Mme Christiane Demontès. Il vaut mieux agir vite, plutôt que de ne rien faire !

M. Philippe Dallier. Ma chère collègue, je pense vous avoir démontré que je n’étais pas resté sans rien faire. Je ne connais pas beaucoup de maires qui ont construit plus de 1 000 logements dans une commune qui comptait 17 000 habitants en 2000 !

Par conséquent, si je ne donne pas de leçons,…

M. Marc Daunis. Un peu, tout de même !

M. Philippe Dallier. … j’estime n’en avoir aucune à recevoir !

Je demande simplement que l’on fasse preuve d’honnêteté, en considérant les situations au cas par cas. On ne peut pas faire passer toutes les communes sous la même toise indépendamment de leur situation de départ !

Car l’historique n’est pas sans importance dans cette affaire. Dans ma commune, le problème tient en effet aussi au fait que mes prédécesseurs ont construit trop peu de logements sociaux. Vous voulez infliger la même progressivité à toutes les communes quels que soient le passé et les retards accumulés ! Or c’est évidemment plus difficile pour celles qui partent de plus loin !

Vous auriez dû prendre tout cela en considération. Mais non ! Vous faites comme il y a quarante ans, en proposant un texte qui s’appliquera de la même manière partout. Mais la France est diverse en matière d’organisation des collectivités territoriales, tout le monde ne cesse de le répéter. On ne peut pas gérer la Corrèze et la Creuse comme la Seine-Saint-Denis ou le Grand Paris. Or on nous soumet encore des textes qui traitent tout le monde exactement de la même manière !

Vous voulez que votre projet de loi produise du logement social. Je crains qu’il ne produise surtout du constat de carence et ne mette un certain nombre de collectivités locales et d’élus de bonne volonté, d’élus républicains, en difficulté. J’ai vraiment beaucoup de mal à l’accepter !

J’en viens au troisième volet, le Grand Paris. Là encore, c’est extraordinaire, madame la ministre ! Avec le Grand Paris se pose un problème de gouvernance globale des collectivités locales, et cela ne concerne pas que le logement. En Île-de-France, l’intercommunalité est un concept qui n’a pratiquement pas de sens, notamment en petite couronne.

Pour ma part, je plaide depuis longtemps pour que le Grand Paris soit une collectivité locale. Un certain nombre d’élus ont fini par se rallier à mes positions ; je pense notamment à Claude Bartolone. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.) Mais comment peut-on superposer dans cet espace autant de périmètres différents traitant du même sujet ?

Le président du conseil régional voudrait créer une structure équivalente à celle du Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF, afin de tout maîtriser. Fort bien ! Les intercommunalités qui se sont construites au fil du temps, parfois sur des périmètres un peu surprenants, veulent mettre en œuvre des programmes locaux de l’habitat, ou PLH ; certaines le font déjà. Et viennent maintenant les contrats de développement territorial, qui ne sont pas forcément assis sur des périmètres intercommunaux. Pourtant, dans la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, on avait assigné des objectifs de construction de logements à ces contrats.

Et le préfet écrit aux communes qui n’en font pas partie – c’est le cas de ma commune, où je suis en train de réviser le PLH – pour leur informer des objectifs qui leur sont assignés. Pour ma part, je n’ai jamais compris comment les calculs étaient effectués. Que signifient des notions comme « bassin de vie » ou « bassin de logement » en plein milieu de la Seine-Saint-Denis ? Moi, le seul bassin de vie, le seul bassin de logement que je connaisse, ce sont ceux du Grand Paris. Et je désespère de voir jamais nous arriver un texte instituant une gouvernance logique, cohérente et globale qui permette d’avancer sur le sujet.

Dans le titre III, vous réglez effectivement la question, technique, de la mise en compatibilité du SDRIF et des contrats de développement territorial. Mais vous ne mettez absolument pas fin au bazar qui règne en petite couronne et, plus généralement, en Île-de-France en matière de logement ! Les maires resteront donc confrontés aux mêmes problèmes, et on n’aura pas beaucoup avancé.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ayant presque consommé mes dix-sept minutes, contrairement à ce que je pensais, je vais conclure avant de me faire taper sur les doigts, tant que ce n’est pas sur la tête ! (Sourires.)

Les amendements que j’ai déposés s’inscrivent dans la droite ligne…

M. Marc Daunis. En effet ! Ils sont bien à droite !

M. Philippe Dallier. … de ce que je viens de décrire. Ils n’ont pas de caractère politicien. Je forme le vœu que vous les regardiez avec attention et que vous vous demandiez en votre âme et conscience s’ils sont justes ou non.

Ne découragez pas les maires qui ont jusqu’à présent respecté la loi et qui sont prêts à faire des efforts !

M. Marc Daunis. Venez donc voir ce que font vos collègues dans les Alpes-Maritimes !

M. le président. Mes chers collègues, veuillez laisser l’orateur terminer !

M. Jean-Marc Todeschini. Il a utilisé tout son temps de parole, monsieur le président.

M. Christian Cambon. Oh ! Arrêtez !

M. Philippe Dallier. Je ne parle pas de « tous les maires » ; je parle de ceux qui respectent la loi et qui font des efforts !

J’ai lu ce texte, et je me dis qu’il est à vous dégoûter de vouloir être un bon républicain ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR. Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck.

M. René Vandierendonck. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi d’abord un rappel.

Comme vous le savez, j’ai eu l’honneur d’être rapporteur pour avis de la commission des lois sur le projet de loi relatif à la majoration des droits à construire. Or, le 29 février dernier, sur proposition à l’époque de Thierry Repentin, nous avions convenu, dans ce même hémicycle et au terme d’un débat qui avait permis les échanges nécessaires, qu’un premier geste, et un geste fort, pourrait être fait sur la cession de certains fonciers publics.

Si l’enjeu est limité, il n’est pas négligeable. En effet, cette démarche peut servir de booster. Le Gouvernement espère ainsi que 110 000 logements peuvent être libérés d’ici à 2016. Il a eu l’excellente idée de prévoir une décote, comme nous le demandions, pour équilibrer des opérations à caractère social, et ce autant que de besoin. Je me pince encore pour être sûr de ne pas rêver, le délai est si court ! Vous venez devant vous avec ce texte et je tiens à saluer la performance.

J’aimerais également insister sur un élément cher à notre excellent collègue Daniel Raoul, le président de la commission des affaires économiques. Même si une mesure spécifique devait concerner la cession des fonciers publics dans ce projet de loi – c’est ce dont nous étions convenus –, le foncier dans son ensemble gagnerait à ce que certaines problématiques soient abordées plutôt dans le texte dont nous serons saisis au printemps. Je pense notamment aux dispositions relatives aux établissements publics fonciers et à la fiscalité, qu’il s’agisse de la fiscalité contre la rétention ou de la fiscalité anti-spéculative, à l’instar de ce qui se pratique en Europe du Nord, comme nous le rappelait cet après-midi encore un chercheur dans les colonnes du journal Le Monde. Autant de questions dont nous devons, de grâce ! débattre dans la sérénité au printemps.

Par ailleurs, puisque nous nous inscrivons tous dans la perspective d’états généraux de la décentralisation, je note d’ores et déjà que le thème de la simplification administrative revient à grands pas. (M. Roger Karoutchi manifeste son scepticisme.)

Je me souviens qu’au tout début du quinquennat de M. Sarkozy, en 2007, une loi tendant à simplifier le droit de l’urbanisme avait été votée. Je vous invite à mettre toutes ces modifications, ainsi que celles prévues dans le Grenelle 1, le Grenelle 2, notamment, sur les plateaux d’une balance Roberval ; je vous invite à comparer le code de l’urbanisme de 2007 à celui de 2012 ! Pour que le débat reste constructif, gardons-nous d’argumenter à tort et à travers sur la complexité du dispositif proposé aujourd’hui.

J’étais il y a peu maire de Roubaix et je suis encore vice-président de la communauté urbaine de Lille. J’aime bien parler de ce que je connais. Comparaison n’est pas raison, certes, mais, dans ma communauté urbaine, qui compte quatre-vingt-sept communes, la mise en œuvre de la loi SRU n’a pas été une promenade de santé ! Aujourd’hui, les choses se déroulent bien, en conformité avec le schéma de cohérence territoriale, le SCOT, et le programme local de l’habitat.

M. Jean-Jacques Hyest. Mais vous n’avez pas de SDRIF !

M. René Vandierendonck. Monsieur Hyest, sans prendre en compte le PLS, et sur la base de projets d’urbanisme dont les études sont cofinancées par les communes, nous arrivons toujours à négocier, avec chacune des communes concernées, la construction, dans des délais qui font l’objet d’une discussion, de 30 % de logements sociaux, dont au moins 20 % de PLAI, car nous avons besoin d’une garantie. Chacun peut ensuite prévoir les adaptations nécessaires à sa réalité territoriale.

La meilleure des négociations est celle qui concilie des objectifs clairs à une contextualisation donnant nécessairement un rôle important aux intercommunalités. Manque de chance, monsieur Hyest, en Île-de-France, il n’y a pas d’intercommunalités !

M. Jean-Jacques Hyest. Si, il y en a !

M. René Vandierendonck. En tout cas, il n’y en a pas assez ! Cela a été souligné par M. Dallier avec des accents de sincérité qui faisaient ressembler sa démonstration à une plaidoirie pour la souplesse sur le terrain, et pour la loi SRU aussi, d’ailleurs.

M. Philippe Dallier. Pas n’importe comment !

M. René Vandierendonck. Je n’ai pas dit autre chose, mon cher collègue.

En attendant, ainsi que les chiffres en témoignent, les aides pour la construction de logements sociaux ont diminué de manière draconienne.

La métropole lilloise compte 48 000 demandeurs de logements sociaux ou très sociaux. Savez-vous que 80 % de ces personnes sont en dessous du plafond PLAI ? Dans le contexte que je décris ici, le PLS ressemble furieusement à du Canada Dry !

Prévoir que les aides au logement, voire le niveau financier des aides par logement, seront fonction du degré de tension dans les zones revient à accorder une prime au découpage Scellier. Pour notre part, nous revendiquons plus d’équité dans la répartition des aides au logement. Nous revendiquons également la prise en charge des zones tendues. Nous disons au Gouvernement : regardez les rapports d’évaluation de la politique de rénovation urbaine, et j’en prends à témoin Mme Létard. C’est clair et net : en site de rénovation urbaine, le seul produit de mixité sociale est l’accession sociale à la propriété !

M. Daniel Dubois. Je suis d’accord !

M. René Vandierendonck. En conséquence, il faut non seulement accompagner ce produit, mais également le bonifier si vous voulez qu’il reste attractif dans les territoires, ce qui ne peut se faire qu’au travers d’une démarche contractualisée.

Enfin, madame la ministre, nous espérons beaucoup de l’adoption d’un article additionnel.

M. le président. Veuillez conclure, cher collègue.

M. René Vandierendonck. Dans l’ex-bassin minier, qui compte 200 000 personnes, il y a des logements sociaux de qualité, mais nous manquons de financements et d’aides. Or 80 % des locataires disposent de revenus inférieurs au plafond de ressources du PLAI. Il me semble que nous n’aurions pas tout à fait perdu notre temps si le plus large consensus pouvait se dégager à l’occasion de l’examen de ce projet de loi afin de faire avancer le sort de ces personnes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UCR.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Charon.

M. Pierre Charon. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, il y a douze ans, vos prédécesseurs socialistes du gouvernement Jospin mettaient en place la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. L’objectif était clair : régler une fois pour toutes les problèmes de logement en France.

Il me semble que, si cet objectif avait été atteint, nous ne serions pas en train de discuter ce texte aujourd’hui. Devant le bilan très mitigé du dispositif SRU, avec maintenant plus de dix ans de recul, le bon sens devrait vous inviter à changer sinon d’horizon, au moins de méthode.

M. Jean-Marc Todeschini. Vous avez eu le pouvoir entre-temps !

M. Pierre Charon. Mais non : vous persistez dans une direction qui n’en finit plus de démontrer son inefficacité et de multiplier les effets pervers !

M. Marc Daunis. Qu’avez-vous fait pendant dix ans ?

M. Pierre Charon. Cette obstination est inexplicable et nous pouvons, malheureusement, d’ores et déjà prévoir les échecs des mesures de renforcement de la loi SRU que vous présentez aujourd’hui.

La première raison est très simple et tient au principe même de logement aidé.

En subventionnant le parc locatif public pour qu’il soit moins cher que l’offre privée, on entretient une demande qui sera toujours supérieure à l’offre. Le système engendre ainsi lui-même sa pénurie.

Il manquera donc éternellement des logements sociaux pour la simple et bonne raison qu’il y aura, évidemment, toujours des candidats pour vouloir payer leur logement moins cher. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Pierre Charon. Si encore ces logements étaient occupés par les familles les plus pauvres... Mais, une fois de plus, les bonnes intentions se heurtent à la réalité.

Les chiffres présentés dans le récent rapport sur le logement produit par l’Institut de recherches économiques et fiscales indiquent que près de la moitié des occupants du parc locatif aidé ne devraient pas en profiter.

Certes, ces occupants étaient éligibles lorsqu’ils se sont vu attribuer leur logement ; mais, depuis, leur situation économique a pu favorablement évoluer. Pour autant, ils n’ont pas quitté le logement qui leur avait été attribué.

Dans le même temps, de nombreuses familles très pauvres vivent à l’étroit dans des logements privés.

Cette situation est malheureusement inextricable, car les bailleurs sociaux ont besoin de ces « bons payeurs » pour financer le système et pour assurer une forme de mixité sociale.

En 2007, 53 000 ménages appartenant aux foyers les plus riches de France étaient hébergés en HLM. François Fillon avait alors saisi les préfets pour « améliorer la transparence de l’attribution des logements ».

Vous conviendrez qu’il est assez insupportable sur le plan moral que des contribuables aux revenus parfois très modestes financent par l’impôt le logement de familles aisées, qui ont simplement su demander la clef d’une HLM à la bonne personne.

C’est sans doute cet embarras qui a poussé votre collègue ministre de l’écologie à quitter précipitamment son logement de la RIVP, la Régie immobilière de la Ville de Paris, au mois de mai dernier...

Bien au-delà des cas d’occupation abusive, se posent également des problèmes liés au manque à gagner pour l’État – je pense à la cession gratuite, ou presque, de terrains vacants –, à la difficulté et au coût de gestion du parc immobilier, à sa dégradation accélérée, sans parler des problèmes urbains que soulèvent les projets de logements collectifs en termes de concentration.

Il ne s’agit pas de répéter l’erreur des cités dortoirs qui sont devenues des cités ghettos.

Comme sénateur et conseiller de Paris, je peux vous parler de la ZAC des Batignolles, qui donne une idée de la concentration programmée par l’équipe Delanoë en matière de logement social. Initialement prévue à 50 %, ce qui était déjà considérable, la proportion de logements sociaux dans le projet global a finalement dépassé ce chiffre, pour atteindre 55 % !

Ce n’est pas exactement l’horizon idéal en matière de mixité sociale !

Ce sont autant d’aspects qui devraient vous inspirer la plus grande modestie à l’égard des municipalités dont vous exigez aujourd’hui qu’elles s’alignent sur vos chimères, sous peine de sanctions très lourdes. Le renforcement de la coercition visant les mairies est une atteinte directe à la démocratie locale.

Quel autre message adressez-vous en réalité aux maires, sinon qu’ils ne sont pas assez intelligents pour inventer des solutions plus efficaces ?

Pourtant, qui mieux que les élus locaux connaît les particularités des territoires ?

Les problèmes de logement ne sont évidemment pas les même à Paris et à Vendôme, comme l’a rappelé Philippe Dallier tout à l’heure. En tant que sénateurs, nous avons une responsabilité particulière par rapport aux territoires.

Nous ne pouvons admettre une telle négation de la démocratie locale. Nous ne pouvons accepter les oukases d’un gouvernement qui, devant l’échec de son idéologie, l’impose par la force en frappant les récalcitrants au porte-monnaie.

La « surréglementation » est, en réalité, le moyen pour l’administration de reprendre aux élus locaux le pouvoir que la décentralisation leur avait confié en 1982 ! Vous nous feriez presque regretter Gaston Defferre... (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Pour finir, et c’est le plus désolant, ce texte ne créera pas un seul logement supplémentaire ! En faisant passer le seuil de 20 % à 25 %, il alourdit simplement la proportion du logement social dans le parc locatif, mais ne crée aucun logement supplémentaire pour l’ensemble de nos concitoyens !

Malheureusement, devant autant de mauvaises raisons de développer davantage une stratégie qui montre tous les jours son inefficacité, devant la précipitation évoquée par mes collègues tout au long de l’après-midi en ce qui concerne le dépôt de ce texte et devant l’amateurisme de sa préparation, nous craignons qu’il ne s’agisse, une fois de plus, d’un projet de loi politique, trouvant son fondement dans une idée aussi simple que cynique : plus de logements sociaux, c’est plus d’électeurs socialistes ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Voilà pourquoi, mes chers collègues, soucieux des vrais problèmes que connaissent les Français, singulièrement les Parisiens, pour se loger aujourd’hui, je ne voterai pas ce texte, sauf coup de théâtre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Marc Todeschini. Cela ne nous surprend guère !

M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb.

M. Gérard Collomb. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, notre pays compte 3,6 millions de personnes mal-logées et 1,7 million de nos concitoyens sont en attente d’un logement social. Le sujet mérite donc mieux que l’outrance et la polémique.

Le Président de la République et le Gouvernement se sont fixé des objectifs ambitieux : 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. C’est un défi que nous nous lançons !

Il sera difficile à relever, ne nous le cachons pas, et il nécessitera le concours de tous.

Cet objectif ambitieux ne pourra être atteint que grâce à la mise en place d’un éventail extrêmement large de mesures.

Comme vous l’avez souligné, madame la ministre, le texte que vous présentez aujourd’hui n’est qu’une brique dans une construction évidemment plus complexe.

Il faudra ouvrir l’accès à la propriété à un public plus large. L’accession sociale à la propriété est un thème important.

M. Marc Daunis. Très bien !

M. Gérard Collomb. Il faudra également permettre à des propriétaires bailleurs de mettre à la disposition de nos concitoyens des logements à prix maîtrisés.

M. Marc Daunis. Tout à fait d’accord !

M. Gérard Collomb. Il faudra avoir une action non seulement sur la construction de logements neufs, mais aussi sur le parc ancien, pour éviter que les plus modestes ne soient progressivement évincés.

Comme un certain nombre de mes collègues l’ont également souligné, il faudra mettre en œuvre un ensemble de dispositions permettant d’éviter les recours abusifs et simplifier les normes.

Afin de maîtriser le problème du logement, il conviendra aussi, comme d’autres collègues l’ont dit, de mettre fin à l’émiettement de l’organisation territoriale par le renforcement de l’intercommunalité. Si, dans mon agglomération, nous avons réussi à progresser sur le problème du logement, c’est parce qu’il y avait une intercommunalité large allant du cœur de Lyon aux communes périphériques telles que Vaulx-en-Velin ou Vénissieux. C’est en jouant sur cette intercommunalité que l’on a pu résoudre ou commencé à résoudre un certain nombre de problèmes.

Le cas de l’Île-de-France devra effectivement être traité. Aujourd’hui, on y dénombre 114 intercommunalités qui ne représentent que 55 % du territoire et 1 254 communes isolées, qui, pour 46 % d’entre elles, comptent moins de 1 000 habitants. De telles conditions ne favorisent évidemment pas la construction de logements sociaux.

Madame la ministre, j’en viens au texte que vous nous présentez aujourd’hui, qui est un élément, comme je l’ai dit, s’insérant dans un dispositif plus global.

Le premier volet de ce projet de loi vise à permettre la mise à disposition, à des conditions financières très favorables, du foncier de l’État et de ses établissements publics.

Alors que le Gouvernement s’est fixé comme priorité de réduire les déficits, c’est évidemment un geste fondamental. En tant que président d’une grande agglomération, j’apprécie que l’on fasse concourir l’État, les établissements publics, à l’effort nécessaire de construction de logements, particulièrement de logements sociaux.

Le deuxième volet porte sur l’obligation d’avoir 25 % de logements sociaux d’ici à 2025.

Le programme est extrêmement ambitieux et il devra tenir compte – comme vous vous y êtes efforcée dans votre projet de loi – de la réalité des territoires. Ainsi, la distinction que vous avez établie entre les territoires tendus et les territoires non tendus me paraît judicieuse. Je suis de ceux qui pensent que les projets de loi doivent tenir compte de la diversité des territoires. (M. Maurice Vincent applaudit.)

Dans ces territoires tendus, l’effort doit à l’évidence être important, un effort de construction globale de logements, et pas simplement de logements sociaux. Mais, lorsque l’on construit beaucoup de logements, il est d’autant plus difficile d’atteindre le pourcentage prévu par la loi SRU. En effet, si l’on ne construit que du logement social, on peut très vite se rapprocher de l’objectif, mais le problème est d’avoir une offre diversifiée. Il ne s’agit pas de reproduire les erreurs du passé en concentrant des programmes de logements sociaux sur les mêmes territoires, erreurs que l’on est en train de corriger aujourd’hui par les dispositifs de rénovation urbaine. (M. Daniel Dubois applaudit.)

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Gérard Collomb. J’ai effectué, avec l’aide des services du Grand Lyon, quelques calculs. Si, sur la première période triennale, il nous est relativement facile d’atteindre les objectifs fixés, lorsqu’on passe aux deuxième et troisième périodes, l’effort est tout à fait considérable.

M. Gérard Collomb. J’ai calculé que, sur mon territoire, nous ne pourrions construire que dans les zones SRU ; dans un certain nombre d’autres communes, nous ne pourrions plus construire, sauf à doubler, voire à tripler les financements de l’État et des collectivités locales…

Aujourd’hui, dans l’agglomération lyonnaise, l’aide de l’État à la pierre représente 20 millions d’euros. En face, le Grand Lyon investit 80 millions d’euros à la fois dans l’achat de foncier, dans le financement des ZAC, dans les subventions aux organismes d’HLM. Même si l’on peut encore faire un effort, on ne pourra pas aller bien au-delà.

Il importe donc d’être attentif au rythme qui est donné afin que l’objectif soit réalisable. C’est pourquoi, contrairement à un certain nombre de mes collègues, je propose que les préfets soient les garants de la dynamique mais qu’en même temps ils soient capables de négocier avec les présidents d’intercommunalité une véritable contractualisation. Il ne s’agit pas de fixer dans la loi des seuils inatteignables ; il faut au contraire qu’une modulation soit possible, en tenant compte des efforts qui ont été accomplis ou non par les territoires au cours des dix dernières années.

M. Daniel Dubois. Tout à fait d’accord !

M. Gérard Collomb. Ensuite, donnez-nous la possibilité dans l’intercommunalité de discuter, de négocier avec nos communes. J’ai apprécié l’intervention de notre collègue ancien maire de Roubaix : il sait comment, dans les communautés urbaines, dans les communautés d’agglomération, on négocie avec les différentes communes de manière à pouvoir atteindre les objectifs. Il s’agit non de s’arrêter à des chiffres qui, à un moment donné, deviennent de véritables couperets, mais de s’engager dans une véritable discussion, une véritable négociation.

Il faut donc faire preuve de détermination, d’audace, mais aussi de souplesse pour atteindre ces objectifs : madame la ministre, nous vous faisons confiance ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte, la précipitation dont il a fait l’objet mise à part, me paraît intéressant, car il pose de nouveau le problème du logement social. Certaines précisions me paraissent toutefois devoir être apportées, et je vais brièvement évoquer quelques points.

Il est vrai qu’un certain nombre de communes n’ont pas souhaité, ces dernières années, faciliter l’implantation de logements sociaux ou à loyer modéré pour des motifs divers qui ne peuvent être approuvés ou justifiés – craintes électoralistes, obligations sociales ou autres –, et ce malgré les amendes infligées, puisqu’en fait elles ont préféré régler les amendes.

Il me paraît donc normal que, dans ce cas précis, ces communes soient mises à contribution, car on ne peut soutenir celles qui ne cherchent à attirer que des foyers aisés, laissant aux autres les logements de personnes en difficulté. C’est un principe de solidarité nationale.

En revanche, d’autres collectivités n’ont pas forcément eu le temps de s’adapter à cette législation en raison du retard pris par les élus précédents. D’autres encore, en raison de difficultés foncières, n’en ont pas forcément eu les moyens.

Je crois, madame la ministre, que chaque décision devra être prise au cas par cas, et non d’une manière automatique. C’était mon premier point.

Deuxième point, la mixité sociale, qui a été évoquée par le maire de Lyon et d’autres collègues, devra être la règle. On a vu trop d’exemples désastreux ces dernières années qui ont posé de grandes difficultés à la fois aux locataires, aux habitants et aux collectivités.

Troisième point, il faut aussi permettre corrélativement aux locataires qui le souhaitent, souvent depuis des années, voire plusieurs dizaines d’années, d’accéder à la propriété. C’est l’objet de l’amendement proposé par Jean-Claude Carle que nous aurons à examiner.

Aujourd’hui, le manque de logements locatifs fait que l’on ne peut pas satisfaire les demandes, et elles sont très nombreuses.

Enfin, sur la donation de terrains par les établissements publics de l’État, des constats sont certes faits, çà et là. Tel ou tel établissement possède depuis des années des terrains en jachère et des bâtiments qui ont pourri sur place. Mais, sur chaque dossier, il faudra calculer les répercussions financières sur l’entreprise cédante ou sur son endettement. Chaque dossier devra faire l’objet de cette étude.

Cependant, madame la ministre, les entreprises publiques ne sont pas les seules à posséder des terrains bloqués depuis des années ; les ministères régaliens sont aussi concernés.

C’est ainsi le cas du ministère de la défense, à la suite de la fermeture de casernes. J’ai l’exemple de maires qui, depuis des années – quatre ans et même huit ans – ne parviennent pas à récupérer terrains et bâtiments laissés à l’abandon. Les enchevêtrements administratifs retardent tous les projets. Il faut sans doute, là aussi, considérer attentivement les situations et donner des instructions.

Madame la ministre, je souhaite que vous puissiez nous éclairer sur toutes ces questions et, d’avance, je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)