Mme la présidente. La parole est à M. François Rebsamen. (Marques de satisfaction et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Caffet. Le ton va changer !

M. David Assouline. Place aux propos véridiques ! Moins de mauvaise foi !

Mme Christiane Demontès. Enfin un peu de vrai !

M. François Rebsamen. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous assistons à un débat quelque peu surprenant.

M. François Rebsamen. Voilà à peine plus de deux mois que le Président de la République a été élu et un mois que l’Assemblée nationale a été installée. Or ceux qui ont été au pouvoir pendant dix ans font déjà pleuvoir les critiques.

M. Francis Delattre. Pour la pluie, c’est François Hollande !

M. François Rebsamen. J’ai envie de leur dire : un peu de modestie !

M. Alain Gournac. Ça commence mal !

M. François Rebsamen. M. Marini avait pourtant bien commencé – la modestie n’est pas forcément dans ses habitudes –, avec un discours qui, au début, ne manquait pas de finesse. Toutefois, j’ai trouvé que la fin de son intervention était non seulement sentencieuse, mais aussi désobligeante pour l’une de nos collègues, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour laquelle nous avons beaucoup d’estime.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous ne pouvons pas toujours vous faire plaisir !

M. François Rebsamen. Par ailleurs, vous pourriez garder vos leçons, au moins pendant un temps !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est toute la considération que vous avez pour l’opposition !

M. François Rebsamen. C’est la moindre des choses quand on a gouverné pendant dix ans !

À cet égard, madame des Esgaulx, si nous sommes très contents que le ministre Vidalies puisse être présent parmi nous en cet instant, je regrette comme vous que le ministre du budget ait dû s’absenter. Sachez toutefois que son départ n’a rien à voir avec votre intervention !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais si ! Mais si !

M. François Rebsamen. Madame Des Esgaulx, vous ne pouvez pas dresser un tel constat en trois minutes !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. En quinze, voulez-vous dire !

M. François Rebsamen. Vous oubliez un peu facilement le bilan que vous laissez ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) C’est tout de même assez invraisemblable !

Quelle est la situation ? Le ministre du budget l’a tout à l'heure fort bien rappelée. Mes chers collègues de l’opposition sénatoriale, après dix ans de pouvoir, cinq ans de présidence de Nicolas Sarkozy, après un million de chômeurs supplémentaires, un déficit du commerce extérieur et des déficits budgétaires jamais atteints et des mesures d’injustice fiscale, vous venez, deux mois après les élections, nous donner des leçons et nous dire que nous faisons erreur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Un peu de patience ! Vous aurez le temps de porter jugement !

M. Jean-Pierre Caffet. Vous avez cinq ans à votre disposition !

M. François Rebsamen. Soyez assurés que nous essayons de travailler calmement, en établissant des perspectives. Nous ne prenons pas de décisions à la hâte.

De votre côté, vous semblez avoir découvert la compétitivité trois mois avant l’élection présidentielle. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. François Rebsamen. Sur la TVA, vous avez été jusqu’à prendre une mesure applicable en octobre prochain alors que vous étiez au pouvoir depuis dix ans et que vous avez débattu pendant cinq ans de l’opportunité d’une telle mesure !

M. Jacques Mézard. C’est vrai !

M. François Rebsamen. Comment osez-vous maintenant venir nous dire qu’il ne faut pas supprimer la TVA sociale ?

Eh bien, nous, nous allons la supprimer, car nous sommes favorables au pouvoir d’achat…

M. Francis Delattre. Les heures supplémentaires, ce n’est pas le pouvoir d’achat ?

M. François Rebsamen. … et, contrairement à vous, nous ne voulons pas que tous les Français soient taxés !

M. François Rebsamen. Effectivement !

Madame Des Esgaulx, contrairement à ce que vous avez affirmé, il faut bien aujourd'hui adopter une loi de finances rectificative, parce que vous nous avez laissé une facture. Nous devons trouver un peu plus de sept milliards d’euros…

M. François Rebsamen. … pour respecter les objectifs budgétaires qui avaient été fixés, soit un déficit public inférieur à 4,5 % du PIB.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous le savez : le non-respect de cet objectif est dû à la baisse du taux de croissance !

M. François Rebsamen. Avec vous, c’est toujours aux autres qu’incombe la faute ! En tout cas, telles n’étaient pas les prévisions.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le contexte s’est imposé à nous comme il s’imposera à vous !

M. François Rebsamen. Nous verrons ! Vous aurez le temps de critiquer !

M. Francis Delattre. Nous n’allons pas nous gêner !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous nous exerçons dès à présent !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un peu de modestie, monsieur Marini !

M. François Rebsamen. Pour le moment, accordez-nous ne serait-ce qu’un peu de crédit !

Certes, vous devez bientôt désigner vos représentants et, nous le savons bien, celui qui apparaîtra comme le meilleur opposant aura sûrement un peu plus de chances que les autres.

Pourtant, je ne vois pas de candidat ici ! En tout cas, je ne crois pas, madame Des Esgaulx, que vous soyez candidate !

M. François Rebsamen. Je ne sais si c’est un bien ou un mal pour l’UMP ; c’est un autre sujet ! (M. Alain Gournac s’exclame.)

M. François Rebsamen. Toujours est-il que votre manière de vous comporter, après deux mois, en fait après un mois de véritable exercice du pouvoir, n’est tout simplement pas correcte ! Prenez les choses calmement ! Un peu de modestie !

M. Francis Delattre. Nous sommes d’accord sur la modestie !

M. François Rebsamen. Votre bilan, après dix ans de pouvoir – cinq ans de présidence Chirac et cinq ans de présidence Sarkozy –, devrait vous y inciter !

M. Philippe Bas. Dites-nous plutôt ce que vous allez faire !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On verra comment la France se porte dans six mois !

M. François Rebsamen. Alors même que, comme Jean-Pierre Chevènement l’a rappelé tout à l'heure, les finances étaient à l’équilibre en 2001–2002,…

M. Francis Delattre. Quel équilibre ?

M. François Rebsamen. … vous nous laissez aujourd'hui une situation catastrophique et vous venez donner des leçons ! C’est quand même incroyable ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Pour notre part, et comme l’indique l’intitulé de ce projet de loi de finances « rectificative », nous allons « rectifier », c’est-à-dire corriger, modifier, amender (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. Alain Gournac s’exclament.) : en un mot, « redresser ».

Ce redressement, nous voulons le porter.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est le redressement productif !

M. François Rebsamen. Il portera d’abord sur la justice en matière de charge fiscale, qui doit être justement répartie…

M. François Rebsamen. … entre ceux qui, pendant cinq ans, ont reçu beaucoup d’avantages de votre part et ceux qui, dans le même temps, n’ont rien vu en termes de pouvoir d’achat.

M. Alain Gournac. C’est faux !

M. François Rebsamen. Telle est la justice fiscale que nous voulons réinstaurer.

Le redressement ne peut s’accomplir sans le retour à l’équilibre budgétaire, la réduction des déficits et le recours à des recettes nouvelles.

En effet, cela a été rappelé, nous devons trouver 7 milliards d’euros pour respecter les engagements qui avaient été pris par le gouvernement Fillon.

En la matière, nous ferons preuve de justice.

Ainsi, nous instaurerons, en 2012, une contribution exceptionnelle sur les ménages ayant un patrimoine de plus de 1,3 million d’euros.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Exceptionnelle ? Cette contribution durera !

M. François Rebsamen. Nous abaisserons à 100 000 euros l’abattement sur les donations et successions en ligne directe.

Nous doublerons le taux de la taxe sur les transactions financières, en la faisant passer à 0,2 %, tout en gardant la même assiette pour permettre d’avoir un rendement équivalant à ce qui était prévu.

Nous instaurerons une contribution exceptionnelle de 4 % sur la valeur des stocks de produits pétroliers, contribution que mes collègues de la majorité sénatoriale souhaitaient d'ailleurs établir depuis longtemps.

Finalement, nous sommes très heureux parce que nous voyons reprises l’essentiel des propositions en faveur de la justice que nous avions faites au mois de décembre dernier,…

M. François Rebsamen. … qui avaient effectivement été votées ici, et qui n’avaient alors bien évidemment pas été mises en œuvre, car il y avait un peu d’amnésie de votre part.

Quand vous voulez jouer les pompiers pyromanes, nous voulons le redressement et du pouvoir d’achat pour les Français ! (M. Francis Delattre s’exclame.)

Du pouvoir d’achat, vous n’en avez pas du tout distribué pendant cinq ans ; d'ailleurs, la consommation est en baisse. Au demeurant, la TVA que vous vouliez imposer aurait encore amputé le pouvoir d’achat : c’est un peu plus de 11 milliards d’euros qui auraient été prélevés sur l’ensemble des Français.

M. Alain Gournac. La CSG, c’est mieux !

M. François Rebsamen. Étant donné le temps qu’il vous a fallu pour la mettre en place, vous avez beau jeu aujourd'hui de nous reprocher sa suppression, vous qui ne l’avez même pas expérimentée !

Plusieurs sénateurs de l’UCR. Il n’a rien compris !

M. Alain Gournac. À l’école !

M. François Rebsamen. Nous appelons à la sérénité en la matière.

Nous voulons renforcer le pouvoir d’achat, et nous avons pris des mesures en ce sens.

Ainsi, je le rappelle, la revalorisation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, qui portera cette dernière à 356 euros pour un enfant de 6 à 10 ans, contre 284 euros précédemment, et à 375 euros pour un enfant de 11 à 14 ans, contre 300 euros. L’augmentation qui en résulte – vous aimez calculer, nous aussi ! – est toujours supérieure à 70 euros. Voilà qui accroît le pouvoir d’achat des Français !

Le Gouvernement a aussi procédé à la revalorisation du SMIC, ce qui n’avait jamais été fait, par un coup de pouce, certes léger, mais qui améliore concrètement le pouvoir d’achat des Français.

Il a publié un décret visant à l’encadrement des loyers lors de la relocation ou du renouvellement du bail, ce qui concerne 40 % de la population. Encore une mesure en faveur du pouvoir d’achat ! (M. Francis Delattre s’exclame.)

Aujourd’hui, avec l’abrogation de la « TVA compétitivité » et le rétablissement du taux réduit de TVA dans le secteur du livre, par exemple, nous avançons sur le terrain du pouvoir d’achat et de la justice fiscale et sociale.

M. Alain Gournac. C’est faux !

M. Francis Delattre. C’est le grand bleu !

M. François Rebsamen. Ce choix de faire peser nos mesures sur les ménages les plus aisés, nous le faisons au nom de la justice,…

M. François Rebsamen. … parce que nous voulons et nous ferons en sorte que l’effort soit proportionnel à ce que gagne chacun.

Le redressement se fera dans la justice, pour mettre fin à tous les effets d’aubaine que vous avez créés. Je pense notamment à la gratuité instaurée en faveur des lycéens français scolarisés dans les établissements français à l’étranger : par une mesure électoraliste adoptée en 2007, vous aviez décidé de faire prendre en charge par l’État, à hauteur de quelque 35 millions d’euros par an, les frais de scolarité, quels que soient les revenus des familles. Nous, nous mettrons cette prise en charge sous condition de ressources, parce que nous voulons que cette mesure soit juste ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. François Rebsamen. Mes chers collègues, le redressement exige aussi l’exemplarité au plus niveau de l’État.

M. François Rebsamen. La décision, prise par le Président de la République et le Premier ministre, d’abaisser de 30 % leurs indemnités en est un signe… (Exclamations sur les travées de l’UMP.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. L’an prochain, ils n’auront plus qu’à payer !

M. François Rebsamen. En 2007, on a augmenté de 180 % les indemnités du Président de la République, aujourd’hui, on les baisse de 30 %,…

M. Alain Gournac. C’est faux !

M. François Rebsamen. … la différence est là : nous donnons l’exemple à tous les niveaux ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Protestations sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Fabienne Keller. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

Mme Fabienne Keller. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après le temps des douces promesses de campagne,…

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il y en a eu des deux côtés !

Mme Fabienne Keller. … le Gouvernement doit désormais faire face aux réalités.

Monsieur le ministre, vous nous présentez donc votre projet de loi de finances rectificative. Vous avez affirmé la volonté de réaliser des économies : nous en cherchons la trace dans ce texte, mais nous ne la trouvons pas ! (Mme Gisèle Printz s’exclame.)

M. Claude Domeizel. Vous n’avez pas suffisamment cherché !

Mme Fabienne Keller. Ce projet de loi de finances rectificative est ainsi centré exclusivement sur de nouvelles recettes fiscales.

Pendant la campagne pour l’élection présidentielle, le candidat François Hollande promettait une réforme fiscale juste – notre collègue François Rebsamen vient de le rappeler –…

M. Jean-Pierre Sueur. Avec talent !

Mme Fabienne Keller. … une réforme qui toucherait uniquement « les plus privilégiés » d’entre nous. Au final, ce projet de loi de finances rectificative constitue surtout un coup de semonce pour les entreprises et les salariés, je vais m’employer à vous le démontrer.

Tout d’abord, dans la ligne de la brillante démonstration de Jean Arthuis, je voudrais rappeler que la « TVA compétitivité » répondait à deux défis majeurs pour la France : favoriser l’emploi et aider nos entreprises à être plus compétitives. Au moment où le chômage touche trois millions de personnes, ce dispositif devait permettre à 100 000 personnes de retrouver le chemin de l’emploi en trois ans.

Mme Fabienne Keller. Je vous rappelle le principe de cette mesure : basculer d’une fiscalité qui pèse sur l’emploi à un impôt, la TVA, qui porte également sur les produits importés.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait !

Mme Fabienne Keller. Seul le taux de TVA normal était augmenté, c’est-à-dire que la hausse ne portait pas, pour l’essentiel, sur les produits alimentaires ni sur les produits du quotidien.

En supprimant la TVA compétitivité sans proposer de véritable solution de rechange, le Gouvernement remet en cause un dispositif pourtant équilibré qui aurait permis d’améliorer la compétitivité de nos entreprises. J’ai d’ailleurs été très étonnée par la démonstration de M. le ministre délégué chargé du budget, qui a fait rigoler les travées socialistes en évoquant un gain « d’à peine 0,4 % à 0,8 % du prix de revient ». Évidemment, ce changement paraît peu important, mais il représente une marge tout à fait significative pour un chef d’entreprise : comment accepter de voir traiter avec autant de mépris un effort sur le prix de revient ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La baisse des prix à la consommation n’est pas significative !

Mme Fabienne Keller. Que dire de la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires ? Pendant toute la campagne présidentielle, l’actuel Président de la République n’a cessé de marteler que les efforts devraient être supportés par « les plus privilégiés ». Pourtant, les heures supplémentaires ne concernent pas le « monde de la finance », les « grands patrons » ni les « héritiers », mais bien les neuf millions de Français des classes moyennes, qui verront leur pouvoir d’achat amputé, je le rappelle, de 500 euros par an en moyenne.

M. François Rebsamen. Tout à l’heure, c’était 400 euros !

Mme Fabienne Keller. Au-delà des mots et des chiffres globaux, permettez-moi d’évoquer deux exemples concrets.

Voici la feuille de paie de Catherine, aide-soignante en maison de retraite à Strasbourg : au mois de juin 2012, elle a effectué deux astreintes du dimanche et ainsi perçu 103 euros au titre des heures supplémentaires. Elle ne fait pas partie des privilégiés, et pourtant le Gouvernement a décidé de baisser son pouvoir d’achat ! (Mme Christiane Demontès s’exclame.)

Voici également la fiche de paie de Thierry, ouvrier paysagiste chef d’équipe dans le Bas-Rhin : son entreprise a fait face en juin – c’est la saison ! – à un regain d’activité ponctuel combinée à une absence de personnel. Il est chef d’équipe et ne peut pas facilement être remplacé : il a donc perçu 570 euros pour ses heures supplémentaires.

M. François Rebsamen. Il fallait embaucher !

Mme Fabienne Keller. Il ne fait pas non plus partie des privilégiés, et pourtant c’est bien votre gouvernement qui baissera son pouvoir d’achat ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il paiera plus d’impôt sur le revenu !

Mme Fabienne Keller. On ne peut pas embaucher n’importe qui pour le remplacer, monsieur le rapporteur général, parce qu’il possède des compétences qui exigent une formation, un savoir-faire et une expérience.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait !

Mme Fabienne Keller. En somme, vous avez voulu viser les « plus riches », mais ce sont les plus modestes qui seront touchés ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Christiane Demontès. Et les trois millions de chômeurs ! Et les bénéficiaires du RSA ?

Mme Fabienne Keller. Permettez-moi de rappeler que cette mesure avait aussi l’avantage de faciliter une certaine flexibilité au sein des entreprises, face à la fluctuation de l’activité et du personnel opérationnel.

Ce qui m’inquiète le plus, monsieur le ministre, c’est que votre gouvernement semble s’employer à enterrer toutes les mesures visant à instaurer plus de justice sociale que le précédent gouvernement avait mises en œuvre. (Mme Christiane Demontès s’exclame.) Les salariés sont victimes de ce qui ressemble à une « vengeance fiscale »... (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’êtes pas crédible !

Mme Fabienne Keller. Mais ce n’est pas tout, mes chers collègues ! D’autres prétendus privilégiés se verront encore taxés davantage : les salariés qui perçoivent les primes d’intéressement, de participation ou de dispositifs de retraite supplémentaire.

Permettez-moi de parler de l’intéressement. Vous savez que ce dispositif permet, après négociation entre les représentants du personnel et de la direction, de construire une convergence d’intérêts entre l’entreprise et les salariés pour la réussite de l’entreprise : si l’entreprise réussit, les salariés en bénéficient.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On est chez les Bisounours !

Mme Fabienne Keller. En moyenne, 420 euros par salarié sont redistribués par les entreprises de plus de 50 salariés : 12,2 millions de Français en bénéficient. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

C’est un système « gagnant-gagnant » : gagnant pour le salarié qui bénéficie des fruits de son travail, gagnant pour l’entreprise qui peut ainsi fidéliser et motiver ses salariés. Avec l’augmentation du forfait social, vous instaurez un système « perdant-perdant » (M. François Rebsamen s’exclame.) : soit l’entreprise va mal et des salariés sont licenciés, soit l’entreprise va bien et les salariés sont taxés !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avec vous, les entreprises qui font des bénéfices licencient !

Mme Fabienne Keller. Le Gouvernement s’acharne à taxer les entreprises en abandonnant une redistribution juste des dividendes : ce sont bien les salariés qui en sont les victimes !

En conclusion, ce projet de loi de finances rectificative représente 7,2 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires. J’ai tenté de vous démontrer qu’il ne s’agit pas, dans les faits, de viser les « plus privilégiés », mais qu’il s’agit surtout de taxer la fiche de paie des salariés. (Mme Christiane Demontès s’exclame.)

M. François Rebsamen. Vous ne le croyez pas sincèrement !

Mme Fabienne Keller. Il y a moins de cent jours pourtant, c’était le temps de la campagne électorale et des promesses, marqué par le discours du Bourget et ce fameux « monde de la finance », qui « n’a pas de nom, pas de visage ». Il s’agissait alors de l’ériger en adversaire.

À la lumière des propositions concrètes du nouveau gouvernement, nous savons désormais quel est le véritable adversaire du Président de la République et du Gouvernement : il a bien un nom, il a des millions de visages, il produit la plupart des biens de notre pays, et pourtant il subit ce projet de loi de finances rectificative. Le véritable adversaire de François Hollande, c’est le monde des salariés et des travailleurs ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’UCR. – Exclamations et marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’êtes pas crédible, madame Keller !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Madame Borvo Cohen-Seat, ne soyez pas condescendante ! Respectez vos collègues ! C’est scandaleux !

Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, membre de la commission des affaires sociales, c’est de ce point de vue que je souhaite apporter un éclairage écologiste à ce débat sur le projet de loi de finances rectificative.

Nous avons attendu longtemps, des années durant, un retour à ces deux objectifs de bon sens : rétablir une part de justice sociale dans le système fiscal, ce qui suppose donc de réduire les très grandes inégalités sociales qui se sont scandaleusement accrues en dix ans, et, en même temps, travailler à l’équilibre des finances publiques, dans le respect des générations futures.

Abrogation de la TVA sociale, limitation des exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires aux seules entreprises de moins de 20 salariés, taxations des revenus immobiliers des non-résidents mais provenant de source française, majoration du taux des contributions sociales sur les stock-options et les attributions gratuites d’action, majoration du forfait social : ces mesures, qui étaient des promesses de campagne du candidat François Hollande, amorcent une réforme du système fiscal qui le rendra plus juste.

Je me réjouis également de l’abrogation de certaines mesures iniques et contre-productives introduites lors du précédent quinquennat : je pense notamment à la réforme de l’aide médicale d’État, l’AME, sur laquelle j’aurai l’occasion de revenir au cours du débat.

Mais, comme nous sommes écologistes – et donc, exigeants –, nous avons fait le choix, sans que cela vienne trahir la confiance que nous portons au Gouvernement, de présenter quelques amendements en vue d’améliorer ce projet de loi de finances rectificative.

En matière de protection sociale, par exemple, nous comprenons bien que l’attention se porte prioritairement sur la recherche, dans l’urgence, de nouvelles sources de financement. Mais la nécessité de colmater les brèches ne doit pas nous couper d’une vision de long terme, sans laquelle nous irons d’urgence en urgence sans construire de perspective cohérente, sans chercher à prévenir les difficultés budgétaires de demain.

Il nous faut ainsi avoir conscience que le « trou » de la sécurité sociale n’est qu’une conséquence d’un problème bien plus vaste, celui, entre autres éléments, de l’épidémie de maladies chroniques, de maladies de civilisation causées par nos modes de vie. Si l’on se trompe de cause, on colmate, mais on ne résout rien !

Quel rapport avec le débat budgétaire, me direz-vous ? Il se trouve que notre système fiscal comporte encore une multitude de subventions, de niches fiscales, qui nuisent à la santé des Français et qui, in fine, pèsent sur nos finances sociales.

Par exemple, est-il admissible, aujourd’hui, que le diesel soit encore subventionné ? La taxe intérieure sur les produits pétroliers, moins lourde sur le gazole que sur l’essence, rapporte 36,5 % de moins aux caisses de l’État par litre de gazole consommé : cela représente au total un manque à gagner de près de 12 milliards d’euros par an, soit la niche la plus importante de notre système fiscal ! De plus, cette niche induit des centaines de millions d’euros de dépenses pour la sécurité sociale, en traitement des nombreuses maladies respiratoires de tous ordres, mais aussi en nombre de journées de travail perdues.

L’Organisation mondiale de la santé, vous le savez sans doute, a confirmé très récemment, le 12 juin dernier, au terme de longues expertises scientifiques, que les particules fines émises par les moteurs diesel sont cancérigènes, estimant le nombre des victimes à 42 000 par an rien qu’en France, puisque notre pays dispose du parc automobile le plus diésélisé du monde.

Une politique durable de financement de la protection sociale doit consister autant à trouver de nouvelles sources de financement qu’à éviter des coûts à venir. Elle doit s’attacher à prévenir les maladies et donc à intensifier les politiques de prévention : tel est le sens de l’un des amendements que mes collègues et moi-même défendrons.

Mais sur ce sujet comme sur d’autres, nous savons également que tous les problèmes ne peuvent être résolus par un projet de loi de finances rectificative, dont il est bon qu’il soit adopté dès l’arrivée du nouveau gouvernement, c’est-à-dire très rapidement. Aussi, notre vote favorable sera un vote de solidarité et d’encouragement, qui ne nous empêchera pas de rester des partenaires déterminés à ce que cette législature soit celle du bon sens en matière sanitaire, comme en matière financière ou environnementale. Rendez-vous à l’automne pour en tirer de plus amples conséquences pour les finances de la sécurité sociale comme sur les finances de l’État ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)