M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’année dernière, je dénonçais à cette tribune un projet de budget non pas de la sécurité sociale, mais de l’insécurité sociale. Les gouvernements précédents nous avaient en effet habitués à des projets de loi de financement de la sécurité sociale « court-termistes », émaillés de propositions électoralistes venant alourdir les dépenses de santé pour les plus modestes et les classes moyennes : droit d’entrée de 30 euros pour l’aide médicale de l’État ; diminution des indemnités journalières perçues en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, afin de lutter contre les prétendus abus des salariés ; doublement de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance à laquelle sont assujettis les contrats de santé solidaires et responsables ; franchises médicales ; déremboursements, etc. Autant de mauvais souvenirs et de solutions fausses, qui plus est contre-productives !

De ce point de vue, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 marque clairement une rupture. Pour la première fois depuis longtemps, ce budget n’introduit aucune remise en cause du niveau des prestations servies par le régime d’assurance maladie obligatoire, ce dont les écologistes se félicitent.

M. Jean-Pierre Plancade. Ils ont raison !

Mme Aline Archimbaud. Nous accueillons également avec une grande satisfaction certaines mesures que nous attendions depuis longtemps. Je pense par exemple à celle, fondamentale, mettant fin à la convergence tarifaire public-privé ou encore au remboursement à 100 % de l’IVG.

Notre groupe a cependant déposé une quarantaine d’amendements tendant à compléter ce projet de loi. Je n’ai pas le temps de tous les énumérer, mais sachez que nous proposerons, notamment, le tiers payant intégral pour les moins de vingt-huit ans, une demande de rapport sur la formation des médecins et l’influence des visiteurs médicaux sur la prescription de produits de santé, la création d’un répertoire des médicaments génériques, la réforme des critères d’accès à l’aide complémentaire santé en vue d’améliorer l’efficacité de ce dispositif, l’abrogation de la convergence tarifaire pour les EHPAD et les unités de soins de longue durée, l’interdiction du sponsoring de manifestations sportives par des fabricants de boissons sucrées, l’incitation à utiliser le vélo comme mode de déplacement professionnel.

Ces propositions, loin de faire l’objet d’amendements de défiance, constituent des avancées souhaitées par les écologistes. Elles visent à compléter et à prolonger les mesures gouvernementales dans un souci réaffirmé de responsabilité, de prévention et de solidarité.

Vous l’aurez compris, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, que nous interprétons bien comme un texte de transition, va selon nous dans la bonne direction.

M. Jean Desessard. Très bien !

Mme Aline Archimbaud. Notre principal motif d’insatisfaction – je me permets d’employer ce mot, car la solidarité ne doit en aucun cas exclure la franchise – concerne la santé environnementale, grande absente du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mme Aline Archimbaud. C’est d’ailleurs clairement lors de l’atelier « santé environnementale », parent pauvre de la conférence environnementale qui s’est déroulée les 14 et 15 septembre dernier, que les échanges ont achoppé, et ceux de nos collègues, élus ou associatifs, qui y ont assisté en sont ressortis très insatisfaits.

Afin de résoudre ce problème, nous vous proposons de poser les bases d’un système de taxation progressive de substances de grande consommation particulièrement dangereuses pour la santé.

Il s’agit en premier lieu de l’aspartame, un édulcorant qui entre dans la composition de 5 000 produits à travers le monde et dont l’utilisation fait polémique depuis 1974, date de sa première autorisation de mise sur le marché aux États-Unis.

Une étude danoise de 2010 portant sur près de 60 000 femmes enceintes a conclu à un risque accru de naissances prématurées chez les femmes enceintes consommant des boissons gazeuses contenant de l’aspartame.

Selon les conclusions d’une autre étude, celle de la Fondation européenne Ramazzini, institut italien privé de recherche en cancérologie environnementale, l’exposition à de hautes doses d’aspartame induirait des cancers du foie et du poumon chez certains animaux.

Je citerai en deuxième lieu l’huile de palme, qui représente 25 % de la consommation mondiale d’huile en 2010 pour un volume total de 42 millions de tonnes par an, et qui contient des graisses saturées, notamment de grandes quantités d’acide palmitique, l’une des trois mauvaises graisses saturées reconnues comme dangereuses pour la santé humaine. Si la culture artisanale et la consommation parcimonieuse d’huile de palme n’entraînent pas à elles seules de problèmes de santé, l’usage intensif de cette huile et son omniprésence dans les produits alimentaires de consommation courante sont préoccupants sur le plan tant sanitaire qu’environnemental. En effet, la culture industrielle du palmier à huile accapare de plus en plus de territoires, détruisant les forêts, menaçant les écosystèmes et mettant à mal les moyens de subsistance locaux en Indonésie, en Afrique ou ailleurs.

J’évoquerai en dernier lieu le diesel, responsable de l’émission de grandes quantités de particules très fines qui pénètrent facilement dans l’appareil respiratoire et sont à l’origine de cancers et de maladies respiratoires ou dégénératives, comme l’a officiellement confirmé l’OMS dans un rapport rendu public en juin 2012 et faisant suite à une étude de longue durée.

Nous vous proposons d’instaurer pour chacune de ces trois substances une taxe qu’il conviendra d’augmenter chaque année jusqu’en 2016, et dont nous attendons trois effets vertueux.

Premièrement, ces taxes inciteront les producteurs recourant à l’aspartame et à l’huile de palme, ainsi que les acheteurs de voitures diesel neuves, à se reporter sur les solutions de substitution qui existent.

Deuxièmement, elles procureront dès 2013, en année pleine, 795 millions d’euros de ressources supplémentaires pour les finances publiques, qu’il s’agira de mettre au service de la santé des Français. Nous proposons de créer un fonds de prévention auquel seraient affectés 750 millions d’euros et d’augmenter les dépenses de prévention en leur affectant 1 % supplémentaire du budget total de la santé. Les 45 millions d’euros restants seraient affectés à la conduite d’études indépendantes, dont nous manquons cruellement, portant sur les effets sanitaires de plusieurs substances suspectées d’avoir des effets délétères sur la santé et l’environnement, études que les pouvoirs publics ne prennent pas en charge à l’heure actuelle.

Madame la ministre, des études publiques payées par les pouvoirs publics, donc neutres, sont nécessaires et urgentes, et permettraient d’échapper à l’influence de tel ou tel intérêt économique.

Troisièmement, des effets positifs de ces taxes sont attendus sur les dépenses d’assurance maladie, dans la mesure où nous nous attaquerons ainsi aux vraies causes du déficit de la sécurité sociale, c’est-à-dire à l’épidémie de maladies chroniques que l’on observe dans nos sociétés occidentales et qui coûtent très cher.

Vous l’aurez compris, nous proposons ici des mesures favorables tant pour la santé de nos concitoyens que pour les finances publiques, et nous ne comprendrions pas qu’il nous soit opposé une fin brutale de non-recevoir.

Des chercheurs indépendants nous alertent depuis des années, et il est de notre devoir de parlementaires de relayer leur message. Nous ne pourrons pas dire, plus tard, que nous ne savions pas.

Nous nous félicitons que le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Yves Daudigny, se soit saisi de la question de l’huile de palme, ainsi que nos collègues de l’UMP qui proposeront également un amendement tendant à instaurer une taxation spécifique de ce produit.

Nous espérons, mes chers collègues, que vous soutiendrez de la même façon nos amendements visant à taxer l’aspartame et le diesel, qui relèvent de la même philosophie.

Nous, écologistes, entendons dire depuis des années qu’il est trop tôt pour aborder ces questions et que ce n’est pas encore le bon moment. Aujourd’hui, à l’heure du changement, alors que la crise écologique, sanitaire et sociale prend une ampleur inédite, les Français ne comprendraient pas que nous ne passions pas à l’action. Nous ne pouvons pas, à nouveau, remettre ce problème à plus tard. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Alain Milon.

M. Alain Milon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale est sans doute le moment le plus important de notre session parlementaire en matière de définition de notre protection sociale et de détermination de son financement. Malheureusement, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 proposé par le Gouvernement est à l’image du projet de loi de finances pour 2013, c’est-à-dire bien léger : il prévoit peu de mesures structurantes et de nombreuses hausses des prélèvements.

À l’origine de ce projet de loi, il y a une utopie ou une tromperie, celle des hypothèses de croissance et des prévisions de recettes. Alors que le contexte économique actuel est particulièrement morose pour la France et pour l’économie européenne, le Gouvernement s’appuie sur des hypothèses macroéconomiques irréalistes, voire fausses. Il prévoit ainsi pour l’année 2013 une augmentation de 0,8 % du PIB et une hausse de la masse salariale de 2,3 %. Pour mémoire, la plupart des économistes font aujourd’hui des prévisions sensiblement inférieures, entre 0,2 % et 0,6 % de croissance pour 2013.

Par ailleurs, le projet de loi qui nous est présenté prévoit de fixer l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, à 2,7 %. Cette orientation nous semble non seulement contraire aux recommandations de la Cour des comptes, qui préconisait de s’en tenir à 2,5 % – cela aurait permis de respecter cet indicateur, comme c’est le cas depuis deux ans –, mais aussi aux engagements internationaux de la France, notamment au traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, que nous avons ratifié voilà quelques jours et qui nous incite à maîtriser nos dépenses publiques. Ce n’est pas dans de telles conditions que nous pourrons réduire le déficit de la France à 3 % de notre PIB !

Ce projet de loi manque d’une vision d’ensemble, d’une ligne cohérente qui en ferait l’acte fondateur de mise en œuvre de la solidarité nationale émanant d’un gouvernement en fonction depuis six mois. Il pouvait être l’occasion d’engager des réformes structurelles sur le plan tant du financement que du fonctionnement de la sécurité sociale. Au lieu de quoi, ce texte est dépourvu de ligne directrice.

Vous êtes rattrapés, sinon débordés, par l’urgence et la gravité de la situation économique du pays. Il ne faut plus « prendre le temps de décider », comme le disait le Président de la République en septembre dernier ; il faut agir pour conjuguer la compétitivité des entreprises et la protection de notre modèle social, dont M. Hollande reconnaissait l’importance dans son discours d’ouverture de la conférence sociale de juillet dernier.

Vous avez attendu le rapport sur la compétitivité de M. Gallois, tout en précisant que celui-ci n’engagerait que son auteur… Et tandis que vous vous apprêtiez à faire tomber, au travers du projet de loi de finances pour 2013, une pluie d’impôts sur les entreprises et les épargnants sans véritablement réduire la dépense publique, voilà que vous prenez la direction opposée en reconnaissant enfin que le coût du travail pose un problème. Or il n’est pas possible, dans la période que nous traversons, de faire preuve d’hésitation et d’approximation.

Je rappelle que, selon un rapport du Trésor de 2011, les cotisations sociales patronales représentent 43,75 % du salaire brut en France, c’est-à-dire plus du double de ce qu’elles coûtent en Allemagne, soit 21,03 %, et que le financement de la protection sociale repose à 53 % sur les salaires en France, contre 47 % en Allemagne où la fiscalité, notamment la TVA, est plus importante.

Je rappelle encore que les taux de chômage et de croissance sont incomparablement plus favorables en Allemagne qu’en France, et que nous aurions grand tort de ne pas nous inspirer de solutions qui ont fait leurs preuves à l’étranger.

En décidant d’instaurer la TVA sociale, le gouvernement précédent voulait mettre à contribution les importations qui font concurrence aux produits français du fait d’une main-d’œuvre à bon marché. Un de vos tout premiers réflexes a été de la supprimer, sans rien prévoir pour la remplacer. Vous voilà donc bien embarrassés : vous savez qu’il s’agissait d’une bonne mesure, mais vous ne pouvez pas la réintroduire sans vous ridiculiser. Alors, vous faites appel à M. Gallois pour trouver des solutions alternatives, des mesures qui auraient les mêmes effets que la TVA sociale, sans qu’il s’agisse pour autant de la TVA sociale.

Qu’est-ce que cela donne ? Manifestement peu préoccupé par la cohérence de son action, le Gouvernement renonce au choc de compétitivité proposé dans ce rapport et nous propose, à la place, une mesure technocratique de crédit d’impôt dont les premiers effets n’interviendront qu’à partir de 2014. Dans une démonstration éclatante de ses propres contradictions, il assure le financement de cette mesure par une hausse de la TVA, alors que le candidat Hollande disait de la TVA sociale proposée par le précédent gouvernement qu’elle était injuste, inefficace et même inconséquente sur le plan du soutien de l’activité économique.

Il n’est pas sûr que la hausse que vous nous proposez soit meilleure puisqu’elle est générale et pénalise des secteurs économiques sensibles, alors que notre TVA sociale était ciblée sur les importations concurrentes des produits français.

Les Français jugeront.

Les Français, justement, que voient-ils ?

Rien, car le Gouvernement refuse de s’aider de tous les travaux menés par le gouvernement et la législature précédents.

Rien, car le Gouvernement perd du temps en missions et commissions diverses alors que les décisions doivent être prises immédiatement.

Rien, car le Gouvernement leur expose ses contradictions. Il parle de concertation à qui veut l’entendre, mais défend un projet de loi qui, je le rappelle, a recueilli les avis défavorables de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, de la Caisse nationale des allocations familiales, de la Caisse nationale d’assurance vieillesse et de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale.

Ce PLFSS ne prévoit aucune réforme structurelle et abandonne celles qui, mises en place précédemment, étaient en mesure d’assainir durablement les comptes de la sécurité sociale.

En l’absence de propositions concrètes pour une réforme en profondeur de la sécurité sociale, le Gouvernement fait le choix du dogmatisme fiscal, celui du « tout impôt ».

Les taxes inscrites à hauteur de 3,4 milliards d’euros sont économiquement néfastes. En effet, leur disproportion par rapport au faible effort d’économies prévu est de nature à peser très lourdement sur l’ensemble des Français, sur le travail et sur l’économie. Elles ne permettront pas de réaliser dans de bonnes conditions l’équilibre des comptes publics et pourraient même le compromettre en décourageant l’activité.

Je rappelle que la Cour des comptes, dans un rapport dont vous n’avez, là non plus, pas tenu compte, avait suggéré un partage 50/50 entre augmentations des recettes fiscales et économies dans la dépense publique.

À ces préconisations de bon sens, vous préférez une avalanche de taxes. Certaines, en particulier, ont pour effet d’augmenter le coût du travail et portent donc préjudice au financement de la sécurité sociale, que vous prétendez pourtant protéger.

Au-delà, au travers des mesures que vous prenez, vous pointez un doigt injustement accusateur sur les citoyens français concernés par des situations particulières.

Il s’agit des entrepreneurs, dont les cotisations vont augmenter de 2 % à 3 %, même sous le régime d’auto-entrepreneur, qui encourage l’initiative individuelle et nourrit la croissance.

Il s’agit des travailleurs indépendants, commerçants, artisans et professions libérales, sur qui vous allez faire peser une hausse des cotisations de 1,3 milliard d’euros, au risque de décourager l’accès aux professions de l’artisanat.

Il s’agit aussi, au risque de développer le travail clandestin, des particuliers employeurs, qui ne pourront plus déclarer qu’au réel leur employé, dans les secteurs tant de l’aide à domicile que des services à la personne.

Il s’agit enfin de l’industrie pharmaceutique, qui fait partie des domaines d’excellence de l’industrie française et à laquelle vous allez faire payer 1 milliard d’euros de taxes supplémentaires.

Nous aurons, évidemment, l’occasion de revenir sur ces mesures au cours de l’examen des articles et de la défense de nos amendements.

J’en viens à la branche maladie.

Dans ce domaine comme dans les autres, je ne peux qu’exprimer mon incrédulité en constatant l’absence de toute ligne cohérente dans les dispositions proposées. Au lieu de poursuivre l’effort de réforme engagé par le gouvernement précédent, vous supprimez des mesures majeures sans prévoir la moindre réforme structurelle. L’abrogation du secteur optionnel, par l’article 42 du projet de loi, constitue à cet égard une illustration sans équivoque.

M. Alain Milon. Le Gouvernement a qualifié d’« historique » l’accord sur les dépassements d’honoraires, accord qui revient en fait à conserver un secteur optionnel qui ne dit pas son nom.

Comme, dans votre majorité, des voix se sont élevées pour critiquer cet accord, vous avez accepté un amendement à l’Assemblée nationale pour limiter l’exercice libéral à l’hôpital sans aucune concertation avec les syndicats de médecins hospitaliers. Or vous avez confié, il y a tout juste un mois, une mission à Dominique Laurent, membre du Conseil d’État, afin d’examiner le cadre dans lequel se pratiquent les dépassements d’honoraires à l’hôpital public.

La « logique » suivie est la même que celle qui est à l’œuvre pour le rapport Gallois : pour donner des gages à vos amis politiques, vous interdisez ou réfutez par avance des mesures utiles uniquement parce qu’elles vous ont été proposées ou pourraient l’être !

En matière d’accès aux soins sur l’ensemble du territoire, nous sommes tous d’accord sur le constat : dans certaines zones, obtenir un rendez-vous avec un spécialiste peut prendre des mois, et seul un généraliste sur trois partant à la retraite trouve un remplaçant.

Vous proposez la création d’un praticien local de médecine générale pour lutter contre la désertification médicale. Nous nous interrogeons sur la mise en œuvre de cette proposition : quels critères permettront précisément de mesurer l’insuffisance d’offre médicale ? Pouvez-vous nous donner une carte précise des zones concernées ?

En outre, il nous semble prématuré de créer une nouvelle incitation à l’installation alors que l’ensemble des mesures existantes n’est pas encore connu par la grande majorité des internes.

Qui plus est, vous ne tenez pas compte des travaux de la Haute Assemblée et de sa commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire. En effet, un groupe de travail sur la présence médicale sur l’ensemble du territoire a été mis en place depuis le mois de juin dernier et doit rendre ses conclusions, à propos des « déserts médicaux » notamment, au début de l’année prochaine.

Je tiens à souligner que l’Association nationale des étudiants en médecine de France, qui a été auditionnée dans ce cadre, a rappelé l’inefficacité des mesures coercitives et la nécessité du développement de structures pluridisciplinaires, comme les maisons de santé.

En revanche, nous soutenons l’élargissement du contrat d’engagement de service public, mis en place en 2009, sous le gouvernement précédent, à d’autres professionnels de santé, notamment aux chirurgiens-dentistes.

Concernant l’hôpital, nous vous rejoignons sur la suppression de la convergence tarifaire, même si nous préférerions parler de suspension plutôt que d’abrogation pour suivre les recommandations du rapport de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, sur le financement des établissements de santé, rapport que j’ai eu l’honneur de présenter avec mon collègue Jacky Le Menn.

En effet, la mise en place d’une tarification liée à l’acte thérapeutique pratiqué conduit, instinctivement, à l’idée que le financement doit être égal quels que soient le lieu ou les modalités d’exercice, l’acte étant censé être le même et le patient soigné de manière identique. Or des différences fondamentales existent, entre l’ensemble des établissements de santé en France, en ce qui concerne les modes de prise en charge, les contraintes d’organisation, le coût des personnels ou encore la capacité à programmer l’activité.

Mon collègue René-Paul Savary interviendra plus particulièrement sur le volet médico-social, mais je souhaite d’ores et déjà indiquer que nous présenterons un amendement visant à suspendre la convergence tarifaire jusqu’en 2018.

Je précise que nous avions déposé un amendement ayant pour objet la suppression de la convergence tarifaire dans le médico-social, notamment dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ainsi que dans les unités de soins de longue durée, et j’aurais aimé connaître l’avis de Mme Touraine sur celui-ci puisqu’elle avait déposé un amendement à l’objet identique l’an dernier à l’Assemblée nationale. Malheureusement, notre amendement a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution…

Je souhaite réaffirmer que l’instauration, par le précédent gouvernement, du jour de carence sur les arrêts maladie à l’hôpital ne doit pas être remise en cause. En effet, avec la diminution de l’absentéisme de courte durée, et donc une meilleure organisation du travail pour les personnels, cette réforme a atteint son objectif : une meilleure qualité de soins. Elle a en outre permis aux établissements de faire des économies, que la Fédération hospitalière de France estime entre 60 millions et 75 millions d’euros.

En revanche, nous sommes opposés à l’article 43 ter sur les modes de facturation des actes de biologie médicale à l’hôpital. Cet article prévoit de revenir à une facturation par les laboratoires de « seconde intention », c’est-à-dire, pour l’essentiel, les laboratoires de biologie médicale des CHU effectuant pour l’extérieur des analyses très spécialisées, généralement cotées en B hors nomenclature, directement auprès des patients.

Cette disposition réintroduit un déséquilibre public-privé du fait des règles de facturation imposées aux hôpitaux et de l’éloignement vis-à-vis du patient. En outre, elle est en contradiction avec l’esprit de l’ordonnance Ballereau, qui prévoit un dossier biologique unique sous la responsabilité du laboratoire de biologie médicale préleveur.

Je veux par ailleurs vous alerter, mesdames les ministres : le service de médecine de l’adolescent du CHU de Bicêtre, reconnu nationalement et internationalement, est menacé par le départ de son chef de service et par un nouveau projet de spécialité médicale qui pourrait porter préjudice à sa spécificité.

Cet exemple concret renvoie plus généralement à la question de l’approche particulière qui doit prévaloir quant à la santé des adolescents. Aussi pouvez-vous nous donner de plus amples informations sur les projets concernant le service de la médecine de l’adolescent du CHU de Bicêtre et nous rassurer quant à la préservation de ce type d’approche médicale ?

Je souhaite également vous alerter à propos d’un projet de décret résultant de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.

Il reste essentiel que, conformément à ce que nous avions voté, les Français soient bien informés en matière de liens d’intérêt entre les médecins et des laboratoires pharmaceutiques. Or le Gouvernement prépare, semble-t-il, un projet de décret qui va à l’encontre de cette nécessaire information des patients. Malgré la volonté claire du législateur, ce projet de décret ne met en effet pas en œuvre l’obligation pour les industriels de transmettre toutes les conventions conclues avec les médecins, en particulier les contrats d’experts et d’orateurs.

Dans ces conditions, comment le Gouvernement compte-t-il encourager la transparence voulue par le législateur et donner à l’Ordre des médecins les moyens d’accomplir sa mission de contrôle ?

Enfin, le Gouvernement a sans doute été interpellé par les professionnels de la biologie médicale !

Ceux-ci nous ont fait part de leur inquiétude face à la baisse des tarifs de la biologie médicale, que le PLFSS entend imposer pour la septième année consécutive. Ces dispositions ne sont pas de nature à rassurer les laboratoires de petite taille, notamment dans des zones de faible démographie médicale. Je rappelle qu’en France les laboratoires de biologie médicale emploient 45 000 personnes réparties sur 4 000 sites.

Il conviendrait plutôt de prendre en compte le coût réel des laboratoires et de renforcer leur rôle dans la prévention de façon à mieux informer les patients et à réaliser des économies pour le système de santé. Il nous semble nécessaire de raisonner sur l’ensemble de la chaîne médicale, sans se limiter au strict point de vue comptable.

Pour conclure, je veux dire que cette préoccupation comptable est la seule à l’œuvre dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont ne se dégage aucune vision d’ensemble non plus qu’aucune mesure d’envergure ; en ressort uniquement l’obsession de limiter le déficit en recourant au matraquage fiscal.

Les médecins hospitaliers sont mécontents, les biologistes furieux, l’industrie du médicament est étranglée par les taxes et annonce des plans sociaux. C’est ainsi que vous réussissez l’exploit de vous mettre à dos toutes les catégories professionnelles en lien avec la protection sociale !

Qui plus est, vous n’êtes même pas sûrs de pouvoir vous rapprocher de l’équilibre tant toutes ces nouvelles taxes pourraient être contre-productives. Élargissement du forfait social, augmentation des cotisations sociales, hausse des cotisations des travailleurs indépendants, toutes les forces vives du pays vont y passer, et cela en pure perte ! En imposant aux artisans, aux commerçants et aux professions libérales plus de 1 milliard d’euros de cotisations supplémentaires en 2013,…

Mme Catherine Génisson. Ils l’ont accepté !

M. Alain Milon. … vous êtes certains de vider leurs caisses, mais pas de remplir celles de la sécurité sociale !

Bref, il s’agit à notre sens d’un PLFSS « pour rien » en matière de réformes structurelles, notamment de réorganisation de l’offre de soins. Comment voudriez-vous que nous vous suivions sur une telle voie ?

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera, évidemment, contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)