M. le président. La parole est à Mme Hélène Masson-Maret.

Mme Hélène Masson-Maret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord saluer à mon tour l’excellent rapport de M. Courteau. Il ne pouvait que me passionner, moi qui suis née au bord de la Méditerranée et y vit encore.

Ce rapport a été rédigé au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui remplit parfaitement sa mission d’interface entre le Parlement et la communauté scientifique et technologique. En préambule, il y est souligné qu’il est difficile de définir l’état de la pollution de la Méditerranée et de prévoir son évolution dans les dix ou quinze années à venir. Cependant, si l’exercice est complexe, force est de constater que la pollution en Méditerranée s’est inexorablement accentuée au fil des décennies et que la situation est devenue de plus en plus préoccupante du fait de l’évolution défavorable des multiples facteurs de pollution.

Il me semble utile d’insister sur certains points forts, dont découlent les scénarios catastrophes présentés dans le rapport. En effet, ce sont ces scénarios qui donnent leur caractère d’urgence aux mesures préconisées, que j’aborderai avec l’éclairage de l’actualité, des évolutions intéressantes étant intervenues depuis la publication du rapport en 2011.

Le bilan est alarmant en raison de la géographie physique de la Méditerranée, mer encadrée de montagnes, souvent comparée à un grand lac. Cela a été dit, elle abrite 8 % des espèces maritimes connues, mais cette biodiversité est très fragile : plus de la moitié des espèces exploitées depuis des siècles ont aujourd’hui disparu.

Cette zone présente en outre des caractéristiques climatiques diverses, avec une faible pluviométrie sur la rive sud et des vents violents qui poussent les polluants industriels toujours vers cette même rive.

Le bilan est également alarmant en raison de caractéristiques humaines. La démographie a explosé sur les rives de la Méditerranée. En trente ans, la population d’ensemble des pays riverains a augmenté de 50 % : elle a crû de 14 % dans les pays de la rive nord et de 101 % dans les pays des rives est et sud. Cette disparité, il faut le souligner, est l’un des enjeux actuels en matière de pollution de la Méditerranée. En effet, le surpeuplement des régions côtières s’accélère, avec un développement urbain qui se traduit par la constitution de mégapoles comme Le Caire – de 15 millions à 16 millions d’habitants – et Istanbul – de 13 millions à 14 millions d’habitants –, ainsi que de métropoles européennes côtières telles que Barcelone, Marseille, Rome, Athènes, Gênes, Naples… À cela s’ajoutent quatre-vingt-cinq villes dont la population est comprise entre 300 000 et 1 million d’habitants.

Ce surpeuplement entraîne deux phénomènes dramatiques en matière de pollution : un accroissement des pollutions ménagères et municipales et une raréfaction des ressources en eau. C’est un point très important, car 180 millions d’habitants du bassin méditerranéen disposent aujourd’hui de moins de 1 000 mètres cubes d’eau par an, valeur constituant le seuil de pauvreté officiel en la matière.

Le bilan est également alarmant en raison des flux touristiques. La Méditerranée est la première destination du tourisme mondial, dont elle accueille 40 % des flux. Je souligne tout de même que les rives sud connaissent actuellement une légère mais notable désaffection : en 2012, le nombre de touristes a baissé de 10 %, et celui de touristes français de 30 %.

Le bilan est également alarmant en raison de la multiplication des pollutions industrielles. Le rapport est si complet que je n’insisterai pas sur ce sujet. Je rappellerai simplement que ces pollutions peuvent être anciennes, traditionnelles ou transférées. Dans tous les cas, elles sont dramatiques pour la Méditerranée.

Le bilan est également alarmant en raison de l’accroissement du trafic maritime. Mme Jouanno a parfaitement décrit cet aspect. Je me contenterai de revenir tout à l'heure sur un autre axe de ce trafic.

Le bilan est enfin alarmant en raison des effets du réchauffement climatique. Ce phénomène n’est certes pas spécifique au bassin méditerranéen, mais, dans cette zone, ses effets seront encore plus dommageables : non seulement la diminution des apports en eaux douces s’accentuera au fil des ans, mais ces dernières seront en outre davantage encore chargées de polluants. Quant à la salinité du milieu marin, elle menacera le bon fonctionnement de la chaîne alimentaire.

Les perspectives d’évolution de cette pollution ne sont pas encourageantes, bien au contraire. C’est pourquoi il est nécessaire de mettre en place de nouvelles politiques et d’adopter des dispositions concrètes. Le principal obstacle que nous devrons surmonter dans les années à venir est la difficulté d’harmoniser les politiques des États riverains, dont les identités et les économies sont extrêmement diverses. Rappelons que cinq pays africains, cinq pays asiatiques et onze pays européens sont riverains du bassin méditerranéen.

Je souhaite maintenant revenir sur certains points du rapport de M. Courteau, avec l’éclairage de l’actualité. Je voudrais surtout mettre l’accent sur les actions concrètes qui doivent être soutenues ; à cet égard, c’est évidemment à M. le ministre que je m’adresserai en priorité.

Nous le savons tous, l’émergence d’une prise de conscience internationale remonte à 1976, avec la Convention de Barcelone, qui vise à combattre et à éliminer la pollution en Méditerranée. Amendée en 1995, cette convention engage les vingt et un États riverains, rejoints en 2004 par l’Union européenne.

Dans le cadre de cette convention, un protocole dit « tellurique » a été signé pour protéger la mer Méditerranée de la pollution provenant de sources et d’activités terrestres, qui représente 80 % de l’ensemble de la pollution en Méditerranée. Or plusieurs actions concrètes prouvent que nous pouvons agir de manière efficace sur ce type de pollution. C’est ce qu’essaie de réaliser, depuis sa création en 1975, le plan d’action pour la méditerranée, le PAM, qui a développé un programme d’évaluation et de maîtrise de la pollution dans la région méditerranéenne, concernant notamment la pollution d’origine tellurique.

Plus contemporaines, l’initiative Horizon 2020 et l’Union pour la Méditerranée montrent que la préservation du domaine maritime et de l’environnement est actuellement au cœur des préoccupations européennes. Je pense qu’il est important de souligner que la pollution en Méditerranée préoccupe vraiment les États riverains, notamment la France.

L’initiative Horizon 2020 traduit la volonté de réduire les sources de pollution – émissions industrielles, déchets municipaux, eaux usées urbaines, etc. –, mais aussi d’aider les pays limitrophes à développer leurs propres outils de lutte contre la pollution.

Quant à l’UPM, qui a été créée en 2008 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, elle a donné une nouvelle impulsion au partenariat entre les rives nord et sud de la Méditerranée, et placé la protection de cette mer au cœur des préoccupations des gouvernants.

Je souhaite insister tout particulièrement sur les relations bilatérales que la France entretient avec les pays du pourtour méditerranéen, car les pollutions méconnaissent les frontières. Il faut rendre hommage à l’action que mène la France via l’Agence française de développement et le Fonds français pour l’environnement mondial, qui est un instrument dédié au financement de projets environnementaux. Ces deux organismes interviennent activement dans les pays de la rive sud, notamment au Maroc, en Algérie et en Tunisie.

L’action de la France est confortée par des accords bilatéraux. À cet égard, je souhaite citer quelques évolutions positives postérieures à la rédaction du rapport de M. Courteau.

Ainsi, une nouvelle version de l’accord RAMOGE, signé en 1976 par les gouvernements français, monégasque et italien en vue de constituer une zone de prévention et de lutte contre les pollutions, en particulier – ce point est très important – contre les pollutions marines accidentelles, a été adoptée le 26 novembre 2012.

Par ailleurs, le Lion Plan organise la coopération entre la France et l’Espagne en cas de pollution marine accidentelle. Une démonstration de la mise en œuvre de ce plan a eu lieu le 6 juin 2013, c'est-à-dire il y a quelques jours. Elle a mis en évidence des résultats très positifs en matière de lutte contre les trafics de diverses sortes. On peut supposer que l’efficacité serait la même en cas de pollution accidentelle en Méditerranée, mais la comparaison est difficile, car la Méditerranée n’a pas de culture des accidents pétroliers.

Aussi sommes-nous en droit de nous interroger sur notre capacité à réagir rapidement s’il se produisait en Méditerranée une catastrophe semblable au naufrage de l’Amoco Cadiz. Or nous connaissons parfaitement les dangers que présente la circulation des grosses unités dans des passages particulièrement dangereux, par exemple les bouches de Bonifacio. Une telle catastrophe serait dramatique, sur le plan écologique, pour les magnifiques côtes de Corse et de Sardaigne.

Je voudrais encore évoquer l’accord Pelagos. Conclu en 1999 entre la France, la principauté de Monaco et l’Italie, il visait à créer en Méditerranée un sanctuaire de 87 500 kilomètres carrés pour les mammifères marins. Pelagos est une aire spécialement protégée d’importance méditerranéenne, une ASPIM, établie par le plan d’action pour la Méditerranée sous l’égide du Programme des Nations unies pour l’environnement, le PNUE.

Qu’en est-il aujourd'hui ? Côté français, Pelagos se porte bien. À ce jour, vingt-cinq communes et la métropole Nice Côte d’Azur ont signé cet accord ; la dernière adhésion est intervenue en janvier 2013. Il existe donc des actions concrètes intéressantes : il ne faut pas baisser les bras. Côté italien, vingt-six municipalités ont déjà adhéré et un nouveau secrétaire exécutif a pris ses fonctions à Gênes voilà quelques mois afin de redynamiser l’accord et de porter plus haut le destin du sanctuaire Pelagos.

Des actions particulièrement efficaces en faveur de la Méditerranée se déroulent actuellement. Il s’agit des contrats de baie, instruments d’intervention à l’échelle du bassin versant, qui ont pour objet de rassembler tous les acteurs de la vie du littoral pour préserver la qualité des eaux et des milieux aquatiques.

Dans mon département des Alpes-Maritimes, deux contrats de baie ont été signés récemment : le contrat de baie d’Azur a été signé en juin 2011 entre dix communes du littoral de l’est du département et a permis la mise en place de cinquante-cinq actions ; le contrat de baie des golfes de Lérins a été signé en juin 2013 entre douze communes de l’ouest du département et porte sur cent trente-trois actions.

Je tiens à souligner que ces contrats de baie témoignent d’une collaboration particulièrement opérationnelle entre les services de l’État, les agences de l’eau, les administrations et les collectivités territoriales.

Enfin, permettez-moi de saluer l’initiative du président du Parlement européen, également président en exercice de l’Assemblée parlementaire de l’Union pour la Méditerranée, Martin Schulz, qui a reçu les présidents des parlements des pays membres de l’Union pour la Méditerranée les 6 et 7 avril derniers, à Marseille.

Je tiens à lui rendre cet hommage, car ce sommet est capital : il constitue la première rencontre de haut niveau depuis le sommet de l’Union pour la Méditerranée en 2008 et, surtout, le premier rendez-vous politique après les révolutions arabes.

Ce sommet nous a rappelé qu’il convient d’améliorer la visibilité du cadre de coopération de l’Union pour la Méditerranée.

Je pense donc que des structures opérationnelles existent, contrairement à ce que semble indiquer le rapport de M. Courteau. À mon sens, il est urgent de les renforcer.

Pour conclure, j’insisterai sur la nécessité, pour la France, de renforcer son intervention auprès des autres pays riverains de la Méditerranée, particulièrement ceux de la rive sud, et d’œuvrer à l’harmonisation des législations.

La France peut certes se targuer d’être exemplaire en matière de lutte contre la pollution – il est vrai que de gros efforts sont faits et qu’elle est un modèle pour d’autres pays –, mais nos actions resteront peu fructueuses si nos voisins ne sont pas opérationnels.

Il est donc urgent de réagir face au drame qui se profile à l’horizon 2030 ! Monsieur le ministre, j’invite le Gouvernement à assurer les financements nécessaires et à honorer les engagements pris, car l’avenir des générations futures est entre les mains des gouvernements des États riverains de la Méditerranée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.

Mme Odette Herviaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux à mon tour saluer le remarquable travail de M. Courteau.

Samedi dernier se déroulait la Journée mondiale de l’océan, date importante pour un enjeu majeur, quelques mois après le sommet « Rio+20 », qui a enfin mis en lumière l’urgence d’une mobilisation internationale en faveur des espaces maritimes, biens communs de l’humanité.

D’études scientifiques en rapports parlementaires, de missions d’expertise en observations de professionnels et d’usagers, les cris d’alarme se multiplient et convergent sur une seule et même conclusion : intégrer pleinement la dimension maritime dans l’ensemble des politiques publiques, du local au global, autour des trois piliers du développement durable, est bien devenu une urgente nécessité.

Deuxième puissance maritime mondiale, la France doit assumer ses responsabilités et ses ambitions en la matière. À cet égard, nous pouvons donc saluer l’appel de Paris pour la haute mer, lancé le 11 avril dernier sur l’initiative du Conseil économique, social et environnemental et de Tara Expéditions, qui fixe un cap ambitieux en faveur de la protection des océans.

Dans cette perspective, la situation de la mer Méditerranée appelle, tout particulièrement, une mobilisation internationale résolue. Zone de confluences et de métissages, mais territoire fragile, car mer quasiment fermée, la Méditerranée est durement affectée par la croissance des échanges commerciaux, la course au gigantisme naval, les phénomènes d’urbanisation, de littoralisation et de tourisme de masse. Ce sont autant de menaces qui pèsent déjà lourdement sur la biodiversité et la qualité des eaux méditerranéennes et qui ne pourront que s’aggraver dans les deux prochaines décennies si des mesures volontaristes ne sont pas prises à court terme par les pays riverains.

Après cette introduction, je centrerai mon intervention sur les pollutions liées au trafic maritime, sujet au cœur de l’excellent rapport de notre non moins excellent collègue Roland Courteau (Sourires.) et de l’audition publique qu’il a organisée le 28 mars dernier. En tant que parlementaire élue en Bretagne, je le fais avec d’autant plus de conviction que j’ai été très impliquée dans le suivi de la réforme portuaire. J’ai également été à l’initiative d’un rapport d’information, rédigé en 2011, sur le Maroc et son nouveau port, Tanger Med, au carrefour de l’Afrique et de l’Europe.

Le trafic maritime, si nécessaire à notre économie, est à l’origine de multiples pollutions qui affectent très fortement les écosystèmes marins. Je pense aux hydrocarbures, par rejet ou par naufrage, aux produits chimiques, aux eaux usées ou encore aux déchets solides.

Même si un seul accident pétrolier majeur s’est produit en Méditerranée, au large de Gênes, en 1991, il s’avère nécessaire de faire preuve de la plus grande vigilance, tant les dégâts écologiques et sociaux d’une marée noire sur ces eaux, qui se renouvellent en un siècle, seraient dramatiques.

Estimés entre 100 000 et 200 000 tonnes par an, les rejets volontaires de résidus d’hydrocarbures contribuent pour une très large part à la dégradation continue des eaux et des écosystèmes méditerranéens. Leur distribution spatiale fait écho à l’insuffisance d’équipements portuaires et au laxisme réglementaire constatés dans certains États méditerranéens, parfois membres de l’Union européenne.

M. Roland Courteau, rapporteur. Exactement !

Mme Odette Herviaux. Alors que les côtes françaises apparaissent relativement épargnées, grâce à des infrastructures globalement satisfaisantes et à un arsenal juridique plus contraignant, les eaux espagnoles, italiennes et grecques subissent des concentrations d’hydrocarbures bien plus élevées. Cette division géographique des pollutions par hydrocarbures recoupe également la pyramide des âges des flottes méditerranéennes, dont le vieillissement est nettement plus prononcé dans la partie orientale.

M. Roland Courteau, rapporteur. Tout à fait !

Mme Odette Herviaux. À cet égard, la course au gigantisme naval, aussi bien pour les porte-conteneurs que pour les navires de croisière, qui, je le rappelle, ont actuellement des cuves de carburant pouvant contenir à elles seules plus de fioul que l’Erika lors de son naufrage en 1999, doit s’accompagner de mesures beaucoup plus ambitieuses en matière de prévention.

En effet, si je partage l’objectif consistant à renforcer les moyens dédiés à l’imagerie satellitaire, utile pour l’identification des responsabilités en cas de dommages, je souhaiterais, comme M. le rapporteur, que la priorité soit donnée à tout ce qui pourra soit empêcher la survenue de telles catastrophes, soit en limiter le plus possible les conséquences pour l’environnement.

Cette stratégie repose sur plusieurs outils qui complètent l’uniformisation des systèmes d’information, visant à faciliter les contrôles a priori : la lutte contre les dumpings sociaux et écologiques afin de favoriser l’harmonisation par le haut des réglementations et des sanctions véritablement dissuasives, ainsi que la promotion de la sécurité passive embarquée.

Nous regrettons l’absence d’un pavillon européen : sa création aurait été un facteur de mise en cohérence et d’élévation conjointe des standards nationaux. En tout état de cause, nous devons rester plus que jamais mobilisés pour défendre une exemplarité européenne et protéger par là même les droits sociaux des gens de mer, premiers acteurs d’un trafic maritime véritablement éco-responsable.

C’est ce que nous venons de faire, monsieur le ministre, en trouvant un accord en commission mixte paritaire, cet après-midi, sur le projet de loi assurant notamment la transcription de la directive 2009/13/CE du Conseil du 16 février 2009, lequel permettra d’intégrer dans le code des transports le socle des normes sociales de l’Organisation internationale du travail définies dans la convention du travail maritime du 23 février 2006.

M. le rapporteur a longuement abordé le sujet de la sécurité passive embarquée. Véritable enjeu écologique et économique, sa mise en place doit être enfin encouragée et généralisée, en particulier, bien sûr, pour les navires circulant en mer Méditerranée.

Selon le CEDRE, ces dispositifs assurant une meilleure protection et une récupération rapide du fioul auraient permis de réduire la durée et le coût des opérations de sauvetage de 55 % pour l’Erika, soit une économie de 19,5 millions d’euros, et de 64 % pour le Prestige, soit une économie de 29,6 millions d’euros. Ce n’est pas rien !

M. Roland Courteau, rapporteur. Tout à fait !

Mme Odette Herviaux. Le 11 février dernier, lors de la discussion générale du projet de loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports, j’avais appelé votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité pour la France de jouer un rôle moteur dans cette dynamique, conformément à l’article 3 de la Charte de l’environnement, pour promouvoir des propositions concrètes auprès de nos partenaires européens et engager ainsi une mobilisation internationale qui devrait trouver son aboutissement au sein de l’Organisation maritime internationale. Je renouvelle ici mon appel, en sachant pouvoir compter sur votre détermination.

Pour conclure, je dirai que nous devons continuer à défendre cette approche ambitieuse et exigeante, pour la Méditerranée comme pour toutes les autres étendues océaniques. Il nous faut envisager, dans le cadre d’une politique maritime intégrée, un véritable développement durable, bien assis sur ces trois piliers indissociables que sont l’environnement, l’économie et le social. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Mme Chantal Jouanno applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de saluer à mon tour le travail de M. le rapporteur et de me féliciter de la tenue de ce débat.

Monsieur Courteau, votre rapport, qui fait référence, dresse un constat et constitue un cri d’alarme. Il nous permet de mesurer la pertinence des dispositifs mis en place, face à un enjeu qui n’a sans doute pas encore suscité une prise de conscience suffisante.

La France est active sur ces questions, dans le cadre d’une véritable politique maritime intégrée.

C’est dans cette perspective que nous avons lancé les assises de la mer et du littoral, consultation destinée à construire avec les différents territoires les grands axes d’une stratégie nationale de la mer et du littoral et à décliner cette stratégie en fonction des enjeux. Finalement, cette approche répond à votre préoccupation de mobiliser les politiques publiques autour des enjeux spécifiques à certains espaces littoraux, en particulier ceux de la Méditerranée.

Le bassin méditerranéen occupe une place stratégique dans cette nouvelle ambition maritime. J’ai eu l’occasion de l’indiquer en avril dernier à Athènes, où je me suis rendu à l’invitation de Mme Damanaki, commissaire européenne chargée de la pêche et des affaires maritimes, pour participer à une conférence sur l’enjeu des politiques maritimes intégrées en Méditerranée qui nous a permis d’échanger avec nos partenaires européens. Il convient de donner un rôle moteur à l’Europe dans ce domaine.

Je me suis également rendu à plusieurs reprises sur le littoral méditerranéen. Lors de la réunion du comité maritime de façade de Marseille, les enjeux qui nous occupent ce soir ont été au cœur de bon nombre d’interventions, notamment celui de la lutte contre la pollution.

Aujourd’hui, où en est la France en matière de protection de l’environnement marin ?

Notre stratégie porte d’abord sur l’amélioration de la qualité des eaux terrestres et littorales. L’évaluation de la politique de l’eau, décidée par le comité interministériel pour la modernisation de l’action publique, permettra d’aborder ces questions. Les conclusions des rapporteurs seront remises avant la fin du mois, ce qui permettra de disposer d’un bilan global.

D’ores et déjà, le programme de l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse pour la période 2013-2018 renforcera nos efforts grâce à un budget programmé de 100 millions d’euros par an pour protéger la Méditerranée.

Le premier axe de ce programme est le renforcement de la qualité des eaux marines et littorales. Je me félicite à ce titre des derniers résultats communiqués sur la qualité de l’eau de l’étang de Thau, si précieuse pour les ostréiculteurs que j’ai rencontrés au mois de mars. Nous aurons besoin de l’aide des collectivités locales, une large part des pollutions marines étant, vous l’avez tous souligné, d’origine tellurique.

Le deuxième axe porte sur l’amélioration des connaissances concernant la contamination de la chaîne trophique et le devenir en mer des nouvelles molécules. Nous nous interrogeons sur le lien qui peut exister entre ces pollutions et la raréfaction de certaines espèces, notamment des poissons bleus comme les sardines ou les anchois : nous devons accroître l’effort de recherche et y affecter les moyens nécessaires.

M. Roland Courteau, rapporteur. Très bien !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Cet aspect a été particulièrement souligné lors de mes rencontres, à Sète, avec les différents acteurs de la pêche, qui s’inquiètent de l’évolution des stocks et de la biomasse.

Le troisième axe a trait à la réduction des pollutions arrivant à la mer. La majeure partie de ces pollutions est en effet, je l’ai dit, d’origine continentale et liée à des activités quotidiennes, et non à des accidents tels que des déversements d’hydrocarbures. Il est important de le souligner, car le grand public a souvent l’impression que les pollutions marines sont surtout dues à de grands accidents qui défraient la chronique en raison de leurs conséquences humaines et environnementales, propres à marquer les esprits. Pourtant, la pollution des eaux est avant tout insidieuse, quotidienne. Ainsi, les réseaux fluviaux amènent à la mer de nombreux produits chimiques d’origine industrielle, agricole ou domestique, que les dispositifs d’épuration n’éliminent que partiellement. Le sujet des polluants en mer ne peut donc être abordé isolément, sans envisager l’interface entre la terre et la mer.

Le programme comporte aussi des actions de restauration biologique des sites littoraux et marins dégradés. Il vise en outre à renforcer la continuité entre terre et mer, thème qui a été abordé par de nombreux participants aux réunions des comités maritimes de façade, et à sensibiliser les acteurs littoraux et marins à la problématique.

La protection de notre environnement marin passe également par la mise en œuvre de la directive-cadre sur la stratégie pour le milieu marin, qui vise à restaurer un bon état écologique des eaux marines à l’horizon 2020, ainsi que par la définition de « plans d’action pour le milieu marin » à l’échelle régionale.

De ce point de vue, un certain nombre d’actions ont déjà été engagées pour la Méditerranée occidentale. Les trois premiers volets du plan d’action ont été adoptés à la fin de 2012 : après l’établissement du bilan et la définition du « bon état écologique », treize objectifs généraux et cinquante et un objectifs particuliers ont été approuvés ; nombre d’entre eux, monsieur le sénateur Courteau, permettront de répondre à vos préoccupations.

Pour autant, il ne faut pas s’en tenir à ce cadre juridique et réglementaire, car il ne peut suffire, même s’il constitue un outil permettant d’accompagner la volonté politique.

Sur le fond, la protection de notre environnement marin impose avant tout d’apurer le passé. Par exemple, un plan d’action national pour lutter contre la pollution des milieux aquatiques par les micropolluants est en cours de mise en œuvre. Un appel à projets sera d’ailleurs lancé, dès cette année, pour quelques bassins versants pilotes.

En outre, un travail a été engagé en vue de réviser à la baisse les seuils réglementaires concernant la présence de PCB dans les sédiments de dragage. À terme, un plus grand nombre d’opérations seront soumises à déclarations ou autorisations préalables au titre de la loi sur l’eau.

Vous avez fait référence au déversement de boues rouges en Méditerranée, notamment sur le site de Gardanne, dans le périmètre du parc national des Calanques. Il convient de distinguer deux types de pollution : les rejets solides – les boues rouges – seront interdits à compter de 2016, conformément au décret créant le parc national des Calanques ; les rejets liquides – les eaux caustiques – doivent faire l’objet d’un suivi particulier, car leur arrêt total remettrait en cause la pérennité du site industriel. Ce suivi doit notamment permettre de vérifier la conformité à la directive sur l’eau. Toute autorisation de ces rejets devra être soumise pour avis conforme au parc naturel.

Je le sais, ce sujet est extrêmement sensible pour le parc national des Calanques et la population locale s’est émue. Nous devons donc y porter une attention particulière. Le conseil d’administration du parc se réunira dans les prochains jours et il débattra de cette question : nous serons extrêmement attentifs à ses conclusions, notre objectif étant bien sûr de protéger la richesse et la qualité de ce milieu fragile.

Le problème de la dissémination dans le milieu marin des sacs en plastique est déjà assez ancien, puisque les premières actions ont été engagées en 2004. En France, le nombre de sacs de caisse jetables distribués est passé de plus de 10 milliards en 2002 à 700 millions en 2011. Pour autant, nous ne sommes pas seuls et d’autres pays, en particulier sur l’autre rive de la Méditerranée, continuent à utiliser ces sacs dans une mesure importante, même si la prise de conscience se généralise. Nous devons rester mobilisés sur ce sujet, poursuivre les efforts de sensibilisation et les échanges d’expériences.

La mise en place des aires marines protégées fait partie des outils indispensables pour conserver notre patrimoine marin. Cinq d’entre elles sont déjà identifiées comme des « aires spécialement protégées d’importance méditerranéenne », au titre de la convention de Barcelone. Vous les avez citées, monsieur le sénateur Courteau : il s’agit du parc national de Port-Cros, du sanctuaire Pelagos, de la réserve naturelle des bouches de Bonifacio, du parc marin de la Côte bleue et de l’archipel des Embiez-Six Fours.

Le classement en ASPIM constitue un véritable label attribué à des sites emblématiques, représentatifs de la conservation des écosystèmes et des habitats spécifiques à la région. Il existe en outre cinquante sites Natura 2000 en Méditerranée française, ainsi que d’autres aires exceptionnelles, par exemple le parc naturel marin du golfe du Lion.

Pour l’avenir, une analyse stratégique régionale vient d’être menée afin d’identifier de possibles aires marines protégées nouvelles, notamment autour de la Corse, avec l’extension envisagée de la réserve de Scandola ou la mise à l’étude de la création éventuelle d’un parc marin au Cap Corse. Je n’affirme rien, car vous savez combien il est difficile de mettre en place ces structures, même si elles sont nécessaires.