Article additionnel après l'article 1er quater
Dossier législatif : projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi
Article 2 (interruption de la discussion)

Article 2

I. – L’article L. 6111-1 du code du travail est ainsi modifié :

1° Après la deuxième phrase du premier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée :

« Elle constitue un élément déterminant de sécurisation des parcours professionnels et de la promotion des salariés. » ;

2° Sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :

« Afin de favoriser son accès à la formation professionnelle tout au long de la vie, chaque personne dispose dès son entrée sur le marché du travail, indépendamment de son statut, d’un compte personnel de formation. Le compte personnel de formation est comptabilisé en heures et mobilisé par la personne lorsqu’elle accède à une formation à titre individuel, qu’elle soit salariée ou demandeuse d’emploi. Il est intégralement transférable en cas de changement ou de perte d’emploi et ne peut en aucun cas être débité sans l’accord exprès de son titulaire. Le service public de l’orientation mentionné à l’article L. 6111-3 est organisé pour assurer l’information, le conseil et l’accompagnement des personnes qui envisagent de mobiliser leur compte personnel de formation. Le compte est alimenté :

« 1° Chaque année au titre du droit individuel à la formation dans les conditions prévues aux articles L. 6323-1 à L. 6323-5 ;

« 2° Par des abondements complémentaires, notamment par l’État ou la région, en vue de favoriser l’accès à l’une des qualifications mentionnées à l’article L. 6314-1, en particulier pour les personnes qui ont quitté le système scolaire de manière précoce ou qui, à l’issue de leur formation initiale, n’ont pas obtenu de qualification professionnelle reconnue.

« Peuvent être mobilisés en complément du compte les autres dispositifs de formation auxquels son titulaire peut prétendre. »

bis. – L’article L. 6112-3 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La stratégie nationale définie à l’article L. 6111-1 comporte un volet consacré à l’accès et au développement de la formation professionnelle des personnes en situation de handicap. »

II. – Le chapitre IV du titre Ier du livre III de la sixième partie du même code est complété par un article L. 6314-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 6314-3. – Tout salarié bénéficie d’un conseil en évolution professionnelle dont l’objectif prioritaire est d’améliorer sa qualification. Cet accompagnement, mis en œuvre au niveau local dans le cadre du service public de l’orientation prévu à l’article L. 6111-3, lui permet :

« 1° D’être informé sur son environnement professionnel et l’évolution des métiers sur le territoire ;

« 2° De mieux connaître ses compétences, de les valoriser et d’identifier les compétences utiles à acquérir pour favoriser son évolution professionnelle ;

« 3° D’identifier les emplois correspondant aux compétences qu’il a acquises ;

« 4° D’être informé des différents dispositifs qu’il peut mobiliser pour réaliser un projet d’évolution professionnelle.

« Chaque salarié est informé, notamment par son employeur, de la possibilité de recourir à cet accompagnement. »

III. – Une concertation est engagée avant le 1er juillet 2013 entre l’État, les régions et les organisations syndicales d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel sur la mise en œuvre du compte personnel de formation.

IV. – Avant le 1er janvier 2014, les organisations syndicales d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel procèdent aux adaptations nécessaires des stipulations conventionnelles interprofessionnelles en vigueur et le Gouvernement présente un rapport au Parlement sur les modalités de fonctionnement du compte personnel de formation et sur les modalités de sa substitution au droit individuel à la formation mentionné au chapitre III du titre II du livre III de la sixième partie du code du travail et du transfert intégral au sein du compte personnel de formation des heures acquises au titre du droit individuel à la formation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article 2 du projet de loi nous laisse assez dubitatifs. Présenté par le Gouvernement comme une avancée supplémentaire pour les salariés, la création du compte individuel de formation fait cependant l’objet d’un traitement que l’on peut qualifier de lapidaire. En effet, sa création n’est évoquée qu’au travers d’un court alinéa : « Afin de favoriser son accès à la formation professionnelle tout au long de la vie, chaque personne dispose dès son entrée sur le marché du travail, indépendamment de son statut, d’un compte personnel de formation. […] Il est intégralement transférable en cas de changement ou de perte d’emploi […]. »

De ce compte, des modalités de son abondement, de la manière dont les salariés peuvent y recourir, nous ne savons rien, de sorte qu’il nous a fallu prendre connaissance de l’article 5 de l’ANI, que l’article 2 du projet de loi doit théoriquement retranscrire, pour comprendre enfin qu’il ne s’agissait pas de la création d’un droit nouveau à la formation professionnelle, mais d’un toilettage et d’une extension, au demeurant limitée, de la portabilité du droit individuel à la formation, DIF.

Ce que cet article présente comme un droit nouveau n’est en fait qu’une technique nouvelle de gestion des droits actuels, dont nous regrettons d’ailleurs qu’elle ne soit pas plus démocratique. Qui plus est, l’insertion de ce nouvel alinéa dans l’article L. 6111–1 du code du travail, dont je rappelle qu’il fixe les principes généraux de la formation professionnelle, tend à réduire le droit à la formation professionnelle à ce compte, ce qui revient à faire fi notamment de l’importance, pour les salariés, des autres mécanismes de formation, comme les plans de formation. Il n’y a donc rien de nouveau sous le soleil de la formation professionnelle, qui, malgré la réaffirmation de son appartenance aux salariés, demeure de fait dans les mains des employeurs.

Comme pour le DIF, le nombre d’heures acquises annuellement par les salariés sera de 20 heures. Comme pour le DIF, le cumul demeurera de 120 heures sur six ans. Comme pour le DIF, un salarié aura besoin de l’autorisation de son employeur ou de Pôle Emploi pour utiliser immédiatement les crédits qu’il aura accumulés sur son compte. Dès lors, on comprend mal comment la création de ce compte pourrait à elle seule résoudre les inégalités et les difficultés provoquées par le DIF ; nous les connaissons.

Pire, selon les interprétations que certains observateurs de l’ANI font de cet article, son adoption pourrait réduire les droits des salariés. Ces observateurs considèrent en effet que l’utilisation par un salarié de son droit au congé individuel de formation aurait pour effet de vider le compte individuel de formation des droits qu’il contient. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous dire ce qu’il en est réellement ?

Nous sommes donc bien loin d’une véritable réforme de la formation professionnelle. Nous étions pourtant nombreux, à gauche, à exiger une telle réforme lorsque nous examinions le projet de loi de Xavier Bertrand relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie.

C’est toute la formation professionnelle qu’il faut repenser. Il faut arrêter avec la logique du plafonnement des heures, qui limite considérablement les droits des salariés, surtout si l’on prend en compte le prix et le temps qu’exigent les formations qualifiantes, lesquelles sont souvent de longue durée. Afin de permettre l’accès à la formation professionnelle des moins diplômés – c’est tout de même une vraie question –, il faut permettre à celles et ceux qui sont sortis récemment du système scolaire sans diplôme d’accéder à la formation, au lieu de la réserver, comme cet article le prévoit, aux personnes déjà insérées sur le marché du travail. Il faut également rendre aux salariés les pleins pouvoirs quant à l’utilisation de leurs droits, en supprimant la faculté dont dispose actuellement l’employeur de refuser à deux reprises la demande de formation professionnelle des salariés.

Les salariés les plus précaires doivent par ailleurs pouvoir bénéficier d’une majoration de leurs droits, afin que ces droits soient plus effectifs et que les chances pour les salariés précaires d’évoluer professionnellement soient plus importantes qu’elles ne le sont actuellement. Il faut enfin renforcer le secteur public de la formation professionnelle, notamment en réaffirmant le rôle majeur de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, AFPA, et en cessant de confier la formation professionnelle des salariés privés d’emploi à des opérateurs privés de placement et de formation, dont les services sont coûteux et peu efficaces malgré les sélections qu’ils opèrent pour déterminer les personnes qu’ils accueillent.

L’article 2 ne traite pas de tous ces enjeux. Nous y voyons là encore, comme pour l’article 1er, la preuve d’un renoncement à exiger des employeurs qu’ils jouent pleinement leur rôle et que, par voie de conséquence, ils participent financièrement plus qu’ils ne le font aujourd’hui.

Pour toutes ces raisons, le groupe CRC, comme sur l’article 1er, ne votera pas cet article.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l'article.

Mme Isabelle Pasquet. Je me réjouis, comme je l’avais fait lors de l’examen par le Sénat du projet de loi portant création des emplois d’avenir, que les amendements, présentés notamment par notre collègues le député André Chassaigne, qui visaient à faire en sorte que la stratégie nationale de formation professionnelle intègre un volet spécifique relatif à la formation professionnelle des personnes en situation de handicap, aient été adoptés. C’est la poursuite, dans le domaine de la formation professionnelle, de l’engagement pris par le Gouvernement – nous le soutenons sur ce point – d’intégrer dans tous les projets de loi des dispositions particulières pour ces publics dont l’emploi joue un rôle fondamental d’un point de vue économique, social mais aussi humain.

Je suis également sensible à l’adoption des amendements qui tendaient à apporter enfin plus de précisions sur les conditions d’utilisation et d’approvisionnement du compte individuel de formation ; on comprend mieux désormais comment il sera alimenté.

Pour autant, je regrette que, malgré l’adoption de l’amendement déposé par nos collègues du groupe Gauche démocrate et républicaine, GDR, de l’Assemblée nationale, qui visait à préciser que la formation professionnelle « constitue un élément déterminant de sécurisation des parcours professionnels et de la promotion des salariés », cet article 2 ne soit qu’une occasion ratée. La déclaration de principe qui figure dans cet article appelle des modifications substantielles, que les parlementaires du Front de gauche avaient proposées et que nous soutiendrons également.

Comme vous, mes chers collègues, nous considérons que la formation professionnelle constitue un enjeu majeur pour l’avenir. À cet égard, force est de constater que l’article 2 ne permettra pas, contrairement à ce que veut faire croire l’intitulé de ce projet de loi, de sécuriser les parcours professionnels des salariés. Notre projet – il est ambitieux, je l’avoue – repose sur la construction pour chacun d’un système de rotation emploi-formation-retour à l’emploi, librement choisi et permettant une sécurisation des trajectoires professionnelles de tous avec maintien et même progression du salaire, ce qui n’est pas nécessairement le cas actuellement.

En réalité, il s’agit d’élaborer une sécurité sociale professionnelle, à l’image de celle qui fut imaginée en 1945 pour la santé, la maternité et la famille. L’enjeu est de taille, car avec la sécurité d’emploi et de formation apparaît aussi la possibilité d’une sécurisation de tous les moments de la vie. Dans ce système, la progression massive et stable des prélèvements favoriserait le financement de la sécurité sociale, contribuant ainsi à une sécurisation et à une promotion de tous les moments sociaux de la vie, de la naissance à la mort.

Nous ne pourrons débarrasser la société du chômage et de la précarité sans faire preuve d’une audace comparable à celle dont firent preuve les créateurs de la sécurité sociale. Cela implique des décisions importantes, comme le renforcement des droits des salariés que nous allons proposer par voie d’amendement. Cela nécessitera la mobilisation de ressources nouvelles, notamment en taxant le capital et en sanctionnant vigoureusement les employeurs qui font le choix de favoriser les contrats précaires et la sous-rémunération.

À notre sens, et c’est l’un des points qui nous opposent au Gouvernement sur ce projet de loi, nous réglerons la question de l’emploi non pas avec plus de précarité, mais, au contraire, avec de plus de solidarité et plus de formation.

Par conséquent, le groupe CRC ne s’abstiendra pas sur cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.

M. Dominique Watrin. Les entreprises sont confrontées à une forme de concurrence jamais vue jusqu’alors. La mondialisation de l’économie, la fluidité avec laquelle les capitaux et les informations circulent et la financiarisation de l’économie bousculent le monde de l’entreprise et les salariés, qui sont de plus en plus souvent confrontés à des situations de crise.

La crise économique que nous connaissons actuellement et qui s’étend chaque jour est plus que jamais une crise systémique qui témoigne de la fin d’une période et de la nécessité d’en inventer une autre. Certains prennent prétexte de cette mutation pour proposer l’élaboration d’un nouveau pacte social, qui n’est ni plus ni moins qu’un immense retour en arrière. Les intérêts, les droits et les protections sociales des salariés devraient être passés par pertes et profits afin de s’assurer que les entreprises renouent enfin avec des marges leur permettant de répondre favorablement aux exigences du patronat et surtout des actionnaires, qui ne se contentent plus d’une progression à un chiffre de leurs dividendes.

À l’opposé de cette logique, nous réaffirmons pour notre part la nécessité absolue, pour les entreprises, d’être capables de s’adapter afin de faire face aux défis nouveaux auxquels elles sont confrontées. Nous présenter – on le fait souvent – comme des partisans du statu quo, du surplace, relève d’une forme de procès d’intention. Pour autant, cette exigence nouvelle de transformation, d’adaptation, ne nous paraît pas justifier les plans de licenciements massifs que les entreprises multiplient et que les salariés subissent. Ces plans illustrent le manque d’anticipation des employeurs.

C’est d’ailleurs précisément pour cette raison que nous sommes persuadés qu’il faut renforcer le pouvoir d’intervention des salariés, y compris à chaud, en cas de crise, afin que ceux-ci puissent participer à la nécessaire réflexion sur les aménagements à apporter à leur entreprise. Pour peu qu’on les associe loyalement, les salariés peuvent être – nous en sommes convaincus – de véritables vecteurs de mutation. À titre d’exemple, les nouveautés technologiques sollicitent toujours davantage l’initiative et la compétence de chacun des salariés. Renforcer ces compétences par des formations appropriées, mais également adapter les formations pour permettre aux salariés d’être plus performants, voilà une autre priorité.

Plus que jamais, la nature, la forme, la qualité et la pertinence des formations proposées aux salariés constituent un enjeu pour notre pays. Puisque certains veulent aborder la question de la compétitivité, rappelons qu’un salarié bien formé représente non pas une charge financière mais une chance pour l’entreprise. La formation est également une chance pour les salariés, qui pourraient, si la formation devenait une véritable priorité nationale, bénéficier d’une mesure efficace de sécurisation de leur parcours professionnel en faisant de leur savoir nouvellement acquis un atout pour l’entreprise, ce qui leur permettrait d’accéder à des emplois nouveaux.

C’est au regard de cette ambition que nous examinerons l’article 2 du projet de loi, avec l’exigence que soient affirmés les principes que nous sommes en droit d’attendre d’un gouvernement de gauche.

Mme la présidente. L'amendement n° 53, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les salariés qui ont arrêté leur formation initiale avant le premier cycle de l’enseignement supérieur ou qui n’ont pas obtenu de qualification professionnelle reconnue, et qui souhaitent poursuivre ultérieurement des études en vue d’une promotion sociale, ont un accès prioritaire à une formation diplômante ou qualifiante. » ;

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. L’article 2, qui est relatif à la formation professionnelle, crée notamment un compte personnel de formation. Son examen est pour nous l’occasion de rappeler notre conception de la formation tout au long de la vie : à quel public doit-elle profiter et dans quelles conditions doit-elle être dispensée ?

Notre amendement tend ainsi à préciser que les formations diplômantes ou qualifiantes continues doivent en priorité être accordées aux salariés qui n’ont pas poursuivi d’études dans le premier cycle de l’enseignement supérieur ou qui n’ont pas de qualification professionnelle reconnue.

Une telle proposition avait d’ailleurs fort justement été faite par les sénatrices et les sénateurs du groupe socialiste, à l’occasion de l’examen par le Sénat de la loi de 2009 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie, redonnant ainsi ses lettres de noblesse à la formation professionnelle en la concentrant sur les personnes les moins formées.

En effet, force est de constater qu’actuellement les principaux bénéficiaires de la formation continue sont justement ceux qui en ont le moins besoin, c’est-à-dire les salariés les plus formés. Pourtant, tel ne devrait pas être l’objectif initial de ce système.

Sans exclure certains salariés de ce dispositif qui doit évidemment bénéficier à tous, il s’agit de limiter une tendance habituelle qui, de fait, privilégie ceux qui sont déjà le mieux lotis – pardonnez-moi l’expression ! –, en instaurant une priorité d’accès aux moins formés des demandeurs, donc sans limiter l’accès à la formation professionnelle exclusivement à eux.

Notre proposition correspond d’ailleurs au paragraphe 1.4.3 de l’ANI du 7 janvier 2009 intitulé « La formation initiale différée », que le projet de loi présenté par le Gouvernement ne reprend malheureusement pas.

L’article 16 de ce paragraphe affirmait ainsi : « Dans un souci d’équité, les salariés qui ont arrêté leur formation initiale avant le premier cycle de l’enseignement supérieur, et en priorité ceux qui n’ont pas obtenu de qualification professionnelle reconnue, et qui souhaitent poursuivre ultérieurement des études en vue d’une promotion sociale, devraient avoir accès à une ou des formations qualifiantes ou diplômantes […] ».

Cet amendement en est donc la traduction législative, afin de donner effectivité et force de loi à ce principe de grande importance qu’est l’accès prioritaire à la formation professionnelle continue des publics les moins diplômés ou qualifiés, dont l’objectif est de favoriser la promotion sociale et de donner tout son sens à une formation tout au long de la vie.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Madame Assassi, vous avez bien raison de poser le principe de l’accès à la formation pour les moins qualifiés, car ce sont bien eux qui devraient être les premiers bénéficiaires du système de formation continue.

D’ailleurs, je me rappelle que, à la faveur de la discussion dans cette enceinte du projet de loi sur la formation professionnelle en 2009 (Mme Éliane Assassi s’exclame.), j’avais déposé, avec ma collègue Christiane Demontès, un amendement dans lequel nous préconisions d’inscrire cette priorité dans la loi.

Vous posez la question du droit à la formation initiale différée, que nous voulons aussi inscrire dans la loi. D’une certaine manière, le compte personnel de formation que crée ce texte va devenir tout naturellement le réceptacle de ce droit à la formation initiale différée.

Vous le savez, il y aura par la suite une négociation entre les partenaires sociaux, l’État et les régions pour donner du contenu et de l’effectivité à ce droit.

Autrement dit, j’ai le sentiment que ce que vous proposez dans votre amendement se trouve en devenir dans le projet de loi.

J’ajoute aussi, pour mémoire, que le projet de loi sur la refondation de l’école, dans son article 8, tend également à prévoir que cette possibilité soit donnée aux jeunes qui sortent du système scolaire.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à retirer votre amendement, car, je le répète, ce que vous proposez, et que nous partageons, existe en germe dans l’accord repris par le projet de loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Un amendement identique ayant été examiné à l’Assemblée nationale, je donnerai une réponse de même nature que celle que vous avez pu lire au Journal officiel.

Il s’agit bien sûr d’un amendement de principe ; c’est d’ailleurs ainsi que vous l’avez présenté. Je voulais vous rappeler que l’article L. 6111–1 du code du travail, qui trouve son origine dans les premières grandes lois sur le sujet, notamment la loi Delors, fixe justement les objectifs de la formation professionnelle, sans distinction et indépendamment du statut. Il prévoit notamment qu’il faut progresser d’au moins un niveau de qualification.

Pour le dire assez simplement, je crains que votre amendement n’aboutisse à un dispositif un peu en retrait par rapport au grand principe qui est posé à l’article L. 6111–1 du code du travail.

C’est la raison pour laquelle je sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, je ne pourrais qu’émettre un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Mme Isabelle Debré. Je souhaiterais simplement poser une question à M. le ministre. Tout à l’heure, je me suis abstenu sur l’amendement de M. Dassault non pas pour des considérations de fond, car je le trouvais bon, mais parce que je pensais qu’il n’avait pas sa place dans ce projet de loi. À mon sens, il en va de même pour l’amendement n° 53 déposé par nos collègues du groupe CRC, qu’il serait plus pertinent de placer après l’article L. 6111–1 du code du travail. Monsieur le ministre, partagez-vous cette analyse ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Madame Debré, je ne veux surtout pas paraître désobligeant à votre égard, mais il me semble que c’est ce que je viens d’expliquer.

Mme Éliane Assassi. C’est ce que j’avais cru comprendre !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Moi aussi !

Mme Isabelle Debré. Pour une fois que nous sommes d’accord ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 53.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 198 :

Nombre de votants 208
Nombre de suffrages exprimés 174
Majorité absolue des suffrages exprimés 88
Pour l’adoption 32
Contre 142

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 55, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 5, troisième phrase

Remplacer les mots :

en cas de changement ou de perte d’emploi

par les mots :

au terme du contrat de travail ou à l’occasion d’une rupture de ce dernier

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le présent article vise à franchir une étape supplémentaire en matière de portabilité des droits à la formation par la création d’un compte personnel de formation, reprenant pour partie des dispositions qui existent déjà.

Cela pourrait constituer un élément positif pour les salariés. Pour autant, nous considérons qu’en l’état le dispositif n’est pas suffisamment encadré.

Notamment, dans sa rédaction actuelle, cet article tend à faire croire que les droits créés ne seraient transférables que si le salarié change d’emploi ou est licencié. Seraient ainsi exclus du dispositif les salariés dont le contrat arrive simplement à son terme ou ceux dont la rupture de la relation contractuelle serait non pas consécutive à la perte d’un emploi, au sens d’un licenciement, mais résulterait de l’acceptation d’un plan de départ volontaire ou de la signature d’une rupture conventionnelle, ou encore d’une démission.

Afin de rendre ce droit pleinement applicable à l’ensemble des salariés, et ce quel que soit le motif de la rupture du contrat de travail, nous souhaitons prévoir la transférabilité de droits de formation, y compris dans les situations évoquées précédemment – la démission, la rupture conventionnelle ou l’acceptation d’un plan de départ volontaire –, d’autant que l’article 6 de la loi du 24 novembre 2009 avait introduit un dispositif de portabilité applicable à toute rupture ou arrivée à terme de contrat de travail ouvrant droit à assurance chômage, sauf en cas de rupture résultant d’un licenciement justifié par une faute lourde du salarié.

Le présent article pouvant, à nos yeux, représenter un recul par rapport aux dispositions antérieures, notre amendement tend à appliquer la portabilité à l’ensemble des ruptures du contrat de travail et non simplement aux cas de changement ou de perte d’emploi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Ma chère collègue, vous proposez une nouvelle rédaction pour garantir une transférabilité totale du compte personnel de formation. Quant à moi, j’ai le sentiment que la rédaction actuelle de cet alinéa permet de couvrir tous les cas de figure et toutes les situations. Je laisse cependant le soin au Sénat d’en décider, dans sa grande sagesse.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Madame Gonthier-Maurin, il n’existe aucune différence entre l’objectif que vous visez et celui du Gouvernement. D’ailleurs, l’objet de votre demande est déjà en grande partie pris en compte par le texte du projet de loi, puisqu’il mentionne explicitement diverses situations : échéance d’un CDD, démission, rupture conventionnelle. De ce point de vue, la précision que vous souhaitez apporter n’est pas nécessaire.

En outre, et je pense que cela ne correspond pas à ce que vous souhaitez, la rédaction de votre amendement tend à exclure du caractère universel de ce compte personnel de formation des personnes en activité qui ne seraient pas salariées. Or nous voulons que ce compte puisse couvrir toutes les périodes de la vie active dans leur diversité : on peut avoir été artisan, par exemple, et pouvoir bénéficier du compte personnel de formation. Tel ne serait pas le cas si la rédaction que vous proposez était adoptée. Cette exclusion est évidemment involontaire et je ne saurais vous le reprocher, puisque ce texte aborde tant de sujets, mais vous restreignez la portée du projet de loi, ce qui me semble dommage.

Je vous demande donc de retirer votre amendement. Sinon, je devrais émettre un avis défavorable, car je me dois de préserver les intérêts de tous ceux auxquels le Gouvernement souhaite ouvrir ce nouveau droit.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Chacun aura bien compris que nous souhaitons élargir et asseoir le droit à la formation continue pour chacun et chacune de la façon la plus complète.

Il nous semblait cependant que la rédaction de l’article 2, qui recourt à la notion de « perte d’emploi », était trop ambiguë et ouvrait la porte à diverses possibilités d’interprétation restrictive par le juge. Telle est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement de précision.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 55.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que la commission s’en est remise à la sagesse de notre assemblée et que le Gouvernement a émis un avis défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 199 :

Nombre de votants 176
Nombre de suffrages exprimés 174
Majorité absolue des suffrages exprimés 88
Pour l’adoption 32
Contre 142

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 658, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

au titre du droit individuel à la formation dans les conditions prévues aux articles

par les mots :

selon les modalités prévues par les articles

La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Il s’agit d’un amendement strictement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.