M. Jean-Pierre Caffet. Non ! À peine 15 milliards d’euros !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Philippe Bas. Chers collègues de la majorité, vous insistez sur le fait qu’il ne faut pas augmenter la TVA. Cependant, nous savons que vous préparez, pour les prochains mois, un tour de vis que traduira le projet de loi de finances pour 2013. En conséquence, je m’interroge. Je crains en effet que l’absence de réactivité, et partant la lenteur que je vous reprochais au début de mon intervention, ne porte gravement préjudice à notre pays dans les circonstances économiques et financières que nous connaissons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Mes chers collègues, il en va de la TVA sociale comme il en va du ciel : il y a ceux qui y croient, ceux qui n’y croient pas,…

M. Philippe Dallier. … et, à mon sens, de plus en plus nombreux sont les Français – notamment les parlementaires – qui s’interrogent sérieusement sur la question. Je ne suis pas certain que notre débat d’aujourd’hui permette d’éclairer beaucoup d’entre eux.

De fait, on observe aujourd’hui combien la situation est complexe : les plus libéraux d’entre nous ne sont pas favorables à cette réforme. Notre collègue Jean-Pierre Caffet, quant à lui, y est également absolument opposé.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n’est pas un Bolchevik pour autant ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Philippe Dallier. Bref, les avis sont assez partagés.

Parmi ceux qui croient en cette mesure figurent nombre de membres de la commission des finances. En effet, cette disposition a été étudiée et discutée de très longue date au sein de cette dernière, bien avant ce funeste soir de juin 2007 qui a de facto enterré le débat. C’est dire si notre pays n’est pas encore suffisamment mûr pour traiter ce sujet : pendant cinq ans, on a soigneusement enterré le dossier, pour ne l’exhumer qu’aujourd’hui. Et pourquoi le ressortons-nous aujourd’hui ? Pour une raison bien simple, et je crois que nous serons tous d’accord sur ce point : parce que la France subit un problème de compétitivité. Personne n’osera affirmer le contraire dans cet hémicycle !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. La faute à qui ?

M. Philippe Dallier. La faute à qui, madame Lienemann ? Nous allons voir de quoi vous êtes capables ! Quoi qu’il en soit, notre pays est victime d’un problème de compétitivité (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.),…

M. Jean-Pierre Caffet. On se demande d’où cela vient !

M. Philippe Dallier. … et le cas de Peugeot en est tout à fait emblématique. Il va bien falloir trouver des solutions.

Quelles solutions avons-nous ? Telle est tout de même la question cruciale !

Certains affirment : « Le problème central, c’est celui du financement de la protection sociale. » Je leur réponds à la fois oui et non : nous devons effectivement financer nos dépenses sociales, il faut donc dégager des recettes à cette fin, tout en évitant, parallèlement, que ces charges ne progressent trop vite. En conséquence, la question est la suivante : sur quelles masses économiques doit-on faire porter les prélèvements ? Sur les salaires ou sur une autre base ? À mon sens, imposer les salaires constitue la plus mauvaise des solutions. Il va falloir en sortir.

Chers collègues de la majorité, comme Mme Des Esgaulx, je vous enjoins à la prudence. De fait, j’ai bien entendu le Président de la République : le 14 juillet, ce dernier a commencé à nous confier qu’il jugeait, lui aussi, que la France se heurtait à un problème de compétitivité.

Comment allez-vous résoudre ce problème ? De quels outils disposerez-vous ? La situation est claire, vous êtes placés face à une alternative : ou bien vous mettrez en œuvre un mécanisme proche de la TVA sociale, ou bien vous en adopterez un autre. Peut-être sera-ce la CSG ? Quoi qu’il en soit, en définitive, vous serez bien obligés de prendre une décision, car nous ne pouvons pas rester dans la situation actuelle.

Mme Annie David. La faute à qui ?

M. Philippe Dallier. Notre collègue Jean Arthuis nous appelle à provoquer un choc de compétitivité, en opérant un basculement plus radical : pour ma part, j’y suis assez favorable. Néanmoins, étant donné que, dans ce pays, il faut avancer doucement, même en cas d’urgence, nous aurions pu conserver la mesure dans son état actuel et nous donner rendez-vous dans six mois ou dans un an pour en évaluer l’efficacité. À mon sens, cette méthode aurait été la bonne. Voilà pourquoi je regrette que Jean Arthuis ne vote pas en faveur de la suppression du présent article même si, le cas échéant, je soutiendrai son amendement.

Nous aurions pu procéder ainsi, chers collègues de la majorité, mais, une fois de plus, vous avez choisi de ne rien faire,…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. À chaque jour suffit sa peine !

M. Philippe Dallier. … alors que le problème de Peugeot vous plonge dans l’embarras.

En définitive, que proposez-vous ? Quelques mesures sur les véhicules électriques ou hybrides ! Avez-vous bien conscience que, chez Peugeot, cela concerne 2 000 véhicules par an sur 350 000 ? Pensez-vous vraiment régler le problème de Peugeot avec ce type de mesures ? (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.) Peugeot, qui avait fait le choix – il faut en louer ses responsables – de garder en France une grande partie de sa production, est plus pénalisée que Renault qui a fait d’autres choix. (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.)

Comment pouvons-nous aider une entreprise comme Peugeot ? C’est la bonne question et je ne vois pas beaucoup d’autres solutions que de faire baisser les charges qui pèsent sur les salaires. Si vous ne le faites pas maintenant, vous le ferez peut-être à l’automne. Mes chers collègues socialistes, soyez prudents car vous serez bien obligés d’en passer par là, mais nous aurons encore perdu quelques mois, et c’est très dommage. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l’UCR.)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cela fait des années qu’on baisse les charges sur les salaires, ça ne marche pas !

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.

Mme Chantal Jouanno. Je ne suis pas sûre que nous ayons un problème de vitesse. Le vrai problème, c’est que nous faisons marche arrière, et il est dommage que cette TVA sociale soit le bouc émissaire, pauvre victime politique de nombre de déboires qui datent de 2007 et même de bien avant. En effet, nous avons deux problèmes à résoudre à travers cette TVA sociale : un problème économique et un problème de financement de la protection sociale.

S’agissant du problème économique, vous refusez la TVA sociale au motif que nous n’aurions pas de problème de compétitivité-coût.

Relisez les conclusions déposées en mars 2011 par la Cour des comptes, laquelle ne peut pas être suspectée de complaisance à notre égard. Elle indiquait que l’objectif de compétitivité a une place centrale compte tenu de la perte de l’avantage relatif dont bénéficiait la France en termes de compétitivité-coût au début des années deux mille et qu’il fallait considérer comme un axe prioritaire de réflexion la question de l’allégement relatif de la taxation pesant sur le travail.

Nous avons donc bien un problème de compétitivité-coût et, s’agissant de la compétitivité hors coût, puisque vous estimez que c’est un problème central, pourquoi n’avez-vous voté ni le grand emprunt ni le crédit d’impôt recherche ?

Je ne reviendrai pas sur le caractère injuste de la TVA versus la CSG. Si nous avions choisi la CSG, vous auriez préféré la TVA…

Mme Chantal Jouanno. D’ailleurs, au début de la crise, vous aviez proposé, me semble-t-il, de l’augmenter de deux points. Mais je pense que nous en reparlerons ici dans quelques semaines.

Nous avons un problème de fond sur le financement de la protection sociale et, à cet égard, il faut vraiment s’interroger sur la légitimité de la consommation, voire de la « surconsommation », à participer à ce financement. Il faut sortir de cette religion de la « surconsommation ». Je ne parle pas de la consommation de base, qui doit rester taxée à des taux réduits, et on peut débattre du panier des produits qui concernent cette consommation de base.

Nous avons entendu hier un exposé de M. Placé sur les défis écologiques ; il aurait pu nous rappeler à cette occasion que la consommation participe à la moitié des émissions de gaz à effet de serre…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Si vous taxez la consommation, vous n’aurez plus de recettes !

Mme Chantal Jouanno. … et qu’elle est une impasse écologique et sociale.

Il aurait pu nous rappeler aussi qu’elle devrait participer au financement de la protection sociale parce qu’elle participe à nombre de problèmes sanitaires de ce siècle ; je pense aux perturbateurs endocriniens, aux pesticides, aux effets possibles des ondes magnétiques des téléphones portables,…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. N’importe quoi !

Mme Chantal Jouanno. … qui justifieraient tout à fait que la consommation participe au financement de la protection sociale.

Donc, admettez qu’aujourd’hui notre défi – si vous voulez bien le regarder avec un peu d’objectivité – est de transférer les charges qui pèsent sur le travail vers une autre assiette : la consommation et la pollution.

Malheureusement, nous allons tous être très rapidement rattrapés par la réalité économique – vous les premiers – et à cette occasion, il va falloir faire un salto arrière ! Je ne préjuge en rien de vos qualités physiques, mais il me semble qu’à nos âges, c’est un exercice extrêmement douloureux… (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UCR.)

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.

M. Francis Delattre. Monsieur le ministre, je n’ai pas encore eu l’occasion d’intervenir sur ce texte, mais je vous ai écouté longuement hier et j’ai assez vite compris que vous aviez un problème de mémoire concernant notamment la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, qui aujourd’hui emprunte sur les marchés – vous avez raison de le dénoncer – pour financer les retraites de notre pays.

Faisons un peu d’histoire, Monsieur Cahuzac. Nous siégions dans la même assemblée lorsque, à propos de la CADES, on a demandé au gouvernement Jospin comment il ferait pour financer les retraites. Il a répondu : nous allons créer un fonds spécial de financement des retraites qui abondera la CADES, et tout l’argent des privatisations – vous devez vous en souvenir, monsieur le ministre – sera affecté à ce fonds spécial de financement des retraites.

M. Francis Delattre. Quand vous nous dites aujourd’hui que nous avons laissé la Caisse d’amortissement de la dette sociale dans un état lamentable,…

M. Alain Néri. Vous avez oublié de l’abonder !

M. Francis Delattre. … vous oubliez une décision que vous n’avez pas appliquée. Dans un but politique, vous aviez annoncé que tout l’argent des privatisations serait affecté à ce fonds de financement des retraites. En réalité, vous n’y avez affecté que 10 % du produit des privatisations alors que le gouvernement Jospin est celui qui a le plus privatisé.

Autre fait que nous sommes un certain nombre à nous rappeler. Quand on considère les courbes de la compétitivité des deux économies française et allemande, on s’aperçoit que, jusqu’en 2000, la compétitivité de l’économie française était au même niveau que celle de l’Allemagne – elle a même été souvent devant –, mais que les courbes s’inversent très exactement le jour où vous avez mis concrètement en application les 35 heures.

Un sénateur de l’UMP. C’est vrai !

M. Francis Delattre. Et vous nous traitez aujourd’hui d’incapables ! De fait, nous reconnaissons que nous avons été incapables d’abroger ce texte funeste pour la compétitivité de notre économie.

Revenons au problème d’aujourd’hui. Alors que l’on connaît les dangers qui menacent un certain nombre de nos entreprises sur tout le territoire – pas seulement à Aulnay-sous-Bois – vous voulez supprimer le seul dispositif que nous avions à notre disposition pour éviter les délocalisations. Il ne s’agissait que d’une expérimentation – bien sûr, cher Jean Arthuis, 1,6 point de TVA, c’est sûrement insatisfaisant – mais, face au chômage structurel que nous avons depuis vingt ans, voire trente ans, il fallait essayer ce dispositif. En fait, nous avons trop tardé, et tout un chacun en connaît les raisons politiques.

Je souhaiterais, Monsieur le ministre, qu’au sein de l’Europe, dans tous les eurogroupes auxquels vous participez, vous vous interrogiez sur ces économies dites « émergentes », qui sont en réalité « submergentes » et nous inondent de produits que tout le monde connaît et que, dans tous les hypermarchés, on appelle le « noir » – des téléviseurs, des ordinateurs –, bref, tout ce que nous ne produisons pas et dont j’ai le regret de vous dire – nous en sommes d’ailleurs tous d’accord – que ce ne sont tout de même pas des produits de première nécessité.

L’ensemble des pays que l’on appelle les BRICS – Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud – considèrent les pays européens comme des terrains à conquérir, et vous connaissez aussi bien que nous leur système social et fiscal. Aussi, estimer aujourd’hui qu’il n’est pas nécessaire de protéger un peu nos entreprises de ces économies déferlant sur l’Europe n’est pas très raisonnable. La solution, nous le savons tous, monsieur le ministre, ne peut qu’être européenne.

Nous avons entendu beaucoup de discours sur le redressement de la justice, le redressement productif…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Contre-productif !

M. Francis Delattre. … et l’effort juste. Mais, monsieur le ministre, que peuvent retenir celles et ceux qui attendent des éclaircissements, les acteurs économiques, les entreprises, d’un débat comme celui que nous avons autour de ce projet de loi de finances rectificative ?

Mme Bricq annonçait que nos efforts devraient porter moitié sur les dépenses et moitié sur les recettes pour trouver les 100 milliards d’euros nécessaires à l’équilibre de nos comptes dans les quatre ans à venir ; je n’y crois pas beaucoup. Je pense qu’il faudra 70 % de recettes fiscales supplémentaires et, quant à choisir entre la CSG et la TVA, monsieur le ministre, il est fort probable que nous aurons les deux, comme le dit d’ailleurs entre les lignes la Cour des comptes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. J’ai fait partie hier des quelques chanceux qui ont eu le grand bonheur d’auditionner M. Arnaud Montebourg au sein de la commission des affaires économiques (Sourires.), celui-ci étant venu nous parler du sens de sa mission au sein du ministère du redressement productif.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Contre-productif !

M. André Reichardt. M. le ministre a notamment cité les différents leviers possibles pour, selon lui, faire gagner nos entreprises et nos PME en compétitivité. Il a notamment affirmé – il confirmait en cela la bonne nouvelle annoncée à deux reprises hier par M. Arthuis – que le coût du travail n’était plus tabou et qu’il était tout à fait possible de prendre l’une ou l’autre mesure à cet égard. Je cite : « Une mission a été confiée à M. Gallois, qui doit à l’automne indiquer quelles sont les mesures qui pourraient être prises à cet égard. »

Je m’étonne donc, mes chers collègues, que l’on puisse, sans attendre les préconisations de cet éminent expert, prendre aujourd’hui une mesure de « détricotage » de ce dispositif expérimental que voulait engager le gouvernement précédent en matière de TVA anti-délocalisations et qui, comme vous le savez, ne devait entrer en vigueur qu’à l’automne, soit le 1er octobre. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)

Il n’y a pas d’urgence à légiférer à cet égard. Quelle est la raison – si ce n’est une raison éminemment politicienne – de prendre aujourd’hui une mesure supprimant cette TVA anti-délocalisations alors que vous n’avez aucune solution de rechange ?

Il faudra bien, mes chers collègues socialistes, monsieur le ministre, qu’une mesure soit prise en ce qui concerne le coût du travail. En effet, comment allez-vous gagner en compétitivité si vous ne jouez pas sur cela ?

J’ai bien entendu M. Montebourg parler hier d’innovation et rendre hommage – tenez-vous bien, mes chers collègues – au grand emprunt que ses collègues socialistes et lui-même n’ont pas voté. Il a même dit hier, ici même au Sénat, qu’il faudrait finalement un grand emprunt tous les ans, mais il n’a pas dit comment il fallait le financer… (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Oh là là !

M. André Reichardt. Votre argument, monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité sénatoriale et présidentielle, est que la hausse de 1,6 point de TVA eût entraîné une augmentation des prix et donc une importante perte de pouvoir d’achat.

Permettez-moi de vous dire que cet argument est surprenant pour ne pas dire fallacieux eu égard aux nombreuses mesures dont on nous a déjà parlé dans ce présent collectif budgétaire et qui vont impacter ce fameux pouvoir d’achat !

En voici le catalogue : la suppression de l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires pour 9 millions de salariés, la hausse du forfait social sur l’intéressement et la participation concernant12 millions de Français, la baisse de la franchise d’impôt sur les successions. Tout cela n’est-ce pas diminuer le pouvoir d’achat de nos concitoyens ? Et je ne parle pas de la probable hausse des prix des carburants à la suite de la mise en place de la contribution exceptionnelle – que vous vous apprêtez à voter – sur la valeur des stocks de produits pétroliers, qui va toucher les distributeurs et les indépendants.

Votre argumentation est d’autant plus fallacieuse que la hausse de la TVA n’entraînerait pas mécaniquement une hausse des prix, et donc de l’inflation ; vous le savez bien, c’est beaucoup plus subtil que cela.

Aujourd’hui, en Europe, la tendance est au ralentissement de l’inflation, même si les prix des matières premières, notamment du pétrole, restent volatils.

Il y a des précédents. Vous permettrez au sénateur du Bas-Rhin que je suis de vous rappeler que, en Allemagne, la hausse des prix consécutive à la mise en place de la TVA sociale fut contenue. Par ailleurs, lorsque le taux normal de TVA fut relevé de 2 points en 1995, sous le gouvernement Juppé, l’effet sur les prix fut de 0,5 % à 0,7 %. Ce sont des chiffres ; ce sont des faits !

L’impact sur le pouvoir d’achat est faible car la hausse de la TVA ne concerne que le taux supérieur de 19,6 %, qui n’augmente que de 1,6 point. Or 60 % de la consommation des Français concerne des produits auxquels ne s’applique pas ce taux plein.

En outre, la répercussion de la hausse de la TVA sur les prix n’est pas mécaniquement proportionnelle ; elle dépend aussi de la situation concurrentielle du marché concerné – vous le savez bien, et nous vous l’avons rappelé.

De surcroît, ce dispositif ne devait entrer en vigueur qu’à compter du 1er octobre, ce qui permettait aux agents économiques d’anticiper certains achats, notamment les plus coûteux, ce qui eût soutenu momentanément la consommation, conformément à l’objectif que vous vous êtes fixé.

Les minima sociaux, SMIC et retraites notamment, étant indexés sur l’inflation, l’impact éventuel d’une hausse des prix eût par ailleurs été amorti pour les revenus les plus modestes.

Enfin, et tel était notre but, les prix des produits importés, frappés de TVA mais ne bénéficiant pas de la baisse des charges, auraient eux augmenté, tandis que le coût des produits français aurait pu diminuer, les 10,6 milliards d’euros de hausse de la TVA étant naturellement inférieurs aux 13,2 milliards d’euros de baisse du coût du travail.

Mme Annie David. Il ne faut pas exagérer, quand même !

M. André Reichardt. L’argument du pouvoir d’achat et de la consommation menacés par la TVA sociale est donc largement trompeur.

En conséquence, vous l’aurez compris, je voterai l’amendement de suppression déposé par le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UCR.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cette suppression de la TVA antisociale est une bonne chose, car elle reflète le vote des Français.

Je reconnais certes que chacun puisse rester fidèle aux positions qu’il a défendues devant nos concitoyens pendant la campagne électorale. Pour ma part, je m’honore que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault mette en œuvre les engagements qui ont été pris devant les Français après que les deux candidats, François Hollande et Nicolas Sarkozy, eurent échangé leurs arguments.

Le deuxième sujet qui est posé – il ne date pas d’hier ! – est celui de la compétitivité française, notamment dans le domaine industriel.

En la matière, qui peut imaginer que la seule question du coût du travail – un terme que je n’aime pas, car c’est encore, me semble-t-il, le travail qui produit, et non qui coûte – soit l’élément unique et déterminant de cette compétitivité ?

Tout le monde sait que tel n’est pas le cas !

Mme Annie David. Exactement !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. De nombreux rapports ont été publiés sur le sujet, notamment celui du Conseil économique, social et environnemental – une instance qui regroupe les partenaires sociaux, patronat et syndicats, et différentes sensibilités politiques –, qui a bien mis en exergue qu’il existait plusieurs éléments déterminants, l’adossement de nos cotisations sociales au travail n’étant que l’un d’entre eux.

Je souligne de surcroît que ce débat n’est pas l’apanage de la droite. La CSG a été créée par Michel Rocard, car nous voulions justement que le capital puisse participer au financement de la protection sociale.

Le parti socialiste et bon nombre de partis de gauche ont fait des propositions qui, d’ailleurs, ont été reprises de manière éphémère par M. Chirac. Je pense notamment au fait de calculer les cotisations sociales, en tout ou en partie, en fonction de la valeur ajoutée créée par l’entreprise, ce qui n’a rien à voir avec l’augmentation de la TVA. Ce débat a déjà eu lieu et, pour ma part, je suis favorable à cette option.

En tout cas, cette question ne peut pas faire l’économie d’un débat plus stratégique.

Le Conseil économique, social et environnemental écrit aussi dans son rapport que la France est le pays qui distribue le plus de dividendes, qui a le meilleur rendement capitalistique. Mais c’est surtout vrai pour les grandes entreprises, très peu pour les PME.

Je m’honore également de soutenir un gouvernement qui prétend réorienter les aides publiques et la fiscalité pour que ce ne soient pas toujours les PME, souvent sous-traitantes, qui portent toute la charge des cotisations sociales et de la fiscalité.

La compétitivité industrielle de la France passe aussi par des investissements. Nous n’avons pas la même tradition capitalistique que nos voisins. Je pense à la politique de Colbert, présent dans cet hémicycle par sa statue, mais aussi aux nationalisations qui ont eu lieu après la Libération. L’intervention publique de l’État dans le capital a toujours été l’un des éléments de l’industrialisation de la France, jusqu’au jour où nous sommes entrés dans un monde où tout a été libéralisé, où il n’y avait plus d’intervention capitalistique de la puissance publique…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Que faites-vous de la Commission européenne et du risque de requalification en aides d’État ?

Mme Marie-Noëlle Lienemann. De leur côté, les Allemands se sont mieux protégés que nous des prédateurs, grâce à leurs banques coopératives et mutualistes, et parce que le capital de leurs entreprises est resté davantage familial et national, via leurs Länder.

Nous sommes donc dans une situation où notre pays doit retrouver ses fondamentaux, à commencer par la justice sociale.

Or, vous pouvez faire tous les calculs du monde, la TVA reste un impôt injuste ! (Non ! sur les travées de l'UMP.) Vous le savez, et tous les Français également !

Pour terminer, je voudrais dire à Mme Jouanno que j’entends son argument pro-limitation de la consommation. Je ne suis pour ma part ni productiviste, ni pour la société de consommation à tous crins. Toutefois, si le financement de la protection sociale repose sur la consommation et que celle-ci diminue, les crédits alloués à la protection sociale diminueront également. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

C’est un cercle inverse qu’il nous faut. J’ai proposé d’asseoir les cotisations sur la valeur ajoutée, ce qui ne correspond pas au travail, mais à la richesse produite par le pays. Monsieur Arthuis, j’espère que, tout comme moi, vous pensez que le pays va continuer à produire des richesses !

Il existe donc des alternatives, et le Gouvernement a eu raison de ne pas tout mettre sur la table tout de suite, car l’on ne peut pas traiter séparément la question de la réforme fiscale stratégique et celle des cotisations sociales.

Je ne veux pas préjuger des futurs arbitrages, mais il ne serait pas illégitime d’augmenter une partie de la CSG (Vives exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Voilà, nous y sommes !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Attendez, laissez-moi terminer !

Nous avons aussi proposé des convergences entre l’impôt sur le revenu et la CSG, pour restaurer la progressivité de l’impôt, chroniquement insuffisante dans la fiscalité française.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Pour cela, il faudrait fusionner ces deux impôts !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il est donc hors de question de pouvoir envisager le financement de la protection sociale sans penser de manière globale à la compétitivité, à la pérennité de la protection sociale et à une réforme fiscale d’ampleur, juste et prometteuse pour l’avenir et pour l’emploi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Tout cela n’est pas très clair !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Caffet. Mes chers collègues, je serai bref, tout en essayant de convaincre mes collègues de l’opposition… (Sourires.)

Ce sera sans doute mission impossible, mais je vais tout de même essayer d’argumenter avec raison, et non avec passion – nous aurons probablement ce débat passionné sur l’article 2.

Dans les prochains mois, nous devrons très probablement avoir un débat sur la compétitivité de la France. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste !

M. Jean-Pierre Caffet. Je prétends aujourd’hui avec force que, au moins dans l’industrie, nous n’avons pas de problème de compétitivité-coût avec nos principaux concurrents, notamment avec l’Allemagne (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Mme Fabienne Keller. C’est faux !

M. Jean-Pierre Caffet. Vous n’avez pas démontré le contraire, madame Keller !

Hier, j’ai rappelé que le coût horaire avoisinait 33 euros des deux côtés du Rhin. J’ai même signalé que les coûts salariaux horaires en Allemagne, dans la branche automobile, étaient supérieurs de 30 % à ceux de la France.

Regardez les résultats du commerce extérieur français et allemand dans le secteur automobile, vous serez surpris de constater l’écart qui existe entre l’extraordinaire déficit français et l’extraordinaire excédent allemand.

En revanche, il est vrai – je me réfère aux propos de Mme Jouanno à l’instant – que, depuis une dizaine d’années, les coûts salariaux ont augmenté plus rapidement en France qu’en Allemagne.

On observe d’ailleurs, dans l’Europe des Vingt-sept, un phénomène général de convergence des coûts salariaux vers la norme des pays les plus développés. Ce n’est peut-être pas votre cas, mais, pour part, je ne suis pas partisan du dumping salarial et je vois dans cette tendance un progrès.