M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à saluer la qualité du travail accompli par les rapporteurs et leur implication, qui ont permis la production de ce rapport important. Je remercie également l’ensemble des orateurs de leurs interventions et de l’intérêt qu’ils ont manifesté à l’égard de la politique de développement touristique de notre pays. Ce débat a été riche, intéressant et a été l’occasion d’évoquer des sujets majeurs pour ce secteur.

Mesdames, messieurs les sénateurs, dresser le bilan de la loi de 2009, qui est largement appliquée, c’est également pour moi l’occasion de vous présenter mes priorités pour ce secteur et, ainsi, de répondre à vos interrogations.

Depuis plus d’un an maintenant, les actions que j’ai engagées s’inscrivent dans l’objectif prioritaire du Gouvernement : le redressement économique de la France et l’emploi. Vous le savez, et le rapport que nous venons d’évoquer le souligne très justement, la France est la première destination touristique au monde. Je ne reprendrai pas les chiffres qui ont été cités ce soir à la tribune, mais il s’agit d’une véritable industrie employant plus de 2 millions de personnes, soit plus que le secteur automobile.

Si le Président de la République a érigé le tourisme au rang de grande cause nationale, alors que le Gouvernement livre une bataille acharnée pour l’emploi et la croissance, c’est bien parce que, pendant trop longtemps, ce secteur, pourtant absolument fondamental pour notre économie, n’a pas été suffisamment considéré. C’est aussi un facteur qui contribue directement au rayonnement de la France à l’étranger, comme l’a évoqué le président de la commission pour le contrôle de l’application des lois, à son attractivité globale et qui sert donc nos entreprises, nos exportations, notre image.

Nous devons donc aujourd’hui nous mobiliser fortement. En effet, si nous avons des atouts, nous ne pouvons plus vivre sur nos seuls acquis, comme l’a bien rappelé le rapporteur Luc Carvounas.

La première priorité que j’ai fixée dès ma nomination, c’est la structuration de la filière touristique et la capacité à jouer collectif. Le rapport pointe justement les difficultés à fédérer les énergies autour d’une stratégie partagée, en raison de l’empilement des compétences entre les différents échelons de collectivités territoriales.

Je ne reviendrai pas sur le débat autour du chef de filat en matière touristique. La solution que j’ai proposée ne remet pas en cause la répartition des compétences ; elle s’appuie au contraire sur des partenariats aussi solides que souples avec tous les acteurs du tourisme pour faire partager cette vision, afin qu’elle devienne le socle du développement de nos secteurs.

La démarche innovante que j’ai initiée autour des contrats de destination, Jean-Michel Baylet l’a rappelé, permet aussi de mieux valoriser l’ensemble des territoires, qui sont des atouts considérables pour renouveler notre offre, de diffuser les bénéfices liés au secteur du tourisme et d’enrichir l’image de la France comme celle d’une mosaïque de destinations très variées, qui doivent devenir attractives et mieux connues des Français comme des visiteurs internationaux.

J’ai déjà signé deux de ces contrats, qui sont de réels préfigurateurs. Ils sont en train de construire les bonnes pratiques, les méthodes que pourront ensuite s’approprier ceux qui veulent se lancer à leur tour dans la signature d’un contrat de destination. Ceux-ci ne manquent d’ailleurs pas, puisque nous dénombrons aujourd’hui près de trente candidatures.

Ces contrats de destination marquent le renouveau de notre politique touristique, trop longtemps considérée comme le parent pauvre du développement économique J’ai la conviction qu’il est essentiel de faire travailler les acteurs publics et privés ensemble. C’est en cela, madame Masson-Maret, que ces contrats sont innovants. Dans leur version précédente, ils équivalaient finalement à un contrat de partenariat entre collectivités territoriales, comme les schémas régionaux, les schémas de développement départementaux en matière touristique. La nouveauté, c’est que nous associons l’ensemble de la filière, les acteurs privés du tourisme et tous ceux qui concourent, de près ou de loin, à l’émergence d’un projet touristique. Nous développons et renforçons ainsi les synergies, dans une logique de collaboration et de partenariat.

Il s’agit en effet de créer de la transversalité entre les secteurs du tourisme, de la culture – à ce sujet, madame la sénatrice, et je vous rejoins, je signerai une convention de partenariat et de collaboration plus étroite avec Aurélie Filippetti –, des transports, mais aussi de la gastronomie, des commerces, de l’artisanat, de l’artisanat d’art, des visites d’entreprise, de l’agriculture, de la plaisance, du nautisme, du sport.

Je n’oublie pas les considérations environnementales. Comme vous l’avez fort justement souligné, madame Bouchoux, structurer l’industrie ne signifie pas que le tourisme ne doive pas présenter une dimension environnementale : l’écotourisme, le développement durable et, plus précisément, les bonnes pratiques en faveur de l’environnement constituent l’une des pistes de réflexion qu’il convient de favoriser. Ces thèmes reviennent régulièrement dans les contrats de destination que j’ai pu signer, notamment celui du Tarn-et-Garonne, comme dans ceux qui sont en cours d’élaboration ; je pense par exemple à la Bourgogne ou au massif des Vosges.

À cet égard, je souhaite saluer le succès des déplacements doux, notamment les projets de vélotourisme qui ont structuré plusieurs territoires le long du canal du Midi, ou encore la Loire à vélo, qui est un exemple particulièrement réussi de cette politique.

En résumé, tout ce qui concourt à l’attractivité du territoire peut figurer dans un contrat de destination.

Je pense aussi spécifiquement aux outremers, même si la question ne m’a pas été posée, dont l’économie repose en très grande partie sur le tourisme et pour lesquels nous développons une approche adaptée.

J’ai par ailleurs voulu rénover la gouvernance de cette politique en renforçant le rôle d’Atout France en tant que cheville ouvrière de la politique touristique. Comme l’a rappelé Jean-Michel Baylet, notre promotion à l’international, axée prioritairement sur les pays à forte croissance, est d’ores et déjà plus lisible et plus cohérente. Son rôle en matière d’accompagnement et d’ingénierie touristique dans nos territoires est également renforcé. Cette expertise enviée est d’ailleurs reconnue internationalement. J’en ai la preuve à chacun de mes déplacements à l’étranger et je reçois régulièrement à Bercy mes homologues ministres du tourisme de pays étrangers, qui viennent chercher chez nous des conseils en stratégie et en développement touristiques. C’est bien la preuve qu’Atout France a réellement la capacité d’être notre bras armé pour le développement de notre filière touristique.

M. Louis Nègre, corapporteur au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois. Avec une dotation en baisse ?

Mme Sylvia Pinel, ministre. Je vais y venir !

En ce qui concerne l’Observatoire national du tourisme, j’ai demandé à mes services et à Atout France de réfléchir à l’amélioration de l’outil statistique de la France. En outre, j’ai veillé à préserver le budget d’Atout France dans le cadre des lois de finances successives. Certains d’entre vous avaient déjà voté des diminutions des crédits du budget du tourisme et même la réduction des services du ministère. C’était au cours d’une précédente législature, aussi n’y reviendrai-je pas…

En revanche, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite nuancer votre constat sur le budget spécifique de la promotion, qui vous semble insuffisant. Certes, il est inférieur à celui de nos principaux concurrents, notamment à celui de l’Espagne que vous avez tous cité. Toutefois, je suis persuadée que la stratégie de redressement de nos comptes publics nous impose de faire mieux avec le budget actuel, Michel Bécot l’a souligné. Nous devons y parvenir grâce à une meilleure coordination des actions d’Atout France et de celles des collectivités locales.

Je rappelle que le budget cumulé des 96 agences de développement touristique s’est élevé, en 2012, à 220 millions d’euros et celui des 22 comités régionaux du tourisme à 136 millions d’euros, dont près de 50 % pour la promotion, venant ainsi compléter les efforts en faveur du budget d’Atout France.

Madame Bouchoux, vous m’avez interpellée sur un sujet qui me tient à cœur, celui de la parité au sein du conseil d’administration d’Atout France. Il est vrai que ce dernier réunit des personnalités assumant déjà des responsabilités dans le tourisme et représentant souvent des institutions. La faible représentation des femmes traduit malheureusement la faible mixité dans le tourisme. Je m’en suis entretenue à plusieurs reprises avec la présidente de l’association Femmes du tourisme.

Ce constat est particulièrement vrai dans les secteurs de mon périmètre : qu’il s’agisse de l’artisanat, du commerce ou du tourisme, peu de femmes exercent des responsabilités. Toutefois, chaque renouvellement du conseil d’administration d’Atout France est pour moi l’occasion d’améliorer la situation et d’inverser cette tendance : j’ai ainsi nommé deux femmes, dont la présidente du comité régional du tourisme de la Martinique, Karine Roy-Camille. Je vous rassure cependant sur un point important : Atout France est exemplaire sur la parité de ses directeurs ; c’est du 50-50, j’y veille particulièrement.

Au-delà du fonctionnement de cet organisme, nous devons rechercher une plus grande efficacité dans la promotion, par exemple à travers une marque France unique, dont les acteurs se réclameraient ou, dans le cadre des contrats de destination, qui permettront de fédérer nos efforts. Nous devons nous appuyer sur les stratégies d’influence permises par les nouvelles technologies– Internet et les réseaux sociaux – pour des budgets beaucoup plus limités. Il s’agit d’un axe stratégique majeur pour la promotion touristique dans les années à venir ; j’ai demandé au président d’Atout France d’y veiller.

Je souhaite en particulier que la promotion de la France à l’étranger dans les salons, foires et expositions se fasse sous une bannière France unique et non plus en ordre dispersé, comme c’était le cas jusqu’à présent. Nous devons en effet renforcer la destination France ou, plus exactement, les destinations France, pour réduire la fracture de fréquentation existant entre les différents territoires.

Le Conseil national du tourisme, que j’ai renouvelé à la fin de l’année 2012, doit contribuer de manière plus opérationnelle à l’élaboration et à la mise en œuvre de notre politique.

La deuxième priorité sur laquelle j’ai souhaité mettre l’accent, c’est la qualité de l’offre touristique française. Au-delà de la promotion, ce qui compte pour satisfaire et faire revenir les touristes français ou internationaux, c’est de proposer un bon produit, comme l’a souligné Jean-Jacques Mirassou.

L’amélioration de la qualité de l’accueil passe par la prise en compte des différences culturelles de nos visiteurs et se traduit en termes d’apprentissage de langues étrangères, de savoir-faire, de modernisation et d’investissement dans les équipements. L’adaptation des formations aux métiers du tourisme est un enjeu majeur pour le maintien du leadership mondial de la France et pour faire en sorte que les touristes français continuent à voyager sur notre territoire. Je pense que, sur ce point, nos constats se rejoignent parfaitement.

Nous modernisons la formation professionnelle afin de renforcer les compétences des hommes et des femmes qui sont au cœur de la réussite de notre politique touristique ; Corinne Bouchoux et Évelyne Didier en ont parlé.

À cet égard, Michel Sapin et moi-même avons confié une mission à François Nogué, président du conseil d’administration de Pôle emploi, pour professionnaliser la filière, renforcer l’attractivité des métiers, et surtout – l’emploi étant la première de nos priorités – pourvoir les postes vacants pour lesquels les entreprises du tourisme rencontrent de réelles difficultés de recrutement. J’ai également demandé que des propositions spécifiques soient formulées sur les emplois saisonniers, notamment pour sécuriser davantage les parcours professionnels des salariés concernés.

Nous livrerons prochainement le contenu et les conclusions du rapport Nogué. Quatre axes prioritaires se dessinent : anticiper les besoins en compétence avec une optimisation de l’observation sur l’emploi dans le secteur et l’évaluation des métiers ; faire de la filière une voie durable de l’insertion professionnelle pour les jeunes et les demandeurs d’emploi – je pense notamment au développement des emplois d’avenir – ; accélérer la montée en compétence et garantir les parcours professionnels avec l’alternance et l’adaptation des formations ; améliorer la qualité de vie au travail, en termes tant de conditions d’accueil que de santé, considérations particulièrement fortes pour les saisonniers.

Sur ces différents sujets, il sera nécessaire de favoriser la concertation avec les organisations professionnelles et syndicales concernées afin d’agir efficacement.

Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Président de la République a souhaité ouvrir les emplois d’avenir aux entreprises de ce secteur. J’ai donc mobilisé les préfets pour qu’ils consentent un effort prioritaire sur le tourisme et je suivrai avec beaucoup d’attention la montée en puissance de la conclusion de ces contrats.

L’amélioration de l’accueil, c’est aussi, bien sûr, la facilité d’accès à notre territoire à travers la simplification de la délivrance des visas de circulation, valables entre six mois et cinq ans, non seulement pour les talents étrangers, les hommes d’affaires, les artistes ou encore les scientifiques, mais aussi pour le tourisme. Lors de la conférence des ambassadeurs, le Président de la République a demandé que ce point soit traité avec rapidité.

Dans le cadre de la qualité de l’accueil, j’insiste également sur l’importance de la sécurité des touristes, évoquée par certains d’entre vous. Manuel Valls et moi-même avons immédiatement réagi à certains faits regrettables et mis en place des mesures spécifiques pour assurer la sécurité des touristes : renforcement de la présence policière sur les sites touristiques les plus visités, mise en place d’un partenariat actif avec les ambassades, les professionnels du tourisme, les transporteurs municipaux, la SNCF, la RATP, amélioration de l’accueil des victimes étrangères dans les services de police, édition d’un guide pratique de prévention en six langues. Les résultats sont au rendez-vous, puisque le nombre de vols à la tire à Paris a baissé de 22 % aux mois de juillet et d’août derniers ; cela mérite d’être souligné.

L’amélioration de la qualité de l’offre touristique passe aussi par celle des hébergements. La loi de 2009, dont le bilan nous a été présenté aujourd’hui, instaurait un nouveau classement pour les hôtels, mais aussi pour l’ensemble des autres hébergements tels que les campings ou les résidences de tourisme, afin de leur offrir davantage de visibilité à l’international, vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur Lasserre et monsieur Bécot.

Au 30 septembre 2013, 12 862 hôtels ont été reclassés, soit 75 % de l’ensemble de l’offre d’hôtels et 85 % des chambres. L’efficacité de ce classement est indéniable : une enquête indépendante a montré, au mois de mai 2013, que les établissements classés avaient mieux résisté à la crise que les autres.

Je suis convaincue que nous pouvons encore simplifier l’accès à ce classement et l’adapter aux réalités économiques. J’examinerai avec beaucoup d’intérêt les propositions concrètes qui ont été formulées aujourd’hui, dans la perspective d’une évolution.

Le rapport pointe très justement le fait que le reclassement de la petite hôtellerie indépendante n’a pas été aussi rapide que souhaité. Ces petits hôtels, qui font le charme et le caractère de notre offre touristique dans les territoires, rencontrent des difficultés dans la mise aux normes en matière de sécurité et d’accessibilité. Ils ont donc tendance à retarder les travaux et, ce faisant, leur demande de classement.

La question de l’accessibilité constitue une préoccupation des élus locaux comme des professionnels. Depuis ma prise de fonction, je ne cesse de dire que nous devons, sur ce sujet délicat et complexe, trouver une solution d’équilibre tout en préservant l’intérêt légitime et les droits des personnes à mobilité réduite et des personnes handicapées.

L’entrée en vigueur de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a soulevé de réelles difficultés d’application pour les petits établissements ouverts au public, les commerces de proximité et les hôtels indépendants.

Lors du comité interministériel du handicap du 25 septembre dernier, le Premier ministre n’a pu que constater que le rendez-vous de 2015 fixé par la loi ne serait pas respecté. Il a donc décidé de l’ouverture de deux chantiers, qui porteront respectivement sur les agendas d’accessibilité programmée, permettant aux hôteliers de poursuivre leur démarche de mise aux normes au-delà de 2015, et sur l’ajustement normatif. Ces travaux se dérouleront sous la présidence de la sénatrice Claire-Lise Campion et des propositions concrètes seront formulées d’ici au mois de janvier prochain.

Nous avons là une opportunité unique de trouver un juste équilibre, qui puisse garantir la dynamique de l’accessibilité, voire l’accélérer grâce à un déploiement réaliste de ces normes. Ces décisions correspondent aux recommandations qui ont été opportunément exprimées par les rapporteurs.

Mme Giudicelli s’est interrogée sur le financement de ces mises aux normes. J’ai demandé à la Banque publique d’investissement de travailler sur des offres de financement pour la modernisation, la réhabilitation et l’accessibilité des hôtels indépendants.

Au-delà, nous devons poursuivre nos efforts pour la modernisation des hébergements touristiques français et leur adaptation aux exigences de nouvelles clientèles.

L’investissement touristique global s’élève à 12,738 milliards d’euros en 2012, soit un recul de 4 % par rapport à 2011. Ce sont les secteurs des équipements touristiques qui concentrent aujourd’hui les investissements : musées, monuments historiques, casinos, parcs de loisirs, thermalisme, thalasso, et ce au détriment de l’offre d’hébergement. Les investissements pour la rénovation de l’existant, notamment dans les zones touristiques de montagne ou du littoral, sont perçus comme insuffisamment rentables par les acteurs privés.

J’ai donc mis en place, au mois de juillet dernier, un groupe de travail sur le tourisme de montagne qui doit formuler des propositions spécifiques sur la rénovation et la réhabilitation, mais aussi sur l’élaboration d’une offre touristique attrayante en dehors des périodes de sports d’hiver, pour renforcer la rentabilité de ces stations et attirer les investisseurs privés.

Je souhaite engager la même démarche pour la réhabilitation en zone littorale. Je suis particulièrement attachée à ce que les propositions qui seront avancées tiennent compte des spécificités locales et constituent une boîte à outils à la disposition des élus locaux. En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez aussi bien que moi les enjeux de vos territoires et êtes souvent les mieux placés pour trouver les bonnes méthodes d’accompagnement.

Les autres classements modifiés par la loi de 2009 – je pense notamment aux offices de tourisme – ont contribué à la montée en qualité globale des services, mais restent encore trop complexes à mettre en œuvre.

Je reçois très souvent des sollicitations d’élus locaux qui me signalent les difficultés qu’ils rencontrent : coût des certifications ou marques de qualité exigées sur les périodes d’ouverture minimale, difficulté à remplir le critère portant sur la capacité d’hébergement calculée sur la base d’un ratio rapporté au nombre d’habitants… Le dispositif réglementaire sera amendé pour prendre en compte ces difficultés et je procéderai aux ajustements nécessaires pour inciter les communes où se trouvent ces offices de tourisme à améliorer leurs prestations touristiques.

La modernisation de l’offre touristique française passe également par les technologies du numérique, qui modifient en profondeur la valeur ajoutée dans la filière.

À cet égard, beaucoup de professionnels me font part de leurs difficiles relations avec les sites de réservation en ligne. Si certaines dispositions sont illégales, elles doivent être condamnées. Mais ce que je souhaite surtout, c’est que nous sortions par le haut de ce débat : il faut que les professionnels, avec l’aide de l’État et d’Atout France, prennent définitivement le virage du numérique, se fédèrent et puissent construire ensemble une stratégie numérique. Le numérique constitue en effet un véritable levier pour les acteurs de la filière touristique, qu’il s’agisse des hôteliers, des restaurateurs, du monde des loisirs, de la culture ou des collectivités locales.

Enfin, c’est également dans la perspective de l’amélioration de la qualité de l’offre touristique française que j’ai souhaité mettre en place un comité de filière pour la restauration. Il s’agit de remplacer la démarche du contrat d’avenir, qui n’a pas produit les résultats escomptés, par une véritable démarche partenariale.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogée sur la TVA dans la restauration, dont le taux est passé de 5,5 % à 7 %. Nous la maintiendrons au taux intermédiaire, après avoir tiré un bilan pour le moins contrasté du contrat d’avenir, dont les résultats furent inégaux. Le débat sur le bilan du contrat d’avenir est désormais clos. J’ai souhaité que, dans le cadre du comité de la filière, nous puissions désormais travailler autour de certaines priorités.

Je rappelle que les restaurateurs et professionnels du secteur sont largement bénéficiaires du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, puisque la masse salariale n’y dépasse pas celle qui est fixée par les critères d’attribution. Ainsi, environ 90 % de la masse salariale du secteur y est éligible, contre 66 % pour les autres secteurs de l’économie. En outre, cette filière bénéficie également des contrats de génération. Ce sont souvent de très petites entreprises, qui peuvent donc percevoir la somme de 4 000 euros pour l’embauche d’un jeune.

Avec la filière et les organisations professionnelles, nous avons défini dix priorités, évoluant autour de la qualité et de l’information des consommateurs, des conditions de travail des salariés et de la valorisation des métiers et des savoir-faire.

J’ai en particulier proposé la mise en place du label « fait maison », dont nous avons discuté avec certains d’entre vous, dans le cadre de l’examen en première lecture du projet de loi relatif à la consommation, pour valoriser le travail des restaurateurs et mieux informer le consommateur.

Mme Sylvia Pinel, ministre. Ce label présente l’avantage d’être compréhensible et rassurant pour nos concitoyens et nos visiteurs.

J’ai également tenu à faire évoluer le titre de « maître-restaurateur », évoqué par Jean-Jacques Lasserre. Le contrat d’avenir fixait un objectif de 7 000 labels ; nous en sommes aujourd’hui à 2 000 environ. Il était temps, je crois, de faire évoluer ce titre, de le moderniser, de le simplifier. S’il constitue un atout pour notre filière, il n’a pas réussi à séduire suffisamment de professionnels. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité simplifier la démarche de labellisation, tout en maintenant les exigences de qualité, afin de le rendre plus lisible pour nos touristes et visiteurs internationaux. Il doit donc être plus accessible et plus répandu.

La troisième priorité que j’ai fixée pour le tourisme, et je sais que vous partagez cette préoccupation, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque vous avez été nombreux à me poser la question, est l’accès aux vacances pour tous.

Un Français sur deux ne part pas en vacances. Cette situation est inacceptable, car les vacances sont un moment privilégié pour se retrouver en famille ou entre amis. Je ne peux pas tolérer la montée des inégalités face à ce droit au temps libre, qui a aussi, nous pouvons le dire, des impacts économiques et, surtout, des conséquences positives sur le vivre-ensemble et la mixité sociale.

J’ai confié une mission à Claudie Buisson, membre du Contrôle général économique et financier, le CGEFI, pour identifier les freins au départ et proposer des dispositifs concrets, afin que les vacances soient enfin accessibles au plus grand nombre.

Ces freins, en effet, sont de nature différente. Certains sont financiers. Nous devons y apporter des solutions. D’autres, très puissants, sont sociaux, psychologiques, culturels : ils font que certaines familles s’interdisent de partir en vacances, car elles pensent que ce n’est pas pour elles. À elles aussi, nous devons aussi apporter une réponse.

Dès le mois de février dernier – je ne voulais pas d’une mission qui ne débouche que sur un rapport –, j’ai mis en place des opérations pilotes, en Midi-Pyrénées et en Rhône-Alpes, pour accompagner le départ en vacances de 250 jeunes apprentis qui n’y avaient pas accès. Une deuxième série d’expérimentations, destinée aux familles, notamment monoparentales, a eu lieu cet été, jusqu’au mois de septembre.

Les conclusions du rapport, qui s’appuieront sur le bilan de ces expérimentations, seront établies à partir des retours du terrain et me seront remises à la fin du mois. Elles devraient notamment concerner la diffusion des chèques-vacances, en particulier dans les PME et les TPE, pour lesquelles l’objectif de 500 000 nouveaux bénéficiaires en deux ans, fixé sans réelle étude de faisabilité préalable, est très loin d’être atteint, ainsi que le rapport le souligne très justement.

Nous devons agir aussi bien sur la demande que sur l’offre, en restructurant la filière du tourisme à vocation sociale. Nous devons animer le marché, en rendant plus visible l’offre des acteurs privés et associatifs. Nous devons aussi capitaliser sur la mobilisation des acteurs, puisqu’il existe beaucoup de dispositifs qui souffrent de dispersion et n’atteignent pas leur cible.

Enfin, pour les Français qui achètent des résidences secondaires en temps partagé afin de s’offrir un lieu de vacances à un prix plus abordable, le régime, qui avait été modifié par la loi de 2009, n’est pas encore suffisamment protecteur. Il a donné lieu à des abus de la part de sociétés de gestion peu scrupuleuses, qui entraînent aujourd’hui ces petits propriétaires dans des démêlés judiciaires souvent ubuesques.

Le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, qui sera débattu par votre assemblée à partir de la semaine prochaine, prévoit de nouvelles mesures pour mieux encadrer les sociétés de gestion et faciliter le retrait de ces résidences en temps partagé, sans mettre en péril l’équilibre économique global ni faire peser les charges sur les autres copropriétaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les conditions sont aujourd’hui réunies pour le succès de notre politique touristique. Des relations de confiance ont été renouées avec l’ensemble des acteurs et partenaires : élus, collectivités territoriales, professionnels du tourisme. Des orientations stratégiques ont été clairement définies.

Il nous reste cependant encore beaucoup à faire.

En 2012, le tourisme mondial a franchi le cap du milliard de touristes annuels et, comme l’a indiqué l’Organisation mondiale du tourisme, l’OMT, le secteur confirme cette année encore sa bonne santé, avec un potentiel de croissance de 3 % à 4 % pour 2013. Un quasi doublement est attendu d’ici à 2030. Ce sont donc de véritables opportunités qui s’offrent à la France.

Le tourisme est un atout et une chance pour notre pays. Ces chiffres montrent aussi que nous avons à faire face à la montée en puissance de nouvelles destinations, qui renforcent la concurrence mondiale.

Le tourisme français devra, dans les années à venir, relever le défi de l’augmentation du nombre de touristes, mais aussi celui de la transformation des manières de voyager.

Le secteur touristique est particulièrement sensible aux évolutions de la société et des comportements des consommateurs. Son modèle économique connaît en ce moment de profondes mutations.

C’est donc sur un marché de plus en plus ouvert, de plus en plus varié, de plus en plus concurrentiel, que nous devons nous placer pour profiter de cette croissance. Ce que je veux pour notre pays, c’est qu’il reste le plus attractif de tous, que le tourisme tire vers le haut la croissance et l’emploi, qui sont les priorités absolues du Gouvernement.

À l’échelle mondiale, nous voyons naître une nouvelle population de touristes, issue des classes moyennes de pays émergents. C’est elle qui sera la première contributrice à la croissance de ce marché. Il faut le prendre en compte, car c’est à elle que devront s’adresser en priorité nos stratégies touristiques ! Vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur Luc Carvounas, les statistiques montrent que nous connaissons une forte augmentation de la fréquentation de touristes de certains pays, notamment de la Chine. Nous devons encore progresser en la matière.

En parallèle, nous constatons également une personnalisation accrue des séjours, grâce aux nouveaux usages du numérique, qui permettent l’élaboration de voyages à la carte par le client final, sans intermédiaire autre que le site Internet. Là encore, nous devons nous positionner pour faire de la France le pays du « e-tourisme ». La diversification et l’innovation sont des facteurs clés de succès dans les territoires et requièrent une vision prospective partagée de la demande touristique.

Notre objectif est triple : fidéliser la clientèle existante, française ou internationale, et faire revenir ceux qui ont apprécié leur premier séjour ; capter les nouvelles clientèles en provenance des pays émergents, qui sont les sources de croissance des prochaines années ; augmenter les retombées économiques du tourisme, car il n’est pas normal que le panier de dépenses moyen d’un touriste étranger en France soit de 64 euros, quand il est de 74 euros en Espagne. C’est l’objectif fixé par le Président de la République : faire de la France la première destination européenne en matière de recettes.

Pour cela, nous devrons enrichir notre offre touristique aujourd’hui centrée sur les destinations classiques – Paris et la Côte d’Azur –, en la structurant autour de nouveaux pôles d’attractivité de renommée mondiale.

Nous devrons aussi créer des circuits thématiques, adaptés aux différents types de clientèle. Par exemple, l’offre sur le tourisme d’affaires, dont les recettes sont en moyenne plus élevées, mérite une attention spécifique. Je pense également à l’œnotourisme, au tourisme rural, au tourisme de plaisance, au tourisme sportif ou encore au tourisme durable.

L’objectif est clair : il faut faire valoir tous nos atouts, afin de retenir plus longtemps nos visiteurs en France et leur donner envie de dépenser davantage. C’est valable pour les clientèles étrangères, mais aussi, bien sûr, pour nos concitoyens.

La promotion de la destination France doit s’accompagner d’une politique d’accessibilité des grands sites de renommée mondiale aux touristes étrangers. Or la fréquentation touristique est directement liée aux moyens de transport qui desservent les destinations : lignes aériennes, intermodalité, connectivité.

La facilité et la rapidité dans la délivrance des visas constituent également un enjeu important pour permettre à la France de redevenir le point d’entrée sur le territoire européen. Le Président de la République s’est engagé sur ces points devant notre diplomatie, cette année.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nombreux sont les défis qui nous attendent, qu’ils soient économiques, sociaux ou organisationnels. Aussi, je compte sur votre soutien dans la conduite de cette politique, qui joue un rôle essentiel dans le redressement économique de notre pays. Je souhaite que, ensemble, nous renforcions l’attractivité de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Jean-Jacques Lasserre, corapporteur au nom de la commission des affaires économiques, applaudit également.)