Mme Michèle André. C’est vrai !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Dans ces conditions d’extrême urgence à améliorer la compétitivité, fallait-il attendre avant d’agir ? Bien sûr que non ! Lorsque nous discutions la première partie du projet de loi de finances pour 2013, je me souviens que certains collègues de l’opposition sénatoriale auraient souhaité que nous inscrivions sans délai ces dispositions dans le texte.

Mme Michèle André. Absolument !

Mme Maryvonne Blondin. C’est juste !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Aujourd’hui, le CICE arrive dans le projet de loi de finances rectificative pour 2012…

M. Albéric de Montgolfier. Par voie d’amendement !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … et on entend les mêmes considérer que cela ne doit pas relever d’un tel texte.

M. Philippe Marini. Attendez d’entendre nos arguments ! Ne faites pas les questions et les réponses !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est une situation que vous avez-vous-même dénoncée, monsieur Marini. Ce qui était considéré comme une urgence voilà quelques semaines ne le serait plus aujourd’hui. Allez comprendre cette stratégie à l’emporte-pièce de l’opposition sénatoriale sur ce sujet !

Pour ma part, je pense que ce dispositif est tout à fait à sa place en seconde partie du premier projet de loi de finances disponible, pour que l’Assemblée nationale l’examine en premier lieu conformément à la priorité dont elle jouit en matière budgétaire. C’est bien cette démarche que le Gouvernement a souhaité respecter.

Le CICE n’est pas moins à sa place dans un projet de loi de finances rectificative que dans un projet de loi de finances, dès lors qu’il n’a d’incidence ni sur le solde de 2012 ni sur le solde de 2013.

En revanche, figurant dans le texte que nous examinons aujourd'hui et qui sera promulgué dans les prochains jours, le CICE pourra être utilisé par les entreprises dès le début de l’année 2013. Le CICE constitue un outil simple et lisible de nature à permettre aux entreprises de reconstituer leurs marges et donc d’investir plus afin, selon l’expression à la mode, de « monter en gamme ».

J’entends des critiques sur les modalités de versements de cet outil et son traitement en comptabilité nationale. Elles me semblent infondées, en particulier parce que le nouveau crédit d’impôt repose sur une technique fiscale identique à celle qui a été retenue pour le crédit d’impôt recherche. Elles masquent surtout l’absence de critiques de fond. Si l’on s’attache tant à la forme, c’est bien parce que l’on a peu à redire sur le fond.

Le CICE déplacera plus de 20 milliards d’euros à compter de 2016. Compte tenu de l’ampleur de la mesure, il n’est pas anormal que les modalités de mise en œuvre de celle-ci donnent lieu à des débats. Ces derniers ont été nourris à l’Assemblée nationale et le seront sans doute tout autant ici.

Pour ma part, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez, j’ai pleinement approuvé le principe d’un dispositif d’allégement du coût du travail financé pour moitié par des augmentations de prélèvements obligatoires et pour moitié par des économies de dépenses publiques. C’est bien ce que prévoit ce dispositif et ce que vient de rappeler le Gouvernement.

S’agissant des enseignements à tirer du rapport Gallois, il y a lieu à mon avis d’insister sur la nécessité de porter une attention toute particulière à l’industrie française. À cette fin, j’avais imaginé de recourir de façon accrue au dispositif du crédit d’impôt recherche qui profite aux deux tiers à l’industrie et dont le bénéfice est conditionné à la réalisation de dépenses de recherche-développement et, désormais, d’innovation. Mais j’ai conscience que le Gouvernement tient à la pureté de son dispositif unique, lisible et simple à comprendre par les chefs d’entreprise, qui bénéficieront d’un allégement de 6 % de leur masse salariale jusqu’à 2,5 SMIC et qui ont d’ores et déjà intégré cette annonce dans leur stratégie d’entreprise pour 2013.

Monsieur le ministre, je sais que le Gouvernement est soucieux, s’agissant du secteur industriel, d’élargir et de renforcer ces dispositifs dès l’année prochaine. Je vous remercie d’être très attentif à notre action en faveur de la compétitivité industrielle.

Il faut le dire et le répéter, mes chers collègues : le CICE créera des emplois, améliorera la croissance et développera la compétitivité. Il sera efficace. Grâce à ce dispositif – les chiffres sont fiables et nos estimations ont permis de le confirmer –, plus de 300 000 emplois seront créés.

M. Francis Delattre. C’est comme les 400 000 emplois prévus avec les 35 heures !

M. Jean-Pierre Caffet. Il fallait les supprimer, alors ! Pourtant, vous les avez généralisées !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. On sait très bien que le dispositif de TVA sociale que vous aviez souhaité mettre en place au mois de mars dernier et qui n’était que de l’affichage à l’approche de l’élection présidentielle ne créait quasiment aucun emploi ! Aujourd'hui, le problème, c’est l’emploi et la compétitivité de nos entreprises.

M. Francis Delattre. Il faut d’abord sauver les emplois !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est sur ce terrain que le dispositif apporte toute son efficacité.

Pour conclure, mes chers collègues, je vous invite à vous souvenir que nous avons débuté cette session budgétaire par l’examen de textes portant sur la gouvernance de nos finances publiques. Je pense en particulier à la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, que le Conseil constitutionnel a pour l’essentiel déclarée conforme à la Constitution hier.

Il s’agissait notamment de prendre en compte les règles européennes issues du traité budgétaire ainsi que des deux paquets « gouvernance ». Nous entamerons d’ailleurs dans deux semaines le troisième semestre européen, au cours duquel nous examinerons le programme de stabilité, qui porte sur la trajectoire des finances publiques, et le programme national de réforme, relatif aux mesures structurelles de transformation de notre économie.

Nous aurons alors la confirmation que le Gouvernement applique à l’échelon national les orientations qu’il défend à l’échelle européenne, c’est-à-dire à la fois la discipline budgétaire et la mise en œuvre de réformes de nature à stimuler la croissance.

Ce projet de loi de finances rectificative pour 2012, heureusement enrichi du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, s’inscrit pleinement dans cette démarche, et ce n’est pas la moindre des raisons pour lesquelles je vous invite, mes chers collègues, à l’adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Madame la présidente, il n’est pas d’usage que le Gouvernement s’exprime ainsi, juste après l’intervention du rapporteur général. Vous vous en doutez, ce n’est pas pour féliciter ce dernier des propos qu’il a tenus, encore que ce serait mérité... (Sourires.)

Mme Michèle André. Oui, il le mériterait !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Si je prends la parole, c’est pour solliciter l’indulgence de la Haute Assemblée : l’embouteillage du calendrier parlementaire m’oblige à quitter cet hémicycle pour celui de l'Assemblée nationale afin d’y achever l’examen en nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2013.

Alain Vidalies, ministre chargé des relations avec le Parlement, me remplacera. Je reviendrai poursuivre ce débat dès que les travaux de l'Assemblée nationale seront terminés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai bien conscience que ces conditions de travail sont un peu difficiles et je vous prie de bien vouloir excuser mon absence.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, j’espère que vous aurez le temps d’entendre au moins un orateur de l’opposition dans cette discussion générale !

Nous voici parvenus à l’acte II, un peu tardif, de la session budgétaire. L’acte I s’est en particulier traduit par une ponction fiscale supplémentaire de 20 milliards d’euros sur les entreprises. L’acte II, ce serait, après l’illumination du rapport Gallois, la « restitution » de ces 20 milliards d’euros aux entreprises sous le vocable de « crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi », ou CICE.

En est-il réellement ainsi ? Il faut, me semble-t-il, approfondir davantage l’analyse. Tout d'abord, alors que le Gouvernement avait promis que ce projet de loi de finances rectificative ne comporterait pas de hausse d’impôt, l’imagination est toujours à l’œuvre dans ce domaine puisque nous verrons apparaître dès le 1er janvier 2013 une surtaxe sur les plus-values immobilières, applicable aux transactions à partir de 50 000 euros. Que n’y a-t-on pensé plus tôt, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013 ? C’est un merveilleux procédé, consistant à utiliser, petitement en l’espèce, un texte visant à ajuster les comptes de l’exercice à clore pour traiter de la fiscalité dans l’exercice à ouvrir.

Monsieur le ministre, où est la cohérence de ce dispositif avec la conjoncture du marché immobilier, sur lequel le nombre de transactions continue à diminuer ? Cette mesure induit des risques pour les finances des collectivités territoriales. Où est la cohérence avec l’abattement de 20 % sur l’assiette des plus-values pour l’année 2013 prévu en loi de finances ?

Un second élément doit être pris en compte pour approfondir l’analyse. Derrière l’efficacité, que je salue, de l’opération de communication à laquelle vous vous livrez sur le CICE, se cachent en réalité – je persiste à le dire – un revirement et une incohérence majeure. Vous avez, par un souci de revanche politique que je peux comprendre, au lendemain d’une élection décisive, annulé le peu que la précédente majorité avait fait, bien tardivement, en matière de restauration de la compétitivité des entreprises, avec le transfert, encore très limité, de certaines charges sociales vers la fiscalité indirecte.

Après ces quelques éléments d’introduction, je voudrais poser d’emblée deux questions au Gouvernement.

Ma première question – permettez-moi de la formuler de manière un peu solennelle – est la suivante : l’exercice du droit d’amendement reconnu au Gouvernement peut-il, dans le respect de nos institutions, aller jusqu’à autoriser ce dernier à insérer en cours de discussion parlementaire un dispositif de l’ampleur du CICE ?

M. Albéric de Montgolfier. Le Conseil d'État n’a pas été consulté, et aucune étude d’impact n’a été réalisée !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Rappelons que le conseil des ministres a délibéré sur ce projet de loi de finances rectificative le 14 novembre dernier et que l’annonce d’une possible insertion du CICE dans ce projet de loi a circulé dès la semaine suivante.

Il aurait été matériellement possible d’adopter une lettre rectificative. Cela aurait permis de respecter les formes, notamment de mettre une étude d’impact à la disposition du Parlement et de soumettre le texte à l’examen préalable du Conseil d’État, lequel aurait ainsi pu formuler un avis utile au Gouvernement sur ce dispositif qui, comme nous le verrons tout à l'heure, est très complexe.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En dépit d’un calendrier serré, je ne pense pas que l’adoption d’une lettre rectificative était impossible, et le respect de cette règle de procédure aurait été bien utile pour nos discussions.

J’en viens à ma seconde question : monsieur le ministre, l’adjonction à laquelle se livre le Gouvernement ne constitue-t-elle pas une véritable dénaturation, au sens propre, c'est-à-dire un changement de nature, de la notion même de « loi de finances rectificative » ? Nous avons, les uns et les autres, connu de très nombreuses lois de finances rectificatives. Ces lois sont souvent des fourre-tout fiscaux – une sorte de troisième partie de la loi de finances de l’année à venir – qui, utilisant la technique de ce que j’ai appelé « la serpillière législative », épongent ce qui reste dans les tiroirs. (M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget, quitte l’hémicycle, remplacé au banc du Gouvernement par M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.)

Certes, la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF, ne dit pas expressément ce que sont les lois de finances rectificatives. On peut toutefois – c’est le bon sens – déduire de leur libellé même et des dispositions de l’article 53 de la LOLF que ces textes ont pour vocation première de tirer les conséquences des évolutions de la situation économique et budgétaire apparues en cours d’exercice.

Raisonnons en ordres de grandeur, mes chers collègues. M. Cahuzac est parti, mais il a fait tout à l'heure une allusion à laquelle je voudrais répondre. Les ouvertures et annulations de crédits prévues par le présent projet de loi de finances rectificative portent sur environ 2 milliards d’euros, et le solde se dégrade de 2,5 milliards d’euros – hors opération Dexia – par rapport au dernier collectif, essentiellement du fait d’une baisse des recettes fiscales et non fiscales qui n’est pas entièrement compensée par l’effet d’aubaine bienvenu que constitue l’atténuation de la charge de la dette.

Or ce texte, qui prévoit, je le répète, des mouvements de crédits de 2 milliards d'euros et une dégradation du solde de 2,5 milliards d’euros, a été modifié par un amendement – l’amendement relatif au CICE – portant sur 20 milliards d'euros : 20 milliards d'euros par rapport à un solde de 2,5 milliards d'euros !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il n’y aura pas un seul euro dépensé pour le CICE en 2012 ni en 2013 !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On ne me dira pas que le fait d’introduire une mesure représentant un impact de 20 milliards d'euros dans un texte conçu pour organiser un impact de 2,5 milliards d'euros ne dénature pas, au sens propre, le texte en question.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je le répète, il n’y aura pas un seul euro dépensé pour le CICE en 2012 ni en 2013 !

M. Albéric de Montgolfier. Alors pourquoi se presse-t-on ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il n’y a pas d’urgence à adopter cette mesure, qui pourrait très bien être mise en œuvre le moment venu, monsieur le rapporteur général.

M. Jean-Pierre Caffet. Les anticipations des entreprises, vous savez ce que c’est ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Laissez-moi poursuivre !

Dans le cadre de l’examen de ce projet de loi de finances rectificative, nous sommes très loin de pouvoir absorber à la va-vite, sans étude d’impact ni avis du Conseil d'État, une mesure qui crée potentiellement une dette de 20 milliards d'euros de l’État à l’égard des entreprises. Par son ampleur et sa portée, cette mesure n’avait clairement pas sa place dans le collectif de fin d’année, marqué de surcroît, comme chaque année, par des délais d’examen très courts, scandaleusement courts même, qui interdisent de fait de procéder à un examen suffisamment approfondi de la mesure proposée.

Qui pis est, le Gouvernement a aggravé son cas en multipliant les amendements portant article additionnel ou en incitant le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale à le faire. Nombre de ces amendements, puisés à bonne source, portaient sur des sujets qui n’étaient pas médiocres et appelaient eux aussi une analyse plus scrupuleuse. Citons, par exemple, la garantie apportée par l’État aux prêts contractés par le 1 % logement, la surtaxation des plus-values immobilières ou encore la taxe sur les logements sous-occupés, même si cette dernière mesure a finalement été abandonnée.

Pas moins d’une quarantaine d’amendements du Gouvernement, dont une dizaine étaient réellement importants, ont ainsi dû être examinés dans des conditions inacceptables d’improvisation par la commission des finances de l’Assemblée nationale, dans le cadre d’une suspension de séance en plein milieu de la discussion des articles. Je crois être objectif en disant que, depuis le temps, hélas ! assez long – au moins une vingtaine d’années – que je m’intéresse aux lois de finances, je n’ai jamais vu cela.

Avant de développer les critiques de fond qu’appelle à mon sens le CICE, je dirai un mot du constat le plus alarmant qu’imposent les ajustements réalisés par le présent projet de loi : 605 millions d’euros supplémentaires sont inscrits au titre des dépenses salariales. Que l’on ne nous dise donc pas que les dépenses sont tenues, ni qu’elles sont mieux tenues aujourd'hui qu’elles ne l’étaient hier !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Si, elles sont tenues !

Mme Michèle André. Oui, elles sont tenues !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je le répète, ce sont 605 millions d'euros supplémentaires qui sont inscrits au titre des dépenses salariales.

Mais venons-en aux questions de fond que soulève le CICE. Certes, le rapport Gallois est une nouvelle icône républicaine. Quel beau plaidoyer pour l’industrie et la compétitivité des entreprises ! Quel beau plaidoyer, aussi, en faveur des intentions qu’avait, et que n’a sans doute pas suffisamment mises en œuvre, le précédent gouvernement. Et quel réquisitoire, monsieur le ministre, contre la politique que vous avez menée les premiers mois, avant le tournant !

Peut-on pour autant parler de conversion ? Auriez-vous, malgré les périls, trouvé le chemin de Damas ? J’en doute, car l’outil que vous nous demandez d’adopter soulève cinq difficultés.

Première difficulté, les effets du dispositif sont trop peu massifs, en volume et dans le temps, pour produire un impact significatif. De ce point de vue, je partage totalement l’analyse de Louis Gallois : il n’y a pas d’impact significatif à attendre d’un transfert de charges inférieur à 30 milliards d'euros.

Deuxième difficulté, le CICE a un problème de ciblage. En décidant de limiter la mesure aux salaires inférieurs à 2,5 SMIC, le Gouvernement n’a pas voulu, ou pas pu, faire de choix entre une politique de soutien à l’emploi, qui suppose de favoriser les plus bas salaires, et une politique de compétitivité, qui impose de monter plus haut sur l’échelle des salaires concernés afin de favoriser ce que le Gouvernement a lui-même appelé « la montée en gamme de notre économie ». La belle icône – je veux parler du rapport Gallois – préconisait pourtant d’opérer un transfert de charges sur les salaires jusqu’à 3,5 SMIC.

Tel que le Gouvernement l’a conçu, le dispositif risque de bénéficier largement à des secteurs protégés de l’économie – distribution, hôtellerie, restauration, bâtiment –,…

M. Albéric de Montgolfier. Et pas à l’industrie !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … auxquels vous allez ajouter, en écoutant leurs demandes d’une oreille favorable, le secteur de l’économie solidaire et le secteur associatif,…

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ces secteurs nous tiennent à cœur, en effet !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … qui, s’ils sont certes très sympathiques, ne subissent aucune concurrence extérieure.

Cher Jean-Pierre Caffet, je me souviens des débats que nous avons eus de bonne foi sur la TVA sociale.

M. Jean-Pierre Caffet. Moi, en tout cas, j’étais de bonne foi !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous disiez alors que cette mesure ne profiterait pas suffisamment à l’industrie. Je vous retourne exactement le même argument à propos du CICE.

M. Jean-Pierre Caffet. Ce n’était pas mon seul argument !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. J’en viens à la troisième difficulté que soulève le CICE. Si nous argumentons aujourd'hui à fronts renversés, nous n’en sommes pas moins dans la continuité de nos débats précédents, à la différence près que le CICE pose un problème d’effet de seuil tout à fait redoutable. Ce dispositif constitue une barrière à la hausse des salaires autour de 2,5 SMIC dans la mesure où, à ce niveau de rémunération, toute hausse de salaire se traduira par une hausse disproportionnée du coût du travail.

Il aurait fallu à tout le moins lisser la mesure, comme le prévoit le dispositif Fillon d’exonération des cotisations sociales et comme le prévoyait, monsieur le rapporteur général, un amendement excellent par son inspiration que la commission des finances avait dans un premier temps approuvé, en saluant votre initiative.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Votez donc la création du CICE !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le rapporteur général, je parle de l’amendement excellemment préparé qui avait été approuvé très largement, voire à l’unanimité, par la commission des finances.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Prenez vos responsabilités : votez la création du CICE !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pourquoi avez-vous retiré cet amendement ? Je suppose que c’est parce que le Gouvernement ne vous a pas donné son accord.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Non, pas du tout !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Et si le Gouvernement ne vous a pas donné son accord sur votre texte, c’est qu’il assume cet effet de seuil !

Alors, il faudra que le Gouvernement s’explique sur l’effet de seuil et qu’il nous dise pourquoi le lissage n’est pas possible.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Laissez-nous aller à la CMP, monsieur le président, et vous saurez !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Encore faudrait-il que le débat au Sénat soit clair et que l’on ne s’autocensure pas, qu’il soit complet, que tout soit sur la table !

Mme Michèle André. Pourquoi ne serait-ce pas le cas ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Par ailleurs, pour bien des entreprises, la mesure sera un leurre puisque la créance détenue sur l’État devra être imputée sur le montant de l’impôt sur les bénéfices au cours des trois années suivant celle où elle est apparue. En d’autres termes, une entreprise ne faisant pas de bénéfices ne pourra pas faire jouer sa créance les trois premières années : ce n’est que la quatrième année que cette créance pourra être éventuellement restituée par le Trésor.

On nous dit que le dispositif est urgent, décisif, qu’il aura un impact important sur l’économie. Permettez-moi d’en douter !

J’en viens au quatrième élément. Il était bien sûr inimaginable, du point de vue de la soutenabilité de nos comptes publics, que vous puissiez vous présenter devant le Parlement sans annoncer les contreparties permettant d’équilibrer le coût du CICE. Il y va de la crédibilité de notre pays. Or, vous le savez, cette crédibilité se paie en points de base sur nos emprunts, et il va nous falloir emprunter 140 milliards d’euros sur le marché en 2013.

Comment allez-vous équilibrer les 20 milliards d’euros d’engagements, qui constituent une véritable dette de l’État ? On nous parle – je me tourne vers nos collègues du groupe écologiste – de fiscalité environnementale à partir de 2016. (Moues dubitatives sur les travées du groupe écologiste.) Quelle fiscalité ? Sur quelles assiettes ? Payée par qui ? Avec quelles conséquences ?

M. Jean-Pierre Caffet. Vous le saurez le moment venu !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. À ce stade, il s’agit pour moi d’une fausse fenêtre, sur une belle toile peinte « à la Potemkine » ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est de la peinture ancienne !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Du reste, les 10 milliards d’euros supplémentaires d’économies ne sont-ils pas une autre fausse fenêtre sur la même toile peinte, selon une belle symétrie, sous un beau fronton ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Les villages Potemkine, ça date un peu !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est une méthode de communication gouvernementale encore très actuelle, monsieur le rapporteur général. Les technologies changent, pas le cœur et le comportement des hommes au pouvoir !

Je ne suis donc pas satisfait, parce que je ne sais pas d’où viendront ces 10 milliards d’euros d’économies supplémentaires. Il faudra bien nous le dire !

Certes, je lis des commentaires « à la sauce RGPP ». Ce sont quasiment les mêmes formules que naguère, probablement rédigées par les mêmes personnes… Comment ces accents et ces ambitions vont-ils se traduire dans la réalité ?

En dernier lieu, je souhaiterais soulever un point de droit concernant la rédaction du premier alinéa du nouvel article 244 quater C du code général des impôts instituant le CICE.

L’Assemblée nationale a complété le texte du Gouvernement pour prévoir que l’entreprise bénéficiaire devra retracer dans ses comptes annuels l’utilisation du crédit d’impôt, lequel ne pourra « ni financer une hausse de la part des bénéfices distribués ni augmenter les rémunérations des personnes exerçant des fonctions de direction dans l’entreprise ».

Monsieur le ministre, je vois bien à quelle nécessité politique cette disposition répond : rassurer votre majorité en lui garantissant que M. Mittal ne pourra pas utiliser ce crédit d’impôt pour faire des choses inacceptables, inavouables, contraires aux intérêts stratégiques du pays et à la morale publique. Je comprends bien qu’il s’agit d’un souci pour vous.

Cependant, votre dispositif a été imaginé sans conditionnalité, et vous n’avez cessé de le dire et de l’assumer devant vos groupes parlementaires.

Alors, cette mesure introduit-elle ou non une conditionnalité ? Cet article ne serait-il pas un chapiteau corinthien peint sur la toile à laquelle je faisais allusion tout à l’heure, pour plaire à l’œil, pour que tout cela ait une apparence agréable, sans souci de la réalité, afin de franchir l’obstacle de cette fin d’année ?

Telles sont, mes chers collègues, les quelques réflexions que je voulais vous livrer. Outre le fait que le solde public n’est pas tenu comme il devrait l’être, le CICE est, à mon sens, un dispositif improvisé, pour ne pas dire un peu cafouilleux – pardonnez-moi l’expression –, et, sinon dangereux, au moins inefficace. Le peu de temps dont nous avons disposé pour le travail en commission nous conduira évidemment à rejeter le dispositif du CICE et, avec lui, le projet loi de finances rectificative pour 2012. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)