Mme Leila Aïchi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, nous concluons aujourd’hui les débats sur le projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Pour la première fois, les parlementaires ont pu débattre de questions essentielles concernant l’action de la France à l’étranger.

En effet, la mise en cohérence, l’encadrement et le contrôle des pratiques de la France dans ce domaine étaient un impératif auquel la France ne pouvait plus, en tant que puissance européenne et mondiale, se soustraire.

Il s’agissait là de tenter de tourner définitivement la page d’années de coopérations opaques, déséquilibrées et intéressées. Nous devons, en effet, nous adapter au contexte mondialisé d’aujourd’hui en tenant compte non seulement de la multiplicité des acteurs en présence, mais aussi de l’interdépendance entre les enjeux politiques, sociaux, environnementaux, financiers et économiques. C’est en ce sens que le présent projet de loi constitue une avancée.

Il était en effet nécessaire, face aux défis multidimensionnels d’aujourd’hui, de mettre en place des partenariats différenciés. Nous faisons face à des problématiques très différentes dans les pays pauvres « prioritaires », les pays en crise ou en sortie de crise et les « très grands émergents ».

Nous devons donc adapter notre action en fonction de chaque situation, et mettre en place des programmes ciblés et adaptés, ce d’autant plus que l’aide publique au développement française s’est réduite de près de 10 % en 2013.

La recherche de cohérence, mise en avant par le Gouvernement, se devait d’être le point central de ce projet de loi. Nos différentes politiques sectorielles doivent systématiquement prendre en compte leur impact sur le développement et le respect des droits de l’homme. Nous nous réjouissons donc que ce principe apparaisse dans le projet de loi, afin d’éviter que les valeurs que nous prônons ne soient déconstruites par des intérêts commerciaux et des comportements prédateurs.

Au-delà des principes, il aurait été essentiel de présenter une partie programmatique, afin de lier chaque programme à des moyens de financement précis. Plus encore, un texte programmatique aurait permis de concrétiser la marche vers l’objectif des Nations unies de 0,7 % du revenu national brut.

L’absence de volet budgétaire laisse planer le doute quant à l’exécution de la politique de développement dans les prochaines années.

Au sujet du pilotage de l’aide, alors que l’objectif de transparence était mis en avant, force est de constater que, tout au long des débats, l’Agence française de développement semble avoir bénéficié d’un passe-droit. Nous regrettons en effet que son fonctionnement n’ait pas été encadré strictement à l’occasion de ce projet de loi. Or, si nous voulons être crédibles auprès de la société civile et des ONG, nous devons exercer un contrôle beaucoup plus strict sur notre politique d’aide au développement. À terme, nous devrions imaginer une nouvelle organisation de notre aide.

En outre, nous devons impérativement imposer des mesures contraignantes à toutes les entreprises opérant dans les pays bénéficiaires. Il aurait été important de se montrer plus ambitieux et rigoureux en matière de responsabilité sociale et environnementale.

Trop souvent par le passé, et encore aujourd’hui, les convoitises commerciales et l’impératif de compétitivité des entreprises ont conduit à toutes sortes de dérives, notamment sociales, environnementales et sanitaires. La France doit bannir ce genre de comportements et permettre la mise en place de mécanismes juridiques contraignants pour les maisons mères comme pour leurs filiales. Or ces éléments, pourtant essentiels, n’ont pas recueilli de consensus au sein du Parlement.

Enfin, je reviendrai sur l’aspect environnemental. Je me réjouis, en effet, que le projet de loi mette en avant cette dimension du développement. Tout développement doit être durable. Nous ne le rappellerons jamais assez, mais la prégnance du changement climatique sur le développement est un fait avéré.

À ce titre, l’inscription des « pays en grande difficulté climatique » dans la politique de développement est une avancée notable, qui permet à la France de jouer un rôle pionnier à l’échelle internationale.

Je tiens une nouvelle fois à rappeler que les pays en grande difficulté climatique ne sont pas nécessairement les pays les plus pauvres et les plus fragiles : par exemple, les Philippines ou encore le Vietnam sont parmi les pays les plus exposés aux risques climatiques. Nous devons donc considérer les problèmes climatiques comme des risques de déstabilisation et de fragilisation majeurs, au même titre qu’une crise politique ou économique.

Bien évidemment, les pays les plus fragiles sont particulièrement vulnérables aux stress hydriques, nourriciers et énergétiques, dans la mesure où ils n’ont pas les moyens d’y faire face. C’est pourquoi il était important d’inscrire la problématique environnementale dans la liste des priorités sectorielles visées par notre politique de développement.

Cela dit, en tant qu’écologiste, je regrette l’absence d’engagements clairs et forts de la France en amont de la prochaine conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.

Nous ne devons pas céder à la facilité ou remettre à plus tard les engagements que nous pourrions et devrions prendre dès à présent. Il y va de la réussite de la COP-21 !

À cet égard, il aurait été important d’inscrire clairement dans la loi que la France avait pour objectif la réduction progressive de ses soutiens publics aux énergies fossiles de manière générale et de ne pas restreindre cet engagement à la seule politique de développement.

Monsieur le secrétaire d'État, les écologistes voteront, bien évidemment, en faveur de ce projet de loi, qui, nous le reconnaissons, constitue une avancée significative pour notre politique de développement. Toutefois, nous devons nous garder de tout sentiment d’accomplissement et bien plutôt considérer ce texte comme une première étape vers une définition plus ambitieuse, innovante et, surtout, exemplaire de notre politique de développement. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, en première lecture, le Sénat a sensiblement amélioré la rédaction du projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Pour l’essentiel, cette amélioration a consisté en une restructuration du texte lui-même, en une clarification de sa rédaction et en un léger renforcement de son caractère normatif.

Parmi les apports majeurs de notre Haute Assemblée à ce texte, il faut sans doute compter l’efficacité accrue du pilotage et de l’évaluation de la politique d’aide au développement. Nous avions également adopté le principe d’une profonde réforme de l’expertise technique, en rassemblant les différents opérateurs dans une agence unique.

Comme l’ont exposé nos deux rapporteurs, Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon, nous avons également enrichi ce texte sur d’autres aspects, sur lesquels je ne reviendrai pas, puisqu’ils ont rencontré l’accord de nos collègues de l’Assemblée nationale. Quelques divergences secondaires ont également été aplanies.

En revanche, le sujet des modalités de l’évaluation des politiques menées par l’Agence française de développement, l’AFD, par un organisme indépendant regroupant des services existants et celui du renforcement du contrôle du Parlement sur cet organisme ont fait l’objet d’une discussion plus poussée, mais elle a débouché sur un accord.

En effet, nous nous sommes entendus sur le mode de gouvernance d’un observatoire qui ne soit pas, selon l’expression familière, une « usine à gaz » et qui puisse être efficace.

Ce sujet n’est pas mineur : je dirais même qu’il est l’un des piliers de ce texte, au-delà de l’objectif poursuivi. Dans cette affaire, il est important que le Parlement puisse y voir clair dans l’activité de l’AFD, car, ce qui est également en jeu, c’est l’amélioration d’une des principales fonctions du Parlement : le contrôle de l’utilisation de l’argent public. C’est d’autant plus important que le domaine de l’aide au développement est resté pendant longtemps d’une grande opacité.

D’une façon générale, la question du contrôle parlementaire sur les politiques d’aide au développement est fondamentale. Jusqu’à présent, le Parlement devait se contenter du seul vote du budget de la mission « Aide publique au développement » – lorsque le débat avait lieu… Or cette mission représente à peine un tiers de l’aide totale, qui s’élève à 9,3 milliards d’euros et prend aussi bien en compte des annulations de dette, l’accueil des étudiants étrangers ou bien encore le secteur humanitaire.

Nous savons tous combien il est difficile d’avoir une vue d’ensemble sur une politique éclatée, entre l’aide bilatérale, l’aide transitant par l’Union européenne et les programmes internationaux, surtout quand entrent en jeu de multiples opérateurs, publics et privés, précisément très peu contrôlés.

Après avoir mentionné les aspects positifs du texte, je relèverai quelques-unes de ses faiblesses, qui risquent d’en atténuer la portée.

Je pense, en particulier, à l’insuffisance des dispositions qui devraient être mises en œuvre pour lutter contre l’opacité des transactions financières dans ce secteur d’activité et contre l’évasion fiscale que pratiquent certaines entreprises. À cet égard, je regrette que les modalités d’utilisation par l’AFD des places financières dites « offshore » ne soient pas plus strictement encadrées.

Ces différents aspects posent concrètement la question d’un contrôle plus efficace des sociétés multinationales, a fortiori lorsque ces dernières sont soutenues par l’AFD, qui, soulignons-le, est en grande partie alimentée par de l’argent public.

Dans le même ordre d’idées, je regrette aussi que les références précises à la responsabilité fiscale, mais aussi sociale et environnementale des entreprises aient été diluées au sein de l’expression, beaucoup plus générale, de « responsabilité sociétale ».

Nous aurions également dû procéder à une véritable réorientation de la vocation de l’AFD, qui privilégie des prêts concessionnels et finance trop souvent des projets sur la base de la rentabilité qu’elle peut en attendre. Je souhaite que cette exigence trouve sa place dans le prochain contrat d’objectifs et de moyens qui sera signé entre l’État et l’AFD.

Enfin, l’absence de toute programmation financière dans le projet de loi handicape lourdement la possibilité de mettre en œuvre concrètement une politique d’aide au développement véritablement différente. Il est évident que, sans moyens financiers pour les réaliser, les objectifs et le cadre de travail fixés par le présent texte risquent fort de demeurer des vœux pieux !

Certes, les efforts à produire en faveur de l’aide au développement ne sont pas tous d’ordre financier, mais ils se mesurent aussi en grande partie à l’aune d’engagements concrets. Or la réalité est que notre pays ne cesse de réduire les budgets qu’il consacre à ce secteur.

Ces dernières années, parmi les engagements de l’AFD, le montant des prêts bonifiés et des subventions accordés était en baisse et celui des dons aux pays les plus pauvres, africains pour la plupart, connaissait une diminution, ainsi que s’en était d’ailleurs inquiétée notre commission dans un rapport budgétaire.

Au final, s’il est pétri de bonnes intentions, le projet de loi laisse une impression d’occasions manquées : il ne procède pas à la profonde refonte de l’aide publique au développement que nous souhaitions tous à gauche. Cela dit, dans les limites que je viens d’indiquer, il présente des avancées que nous ne sous-estimons pas et que nous apprécions comme telles. Nous voterons donc le projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, dans la rédaction proposée par la commission mixte paritaire. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia.

M. Robert del Picchia. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, messieurs les corapporteurs, chers et chères collègues, alors que nous en sommes parvenus à l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, je veux dire que ce texte a au moins un mérite : celui d’exister. S’il n’en avait qu’un, ce serait celui-là !

En effet, pour la première fois, l’aide publique au développement aura sa loi de programmation. Le groupe UMP s’en félicite, car l’étape législative que constitue ce texte répond à une demande de tous les acteurs de l’aide publique au développement, qu’il s’agisse des ONG ou des parlementaires de toutes les sensibilités. Depuis très longtemps, nous attendions qu’un texte puisse définir clairement notre politique d’aide envers les pays les plus pauvres de la planète.

Mes chers collègues, objectivement, nous pouvons nous réjouir de la version du texte résultant des travaux de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.

Sans vouloir être désagréable à l’égard de nos amis députés, force est de constater qu’après son examen à l’Assemblée nationale le projet de loi ressemblait à un catalogue de bonnes intentions… À cet égard, les modifications que lui a apportées notre commission lui donnent une plus grande cohérence législative et marquent des avancées concrètes. C'est la raison pour laquelle je tiens, au nom du groupe UMP, à saluer le travail accompli par nos deux rapporteurs, Christian Cambon et… notre collègue qui siège à ses côtés au banc des commissions. (Sourires.) On peut affirmer que le texte a été largement « rebâti ». Cette nouvelle architecture législative lui a permis d’être plus lisible, plus pertinent et plus cohérent.

Mes chers collègues, il n’est pas question cet après-midi de refaire le débat que nous avons déjà eu le 26 mai dernier. Toutefois, je souhaite attirer votre attention sur les points qui nous paraissent importants.

Nous retiendrons que ce texte consacre pleinement le rôle des collectivités locales, ce qui tient particulièrement à cœur aux membres de cette assemblée ! Désormais, les démarches de coopération seront simplifiées pour les collectivités, et mieux articulées entre elles. En outre, elles ne seront plus systématiquement soumises à la signature d’une convention – pour l’heure, en cas de crise humanitaire ou de catastrophe, les collectivités françaises sont parfois dans l’incapacité de signer une convention avec un homologue officiel, du fait même de la situation de crise.

Par ailleurs, je tiens à saluer la disposition du texte qui prévoit la transmission d’un rapport des collectivités territoriales à la Commission nationale de la coopération décentralisée : ce rapport sera l’occasion de dresser un bilan exhaustif de l’action des collectivités, de mieux coordonner leurs projets et d’en assurer un meilleur suivi par les ambassades. Mes chers collègues, il s’agit là d’un gage d’efficacité important, quand on sait que le défi de l’aide publique au développement française réside aussi dans son évaluation a posteriori ! Cet état des lieux permettra également à l’exécutif de savoir qui fait quoi, et au profit de qui.

Enfin, sur ce même sujet, je me félicite que le projet de loi prévoie une extension de la loi dite « Oudin-Santini » au secteur des déchets – c’est ce que l’on appelle également le « 1 % déchets ». Jusqu’à présent, les collectivités pouvaient engager des actions de coopération dans les secteurs de l’eau, de l’assainissement et de l’énergie. Or, face aux dangers liés à la prolifération des déchets – organiques et chimiques –, à l’impact nocif de ces derniers sur l’environnement et aux lourdes conséquences sanitaires qui en découlent, il paraissait important de pouvoir ouvrir un nouveau champ d’intervention aux collectivités.

Cette nouvelle possibilité permettra aussi aux collectivités françaises d’apporter leur expertise dans un domaine où la France est en pointe. Mes chers collègues, l’aide publique au développement est aussi un domaine dans lequel la France doit faire face à la concurrence ! Dès lors, les enjeux relatifs à l’expertise internationale doivent également être pris en compte.

À cet égard, les avancées du texte sur la création de l’Agence française d’expertise technique internationale, l’AFETI, nous semblent positives.

L’AFETI regroupera désormais les opérateurs publics de l’expertise et sera placée sous la double tutelle du Quai d’Orsay et de Bercy. Nous savons que, dans ce domaine, nous perdons des marchés en raison de structures trop mineures pour répondre à certains appels d’offres.

Désormais, l’AFETI sera conçue comme une holding et assurera les fonctions transversales des opérateurs, alors que des départements thématiques, dont les responsables seraient nommés sur proposition des ministres compétents, maintiendraient le lien avec le vivier des experts des opérateurs actuels.

Toutefois, si ce regroupement offre l’occasion d’une meilleure lisibilité de l’expertise française à l’international, comme le ferait un « label », il faudra rester vigilant quant au fonctionnement, afin d’éviter les situations de concurrence entre les anciens opérateurs et les administrations d’origine.

Mes chers collègues, l’élu des Français de l’étranger que je suis se réjouit tout particulièrement de l’article relatif au migrant banking. En effet, ce dispositif permettra de développer des produits d’épargne ou des opérations de crédit ayant pour objectif le financement d’investissements dans des pays en développement, ce que prônent beaucoup de mes collègues représentant les Français de l’étranger. Ce système existant d'ores et déjà chez certains États membres de l’Union européenne, il était temps que la France modifie le titre Ier du livre III de son code monétaire et financier, surtout quand on sait que le micro-crédit permet l’émergence de bon nombre de projets de développement.

Concernant le financement, je tiens à saluer la possibilité offerte à l’AFD de gérer des fonds de dotation ou des fonds dits « multibailleurs », lesquels permettent la mise en commun de financements divers, avec une gestion unique ou resserrée. Cette initiative repose sur des constats concrets : dans les pays en crise ou fragiles, les fonds de ce type, encore appelés « fonds Bêkou », sont particulièrement adaptés dans la mesure où peu d’acteurs ont les capacités humaines et techniques d’intervenir dans des circonstances d’urgence. En réalité, ces fonds permettent une concentration de l’aide et participent donc à son efficacité.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour toutes ces raisons, et au regard du formidable travail de fond réalisé par nos deux rapporteurs, le groupe UMP ne s’opposera pas à ce projet de loi. Néanmoins, il s’abstiendra, car il regrette que ce texte soit coupé de toute réalité financière. Il est dommageable, pour une loi de programmation, de ne comporter aucune trajectoire budgétaire ! Au reste, la position de notre groupe est cohérente, puisque nous nous étions déjà abstenus lors de l’examen du projet de loi en première lecture.

Toutefois, à titre personnel, avec mes collègues Christian Cambon et Jacques Gautier, me semble-t-il, je voterai ce texte, qui a le mérite d’exister. C’est le premier du genre ; il nous appartient de l’enrichir pour le crédibiliser financièrement. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP et du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Roger.

M. Gilbert Roger. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme du processus législatif devant conduire à l’adoption de ce projet de loi.

La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, qui s’est réunie le 4 juin dernier, a adopté un texte commun sans difficulté, avec, me semble-t-il, une grande volonté d’efficacité.

C’est l’occasion pour moi d’observer, avec d’autres, que le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire ne diffère guère de celui qui avait été adopté par la Haute Assemblée le 26 mai dernier, ce dont je me réjouis. Cela prouve que les deux assemblées parlementaires peuvent travailler efficacement et en harmonie.

Ce constat me donne l’occasion de saluer de nouveau le travail de Pascal Canfin, naguère ministre délégué chargé du développement, et d’Annick Girardin, qui lui a succédé en tant que secrétaire d'État chargée du développement et de la francophonie, ainsi que celui de nos deux corapporteurs.

La commission mixte paritaire est parvenue à un accord sur l’évaluation, les députés et les sénateurs partageant une même volonté de disposer d’un système d’évaluation des politiques menées obéissant à deux critères : l’impartialité des évaluations et la garantie de leur indépendance. La création, par un amendement en commission mixte paritaire, d’un observatoire de la politique de développement et de solidarité internationale, chargé de mutualiser et de rationaliser les évaluations des programmes menés par la France, répond à ce double objectif.

Concernant l’expertise, je me réjouis à mon tour que les députés n’aient pas souhaité revenir sur l’article 8 bis, dont notre collègue Jacques Berthou est à l’initiative. Le Sénat a adopté une profonde réforme de l’expertise technique, avec le regroupement de six organismes dès le 1er janvier 2015, avant une fusion plus large au 1er janvier 2016.

Depuis vingt ans, tous les rapports constataient l’éclatement du dispositif français, inadapté pour répondre aux appels d’offres internationaux, qui favorisent les structures importantes et pluridisciplinaires. Parfois, notre pays n’est pas assez compétitif, alors que l’expertise est un enjeu essentiel en termes d’influence. Aussi la France avait-elle besoin de se doter d’un opérateur public dominant susceptible de fédérer ses offres, afin de les rendre plus visibles et lisibles sur la scène internationale.

Je suis également satisfait que la commission mixte paritaire ait maintenu l’avancée que constitue l’extension de la loi Oudin-Santini aux déchets ménagers. Cette disposition, que le Sénat a fait adopter, permet de flécher un secteur d’intervention de la politique de développement dans lequel les collectivités disposent d’une expertise reconnue par tous.

Le groupe socialiste du Sénat a également fait voter un amendement obligeant les établissements scolaires à mener des campagnes de sensibilisation sur le thème de la coopération et du développement, encore trop mal connu de nos concitoyens.

Enfin, la commission mixte paritaire a fait le choix de conserver la rédaction du Sénat concernant la reconnaissance du concept de « pays en grande difficulté climatique » au sein des politiques de développement et de solidarité. Je m’en réjouis personnellement, car l’exposition des pays aux effets du dérèglement climatique est désormais un paramètre à prendre en compte. Aussi était-il important qu’il soit reconnu dans la loi.

La préservation de l’environnement et des biens publics mondiaux est un sujet essentiel. Le dérèglement climatique est l’une des plus grandes menaces pour le développement des pays les plus vulnérables. Il est de notre responsabilité de nous assurer que ces pays ont la possibilité de choisir un mode de développement écologiquement soutenable et sont en mesure de s’adapter aux effets du changement climatique.

Pour toutes les raisons exposées, les membres du groupe socialiste se réjouissent de ce travail législatif exemplaire et de l’apport essentiel du Sénat. Nous voterons bien entendu les conclusions de la commission mixte paritaire, qui constituent l’aboutissement de ce processus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Je tiens tout d’abord à remercier l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés.

Permettez-moi de répondre plus particulièrement à la question de M. le corapporteur Christian Cambon et d’autres intervenants sur la mise en œuvre de la réforme de l’expertise technique internationale et de la réforme de l’évaluation.

S’agissant du premier point, la réforme des opérateurs de l’expertise technique internationale était attendue, ainsi que plusieurs orateurs l’ont souligné. Elle est maintenant en marche grâce au travail de fond de la Haute Assemblée, qui a su proposer une démarche ambitieuse et opérationnelle.

À cet égard, je veux rendre hommage aux corapporteurs, à l’ensemble de la commission des affaires étrangères, présidée par Jean-Louis Carrère, qui nous ont permis d’avancer sur un facteur essentiel d’influence à l’international, ainsi que l’a rappelé M. Roger.

Cette réforme ambitieuse sera désormais inscrite dans la loi ; il convient maintenant de la traduire en actes. Je tiens à vous dire aujourd'hui que le Gouvernement est déterminé à avancer rapidement.

Dès la promulgation de la loi, un délégué interministériel à l’expertise internationale sera nommé, sur proposition des ministres des affaires étrangères et de l’économie. Le Gouvernement, en particulier Laurent Fabius et Annick Girardin, sera attentif à ce qu’il conduise ses travaux dans un esprit d’écoute et d’efficacité et avec une grande détermination.

Écoute, car toutes les parties prenantes devront être associées. Je pense aux ministères concernés, mais aussi aux personnels des opérateurs et aux partenaires sociaux, ainsi qu’au secteur privé.

Efficacité, car notre objectif est d’aboutir à un dispositif pertinent, praticable, agile, économe.

La mesure de la réussite en la matière sera simple, elle a d’ailleurs été évoquée : serons-nous capables de gagner des parts de marché dans les appels d’offres des grands bailleurs de fonds à l’issue de cette réforme ? Nous pensons que la France peut apporter une expertise de grande valeur…

M. Christian Cambon, corapporteur. Tout à fait !

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. … et qu’elle doit donc progresser en termes de parts de marché.

Détermination, aussi, car les enjeux sont importants et le calendrier est très resserré. Le Gouvernement veillera donc à tenir les assemblées parlementaires régulièrement informées de la mise en œuvre de cette réforme.

S’agissant maintenant du second point, la réforme du dispositif d’évaluation des politiques de développement constitue une autre avancée. Elle prend tout son sens dans le contexte de cette loi, centrée sur l’exigence de transparence et d’efficacité : une politique qui n’est pas évaluée convenablement ne peut pas être efficace.

Le Gouvernement est, là aussi, déterminé à avancer pour garantir le principe d’indépendance des évaluations, auquel vous avez montré, mesdames, messieurs les sénateurs, votre attachement, en mettant en place, dans les meilleurs délais, l’observatoire créé par la loi.

Le dispositif issu des travaux de la commission mixte paritaire nécessite toutefois un travail sur ces modalités de mise en œuvre, un travail qui est d’ores et déjà en cours au sein des services concernés. Sur ce sujet également, le Gouvernement tiendra le Parlement étroitement informé de l’avancée de ses travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier nos deux corapporteurs, Jean-Claude Peyronnet et le collègue « qui siège à côté de lui »… (Sourires.) Je veux, bien entendu, parler de Christian Cambon, n’est-ce pas, cher Robert del Picchia ? (Nouveaux sourires.) C’est un peu comme si, lors de la récente commémoration officielle à Ouistreham, on s’était demandé qui était le grand Noir devant moi ! (Rires.) Comme quoi, il faut toujours connaître le nom de ceux qui nous entourent, sauf à avoir sous les yeux un paperot, comme on dit en bon gascon !

Tout cela pour souligner, mes chers collègues, qu’un binôme de rapporteurs appartenant à des familles politiques différentes, voire, parfois, quelque peu opposées, peut donc contribuer à améliorer un texte et, même, à le rendre recevable par l’ensemble d’entre nous.

Pour ma part, je tiens à rendre hommage à nos collègues de l’Assemblée nationale. Même si je partage votre avis quant à l’avancée que représente la version finale qui nous est proposée par rapport à la rédaction du texte qui nous a été soumise en première lecture, je tiens à souligner l’état d’esprit constructif de nos collègues députés lors de la commission mixte paritaire : ils ont accepté les propositions, certes argumentées, de nos deux corapporteurs. D’ailleurs, je vous ferai observer, non sans une pointe de malice, que je n’en doutais pas, puisque, outre l’intelligence de Mme la présidente de la commission des affaires étrangères, Élisabeth Guigou, le rapporteur de ce texte, Jean-Pierre Dufau, a cette autre qualité d’être député des Landes… (Sourires.) Vous le voyez, quand on se mêle de politique dans mon département, les choses évoluent avec célérité ! (Nouveaux sourires.)

M. Yvon Collin. C’est le centre du monde ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Non, simplement celui de la corrida ! (Mêmes mouvements.)

Sans vouloir embarrasser nos amis de l’UMP – loin de moi cette idée, et je salue le vote de nos trois collègues ! –, je veux redire à leur endroit que, en plein débat politique, avant une élection présidentielle, ce budget avait été voté par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

M. Jacques Gautier. Nous votons le texte !

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Je le sais bien, mais, par votre intermédiaire, je m’adresse ici, en quelque sorte, à la hiérarchie du groupe UMP, qui s’abstient. Je regrette cette position.

Certes, les conclusions de la commission mixte paritaire vont être adoptées ici aussi à la quasi-unanimité, mais, si nous voulons donner de la force à l’action publique et à l’action politique, la meilleure façon de solidifier la République et d’empêcher les dérives extrêmes, c’est, me semble-t-il, de montrer à nos concitoyens que, sur des sujets importants, nous sommes capables de nous rassembler. Et je crois que nous avons tous cette volonté ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur celles du RDSE et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cambon, corapporteur.

M. Christian Cambon, corapporteur. Au moment de conclure ce débat, je voudrais en premier lieu remercier le président Jean-Louis Carrère, qui nous a fait confiance, à Jean-Claude Peyronnet et à moi-même, selon une méthode désormais éprouvée au sein de cette commission.

Je voudrais aussi le rassurer sur l’UMP et lui conseiller, à titre amical, de faire comme moi et de ne pas tenter de comprendre toutes les subtilités internes de ce parti, qui parfois nous échappent aussi ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Je suis d’accord !