M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l’article.

M. Claude Domeizel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne vais pas revenir sur les bienfaits de la semaine de quatre jours et demi pour les enfants : il n’est pas besoin d’être fin pédagogue ou fin psychologue pour comprendre qu’il vaut mieux que ces derniers aillent en classe cinq matinées plutôt que quatre – ne serait-ce que sur le plan des rythmes scolaires.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Nous sommes tous d’accord !

M. Claude Domeizel. Bien sûr, toute réforme bouscule un peu. Toutefois, dans mon département, j’ai réalisé une enquête de satisfaction auprès des communes qui avaient choisi de mettre en œuvre la réforme : leur appréciation va de « bien » à « très bien ».

Peut-être suis-je dans un département particulier.

Mme Françoise Cartron. Un département qui a bien accompagné la réforme !

M. Claude Domeizel. En tout état de cause, le bilan y est plutôt bon.

Je veux rappeler que les rythmes scolaires, c’est une vieille histoire.

Mme Françoise Cartron. C’est sûr !

M. Claude Domeizel. Quand on a institué le jeudi comme jour sans classe, c’était en fait pour permettre aux élèves de l’école laïque et obligatoire de continuer à bénéficier d’une instruction religieuse, de suivre le catéchisme. La journée sans classe est ensuite passée du jeudi au mercredi, pour des raisons d’équilibre au sein de la semaine.

Petit à petit, incitées par les parents, les communes se sont aperçues qu’il fallait occuper les enfants qui jouaient à faire voguer des bateaux en papier dans les caniveaux ou allaient travailler dans les champs. C’est ainsi que sont nées les activités périscolaires dans la plupart des communes, celles-ci participant à leur organisation.

Je ne sais plus quel ministre a ensuite supprimé la classe du samedi après-midi, qui était, à l’école, un moment privilégié, au point que certains parlaient de « dimanche de l’école ».

Et puis, M. Darcos, pour des raisons tenant à la vie familiale, a supprimé la classe du samedi matin. On est alors passé de quatre jours et demi à quatre jours par semaine.

Par ce rappel historique, je veux insister sur le rôle des différents acteurs. Les enfants – comme, d'ailleurs, leurs parents – attendent un enseignement de qualité. L’éducation nationale répond à cette attente et, comme c’est son rôle, encadre les rythmes scolaires. Les parents ont la charge des enfants à partir de la sortie de l’école.

Il faut le rappeler, les parents sont libres de choisir ce qu’il advient de leurs enfants à la sortie de l'école : ils peuvent décider de leur faire pratiquer des activités périscolaires ou de les faire rentrer à la maison.

Quant aux communes, elles sont le quatrième partenaire et elles ont toute liberté d'organiser ou non des activités périscolaires, et de les faire payer ou non.

Avant de terminer, je veux évoquer un dernier point. On parle quelquefois de « garderie » d’une manière péjorative. Je vous renvoie au poème de Prévert « Page d'écriture », que chacun connaît : « Deux et deux quatre, quatre et quatre huit… » Eh bien, les enfants peuvent aussi avoir envie qu’on leur « lâche un peu les baskets », si je puis employer cette expression. Alors qu’on cesse de traiter la garderie avec cette nuance de mépris !

Je suis bien conscient de l'existence d'interrogations tout à fait justifiées de la part des collectivités, des enseignants, des parents. Mais, monsieur le ministre, je suis confiant : cette réforme sera finalement adoptée...

M. Jean-Claude Lenoir. Pas par le Parlement : c’est un décret !

M. Claude Domeizel. … car, nous le savons bien, l'enfant à l'école est l'enfant chéri des budgets des collectivités territoriales ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l'article.

M. Yves Daudigny. Je ne reprendrai pas l'ensemble des arguments excellemment présentés par M. le ministre, mais aussi par Françoise Cartron, Maryvonne Blondin et d'autres. Sans la moindre contestation possible, ces arguments plaident en faveur de l'organisation du temps scolaire sur quatre journées et demie.

Sur un sujet aussi sensible, je tiens à exprimer ma position. En effet, pendant quarante années de ma vie, j'ai passé une partie de mon temps dans la réalité de l'école, en face d'élèves. L'exigence d'éducation m'habite de façon presque obsessionnelle, en tout cas quotidienne.

Or la situation de la France, grave sinon tragique, a été rappelée : elle est à la fois championne des inégalités en matière de résultats, mais aussi championne de la corrélation entre les difficultés sociales et les résultats scolaires.

En cet instant, mon soutien au ministre de l'éducation nationale dans la mise en œuvre de sa réforme de refondation de l'école est total.

Mes chers collègues, comment pourrait-on imaginer que notre école, l'école de l'éducation nationale et républicaine, soit, dans l'une de ses caractéristiques les plus importantes, le temps scolaire, organisée différemment d'une commune à une autre, au gré de la simple volonté ou l'humeur d'un conseil municipal ? Comment peut-on accepter qu’un tel sujet se trouve aujourd'hui pris en otage dans des positionnements partisans ?

Certes, quand il est question de temps périscolaire – et non pas de temps scolaire –, des difficultés peuvent surgir. Mais ayons les chiffres en tête ! Ceux qui ont été présentés au congrès des maires montrent notamment que 83 % des communes ayant mis en œuvre la réforme dès la rentrée de septembre 2013 sont satisfaites.

Je souligne que ces ratios nationaux s'appliquent aussi au département de l'Aisne, qui est un département rural, avec des réussites constatées non seulement dans des petites villes, dans des bourgs, mais aussi dans des regroupements horizontaux en pleine ruralité.

Et je dirai que là où une volonté s'est fait jour, là où les acteurs ont voulu agir, des voies – plus ou moins faciles, certes – se sont ouvertes. Alors arrêtons, sur ce sujet, d'opposer la ruralité et la ville…

Il se trouve que j’ai eu cet après-midi sous les yeux une déclaration qui, bien que remontant à février 1937, me paraît tout à fait d’actualité : Léon Blum disait que l’homme politique – aujourd'hui, on ajouterait : la femme politique – doit s'efforcer « de dominer par la pensée l’ensemble d’une situation, d’en confronter ou d'en rapprocher les différentes données et aussi, en quelque mesure, de projeter ces données de la situation présente sur l’avenir ».

Mes chers collègues, l’avenir de nos enfants, justement, nous demande de procéder de la sorte. N’entamons pas la confiance placée dans notre école. Bien au contraire, conjuguons nos moyens à tous les niveaux, conjuguons nos imaginations pour que la refondation de l'école, qui est peut-être la réforme la plus importante pour l'avenir du pays, soit demain une réussite ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, sur l'article.

Mme Dominique Gillot. En ce qui me concerne, je plaiderai pour la suppression de l’article 1er de la proposition de loi.

La réforme des rythmes scolaires n’est qu’un volet de la refondation de l'école, qui compte bien d'autres éléments d'architecture pour améliorer l'apprentissage des élèves sur l'ensemble du territoire, cela a été rappelé à plusieurs reprises.

L’élévation du niveau scolaire dépend d’une meilleure répartition du temps d’apprentissage, en desserrant la pression journalière de l’emploi du temps pour récupérer du temps scolaire de meilleure efficience.

C’est tout le sens de la modification des rythmes scolaires qui redonne une cinquième demi-journée de meilleur temps scolaire, le mercredi ou le samedi : le choix est ouvert, même si c’est le mercredi qui est retenu dans la plupart des cas.

Alors, oui, cette nouvelle organisation du temps de l’élève est perturbante parce qu’elle a une incidence sur les temps de l’enfant, les temps de la famille, les temps sociaux... Elle exige des efforts de compréhension et d’ouverture. Hélas, on voit bien que, dans une partie de notre hémicycle, ces valeurs ne sont pas vraiment à l'œuvre…

Elle modifie l’organisation du travail des enseignants et suscite parmi eux des inquiétudes qui témoignent de leur engagement, de leur intérêt pour l’avenir de leurs élèves, pour la conception de leur mission, pour la reconnaissance de leur savoir-faire.

Elle implique, pour les communes, une adaptation de l’organisation des services concernant, notamment, l’ouverture et l’entretien des locaux, les transports, la restauration et les activités périscolaires quand elles existent – cela n’est pas une obligation, on l’a rappelé –, ou la création de ces dernières, si la volonté politique est au rendez-vous...

Elle a donc suscité l’inquiétude des élus locaux, que certains relaient dans cette salle. Ces élus ont perçu cette réforme comme une contrainte insurmontable en quelques mois. Ces inquiétudes sont devenues des enjeux politiques à la veille des élections municipales.

Le Président de la République l’a bien perçu, qui avait ouvert devant l'assemblée générale des maires de France la possibilité de choisir 2013 ou 2014 pour l’entrée dans la réforme. Du temps a donc été donné pour s’y préparer.

Or, aujourd'hui, à quelques mois de l’échéance, les auteurs de cette proposition de loi entendent obtenir un nouveau délai, avec des arguments qui ne tiennent pas sachant que le principe de libre administration des communes n’est nullement remis en cause par cette réforme et que cette liberté est, de toute façon, encadrée depuis des décennies par le code de l’éducation.

Le décret du 24 janvier 2013 portant sur les nouveaux rythmes scolaires répartit en effet les vingt-quatre heures d’enseignement par semaine sur cinq matinées et quatre après-midi écourtés, cela pour tous les élèves à partir de la rentrée 2014.

C’est désormais le droit applicable, et il ne revient pas sur les textes antérieurs, qu’il s'agisse de l’utilisation des locaux scolaires en dehors du temps scolaire – article L. 212-15 du code de l’éducation –, de l’organisation d’activités pendant les heures d’ouverture scolaire ou de la possibilité offerte aux maires de modifier les heures d’entrée et de sortie de l’école en vertu de raisons locales – article L. 521-3 du code de l’éducation.

Vous appelez donc de vos vœux des mesures qui, soit figurent déjà dans le code de l’éducation, soit entraîneraient, si elles étaient adoptées, une rupture d'égalité sur le territoire.

Certains maires, dans mon département, sont entrés dans la réforme en 2013 en agissant ainsi : classe de neuf heures à douze heures quinze tous les matins ; classe de quatorze heures à seize heures l'après-midi. La journée est effectivement allégée, et ce sont les familles qui doivent s’adapter et s'organiser.

Dans certains cas, le périscolaire est allongé le matin et le soir – à la charge financière ou non des familles – pour faire coïncider les temps de l’enfant avec ceux des adultes.

Dans d’autres communes, les élus sont allés plus loin. Attachés à l’intérêt des enfants et soucieux de ne pas perturber les familles, ils ont voulu très vite unir leurs efforts à ceux de l’État dans cette grande réforme de fond et ont été capables de co-construire des projets éducatifs qui respectent les aptitudes des enfants et ouvrent leur esprit afin d'améliorer leurs dispositions à apprendre en classe.

L’assouplissement des taux d’encadrement hors temps scolaire, les dotations financières de l’État – reconduites – et celles – pérennes – de la caisse d’allocations familiales, ainsi que la disponibilité des associations locales et de l’éducation populaire, ont permis l’émergence d’une réelle diversité de projets, tous inscrits dans un cadre national garantissant à tous les élèves de notre pays une école ouverte, ambitieuse pour tous, et pensée avec les ressources locales.

Dans ma commune, où il a été décidé de compléter les vingt-quatre heures d'enseignement par trois heures d'action éducative gratuite ouvertes à tous les écoliers de la ville, les premières semaines ont été difficiles. De nouveaux repères devaient être fixés, la confiance des parents devait être gagnée, la coopération et la coordination avec les enseignants étaient à construire...

Il a fallu discuter; évaluer, revoir, préciser. Pendant cette période d’ajustement, le moteur a été l’adhésion des enfants, leur plaisir à entrer dans ces nouveaux rythmes et ces nouvelles activités réellement partagées à l'école.

M. Antoine Lefèvre. Tout va bien !

Mme Dominique Gillot. C'est ainsi dans 95 % des communes qui se sont déjà engagées…

L'expérience d'élus locaux audacieux devient une ressource précieuse pour ceux qui se sont donné du temps ! Vous demandez une expérimentation : elle a lieu en grandeur nature, et vous pouvez vous appuyer dessus !

M. Antoine Lefèvre. Ce n’est pas une réussite partout ! On en reparlera…

M. le président. Je vous prie de conclure, ma chère collègue.

Mme Dominique Gillot. Mais, surtout, ne cherchez pas à retarder encore l'échéance, il n’y a plus de temps à perdre ! Surtout, n’invoquez pas d'arguments triviaux qui ne tiennent pas devant l'urgence de la situation ! (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

L’école est le creuset des valeurs de la République. Il importe donc de s’appuyer sur les synergies locales, qui sont autant de ferments de cette identité culturelle, républicaine et partagée à laquelle nous aspirons pour fortifier la cohésion de notre nation.

Alors ne remettez pas en cause le service public de l'éducation sur l'ensemble du territoire. (Mme Catherine Troendlé s'exclame.)

M. Antoine Lefèvre. Nous ne le remettons pas en cause !

Mme Dominique Gillot. Faisons plutôt grandir la confiance ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l'article.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le ministre, je vous ai bien écouté : à la tribune, vous avez cédé à une facilité politicienne en imputant à l'opposition d'aujourd'hui la dégringolade dans le classement PISA.

Bien sûr, on doit considérer ces résultats comme un échec. Mais c'est l'échec de la France et, permettez-moi de le dire, c’est celui des majorités successives. Personne, en dehors de cet hémicycle, ne songerait à désigner quelqu’un comme responsable de la défaillance parce qu’il aurait appartenu à une majorité plutôt qu’à une autre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Monsieur le ministre, personne, ici, ne veut remettre en cause votre bonne volonté ni l'authenticité de la recherche du bien supérieur de l'enfant que vous affichez.

M. Vincent Peillon, ministre. Nous y travaillons tous les jours, et sérieusement.

M. Bruno Retailleau. Ce que nous voulons simplement dire, c'est que cette réforme rencontre des difficultés et que, face à ces difficultés, votre attitude est complètement fermée : vous ne les comprenez pas ! D'ailleurs, vous avez utilisé, en conclusion de votre réponse aux orateurs, un terme tout à fait particulier à propos de cette réforme : vous avez parlé de « talisman » du progrès éducatif. Or, vous le savez, un talisman, c'est un objet que l'on pare de vertus magiques !

Dans cette affaire, il n’y a rien de magique, il n’y a qu’une réalité qui s'impose. Et il ne se trouve aucun fautif : les maires ne sont pas de dangereux séditieux, placés sous l'influence de l'UMP. Monsieur le ministre, vous prêtez à l’UMP plus d'influence qu’elle n’en a ! (Sourires.)

Et vous voudriez rejeter la faute sur les conseils généraux, désormais « conseils départementaux ». Là aussi, cette stratégie se heurte à une réalité, qu’il faut regarder en face si l’on veut résoudre les problèmes.

Il y a un immense paradoxe : chacun ici voudrait que l’école de la République soit une, que ce soit une école à une seule vitesse. Or la réforme, on l’a bien vu, va créer encore plus d’inégalités. (Mais non ! sur les travées du groupe socialiste.)

Il y aura d’abord plus d’inégalités entre les enfants, et au premier chef en ce qui concerne les transports. Il ressort en effet d’une étude conduite par le conseil général de la Vendée pendant un an que, pour 25 % des écoles publiques desservies par les transports scolaires, nous devrons amener les élèves à neuf heures, puis les reprendre entre dix heures quarante-cinq et onze heures ; ces enfants auront donc moins de deux heures de classe le mercredi matin. Les inégalités vont aussi se creuser entre les enfants en fonction des territoires, car dans certains d’entre eux, les enfants ne pourront pas bénéficier d’animateurs et de locaux.

Il y aura ensuite plus d’inégalités entre les familles, qu’elles soient modestes ou non, car certaines auront bien des problèmes quand il s’agira d’aller récupérer les enfants en fin de matinée le mercredi.

Il y aura enfin plus d’inégalités entre les territoires puisque, comme je l’ai déjà indiqué, toutes les communes ne sont pas logées à la même enseigne au regard de leur situation géographique – certaines sont totalement dépendantes des transports scolaires –, des locaux et surtout des budgets dont elles peuvent disposer.

Enfin, personne n’a parlé des associations. Sachez, monsieur le ministre, que cette réforme cause et causera d’énormes dégâts en milieu rural pour les associations sportives et culturelles, parce que ces associations qui utilisent des équipements sportifs et des équipements communaux ont besoin du mercredi et que la concentration de leurs activités sur quelques demi-journées seulement pose des problèmes véritablement insolubles.

Je vous demande simplement, monsieur le ministre, d’entendre ces difficultés, de considérer ces inégalités.

M. Vincent Peillon, ministre. J’écoute !

M. Bruno Retailleau. Les unes et les autres touchent les enfants, les familles, les territoires, les communes, les associations : cela fait tout de même beaucoup !

En fait, vous êtes dans une sorte de déni de la réalité !

Mme Françoise Cartron. Non, c’est vous !

M. Bruno Retailleau. Vous vous êtes investi dans cette réforme, sans aucun doute, mais aucune citation, aucun effet de manche, aucune habileté rhétorique ne réduira à néant les difficultés que nous rencontrons sur le terrain.

En vérité, je pense que cette réforme est mal partie parce que vous l’avez engagée sur la base de deux principes qui prévalaient au siècle précédent.

Premier principe : Paris décide et la France d’en bas doit se débrouiller.

M. Antoine Lefèvre. C’est vrai !

M. Bruno Retailleau. C’est ainsi que les maires, les élus locaux, tous ceux qui sont sur le terrain, doivent bien souvent régler des problèmes considérables que l’État n’a pas pu ou n’a pas voulu résoudre.

Second principe : Paris commande et les collectivités locales paient. Un million d’euros de dépenses publiques supplémentaires pour la Vendée, alors que, sur toutes les chaînes de télévision, on entend tantôt le Président de la République tantôt le Premier ministre nous expliquer que les collectivités dépensent trop ! Et, dans le même temps, on assiste à une baisse historique des dotations de l’État aux collectivités !

Mme Cécile Cukierman. C’est vous qui avez ouvert la voie en la matière !

M. Bruno Retailleau. Nous nous trouvons donc dans une situation schizophrénique où, avec moins de dotations, on nous désigne comme les fauteurs de la dépense publique, tandis que l’État décide sur notre dos de nouvelles charges non compensées, en contradiction avec l’article 72-2 de la Constitution.

Ces deux principes – Paris décide, les autres appliquent, Paris commande, les autres paient –, en plus d’être surannés, sont rejetés par de nombreux maires, quelle que soit leur étiquette.

Vous pouvez encore vous sortir de ce mauvais pas, monsieur le ministre. Il faut poursuivre la concertation, il faut examiner de près les expérimentations, parfois réussies, qu’ont menées certaines villes, il faut peser le pour et le contre avant de décider de généraliser un dispositif. C’est tout ce que nous vous demandons !

M. Jean-François Husson. C’est la sagesse !

M. Bruno Retailleau. Oui, c’est la sagesse.

Monsieur le ministre, écoutez la France d’en bas ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Martin, sur l'article.

M. Pierre Martin. Le 24 janvier 2013 est paru le décret sur la modification des rythmes scolaires. Vu l’importance et les conséquences de cette mesure, j’eusse largement préféré qu’il se fût agi d’une loi, mais nous n’entrerons pas dans ce débat aujourd’hui.

Comme vous l’avez fort justement rappelé tout à l’heure, monsieur le ministre, l’organisation du temps scolaire est du ressort de l’État, et, en l’occurrence, le rajout d’une demi-journée d’école relève de la responsabilité de l’éducation nationale. Il a en effet été décidé de passer de huit demi-journées à neuf demi-journées. Et, bien entendu, vous avez déclaré qu’une vaste concertation était nécessaire sur le sujet.

Dans mon département, nous avons organisé de nombreuses réunions, car les maires s’interrogeaient. Ce département compte 782 communes ; vous imaginez donc la dimension des communes ! La conclusion que j’ai tirée de ces réunions, c’est qu’il demeurait une importante confusion dans l’esprit de ces élus.

Comme l’a rappelé Mme Troendlé tout à l’heure, on nous a affirmé, à nous élus locaux, que nous pouvions choisir entre le mercredi matin et, par dérogation, le samedi matin.

Dans le cadre de la concertation, certains parents d’élèves, enseignants ou élus ont choisi de placer la demi-journée supplémentaire le samedi matin. Réponse de l’inspection départementale : « Niet ! Ça ne peut être que le mercredi ! » Il apparaît en effet que les transports scolaires ne pourront pas être assurés le samedi matin.

Par conséquent, monsieur le ministre, si vous êtes cohérent, il faut envoyer une note précisant que le seul créneau possible, c’est le mercredi matin.

J’en viens à la question du périscolaire. J’ai eu la chance de pouvoir créer en 1995 des activités périscolaires dans la communauté de communes que je présidais. Le ministre de l’éducation de l’époque, Gilles de Robien, maire d’Amiens, faisait la même chose dans sa commune. Nous nous étions rencontrés et il m’avait dit que ces activités périscolaires ne concernaient que la moitié de la population scolaire de sa ville – du reste, il en allait de même dans ma communauté de communes –, car autrement, comme le montraient les simulations, cela coûterait trop cher. Ces enfants étaient même suivis par la faculté de médecine pour voir quelles seraient les évolutions, ce que je ne pouvais pas faire dans mon territoire.

Dans ma communauté de communes, même si toutes les communes n’étaient pas concernées, nous avons voulu offrir à nos enfants des activités de qualité. Nous avons donc recruté des éducateurs pour des séances qui duraient au plus une heure. Mais ces éducateurs venaient de la ville et, au bout de trois semaines, ils sont venus me dire qu’ils étaient prêts à continuer, mais à la condition d’être défrayés de leurs frais de transport, faute de quoi ils ne pourraient pas continuer.

J’ai alors constaté que cela coûtait cher, et même très cher. Nous l’avons fait néanmoins, parce que nous étions site pilote et que nous étions bien aidés, faute de quoi nous aurions dû tout arrêter.

En 2008, je n’ai plus assumé la présidence de la communauté et, immédiatement, le conseil communautaire a décidé de supprimer ces activités en arguant de leur coût. J’étais très attaché à ce dispositif, parce que je pense que c’était profitable pour nos enfants, qui découvraient d’autres choses.

À ce propos, une petite anecdote. Nous avions organisé une réunion pour informer les parents des activités que nous proposions. Nous avons démarré la première semaine avec la moitié des enfants, puis, à partir des vacances de la Toussaint, ils étaient tous présents. Évidemment, certains parents ne nous envoyaient pas leurs enfants parce que ceux-ci, pour des raisons médicales ou autres, ne pouvaient pas faire de sport ou d’autres activités. Mais certains de ces enfants tenaient néanmoins à participer aux activités, ce qui nous obligeait à prendre quelques précautions. Bref, la tâche n’était pas forcément aisée, mais je garde un excellent souvenir de cette expérience, qui allait indiscutablement dans le bon sens. Le problème, c’est le coût de ces activités.

Comment allons-nous donc faire ?

Monsieur le ministre, on parle beaucoup d’« égalité des chances ». Je dois vous avouer que je n’aime pas beaucoup cette expression. Je préfère parler de la réussite de nos enfants. Mais il est vrai qu’il faut offrir à chacun ses chances de réussite.

Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, si vous vous souciez, comme vous l’avez affirmé dans votre propos liminaire, de la réussite de nos enfants, qu’ils soient ruraux ou urbains, il faut absolument leur offrir les mêmes possibilités, éventuellement en modulant suivant les territoires. N’est-ce pas le devoir de l’éducation nationale ? Car vous savez pertinemment que les conditions financières diffèrent d’une commune à l’autre.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-François Husson. C’est pourtant passionnant !

M. Pierre Martin. Il faut faire quelque chose, monsieur le ministre, car on ne peut pas laisser les uns manger du pain bis, tandis que d’autres mangent des croissants, comme on dit chez nous (Sourires.). Tous les enfants doivent être nourris à la même table, monsieur le ministre, et il faut que vous vous engagiez à faire en sorte qu’il en soit ainsi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, sur l'article.

M. Jacques-Bernard Magner. Monsieur le rapporteur, la généralisation de la semaine de quatre jours, imposée sans concertation par un décret du 15 mai 2008, sous l’autorité de MM. Darcos, Fillon et Sarkozy, avait été contestée à l’époque, vous vous en souvenez.

Vous-même, dans votre rapport pour avis sur la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2010, la dénonciez en ces termes : « Il convient de remarquer que ce choix [de la semaine de quatre jours] conduit à un resserrement important du temps scolaire : 144 jours sont consacrés par an à l’école, contre 185 en moyenne dans les pays de l’Union européenne. […]. Les semaines scolaires sont donc très chargées pour les élèves français. »

Citant les témoignages des inspections générales et des représentants de parents d’élèves, vous déploriez la fatigue des enfants et les difficultés d’organisation horaire de l’aide personnalisée.

Vous écriviez aussi : « La semaine de quatre jours semble surcharger les emplois du temps et perturber la rénovation pédagogique […]. Les établissements qui ont obtenu l’ouverture du mercredi matin ont sans doute un fonctionnement plus fluide. »

Enfin, vous souteniez la suppression du samedi matin, qui étalait trop le temps d’instruction, tout en souhaitant que l’organisation du temps scolaire, tant sur la semaine que sur l’année, respecte les rythmes biologiques de l’enfant.

Mais nous sommes d’accord, monsieur le rapporteur ! Le décret du 24 janvier 2013 répond parfaitement à vos critiques de l’époque !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Personne ne le conteste !