M. Jean Bizet. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Lasserre. Il s’agit non pas de dire oui à tout sans contrôle ni mesure du danger, mais plutôt de ne pas s’interdire de pouvoir dire oui, ou non, à la lumière d’expérimentations effectuées de façon raisonnée, intelligente et prudente, associant chercheurs, notamment, organisations professionnelles.

Vous l’aurez compris, je suis, à l’instar de mes collègues du groupe UDI-UC, plutôt méfiant vis-à-vis de sujets comme celui des OGM, mais je ne peux en aucun cas me prononcer contre la recherche et l’expérimentation.

Prudence, précaution et méfiance ne doivent pas être des freins au progrès. Or interdiction et destruction semblent être les maîtres mots de la présente proposition de loi.

Toutes ces raisons, notamment l’utilisation de la procédure accélérée, m’amènent à penser que, en l’état, le vote de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité qui a été déposée serait un choix raisonnable nous permettant de nous laisser le temps de la réflexion pour étudier en profondeur ce vaste et délicat sujet.

Les membres du groupe UDI-UC voteront donc en faveur de cette motion. Si toutefois elle devait être repoussée, ils détermineront leur vote final en fonction de l’évolution de nos débats. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi relative à l’interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié MON 810 répond en partie, vous le savez, aux propositions soutenues par le groupe CRC depuis de nombreuses années.

En effet, dès 2006, nous avions déposé une motion tendant à opposer la question préalable sur le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés. À cette occasion, nous avions affirmé de façon argumentée notre refus de voir les plantes génétiquement modifiées envahir le sol français.

Aujourd’hui, les sept minutes qui nous sont imparties dans la discussion générale ne me permettent pas d’aller au fond du débat, mais je reviendrai dans quelques instants sur les principales justifications de notre opposition à ce type de culture, opposition qui se limite à la production, à la commercialisation, à la consommation, et qui ne vise pas la recherche en ce domaine.

Lors de l’examen en 2006 du projet de loi précité, lequel, souvenons-nous, fut modifié à la suite de l’adoption d’un amendement communiste, la sénatrice Evelyne Didier affirmait dans cet hémicycle « qu’il serait hasardeux de justifier la défense des cultures OGM par la nécessité de se mettre en conformité avec le droit communautaire. Ne confondons pas les contraintes juridiques et la volonté politique ! ».

Huit ans plus tard, nous constatons avec une satisfaction particulière que la volonté politique existe aujourd’hui. Nous sommes même d’autant plus satisfaits, monsieur le ministre, que nous vous avons entendu conseiller à la Commission européenne d’écouter de temps en temps un tout petit peu l’opinion publique européenne.

En effet, au-delà des enjeux en termes de santé, d’environnement, d’agriculture, que je déclinerai dans un instant, il ne faut pas négliger l’importance, singulièrement en France, de la dimension culturelle de la nourriture et des modes de production agricole.

Comme vous le savez, la communauté scientifique n’ayant pas tranché la question de l’innocuité ou de la nocivité des OGM pour la santé, il nous semble donc important de rester prudents.

Or, à l’échelon européen, la délivrance d’autorisations de mise sur le marché s’accélère, indépendamment de la question des cultures. Au mois de novembre dernier, la Commission européenne a autorisé, pour l’alimentation animale et humaine, dix plantes génétiquement modifiées dites « empilées », ainsi que le pollen issu du maïs MON 810.

Les PGM empilées contiennent plusieurs événements de transformation, la plus emblématique étant le maïs SmartStax, comportant huit transgènes. Par conséquent, interdire la culture de plantes génétiquement modifiées ne signifie donc pas assurer aux consommateurs une alimentation sans OGM. C’est pourquoi nous militons en faveur d’une meilleure information des consommateurs relative aux produits alimentaires contenant des OGM.

Outre les pathologies lourdes, dont on ne peut déterminer si elles sont causées par l’ingestion de plantes génétiquement modifiées, il semblerait que les protéines produites par les gènes puissent présenter des risques de toxicité et d’allergénicité.

Pour ce qui concerne l’interdiction de mise en culture de maïs génétiquement modifié, nous soutenons sans réserve la démarche du Gouvernement en raison non seulement des risques environnementaux et sociaux, mais également du modèle agricole qui sont associés à l’utilisation des plantes génétiquement modifiées.

D’une part, l’incidence environnementale des cultures de PGM est plus clairement établie, des atteintes sur la faune ayant été constatées, que ce soit sur les insectes ou sur les vers de terre. De surcroît, la coexistence des cultures OGM en plein champ et de l’apiculture est, vous le savez, impossible. Nous connaissons tous le cas emblématique de cet apiculteur allemand qui a constaté la présence de pollen de maïs OGM MON 810 dans son miel et qui a intenté une action en justice. En 2011, la Cour de justice de l’Union européenne a décidé qu’un tel miel ne pouvait pas être commercialisé sans autorisation. Tous ces éléments font donc peser un risque disproportionné et injustifié sur la filière apicole.

D’autre part, en 2012, le Haut Conseil des biotechnologies évoquait, dans sa recommandation relative à l’autorisation de culture du maïs génétiquement modifié, un certain nombre d’éléments qui devraient entrer en ligne de compte dans le bilan du coût et des avantages des plantes génétiquement modifiées. Il relevait, notamment, la suppression d’emplois dans les exploitations agricoles en raison de la modification des pratiques culturales. Il soulignait également les effets des modifications introduites sur le temps de travail des agriculteurs et, parallèlement, sur la taille des exploitations, ainsi que sur les filières associées : sélection variétale, machinisme agricole, agro-industries, etc.

Il nous semble en outre que les pratiques agronomiques associées à la culture des plantes génétiquement modifiées entrent en contradiction avec le modèle agro-écologique que nous souhaitons développer en France, lequel nous pousse à nous interroger sur l’abandon des moyens non chimiques de lutte contre ce que l’on appelle les « adventices », de la pratique des rotations de cultures ou du désherbage mécanique.

De plus, comme le souligne une expertise collective de l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, et du Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, datant de 2011, sur les variétés tolérantes à des herbicides, « l’emploi récurrent de la même molécule dans la rotation a (...) entraîné des dérives de flore et l’apparition d’adventices résistantes. Ces problèmes émergents ont nécessité le recours à des solutions de désherbage complémentaires, revenant à des programmes comportant plusieurs traitements, et induisant une augmentation des tonnages d’herbicides utilisés par rapport aux économies initiales réalisées ».

Les organismes génétiquement modifiés contribuent donc à une standardisation, à une diminution du nombre de variétés et, partant, à un affaiblissement de la biodiversité.

Vous avez annoncé, monsieur le ministre, une proposition de loi-cadre à l’échelon européen pour permettre aux États membres, une fois l’autorisation de culture d’un OGM accordée, de l’interdire au plan national dans un cadre législatif plus serein que les actuelles clauses de sauvegarde.

Pour protéger efficacement les citoyens européens, une réforme en profondeur des procédures d’autorisation des OGM au niveau de l’Union serait souhaitable. En effet se pose le problème des contaminations entre pays membres qui n’opteraient pas pour les mêmes règles.

Enfin, le développement des OGM contribue également à une soumission croissante des agriculteurs aux quelques entreprises agro-industrielles créatrices de plantes génétiquement modifiées protégées par des brevets. Les effets sur les filières de production de semences, d’ailleurs souvent des entreprises françaises, et la survie du certificat d’obtention végétale ne doivent pas être négligés à cet égard.

Nous avons eu l’occasion, là encore, de mesurer les enjeux liés à la brevetabilité du vivant qui risque de remettre en cause la capacité d’innovation en matière d’amélioration végétale au plan national.

M. Jean Bizet. C’est vrai !

M. Thierry Foucaud. À ce titre, l’accord de partenariat transatlantique négocié depuis le mois de juillet 2013 entre les États-Unis et l’Union européenne risque d’affaiblir et d’isoler la France dans ses positions.

À ceux qui tenteraient de nous rassurer en disant que, d’une part, ces négociations ne devraient aboutir que dans deux ans et que, d’autre part, l’OMC inflige déjà à l’Union européenne des pénalités de plusieurs centaines de millions d’euros en raison de son refus d’importer des organismes génétiquement modifiés, nous répondons que le traité transatlantique, comme son pendant pour la zone Pacifique, aura pour effet d’autoriser les multinationales à poursuivre en leur nom propre un pays signataire dont la politique aurait un effet restrictif sur leur politique commerciale.

Les industries de biotechnologie, avec Monsanto en première ligne, attendent que la zone de libre-échange transatlantique permette d’imposer enfin aux Européens leur catalogue de produits OGM en attente d’approbation et d’utilisation.

Monsieur le ministre, parce que le groupe CRC a toujours défendu notre modèle agricole et alimentaire, nous voterons le texte issu des travaux de la commission des affaires économiques, tout en regrettant que son objet soit restreint et en réaffirmant la nécessité pour le Gouvernement de mettre en cohérence sa politique avec son action aux niveaux européen et international. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce débat est en quelque sorte le triste épilogue d’un mauvais feuilleton politique ! (Mme Éliane Assassi s’exclame.)

À deux reprises, la France a tenté de riposter en opposant la clause de sauvegarde à une décision européenne autorisant le maïs génétiquement modifié MON 810 et, à deux reprises, le Conseil d’État a annulé l’arrêté d’interdiction.

M. Jean Bizet. Ce sera pareil cette fois-ci !

M. François Fortassin. Au mois d’août dernier, celui-ci a en effet jugé que le dossier ne faisait pas état d’éléments nouveaux, reposant sur des données scientifiques fiables et permettant de conclure à l’existence d’un risque important pour la santé humaine, la santé animale ou l’environnement. Au lendemain de cette annulation, vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à maintenir le moratoire tout en promettant une décision avant les prochains semis.

Ces éléments expliquent sans doute l’apparition soudaine dans l’ordre du jour réservé au Gouvernement de cette proposition de loi déposée voilà deux semaines à peine par notre collègue Alain Fauconnier. Il s’agit là d’une production à quatre mains et à plusieurs cerveaux, mais comme les intelligences s’additionnent, acceptons-en l’augure…

M. Jean Bizet. C’est risqué !

M. François Fortassin. Cette situation semble même parfaitement assumée, n’est-ce pas, monsieur le ministre ?

Vous nous proposez donc aujourd’hui une autre procédure : interdire par la loi la mise en culture sur le territoire national non seulement du maïs incriminé, mais aussi de l’ensemble des variétés de maïs génétiquement modifié. Il est vrai que, entre-temps, une nouvelle variété de maïs OGM, le TC 1507, vient d’être quasiment autorisée, faute de majorité suffisante pour la bloquer lors du dernier Conseil européen.

Notre fonction de législateur peut-elle nous autoriser à voter des lois dont nous savons pertinemment qu’elles ne sont pas fondées juridiquement ? Cela pose un réel problème...

S’agirait-il donc d’une initiative purement politique pour rassurer une opinion publique « apparemment » unanime à rejeter les OGM ? Je n’ose le croire. Quoi qu’il en soit, elle montre bien notre incapacité à tenir un débat objectif et serein sur le sujet, allant au fond des interrogations. Il nous appartient de défendre la transparence du débat public et l’émergence d’une information non biaisée par les conflits d’intérêts.

Les résistances sont au demeurant tout à fait légitimes. Mais, aujourd’hui, on ne sait plus d’où viennent les sources d’inspiration critique : à un moment donné, ce peut être le principe de précaution, qui a souvent bon dos, et à un autre, l’opposition à la stratégie, il est vrai très impérialiste, de l’entreprise Monsanto.

Les modèles de développement ne sont pas toujours antinomiques, l’agriculture intensive ne s’oppose pas nécessairement à l’agro-écologie. Il faut sortir d’une vision manichéenne et simplificatrice !

Sur des dossiers comme celui-ci, nous devrions pouvoir décider sur la base d’un débat scientifique parfaitement déterminé et non céder en permanence aux caprices de quelques religieux sectaires et contestataires,…

M. Jean Bizet. Des noms !

M. François Fortassin. … ainsi qu’aux craintes d’une opinion publique parfois trop facile à manipuler. En tant que parlementaires, nous devons raison garder et ne pas céder aux sirènes médiatiques ou aux raccourcis de quelques sondages d’opinion qui n’ont aucun sens.

On ne peut réduire les OGM à leur visage actuel, c’est-à-dire au business de l’entreprise Monsanto ou de quelques autres firmes pour lesquelles nous n’avons aucune sympathie particulière et dont nous dénonçons d’ailleurs certaines méthodes – je pense, en particulier, au scandale d’un monopole des semences.

Il serait stupide de se priver a priori des biotechnologies : non, les OGM ne représentent pas, par nature et par définition, un danger certain pour la santé publique ! Les choses sont plus complexes. Ce constat est d’ailleurs valable pour d’autres sujets – un orateur précédent a évoqué le gaz de schiste, je n’insisterai donc pas davantage.

Il est primordial de poursuivre la recherche, car nous commettrions une faute politique majeure en cédant à l’obscurantisme. Veillons à ce que le principe de précaution ne devienne pas un véritable principe de « paralysie ». Quand on ne connaît pas un risque, au lieu de s’abstenir, mieux vaut chercher à savoir ce qu’il en est, en l’étudiant. Or, même au stade expérimental, il n’y a plus de cultures OGM en France, il n’y a donc plus rien à faucher ni à détruire !

La prise de position est d’autant plus regrettable que notre pays est encore, je l’espère, à la pointe de la recherche et du développement dans le domaine de la génétique végétale. Les variétés créées par l’INRA furent à l’origine du succès de plusieurs entreprises.

Comme vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, l’évaluation des OGM connaît de grandes lacunes, qu’il s’agisse de leur intérêt agronomique, de leurs effets sur la santé humaine, de leurs incidences sur les autres filières agricoles, conventionnelle ou biologique. Raison de plus pour donner à la recherche publique française, notamment à l’INRA, les moyens nécessaires et la liberté suffisante pour mener des expérimentations. Je regrette que le texte que nous examinons ne dise mot sur ce point.

Cela étant, je ne conteste pas vos arguments relatifs aux risques de résistance des maïs OGM, à l’insuffisance des mesures de gestion et des plans de surveillance mis en œuvre par l’entreprise Monsanto. Je m’interroge seulement sur la cohérence de nos décisions avec celles de l’Europe. Comment expliquer, par exemple, l’interdiction de la mise en culture des OGM et, dans le même temps, l’autorisation de l’importation de produits à base d’OGM ? Disons la vérité aux Français : on ne cultive pas chez nous ce que nous mangeons tous les jours !

Finalement, face à une communauté scientifique fortement divisée et invoquant des arguments contradictoires, face aux positions des « pro » et des « anti » qui se sont encore durcies, faut-il considérer que nous devons nous résigner à ne tenir compte, sur ce sujet, que de notre intime conviction ?

L’intime conviction des membres du RDSE n’est pas unanime. Nous pensons tous qu’il faut encourager la recherche pour avoir au plus vite des certitudes. En attendant, certains d’entre nous, dont je suis, voteront ce texte, non sans exprimer quelques réserves, comme je viens de le faire, mais d’autres ne peuvent se résoudre à adopter un texte qui n’a aucune raison d’être sur le plan juridique.

Enfin, la totalité des membres de mon groupe appellent à la tenue, au plus vite, d’un vrai débat objectif et dépassionné sur le sujet des OGM, débat dans lequel ni l’immobilisme, ni l’obscurantisme, ni le sectarisme, ni surtout les arrière-pensées électorales n’auront la moindre place ! Monsieur le ministre, je fais confiance à votre détermination et à votre savoir-faire pour que la France ne soit pas condamnée par les instances européennes !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous savez que mon savoir-faire est grand !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.

Mme Nicole Bonnefoy. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à l’approche de la prochaine période des semis de maïs, fin mars-début avril, la majorité et le Gouvernement souhaitent réaffirmer leur opposition à la mise en culture du maïs Monsanto 810, tout en anticipant une éventuelle approbation à l’échelon européen d’un nouveau maïs OGM, le Pioneer TC 1507.

Depuis l’autorisation de sa mise en culture au plan européen en 1998, la France a, à plusieurs reprises, activé sa clause de sauvegarde et interdit la mise en culture du maïs OGM de l’entreprise Monsanto sur son territoire. Elle s’est pour cela fondée sur un large éventail d’études scientifiques qui mettent en évidence des risques environnementaux liés à sa culture. Ces risques comprennent, notamment, l’apparition de résistances dans les populations de ravageurs, modifiant l’équilibre animal et végétal et encourageant l’adoption de techniques de lutte ayant une incidence environnementale plus élevée, comme l’utilisation d’insecticides, ou encore la réduction de la population de certaines espèces de papillons, lorsqu’elles sont exposées au pollen du maïs Monsanto 810 déposé sur leurs plantes hôtes.

L’EFSA, considérant ces risques pour la biodiversité, a de son côté rendu plusieurs avis recommandant des mesures de gestion et de sécurité en cas de mise en culture. Elle insiste en particulier sur la nécessité de renforcer les plans de surveillance, et d’instaurer des mesures de confinement des cultures, ainsi que des distances de sécurité avec les habitats des espèces affectées par la dissémination du pollen et des toxines de ces OGM.

Or le groupe Monsanto n’est pas assujetti à ces mesures de précaution en faveur de l’environnement et de la santé animale par la décision européenne d’autorisation. De plus, il apparaît que les mesures volontaires proposées par l’entreprise sont insuffisantes au regard des risques et sont, de toute façon, mises en œuvre de manière incomplète.

Par ailleurs, la mise en culture de maïs génétiquement modifié sur le territoire national ouvrirait un risque supplémentaire pour la santé des abeilles : celui de la dissémination incontrôlée de pollen issu d’OGM se retrouvant par la suite, de manière incontrôlée, dans les produits des ruches. Les maïs Monsanto 810 et Pioneer TC 1507 ont en effet la particularité de produire leur propre insecticide, dont la toxicité sur les abeilles n’a jamais été évaluée selon le protocole imposé pour les insecticides agricoles.

Depuis près de vingt ans, la filière apicole traverse une crise profonde liée à la surmortalité des abeilles. Cette surmortalité a des origines multiples : usage abondant des pesticides dans l’agriculture, monoculture, ravages du parasite varroa, ou encore conséquences de l’introduction du frelon asiatique dans notre pays.

Est-il encore nécessaire de le rappeler ? Cet effondrement des colonies fait peser un risque écologique majeur, en raison du rôle des insectes pollinisateurs dans la nature. Les 1 100 espèces d’abeilles jouent en effet un rôle fondamental dans la biodiversité et la reproduction des végétaux. Quelque 170 000 espèces végétales, arbres, fleurs sauvages ou cultivées dépendent des pollinisateurs.

Avec la mise à mal de ce maillon essentiel de la biodiversité, c’est aussi toute une filière économique qui souffre. En 2013, la France a produit 15 000 tonnes de miel ; il s’agit de la récolte la plus faible jamais connue ! En vingt ans, la production de ce produit a chuté de moitié. Notre pays, qui dispose de conditions optimales pour produire des miels de qualité – un vaste espace rural, des paysages et des climats très différents, un important savoir-faire – est devenu importateur, alors qu’il pourrait être exportateur. En 1995, la France était autosuffisante ; elle importe désormais les deux tiers de sa consommation. En dix ans, le nombre des apiculteurs est passé d’environ 70 000 à 40 000 !

Alors qu’aucune solution technique satisfaisante n’existe actuellement pour éviter la présence de pollen génétiquement modifié dans les produits de la ruche, la présence d’OGM sur le territoire créerait donc une contrainte supplémentaire pour la filière apicole, en obligeant les apiculteurs à éloigner leurs ruches des parcelles où des OGM seraient cultivés. Je prends l’exemple de la filière apicole, mais il va sans dire que les menaces d’incidences environnementales et économiques pèseraient sur toutes les filières agricoles « sans OGM », qu’elles soient conventionnelle ou biologique.

Par ailleurs, l’opposition de la France à l’autorisation de mise en culture du maïs Pioneer TC 1507 rejoint la position claire que vient de prendre le Parlement européen, à la mi-janvier, à travers le vote d’une résolution contre son autorisation par près des deux tiers de ses membres. La semaine dernière, les États membres de l’Union européenne ont également voté majoritairement contre. Les mêmes causes – risques pour la biodiversité et insuffisances des évaluations sanitaires – ont donc conduit à un refus clairement exprimé des représentants européens et de la plupart des ministres européens concernés.

En attendant la décision finale que prendra la Commission européenne à l’égard de ce nouveau maïs OGM, il convient d’affirmer le principe général d’interdiction de culture de tous les maïs OGM sur le territoire français, par un vote sans hésitation de la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

(M. Thierry Foucaud remplace Mme Bariza Khiari au fauteuil de la présidence.)