque a donc accru la ponction fiscale sur ces éléments de revenu.

Aussi, quand j’entends certaines réactions d’anciens ministres sur les mesures préconisées en loi de finances rectificative par le Gouvernement, je pense qu’il est bon de raviver leur mémoire !

Pendant ce temps-là, les niches fiscales persistent ainsi que les régimes dérogatoires de traitement des revenus du capital et du patrimoine, voire les exonérations pures et simples. Quant à l’optimisation fiscale, elle demeure un outil à disposition de tous ceux qui ont autre chose que le seul fruit de leur travail pour vivre. C’est d’ailleurs ce que montre le travail réalisé par la commission d’enquête sénatoriale sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales.

C’est cette question qui est directement posée par le quatrième collectif de la fin d’année 2011, lequel se drapait d’autant plus dans les habits de l’équité qu’il s’apprêtait à frapper durement les revenus les plus modestes au fil du temps, sans doute bien plus durement que les autres revenus mis à contribution, car la situation était « exceptionnelle » et nécessitait des moyens du même acabit !

Il est probable que, sans le jugement souverain de l’électorat, l’exceptionnel aurait sans doute justifié son nom, tandis que le reste, frappant les plus modestes, serait devenu l’ordinaire.

Toujours est-il que toute démarche de revalorisation des barèmes et tarifs fiscaux doit, à notre avis, aller de pair avec une réflexion sur le bien-fondé de la mesure au regard des éléments d’assiette concernés et doit contribuer à plus de justice fiscale.

Par exemple, il nous semble que la dynamique de progression des revenus ayant assez peu à voir avec celle des patrimoines – si l’on en croit l’INSEE –, il n’est plus tout à fait légitime que les modalités de revalorisation des impositions concernant les revenus du travail et ceux du capital soient forcément identiques.

Pour autant, au terme d’une loi de finances initiale et de quatre collectifs budgétaires, la situation des comptes publics ne s’est pas véritablement améliorée, puisque le présent projet de loi de règlement établit le déficit budgétaire à 90,7 milliards d’euros contre 91,6 milliards d’euros prévus en loi de finances initiale.

Si le plafond de progression de la dette publique fixé par la loi de finances pour 2011 a été respecté, on ne peut manquer de souligner que les 88 milliards et quelques euros supplémentaires venus s’ajouter au stock déjà existant de dette montrent clairement les limites des choix opérés par le gouvernement d’alors.

Nous sommes dans une situation paradoxale : la France n’a jamais émis autant de titres de dette que lors du dernier quinquennat ; pourtant, le niveau des investissements publics n’a jamais été aussi faible.

La loi de finances initiale et la loi de règlement offrent pourtant l’occasion de faire quelques découvertes, rendant possible ce que nous constatons dans la réalité aujourd’hui.

Ainsi, le Gouvernement avait prévu d’amortir 48,8 milliards d’euros de titres de dette de long terme, 48 milliards d’euros de titres de moyen terme, 600 millions d’euros de dettes reprises par l’État, et de contenir à 91,6 milliards d’euros le déficit budgétaire.

Et qu’avons-nous au final ? Un amortissement plus faible que prévu des titres de moyen terme – 46,1 milliards d’euros au lieu de 48 milliards d’euros –, un niveau d’émissions de bons du Trésor plus faible – 183,4 milliards d’euros au lieu de 186 milliards d’euros –, mais surtout, fort opportunément, un solde négatif des bons du Trésor de court terme pour 9,3 milliards d’euros – soit un gain de 8,2 milliards –, un doublement des ressources diverses de trésorerie – 6,1 milliards d’euros au lieu de 3 milliards d’euros – et un sensible apport des dépôts des correspondants – les établissements publics et les collectivités territoriales –, ceux-ci amenant, en effet, 12,4 milliards d’euros et non pas seulement les 3 milliards d’euros prévus en loi de finances initiale.

Cette situation fait d’ailleurs l’objet d’un intéressant commentaire de notre rapporteur général : le fameux grand emprunt destiné à financer des « investissements d’avenir », monsieur le président de la commission des finances, n’est pour le moment devenu qu’un moyen de financer des placements de trésorerie en attente d’emploi, les revenus tirés de ces opérations étant ensuite mutualisés dans les écritures de l’État.

Au moment où certains appellent les opérateurs de l’État – et donc, entre autres, les grands établissements publics de recherche, de création et d’innovation technologique – à la mesure et au respect de nouvelles contraintes comptables et budgétaires, il serait bon que nous nous interrogions sur le fait que, pour le moment, ces organismes participant à la croissance et au progrès social et économique sont gérés comme un « club d’investissement ». C’est en tout cas l’impression que nous avons avec cet emprunt pour des investissements d’avenir.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous en parlerons en commission demain !

Mme Marie-France Beaufils. L’astuce du plan de relance ainsi que la centralisation des fonds du grand emprunt a offert au gouvernement précédent un panel d’outils supplémentaires d’ingénierie financière pour un ensemble de 20 milliards d’euros au total, en termes de mouvements.

Mais nous ne sortirons pas des déficits et des difficultés avec la répétition de ce type d’expédients qui consiste à placer sa propre dette et d’en minorer le coût en lui opposant le rendement de quelques placements.

Si l’on poursuit la logique jusqu’au bout, il se pourrait, en fait, que l’argent du grand emprunt ait été habilement placé sur les titres de dette allemande, américaine et peut-être même – le sait-on ? – sur la dette grecque garantie par le Fonds européen de stabilité financière, le FESF,...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il vaudrait mieux quand même qu’il n’y en ait pas trop !

Mme Marie-France Beaufils. C’était une interrogation ! On verra ce qui nous sera répondu.

... avant de servir au développement de notre appareil productif, de nos infrastructures, de notre société dans son ensemble !

On peut y ajouter le remboursement anticipé des aides au secteur automobile dans le courant de l’année 2011. Le plan social annoncé par PSA un an après montre clairement à la fois que l’argent ainsi prêté n’a pas été utilisé à bon escient et que l’État s’est trop vite contenté de percevoir le montant du capital et des intérêts avancés sans s’interroger sur le bien-fondé de l’allocation des ressources.

Nous voici clairement face à l’exécution d’un budget 2011 que nous ne pouvons évidemment pas valider. J’ai bien entendu l’appel de notre rapporteur général, mais notre groupe ne pourra s’y rallier et voter ce projet de loi de règlement du budget 2011. Nous ne partagions pas les attendus ni les objectifs de celui-ci. Nous n’en acceptions ni les contours, ni les finalités.

La révision générale des politiques publiques, avec ses conséquences sur nos services publics – dont le Gouvernement avait pourtant vanté l’apport, considérant qu’ils permettaient à la population la plus modeste de mieux supporter les conséquences de la crise ! –, a montré toute sa nocivité.

Et que dire de la politique fiscale, qui est non seulement profondément injuste, mais de plus inefficace pour créer une nouvelle dynamique économique !

Tous ces éléments ne peuvent, bien évidemment, que nous amener à rejeter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les habiles contorsions du président de la commission des finances, dignes des meilleurs transformistes (Sourires.) et les propos incantatoires de notre collègue Vincent Delahaye m’ont amené à considérer qu’ils avaient inventé un nouveau concept, celui de la moralisation en matière financière. Aussi mes propos vont-ils peut-être manquer de relief !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pour un Pyrénéen, ce serait surprenant ! (Sourires.)

M. François Fortassin. Par avance, je sollicite donc beaucoup d’indulgence de la part de l’auditoire !

Ce projet de loi de règlement des comptes que nous examinons aujourd’hui est l’occasion de mettre en lumière les errements et les incohérences de la politique fiscale du précédent gouvernement.

Ces errements et ces incohérences ont, au demeurant, été pointés du doigt par la Cour des comptes, qui, par ailleurs, est extrêmement mesurée dans ses critiques. J’ai donc tendance à considérer que, compte tenu de la confiance que l’on peut accorder à cette noble institution, il doit y avoir une part de vérité !

Ces errements et ces incohérences, les membres de mon groupe et ceux des autres groupes de la majorité n’avaient pas manqué de les souligner lors de l’examen de la dernière loi de finances, avec l’appui du travail de notre excellente rapporteur générale de l’époque.

Nous avions d’ailleurs proposé de nombreux amendements pour éviter ou limiter certaines dérives, mais, mes chers collègues, le gouvernement que vous souteniez n’a pas cru bon de nous suivre sur ce chemin. Sans doute étiez-vous sous l’emprise du magnétisme de votre leader charismatique, qui considérait peut-être qu’en matière de finances quelques tours de prestidigitation, voire de magie, pouvaient régler les problèmes budgétaires !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cela vaut mieux que le rêve !

M. François Fortassin. Premier exemple d’incohérence : le gouvernement avait érigé comme priorité absolue la non-augmentation des impôts, sans s’apercevoir que, lorsqu’on n’augmente pas les impôts, on tarit bien entendu la source du revenu indispensable au fonctionnement de notre pays.

Ce n’est qu’à la fin de 2010 que le gouvernement s’est enfin aperçu qu’il était impossible de réduire significativement le déficit sans augmenter les prélèvements obligatoires. Il a alors opéré un revirement à 180 degrés et, tandis que son objectif initial en matière de taux de prélèvement obligatoire était de 43,4 points du PIB, les dernières prévisions le fixaient à 44,5 points.

Le gouvernement de l’époque s’est abrité derrière une excuse universelle, « la crise », pour justifier ces mauvais résultats ou pour faire passer des mesures difficilement acceptables comme les plans de rigueur et d’austérité successifs, qui nous ont conduits à discuter pas moins de quatre lois de finances rectificatives l’an dernier !

Mais, comme l’a d’ailleurs rappelé la Cour des comptes à plusieurs reprises, la crise n’explique pas tout, en particulier en matière de déficit public. Elle a effectivement démontré qu’en 2010 les deux tiers du déficit étaient indépendants de la crise. C’est donc que notre déficit structurel est particulièrement élevé, comme l’ont d’ailleurs confirmé de nombreuses comparaisons sur le plan international.

Certes, l’objectivité m’amène à dire que ce niveau élevé ne résulte pas uniquement de la politique menée dans les cinq dernières années par les gouvernements de droite ; les gouvernements de gauche ont aussi une part de responsabilité.

Mais qu’a fait le gouvernement précédent ? Il a persévéré dans ces errements... En définitive, son action a été très modeste, comme l’a rappelé notre excellent rapporteur général, François Marc, dont je salue le remarquable travail.

Plus des deux tiers de la réduction affichée du déficit de 58 milliards d’euros sont dus à des événements exceptionnels ; donc pas de réduction des déficits. En même temps, on a abîmé les principes républicains et dégradé la fonction publique. Personnellement, c’est peut-être le reproche majeur que j’aurais envie de vous faire.

C’est grâce à une manipulation ingénieuse que le gouvernement a pu afficher une telle réduction du déficit en 2011 et respecter son engagement de le ramener à 5,2 % du PIB. En effet, en « alourdissant » volontairement le déficit de 2010 par certaines mesures exceptionnelles, comme le plan de relance ou les investissements d’avenir – de bonnes choses, mais qui se sont brutalement arrêtées, ce qui montre qu’il n’y a pas eu continuité dans l’action –, le Gouvernement a pu annoncer, comme par hasard avant les élections présidentielles, la réduction du déficit. Mais sans doute n’est-ce pas sur ce point que les Français se sont déterminés...

Pour notre part, nous ne sommes pas dupes : la réduction du déficit de la France reste indispensable si nous voulons garder la maîtrise de notre avenir commun. C’est pourquoi, avec la majorité des membres du RDSE, je soutiens l’action engagée par l’actuel Gouvernement pour poursuivre la réduction du déficit et atteindre l’équilibre en 2017.

La voie choisie dans le projet de loi de finances rectificative que nous examinerons la semaine prochaine est un bon début pour permettre le redressement de la France.

La politique fiscale de ces cinq dernières années a eu pour conséquence d’affaiblir très fortement non seulement nos finances, mais aussi les principes de justice et d’équité pour ce qui concerne la répartition des charges entre nos concitoyens.

On a réduit considérablement les recettes de l’État. Je prendrai l’exemple de la défiscalisation des heures supplémentaires instaurée en 2007 par la tristement célèbre loi TEPA, la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat. Non seulement une telle mesure a eu un coût très élevé pour l’État, mais aussi elle a contribué à accroître le chômage, fléau numéro un de notre pays.

La réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune, véritable « cadeau » aux plus fortunés, que certains parviennent à justifier, est difficilement acceptable, pour les radicaux notamment, très attachés à la progressivité de l’impôt en fonction des ressources.

Les mesures adoptées au cours de la précédente législature sont, de ce point de vue, assez éclairantes : elles ont privé l’État de recettes dont il avait grandement besoin en temps de crise.

Il s’agit donc, désormais, de redresser, avec le Gouvernement, les comptes publics, tout en réinstaurant une véritable justice fiscale, à laquelle la majorité des membres du groupe du RDSE sont très attachés.

Pour ce faire, il convient de restaurer la confiance. Or celle-ci ne pourra être rétablie que si l’on s’attache à respecter le principe d’équité fiscale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)