Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Mazars.

M. Stéphane Mazars. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à la consommation, qui est passé de 73 à 171 articles au cours de la navette parlementaire, est bien plus qu’un ensemble de mesures disparates visant à améliorer, dans quelques secteurs, les droits des consommateurs.

Ce texte est ambitieux, car il est porteur d’une véritable réforme structurelle de notre économie : il permettra notamment de rééquilibrer les relations interentreprises, trop souvent défavorables aux petits fournisseurs et autres producteurs ; il incitera également entreprises et consommateurs à se tourner vers un mode de consommation plus durable et plus responsable.

Consommer toujours plus et toujours moins cher, c’est une définition de la société de consommation qui ne correspond plus véritablement aux attentes de nos concitoyens.

Certes, nous devons nous efforcer de renforcer leur pouvoir d’achat, en particulier celui des plus modestes. Ce projet de loi y contribue, notamment au travers des mesures relatives aux assurances, comme la résiliation infra-annuelle permise par l’article 21. Je rappelle que les assurances représentent autour de 5 % du budget des ménages aujourd’hui ; elles font partie des dépenses contraintes, qui portent bien leur nom, tant elles représentent un véritable fardeau pour certains ménages.

En deuxième lecture, l’Assemblée nationale a complété le texte par l’instauration d’un droit de substitution, limité dans le temps, en matière d’assurance emprunteur. Même si le dispositif nous semble perfectible, il constitue une avancée majeure pour beaucoup de nos concitoyens ayant souscrit un crédit immobilier.

Parmi les 67 articles restant en discussion figure le très symbolique article 1er, qui instaure une « action de groupe » dans le domaine de la consommation et de la concurrence. Notre groupe proposera de nouveau une série d’amendements, inspirés d’une proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Plancade et du groupe RDSE, pour améliorer et élargir ce dispositif. Nous vous proposerons également, dans un souci de sécurité juridique, de limiter la rétroactivité des actions de groupe. J’espère, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, que vous apprécierez cette fois le bien-fondé et la nécessité des améliorations que nous proposons.

Sur l’ensemble de ces articles, les sénateurs du groupe RDSE présenteront une trentaine d’amendements.

Permettez-moi d’insister sur l’un d’entre eux, particulièrement important. Il s’agit de l’amendement n° 39, qui vise à soumettre toute opération de démarchage téléphonique au consentement exprès du consommateur. Cela revient à inverser la logique actuelle, confirmée par l’article 5 du projet de loi, qui institue une nouvelle liste d’opposition au démarchage. Nous vous proposons au contraire une liste sur laquelle figureraient les seuls consommateurs acceptant d’être démarchés. Les entreprises ayant recours au démarchage ne pourraient donc contacter que les personnes qui y consentent expressément.

Monsieur le ministre, ce que vous proposez, c’est un « Pacitel » amélioré. Certes, le croisement systématique de cette nouvelle liste gratuite d’opposition avec les fichiers utilisés par les sociétés qui pratiquent le démarchage constitue une avancée par rapport au dispositif existant. Mais cela n’est pas suffisant !

La mesure que nous présentons est, elle, plébiscitée par les consommateurs. L’objectif général et louable de ce projet de loi est de mieux les protéger, et c’est exactement ce que prévoit notre amendement.

Ses détracteurs nous accusent de menacer des emplois, et même un secteur d’activité... Mais de quels emplois parlons-nous ? Si certaines plateformes téléphoniques sont situées en France, la plupart des sociétés ont délocalisé leur activité dans d’autres pays pour maximiser leurs profits, en accordant à leurs salariés des conditions de travail et une protection bien moins avantageuses, c’est un euphémisme. Voulons-nous véritablement soutenir ce type d’activité ? De plus, prôner le maintien d’une activité économique lorsque celle-ci est éminemment néfaste pour une majorité de nos concitoyens nous semble pour le moins poser problème.

Ce texte est justement l’occasion de repenser notre économie et notre façon de consommer ; il incite les consommateurs et les entreprises à des pratiques plus responsables, plus durables, qui seront, j’en suis convaincu, créatrices de nouveaux emplois.

Je crois que nous sommes tous conscients du désagrément que représente une pratique répétée de démarchage téléphonique, en particulier pour des personnes fragiles ; je pense notamment aux personnes âgées, qui sont la cible privilégiée des démarcheurs.

Optons, là aussi, pour une pratique plus responsable ; c’est ce que nous vous proposerons avec notre amendement, qui, je le rappelle, a déjà été adopté à trois reprises par la Haute Assemblée, sur l’initiative, d’abord, de notre groupe, puis de Mme la rapporteur pour avis de la commission des lois, Nicole Bonnefoy, lors de l’examen du projet de loi Lefebvre en décembre 2011 et, enfin, le 12 septembre dernier, lors de l’examen en première lecture du présent projet de loi. J’espère que cette position très claire du Sénat sera à nouveau réaffirmée ce soir ou demain. Ce n’est d’ailleurs plus vraiment notre proposition, c’est désormais celle de la Haute Assemblée.

Permettez-moi, pour terminer, d’aborder un autre article du projet de loi qui me tient particulièrement à cœur, l’article 23, qui comporte deux avancées majeures.

En premier lieu, cet article donne aux collectivités locales les moyens de protéger leur nom, face à des entreprises qui n’hésitent pas à se l’approprier et à détourner l’identité et parfois le savoir-faire de certains territoires. Le cas de Laguiole, village du nord de l’Aveyron, est en ce sens emblématique ; je l’ai rappelé en première lecture et je me réjouis qu’aujourd’hui une solution législative puisse être apportée à ce type de difficultés.

En second lieu, cet article vise à créer une indication géographique pour les produits non alimentaires, à savoir les produits manufacturés. C’est également une avancée très importante tant pour l’information du consommateur que pour le développement des territoires.

En ce qui concerne les dernières modifications du dispositif, je me réjouis que mon collègue aveyronnais Alain Fauconnier, corapporteur de ce texte, ait permis l’adoption en commission des affaires économiques d’un amendement presque identique à celui que j’avais présenté en première lecture et qui prévoit une consultation de l’INAO lorsqu’il existe un risque de confusion avec la dénomination d’une AOP ou d’une IGP agricole.

Cette procédure me paraît en effet indispensable et particulièrement adaptée à l’expertise déjà acquise par l’INAO en matière agricole et à la nécessité d’établir une cohérence entre les labels agroalimentaires et manufacturiers sur un même territoire.

La réduction de la durée de consultation de divers organismes par l’INPI pendant la phase d’instruction, mesure également adoptée sur l’initiative de M. le rapporteur, va, elle aussi, dans le bon sens.

Pour ma part, je présenterai un amendement visant à revenir sur la notion de « savoir-faire traditionnel », introduite par l’Assemblée nationale en deuxième lecture et qui ne correspond à aucune réalité juridique. Il s’agit, en outre, de faire figurer l’argumentaire relatif au lien indispensable entre le produit et le territoire dans le cahier des charges soumis par les professionnels à l’INPI.

En effet, comme je l’ai déjà souligné, les indications géographiques représentent une valeur ajoutée supplémentaire par rapport au seul made in France : il s’agit d’un made in territoires de France. Sans lien direct avec le territoire, cette appellation n’a pas de sens : c'est une coquille vide.

Ce qu’attendent les consommateurs, qu’ils soient Français ou étrangers, lorsqu’ils achètent un couteau de Laguiole ou une dentelle de Calais, c’est exactement ce qu’ils attendent d’un agneau de Lozère ou d’un vin des Côtes-de-Provence, à savoir un lien direct entre le produit et le territoire dont il est issu, entre le produit et le terroir.

J’espère donc que cet amendement, de bon sens, emportera une large adhésion, tout comme les autres amendements de mon groupe. Nos propositions visent en effet à renforcer les dispositions de ce texte relatives à la protection des consommateurs et à l’amélioration de leur pouvoir d’achat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après les fêtes et les soldes, nous sortons d’une longue période d’hyper-consommation au cours de laquelle tout un chacun a été invité à dépenser sans compter et à se faire plaisir. Les enfants, cibles privilégiées de ces fêtes, sont envahis de cadeaux plus sophistiqués les uns que les autres : de la sorte, ils sont bien conditionnés pour devenir de futurs consommateurs en puissance.

Durant cette période, notre « temps de cerveau disponible », pour reprendre une expression abominable, est concentré sur la seule satisfaction de notre fibre consumériste, tout du moins pour ceux qui ont les moyens de consommer. Car il ne faut pas oublier les autres : ceux qui rament dans les rayons alimentaires du hard discount pour trouver les produits les plus bas de gamme leur permettant de nourrir leur famille et de boucler, mais tout juste, leurs fins de mois et ceux pour qui la consommation de survie se réduit aux denrées fournies par les Restos du cœur ou la Banque alimentaire ou trouvées dans les poubelles des supermarchés.

De prime abord, un texte sur la consommation peut se révéler difficile pour ceux qui osent encore croire qu’une existence peut être satisfaisante sans cette course effrénée au paraître et à la possession.

Comment, dès lors, aborder un tel projet de loi ? En faisant le pari d’y renforcer, voire d’y inscrire, toute disposition propre à protéger les citoyens des spirales financières et de l’endettement, aux conséquences sociales et psychologiques désastreuses, à remettre les lobbys à leur juste place et à tenir à distance leur appétit financier, à favoriser les « 3 R » – réduire, réutiliser, recycler –, à privilégier la qualité et la durabilité dans tous les domaines, y compris l’alimentation.

Aussi, les mesures inscrites dans ce texte, notamment celles qui visent à encadrer le crédit à la consommation et le crédit renouvelable, à fournir la meilleure information pré-contractuelle, à améliorer la durabilité et la réparabilité des produits ou encore à permettre, enfin, de faire un premier pas vers la reconnaissance de l’action de groupe, vont dans le bon sens. Monsieur le ministre, nous nous en réjouissons et vous en félicitons !

Comment favoriser la durabilité et la réparabilité des produits, alors que ces derniers, qui sont devenus nos outils du quotidien, sont soumis à l’obsolescence programmée ? Comment lutter contre cette pratique si nous ne la définissons même pas ? C'est tout de même la première étape ! C'est la raison pour laquelle notre groupe a déposé des amendements sur ce sujet, dont le premier vise à proposer une définition de l’obsolescence programmée.

Nous avons apprécié la volonté du Gouvernement de revenir au délai légal de garantie de vingt-quatre mois. Le projet de loi permet également de sécuriser la situation de personnes au budget modeste ou en situation de surendettement. Nombre d’entre elles, du fait de leurs difficultés financières, ont un accès restreint aux moyens de paiement classique. Notre groupe a fait adopter en commission un amendement visant à rendre gratuit l’utilisation du mandat compte. C’est un premier pas.

J’en viens maintenant à un volet du texte de la loi sur lequel je souhaite mettre l’accent : l’alimentation.

Comme beaucoup d’entre vous, j’aspire à un pays « maillé » d’exploitations agricoles nombreuses, productrices d’aliments de qualité. On nous parle sans cesse de compétitivité. Pour l’agriculture et l’agroalimentaire, celle-ci est toujours synonyme de production de masse pour l’exportation, au détriment de l’emploi et d’une production de qualité, attendue par les consommateurs. Rappelons, par exemple, que nous importons 45 % de la viande de poulet que nous consommons, alors que nous sommes un grand exportateur de poulets bas de gamme.

Si nous devons parier sur la qualité de notre production, il faut aussi s’assurer qu’elle trouve des débouchés. La restauration en est un. Mais encore faudrait-il que celle-ci fasse le pari du « fait maison ». Cuisiner sur place, à partir de produits bruts, c’est aussi privilégier un approvisionnement de saison, voire local, et favoriser l’emploi. Cela va de pair avec les avancées concernant l’étiquetage de l’origine des viandes, qui doit permettre de donner un avantage comparatif à la production locale.

L’idée sous-jacente à notre mobilisation sur ces thèmes est bien de redonner une définition profitable de la compétitivité. C’est dans cet esprit que nous avons soutenu les initiatives visant à donner une assise juridique aux magasins de producteurs, en précisant que leur approvisionnement se fait auprès d’agriculteurs locaux.

La cuisine agroalimentaire, « mijotée à l’usine », comme la qualifie le militant du « fait maison », Xavier Denamur, aussi philosophe que le nom de son restaurant, gagne tous les jours des parts de marché... Elle sait même s’associer des noms de chefs reconnus. Est-ce cette cuisine-là qui a permis à la gastronomie française d’être reconnue au niveau mondial ? Est-ce cette cuisine-là qu’attendent nos concitoyens quand ils vont au restaurant ou les touristes, en quête de cuisine authentique ? Non !

Alors faisons en sorte que, grâce à l’étiquetage, les clients français, tout comme les touristes, soient à même de choisir. Soutenons la résistance de ceux qui tiennent au « fait maison » !

Par ailleurs, j’aimerais tellement que mon amendement sur l’étiquetage des huîtres, que je remets au menu, trouve enfin un écho favorable dans cet hémicycle : il traduit notre volonté de développer le droit de savoir pour pouvoir choisir. Des produits naturels, traditionnels, qui se reproduisent, ce n’est pas la même chose que des produits d’élevage, hybrides, stériles et forcément plus fragiles. D’un point de vue gustatif, il y a aussi des différences.

Ainsi, une huître triploïde, qui n’est certes pas mauvaise, pousse en deux ans au lieu de trois, et n’est pas laiteuse les mois d’été. Or cette espèce est de plus en plus présente sur le marché. Si on n’y prend pas garde, on ne trouvera bientôt plus qu’elle ! Ce seront alors tout un patrimoine génétique et un équilibre naturel qui seront perdus. Les ostréiculteurs traditionnels font eux aussi de la résistance : soutenons-les ! Si on ne peut intervenir directement sur le marché, le rôle des politiques publiques – leur devoir, même ! – est de l’orienter.

En conclusion, dans le cadre de notre contribution à ce projet de loi, nous avons voulu rendre effectif le renversement de la charge de la preuve au profit du consommateur. Que ce dernier ne soit pas un simple exécutant passif des injonctions publicitaires ou médiatiques – « on nous inflige des désirs qui nous affligent », comme le chante si justement Alain Souchon, au nom de la Foule sentimentale –, mais qu’il puisse devenir un citoyen qui, certes, consomme, mais fait des choix éclairés favorisant le type de société à laquelle il aspire.

Seul le retour à l’éthique permettra de faire évoluer la consommation vers une consommation responsable, respectueuse et partagée. Cela nécessite également un retour à l’éthique en politique ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, quelles que soient les oppositions plus ou moins doctrinales entre partisans de la relance par la demande et partisans de la relance par l’offre, un projet de loi relatif à la consommation a toujours quelques vertus.

Les pratiques commerciales qui profitent du silence de la loi ou de son inadaptation sont en effet suffisamment nombreuses pour qu’un tel projet de loi trouve sa place. Je ne formulerai donc pas de critiques sur l’absence de colonne vertébrale de ce texte. En effet, il n’est pas aisé d’aborder le droit des consommateurs sans légiférer sur une palette extrêmement large de secteurs économiques.

Comme cela a été dit en première lecture, le véritable problème de ce texte, c’est qu’il ne se limite pas au simple droit des consommateurs. Monsieur le ministre, vous avez ainsi souhaité rationaliser des secteurs d’activités, indépendamment de la question du droit des consommateurs, sans vraiment vous demander si cela conduira réellement à une amélioration de leur situation.

Ainsi, on bouleverse tous les six mois le modèle économique de nos entreprises au travers de nouvelles obligations légales, et on s’étonne quelques mois plus tard que les prix aient augmenté. Ainsi ce projet de loi donne-t-il parfois l’impression d’une méconnaissance des modèles économiques de nos entreprises.

C’est un réflexe français, auquel les majorités de droite et du centre ont malheureusement parfois participé, que de croire que la protection des consommateurs est proportionnelle au volume des contraintes pesant sur l’entreprise ou à la sophistication des rapports contractuels. Mais cela est faux !

Le Président de la République semble à son tour avoir pris la mesure de l’inflation législative et réglementaire. Comprenez bien, mes chers collègues, qu’il ne s’agit pas ici d’une question doctrinale au sujet de laquelle s’affronteraient les libéraux et les interventionnistes.

J’évoquerai donc les mesures qui nous semblent relever d’une logique anti-entrepreneuriale, tout en admettant que plusieurs dispositions de ce projet de loi relèvent de l’urgence et que d’autres dispositifs nous paraissent relativement équilibrés.

Nous nous félicitons notamment des avancées obtenues à l’occasion de l’examen du projet de loi en commission.

Je pense d’abord à l’amendement de notre collègue Philippe Dallier sur la tarification à la minute des places de parking. Nous réintroduisons cette disposition, alors que l’Assemblée nationale avait adopté une tarification par tranche de quinze minutes. C’est une avancée que les consommateurs apprécieront très facilement.

Autre point significatif, il faut rendre la mention « fait maison » non obligatoire, comme cela avait été adopté par le Sénat en première lecture. L’amendement de notre collègue Ladislas Poniatowski ne visera pas à imposer cette mention, dont la définition est certes à retenir, mais dont le caractère obligatoire n’est pas adapté aux aléas de la restauration.

Également issu d’un amendement de Ladislas Poniatowski, le report de la mise aux normes des réservoirs enterrés des stations-service distribuant moins de 3 500 mètres cubes par an au 31 décembre 2020 doit être considéré comme une mesure juste pour des stations de petite taille situées le plus souvent dans des zones rurales.

Enfin, un amendement de Gérard Cornu à l’article 17 quater, sur la libéralisation du secteur de l’optique, permettra de mieux encadrer la vente en ligne de lentilles de contact ou de verres correcteurs.

Cet article est un très bon exemple de la position de notre groupe politique. Contrairement à ce que certains peuvent imaginer, nous ne faisons pas de la libéralisation d’un secteur économique l’alpha et l’oméga de notre travail législatif.

En effet, l’intérêt du consommateur à court terme n’est pas toujours compatible avec des préoccupations d’ordre macro-économique, voire avec des considérations de santé publique.

En effet, si la libéralisation doit permettre à de nouveaux acteurs plus compétitifs d’intégrer un marché et que ces derniers tirent les prix vers le bas, le consommateur sera gagnant à court terme. Mais les économies consécutives à la libéralisation se font le plus souvent par le dumping, et c’est donc toute la société qui se retrouve perdante au final. Le groupe UMP n’ignore pas cette mécanique.

Nous ne devons pas mettre nos entreprises en situation de quitter le territoire national parce que le cadre législatif auquel elles sont soumises ne serait pas adapté. Quelques centimes en moins sur une facture représentent parfois des millions en moins dans les caisses de l’État et des milliards en moins dans notre économie. Ne tirons pas une balle dans le pied de nos entreprises ! N’opérons pas une sorte de protectionnisme inversé, qui consisterait à empêcher le développement de nos propres entreprises sur notre propre sol.

Quelles sont ces dispositions qui nous inquiètent ?

D’abord, en ce qui concerne l’action de groupe, le Gouvernement et la majorité semblent partager notre préoccupation au sujet d’une éventuelle brèche dans le dispositif, qui permettrait de contourner la procédure de l’opt in.

Si le texte se limite au droit de la consommation et aux pratiques anticoncurrentielles, ce qui nous semble indispensable, le maintien de la procédure d’action de groupe simplifiée nous empêche malheureusement d’apporter une quelconque caution à l’article 1er, alors que nous sommes favorables, par principe, à l’action de groupe.

Il est évident que les droits des consommateurs ne sauraient méconnaître les droits de la défense à disposer d’un procès équitable. Or, en l’état actuel de la rédaction du texte, l’action de groupe simplifiée ne garantit pas les droits de la défense.

Je suis désolée de me répéter, mais prévoir une procédure simplifiée dès la création de l’action de groupe, c’est admettre que la formule de droit commun ne fonctionne pas… Enfin, comment pouvez-vous nous garantir que cette action de groupe simplifiée ne supplantera pas la version originelle ?

Autre difficulté que nous pose le texte, même si son incidence sera sans doute moindre : l’allongement de six à vingt-quatre mois du délai pendant lequel les défauts de conformité qui apparaissent sont présumés exister au moment de la délivrance.

Pour le vendeur, le délai durant lequel il aura à apporter la charge de la preuve sera alors beaucoup trop long. Si certains considèrent que cette mesure permettra une montée en gamme des produits visés, c’est surtout le vendeur qui, à court terme, sera pénalisé.

Venons-en maintenant aux assurances. Le texte prévoit la possibilité d’une résiliation infra-annuelle des contrats d’assurance.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Eh oui !

Mme Élisabeth Lamure. Voilà un exemple de bouleversement économique qui risque de se retourner contre les consommateurs.

En effet, la possibilité de résilier son contrat en permanence créera des tensions sur les primes d’assurance, en raison des incertitudes qui pèseront sur les provisions que devront constituer les assureurs. En dernier ressort, ce sont les consommateurs qui paieront ces incertitudes, au travers d’un risque certain d’augmentation des primes d’assurance.

Une autre mesure essentielle du projet de loi est le registre national des crédits aux particuliers.

Introduite par amendement à l’Assemblée nationale, cette disposition ne peut se justifier par les exemples étrangers, lesquels ne montrent pas de lien entre l’existence d’un tel fichier positif et une diminution du surendettement.

Outre cette considération d’efficacité, une telle mesure pose problème au regard du principe à valeur constitutionnelle du droit au respect de la vie privée. Et l’éviction du fichier des crédits immobiliers et des autorisations de crédit non utilisées, pour que le nombre de personnes enregistrées – de 24 à 25 millions – passe à 10 ou 12 millions, n’y change rien ! Ce fichier est beaucoup trop vaste pour s’attaquer au noyau dur du surendettement. Il est également incomplet, puisqu’il ne prendra pas en compte les crédits immobiliers.

Par ailleurs, comme cela s’est produit dans d’autres pays, il existe un risque que le fichier positif soit détourné de son utilisation pour servir de base de données à des professionnels mal intentionnés.

À ce sujet, nous restons partagés devant les dispositions visant à étendre les pouvoirs de la DGCCRF.

Si nous souscrivons à la majeure partie des articles, d’ores et déjà adoptés conformes, ayant trait aux pouvoirs de cette direction, nous pensons, comme en première lecture, que l’article 25 est facteur de rétroactivité, puisqu’il permet aux agents de la DGCCRF de demander à une juridiction de déclarer une clause « réputée non écrite ».

Au reste, nous avions formulé les mêmes griefs contre l’article 28, qui permet aux associations de consommateurs de demander à une juridiction de déclarer une clause « réputée non écrite ».

Cette rétroactivité supposée de deux articles vient s’ajouter à d’autres griefs : je pense notamment à la possibilité donnée à la DGCCRF de prononcer des sanctions administratives en cas de non-respect de ses injonctions, possibilité qui contrevient aux droits de la défense.

Quel bilan tirer de l’analyse de toutes ces dispositions ?

Nous ne vous ferons pas de procès sur la lisibilité du projet de loi et la cohérence de ses différentes mesures : les textes relatifs aux droits des consommateurs ont toujours un côté un peu « fourre-tout », comme ce fut le cas du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, déposé et adopté en 2011. C’est un problème récurrent.

Non, la vraie difficulté que pose votre texte, monsieur le ministre, c’est son interférence dans le modèle économique des entreprises. Pour faire gagner aux consommateurs quelques droits nouveaux, souvent utiles il est vrai, vous faites planer de lourdes incertitudes sur des entreprises parfois trop fragiles. Pour leur faire gagner quelques euros, vous rognez sur les taux de rentabilité, déjà trop faibles, des entreprises.

Cela dit, les plus grandes difficultés que soulève votre projet de loi viennent, à nos yeux, de deux de ses mesures phare : l’action de groupe et le fichier positif.

Je le répète, nous ne comprenons pas le choix de l’action de groupe simplifiée, qui, de surcroît, a elle aussi été introduite par voie d’amendement, en première lecture, à l’Assemblée nationale. Nous ne pouvons pas nous résoudre à penser que cette action de groupe simplifiée ne supplantera pas l’action de groupe de droit commun.

Quant au fichier positif, nous voilà, là encore, devant un outil à l’objectif louable, mais qui pose deux difficultés majeures : il risque de contrevenir au respect dû aux libertés fondamentales et son efficacité n’est pas démontrée.

Pour toutes ces raisons et malgré les quelques avancées obtenues en commission, que nous voulons bien reconnaître, le groupe UMP ne pourra se prononcer en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est bien dommage !

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. C’est triste, même !

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Tandonnet.

M. Henri Tandonnet. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, alors que nous débutons l’examen en deuxième lecture du projet de loi relatif à la consommation, je souhaite saluer la démarche du Gouvernement, qui n’a pas engagé la procédure accélérée sur ce texte,…

MM. Philippe Dallier et Jean-Claude Lenoir. Pour une fois !

M. Henri Tandonnet. … respectant ainsi pleinement le travail parlementaire. Ce n’est pas toujours le cas ! Aussi convient-il de le souligner aujourd’hui et d’inciter le Gouvernement à poursuivre dans cette voie.

Une bonne réforme du droit de la consommation doit permettre de responsabiliser l’ensemble des acteurs, dans un esprit d’équilibre entre le droit des consommateurs et la liberté des entreprises. C’est évidemment dans cet esprit que notre groupe a travaillé sur ce projet de loi.

Nous sommes parvenus à un équilibre satisfaisant sur un bon nombre de mesures, qui ont fait consensus tant sur les bancs de l’Assemblée nationale que sur les travées du Sénat, puisque seuls 67 des 171 articles du texte restent en discussion aujourd'hui.

Pour autant, l’Assemblée nationale a apporté des modifications significatives sur de nombreux points, sans tenir compte des aménagements qui avaient été introduits par les sénateurs.

À titre d’exemple, sur les treize amendements que notre groupe UDI-UC avait fait adopter en séance publique, au cours de la première lecture, huit ont été supprimés par nos collègues députés.