M. Dominique Watrin. Nous en discuterons le moment venu, ainsi que des contours et de son financement.

Dans ces conditions, pourquoi se précipiter pour créer ce compte personnel de formation sans en préciser tous les aspects, alors que notamment son financement reste flou ? Vous nous l’avez dit, cette partie du texte fera l’objet d’une nouvelle négociation.

Je vous pose une question simple, monsieur le ministre : pourquoi ce qui a été autorisé, permis et encouragé dans le dialogue social serait interdit à la représentation nationale ?

Tous les amendements que nous avons déposés sur ce thème de la formation professionnelle n’ont qu’un objectif : enrichir le présent projet de loi et servir de base à ce nouveau texte dont le Parlement sera prochainement saisi.

Nous souhaitons ainsi apporter notre pierre à l’édifice commun, et je crois vraiment que nous ne sommes pas récompensés de notre effort, de notre travail. (Exclamations amusées.)

Mme Nathalie Goulet. La vie est bien injuste ! (Sourires.)

M. Dominique Watrin. Pour conclure, un signe réellement fort en direction des salariés qui souhaitent se former serait que le carcan des 2 % de salariés en formation individuelle tombe, pour atteindre 5 %. J’ai bien compris que vous ne vous opposiez pas a priori à cet objectif. Je m’en réjouis. L’appel d’air tant craint par le patronat ne se produirait pas, loin de là ; en revanche, ce serait un premier pas dans l’élargissement des droits à formation des salariés.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 71.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 76, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – L’article L. 6322-18 du code du travail est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Il gère les excédents financiers dont peuvent disposer les organismes paritaires collecteurs agréés gérant les contributions des employeurs au financement :

« 1° Soit du congé individuel de formation ;

« 2° Soit des contrats ou des périodes de professionnalisation et du droit individuel à la formation. »

La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Sans doute vais-je encore une fois être hors sujet ou hors ANI… Mais sait-on jamais !

Le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, le FPSPP, doit pouvoir intégrer dans ses missions la gestion des excédents dont peuvent disposer les organismes collecteurs paritaires agréés qui gèrent les contributions des employeurs au financement des droits à la formation.

L’article 18 de la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie avait créé ce fonds paritaire pour faciliter l’accès à la formation des demandeurs d’emploi et des salariés les moins qualifiés.

Ce fonds est financé par une partie des contributions obligatoires des employeurs pour la formation professionnelle à hauteur d’environ 900 millions d’euros, et l’objectif était de permettre chaque année la formation de 500 000 salariés peu qualifiés et de 200 000 demandeurs d’emploi supplémentaires.

Ce même article de la loi de 2009 prévoyait que les excédents du FPSPP au 31 décembre de chaque année constituaient les ressources de ce fonds l’année suivante. Pourtant, et alors que la crise économique a accentué la fragilité d’un grand nombre de nos concitoyens – particulièrement ceux qui sont les moins qualifiés en les éloignant davantage encore de l’emploi –, le gouvernement précédent a puisé illégalement plusieurs centaines de millions d’euros dans ce fonds afin de financer, notamment, le maintien de la prime aux employeurs développant l’alternance, ainsi que sa contribution à l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA.

Ces décisions ont remis en cause des dizaines de milliers d’actions de formation, en plus de placer le FPSPP face à des insuffisances importantes de financement. On peut certes apprécier que le gouvernement actuel n’ait pas reconduit cette mesure pour 2013. Cela étant, nous souhaitons nous assurer que de telles dérives ne se reproduiront pas.

Lors de l’examen de la loi de 2009, nous avions déjà souhaité compléter cette disposition en précisant que le fonds gérait également les excédents financiers dont pouvaient disposer les organismes paritaires collecteurs agréés, au titre du CIF ou encore des contrats ou des périodes de professionnalisation et du droit individuel à la formation. L’adoption de cet amendement, à l’époque soutenu par nos collègues et camarades socialistes,…

M. Ronan Kerdraon. Vous nous reconnaissez encore cette qualité ?

M. Michel Le Scouarnec. J’ai employé ce mot !

… aurait sans doute pu contenir dans une certaine mesure ces dérives.

Aussi, nous ne pouvons admettre qu’à l’avenir de nouveaux « coups de rabot » budgétaires s’exercent sur la trésorerie du FPSPP, car ce sont des ressources qui doivent être avant tout dédiées à la formation des salariés et des demandeurs d’emploi. En effet, il apparaît logique que, dans le cadre d’une gestion paritaire des ressources et de leur utilisation, la gestion et la destination des éventuels excédents soient également confiées à ce fonds.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Chers collègues, vous proposez que la gestion des excédents financiers des OPCA, les organismes paritaires collecteurs agréés, et des OPACIF, les organismes paritaires agréés au titre du congé individuel de formation, soit reprise par le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Vous êtes fidèles à vous-mêmes. En effet, comme vous l’avez rappelé, monsieur Le Scouarnec, vous aviez présenté un amendement identique lors de l’examen de la loi de novembre 2009 réformant la formation professionnelle. D’ailleurs, mes collègues du groupe socialiste et moi-même l’avions alors soutenu.

Vous devinez ma réponse : cet amendement n’a pas sa place dans le texte que nous examinons aujourd’hui.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il est hors champ !

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Ne créons pas entre nous des désaccords artificiels. L’accord national interprofessionnel affirme un droit et un principe, celui de la création du compte personnel de formation, dont il stipule que les modalités seront définies par une négociation entre les partenaires sociaux, l’État et les régions.

De plus, le ministre nous l’a rappelé, un projet de loi sera soumis au Parlement dans les prochaines semaines.

Gardons à l’esprit ces amendements et servons-nous-en pour construire le nouveau dispositif de formation professionnelle et définir sa nouvelle architecture.

Pour l’instant, je ne peux que demander le retrait de cet amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Comme je l’ai dit, une nouvelle négociation portera sur tous les sujets qui viennent d’être évoqués. Surtout, monsieur le sénateur, il se trouve que l’article L. 6332–19 du code du travail prévoit très exactement la même chose que votre amendement. Aussi, de deux choses l’une : ou bien vous considérez qu’il est satisfait, et vous le retirez ; ou bien le Gouvernement émettra un avis défavorable. Le code du travail est suffisamment volumineux, il est inutile d’y inscrire à deux endroits différents deux fois la même chose.

Mme la présidente. Monsieur Le Scouarnec, souhaitez-vous retirer l'amendement n° 73 ? Je vous pose la question, même si je crains que vous ne m’apportiez une réponse négative. (Sourires.)

M. Michel Le Scouarnec. Je vais le retirer, madame la présidente (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.),…

Mme Catherine Procaccia. C’est la surprise !

M. Michel Le Scouarnec. … mais je souhaite dire un mot préalablement. (Rires.)

Ne sacrifions pas une fois encore les salariés sur l’autel de l’austérité. Il s’agit d’un investissement d’avenir. Au-delà de la conjoncture, les besoins futurs de l’économie nationale nécessitent un niveau de financement de la formation professionnelle bien supérieur à celui d’aujourd’hui. Déjà, lors des négociations de l’accord national interprofessionnel « formation » du 7 janvier 2009, les syndicats avaient réclamé une augmentation des obligations de financement de la formation. Patronat et Gouvernement s’y étaient alors strictement opposés, tout comme ils s’étaient opposés à la gestion paritaire de ce fonds. Cette opposition perdure, malgré le changement de majorité intervenu entre-temps.

La convention qui lie l’État et les partenaires sociaux dans la gestion du fonds et qui permet même, disons-le clairement, à la puissance publique de gérer presque seule les quelque 900 millions d’euros destinés à la péréquation est insuffisamment contraignante. Or nous considérons qu’il est nécessaire, par souci d’équilibre et par respect de leur volonté commune, de laisser les partenaires sociaux libres de gérer les fonds résultant des éventuels excédents des différents organismes.

Cela étant dit, je retire cet amendement, puisque nous avons peut-être obtenu des assurances pour l’avenir.

Mme la présidente. L'amendement n° 76 est retiré.

Mon cher collègue, puisque vous êtes parfois sensible à des demandes de retrait d’amendement, je ne manquerai pas de vous solliciter de nouveau. (Sourires.)

L'amendement n° 73, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – Le second alinéa de l’article L. 6322-27 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les périodes de stages sont intégralement prises en compte dans les durées d’ancienneté prises en compte pour l’ouverture du droit au congé individuel de formation. »

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Mes chers collègues, nombre d’entre vous ont, depuis longtemps, souligné, chacun à sa manière, le traitement pour le moins injuste qui est réservé aux stagiaires. C’est un sujet qui reviendra souvent au cours de l’examen de ce projet de loi.

À l’origine, les stagiaires venaient se former dans l’entreprise dans leur intérêt propre et personnel, pourrais-je dire, en lien avec leur formation initiale.

Nous avons observé au fil des années une utilisation détournée des stagiaires en entreprise. Loin de bénéficier d’un traitement juste et moral, certaines et certains d’entre eux se considèrent comme les soutiers de l’entreprise moderne : aucun droit, ou trop peu de droits, mais surtout corvéables à merci et variable d’ajustement.

Si de nombreux rapports et les interventions périodiques des organisations syndicales salariales et étudiantes pointent l’inanité du traitement des stagiaires, nous pouvons, au travers de cet amendement, remédier quelque peu – je dis bien « quelque peu » – à ce recours aux stages sans contreparties.

Tels qu’ils ont été rédigés, les textes qui prévoient l’accès au congé individuel de formation empêchent les jeunes salariés d’y accéder dans un temps raisonnable. Nous le savons, bon nombre d’entre eux ont « galéré » de nombreuses années avant de signer leur premier contrat à durée indéterminée. Ils sont passés par les stages, les emplois aidés, l’intérim, des contrats à durée déterminée, avant d’obtenir enfin, mais de plus en plus tard, leur premier CDI.

En comptabilisant les périodes de stage pour le décompte du nombre de mois travaillés nécessaire afin de pouvoir accéder au droit au congé individuel de formation, on répare une injustice.

De plus, on fidélise l’ancien stagiaire devenu salarié dans l’entreprise, ce qui lui permettra de continuer à accéder à de nouvelles connaissances et compétences qui pourront, le cas échéant, être mises à disposition de l’entreprise.

Oui, monsieur le ministre, cette mesure, si elle était adoptée, correspondrait bien à l’idée du « gagnant-gagnant ». Au-delà des « mesurettes » qui existent déjà, il faudra bien un jour penser à améliorer globalement le statut des stagiaires. Nous pouvons aujourd’hui faire ce pas, lequel donnera confiance à une partie de la jeunesse qui a tant de difficultés à s’insérer dans le monde de l’entreprise.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mes chers collègues, vous vous en souvenez, nous avons déjà évoqué cette question des stages dans un autre cadre, celui de l’article 1er.

Vous souhaitez que soient intégrées les périodes de stage dans le calcul de l’ancienneté minimale nécessaire à l’ouverture des droits au congé individuel de formation.

Je ferai la même réponse que tout à l’heure, en ajoutant que ce droit n’est effectivement pas inscrit dans le code du travail. Toutefois, M. le ministre du travail s’est engagé hier à soutenir une prochaine proposition de loi relative aux stages. Vous pourrez alors dans ce cadre, madame la sénatrice, réintroduire votre proposition.

Pour l’heure, je ne peux que vous suggérer de retirer cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. J’ai donné, hier, me semble-t-il, toutes les explications sur cette question des stagiaires, quelle que soit la nature du stage qu’ils effectuent. Il reste encore beaucoup de modifications à apporter pour mieux les protéger.

Concernant leur protection santé, j’ai indiqué qu’il s’agissait d’un autre sujet que celui-ci et qu’il serait traité extrêmement rapidement, d’ici à l’été prochain, notamment par le biais d’une proposition de loi dont certains groupes à l’Assemblée nationale sont en train d’écrire le texte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.

Mme Isabelle Pasquet. Madame la présidente, je le sais, vous allez me demander dans un instant si je retire cet amendement. (Sourires.)

Mme la présidente. Je n’y manquerai pas. (Nouveaux sourires.)

Mme Isabelle Pasquet. Je vous le dis d’emblée : je ne le retire pas. En effet, chaque fois que nous évoquons un sujet, on nous répond que la question sera abordée lors de l’examen d’un prochain texte ou dans un débat ultérieur. Or je considère que, aujourd’hui, nous avons l’occasion de donner un signal à ces jeunes stagiaires, qui, je l’ai dit tout à l’heure, sont les soutiers des entreprises. Aussi, mes chers collègues, je vous invite à voter en faveur de cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 73.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 202 :

Nombre de votants 176
Nombre de suffrages exprimés 174
Majorité absolue des suffrages exprimés 88
Pour l’adoption 32
Contre 142

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 75, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 6322-64 du code du travail, les mots : « peut assurer » sont remplacés par le mot : « assure ».

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Si nous souhaitons toutes et tous que l’ensemble des salariés de notre pays soient plus et mieux formés, il nous faut lever toutes les barrières qui les empêchent d’accéder pleinement à ce droit à la formation.

De nombreux salariés se plaignent, alors qu’ils ont décidé de demander une formation dans le cadre du congé individuel de formation et que l’organisme paritaire agréé a confirmé son accord, de ne pouvoir réellement accéder à ce droit au congé individuel, et ce pour plusieurs raisons.

Aujourd’hui, l’acceptation de l’OPACIF ne vaut pas obligatoirement financement, et c’est souvent sur sa cassette, du moins en partie, que le salarié part en formation individuelle.

Nous le savons, la période actuelle est peu propice à ce que des salariés partent en formation en étant assurés de la voir prise en charge.

D’abord, les formations sont parfois onéreuses et, de nos jours, d’autres priorités apparaissent comme plus essentielles dans le quotidien des ménages.

Il n’est pas admissible, en période de stagnation des salaires, alors que l’objectif affiché est de plus et mieux former les salariés, que ceux-ci doivent se sacrifier pour cette formation.

Nous proposons que l’avis positif de l’OPACIF engage aussi cet organisme en matière de financement. L’esprit de notre amendement est bien de faire sauter le verrou financier à la formation des salariés utilisant leur crédit individuel de formation.

Aux arguments avancés fréquemment par les employeurs de la nécessité d’une continuité du service, qui est le frein le plus important dans la décision de prendre un congé individuel de formation, s’ajoute le coût de cette formation, qui est le second frein.

Nous pourrions, enfin, dans le cadre de ce texte, obtenir une avancée, qui ne figurait certes pas dans le texte de l’ANI, mais qui, me semble-t-il, pouvait s’entendre dans la volonté gouvernementale d’aider au développement d’un vaste mouvement de formation des salariés dans notre pays.

Cette mesure aurait, nous le croyons, l’aval des négociateurs de l’ANI, toutes sensibilités confondues, c’est-à-dire organisations signataires comme organisations non signataires.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mes chers collègues, votre opiniâtreté en la matière doit être soulignée une nouvelle fois. Vous proposez que la prise en charge par l’OPACIF désigné par l’employeur de toute formation soit obligatoire dès lors qu’elle se déroule en dehors du temps de travail.

Cette disposition présente bien des intérêts, mais elle n’a pas été portée dans la négociation. Je vous renvoie, à cet égard, aux propos que M. le ministre et moi-même avons tenus sur le champ qui est devant nous concernant la formation professionnelle.

De plus, cette mesure aurait des implications financières très importantes, qui n’ont pas été évaluées.

Pour toutes ces raisons, l’avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.

Mme Isabelle Pasquet. Nous essayons, amendement après amendement, de modifier et d’infléchir le texte que vous nous avez soumis afin que, au bout du compte, quelques avancées soient visibles et palpables pour de nombreux salariés.

L’exercice n’est pas facile et vous faites bien peu pour nous encourager, monsieur le ministre. Les lancinantes réponses qui tournent autour du « hors sujet » ou qui reconnaissent l’intérêt de nos propos tout en considérant qu’ils trouveront leur place dans un débat futur sur la formation professionnelle sont une manière de nous dire aimablement : « Circulez, il n’y a rien à voir ! » Nous ne pouvons nous y résoudre (Mmes Nathalie Goulet et Isabelle Debré s’exclament.), car, je dois l’avouer, notre pays et son salariat ont besoin d’un énorme saut quantitatif et qualitatif dans la formation professionnelle.

Chaque fois que nous repérons un blocage dans l’accès des salariés à la formation, en particulier à la formation individuelle, nous devons le lever : blocage dans le dialogue avec l’employeur, qui n’en comprend pas toujours les motivations ; blocage dans le nombre de congés individuels par entreprise ridiculement bas ; blocages financiers, car la mobilisation des crédits individuels vient après l’utilisation des crédits pour les plans de formation ; blocage dans le manque de souplesse entre le congé individuel de formation et le droit individuel à la formation.

Le nouveau dispositif que vous proposez, le compte personnel de formation, est-il réellement un plus ? Vient-il se substituer aux droits préalablement acquis ? Nous attendons des réponses. Nous en avons obtenu quelques-unes. Mais sans attendre les suivantes, nous vous demandons, mes chers collègues, de voter en faveur de notre amendement, qui permet d’améliorer la prise en charge des formations individuelles.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 75.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 65, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Le dernier alinéa de l’article L. 6323-1 du code du travail est supprimé.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je vais à mon tour tenter d’élargir le champ, mais, je n’en doute pas, la réponse qui nous sera apportée va être courtoise…

Cet amendement vise à supprimer une disposition du code du travail qui prive les apprentis du droit individuel à la formation, le DIF.

En effet, l’apprentissage constitue une formation professionnelle, alternée, au cours de laquelle l’apprenti apprend un métier et se trouve donc amené à l’exercer. En cela, rien ne justifie qu’il ne bénéficie pas du droit individuel à la formation, comme tous les autres travailleurs.

Certes, les apprentis bénéficient déjà d’une formation en même temps que leur pratique professionnelle. Toutefois, les heures de formation découlant de ce droit peuvent être cumulées et utilisées ultérieurement. Il n’y a donc pas nécessairement de redondance, et l’accès au droit individuel à la formation peut constituer un moyen d’améliorer l’accès à l’emploi, je dirais même, dans le cas de l’apprentissage, l’accès à un métier.

Il s’agit, là encore, de sécuriser le parcours professionnel des apprentis en leur permettant de compléter leur formation initiale par un dispositif dont bénéficient tous les autres travailleurs. C’est, là encore également, un moyen de revaloriser les filières d’apprentissage, qui en ont besoin.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cet amendement vise à permettre aux apprentis et à ceux qui sont en contrat de professionnalisation de pouvoir bénéficier d’un DIF.

Le lien entre le statut d’apprenti et la formation professionnelle n’est pas traité dans le cadre de ce débat. Je ferai la même réponse que tout à l’heure : cette question sera examinée à la fois lors des discussions qui vont s’engager entre les partenaires sociaux, et ici même dans le cadre de la présentation du projet de loi sur la formation professionnelle. Aussi, à ce stade, l’avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Pour ma part, je continue à invoquer les mêmes arguments, avec la même courtoisie. (Sourires.)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. J’espère bien ! (Nouveaux sourires.)

M. Michel Sapin, ministre. Si je puis m’exprimer ainsi, via ces amendements, les sénateurs du groupe CRC sont en train d’éplucher point par point tous les sujets de la négociation. En suivant cette logique, il n’en subsisterait au total plus aucun ! Or, les premiers à en être insatisfaits seraient les partenaires sociaux et les organisations syndicales, et ce sans exception. Ces acteurs souhaitent en effet pouvoir apporter leur intelligence et leur connaissance du terrain en la matière.

Pour ma part, je souhaite préserver la spécificité, le pouvoir et l’intelligence des organisations syndicales, quelles qu’elles soient.

M. Jacky Le Menn. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Si nous restons dans le registre de la courtoisie, je tiens malgré tout à vous dire, monsieur le ministre, qu’en la matière il y a deux poids, deux mesures.

En effet, vous nous dites : « Nous respectons et respecterons toutes les organisations syndicales. » Or toutes nos propositions d’amélioration des prérogatives, notamment des comités d’entreprises, et donc des organisations syndicales, sont systématiquement écartées.

M. Michel Sapin, ministre. Ce n’est pas vrai !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 65.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 203 :

Nombre de votants 176
Nombre de suffrages exprimés 174
Majorité absolue des suffrages exprimés 88
Pour l’adoption 32
Contre 142

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 68, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 6323–17 du code du travail, les mots : « non consécutif à une faute lourde, » sont supprimés.

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. En 2009, nous avons examiné un autre projet de loi – d’ailleurs présenté par un précédent gouvernement – consacré à la formation professionnelle : il s’agissait déjà de la transposition d’un accord national interprofessionnel, dit ANI, qui devait permettre de sécuriser les parcours professionnels, à en croire les responsables gouvernementaux de l’époque.

Compte tenu de la dégradation continue de l’emploi depuis l’adoption de ce texte, on le constate clairement : il ne suffit pas d’un accord national interprofessionnel pour garantir aux salariés une meilleure sécurité juridique.

Chers collègues, comme vous, nous sommes convaincus que la formation professionnelle constitue une chance pour le salarié, qu’il soit confronté à la perte de son emploi ou qu’il demeure en activité.

Toutefois, il convient d’ancrer cette opportunité dans le réel, en faisant en sorte que les conditions de construction des droits soient simplifiées, que les obstacles qui en privent les salariés soient levés, et enfin – tel est le sens de cet amendement – que les droits acquis puissent, en toute circonstance, être conservés par le salarié qui n’est plus en activité dans son entreprise.

La portabilité du DIF ainsi que sa transférabilité, qui relève quant à elle d’un texte de 2004, s’inscrivent dans une démarche cohérente et logique. Le droit du salarié à la formation est un droit individuel, c'est-à-dire rattaché au salarié, qui en est en quelque sorte le propriétaire. C’est précisément le principe de ce dispositif.

Je me souviens d’ailleurs que nous étions intervenus à plusieurs reprises sur ce sujet en 2009. Au groupe CRC, nous considérons que, tout comme les droits accumulés au titre du DIF, la portabilité appartient au salarié.

Voilà pourquoi priver de cette faculté les salariés licenciés pour faute lourde reviendrait en quelque sorte à leur infliger une double peine. En effet, si faute lourde il y a, le salarié est déjà sanctionné, ce qui n’enlève rien au fait qu’il doit se réinsérer au plus vite et donc bénéficier de possibilités de formation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?