M. Claude Domeizel. Je n’ai jamais dit cela !

M. Gilbert Barbier. Cependant, avec le vote sur l’article 1er, la porte vers une réforme de fond, pouvant déboucher sur un fonctionnement par points, s’est entrouverte. Peut-être faut-il y voir un signe positif et considérer que, malgré l’occasion manquée aujourd'hui, nous aurons tout de même un jour la possibilité d’étudier une véritable réforme des retraites pour un système pérenne.

À titre personnel, et comme l’ensemble des membres de mon groupe, je ne voterai pas ce texte croupion. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme il l’avait fait en commission des affaires sociales, le groupe CRC votera unanimement contre cette réforme des retraites.

M. Jean-Noël Cardoux. Vous l’avez déjà dit !

Mme Isabelle Pasquet. Certes, le texte qui résulte des travaux du Sénat est radicalement différent de celui que le Gouvernement nous avait présenté après le vote de l’Assemblée nationale. Mais « différent » ne signifie pas pour autant « meilleur ».

Nous nous réjouissons évidemment de l’adoption des amendements de suppression des articles 2 et 4, qui organisent, pour l’un, l’allongement de la durée de cotisation et, pour l’autre, le gel des pensions. Mais nous ne nous faisons pas d’illusion. Je tiens à le dire, si la droite a voté en faveur de ces amendements, c’est par pur opportunisme ; chacun se souvient de ce qu’avait été son attitude en commission.

Et les réponses que la droite et le centre proposent en lieu et place de la présente réforme sont pires : allongement encore plus important de la durée de cotisation et report de l’âge légal de départ à la retraite.

Madame la ministre, plutôt que l’opposition tactique de la droite, je préfère retenir le rassemblement des sénatrices et sénateurs écologistes, d’une partie des sénatrices et sénateurs socialistes et de tous les membres du groupe CRC contre une mesure qui place votre gouvernement à contre-courant de l’histoire de la gauche.

Au cours de nos débats, nous avons fait la démonstration que l’argument derrière lequel vous vous abritez, celui d’un allongement de l’espérance de vie, n’est pas plus juste aujourd’hui qu’il ne l’était en 2010 quand, alors dans l’opposition, vous critiquiez l’augmentation de la durée de cotisation.

Entre 2003 et aujourd'hui, cette durée aura progressé, sous les effets conjoints de la droite et de votre gouvernement, de cinq ans et six mois. L’espérance de vie aurait-elle augmenté dans les mêmes proportions pendant la même période ? Nous ne le croyons pas.

Une telle option était envisagée dès 1986 par le Commissariat général au plan, qui préconisait déjà un allongement de la durée de cotisation à quarante-deux ans et demi. Une étude sur les conséquences de cette mesure sur le nombre de salariés privés d’emploi faisait apparaître que l’allongement induirait une progression de 15 % du chômage. Certes, le taux envisagé alors était sans doute surestimé. Mais il n’en demeure pas moins que l’allongement de la durée de cotisation s’accompagne systématiquement – nous l’avons vu en 2010 – d’une progression du nombre de licenciements, singulièrement à l’encontre des salariés les plus âgés.

À l’inverse, un élément nous semble certain. Les mesures contenues dans le projet de réforme sont assises sur un principe de départ que nous ne pouvons pas accepter : le refus, le vôtre, celui d’un gouvernement de gauche, d’opérer enfin une meilleure répartition des richesses. Pour preuve, les deux principales mesures de financement reposent sur les assurés. Certes, elles ont été supprimées. Mais aucune disposition de substitution n’a été adoptée pour garantir le retour pour toutes et tous à la retraite à soixante ans et pour rétablir l’équilibre des comptes sociaux, dont la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV.

Comme le souligne Henri Sterdyniak : « Le déficit des régimes de retraites en 2012, 16 milliards d’euros, provient essentiellement de la profondeur de la récession, qui a fait diminuer le niveau d’emploi d’environ 5,5 %, faisant perdre 14 milliards d’euros de ressources aux régimes de retraites. » Avec son collègue de l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, Gérard Cornilleau, il écrit ceci : « À court terme, le déséquilibre des régimes de retraites induit par la crise doit être accepté. Il faut éviter une baisse des retraites par une désindexation progressive, qui diminuerait la fiabilité du système et enfoncerait dans la crise en pesant sur la consommation. »

Nous partageons cette analyse. Nous en sommes convaincus, au-delà des mesures comptables et strictement économiques qui sont prises, il y avait de la place pour des réformes plus ambitieuses, mais surtout plus justes.

L’équilibre de la CNAV doit être la conséquence non pas de mesures injustes, mais d’une politique résolument tournée vers l’emploi, et plus précisément l’emploi de qualité et rémunérateur. À cet égard, les contrats de génération et les emplois d’avenir, parce qu’ils favorisent les emplois précaires et atypiques et parce qu’ils s’accompagnent d’exonérations de cotisations sociales, ne constituent pas les solutions adaptées à l’inversion de la courbe du chômage et, partant, au retour à l’équilibre des comptes.

Madame la ministre, nous souhaitons tout comme vous que la CNAV renoue avec l’équilibre, voire – pourquoi pas ? – avec l’excédent, non pas parce que le retour à l’équilibre serait une finalité en soi, mais parce qu’il sera la conséquence d’une politique de l’emploi enfin à la hauteur des enjeux.

Malheureusement, ce n’est pas ce texte, dans sa rédaction votée à l’Assemblée nationale comme dans sa version amputée au Sénat, qui y parviendra. Bien au contraire !

C’est pourquoi le groupe CRC votera contre ce projet de loi. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après les coups de ciseaux portés à ce que l’on nous avait présenté comme les plus beaux atours de ce projet de loi, le texte est aujourd’hui comme le Gouvernement : en haillons ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

En fait, madame la ministre, vous êtes face à une situation nouvelle : il n’y a plus de majorité au Sénat ! (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.) Voilà la vérité !

Comment un gouvernement qui avait théoriquement une majorité peut-il retrouver un texte en lambeaux ? En réalité, la réponse est connue ; notre collègue Jean Desessard l’a d’ailleurs apportée tout à l’heure. Certes, ce n’est pas à nous de juger la manière dont le Gouvernement doit s’entendre et travailler avec sa majorité. Mais la faute est partagée. Elle est imputable, bien sûr, au Gouvernement, qui a présenté un mauvais projet ; elle est également imputable aux parlementaires, lesquels n’ont sans doute pas pris les dispositions nécessaires pour que le Gouvernement écoute en amont, comme cela a été dit tout à l’heure, avant de se retrouver dans cette situation qui va être ridicule car inédite. Il semble en effet, d’après les intervenants qui m’ont précédé, qu’il n’y aura pas beaucoup de voix pour soutenir ce texte.

Madame la ministre, j’ai eu l’occasion de vous le dire, je vous ai connue plus loquace sur la question des retraites,…

M. Jean-Claude Lenoir. … en 2003, puis en 2010, alors que vous et moi étions députés. Soit dit en passant, les parlementaires qui soutenaient le gouvernement d’alors ont fait preuve d’un grand courage, car il n’était pas facile de faire adopter un certain nombre de dispositions quand la rue était occupée, quand la contestation était forte, quand, dans l’hémicycle, les tirs de barrage étaient nourris et que les initiatives ne manquaient pas pour retarder l’issue des débats. Vous aviez animé à l’époque ces débats, madame la ministre, en tant que porte-parole du groupe socialiste. Que n’a-t-on pas entendu ?

Vous disiez alors, madame la ministre – il est d'ailleurs facile de retrouver vos propos dans le compte rendu des débats publié au Journal officiel – : « Quand nous serons au pouvoir, nous abrogerons les dispositions contenues dans les lois de 2003 et de 2010. »

Je vous pose donc la question, ce soir, à l’issue de l’examen de ce texte : quelles sont, dans votre projet de loi, les dispositions visant à abroger les lois de 2003 et 2010 ? Aucune !

Mme Isabelle Debré. Aucune, en effet !

M. Jean-Claude Lenoir. Tout à l’heure, un des membres du groupe CRC disait que, malgré tout, des avancées avaient été obtenues grâce à l’adoption d’amendements de leur groupe. Sur quelle base ? Mais à partir des textes de 2003 et 2010, que vous avez tant décriés ! Aucune des dispositions que vous aviez fortement contestées et qui avaient été présentées par le précédent gouvernement n’a été modifiée.

En réalité, votre texte est simple, et l’intitulé devrait être : « projet de loi portant augmentation des cotisations des personnes retraitées et des employeurs ». (Mme Isabelle Debré opine.)

M. Jean Bizet. Tout simplement !

M. Jean-Claude Lenoir. C’est le seul objet de ce projet de loi.

Que va-t-il se passer maintenant ? Une nouvelle lecture va nous être infligée puisque, à l’évidence, il n’y aura pas de majorité.

Tout cela donne l’impression d’un grand gâchis ; c’est votre problème, ce n’est pas le nôtre. (Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste.) Nous allons voter contre ce texte, mais pour des raisons différentes de celles qui ont déjà été avancées. Nous ne sommes pas seulement contre le texte qui a finalement été examiné par le Sénat, nous sommes contre le projet que vous avez présenté, contre l’absence de courage, contre le texte qui avait été délibéré en conseil des ministres.

Les retraités et ceux qui cotisent pour les retraites…

M. Jean Bizet. … jugeront !

M. Jean-Claude Lenoir. … jugeront en regardant le calendrier révolutionnaire, le calendrier républicain instauré à la fin du XVIIIsiècle : ils verront que le 5 novembre était le jour du dindon ! (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Françoise Férat applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. À l’occasion de mon intervention dans la discussion générale et tout au long de nos débats, je suis intervenue, notamment avec ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin, sur les conséquences de cette réforme sur les femmes.

Après les travaux de notre Haute Assemblée, force est de constater qu’en la matière les choses sont appelées à évoluer extrêmement lentement – trop lentement – et pas de manière suffisamment efficace pour résorber les inégalités de pensions.

Ainsi, l’article 1er, tel qu’il résulte des travaux de notre assemblée, a pour seul objet de prévoir, après un âpre débat, que « La Nation assigne également au système de retraite par répartition un objectif de solidarité entre les générations et au sein de chaque génération, par l’égalité des pensions entre les femmes et les hommes », sans jamais préciser les conditions dans lesquelles cette égalité de pension doit être atteinte.

Or, nous le savons très bien – nous en avons beaucoup parlé –, si les pensions des femmes sont inférieures à celles des hommes, c’est d’abord et avant tout parce que leurs rémunérations sont inférieures.

En effet, à travail égal, les femmes demeurent moins bien rémunérées que les hommes ; de surcroît, les femmes sont, plus souvent que les hommes, recrutées à des emplois précaires, par des contrats atypiques comme les temps partiels.

Prétendre assurer l’égalité de pensions sans passer par l’égalité salariale, c’est au mieux un vœu pieu, au pire une méconnaissance des situations sociales et professionnelles des femmes.

Nous avions, pour notre part, fait la démonstration que des mesures concrètes étaient possibles, comme la suppression des exonérations de cotisations sociales à l’encontre des employeurs qui ne respectent pas l’égalité salariale ou bien en obligeant les employeurs qui recourent massivement aux temps partiels à cotiser à temps plein pour ces contrats.

Nous ne pouvons que regretter que ces propositions aient été rejetées par la droite et par le Gouvernement, qui nous a souvent répété qu’elles n’avaient pas leur place dans ce projet de loi. C’est d’autant plus regrettable que, lorsque nous avons examiné le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, les mêmes arguments nous avaient été opposés au prétexte que de tels amendements ne répondaient pas à l’objet de ce texte, qu’il ne fallait surtout pas toucher au sacro-saint accord national interprofessionnel, l’ANI, qui rendait les femmes très captives des temps partiels.

Voilà évidemment une raison pour laquelle nous ne souscrivons pas à ce projet de réforme. Mais je dois également dire notre opposition à l’article 1er, qui ne prépare ni plus ni moins – certains s’en sont réjouis – qu’une réforme systémique.

Au-delà de cette réforme d’architecture, il s’agit de basculer d’un régime de retraite par répartition dit à prestations définies vers un système de retraite par points, c’est-à-dire à cotisations définies. Nous y sommes particulièrement opposés puisque la logique de ces systèmes de retraite consiste à garantir un certain taux de prélèvement, sans pour autant qu’une retraite donnée soit assurée.

Pourtant, c’est bien là, on le voit quotidiennement, la préoccupation légitime de nos concitoyennes et concitoyens, qui veulent savoir quand ils pourront partir à la retraite et avec quelle pension. Dans cet hémicycle, il est beaucoup question d’équilibre des comptes mais on ne parle pas des petites pensions, de la réalité de ce que vivent un grand nombre de nos concitoyennes et de nos concitoyens. (Mme Isabelle Debré s’exclame.)

Il ne s’agit pas, pour nous, d’équilibrer les comptes sans songer aux pensions ni formuler de propositions justes. C’est pourquoi nous répétons – et nous ne cesserons de le faire – qu’il existe d’autres choix. Nous les avons développés tout au long de nos amendements, et Dominique Watrin, notamment, dans son propos introductif et conclusif, l’a dit abondamment.

Je le répète, nous avons proposé des solutions de financement alternatives qui n’ont pas été retenues par le Sénat, comme la taxation des revenus financiers, la modulation des cotisations sociales en fonction de la politique salariale des entreprises, ou encore l’égalité réelle de rémunération entre les femmes et les hommes, qui engendrerait – une étude de la Caisse nationale d’assurance vieillesse le démontre – des recettes supplémentaires.

Beaucoup ont rendu hommage, tout au long de cette semaine de débats, à Ambroise Croizat. Malheureusement, je dois le dire avec beaucoup de consternation et aussi beaucoup de solennité, le projet de loi qui a été proposé par le Gouvernement, comme celui qui ressort de nos débats, est diamétralement opposé aux valeurs portées par Ambroise Croizat. Il ne faut donc pas se réclamer de son héritage lorsqu’on va à l’encontre des valeurs de solidarité qu’il a développées et qui ont été, tout au long de nos débats, foulées aux pieds.

Je tenais à le dire car il est un peu facile d’en appeler à la mémoire de grands hommes qui ont fait progresser l’humanité quand, à l’inverse, on fait tout pour que soit institué un système de retraite par capitalisation.

M. Jean-Claude Lenoir. Vous parlez du général de Gaulle ?

Mme Éliane Assassi. Guy Mocquet, Ambroise Croizat ; vous aussi, vous savez les utiliser !

Mme Laurence Cohen. Je parle de ceux qui se sentent concernés et, si vous vous sentez morveux, il faut vous moucher (Oh ! sur les travées de l'UMP. – M. Jean-Claude Lenoir rit.),…

M. Alain Gournac. La leçon des communistes !

Mme Isabelle Debré. Nos débats avaient pourtant été corrects !

Mme Laurence Cohen. … pour le dire de manière extrêmement familière, mais c’est aussi un proverbe, que chacun peut comprendre !

Nous allons en tout cas continuer à faire des propositions, à porter des mesures d’espoir pour l’ensemble des femmes et des hommes qui veulent que les choses évoluent et qui veulent vivre décemment avec des pensions convenables.

M. Alain Gournac. On n’est pas des dindons ! Les rois des dindons, c’est eux ! (M. Alain Gournac désigne les travées du groupe CRC.)

Mme Laurence Cohen. Lorsqu’on siège au Sénat, il est extrêmement important d’entendre les paroles de ces personnes pour transformer les choses.

M. le président. Je vous prie de conclure, madame Cohen.

Mme Laurence Cohen. Je n’ai dépassé mon temps de parole que d’une minute, monsieur le président, mais je vais conclure en disant que le débat est peut-être clos au Sénat pour l’instant, mais, pour nous, il va se poursuivre à la fois au niveau parlementaire et avec les femmes et les hommes qui vont se battre contre cette réforme inique. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de l’examen de ce projet de loi, intitulé « avenir et justice du système de retraites ». On pouvait difficilement trouver titre plus inapproprié, pour ne pas dire publicité plus mensongère.

En effet, ce projet de loi, malheureusement, ne règle en rien les questions d’avenir – on sait très bien qu’on n’aura à peine un tiers des 20 milliards à 22 milliards d'euros nécessaires – et ne fait en rien progresser la justice puisqu’il n’a trait qu’au régime général et ne vise nullement à combler les inégalités qui existent notamment entre les retraités du secteur public et ceux du secteur privé.

M. Pierre Martin. Très bien !

M. Hervé Maurey. Surtout, ce projet de loi est bien loin de la grande réforme ambitieuse qui nous avait été annoncée par la ministre ici présente. Je me souviens l’avoir entendue dire au Sénat, à l’occasion des questions au Gouvernement, qu’on allait voir ce qu’on allait voir, que le Gouvernement allait proposer une réforme ambitieuse, contrairement au précédent gouvernement qui avait manqué de courage.

C’était assez cocasse ou assez irritant, selon la façon qu’on a de réagir. Ainsi que Jean-Claude Lenoir l’a rappelé, ceux qui étaient parlementaires en 2010 se rappellent certainement le total déni dans lequel se trouvait l’opposition de l’époque, allant jusqu’à nier la nécessité de réformer le système des retraites.

Mme Christiane Demontès, rapporteur. C’est faux, mais vous n’étiez pas souvent présent !

M. Hervé Maurey. C’était vraiment insupportable. C’est d'ailleurs à cette occasion que j’ai mesuré, moi qui étais jeune parlementaire, le manque de sens des responsabilités et la terrible démagogie qui régnaient sur certaines des travées de cet hémicycle.

On nous avait donc promis une réforme ambitieuse et, finalement, on a vu ce qu’on a vu :…

M. Alain Gournac. On n’a rien vu !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Bien sûr, vous n’étiez pas là !

M. Hervé Maurey. … on a un texte qui, comme cela a été souligné, vise uniquement à augmenter encore les cotisations qui pèsent sur les salariés.

Alors, où en sommes-nous ce soir ? On a un texte en lambeaux. Il a été rejeté par la commission, il a été détricoté tout au long de son examen.

Bien sûr, avec mon collègue Gérard Roche, je me réjouis que nous ayons adopté un système de retraite par points. Mais ce système, que le groupe centriste appelait de ses vœux depuis de nombreuses années, ne suffit pas à rendre ce texte cohérent ou ambitieux. Et naturellement, comme tout le monde, allais-je dire, ce n’est pas très original, nous allons voter contre ce texte.

Ce qui est très original en revanche, c’est qu’un texte fasse l’unanimité contre lui. C’est, me semble-t-il, quasiment une première dans l’histoire parlementaire.

M. Jean Bizet. C’est exact !

M. Hervé Maurey. Vous me direz que le Gouvernement est aussi en passe de faire l’unanimité contre lui. C’est quand même une situation assez exceptionnelle et, ce soir, nous allons collectivement, mais vous plus que d’autres, madame la ministre, entrer dans le Livre des records en ayant un projet de loi rejeté par l’ensemble de cet hémicycle.

Le problème, c’est qu’une fois de plus, sur ce texte, comme sur toutes les prétendues réformes qu’il nous propose, le Gouvernement manque singulièrement d’ambition. À vouloir ménager la chèvre et le chou, il aboutit à la situation tout à fait extraordinaire de voir son texte rejeté à l’unanimité. C’est un cinglant désaveu.

Déjà, à l’Assemblée nationale, il avait été adopté dans des conditions peu glorieuses puisqu’il n’avait même pas été voté par une partie du groupe socialiste. Mais, là, nous atteignons le paroxysme. Ce désaveu est une première, mais, je le crois, madame la ministre, bien d’autres suivront pour le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. Jean Bizet. Eh oui !

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Je n’avais pas prévu d’intervenir parce que je considérais que, d’une certaine manière, tout avait été dit ce soir. (M. Jean Bizet s’exclame.)

M. Bruno Sido. Et non !

M. Claude Jeannerot. Néanmoins, je veux revenir sur les dernières interventions qui révèlent des manipulations. Je veux notamment défendre ici publiquement l’engagement du Gouvernement…

MM. Alain Gournac et Jean Bizet. Oh !

M. Claude Jeannerot. Eh oui ! Car, mes chers collègues, il ne faut pas tout mettre sur le même plan.

Lorsque ce texte a été examiné par l'Assemblée nationale, Mme la ministre ici présente a tenu les propos suivants : « Nous reprenons le flambeau des conquêtes sociales passées et nous renouons avec l’ambition d’un modèle de cohésion qui a forgé l’identité de notre pays. »

M. Alain Gournac. C’est nul ! Paroles, paroles !

Mme Éliane Assassi. C’est incroyable !

M. Claude Jeannerot. À l’issue d’une semaine de débats, qui ont parfois été intéressants en ce qu’ils ont porté sur de véritables questions, force est de reconnaître que la déception est au rendez-vous. Nous aurions aimé – en tout cas, une fraction de l’hémicycle – partager, ce soir, l’appréciation de Mme la ministre.

M. Alain Gournac. C’est purement déclaratif !

M. Claude Jeannerot. Non !

Chers collègues de l’opposition, vous prétendez que les réformes de 2003 et 2010 sont le support de ce qui nous est aujourd'hui présenté. Pour ma part, je veux souligner les éléments de rupture portés par ce texte, qui constitue, à mes yeux, un élément de progrès.

Il est, par exemple, incontestable que le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, puisque c’est celui qui a été soumis à notre examen, permettait de sécuriser le système de retraite par répartition : il comportait un certain nombre d’éléments allant en ce sens. Mais, surtout, ce texte instaurait des droits nouveaux, qui s’incarnaient tout particulièrement, reconnaissez-le, mes chers collègues, dans la prise en compte de la pénibilité, sous le double angle de la réparation et de la prévention.

Or il est tout à fait regrettable que nous n’ayons pas été collectivement en mesure de prendre en considération ce qui constituait un véritable progrès.

Je le dis simplement ce soir, nous aurions aimé, à l’instar de nos collègues députés, saluer la démarche de progrès présentée dans ce texte.

Comme cela a été dit, ce texte n’existe plus, et c'est tout simplement la raison pour laquelle – il ne faut pas chercher de raisons compliquées ! – nous ne le voterons pas. J’observe d’ailleurs qu’il est devenu totalement hybride, exhalant de très forts relents de libéralisme. Mais il ne va pas encore assez loin (Exclamations sur plusieurs travées de l’UMP.), puisque l’UMP refuse de l’approuver.

Point n’est besoin de faire de longs développements pour revenir sur les raisons qui nous conduisent à repousser ce texte. (M. Bruno Sido s’exclame.) Mais permettez-moi d’ajouter tout de même une chose.

Il y a quelques instants, un de nos collègues de l’opposition a longuement expliqué que nous manquions de courage dans la mesure où, en particulier,…

M. Alain Gournac. Vous en manquez en général !

M. Claude Jeannerot. Je n’ai pas pour habitude d’interrompre mes collègues ! Aussi, je vous saurai gré de faire de même !

Il a notamment souligné, disais-je, que nous n’avions pas encore eu le courage de présenter un texte sur la dépendance.

Alors qu’on nous promettait d’année en année un texte sur la dépendance, je n’ai pas le souvenir que nous ayons vu un embryon de texte sur ce sujet durant les cinq dernières années.

M. Claude Jeannerot. Or le Premier ministre – je vous l’annonce, car vous n’avez peut-être pas été assez attentifs ! – présentera dans les tout premiers mois de l’année 2014 un texte dont je vous donne l’intitulé : projet de loi sur l’adaptation de la société française…

M. Claude Jeannerot. … au vieillissement. C’est un sujet, il faut le rappeler, que vous avez délibérément écarté au cours de ces cinq dernières années. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) C’est nous qui le porterons ici même !

M. Alain Gournac. On verra !

M. Claude Jeannerot. Il complétera ce qui a été engagé.

M. Alain Gournac. On verra, pour le courage !

M. Claude Jeannerot. Oui, nous en parlerons bientôt dans cette enceinte. (M. Bruno Sido martèle son pupitre en signe d’impatience). Ce texte n’est pas repoussé aux calendes grecques ; nous l’examinerons dans les prochaines semaines, au début de 2014. Nous aurons alors une nouvelle occasion d’accueillir Mme la ministre des affaires sociales et de la santé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary.

M. René-Paul Savary. Je voudrais revenir sur les propos de Claude Jeannerot.

Le texte qui nous a été présenté contenait un certain nombre de symboles, qu’il vous faudra éviter de reproduire si vous voulez que le texte sur la dépendance soit adopté.

Nous n’aurons rien à gagner à arriver à la même conclusion,…

Mme Christiane Demontès, rapporteur. On vous fait confiance, monsieur Savary !

M. René-Paul Savary. … et nos concitoyens non plus.

Le texte dont nous discutons est symbolique d’une méthode largement répétée, qui aboutit toujours à la même issue : faire l’unanimité contre vous, madame la ministre !

Vos méthodes, nous commençons à les connaître : vous commencez par critiquer la droite.

À cet égard, permettez-moi de revenir, madame la ministre, sur vos propos liminaires. Vous avez rappelé que la réforme de 2010 était injuste, qu’elle avait été menée avec force et brutalité (M. Alain Gournac s’exclame.)

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Eh oui ! La preuve en est !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Ça, c’est vrai !