Mme Annie David. Cela ne risque pas de se produire partout !

M. Jean-Vincent Placé. J’entends bien, ma chère collègue, mais la question peut se poser. À quoi sert-il de jouer le jeu de la concurrence entre petites villes, au détriment de la biodiversité et en faisant prospérer l’étalement urbain ? Cela ne sert ni les habitants ni l’environnement !

Nous avons avant tout besoin de solidarité. Cette solidarité se manifeste par des transferts de compétences aux intercommunalités, même si le maire et ses adjoints restent des interlocuteurs privilégiés pour les habitants. Les compétences liées à l’enfance, à la jeunesse, aux établissements culturels, à la voirie et à l’urbanisme sont, par essence, communautaires.

D’autres débats auront lieu lors de l’examen du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.

La mobilité est également un enjeu majeur pour l’autonomie des personnes vivant à la campagne, et les besoins ne s’arrêtent pas aux portes des villages. Revoir l’organisation de nos territoires permettra aussi de développer des coopérations intelligentes entre les communes et de réaliser des économies d’échelle en mutualisant les équipements et les études, ainsi qu’une partie du personnel. Ces économies pourraient permettre d’améliorer l’offre de services publics, suivant ce qui s’est passé à Montrevault, une commune du Maine-et-Loire que ma collègue Corinne Bouchoux connaît bien.

Avec le développement d’internet et des nouvelles technologies, de nombreux entrepreneurs peuvent se développer dans les zones rurales, tout en profitant d’un excellent cadre de vie. C’est d’ailleurs pourquoi le problème de la fracture numérique doit être pris à bras-le-corps par le Gouvernement.

Nous avons confiance en nos territoires ruraux et périphériques pour devenir des espaces attractifs, où il fait bon vivre, mais aussi entreprendre et innover. Les écologistes ne laisseront pas les petites villes devenir les parents pauvres de la France !

Mes chers collègues, les écologistes sont très sensibles aux difficultés des villes rurales et au problème de leur financement. Toutefois, fidèles à une conception des institutions reposant sur trois piliers essentiels que sont les intercommunalités, les régions et l’Europe, nous sommes plutôt favorables à une réforme globale de la DGF, qui privilégie l’achèvement de la carte intercommunale, avec les moyens associés.

En ce qui concerne la proposition de loi présentée par nos collègues communistes, nous inclinons vers une abstention plutôt bienveillante. En outre, comme M. Collin et son groupe, nous voterons contre la motion tendant au renvoi à la commission, car nous ne souhaitons pas que les propositions de loi émanant des groupes politiques, qu’ils soient majoritaires ou minoritaires, de l’opposition ou de la majorité, se voient opposer un renvoi en commission ; en effet, on pourra toujours trouver des arguments pour justifier un tel renvoi.

Soucieux de la revalorisation du rôle du Parlement, nous estimons qu’il faut respecter nos collègues : s’ils déposent une proposition de loi, c’est qu’ils ont travaillé de manière approfondie sur le sujet. Pour ma part, je respecte le sérieux et la compétence de tous nos collègues, à quelque groupe qu’ils appartiennent, en particulier de nos collègues du groupe CRC. J’espère donc que nous pourrons examiner chacun des articles de leur proposition de loi, qui est tout à fait intéressante et utile au débat.

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi présentée par le groupe CRC relative à la réforme de la DGF des communes suscite l’intérêt du Sénat, assemblée des collectivités territoriales dont de nombreux membres siègent, ou ont siégé, au sein de conseils municipaux.

La question soulevée s’inscrit dans un double contexte : celui, fréquemment évoqué, des moyens budgétaires des collectivités territoriales et de leur évolution depuis quelques années ainsi que celui des finances publiques françaises dans leur ensemble, dont nous ne saurions faire abstraction.

La volonté du Gouvernement de redresser les finances de l’État suppose un effort collectif dont chacun doit prendre sa part et auquel les collectivités territoriales sont appelées à participer dès 2014.

La semaine passée, le ministre du budget, évoquant les orientations contenues dans le projet de loi de finances, a confirmé le chiffre maintes fois évoqué d’une économie de 1,5 milliard d’euros à réaliser sur les dotations de l’État aux collectivités, ce qui a fait l’objet de discussions et d’un consensus avec la plupart des associations d’élus.

Face à une dérive constante dans la période récente, qui s’est traduite par un endettement accru avoisinant bientôt, si rien n’est fait, 1 900 milliards d’euros et 95 % du PIB, le rétablissement des finances publiques est une mesure essentielle qui nous concerne tous, sans exception.

Les communes, les intercommunalités, les départements, les régions, les collectivités en général, sont tout à la fois des acteurs de l’aménagement du territoire, des acteurs des nécessaires solidarités territoriales et aussi des donneurs d’ordre essentiels dans le domaine de l’économie dont les investissements, en particulier, sont attendus par le monde de l’entreprise partout en France. Rien de ce qui touche à leurs moyens financiers n’est donc anodin et ne saurait être traité sans réflexion globale.

Le préambule de la proposition de loi montre parfaitement la diversité des situations rencontrées en matière d’organisation communale dans notre pays. La France tire en partie l’originalité de son organisation administrative du grand nombre de communes qui composent son territoire : plus de 36 000, nous rappelle-t-on. Cette situation recouvre des disparités rappelées, là encore, dans le paragraphe liminaire précité. Le nombre d’habitants de ces communes peut en effet varier d’une dizaine à des centaines de milliers, voire davantage.

À cette disparité démographique s’ajoute la variation du nombre de communes par département : 272 dans le Finistère et 816 dans l’Aisne, par exemple. Lorsqu’on évoque l’organisation de base qu’est l’organisation communale, il n’est pas inutile de rappeler cette situation extrêmement hétérogène, qui conduit à de grandes disparités de cas sur le plan financier pour des communes de même strate de population au sein d’un même département.

Toutes ces communes n’ont pas les mêmes charges de fonctionnement, elles n’exercent pas toujours des compétences similaires, même si en théorie elles peuvent le faire, et elles ne disposent pas des mêmes moyens. J’insiste sur ces points pour mieux faire comprendre la complexité de la question posée d’une augmentation homogène de la DGF sans tenir compte de l’environnement budgétaire des collectivités concernées.

Je vais, si vous le permettez, évoquer le constat que j’ai pu dresser, dans les Côtes-d’Armor, à partir de ces situations pour le moins variées. Voilà quelques années, il m’a été demandé, en tant que vice-président du conseil général, d’élaborer au travers des contrats de territoire la politique de solidarité de l’assemblée départementale à l’égard des communes et des intercommunalités. D’autres conseils généraux nous ayant précédés, nous sommes allés par souci d’efficacité à la rencontre de trois d’entre eux : le Finistère, l’Ille-et-Vilaine et la Loire-Atlantique. Il nous est apparu lors de ces visites que ces conseils généraux ont introduit une variation de taux allant de 1 à 7 dans le montant de leurs aides aux collectivités infradépartementales, et ce en fonction de la richesse financière et de la situation de handicap des territoires. Cela montre bien que la situation est particulièrement contrastée.

Dans les Côtes-d’Armor, nous avons considéré que l’égalité, ce n’était pas traiter tout le monde de la même manière. Notre premier travail a donc consisté à dresser un état des lieux budgétaire et financier des communes. Or, je dois le dire, le résultat a été éloquent. Il existe des communes petites, moyennes, voire plus importantes qui sont pauvres, comme il en existe de riches. La présence sur le territoire communal de fermes éoliennes ou d’installations industrielles constitue parfois pour les collectivités des mannes substantielles. Des communes connaissent certes des difficultés, mais ce n’est heureusement pas le cas de toutes.

Ajoutons que les charges peuvent, elles aussi, être très variables en ce qui concerne tant le patrimoine bâti que la voirie ou les dépenses salariales.

Ajoutons encore que le paysage institutionnel a grandement évolué en peu d’années. Les intercommunalités ont pris à leur charge un certain nombre de politiques, et donc de dépenses de fonctionnement. Je pense en particulier aux ordures ménagères, poste dont les budgets communaux ont été déchargés d’autant. Cette situation a abouti, jusque dans une période récente, à conforter les finances des communes ; tant mieux pour elles !

La diversité des situations que je viens de décrire doit inciter à aborder la question posée avec une vision globale s’agissant de l’évolution tant des dotations, et de la DGF en particulier, que du mode de financement qui serait retenu le cas échéant.

Première hypothèse : le choix porterait sur une augmentation de l’impôt sur les sociétés. La situation de l’économie en France permet-elle aujourd’hui de faire peser cet effort sur les entreprises au moment où, dans le cadre européen et mondial, la question de leur compétitivité est posée ? Quant aux entreprises de nos territoires, nous savons à quelles pressions diverses elles sont parfois soumises. Il n’est que d’entendre les réactions du monde économique en Bretagne à propos de l’application de l’écotaxe ! En la matière, il convient de prendre garde à l’effet cumulatif émanant de différentes décisions.

Autre source de financement possible, en l’état actuel de la rédaction de la proposition de loi : l’augmentation de la DGF attribuée aux uns se ferait, au sein de l’enveloppe normée, au détriment des autres, dont j’entends d’ici les commentaires... Toute redistribution suscitera forcément des réactions fortes chez les perdants, à un moment où les mécanismes de péréquation entre collectivités vont monter en puissance dans leurs effets.

Attaché à l’autonomie financière des communes, le groupe socialiste considère que la question de la DGF mérite incontestablement d’être débattue. Il apparaît indispensable de l’examiner de façon approfondie et d’évaluer précisément et globalement les conséquences de toute réforme. Vous vous y êtes engagée il y a quelques instants au nom du Gouvernement, madame la ministre.

Notre groupe, considérant que la proposition de loi a le mérite de poser une question importante, s’abstiendra donc sur la motion tendant au renvoi à la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Grosdidier.

M. François Grosdidier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi présentée par notre collègue Gérard Le Cam et le groupe CRC est intéressante, au moins parce qu’elle nous permet de débattre des faibles, trop faibles, ressources des petites communes. Pour autant, comme l’a dit très justement Charles Guené, augmenter l’impôt sur les sociétés n’est pas la solution. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC.) L’idée correspond à l’inclination naturelle de nos collègues du groupe CRC : lorsqu’un problème se pose, on fait payer les entreprises.

Mme Éliane Assassi. Les grosses !

M. François Grosdidier. Compte tenu de la conjoncture actuelle, ce n’est pas le moment. Celui-ci ne viendra d’ailleurs pas de sitôt, alors que notre économie décroche structurellement par manque de compétitivité.

Le Gouvernement vient d’ores et déjà de décider cette semaine, en contradiction avec son discours sur la compétitivité, d’augmenter l’impôt sur les sociétés pour remplacer son idée de nouvelle taxe sur l’excédent brut d’exploitation, à laquelle il vient de renoncer.

Une augmentation de l’impôt sur les sociétés était inopportune au moment où le groupe CRC a déposé sa proposition de loi. Elle l’est plus encore maintenant que le Gouvernement a utilisé la marge de manœuvre qu’il n’a pas.

Par ailleurs, l’approche des auteurs de la proposition de loi me paraît discutable à plusieurs égards. L’idée de « rééquilibrage » entre les territoires, qui apparaît dans le titre du texte, laisse ainsi à penser que certaines communes ne toucheraient pas assez parce que d’autres toucheraient trop. Quelles communes seraient aujourd’hui surdotées, alors que toutes vont subir la baisse des dotations après le gel de celles-ci ?

Chaque année jusqu’en 2017, et de façon cumulative, l’État amputera les dotations aux collectivités territoriales de 1,5 milliard d’euros, ce qui représente plus de 3 % des dotations. Sur trois ans, cela fera 10 % ! Cette enveloppe normée, qui est de 50,5 milliards d’euros en 2013, baissera de 3,1 % chaque année jusqu’en 2017. À l’intérieur de cette enveloppe, la DGF baissera davantage encore : moins 3,3 % chaque année. Cette mesure frappera encore plus durement les communes que les autres niveaux de collectivités territoriales.

Après l’annonce, en janvier, d’une réduction de 750 millions d’euros par an des dotations aux collectivités territoriales et celle en juillet du doublement de cette amputation annuelle, portée à 1,5 milliard d’euros, les maires ont appris à l’issue du Comité des finances locales du 24 septembre et du Conseil des ministres du 25 septembre qu’ils allaient être les premiers visés.

Madame la ministre, vous déclariez le 26 septembre : « Même si les maires et présidents d’intercommunalités se plaignent de la disette, le bloc communal et intercommunal est, de tous les niveaux de collectivités, celui dont les ressources permettent le mieux de continuer à assumer ses responsabilités ». De nombreux maires, dont je suis, ne sont pas tout à fait de votre avis !

On sait bien que toutes les régions, à l’exception de l’Alsace, sont à gauche.

On sait bien que vous avez mis les départements dans la seringue financière, depuis la création, déjà sur votre initiative, de l’allocation personnalisée d’autonomie, sans aucune compensation, jusqu’à l’actuelle croissance continue des dépenses sociales, auxquelles on va pouvoir ajouter le cinquième jour hebdomadaire de transport scolaire, toujours sans aucune compensation.

Vous justifiez donc la restriction, d’abord, pour les communes et intercommunalités.

Les intercommunalités partent d’une situation un peu plus favorable que les communes, puisqu’elles bénéficient d’un meilleur régime, créé pour accompagner le mouvement de généralisation de l’intercommunalité engagé par la majorité précédente.

Les 36 000 communes, grandes ou petites, urbaines ou rurales, sont toutes égales devant la baisse de leurs moyens, une baisse plus forte que pour les autres niveaux de collectivités.

L’État cherche encore par tous les moyens à rogner les recettes des communes. On l’a vu, ce mois-ci encore, avec le Fonds de compensation de la TVA, le FCTVA.

Depuis 1976, l’État doit rembourser aux communes la TVA versée sur les investissements. Il le fait d’ores et déjà avec deux ans de différé. Pendant ce temps, les collectivités paient des intérêts, et l’État y gagne. Aujourd’hui, pour la première fois, il augmente la TVA en gelant le FCTVA afin de laisser à leur charge la part d’augmentation de la TVA. C’est inadmissible, et l’Association des maires de France a vivement protesté contre cette décision !

La baisse des recettes est également intenable, car la demande sociale augmente : d’abord, à cause de la crise, qui fait augmenter le besoin d’aide et de solidarité ; ensuite, à cause de l’évolution de la société, laquelle fait que nos concitoyens attendent toujours plus de la collectivité. Même en secteur rural, on veut les services de la ville en payant les impôts d’un village. Enfin, cette baisse est intenable à cause de l’État, parce que le Gouvernement, tout en réduisant ses moyens et ceux qu’il donne aux communes, laisse espérer à nos concitoyens des services nouveaux. Je citerai deux exemples.

Premier exemple : la ministre appelle à la création d’un service public universel de la petite enfance, ce qui est louable. Mais un service public universel, à l’instar de l’éducation nationale, relève de la responsabilité de l’État. Or c’est à la commune ou, si elle le délègue, à l’intercommunalité qu’en revient la responsabilité et la charge. Je peux vous dire, en tant que maire, que chaque place en crèche, après le financement de la CAF et la participation des parents, coûte encore 5 000 euros par an à la commune pour le seul fonctionnement, et sans l’investissement.

Au nom d’un service public universel, il serait demandé aux conseils généraux d’établir des schémas départementaux de la petite enfance. Au nom de quoi, au nom de quelle hiérarchie qui n’existe pas entre collectivités, le département imposerait-il à une commune la création d’une crèche sans la financer lui-même ?

Deuxième exemple de cette situation dans laquelle l’État crée le besoin, suscite la demande sociale et ne finance pas la dépense nouvelle : la réforme des rythmes scolaires.

L’Association des maires de France a estimé la dépense à 150 euros par enfant, soit 600 millions d’euros de dépenses supplémentaires à l’échelle nationale. Sur ces 150 euros par enfant, chaque année, de façon pérenne, l’État ne compense que 50 euros par enfant la première année. J’ai bien noté l’annonce par le Gouvernement d’une prolongation l’année prochaine de ce fonds d’amorçage, mais le compte n’y est pas : 250 millions d’euros ne compensent pas 600 millions d’euros, et le fonds d’amorçage n’est renouvelé qu’un an. Il faut le transformer en fonds de compensation pérenne et intégrale !

Le discours du ministre de l’éducation nationale a laissé espérer aux parents les activités culturelles et sportives les plus diversifiées et les plus riches. Il leur a laissé croire en l’aide au devoir la plus individualisée, laquelle nous est demandée par les parents... Même si, dans les textes, il ne crée aucune obligation pour les communes, il crée la demande.

Nos collectivités territoriales sont aussi contraintes à des dépenses nouvelles du fait des normes de l’État, quand ce n’est pas des fédérations sportives. Ces dépenses coûtent du temps de personnel et des investissements pour un résultat souvent sans rapport avec le besoin réel. Elles font parfois renoncer à des solutions alors trop onéreuses et incitent à ne rien faire face à des problèmes qui pourraient pourtant être réglés avec un peu de pragmatisme. On se rend compte que le mieux est souvent l’ennemi du bien. Je regrette donc que, même dans notre assemblée où prévaut le bon sens, la majorité ait rejeté l’article 1er de la proposition de loi Doligé, qui tendait à adapter les normes au contexte local.

Ce n’est pas en augmentant la DGF pour certaines communes, en la réduisant pour les autres et en les obligeant toutes à dépenser plus que nous créerons les conditions financières d’une bonne gestion communale au bénéfice de nos administrés.

Il faut d’abord que l’État cesse d’imposer des dépenses nouvelles.

Il faut ensuite qu’il maintienne le niveau global des dotations.

Il faut en outre qu’il n’ampute pas les ressources des collectivités, comme avec le FCTVA.

Il faut enfin, mes chers collègues, que nous appréhendions la DGF avec l’ensemble des dotations si nous voulons établir une équité entre niveaux de collectivités et entre les communes elles-mêmes.

Agissons avec un peu plus de discernement, comme l’a fait la précédente majorité. Nous avons en effet plus que doublé la DSR, elle-même assise sur des critères justes, au sens de la justice comme de la justesse. Je pense par exemple au kilométrage de la voirie communale ou encore au nombre d’enfants scolarisés, qui sont autant de vraies charges financières pour la commune, comme l’a justement rappelé le rapporteur. Si nous dégagions une marge de manœuvre, aussi infime soit-elle, nous devrions d’abord la mobiliser pour maintenir, voire renforcer la DSR, plutôt que d’abonder sans discernement la DGF.

Cette proposition de loi nous aura en tout cas permis d’avoir un débat sur le sujet. Il convient maintenant de l’élargir et de l’approfondir. Cependant, parce que ce texte ne présente pas la bonne approche et ne propose pas la bonne solution, mon groupe s’abstiendra.

M. le président. La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Gérard Le Cam cible l’atténuation des inégalités de traitement entre communes par la disparition progressive des écarts de dotation de base par habitant, qui varient de 1 à 2 selon que l’on soit en présence d’une commune rurale ou d’une de nos plus importantes métropoles.

Certes, il existe des inégalités de traitement entre les communes rurales et urbaines, d’aucuns le reconnaissent. Cependant, il convient de relativiser, car il existe des communes rurales aux habitants aisés et des communes urbaines paupérisées.

Nonobstant, cette proposition de loi vise à augmenter les ressources de dotation globale de fonctionnement « part base » de la totalité des 32 929 communes de moins de 20 000 habitants pour un coût annuel estimé par le rapporteur à 889 millions d’euros. Louable intention, mais comment trouver le système juste, capable de garantir cette réelle égalité territoriale quand on sait que les auteurs de la proposition de loi veulent financer cette augmentation de base en dehors de la dotation globale de fonctionnement et de l’enveloppe normée pour éviter que les collectivités territoriales ne financent cette mesure et quand on sait également que le financement prévu, une augmentation de l’impôt sur les sociétés, ne semble guère envisageable dans un contexte de réduction des dépenses publiques, d’autant plus qu’il est déjà demandé aux collectivités de participer à cet effort de solidarité ? Nous voilà face à une sorte de quadrature du cercle !

Si le financement des dispositions prévues par la proposition de loi semble difficile à trouver, ce texte a néanmoins le grand mérite de poser, certes pour une énième fois, la question de la nécessaire réforme de la dotation globale de fonctionnement. L’exposé des motifs est d’ailleurs très révélateur : l’objectif est de doter les collectivités de moyens financiers leur permettant « d’agir au mieux des attentes et besoins ». Il ne pourra être atteint que par une remise à plat de la dotation globale de fonctionnement, la dotation de base n’étant « que le premier niveau des sources d’inégalité de traitement entre collectivités, les autres éléments de la DGF ne [faisant] que les accroître ».

Je ne peux qu’approuver cette volonté de s’attaquer à ces inégalités de traitement et de vouloir les réduire, voire de les effacer par une « mesure de justice », pour reprendre les termes de l’exposé des motifs. Moi aussi, je réclame des mesures de justice à chaque exercice budgétaire, et ce depuis mon arrivée ici en 2008, pour les 22 communes de Guyane victimes de discrimination – le mot n’est pas trop fort – en matière de dotation globale de fonctionnement. En effet, en sus des inégalités de traitement qu’elles connaissent du fait de l’écart entre communes rurales et communes urbaines, puisque 18 d’entre elles ont moins de 2 000 habitants, elles perdent chaque année 44 millions d’euros de DGF en raison de mesures spécifiques prises uniquement à leur encontre.

D’une part, ces communes perdent 27 millions d’euros, parce que l’État, au lieu de réajuster la dotation globale de fonctionnement du conseil général, a préféré prélever ce montant sur l’octroi de mer des communes, et ce depuis 1974. Les communes de Guyane sont les seules de toutes les communes des départements d’outre-mer à subir ce prélèvement. D’autre part, elles perdent 17 millions d’euros au titre de la dotation superficiaire en raison d’un plafonnement qui ne frappe que la Guyane, alors que cette dotation est majorée pour les communes de montagne en France métropolitaine.

Est-il besoin d’indiquer que ces deux mesures pénalisent lourdement les communes de Guyane, en grand retard d’équipements face au taux de croissance démographique le plus dynamique des régions françaises, 3,9 % ?

À toutes mes demandes de réparation de ces « injustices », on m’a jusqu’à présent opposé l’enveloppe normée, soit 44 millions d’euros à réaffecter aux communes de Guyane sur une enveloppe de concours financiers de l’État de 50,5 milliards d’euros, soit 0,008 %. N’est-ce pas une manière de botter en touche au regard de la modicité des sommes en jeu ?

Aussi, même si je partage l’idée d’une réforme de la dotation globale de fonctionnement, des dispositions immédiates, même partielles, devront être prises pour les communes de Guyane, si l’on veut éviter une catastrophe sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Roland du Luart, vice-président de la commission.

M. Roland du Luart, vice-président de la commission des finances. En l’absence de Philippe Marini, j’interviens en quelque sorte en tant que président par intérim de la commission des finances pour remercier notre collègue Gérard Le Cam de la réflexion qu’il nous permet d’engager. Partageant avec lui la passion de la chasse, j’ai été tenté d’utiliser une image qu’il aurait bien comprise… (Sourires.)

Ce qui me gêne dans cette proposition de loi, c’est son coût : 889 millions d’euros. Comme on ne sait pas très bien comment financer une telle somme, il est suggéré de taxer les entreprises. Or, je pense que tout le monde sera d’accord, ces dernières ont besoin de visibilité si l’on veut qu’elles puissent créer des emplois et faire baisser le chômage.

Nombre de nos collègues ont souligné l’augmentation gravissime des charges de nos collectivités : tous les jours, nous apprenons qu’elles doivent en supporter de nouvelles. Comment y faire face, alors que le Gouvernement a non seulement décidé de réduire la dotation globale de fonctionnement de 1,5 milliard d’euros dans le projet de loi de finances pour 2014, mais aussi de reconduire cette mesure dans le projet de loi de finances pour 2015 ?

Étant donné l’état de nos finances, il faut examiner la situation avec minutie. Les « Y a qu’à » et les « Faut qu’on » ne suffisent pas !

Pour être un élu de très longue date, sans doute le plus ancien dans cet hémicycle cet après-midi, je peux témoigner que les riches ne sont pas forcément ceux que l’on croit, pas plus que les pauvres, notamment dans la ruralité. En effet, la ruralité n’est pas une : les situations varient fortement d’une commune à l’autre.

La dotation globale de fonctionnement n’est plus adaptée à notre époque. Il faut remettre le dispositif à plat et trouver un nouveau mécanisme, consensuel. C’est au Sénat de formuler des propositions, car c’est à lui, et à lui seul, qu’incombe cette tâche qui lui permettra d’exercer son rôle essentiel de grand conseil des communes de France. Voilà pourquoi il serait sage de voter la motion tendant au renvoi à la commission que le rapporteur de la commission des finances défendra dans un instant.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Je relève que tous les intervenants ont salué l’initiative de Gérard Le Cam et du groupe CRC et souligné l’intérêt de la réflexion qu’elle a permise.

Je réitère l’engagement que j’ai pris au nom du Gouvernement de travailler sur le sujet, dès le début de l’année 2014, à fois techniquement – cela suppose une mobilisation de l’ensemble de mes services – et collectivement, c’est-à-dire avec tous les acteurs concernés : Comité des finances locales, représentants des élus locaux, parlementaires. C’est par une réflexion commune que nous trouverons les règles du jeu nouvelles dont nous avons besoin.

Tout le monde a également souligné la nécessité absolue de réformer la dotation globale de fonctionnement, en veillant à conserver aux collectivités territoriales l’autonomie financière qui leur est si précieuse. Cette réforme est d’autant plus nécessaire que le contexte a changé : l’intercommunalité est assurément une donnée nouvelle.

Mesdames, messieurs les sénateurs, lundi dernier, vous n’avez pas manqué de remarquer que le projet de loi que vous adoptiez prévoyait tout autant la modernisation de l’action publique territoriale que l’affirmation des métropoles. Il s’agit bien de promouvoir les pôles d’équilibre territoriaux dont les communes rurales ont besoin pour trouver un fonctionnement harmonieux.

Vous avez aussi été plusieurs à souligner le problème de l’évolution des charges.

Pour ce qui concerne les dépenses liées à la réforme des rythmes scolaires, elles ont été évaluées à environ 100 à 150 euros par enfant ; la dotation d’amorçage s’élèvera à 50 euros par enfant, voire plus lorsque les communes sont éligibles à la fraction « cible » de la DSR. Le Premier ministre s’est engagé à reconduire cette dotation l’année prochaine, pour continuer à aider les collectivités à mettre en place ce dispositif majeur.

Par ailleurs, lundi dernier, vous avez également voté un texte visant à réduire le flux et le stock de normes. Sachez que nous devrions pouvoir très vite publier le décret d’application qui permettra de réduire les dépenses des collectivités au regard des contraintes financières qui leur sont imposées.

Charles Guené a signalé, et je l’en remercie, car j’ai omis de le faire, que nous avions d’ores et déjà engagé la révision des valeurs locatives d’habitation, après celle des valeurs locatives professionnelles.

Comme vous pouvez le constater, plusieurs chantiers sont engagés. La volonté du Gouvernement est bien de travailler de conserve avec vous pour parvenir à des dispositifs permettant aux collectivités territoriales de fonctionner dans les meilleures conditions possibles.