M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Notre collègue Michelle Meunier vient de présenter les arguments justifiant le rejet de cette motion.

L’objet même du présent projet de loi, faut-il le rappeler, est de développer l’emploi. C’est la priorité, la finalité absolue de ce texte.

Je prendrai quelques exemples. À court terme, nous mettons en place la réforme du chômage partiel et les accords de maintien dans l’emploi. À moyen terme, nous prenons des mesures structurelles, que nous examinerons les jours prochains, comme la création du compte personnel de formation, et qui feront sentir leurs effets dans quelque temps.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cette motion tendant à opposer la question préalable.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.

Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la motion que vient de défendre Éliane Assassi s’inscrit dans une continuité partagée.

À gauche, nous nous sommes tous mobilisés aux côtés des salariés pour refuser la réforme Fillon de 2003, le contrat nouvelle embauche, ou CNE, le contrat première embauche, ou CPE, et, plus récemment encore, l’article 40 de la loi Warsmann qui autorise les employeurs à moduler, sans l’accord des salariés, leurs horaires et leurs amplitudes de travail.

Dans cette même continuité, le MEDEF se mobilise depuis des années aux côtés de la droite pour faire reculer les droits des salariés. Or la lecture des articles 12 et 13 de ce projet de loi me laisse penser que ceux-ci s’intègrent dans la même logique. Ils permettent en effet aux employeurs de licencier le salarié sans autre motif que son refus légitime de voir amputée une partie de son salaire, quand aucun effort équivalent n’est exigé des actionnaires.

Licencier sans motif, c’est l’obsession du patronat. Avec le CNE était ainsi créée une prétendue période d’essai de deux ans durant laquelle l’employeur pouvait interrompre à tout moment le contrat, sans avoir à se justifier. Le CPE, qui avait la même fonction, devait quant à lui être appliqué aux jeunes pendant deux années, au cours desquelles les employeurs pouvaient licencier les salariés.

L’offensive du patronat s’est poursuivie avec l’adoption, en 2008, des ruptures dites « conventionnelles », qui permettent là encore aux employeurs de rompre un contrat de travail, sans avoir à invoquer de motif.

Or nous le savons toutes et tous, sur les travées de gauche, et nous l’avons rappelé, ces ruptures conventionnelles constituent un outil massif de licenciement, notamment des salariés les plus âgés. Aujourd’hui, avec près de 250 000 cas par an, c’est la première forme de rupture contractuelle.

La preuve est ainsi cyniquement faite que faciliter la rupture du contrat de travail n’encourage pas l’embauche, mais la débauche !

Si le patronat veut licencier sans motif, c’est surtout parce qu’il veut se soustraire à ses obligations financières à l’égard des salariés licenciés.

L’une des dispositions du présent projet de loi va dans ce sens puisqu’elle tend à forfaitiser, à diminuer, voire à empêcher l’octroi d’indemnités en réduisant les délais d’actions devant les juges prud’homaux.

Ce que le patronat veut faire en instaurant un droit de licencier sans motif, c’est faire supporter aux salariés le poids des risques industriels ou stratégiques pris par des patrons qui s’intéressent moins à leur entreprise qu’à la rentabilité à court terme.

Ce que le patronat veut faire, c’est licencier sans motif des salariés, non pour faire face à des difficultés économiques, mais pour faire des économies, c’est-à-dire réduire le coût du travail, accroître la rentabilité et satisfaire les appétits démesurés et sans fin des actionnaires.

Ce que veut le patronat, c’est, pour reprendre l’expression de Mme Parisot, remplacer la « subordination juridique » par la « SLC », la « soumission librement consentie ». Des salariés soumis ou des salariés licenciés, voilà ce qu’elle veut et ce que vous vous apprêtez à lui offrir !

En adoptant cette motion, mes chers collègues, vous avez l’occasion de lui dire non.

Vous avez l’occasion de lui dire que, contrairement à ce qu’elle affirme dans l’un de ses slogans préférés, la liberté de penser ne s’arrête pas là où commence le code du travail.

Vous avez l’occasion de renforcer l’action du Gouvernement et de le légitimer dans une œuvre toute différente de renforcement des droits de salariés. Vous lui donnez l’occasion de donner corps au discours prononcé par François Hollande contre la finance et la financiarisation de l’économie.

En votant cette motion, vous éviterez de mêler vos voix à celles de l’opposition, trop contente de voir reprises ses propres propositions : pacte européen non renégocié, continuité de la RGPP, maintien de l’objectif des 3 % et, aujourd’hui, atomisation du code du travail.

La solidarité dont vous faites preuve à l’égard du Gouvernement est respectable, mais il s’agit aujourd’hui de faire preuve de solidarité avec le peuple qui lutte, avec les « Conti », les Fralib, les Aubade, les Lipton, les Texas Instruments, les Motorola, les PSA Peugeot Citroën d’Aulnay, les Visteon, les Randstad, les salariés de Pierre & Vacances, de SFR, d’Air France, d’Alcatel-Lucent, d’Albany, d’Hermes-Metal, du journal Sud Ouest, de Candia, de Nexans, etc.

Ce dont je vous parle en me faisant la porte-parole de celles et ceux que je viens de citer et qui ne peuvent s’exprimer ici, c’est de solidarité avec des salariés qui, loin de ce que prétend le MEDEF, ne savent que trop qu’en France il est possible de licencier, même avec un motif. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.

M. Jean-Noël Cardoux. Je souhaite, au travers de cette intervention faite au nom du groupe UMP, livrer une brève analyse des motivations des auteurs de cette motion tendant à opposer la question préalable.

Ils s’opposent, disent-ils, à la modification des règles protectrices des salariés. J’en déduis qu’ils rejettent notamment la généralisation des mutuelles, les droits rechargeables à l’assurance chômage (Mme Éliane Assassi s’exclame.), le compte individuel de formation et le conseil en évolution professionnelle.

Mme Éliane Assassi. Nous voulons seulement que le code du travail ne soit pas cassé !

M. Jean-Noël Cardoux. Ils considèrent également que le projet de loi vise à faciliter les licenciements. Là encore, mon analyse est quelque peu différente. En effet, ce texte permet essentiellement, je l’ai déjà souligné, de prendre des mesures d’anticipation en cas de difficultés économiques pour prévenir les licenciements éventuels, avec un effort partagé de l’employeur et des salariés pour préserver l’emploi.

Enfin, ils préconisent d’adopter des mesures permettant le maintien de l’emploi de qualité à temps plein. Si mon groupe est d’accord avec le diagnostic qu’ils établissent, nous divergeons sur le traitement. Nous souhaitons, pour notre part, comme je l’ai dit lors de la discussion générale, plus de souplesse et de flexibilité.

Vous aurez compris, sans que je développe plus avant cette analyse, que nous ne pouvons pas approuver cette motion tendant à opposer la question préalable. Toutefois, considérant, comme l’a souligné mon collègue René-Paul Savary lors de l’examen de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, qu’il s’agit là d’abord d’un problème interne à la majorité, le groupe UMP ne prendra pas part au vote de cette seconde motion.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 273, tendant à opposer la question préalable et dont l’adoption entraînerait le rejet du projet de loi.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 168 :

Nombre de votants 208
Nombre de suffrages exprimés 164
Majorité absolue des suffrages exprimés 83
Pour l’adoption 20
Contre 144

Le Sénat n'a pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Question préalable (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi
Discussion générale

12

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 18 avril 2013 :

À neuf heures trente :

1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports.

2. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation de l’emploi (n° 489, 2012–2013) ;

Rapport de M. Claude Jeannerot, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 501, 2012–2013) ;

Texte de la commission (n° 502, 2012–2013) ;

Avis de M. Gaëtan Gorce, fait au nom de la commission des lois (n° 494, 2012–2013).

De quinze heures à quinze heures quarante-cinq :

3. Questions cribles thématiques sur la situation des hôpitaux.

À seize heures et le soir :

4. Suite de l’ordre du jour du matin.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 18 avril 2013, à zéro heure quinze.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART