Mme la présidente. La parole est à M. Albéric de Montgolfier.

M. Albéric de Montgolfier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai l’impression que, avec Mme Beaufils, nous allons nous rejoindre sur le vote final,...

M. Albéric de Montgolfier. ... mais pas pour les mêmes raisons. En vérité, nos raisons sont à l’opposé des siennes !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est vous qui êtes dans le reniement, pas eux !

M. Albéric de Montgolfier. Non, et je vais vous expliquer pourquoi nous ne sommes pas dans le reniement.

Devant ce projet de loi de finances rectificative, j’ai une impression de tournis, comme si j’étais face à une sorte de manège fiscal qui tourne... en rond. Voilà tout simplement ce que nous inspire ce collectif de fin d’année.

Cette impression est renforcée par la concomitance de l’examen, à l’Assemblée nationale, du projet de loi de finances et, au Sénat, du projet de loi de finances rectificative. Le ministre délégué chargé du budget est d’ailleurs parti à l’Assemblée nationale. Cette concomitance suscite de nombreuses interrogations, met en évidence une très forte contradiction et, finalement, une certaine schizophrénie gouvernementale.

En effet, faute d’avoir déterminé un cap pour notre économie, le Gouvernement poursuit son matraquage fiscal, bien sûr – ce n’est pas nouveau –, mais aussi ce que je considère comme du bricolage.

Pour ce qui est du matraquage, je rappellerai que, depuis l’élection de François Hollande, la hausse de la fiscalité bat tous les records, avec près de 16 milliards d’euros d’impôts nouveaux et de prélèvements sociaux supplémentaires sur les ménages, et 14 milliards sur les entreprises. En Allemagne, les entreprises sont deux fois moins taxées : 143 milliards d’euros, au lieu de 283 milliards d’euros en France, selon les données d’Eurostat.

L’effort sur la dépense publique est toujours aussi insuffisant. De ce point de vue, le collectif budgétaire que nous examinons aujourd’hui en est un nouvel exemple, particulièrement parlant : mise en place d’une nouvelle dépense à travers un nouveau crédit d’impôt, d’une hausse de la TVA et de la fiscalité immobilière, mais, en regard, aucune baisse des dépenses !

Alors même que la mise en place du CICE, le fameux crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, devait s’accompagner de mesures de compensation dont la moitié était censée reposer sur une diminution de la dépense publique, seule une hausse de la fiscalité nous est proposée. La baisse des dépenses, si elle est l’objet d’un bel effet d’annonce, est encore et toujours reportée à plus tard. Et encore la compensation qu’on nous propose maintenant ne sera-t-elle que partielle

Il est quand même surprenant de voir un gouvernement annoncer la mise en place d’un dispositif de 20 milliards d’euros, selon lui neutre pour les finances publiques, car compensé, tout en reportant à un prochain collectif budgétaire l’inscription de 13 milliards d’euros de mesures de compensation !

Un bout du dispositif dans un texte, un autre bout plus tard, on ne sait exactement quand : cela s’appelle bien du bricolage !

Un amendement qui pèse 20 milliards d’euros dans un collectif de fin d’année, sans aucune concertation ni étude d’impact, sans passage en conseil des ministres, sans avis du Conseil d’État, c’est aussi du bricolage.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Mais il y a le feu !

Mme Michèle André. Et votre TVA sociale, ce n’était pas du bricolage ?

M. Albéric de Montgolfier. Il y a le feu, mais, les mesures ne s’appliquant qu’à partir de 2014, nous avions tout le temps de les examiner selon la procédure normale, c’est-à-dire avec passage en conseil des ministres, avis du Conseil d’État et, bien sûr, étude d’impact. Si le Gouvernement considérait que c’était urgent, il pouvait avoir recours à une lettre rectificative !

Quelques mois après avoir taxé les entreprises, à la faveur d’un rapport, vous réalisez votre erreur et décidez donc de leur accorder un crédit d’impôt pour la compétitivité !

Quelques mois après avoir fustigé et supprimé la hausse de la TVA, vous la mettez en œuvre !

Le ministre nous opposera son argument sur la justice sociale, nous expliquera que l’effort fiscal vise les grandes entreprises et que le crédit d’impôt s’adresse aux entreprises innovantes et exportatrices. Mais ce sont peut-être les mêmes qui sont concernées, nos grandes entreprises figurant, on le sait bien, parmi les plus innovantes et étant généralement exportatrices.

Selon le dernier classement établi par Thomson Reuters et publié voilà quelques jours, treize entreprises françaises figurent dans le Top 100 des champions mondiaux de l’innovation. Nous sommes en troisième position mondiale derrière les États-Unis et le Japon, et en première position en Europe, donc devant l’Allemagne.

Vous affirmez que la compétitivité a aussi une dimension hors coût – c’est indiscutable, je vous en donne acte et le rapport Gallois le dit aussi –, que l’innovation en est le moteur et que vous allez faire ce que nous n’avons pas réussi à faire en la matière.

Or ce classement semble montrer que notre politique en matière d’innovation et de recherche a été plus que payante, malgré la crise qui nous a frappés de plein fouet, grâce au renforcement du crédit d’impôt recherche, grâce à la réduction d’ISF au titre des investissements dans les PME, grâce aux investissements d’avenir, grâce aux pôles de compétitivité, grâce à la sanctuarisation du budget de la recherche et de l’enseignement supérieur, sans oublier l’autonomie des universités, qui leur a permis de se rapprocher du monde de l’entreprise.

Cela dit, le choc fiscal que vous imposez aux entreprises concerne également les entreprises de taille intermédiaire et les PME. Du reste, ses conséquences lourdes sur les grandes entreprises, dont dépend très largement notre balance commerciale, ne vont pas manquer d’avoir aussi des répercussions sur les sous-traitants et les fournisseurs, qui sont essentiellement des petites et moyennes entreprises.

Nous nous félicitons que Louis Gallois vous ait fait prendre conscience de la nécessité de soutenir nos entreprises, qui sont le moteur de notre croissance, des créatrices majeures de la richesse nationale et des emplois. Pour ces raisons, notre groupe ne s’opposera pas sur le fond au crédit d’impôt que vous allez mettre en place. En revanche, nous sommes très critiques sur la forme et jugeons erratique la démarche qui consiste à commencer par prendre pour redonner après.

Vous changez d’opinion et vous prônez désormais une hausse de la TVA. Si vous aviez eu, dès le départ, une vision économique claire et une vraie stratégie fiscale, vous n’auriez pas supprimé la TVA compétitivité et anti-délocalisation que nous avions mise en place. Au lieu de cela, vous allez redonner un chèque aux entreprises, mais en établissant une conditionnalité excessive, dans le cadre de ce qui sera probablement une usine à gaz, après les avoir bien trop lourdement ponctionnées.

Le CICE apparaît comme une bouée de sauvetage, certes, mais au milieu d’une tempête de fiscalité !

Au moment même où nous examinons ici, au Sénat, la proposition de redonner 20 milliards d’euros aux entreprises, les députés, quant à eux, discutent des 10 milliards d’euros dont on va les ponctionner. C’est, monsieur le ministre, à quoi s’emploie en ce moment même votre collègue en charge du budget. Avouez quand même que tout cela ressemble à du bricolage !

M. Albéric de Montgolfier. Le seul résultat de cette opération, outre qu’elle fera la fortune des avocats fiscalistes, sera de donner le tournis à nos chefs d’entreprise !

Mais, à la vérité, ce bricolage est très grave, car il vide de son sens votre discours affirmant que le crédit d’impôt, ciblé sur les rémunérations inférieures ou égales à 2,5 SMIC, va permettre de baisser le coût du travail et, partant, de renforcer notre compétitivité. Cet argument ne tient pas la route, car les 20 milliards d’euros sont intégralement repris par la hausse de fiscalité.

Le calcul est absolument implacable et, disons-le, désolant : 10 milliards d’euros de hausse pérenne de taxation des entreprises prévue dans le projet de loi de finances, 2 milliards d’euros de prélèvements dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, 4 milliards d’euros dans le collectif de juillet. Si l’on y ajoute 3,6 milliards d’euros de fiscalité écologique, cela fait un total de 19,6 milliards d’euros de taxation, contre 20 milliards d’euros de créance.

Autant dire que le CICE n’apportera aucun gain de compétitivité ! C’est un jeu à somme nulle, un jeu de poker menteur, un jeu de bonneteau où l’on ne gagne jamais.

Nous sommes donc bien dans un manège fiscal, en train de tourner en rond...

Sans compter que, sur les 20 milliards d’euros de crédit d’impôt – le rapport écrit de M. Marc le montre bien –, 3 milliards d’euros n’iront pas directement à des entreprises réellement créatrices de richesses ou exportatrices puisque 900 millions profiteront aux services financiers – cela a été également dit par notre collègue du groupe CRC – et 2 milliards d’euros aux services administratifs et de soutien.

J’ajoute que le coût du crédit d’impôt est exorbitant, 20 milliards d’euros par an en valeur absolue, mais aussi et surtout – c’est ça qui compte réellement – en valeur relative, au regard de son rapport coût/efficacité.

Le redressement productif n’est pas pour demain, car, malheureusement, les entreprises industrielles ne bénéficieront que faiblement du CICE, même si elles sont toutes concernées sur le papier. En effet, étant ciblé sur la masse salariale inférieure à 2,5 SMIC, le CICE ne concernera que très peu l’industrie, qui est un secteur où le salaire moyen brut à temps complet est plus du double du SMIC. C’est la raison pour laquelle le rapport Gallois préconisait de cibler un allégement de charges pour les salaires inférieurs à 3,5 SMIC. Selon nous, il eût plutôt fallu le cibler sur les salaires compris entre 1,6 SMIC et 3,5, voire 4 SMIC.

À en croire le rapport de M. Marc, 80 % du CICE profitera ainsi à d’autres secteurs non industriels, qui sont essentiellement des secteurs protégés et non concurrentiels, comme la distribution, l’hôtellerie-restauration, la construction, déjà grands bénéficiaires de l’allégement des charges sur les bas salaires, inférieurs à 1,6 SMIC.

En outre, la question du financement du CICE est posée : il est en effet fondé sur une hausse de la TVA pour 2014, dont les recettes escomptées sont très certainement surévaluées eu égard à une hypothèse de croissance bien trop optimiste.

Dans ce troisième et dernier projet de loi de finances rectificative pour l’année 2012, il n’est d’ailleurs prévu qu’une seule des trois mesures de compensation du coût du CICE, en l’occurrence cette hausse des taux de TVA. Je rappelle que le taux réduit sera ramené de 5,5 % à 5 %, tandis que le taux intermédiaire sera porté de 7 % à 10 % et le taux normal, de 19,6 % à 20 %.

Si, en elle-même, la hausse de la TVA est acceptable – je ne vais pas dire le contraire puisque nous l’avions nous-mêmes proposée et votée en mars dernier –, c’est l’incohérence et le manque de lisibilité dans l’action du Gouvernement qui est en question.

D’abord, faut-il le souligner, le revirement est impressionnant : voilà seulement quelques mois, avant son élection, François Hollande jugeait la hausse de la TVA « inopportune, injuste, infondée et improvisée ».

M. Roland du Luart. Judicieux rappel !

M. Albéric de Montgolfier. Il avait alors fait de son abrogation un argument électoral, vous vous en souvenez tous.

En septembre dernier, le Premier ministre assurait qu’il n’y aurait pas de hausse de la TVA durant le quinquennat.

Quelques mois plus tard, l’improvisation semble plutôt être du côté de l’actuel gouvernement, qui retourne brusquement sa veste et renie sa promesse en décidant une hausse des taux de TVA.

L’improvisation se caractérise par le fait de décider unilatéralement de cette hausse de TVA, sans aucune concertation, pas même avec sa majorité, sans aucune étude d’impact, en décalant l’entrée en vigueur de la mesure à 2014, pour finalement annoncer qu’en fonction de l’impact sur les différents secteurs concernés les taux de TVA pourraient être corrigés dans un collectif budgétaire en 2013...

Cette fois, je pense pouvoir dire que nous sommes au paroxysme du « bricolage » fiscal !

Cette annonce intervient donc quatre mois après que le Gouvernement a voté l’abandon de la TVA compétitivité que nous avions votée quelque temps avant l’élection présidentielle. Cette TVA compétitivité impliquait une hausse du taux normal de TVA, celui-ci passant de 19,6 % à 21,2 % ; certes, la hausse était supérieure à celle que vous proposez, mais le nouveau taux ne s’en situait pas moins dans la moyenne européenne.

Aujourd’hui, vous essayez de vous démarquer en prétendant, comme chaque fois, que votre hausse serait plus juste que celle que nous avions décidée. Je rappelle pourtant que notre choix de ne cibler que le taux normal de TVA nous semblait au contraire le plus juste : il ne concernait ni les biens de première nécessité, comme l’alimentation ou les médicaments, par exemple, ni les produits qui sont aujourd’hui au taux réduit de 7 % ; je pense en particulier aux travaux de rénovation d’une habitation. Au total, ce sont 60 % des produits et services entrant dans le panier de consommation des Français qui n’auraient pas été concernés par cette augmentation du taux normal de TVA.

Le Gouvernement nous explique que l’abaissement du taux réduit de TVA de 5,5 % à 5 % démontre que la hausse proposée parallèlement est différente et plus juste que notre TVA sociale ou TVA compétitivité puisque les classes populaires et les classes moyennes seraient plutôt épargnées, les produits de première nécessité, notamment l’alimentation, et certains produits de consommation courante étant soumis au taux réduit.

J’en conviens, ces achats représentent une part d’autant plus importante des budgets des ménages que ceux-ci ont des revenus modestes. Mais cela ne signifie pas que cette baisse touche davantage les classes populaires et moyennes ; elle intéresse aussi ceux qui disposent de revenus supérieurs, qui ont également besoin de se nourrir et de se chauffer.

En outre, il convient de rappeler que le taux normal à 19,6 %, qui va être relevé à 20 %, concerne en fait l’essentiel de la consommation courante : vêtements, produits d’hygiène, essence... bref, tout ce que les Français achètent chaque jour et paieront donc plus cher.

Mais surtout, la baisse du taux réduit de TVA – qui déséquilibrera encore davantage les comptes publics – n’augmentera pas réellement le pouvoir d’achat des Français, car elle concerne des produits dont le prix est très peu élevé. La différence, de l’ordre de quelques centimes, sera imperceptible : pour un panier – ou plutôt un caddie – de 100 euros, l’économie sera de 50 centimes seulement !

M. Roland du Luart. Autant dire rien ! Mais combien cela va-t-il coûter à l’État ?

M. Albéric de Montgolfier. Pensez-vous qu’elle aura réellement un impact sur le pouvoir d’achat ? Pour les ménages, le bénéfice sera quasi nul ! En revanche, cette mesure aura un effet réel sur les finances publiques puisqu’elle représentera 800 millions d’euros de pertes de recettes.

D’un côté, un gain de 50 centimes sur un panier de 100 euros, de l’autre, une perte de recettes de 800 millions d’euros chaque année !

Mais, pour ce qui est de la TVA, nous n’en sommes pas à une contradiction près !

Ainsi, la billetterie de cinéma se trouve incluse dans le champ d’augmentation de la TVA intermédiaire, qui passe à 10 %, contrairement à d’autres biens et services culturels, comme la billetterie de spectacles vivants et le livre, qui voient leur taux réduit à 5 %.

Cette hausse fait suite à une première modification adoptée dans le collectif de juillet dernier, qui faisait passer le taux réduit de la TVA de 7 % à 5,5 % sur le livre et la billetterie de spectacles vivants, mais sans inclure le cinéma, alors que celui-ci, auparavant, bénéficiait également du taux réduit de TVA.

Comment est-il possible de justifier que les billets d’entrée pour les spectacles vivants soient soumis à un taux de TVA à 5,5 %, alors qu’une place de cinéma sera, elle, taxée à 10 % ?

Bref, le Gouvernement s’en tient à du bricolage et, comme si cela ne suffisait pas, il propose un crédit d’impôt recherche pour le cinéma de 150 millions d’euros, crédit d’impôt qui s’adressera aux producteurs et aux réalisateurs, tandis que les exploitants de salles, les distributeurs, ceux qui sont fragilisés, supporteront la TVA à 10 %.

Voilà encore un exemple de ce bricolage fiscal qu’alimentent les contradictions et les incessants changements de position de la majorité.

Autre exemple inattendu : par voie d’amendements déposés à la dernière minute, ont été créées deux nouvelles taxes sur les plus-values immobilières, qui ont surpris jusque dans les rangs de la majorité à l’Assemblée nationale. D’ailleurs, le rapporteur général, Christian Eckert, a décidé de supprimer l’une d’entre elles afin « de ne pas alourdir la pression fiscale sur les ménages ».

Il est ainsi prévu de durcir la taxe sur les plus-values immobilières réalisées à compter du 1er janvier 2014. Initialement, une taxe sur les logements sous-occupés situés dans les zones tendues, à savoir la région parisienne, la Côte d’Azur et d’autres grandes villes, devait s’appliquer aux logements non affectés à l’habitation principale. Mais, par le biais d’un amendement du rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, la majorité, considérant que cela pouvait « alourdir la pression fiscale sur les ménages », a décidé de supprimer la taxe sur les résidences secondaires et, par voie de conséquence, de durcir encore la fiscalité des plus-values immobilières.

Bref, il existe des problèmes de réglage entre le Gouvernement et sa majorité, qui ne sont manifestement pas toujours sur la même longueur d’onde !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il n’y en a pas dans l’opposition, peut-être ?

M. Albéric de Montgolfier. Monsieur le ministre, on a assisté en moins de quarante-huit heures à un complet revirement de la position du Gouvernement en matière de taxation des résidences secondaires et des plus-values de cessions immobilières. Alors même qu’il a décidé, dans le projet de loi de finances pour 2013, d’instaurer un abattement de 20 % sur la cession des biens immobiliers afin de relancer le marché, de créer un « choc d’offre », alors même qu’il nous a expliqué qu’il ne fallait pas alourdir la pression fiscale sur l’immobilier, il présente deux amendements tendant à alourdir la fiscalité des plus-values immobilières !

Bref, en matière de fiscalité immobilière, le Gouvernement fait preuve d’une assez remarquable constance… dans l’inconstance !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Vous confondez les terrains à construire et l’immobilier !

M. Albéric de Montgolfier. Décidément, ce projet de loi de finances rectificative donne vraiment le tournis !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ce sont les déficits que vous avez accumulés ces dix dernières années qui donnent le tournis !

M. Albéric de Montgolfier. L’impôt est d’autant mieux accepté qu’il est intelligible. En l’espèce, je considère que la loi fiscale est inintelligible parce qu’elle est constamment modifiée, parce que deux textes financiers aussi importants qu’un projet de loi de finances et un projet de loi de finances rectificative examinés concomitamment se trouvent finalement en contradiction : pendant que nous examinons ce texte, nos collègues députés sont en train de le démonter à l’Assemblée nationale !

C’est pour l’ensemble de ces raisons et parce qu’il est soucieux de cohérence que le groupe UMP votera contre ce troisième et dernier projet de loi de finances rectificative pour l’année 2012. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Roland du Luart. Très bien !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Quelle surprise !

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle André.

Mme Michèle André. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Albéric de Montgolfier m’a rajeunie de quelques années !

M. Albéric de Montgolfier. Le manège ! (Sourires.)

Mme Michèle André. En effet, si l’on se reporte au compte rendu de la commission des finances, en 2008, notre collègue Philippe Marini, alors rapporteur général et désormais président de la commission de la commission des finances, évoquant la réforme de la taxe professionnelle, parlait déjà d’un jeu de bonneteau.

Mme Michèle André. Les conséquences de cette réforme, les multiples problèmes qu’elle a engendrés sont aujourd’hui visibles, à tel point que nous en sommes réduits à poser des rustines en permanence.

Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi est, certes, devenu le sujet vedette de la discussion du présent projet de loi de finances rectificative, mais ce sujet, aussi intéressant soit-il, ne doit pas nous faire oublier que ce texte est d’abord la deuxième grande étape, après le collectif budgétaire de l’été, de la tâche d’assainissement des finances publiques avec laquelle, nous, la gauche, avons choisi et décidé de nous colleter, et ce avec un seul objectif : le redressement de la France, notamment sur le plan économique et sur le plan social.

La seconde partie de l’année 2012 aura ainsi été riche en changements, y compris dans le domaine des finances publiques. Ce collectif de fin d’année, qui aurait pu être un exercice traditionnel, présente pourtant d’éminentes particularités : il doit en effet tirer les conséquences des surévaluations de recettes et des sous-évaluations de dépenses effectuées par le gouvernement précédent ; dans le même temps, il doit démontrer la capacité du nouveau gouvernement à tenir les engagements de réduction du déficit public pris devant les partenaires européens de la France et devant les Français.

N’oublions pas, mes chers collègues, que le déficit public est dû, pour un tiers, à la crise de 2008 et, pour deux tiers, à la mauvaise politique économique du gouvernement précédent. Philippe Seguin lui-même l’avait fait remarquer dans cette enceinte.

Aussi ce collectif budgétaire s’inscrit-il dans le contexte tout à fait particulier d’un déficit de la demande, confronté à un excédent de la capacité de production des entreprises, celles-ci fournissant globalement une offre à la compétitivité insuffisante. Malgré cette difficulté, le budget rectificatif vise à réduire les déficits, sans peser sur la consommation, tout en favorisant l’emploi, et recherche la compétitivité, tout en évitant le risque de réduire la demande L’exercice est complexe qui vise à surmonter la dette et le chômage par la croissance et l’emploi, et ce dans la plus grande justice possible.

Les indicateurs conjoncturels disponibles actuellement montrent une certaine résistance de l’économie française, même en matière de production industrielle. Les exportations résistent elles aussi et le déficit commercial tend à se réduire. N’oublions pas qu’en 2002, après la gestion quinquennale de la gauche, quand l’ancienne majorité de droite est arrivée au pouvoir, le commerce extérieur de la France était en excédent d’un ou deux points de PIB depuis sept ou huit ans. Depuis 2003, le déficit s’est creusé chaque année. Or je n’ai pas le souvenir qu’au cours des huit années écoulées une seule mesure favorisant la compétitivité ait été prise.

Un million de chômeurs de plus ces cinq dernières années : cette augmentation continuelle est l’une des conséquences de la perte de compétitivité de nos entreprises, et le gouvernement de gauche a décidé de tenter d’y remédier dès le début de la législature par des mesures d’application immédiate et non en toute fin de législature par des mesures d’application différée.

Ainsi, les prévisions d’exécution du budget de 2012, telles qu’elles ressortent du projet de loi de finances rectificative sont inédites. Malgré les impasses de budgétisation initiale héritées du précédent gouvernement de droite, l’ensemble des dépenses de l’État, y compris la charge de la dette et des pensions, devraient baisser de 200 millions d’euros par rapport à l’exécution de 2011.

La bonne gestion a permis au Gouvernement de ne proposer aucune mesure de rendement fiscal dans la première partie du collectif. C’est tout à fait nouveau dans l’histoire budgétaire française. Quand la droite nous dit que nous ne réduisons pas les dépenses publiques, nous répondons que, cette année, elles seront réduites de 200 millions d’euros, alors qu’elles progressaient annuellement de 5 milliards à 6 milliards d’euros par an sous la gestion précédente, le ministre chargé du budget l’a rappelé tout à l'heure.

L’objectif de déficit prévisionnel sera tenu grâce à une maîtrise impressionnante des dépenses. Ce collectif budgétaire maîtrise les finances publiques dans les faits, et non pas seulement dans les annonces.

Le solde budgétaire, hors opération de recapitalisation de Dexia, lourd héritage de la dernière époque – Maurice Vincent y reviendra plus longuement – est cohérent avec l’objectif de réduction du déficit public à 4,5 % du PIB en 2012.

Le temps de la sincérité, de la précision et du sérieux budgétaire est donc venu.

À l’opposé, les révisions successives de la prévision de recettes fiscales nettes, qui ont conduit à les abaisser de 4,8 milliards d’euros depuis la loi de finances initiale, sont l’indice d’une surévaluation des recettes fiscales nettes par la loi de finances pour 2012 et, partant, de l’insincérité de la prévision initiale.

Le plafond de dépenses, tel qu’il a été défini par la loi de finances rectificative d’août 2012, a été respecté, l’ensemble des ouvertures de crédits étant couvert par des annulations.

Les ouvertures de crédits couvrent les insuffisances de crédits qu’avait identifiées la Cour des comptes dans son rapport de juin 2012, tout en assurant le financement des priorités du Gouvernement, notamment en faveur de la politique de l’emploi et du logement.

Certes, la baisse des taux d’intérêt a contribué à cette bonne orientation au regard de l’objectif de réduction du déficit, mais la baisse des taux est justement la conséquence de la confiance qu’inspire aux marchés le sérieux de la gestion de l’économie française par l’actuel gouvernement.

Le cap sera maintenu grâce, aussi, aux décisions courageuses et justes contenues dans la loi de finances rectificative de l’été dernier, votée au lendemain des élections législatives.

C’est un effort structurel de 1,2 point de PIB qui aura été constaté en cette fin d’année 2012, réduction à laquelle s’ajoutera une réduction de 2 points l’année prochaine. En deux ans, ce sont donc 3,2 points de PIB de résorption du déficit qui auront été réalisés. Jamais la France n’aura consenti, en si peu de temps, un effort aussi important.

N’oubliez pas, chers collègues de l’opposition qui criez au matraquage fiscal, que vous aviez promis de baisser les impôts de 80 milliards d’euros entre 2007 et 2012. Le résultat, c’est qu’ils ont augmenté de 30 milliards d’euros, soit 1,5 point de PIB.