Mme Sophie Primas. L’article 12, tel que nous l’avons modifié, nous rend-il tous totalement heureux ? Je crois que la réponse est « non ».

Non, parce que, pour certains d’entre nous, cet article ne va pas assez loin ; il manque d’audace politique pour optimiser les ressources du territoire en cause au service de la solidarité envers nos concitoyens et faire en sorte que ce territoire prenne toute sa place dans le monde. À cet égard, je voudrais saluer la position ancienne et constante de Philippe Dallier.

Non, parce qu’il ne règle pas le problème de la péréquation entre les départements de la petite couronne – il faut bien parler de ce qui fâche ! Aussi, nous allons devoir examiner un article qui réglera provisoirement ce point par une nouvelle acrobatie financière de péréquation, dont nous mesurons d’avance les effets.

Non, parce que d’autres voix dans cet hémicycle, notamment sur les travées du groupe UMP, regrettent qu’il défasse ce que certains EPCI ont construit en petite couronne. À l’heure où nous nous apprêtons à franchir le pas de la dissolution de ces EPCI, je voudrais saluer le travail et le volontarisme des élus intercommunaux ; non seulement ils ne doivent pas se sentir injustement traités, mais encore ils doivent rester motivés.

Non, parce que les départements de grande couronne, dont je suis issue, se demandent bien comment ils vont articuler leur avenir avec cette métropole de 6,5 millions d’habitants. Que pèseront-ils dans les discussions portant sur les projets de transport, de développement économique ou de solidarité sociale, d’autant – je le répète peut-être pour la dernière fois – que la région ne joue plus depuis trop longtemps son rôle de stratège ?

Malgré tout, je voterai cet article 12, car, aussi imparfait soit-il, il permet de faire un pas vers une restructuration territoriale qui, me semble-t-il, va dans le bon sens. Il a aussi le mérite de corriger la copie de l’Assemblée nationale, qui, il faut bien le reconnaître, ne convenait à aucun d’entre nous.

Pour finir, je voudrais remercier M. le rapporteur de son écoute et des avis favorables qu’il a parfois émis sur nos amendements.

Mes chers collègues, il serait regrettable de rendre copie blanche en balayant tout le travail d’amélioration effectué dans cet hémicycle, dans la tradition sénatoriale, alors que des majorités transcendant les différentes tendances politiques se sont parfois dégagées. (M. Jacques Gautier applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Caffet. Je voudrais débuter mon explication de vote en adressant mes remerciements à Mmes les ministres.

Je veux les remercier d’avoir pris la mesure du choc qui s’est produit à l’occasion du rejet de la première version de cet article lors de la première lecture, une page blanche étant sortie de notre assemblée. Il fut terrible de constater qu’à Paris et dans la région capitale il était impossible de dépasser nos désaccords et d’instituer un instrument de gouvernance qui soit à la mesure des problèmes posés dans ce territoire, et Dieu sait s’ils sont nombreux !

Je leur suis également reconnaissant d’avoir accompagné les réflexions d’un certain nombre de parlementaires qui se sont dit, après ce choc, que nous ne pouvions pas en rester là. De fait, il était impossible de laisser l’Assemblée nationale imposer sa seule version, qui ne convenait pas à grand monde. Au début, seuls quelques parlementaires partageaient ce point de vue, puis petit à petit ils ont fait des émules, jusqu’à ce qu’ils soient en nombre suffisant pour que soit élaborée une nouvelle version.

Ce nouveau texte procure un certain nombre de motifs de satisfaction.

Tout d’abord, il faut se réjouir d’avoir trouvé dans cet hémicycle, du moins je l’espère, sans vouloir trop anticiper sur le vote, une majorité estimant qu’il fallait un instrument de gouvernance qui ne soit pas une coquille vide, c’est-à-dire un syndicat mixte ou un pôle métropolitain avec des compétences plus ou moins factices et, surtout, sans moyens financiers pour exercer des compétences opérationnelles.

Le Sénat s’apprête à faire un pas en avant tout à fait considérable avec cette métropole intégrée dont on peut penser ce qu’on veut, mais qui sera, à n’en pas douter, dans les années à venir, un instrument fécond pour mener un certain nombre de politiques publiques qui se heurtent aujourd’hui à des problèmes de gouvernance.

Ensuite, je me félicite également – Mme Lebranchu l’a souligné dans l’une de ses interventions – de ce que le Sénat a réussi à se mettre d’accord sur la création d’un instrument péréquateur entre territoires riches et pauvres comme on n’en a jamais connu jusque-là.

Voilà des années que nous accumulons des fonds et des mécanismes de péréquation. Aujourd’hui, nous allons créer une institution qui va permettre de faire de la redistribution à grande échelle. La prochaine étape, comme le disait M. Dallier, sera peut-être la péréquation départementale.

M. Philippe Dallier. Sûrement !

M. Jean-Pierre Caffet. Nous verrons ce qu’il adviendra.

Enfin, il faut saluer le fait que nous ayons réalisé cette avancée sans ajouter de couche au millefeuille, puisque, si nous avons créé une métropole, nous avons en même temps supprimé un échelon, ce qui était un véritable défi, convenez-en, voilà encore quelques mois.

Évidemment, une satisfaction n’est jamais totale, complète ; elle est toujours mitigée par quelques regrets.

Pour ma part, je déplorerai que nous ne soyons peut-être pas allés assez loin dans les compétences attribuées à cette métropole.

Ce matin, nous avons été interpellés au travers d’un certain nombre d’amendements, dont nous avons discuté de manière un peu rapide, sur la question de la compétence économique. Cette dernière était dans le texte de l’Assemblée nationale. (M. Jean-Jacques Hyest marque des signes d’agacement.)

Monsieur Hyest, on peut quand même exprimer une opinion !

La commission des lois a choisi d’enlever cette compétence. À mon sens, la discussion doit se poursuivre. Pour ma part, j’avais essayé de trouver une solution consistant à subordonner l’exercice de cette compétence par la métropole à l’intérêt métropolitain, ce qui n’était pas le cas dans la version retenue par nos collègues députés. Il s’agit du principal regret que j’ai par rapport à ce texte.

Pour terminer, mes chers collègues, j’ai bien compris que nous avions réussi à trouver un équilibre subtil, très difficile à déplacer. Nous verrons ce qui se passera à l’Assemblée nationale et lors de la commission mixte paritaire, mais, si ce texte doit être encore modifié, je souhaite qu’il le soit dans le sens des travaux de la commission des lois.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Nous voilà au pied du mur ! Soit nous rejetons l’article 12 et nous renvoyons une page blanche à l’Assemblée nationale, soit nous considérons que la Haute Assemblée a suffisamment bien travaillé pour adopter l’article 12 et laisser se poursuivre la navette. Le choix se pose bien en ces termes ce soir !

Personne ne peut considérer que renvoyer une page blanche serait la bonne solution, et pour le Sénat en tant qu’institution, et parce que nos collègues de l’Assemblée nationale se sentiraient libres de revenir à leur première version, qui était plus qu’imparfaite.

Mes chers collègues, considérez-vous que le texte modifié par la Haute Assemblée vous convient ? Chacun répondra en son âme et conscience, mais, en ce qui me concerne, je pense pouvoir dire que nous avons fait un pas dans la bonne direction. À cet égard, je dois remercier Mme la ministre qui a été attentive et ouverte aux amendements que nous lui avons soumis. Un grand nombre de ceux que j’avais proposés ont été adoptés, certes parfois après un avis de sagesse ou même un avis défavorable du Gouvernement, mais le résultat est là. Pour moi, ils sont très importants, parce qu’ils apportent la garantie aux communes qu’on ne se substituera pas à elles si elles respectent les objectifs de construction qui leur sont assignés.

Évidemment, les maires de la petite couronne seront obligés de s’inscrire dans une logique, mais c’est bien l’objectif poursuivi, à savoir essayer de résoudre la crise du logement qui frappe très durement notre territoire. À partir du moment où toutes les collectivités joueront le jeu, les maires garderont la main. Cette garantie est primordiale pour lever un certain nombre de doutes et de craintes qui avaient été exprimés.

Pour le reste, je crois que les avantages d’une métropole intégrée, quelle que soit sa forme, sont évidents. L’effet péréquateur résultant de la mise en commun de toute cette richesse économique permettra, par exemple, d’aider les maires bâtisseurs. Nous n’avons pas repris ce point dans nos débats, mais, c’est peut-être l’un des freins qui empêchent ceux qui veulent construire d’aller encore plus loin. En effet, lorsque vous construisez, il vous faut des moyens pour construire les équipements publics. Or, aujourd’hui, rien dans la loi ne permet d’aider les maires bâtisseurs.

La situation est particulièrement dramatique dans un département comme la Seine Saint-Denis, qui n’a pas les moyens d’aider les maires, bien au contraire : les aides à la construction d’équipements publics ont été supprimées les unes après les autres !

M. René Vandierendonck, rapporteur. Eh oui !

M. Philippe Dallier. Il reviendra bien à la métropole de contractualiser avec les territoires et avec les communes. Parce que cette métropole aura des ressources, nous avons supprimé le fonds métropolitain. J’espère bien, toutefois, que nous déciderons collectivement de dégager une part de ces recettes pour aider les maires bâtisseurs. Ainsi, nous enclencherons un mouvement qui permettra d’atteindre les objectifs que l’État a assignés à la région, qui manque effectivement de logements.

À mes yeux, le bilan global est positif. Je pense que la navette doit se poursuivre et je forme le vœu, monsieur le rapporteur, que vous disposiez d’arguments suffisants pour que soient préservées, autant que faire se peut, lors de la commission mixte paritaire, les dispositions introduites par la Haute Assemblée.

Je vous adresse une nouvelle fois mes remerciements, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, car, selon moi, nous avons produit un travail utile durant ces longues heures.

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous invite, mes chers collègues, à approuver l’article 12. (Applaudissements au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.

M. Christian Favier. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, je voudrais saluer la qualité et la richesse de ces débats. Nous y avons tous contribué, avec la volonté d’aboutir, à l’issue de cette discussion, à une proposition sénatoriale et non à une page blanche.

Je regrette que des propositions alternatives, qui ont été largement débattues, n’aient pas trouvé de majorité. Nous sommes donc aujourd’hui face à un texte résultant pour l’essentiel des travaux de la commission.

Vous connaissez nos désaccords à son sujet.

Premièrement, la métropole du Grand Paris est un EPCI à fiscalité propre, ce qui asséchera de fait les ressources communales, alors même que le présent projet de loi tend à renvoyer vers les communes toutes les compétences qu’elles avaient librement choisi de confier à leur intercommunalité, et, ainsi, à les plonger dans une situation financière inextricable.

Deuxièmement, l’extinction programmée des intercommunalités, que nous contestons, fera disparaître les dynamiques de territoire en cours de développement dans bien des secteurs de l’Île-de-France, empêchant ainsi le développement d’une métropolisation polycentrique, pourtant largement défendue par l’immense majorité des élus locaux de la région. J’en veux pour preuve le travail mené au sein de Paris Métropole.

Outre cette rupture dans le développement des dynamismes locaux, la disparition des EPCI existant actuellement conduit à se poser trois questions qui ne sont pas abordées dans ce texte.

La première interrogation concerne les personnels actuellement en fonction dans les EPCI. Quel est leur avenir ? En Île-de-France, environ 10 000 salariés sont concernés. Rien n’est indiqué sur les conditions de leur réintégration, ou de leur intégration, dans leur commune d’origine ou ailleurs. Que deviendront les personnels non titulaires ? Seront-ils la variable d’ajustement des mesures d’austérité que certains ne manqueront pas de prendre à la faveur de cette construction métropolitaine ?

La deuxième question porte sur les différents contrats en cours dans les EPCI appelés à disparaître. Quelles conséquences leur dénonciation emportera-t-elle ? Qui assumera les coûts éventuels de leur rupture ? De même, qui assumera les emprunts en cours ? On le sait, des projets très importants ont été engagés dans les intercommunalités. La métropole reprendra-t-elle tous ces emprunts ? J’aimerais en avoir la certitude, mais rien n'est dit à ce sujet.

La troisième question, très importante, a trait à la démocratie. En effet, au mois de mars prochain, les conseillers communautaires vont être élus au suffrage universel direct par fléchage pour six ans, ainsi que la loi le précise. Or, en petite couronne, ils ne pourront aller au terme de leur mandat. Comme on ne peut raccourcir le mandat d’un élu, nous nous trouvons confrontés à un véritable problème constitutionnel.

Ces différentes remarques montrent bien que ce projet se résume finalement à un bricolage institutionnel non abouti qui ne pourra être appliqué en l’état. Je suis très loin de croire que cette construction permettra l’efficacité que certains vantent. Bien au contraire, il apparaît clairement que nous allons au-devant de très grandes difficultés de fonctionnement.

Dès lors, nous étions particulièrement fondés à demander une mission de préfiguration afin de préparer une métropolisation coopérative, progressive s’appuyant sur les dynamiques locales.

Après des débats on ne peut plus riches, nous savons maintenant que le dispositif qui nous est proposé aujourd’hui ne représente qu’une étape vers une métropole totalement intégrée. D’ailleurs, certains ont exprimé très clairement ce point de vue cet après-midi.

Enfin, et c’est sans doute l’un des aspects les plus critiquables de ce projet, rien n’est prévu pour élargir les pouvoirs d’intervention des citoyens. Pis, le montage institutionnel proposé éloignera définitivement ceux-ci des centres de décision. Se mettra alors en place un monstre technocratique tentaculaire et déshumanisé.

À cet égard, j’ai entendu le Président de la République relancer le débat sur le référendum d’initiative citoyenne. Voilà une belle occasion ! Nous sommes en train de créer quelque chose de tout à fait nouveau, une métropole que certains qualifient d’« extraordinaire ». Eh bien vérifions si nos concitoyens partagent cette vision ! Quoi de plus démocratique que d’en appeler au peuple et d’organiser un référendum à ce sujet ? J’aimerais que notre assemblée se prononce dans ce sens.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Alors il faut changer l’article 11 de la Constitution !

M. Christian Favier. Même si les propositions de notre rapporteur, dont je veux saluer le travail, ralentissent en partie cette hypercentralisation menaçante, ce projet ouvre le chemin à cette dernière.

Compte tenu de toutes ces observations, vous comprendrez, mes chers collègues, que nous ne puissions voter l’article 12. Mais je n’ai pas d’inquiétude à son sujet car j’ai constaté qu’un certain nombre d’entre vous membres de l’opposition vous apprêtiez à voler au secours du parti socialiste ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Louis Nègre. Au secours de l’intérêt général, plutôt !

M. Jean-Pierre Caffet. Voilà qui élève le niveau du débat !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Mes chers collègues, vous savez comme moi qu’il y a deux façons de repousser une proposition : considérer qu’elle va trop loin ou considérer qu’elle ne va pas assez loin. Certains trouvent que la proposition qui nous est soumise présente ces deux défauts à la fois ! J’en déduis donc qu’elle va à côté…

La solution que nous avons choisie est une solution médiane. Elle vaut non pas pour son caractère médian, mais parce qu’elle enclenche un processus. C’est pourquoi la grande majorité du groupe RDSE votera l’article 12.

Ma conviction personnelle est que si la notion de métropole va au-delà d’une forme renforcée de coopération intercommunale, correspond à une structure exerçant des compétences appartenant par essence aux départements, alors elle n’a de sens que dans les zones hyper-urbanisées. C’est pour cela que nous sommes très nombreux, quelles que soient les travées de cet hémicycle sur lesquelles nous siégeons, à saluer intuitivement la solution lyonnaise.

Cela étant, je demeure persuadé que la capitale ayant grandi et dépassé son périphérique, la zone hyper-urbanisée du nouveau Paris ressemblera beaucoup à l’ancien département de la Seine.

Autant je considère qu’il est indispensable d’évoluer de cette façon en raison des problèmes spécifiques de ce type de zones dans le périmètre du Grand Paris, autant, je ne souscris pas au saupoudrage de métropoles dans des départements où l’essentiel du territoire ne connaît pas d’hyperurbanisation.

S’agissant de Paris, nous sommes parvenus à un dispositif que j’estime aller dans le bon sens, quand bien même je ne crois pas au sens de l’histoire ! En tout cas, il me semble répondre aux attentes et aux nécessités.

Cependant, la notion de métropole, telle que nous l’appréhendons, me semble très ambiguë et recouvre des réalités entièrement différentes. C’est, à mon sens, l’une des raisons pour lesquelles elle suscite des oppositions fortes. Ceux qui défendent une organisation traditionnelle de notre pays, en particulier, sont vent debout contre les métropoles, hormis dans ces zones hyper-urbanisées.

La solution qui est proposée pour le Grand Paris, et qui aboutira un jour, n’est autre que la solution classique appliquée au Paris d’autrefois mais qui a explosée en raison de ses limites.

Nous voterons donc largement le présent article. (M. le président de la commission des lois et M. Philippe Dallier applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Lipietz, pour explication de vote.

Mme Hélène Lipietz. Nous venons enfin de vivre un débat positif au Sénat, c'est-à-dire un débat qui a débouché sur quelque chose, qui fait honneur au travail parlementaire. Je remercie, une fois encore, M. le rapporteur, qui a fourni une base de travail saine à notre discussion.

Nous venons en quelque sorte d’opérer une préfiguration de la mission de préfiguration ! Gageons que nos débats serviront de point de départ utile aux travaux futurs.

Nous aurons donc une métropole parisienne ! Et dans le processus parlementaire, nous savons tous la nécessité de faire part de la vision du Sénat lors de la réunion de la commission mixte paritaire.

Toutefois, ce n’est pas la métropole que souhaitaient les Verts, qui, vous le savez bien, ont toujours tendance à rêver, malgré la pollution lumineuse ! (Sourires.) En effet, cette métropole ne respecte pas le droit de vote des citoyens. De plus, nous n’avons aucune certitude quant à son efficacité dans l’exercice de ses missions. Nous sommes cependant conscients que nous n’avons ni le poids politique nécessaire, ni la force de persuasion ni les talents d’orateur suffisants pour vous amener à partager notre position.

M. Roger Karoutchi. Mais si ! Ne vous restreignez donc pas comme cela !

Mme Hélène Lipietz. Cela étant, nous voterons l’article 12, parce qu’il est le fruit de la discussion, à laquelle nous sommes particulièrement attachés.

J’espère, ainsi que semblent le croire Philippe Dallier et Mmes les ministres, que le dispositif qui va être mis en place permettra à une collectivité de plein exercice de voir le jour d’ici à deux décennies, avec une élection au suffrage universel direct.

J’espère que ce projet métropolitain conduira à la fois à la solidarité entre les territoires riches et pauvres ainsi qu’entre l’urbain et le rural, à la résorption de l’habitat insalubre, indigne, du mal logement, de la précarité énergétique et à l’amélioration du cadre de vie. Tous ces objectifs sont louables et ambitieux et nous sommes les premiers à souhaiter qu’ils soient atteints.

Le rayonnement et le dynamisme international tant évoqués au cours de notre discussion sont déjà au rendez-vous, quoi qu’en disent les mauvaises langues. Paris et l’Île-de-France sont des territoires attractifs, malgré les difficultés qu’elles rencontrent : elles ont, d'ores et déjà, une importante capacité de rayonnement et une stature européenne et mondiale.

Nous faisons donc confiance aux élus, sans toutefois leur offrir un chèque en blanc. Nous vous donnons rendez-vous, mesdames les ministres, à l’Assemblée nationale, pour poursuivre cette discussion, puis sur le terrain, non seulement lors des échéances électorales, mais surtout à l’occasion du travail quotidien d’écoute de nos concitoyens et d’action. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je ne voterai pas l’article 12 ! (Ah bon ! sur les travées du groupe socialiste.) N’essayez pas de me convaincre, je suis totalement inoxydable et imperméable à l’influence !

Tout d’abord, monsieur le rapporteur, je veux redire – je l’ai précisé dès le début ! – que je ne souhaite pas revivre la situation que nous avons connue en première lecture : envoyer une page blanche à l'Assemblée nationale.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est vrai !

M. Roger Karoutchi. Je le dis, vous êtes, vous et, je le reconnais bien volontiers, les ministres, les principaux artisans du fait que cela soit possible.

Je ne voterai pas cet article parce que j’ai soutenu hier un amendement visant à le réécrire dans son intégralité, lequel prévoyait de créer un établissement public qui ne supprimait pas les EPCI et maintenait les compétences, pour l’essentiel, des communes de la petite couronne. Aussi, je ne me vois pas expliquer que, touché par je ne sais quelle grâce, j’aurais changé d’avis. Embrassons-nous Folleville ! Qu’importe qu’il y ait ou pas un EPCI, je vote l’article ! Non, je reste campé sur mes convictions. Ma position est assez logique et normale eu égard aux propos que j’ai tenus avant-hier et hier.

En revanche, j’en conviens volontiers, l’article 12 tel qu’il nous est parvenu de l'Assemblée nationale a été considérablement modifié par la commission des lois, puis, au cours du débat en séance publique, et ce plutôt dans le bon sens, en vue de préserver les compétences des communes, notamment en matière de logement et d’habitat, l’identité de l’essentiel de ce qui existe, ainsi que sur un certain nombre d’éléments financiers, même si l’on n’a pas abouti à la clarté que j’aurais souhaitée.

Comme l’a relevé M. Favier, ce texte sera, de toute manière, on l’a bien compris, adopté. C’est pourquoi je n’ai pas d’états d’âme à voter contre. Il faut que chacun défende ses convictions.

Pour ma part, je suis convaincu qu’on aurait pu faire le chemin inverse ou, plus exactement, partir du bas de la pyramide pour essayer de remonter de manière volontaire. C’est un autre choix qui a été fait et, contrairement au phénomène marseillais ou lyonnais, on le fait dans un délai beaucoup plus court, plus contraint et plus forcé. Eu égard aux libertés des communes et à celles des citoyens, ainsi qu’au travail des élus, cela présente un véritable risque, un risque de conflit et un risque démocratique pour la suite.

Vous avez fait vos choix. Je l’admets bien volontiers, pour ce qui concerne l’article 12, vous n’avez pas opéré vos choix de manière sectaire. Des avancées significatives ont été réalisées.

Pour autant, je voterai contre, en espérant naturellement – c’est là un autre débat ! – que l'Assemblée nationale ne reviendra pas à son texte initial, considérant que les sénateurs sont très gentils, très sympathiques, qu’ils ont beaucoup travaillé, mais que ce n’est pas très utile. Ce serait d’ailleurs – je le dis à l’intention de ceux qui s’apprêtent à voter cet article – un déni à l’égard de tout ce qu’ont fait nos collègues ou, plutôt, de tout ce que nous avons fait ensemble.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ce serait inélégant, inefficace et absurde !

M. Roger Karoutchi. Excusez-moi, monsieur le président de la commission, mais, sur d’autres textes, nous avons subi cette situation au cours des mois précédents.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mais oui !

M. Roger Karoutchi. Je ne dis pas que cela se produira, mais, récemment, le Sénat n’a pas été très respecté par l'Assemblée nationale. Voilà qui est dit !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. On peut invoquer l’intelligence territoriale !

M. Roger Karoutchi. On verra bien ce qu’il adviendra de ce texte. Je souhaite naturellement, monsieur le rapporteur, que, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, vous défendiez avec vigueur et conviction, comme vous l’avez fait ici, l’ensemble des amendements adoptés sur cet article, qui vont plutôt, je le répète, dans le bon sens.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, au terme de cette discussion sur l’article 12, une discussion qui a été animée hier soir, studieuse à bien des moments et toujours intéressante, je veux vous faire part de ma perplexité.

Tout d’abord, il y a une volonté forte de faire prospérer le fait métropolitain et il y a un besoin de métropole en Île-de-France. Toutefois, ce besoin de métropolisation n’est pas compris, ni partagé, par les maires, par les présidents d’EPCI et par un certain nombre de relais qui font l’Île-de-France d’aujourd'hui. Ce texte aggrave la rupture. C’est l’un des principaux problèmes qui se posera à nous demain. Nous devons le prendre en considération. En effet, si l’on veut que la métropole se développe, cela devra se faire dans un autre climat et des signes forts devront être donnés.

Nous nous retrouverons demain face à des difficultés concernant certaines compétences de proximité. À cet égard, je regrette que le Sénat n’ait pas clairement exprimé qu’il était conscient de ces problèmes et n’ait pas fait des choix différents de ceux de l'Assemblée nationale sur un certain nombre de sujets.

Au départ, la méthode employée a été erratique. Dès lors que le Gouvernement a avancé – certains ont parlé tout à l'heure de lumière –, avec une lanterne faible pour éclairer le projet de loi, on est passé subrepticement, au fil de l’été, d’un cap à un autre. En moins de deux mois, mois d’août compris, on a décidé que la solution était de supprimer les EPCI. Ce n’était pas, selon moi, la bonne démarche. (M. Roger Karoutchi opine.)

Pour ma part, j’ai essayé, hier, de défendre une autre démarche, dans le temps qui m’était imparti. J’ai entendu le chœur de tous les opposants, avec tous les anathèmes possibles : vous n’aimez pas la métropole ! Vous n’en voulez pas ! Vous défendez des situations acquises ! Je vais vous dire le fond de ma pensée : c’est exactement le contraire.

Sans vouloir en parler trop, je puis vous dire que le territoire dont je suis l’élu a besoin du fait métropolitain. Ce territoire situé autour du Bourget, qui n’est pas grand, subit une influence métropolitaine, accueille des équipements métropolitains et aurait besoin que la métropole s’occupe de lui.

Il convient, à mon avis, de conjuguer proximité et métropolisation. Si l’on n’est pas sur ces deux échelles, on n’y arrivera pas. Tel est le principal reproche que j’adresse à ce texte.

En effet, on est parti d’un fait acquis : l'Assemblée nationale a décidé souverainement qu’il fallait mettre à la tête de la métropole un EPCI à fiscalité propre et on a considéré cette donnée juridique comme intangible. Nous aurions plutôt dû nous demander quel projet nous voulions mettre en place, de quelle façon nous voulions le faire évoluer demain et, partant, quelle structuration juridique nous pouvions alors prévoir.