Mme Laurence Cohen. Le centre socio-médico-judiciaire de sûreté de Fresnes a vu le jour en 2008, sur décision du garde des sceaux de l’époque, Mme Rachida Dati.

Ainsi, la loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental dispose : « À titre exceptionnel, les personnes dont il est établi […] à la fin de l’exécution de leur peine, qu’elles présentent une particulière dangerosité […] parce qu’elles souffrent d’un trouble grave de la personnalité, peuvent faire l’objet à l’issue de cette peine d’une rétention de sûreté ».

C’était l’époque de la surenchère en matière de politique pénale, en réponse hâtive à un fait divers. Un montant de 850 000 euros a été investi pour mettre en place cet hôpital-prison, le seul en France.

Ce dispositif a été pensé comme le moyen de lutte contre la récidive des personnes ayant commis certains des crimes les plus graves et qu’il faudrait tenir éloignées de la société, même une fois leur peine purgée.

Il est à souligner que, depuis son ouverture, seuls quatre hommes y ont été placés et qu’il est vide à présent. Certes, les personnes condamnées avant le vote de la loi ne sont pas concernées, ce qui, de fait, repousse à 2023 la pleine application du texte qui vise les personnes condamnées à quinze ans de prison.

Nombreux sont néanmoins les parlementaires à considérer que ces dispositions sont attentatoires aux libertés fondamentales dans la mesure où les personnes sont placées dans cet établissement non pas pour des faits commis, mais en raison de risques supposés. Cette privation de liberté pose donc un problème d’éthique et de déontologie dans un État de droit.

Par ailleurs, de nombreux dysfonctionnements ont été identifiés, notamment par l’Observatoire international des prisons. Voilà quelques semaines, lorsque je me suis rendue sur place accompagnée de mon collègue Christian Favier, j’ai moi-même pu constater que les hommes visés n’ont accès à aucune activité et ne bénéficient pas d’aide ou de suivi social. Le programme de soins n’est pas mis en place, notamment lorsqu’ils doivent être hospitalisés à l’extérieur. Leur statut particulier, pour ne pas dire ambigu, rend leur prise en charge complexe : en effet, ce ne sont ni des prisonniers à proprement parler ni des patients.

Les personnels pénitentiaires et sanitaires, qui ne sont pas assez nombreux, semblent par ailleurs assez démunis face à ce flou juridique qui pose notamment la question de la responsabilité en cas de problème.

Comme vous le savez, les membres du groupe CRC, auquel j’appartiens, ont déposé au mois de mai 2012 une proposition de loi visant à supprimer la rétention de sûreté. Je sais que le groupe RDSE a déposé un texte quasiment identique au mois de juillet suivant. De surcroît, Mme la garde des sceaux elle-même s’est prononcée pour cette suppression au mois de décembre 2012.

Il s’agit non pas de balayer d’un revers de main les problèmes posés par la récidive ou la dangerosité de certains détenus à la fin de leur peine, mais bien de les traiter en amont, c’est-à-dire durant l’emprisonnement.

Pour mon groupe, il est impératif de réfléchir, parallèlement à la fermeture du centre de Fresnes, à la mise en place d’alternatives, en nous appuyant sur la réflexion des personnels pénitentiaires de santé comme de surveillance auxquels une longue expérience permet de présenter une expertise de qualité.

Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, comment Mme la garde des sceaux, laquelle n’a pu être présente aujourd'hui, envisage ces problématiques dans le cadre de la future réforme pénale qu’elle va prochainement proposer.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire. Madame la sénatrice, vous le savez, le centre socio-médico-judiciaire de sûreté de Fresnes, créé par la loi de 2008, est installé au sein de l’établissement public de santé national de Fresnes mais fonctionne de manière totalement indépendante.

Il est régi par un règlement intérieur et des conventions conclues avec le centre hospitalier Paul-Guiraud Villejuif. L’ensemble des personnels sanitaires ainsi mis à disposition coopèrent à la prise en charge des personnes retenues.

Conformément à la loi, ces dernières doivent bénéficier d’une prise en charge médico-psychologique et d’un projet de soins associant des prises en charge individuelles et de groupe. Dès leur arrivée, des entretiens avec un psychiatre, des infirmiers psychiatriques et des psychologues sont proposés par l’équipe psychiatrique du centre hospitalier Paul-Guiraud Villejuif.

En vertu des dispositions du code de procédure pénale, la personne retenue a la possibilité de bénéficier d’actions de formation, d’activités culturelles, sportives et de loisirs, dont une partie peut s’effectuer à l’extérieur.

L’encadrement quotidien et l’organisation des activités sont dévolus à des éducateurs recrutés et financés conjointement par le ministère de la justice et le ministère des affaires sociales et de la santé. La personne retenue bénéficie également d’un suivi social et d’un accompagnement dans son projet de sortie. Les conseillers du service pénitentiaire d’insertion et de probation du Val-de-Marne sont également impliqués, vous le savez, dans ce processus.

À ce jour, quatre personnes ont été provisoirement retenues pour une durée chaque fois inférieure à trois mois, dans le cadre du non-respect des obligations de la surveillance de sûreté. Les juridictions régionales de la rétention de sûreté n’ont en effet pas confirmé ces quatre placements.

Actuellement, la suppression de la rétention de sûreté n’a pas été arrêtée dans le cadre du projet de loi de réforme pénale – c’était le cœur de votre question –, qui traite surtout de la petite et moyenne délinquance.

Cependant, je tiens à le réaffirmer très clairement, Mme la garde des sceaux maintient ses propos qualifiant la rétention de sûreté de peine attentatoire aux libertés, puisque cette rétention est appliquée à des personnes qui pourraient commettre un crime et non pas à celles qui en ont effectivement commis un.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Je ne suis pas étonnée de l’engagement de Mme la garde des sceaux, compte tenu des propos qu’elle a effectivement tenus au mois de décembre dernier et dont vous venez de nous faire part.

Cela étant, nous devons vraiment mener une réflexion en vue de la suppression du centre en cause. L’ayant visité, je peux témoigner que ses locaux sont flambant neufs, contrastant fortement avec la réalité des prisons, notamment de celle de Fresnes.

Ce que vous décrivez, monsieur le ministre, existe sur le papier mais pas dans les faits. En effet, les personnels pénitentiaires et de santé avec lesquels j’ai discuté très longuement affirment leur incapacité à répondre aux besoins des personnes retenues, qui ne sont ni des prisonniers à part entière ni des patients. En outre, ils déplorent l’inexistence d’un véritable statut pour ces personnes et regrettent, lorsqu’ils doivent les accompagner à l’hôpital pour un examen, d’être contraints de les menotter, ce qui n’est juridiquement pas justifié.

Nous touchons vraiment du doigt la réalité du système pénitentiaire, entouré d’un flou énorme et entaché de dysfonctionnements patents. En fait, il faut agir sur l’accompagnement de ces individus pendant tout le temps de leur détention, et pas seulement au moment de leur sortie, afin de se rendre compte de leur dangerosité réelle.

En outre, je vous le répète, aucune personne n’est internée dans ces locaux, ce qui représente un véritable gâchis ! Parmi les quatre personnes qui y ont été retenues, l’une n’a plus aucun contact avec les services sociaux et l’on ne sait pas du tout où elle se trouve. Par conséquent, le passage par ce centre de rétention peut s’avérer encore plus dangereux.

J’appelle votre attention, monsieur le ministre, pour qu’il soit mis fin à ce genre d’atteintes aux libertés.

extension de l'aéroport de paris-orly

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, en remplacement de M. Christian Cambon, auteur de la question n° 632, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie d’excuser l’absence de Christian Cambon, qui a dû assister à des obsèques.

Sa question intéresse tous les élus et parlementaires du Val-de-Marne, puisqu’elle porte sur un dossier, monsieur le ministre, que vous maîtrisez parfaitement : le cadre de vie des milliers de riverains de l’aéroport d’Orly.

Cet aéroport fait l’objet d’un programme d’extension de la part d’Aéroports de Paris – ADP –, société privée mais dont l’État est actionnaire majoritaire. Ce programme, d’un montant de 450 millions d’euros, vise ainsi à accroître les capacités d’Orly afin d’accueillir 50 % de trafic supplémentaire.

À cette fin, 100 000 mètres carrés de surfaces additionnelles sont en cours de réalisation, notamment une nouvelle aérogare, joignant les terminaux Ouest et Sud, ainsi qu’un satellite d’embarquement dédié aux gros-porteurs.

Une enquête publique a bien été ouverte et s’est déroulée jusqu’au 9 novembre 2013, mais elle n’a concerné qu’une fraction du programme de travaux et, surtout, n’a été mise en œuvre que dans cinq communes limitrophes.

Pourtant, plus de trente autres villes du Val-de-Marne, de l’Essonne, et même de Seine-et-Marne, sont touchées par le plan de gêne sonore de l’aéroport. Or elles ne figuraient pas dans le périmètre de cette enquête.

Face à l’augmentation du nombre de passagers qui devrait passer, selon ADP, de 27 millions à 40 millions, et alors qu’aucune nouvelle plateforme n’est prévue pour absorber la hausse du trafic aérien, les élus du Val-de-Marne et certains de l’Essonne s’élèvent contre un dépassement de l’objectif de plafonnement de cet aéroport enclavé à 200 000 mouvements. Ils s’opposent également à l’objectif annoncé d’accueillir de gros-porteurs en nombre, ce qui aurait pour conséquence une augmentation des nuisances sonores, de la pollution de l’air, des contraintes d’urbanisme, ainsi que des risques d’accident.

Il est donc normal que les riverains de toutes les communes concernées puissent être consultés, avoir accès aux documents techniques du projet et donner leur avis.

Croyant savoir que le ministère s’est déjà prononcé sur cette question, notamment lors d’une audience accordée à l’association Ville et Aéroport, au cours de laquelle vous vous seriez déclaré favorable à un élargissement de la consultation aux communes concernées, Christian Cambon vous demande, par mon intermédiaire, de confirmer votre accord pour élargir la concertation sur ce projet. D’ailleurs, depuis que mon collègue a posé cette question, la commission d’enquête publique a rendu un avis favorable à l’extension de l’aéroport et suggéré que la Commission nationale du débat public mène une enquête à cette fin.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice, après votre exposé de la situation, je ne reviendrai pas sur la description du projet visé, bien connu maintenant. Je soulignerai juste qu’il est erroné de continuer à parler de 40 millions de passagers en termes de cible de trafic sur lequel ce projet a été élaboré. L’enjeu auquel doit répondre ADP est, conformément à sa mission, de traiter convenablement la croissance naturelle du trafic à venir, établie à environ 32 millions de passagers, comme cela est indiqué dans les documents du dossier d’enquête publique.

Je constate que ce projet suscite des inquiétudes – j’ai eu l’occasion de rencontrer les élus des communes visées dont vous vous faites le porte-parole, madame la sénatrice –, bien qu’ADP ait déjà procédé à une cinquantaine de présentations au profit d’une centaine d’élus de collectivités riveraines. Je vous confirme que, à la suite de ma rencontre avec l’Association Ville et Aéroport, à laquelle vous avez fait référence, ADP a accédé à ma demande de poursuivre ses démarches de présentation auprès des communes concernées par le plan de gêne sonore en envoyant d’ores et déjà un courrier à tous les maires de ces communes pour les inviter à reprendre contact s’ils le souhaitent.

L’objectif de ce projet est de moderniser l’outil aéroportuaire d’Orly afin de le mettre au niveau des standards internationaux de qualité de service pour les passagers et, ce faisant, de renforcer le bénéfice socio-économique des territoires desservis. Il ne s’agit aucunement, je le réaffirme avec force, de promouvoir un développement effréné du trafic au détriment des populations qui seraient touchées par les nuisances résultant des activités aériennes.

Le Gouvernement n’aurait d’ailleurs jamais apporté son soutien à un projet qui aurait pour conséquence de revenir sur les caractéristiques fondamentales attachées à l’aéroport d’Orly que sont, par exemple, le couvre-feu nocturne et le plafond de 250 000 créneaux horaires par an. Tous les riverains peuvent être convaincus que le Gouvernement ne procédera à aucun bradage sur ces deux points. Nous y sommes extrêmement attentifs, comme je l’ai rappelé aux élus que j’ai rencontrés.

Par ailleurs, ce projet ne porte pas en lui un accroissement significatif du nombre de mouvements par gros-porteurs, aucune évolution majeure n’étant attendue dans les types de trafic et de destinations sur cet aéroport d’Orly. Notons au passage que l’utilisation de gros-porteurs me paraît aller dans le bon sens du point de vue tant de l’écologie que de l’optimisation. De surcroît, du fait des progrès technologiques, ces engins sont moins bruyants que certains moyens-porteurs actuels.

En outre, que tous soient également rassurés sur le fait que seront respectées les normes de sécurité quels que soient les types d’avions utilisés.

Pour conclure, je souhaite souligner que j’ai reçu le soutien des treize maires des communes membres de l’Association des communes et communautés du Grand Orly. Ceux-ci m’ont fait connaître leur adhésion à ce projet. Pour autant, je sollicite la mise en place d’une concertation optimisée. ADP a répondu en ce sens. Par ailleurs, je suis extrêmement attentif aux préoccupations exprimées par la population et relayées par les élus.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos propos rassurants, quant à la rentabilité et au coût des avions.

Cela étant, le rapport rendu par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sur l’avenir de l’aviation civile explique que la situation va fortement évoluer dans le futur. Il est normal, eu égard au tissu urbain aussi dense que celui de l’aéroport d’Orly, que les riverains des communes concernées, dans un rayon très étendu, éprouvent certaines inquiétudes.

Pour notre part, nous estimons que la modernisation d’Orly est indispensable, car le plus vieil aéroport de la région parisienne n’était plus très pratique. Ses bâtiments seront plus opérationnels et permettront d’améliorer le tourisme d’affaires.

Cependant, une crainte demeure pour les gros-porteurs. Je ne suis pas une technicienne de l’aviation, mais d’aucuns se demandent si ces avions, même de nouvelle génération, ne seraient pas plus bruyants que les anciens. Les nuisances subies par les riverains ne risquent-elles pas d’augmenter ?

Par ailleurs, l’arrêté du 13 mars 2013 a abaissé les recettes de la taxe sur les nuisances sonores aériennes, qui finançait l’aide accordée pour l’insonorisation des logements situés à proximité de l’aéroport. En outre, la loi de finances pour 2014 a limité ces recettes à 49 millions d’euros, soit 6,5 millions d’euros de moins qu’en 2012, tout en élargissant paradoxalement le périmètre de couverture.

Dans ces conditions, comment les riverains pourraient-ils ne pas être inquiets et ne pas se demander s’il n’existe pas une contradiction entre, d’un côté, l’affichage du Gouvernement, qui affirme soutenir le projet d’extension de l’aéroport d’Orly sous réserve que les contraintes imposées respectent les riverains, et, de l’autre, les mesures proposées.

En tout état de cause, je me réjouis que la consultation puisse être étendue. Compte tenu de l’étonnement de la commission d’enquête face au nombre de remarques qu’elle a reçues et des inquiétudes exprimées à ce sujet, il est légitime que nous allions plus loin pour y répondre.

financement des maisons de l'emploi et de la formation

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, auteur de la question n° 605, adressée à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la situation actuelle et à venir des maisons de l’emploi et de la formation.

Comme vous le savez, ces structures, créées en 2005, sont placées sous la responsabilité des collectivités territoriales et sont financées en grande partie par l’État. Elles développent, avec l’ensemble de leurs partenaires, publics et privés, des diagnostics et construisent des plans d’actions au plus près des attentes et des besoins du marché de l’emploi, du territoire sur lequel elles sont installées.

Véritable outil territorial de proximité, à la fois réactif et adaptable, ces maisons de l’emploi sont vraiment au cœur des réalités locales et des mutations économiques territoriales. Lorsqu’elles fonctionnent pleinement – c’est le cas d’une majorité d’entre elles –, elles limitent la dégradation des situations rencontrées sur leur bassin d’emploi, en gérant territorialement les ressources humaines, en favorisant la mobilité tant géographique que professionnelle et en travaillant activement, en amont, à la réduction des freins à l’embauche.

Dans un contexte de crise économique et de chômage persistant, ces maisons représentent, sans conteste, des acteurs primordiaux qui peuvent apporter une vraie valeur ajoutée aux politiques nationales en faveur de l’emploi. Elles ont déjà fait leurs preuves.

Par ailleurs, alors que, depuis leur création, les crédits alloués à leur fonctionnement ont été réduits, elles ont su évoluer jour après jour, notamment en mettant en œuvre le deuxième cahier des charges publié en 2008, en s’adaptant constamment aux forces et faiblesses de leur territoire et en essayant d’optimiser leurs actions.

Aujourd’hui, compte tenu des réductions drastiques de crédits confirmées par le Gouvernement – les autorisations d’engagement sont divisées par deux, puisqu’elles passent de 54 millions d'euros à 26 millions d'euros, ce qui représente tout de même une baisse considérable – et de l’incertitude concernant la programmation des fonds sociaux européens pour la période 2014-2020, les maisons de l’emploi sont inquiètes.

Il est impensable de remettre en cause la continuité du travail de qualité qui a été entrepris jusqu’à maintenant, en particulier par les structures qui ont créé un véritable dialogue territorial avec les acteurs économiques et les branches professionnelles. Ces structures complètent les agences de Pôle Emploi sans leur faire concurrence ni créer de doublon ; les unes et les autres fonctionnent de manière très complémentaire. Il est donc important de soutenir et d’encourager les maisons de l’emploi, à travers un nouveau cahier des charges qui ne restreigne pas de façon excessive leur champ d’intervention.

Outre la mise en place annoncée d’une enveloppe supplémentaire de 10 millions d'euros destinée à des projets relatifs à la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences, la GPEC, territoriale, je souhaite connaître les mesures précises que le Gouvernement envisage afin de maintenir le niveau de financement de ces organismes – il s’agit de leur permettre de perdurer, de ne pas disparaître – et de prendre en compte la situation spécifique de chaque maison de l’emploi pour que toutes puissent pleinement participer, au-delà de l’année prochaine, à la rénovation du service public de l’emploi et à la réussite des politiques de l’emploi de demain.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu attirer l’attention de mon collègue Michel Sapin, dont je vous prie d’excuser l’absence, sur le financement des maisons de l’emploi.

La priorité donnée par le Gouvernement à l’emploi et à la lutte contre le chômage est confirmée par la croissance des crédits qui y sont consacrés : ceux-ci augmentent d’environ 7 % par rapport à 2013. Toutefois, cette priorité ne nous exonère pas d’un questionnement sur le périmètre d’intervention de l’État. La loi de finances pour 2014 prévoit ainsi une diminution des crédits affectés aux maisons de l’emploi et confirme le recentrage des missions financées par l’État, que le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a souhaité mettre en œuvre à partir de 2014.

L’ensemble des rapports récents soulignent en effet le manque de clarté des missions confiées aux maisons de l’emploi, qui apparaissent très hétérogènes selon les implantations. Le rôle de ces structures doit être clarifié. Comme Michel Sapin l’a expliqué, la diminution par deux des crédits – les autorisations d’engagement passent de 54 millions d'euros en 2013 à 26 millions d'euros en 2014 – ne signifie pas une diminution uniforme pour toutes les maisons de l’emploi.

La principale plus-value apportée par ces dernières aux acteurs du service public de l’emploi, aux partenaires sociaux et aux collectivités, est la GPEC à l’échelon territorial. Les parlementaires ont donc souhaité, avec l’accord du Gouvernement, compléter les crédits affectés aux maisons de l’emploi par une enveloppe supplémentaire de 10 millions d'euros destinée à des projets relatifs à la GPEC territoriale élaborés par les maisons de l’emploi dans chaque région.

Dès 2014, les maisons de l’emploi devront par conséquent concentrer leur activité subventionnée par l’État sur des actions ciblées, en veillant à leur qualité et à l’absence de concurrence avec d’autres acteurs intervenant sur le même territoire. Les actions ciblées relèveront des champs suivants : la participation à l’anticipation et à l’accompagnement des mutations économiques et la contribution au développement de l’emploi local. Cette évolution de l’activité des maisons de l’emploi se traduira par une révision de l’arrêté du 21 décembre 2009 portant cahier des charges des maisons de l’emploi. Les crédits de l’État seront affectés aux maisons de l’emploi à partir d’une méthodologie commune basée sur des critères objectifs. Sur cette base, l’allocation des crédits de l’État au titre du fonctionnement des structures sera différenciée selon la plus-value de chacune d’entre elles.

Par ailleurs, le ministre du travail a demandé aux préfets de travailler avec les collectivités locales responsables de ces structures à la recherche de mutualisations et de regroupements de structures sur des bassins d’emploi. Ce dialogue concernera également l’évolution des structures et l’accompagnement des personnels, qui pourraient, en fonction des décisions locales, être amenés à rechercher des perspectives professionnelles auprès d’autres partenaires, tels que Pôle Emploi, les missions locales ou les cités des métiers.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.

M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le ministre, votre réponse comporte des éléments intéressants, mais il faut éviter de jeter le bébé avec l’eau du bain.

Pour le dire sans langue de bois, lors de la montée en puissance des maisons de l’emploi – en tant qu’élu local, je l’ai suivie de près –, il a fallu que l’on se batte contre l’administration et contre le sentiment selon lequel seul un service public centralisé pouvait gérer les problématiques d’emploi. Nous avons su développer les maisons de l’emploi, souvent à partir d’expériences préexistantes ; les maisons de l’emploi qui fonctionnent ne sont pas apparues en 2005 sur des territoires inexplorés. Nous avons vraiment obtenu des résultats, avec davantage d’adaptabilité et de réactivité, même si sont apparues des tensions avec Pôle Emploi, qui montait également en puissance, pour des raisons tout à fait compréhensibles.

Si l’on n’y prend garde, on va recentraliser, comme trop souvent, et y compris en ce moment, dans notre pays. Il y aura toujours de bons esprits, dans les administrations centrales, pour pointer un certain nombre d’échecs – ils existent – afin de pousser à la recentralisation. La rareté de l’argent public peut aussi y inciter. Cependant, on perd du même coup la capacité de prendre des décisions au plus près des réalités, d’être réactif, de s’adapter à des terrains économiques très divers. C’est dommage.

Monsieur le ministre, ce qu’il y a de positif dans votre réponse, c’est l’idée qu’il faut analyser la diversité des situations – les réussites comme les échecs – et apporter une réponse financière en fonction des résultats, a fortiori dans un contexte de marges de manœuvre très faibles. On peut certes faire disparaître sans le dire les maisons de l’emploi – la vie continuera –, mais ce serait vraiment dommage. Je pense qu’il faut au contraire aider les maisons de l’emploi à évoluer, afin qu’elles trouvent leur place à côté du service public tout en agissant peut-être plus près du terrain.

élèves en situation de handicap dans le réseau de l’enseignement français à l’étranger

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, auteur de la question n° 604, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger.

Mme Claudine Lepage. La loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République a apporté des avancées historiques pour les élèves en situation de handicap, puisqu’elle prévoit que le service public de l’éducation « veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction ». Les moyens mis en œuvre pour garantir cette inclusion sont considérables. Notre assemblée avait déjà montré, dans un rapport du mois de juillet 2012 évaluant l’application de la loi de 2005 sur le handicap, les avancées notables réalisées dans le domaine de l’éducation. La hausse de 3,4 % du budget consacré au handicap dans la loi de finances pour 2014 est également un signe fort d’une politique volontariste dans ce domaine.

Je me félicite que la prise en change du handicap dans l’enseignement français à l’étranger ait également été améliorée. Pour la majorité des 2 159 élèves en situation de handicap scolarisés dans le réseau, les effets de cette scolarisation sont positifs, grâce aux nombreux dispositifs gérés par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE ; je pense notamment au projet personnalisé de scolarisation, mis en place à la rentrée 2012. La circulaire du 27 décembre 2011 définit les modalités d’organisation des examens et concours pour les Français de l’étranger présentant un handicap, alors que la circulaire de 2006 n’évoquait que le territoire national. L’AEFE a également recruté à la rentrée 2012 une adjointe au chef du service pédagogique spécialiste du handicap, ainsi que davantage d’inspecteurs « adaptation scolaire et scolarisation des élèves handicapés ».

Néanmoins, des problèmes subsistent. Par exemple, l’information des familles est imparfaite. L’aide à la prise en charge par un auxiliaire de vie scolaire, un AVS, est insuffisante, puisqu’elle ne concerne que les familles boursières. Les AVS sont recrutés et rémunérés par les familles. Leur formation et leur professionnalisation doivent être améliorées. L’absence de services de soins adaptés, notamment du point de vue de la langue, est une difficulté persistante, de même que le manque de personnels agréés pour élaborer des diagnostics médicaux permettant d’obtenir des aménagements d’examens. La formation des enseignants sur la question du handicap n’est pas assez poussée.

Il est d’autant plus nécessaire de s’assurer qu’aucun enfant handicapé ne puisse être exclu de fait des établissements d’enseignement français à l’étranger qu’il n’existe parfois aucune alternative dans le système local. C’est pourquoi, madame la ministre, je vous remercie d’ores et déjà de m’indiquer quelles mesures le Gouvernement va encore mettre en œuvre afin de poursuivre dans la voie d’une meilleure prise en charge du handicap dans l’enseignement français à l’étranger.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.