M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 229 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l’adoption 32
Contre 310

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 26 et 71.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, M. Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia, MM. de Raincourt, Robert, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéas 51 et 52

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.

M. Jean-Noël Cardoux. C’est maintenant l’autre côté de l’hémicycle qui va maintenant s’exprimer, et l’on ne sera pas surpris que s’y fasse entendre une position qui est aux antipodes de celle des auteurs des trois amendements précédents.

L’Assemblée nationale a ajouté de nouvelles obligations dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire des branches professionnelles. Elle a prévu une évaluation de l’impact sur l’emploi et les salaires des allégements de cotisations sociales sur lesquels nous sommes en train de travailler.

Or cette disposition pose, selon moi, trois problèmes principaux.

Tout d’abord, une fois de plus, on va complexifier le travail des entreprises en les obligeant à fournir, dans le cadre du dialogue social, un certain nombre d’éléments qu’elles devront demander à des cabinets de conseil de préparer. Cela ne servira pas à grand-chose, mais cela aura un coût. En outre, cela va une fois de plus susciter un sentiment de défiance de la part des entreprises, qui diront que, d’un côté, on met en œuvre un dispositif destiné à leur permettre de survivre et d’accroître leur compétitivité et que, de l’autre, on les place sous surveillance pour vérifier si elles l’utilisent correctement. Pour ma part, je pense que, dans le climat difficile actuel, ce n’est vraiment pas de cela que les entreprises ont besoin !

Ensuite, lors de la conférence sociale, le Président de la République a annoncé que le comité de suivi du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi verrait « sa compétence élargie à l’ensemble des aides publiques aux entreprises » et donc au pacte de responsabilité. On va donc demander aux entreprises d’organiser, dans le cadre de leur gouvernance, quelque chose que le Gouvernement prévoit déjà dans le cadre d’une évaluation. On assiste là à un empilement de mesures. Je pense que c’est une perte de temps et d’énergie.

Enfin, j’ai constaté que la mission sénatoriale mise en place pour travailler sur l’évaluation de ces mesures et sur le pacte de responsabilité et de solidarité n’a pu aboutir à aucune conclusion. Ses membres ne sont pas arrivés à trouver une solution. Dès lors, comment imposer aux entreprises de réussir ce que, nous, parlementaires, ne sommes pas parvenus à faire ? Obliger les entreprises à faire ce que nous n’avons pas su faire me paraît tout de même très gênant !

Telles sont les raisons qui conduisent le groupe UMP à demander la suppression des alinéas 51 et 52 de l’article 2.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement, qui est effectivement à l’opposé des amendements précédents, tend à supprimer l’obligation introduite à l’Assemblée nationale de mettre en place, au sein de la négociation annuelle obligatoire, une évaluation de l’impact sur l’emploi et les salaires des exonérations de charges sociales, mais aussi des réductions et crédits d’impôt dont bénéficient les entreprises de la branche.

La commission des affaires sociales a estimé que cette remontée d’information au niveau des branches, sans être une contrepartie formelle, pouvait permettre un débat entre les partenaires sociaux. Elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je pense que le bon équilibre consiste à inscrire dans la loi qu’il faut se saisir de l’opportunité de la négociation annuelle obligatoire pour faire un point sur la mise en œuvre et sur l’utilisation des allégements de cotisations, ainsi que sur les résultats obtenus grâce à eux. La disposition votée à l’Assemblée nationale s’inscrit dans le droit fil de ce que souhaite le Gouvernement : allier dialogue social, allégements de cotisations sociales et évaluation des résultats. La NAO est une belle occasion de le faire.

Le Gouvernement ayant été favorable à la disposition adoptée par les députés, il est défavorable à sa suppression.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 43, présenté par MM. Roche, Vanlerenberghe et Amoudry, Mme Dini, M. Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 53 et 54

Remplacer la date :

janvier 2015

par la date :

septembre 2014

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par l’augmentation du taux de la taxe sur la valeur ajoutée.

La parole est à M. Gérard Roche.

M. Gérard Roche. Je suis un peu dubitatif, car nous n’examinons certes qu’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale et nous étudions certes de manière très consciencieuse les amendements successifs, mais je me demande si tout cela ne nous fait pas un peu oublier le fond du problème.

Pour ma part, je suis persuadé que nous vivons aujourd'hui un de ces moments où la politique construit un nouveau modèle de société. Nous sommes en train d’écrire les premières pages de ce changement. En effet, la mondialisation nous oblige à alléger le coût du travail ; sinon, nous ne serons plus compétitifs. C’est parce que les charges sont élevées dans notre pays que le solde de notre balance commerciale est négatif et que nous perdons des emplois. Il faut donc réduire les charges pesant sur le travail, et beaucoup d’entre nous ici sont d’accord sur ce point.

Le Gouvernement va dans la bonne voie, mais il doit le faire en respectant notre patrimoine historique social, c'est-à-dire ce qui a été créé avec générosité après la Seconde Guerre mondiale : l’assurance maladie et tout ce qui a contribué à faire de la France un modèle de protection sociale.

Nous devons donc ici comprendre ceux pour qui ce modèle est idéal, qu’il faut préserver parce que, bien qu’hérité du passé, il représente l’avenir. Cette conviction mérite le respect et je pense que nos débats doivent se dérouler de manière apaisée, car nous allons vers des heures assez graves.

Nous examinerons tout à l’heure l’article 9, dont j’ai dit lors de mon intervention dans la discussion générale qu’il contenait des mesures suscitant notre inquiétude en ce qu’elles ne sont pas à la hauteur des enjeux. Nous ne sommes pas sûrs qu’elles n’auront pas de graves conséquences sociales pour les plus déshérités. Nous y reviendrons.

Nous sommes, quant à nous, persuadés que la solution consiste à conserver notre modèle de protection sociale en transférant les charges pesant sur le travail sur la fiscalité, que ce soit la fiscalité directe – c’est la plus juste parce qu’elle est proportionnelle au revenu, y compris la CSG, qui a une assiette large – ou la TVA sociale, laquelle permettrait en outre de freiner les importations tout en épargnant les produits de première nécessité.

Pour l’heure, comme il y a urgence sur l’emploi, je propose que les mesures d’allégement de charges patronales entrent en vigueur dès le mois de septembre 2014, et non en janvier 2015.

J’attends la réponse de M. le rapporteur et de M. le secrétaire d'État sur ce point. Toutefois, étant donné la tournure que prennent les débats, je vous rassure, nous ne demanderons pas de scrutin public sur cet amendement ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 72, présenté par Mme Lienemann, est ainsi libellé :

Alinéas 53 et 54

Remplacer le mot :

janvier

par le mot :

juillet

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 72 est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 43 ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s’agit, par cet amendement, d’anticiper les allégements prévus par l’article 2 en les faisant s’appliquer dès septembre 2014.

La commission des affaires sociales juge le calendrier retenu par le Gouvernement équilibré. L’adoption de l’amendement présenté par M. Roche aurait pour conséquence de dégrader le solde dès l’année 2014. Par ailleurs, septembre est un mauvais mois pour les modifications de charges, car celles-ci sont souvent payées non au mois, mais au trimestre.

En conséquence, l'avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’ai bien entendu le plaidoyer de M. Roche et je pourrais souscrire à la première partie de son argumentation.

En revanche, le secrétaire d'État chargé du budget se doit de signaler que la mise en œuvre de cet amendement aurait un coût pour l’année 2014 et que le Gouvernement a planifié ces réductions de contributions sociales à partir du 1er janvier 2015. Ce calendrier nous semble être le plus compatible avec la trajectoire des finances publiques, y compris pour les budgets sociaux.

En conséquence, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Roche, l'amendement n° 43 est-il maintenu ?

M. Gérard Roche. Étant donné que mon groupe se résume ce soir à moi-même, je ne peux prendre la responsabilité de retirer cet amendement, monsieur le président ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Enfin !

Article 2
Dossier législatif : projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014
Article 3

Articles additionnels après l'article 2

M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, M. Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia, MM. de Raincourt, Robert, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article L. 133-7 du code de la sécurité sociale est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Les cotisations et contributions sociales visées au premier alinéa du présent article peuvent toutefois être calculées, d’un commun accord entre l’employeur et le salarié, sur une assiette égale, par heure de travail, à une fois la valeur horaire du salaire minimum de croissance applicable au premier jour du trimestre civil considéré :

« 1° Soit lorsque le particulier employeur donne mandat à une association ou entreprise déclarée au titre de l’article L. 7232-1-1 du code du travail et certifiée auprès d’une norme qualité reconnue par l’État aux titres des articles L. 115-27 à L. 115-33 du code de la consommation et de l’article R. 7232-9 du code du travail ;

« 2° Soit lorsque le particulier employeur emploie un salarié exerçant à titre principal une autre activité professionnelle telle que définie à l’article R. 613-3 du présent code.

« Préalablement à l’embauche du salarié ou de l’intervenant à domicile, l’employeur lui fournit un document d’information, clair et renseigné, et recueille son accord signé sur les conséquences en matière de prestations contributives en espèces, dans le cadre de l’option forfaitaire. »

II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.

M. Jean-Noël Cardoux. Nous revenons une nouvelle fois sur la question de la suppression du calcul des cotisations sur la base forfaitaire pour les emplois à domicile.

Cet amendement, que nous avions déjà déposé voilà quelque temps dans un contexte semblable, vise à rétablir, non pas de manière générale, mais pour certaines associations et entreprises ayant accompli des efforts de performance, notamment en matière de formation, la possibilité de recourir à la base de calcul forfaitaire, à condition de recueillir l’accord des personnels concernés.

Je ne reprends pas ce que j’ai dit tout à l’heure à propos de la situation de ces employeurs, quand nous avons proposé d’aller jusqu’à 2 euros d’abattement.

Je voudrais en revanche évoquer l’un des principaux arguments opposés par Mme la ministre des affaires sociales lors de son audition en commission, à savoir que la suppression du calcul sur la base forfaitaire serait plus favorable aux salariés pour le calcul de leur retraite et que l’ancienne façon de procéder les pénalisait en la matière. À cet égard, je voudrais, mes chers collègues, vous exposer une approche financière, certes théorique, mais qui ne me semble pas dénuée de fondement.

Je me suis livré à un simple calcul du montant des retenues supplémentaires que la suppression du forfait occasionnait mensuellement à une employée de maison et j’ai calculé combien ces 40 euros environ capitalisés par mois, actualisés par l’application d’un taux d’intérêt très faible, lui rapporteraient au moment de la liquidation de sa retraite. Je suis arrivé à la conclusion que les sommes ainsi placées lui apporterait un revenu supérieur à celui auquel elle pourrait prétendre grâce aux points de retraite supplémentaires qu’elle aurait acquis. Bien entendu, certaines personnes ne placeraient pas cet argent, parce qu’on ne peut pas obliger un salarié à économiser.

Mme Christiane Demontès. Aucun de ces salariés ne le ferait !

M. Jean-Noël Cardoux. Bien sûr, madame Demontès, vous, vous savez tout ! Il n’en demeure pas moins que l’argument financier que l’on nous oppose n’est pas exact dans l’absolu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement tend à rétablir la possibilité du paiement des cotisations du particulier employeur sur la base d’un forfait correspondant au SMIC pour les associations ou entreprises mandataires, ou lorsque le salarié exerce à titre principal une autre activité professionnelle.

Le forfait est particulièrement défavorable au salarié, non seulement pour la retraite, mais aussi pour les prestations en espèces de l’assurance maladie. Sachant que la rémunération moyenne du secteur est de près de 10 euros nets, le paiement au réel apparaît plus justifié.

En conséquence, l'avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. L’argumentation développée par l’auteur de l’amendement me fait frémir parce qu’elle tend à nier les valeurs de principe, issues notamment du Conseil national de la Résistance et évoquées tout à l’heure par un autre orateur, qui ont conduit à l’établissement de nos systèmes de mutualisation des cotisations de retraite.

M. Jacky Le Menn. Absolument !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je rappelle ensuite que, pour un salarié payé au SMIC, le choix du « forfait » ou du « réel » ne change rien puisque le principe du forfait consiste à payer les cotisations sur la base du SMIC.

Je voudrais vous raconter une anecdote. Il se trouve qu’un particulier employeur que je connais bien, puisqu’il s’agit de moi, avait l’habitude de payer sa femme de ménage assez nettement au-dessus du SMIC, pour différentes raisons, qui le regardent. (Sourires.)

Mme Isabelle Debré. C’est votre vie, monsieur le secrétaire d’État ! (Nouveaux sourires.)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Or, voilà quelques années, cette employée de maison a dû interrompre son activité pendant un peu plus d’un mois pour se faire opérer du canal carpien. Elle m’a alors montré le montant de ses indemnités journalières et je me suis aperçu que, naïvement, ou peut-être par inconscience, j’avais coché la case « forfait » et que les prestations qu’elle avait reçues étaient à la mesure des cotisations qui avaient été versées ; de ce fait, elles ne correspondaient pas aux indemnités journalières dont elle aurait bénéficié si les cotisations avaient été calculées sur la base du salaire réel.

Le système de déclaration des particuliers employeurs a par la suite été inversé, le choix de cotiser au réel étant retenu par défaut, ce qui a déjà constitué un progrès pour tous les particuliers employeurs qui n’étaient pas très bien informés.

Quoi qu’il en soit, cet événement m’a fait prendre conscience des conséquences que pouvait avoir ce choix de déclarer au « forfait ».

Je peux certes comprendre que l’on ait voulu, à un moment donné, pour faire diminuer le travail au noir, créer une sorte de passerelle incitative à la déclaration. Mais, plus récemment, nous nous sommes aperçus, avec les représentants de la Fédération des particuliers employeurs, la FEPEM, et d’autres acteurs du secteur, que le pourcentage de salariés déclarés au forfait avait diminué, grâce à l’inversion du choix par défaut et au travail de pédagogie qui avait été engagé.

Je ne peux donc pas être d’accord avec votre proposition de retour en arrière, monsieur Cardoux. De surcroît, j’ai expliqué tout à l’heure que cette mesure avait été partiellement compensée par l’allégement de charges forfaitaire de 0,75 euro par heure de travail et qu’elle avait permis de rétablir des droits pour les salariés, des droits auxquels, ai-je cru comprendre, un certain nombre d’entre nous sont très attachés.

En conséquence, l'avis est défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, M. Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia, MM. de Raincourt, Robert, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Les professionnels mentionnés au 7° de l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale exerçant leur activité dans les zones définies dans les conditions fixées par l’article L. 1434-7 du code de la santé publique, où l’offre de soins est déficitaire, sont exonérés d’une partie des cotisations mentionnées au 1° de l’article L. 642-1 du code de la sécurité sociale.

II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.

M. Jean-Noël Cardoux. Cet amendement nous plonge au cœur du problème de la désertification médicale dans notre pays. Que nous soyons élus locaux ou nationaux, nous avons tout essayé pour tenter d’enrayer ce phénomène.

Deux collègues sénateurs ont présenté, voilà dix-huit mois environ, un rapport qui ébauchait un certain nombre de propositions pour agir contre les déserts médicaux, notamment celle qui consiste à dédommager les médecins acceptant d’exercer en zone défavorisée.

Mais on s’aperçoit que certaines régions, pour des questions géographiques et historiques, sont toujours confrontées à un manque cruel de médecins.

Je fais partie d’une collectivité qui a tenté de mobiliser des médecins fraîchement retraités en leur proposant d’intervenir à temps partiel, soit dans le cadre d’une collectivité – les conseils généraux ont besoin d’un grand nombre de médecins évaluateurs –, soit pour étoffer un cabinet un peu débordé.

Le principal écueil auquel nous avons à faire face est l’obligation pour ces médecins de cotiser aux caisses de retraite alors même que ces cotisations ne leur procurent aucun droit. J’avoue que c’est un peu surprenant. Quoi qu'il en soit, ces conditions financières dissuadent de nombreux praticiens de rendre ce service à la population. On peut invoquer la solidarité, mais je ne crois pas que la caisse de retraite des médecins libéraux soit en déséquilibre – nous en avions parlé lors du débat sur les retraites.

C’est pourquoi nous proposons que les médecins retraités qui acceptent de reprendre à temps partiel ou à temps plein un travail dans une zone déficitaire en offre de soins puissent bénéficier d’une exonération de cotisations de retraite.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement tend à favoriser le maintien d’une activité pour les médecins retraités des zones sous-denses pratiquant le cumul avec une activité en les exonérant de cotisations de retraite.

Je note que ces médecins, s’ils pratiquent des tarifs opposables, voient déjà leurs cotisations maladie prises en charge par la Caisse nationale d’assurance maladie.

Néanmoins, je partage l’objectif poursuivi par cet amendement, qui peut contribuer à soulager la situation des zones sous-denses, rurales ou urbaines, même si le nombre de médecins potentiellement concernés est limité.

Après discussions, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur cet amendement, afin d’envoyer à ces médecins un signal positif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. La situation actuelle est relativement simple, et c’est la même pour tous. Le fait pour un retraité de continuer à travailler ne peut pas modifier le montant de sa pension.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. C’est un principe de solidarité : on cotise non pas pour soi-même, mais pour les autres !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. On ne dépose pas de l’argent pour le toucher plus tard, une fois en retraite.

L’adoption d’une telle disposition, dont je comprends bien l’objectif, qui est d’ailleurs louable, créerait une rupture d’égalité, puisque certaines personnes exerçant une activité seraient exemptées de cotisations.

De surcroît, des mesures pour favoriser le cumul emploi-retraite des médecins existent déjà. Je pense par exemple à l’exonération complète de cotisations qui est prévue pour les médecins dont le revenu annuel est inférieur à 11 500 euros. Certes, c’est un revenu relativement bas. Mais le dispositif s’applique aux médecins retraités qui exercent à temps partiel.

Il est proposé, pour résoudre le problème de la désertification médicale dans certaines zones, d’encourager les médecins de plus de soixante-cinq ans à continuer à exercer une activité. De toute manière, une partie d’entre eux le font déjà, pour de multiples raisons. Et ce n’est probablement pas une exonération qui détermine ce choix.

M. Jean Desessard. Bien sûr !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. J’aimerais d’ailleurs savoir si les auteurs de l’amendement pourraient envisager une disposition de même nature pour d’autres professions. Après tout, les médecins sont des travailleurs comme les autres. Pourquoi seraient-ils forcément ravis de continuer jusqu’à soixante-dix ans ? Et pourquoi faudrait-il les y encourager ?

À mon sens, face au problème des déserts médicaux, la priorité est de rendre attractives les zones concernées. Demandons-nous pourquoi les jeunes médecins ne s’y installent pas.

En milieu rural, c’est bien un problème d’attractivité. Un médecin qui est seul sur son territoire faute d’établissement de santé ou d’autre praticien est obligé d’être de garde en permanence. Et les jeunes professionnels ne veulent pas travailler dans de telles conditions. Ils ne veulent pas être seuls. C’est tout l’intérêt des maisons de santé pluridisciplinaires, qui réunissent toutes les professions médicales et paramédicales, dans une perspective plus collective.

Et, dans les autres zones touchées par la désertification, par exemple certaines zones urbaines sensibles, ce n’est certainement pas une exonération de cotisations qui convaincra les médecins de plus de soixante-cinq ans de continuer à exercer leur activité !

Je comprends parfaitement l’objectif, d’ailleurs partagé par le Gouvernement et l’ensemble des membres du Sénat, des auteurs de cet amendement. Mais les solutions proposées par Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, notamment sur les maisons de santé pluridisciplinaires, sont plus efficaces qu’une exonération de cotisations. Les médecins retraités qui exercent une activité doivent payer leurs cotisations comme tout le monde.

M. Jean Desessard. C’est logique !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur Cardoux, j’ai l’impression qu’on rêve ! On ne dort pas encore, mais on rêve déjà !

Je n’avais pas prévu d’intervenir, mais je ne comprends pas que M. le rapporteur général ait émis un avis favorable sur un tel amendement. Où va-t-on ?

Ainsi, des praticiens qui cumulent un emploi et leur retraite renonceraient à travailler parce qu’ils doivent payer leurs cotisations ? J’aimerais que vous me les présentiez ! En réalité, si les médecins mettent un terme à leur activité, c’est parce qu’ils en ont marre de leurs conditions de travail et de la cadence – ils font dix heures par jour –, et non parce qu’ils paient des cotisations ! Votre diagnostic est faux !

Mme la secrétaire d’État a évoqué quelques solutions contre la désertification médicale. Il faut rendre attractif le travail en zone rurale, en permettant des horaires adaptés à une vie familiale ou, tout simplement, privée. Cela implique notamment d’avoir plusieurs praticiens dans chaque zone.

Surtout, il faut remettre en cause le numerus clausus. Alors qu’il y a de millions de chômeurs, on refuse de former des professionnels dans un secteur où nous constatons des manques ! J’aimerais bien qu’on m’explique…

Lors de son audition, M. Jean Pisani-Ferry, qui présentait son rapport Quelle France dans dix ans ?, a indiqué qu’il fallait considérer l’université comme un secteur économique et, par conséquent, agir en faveur de son développement, au lieu de réduire le nombre d’établissements.

Au demeurant, il y aurait beaucoup à dire sur le sujet. Vous savez sans doute combien les étudiants sont en galère pour s’inscrire ! La situation universitaire ne s’améliore pas. Ce n’est pas ainsi que nous atteindrons nos objectifs de formation. Ce n’est peut-être pas la faute de la gauche, ni celle de la droite, ni celle des écologistes. Mais le fait est que les universités manquent de crédits ! Et ce n’est pas une nouvelle réduction des dépenses publiques qui arrangera les choses !

Quels postes budgétaires le Gouvernement compte-t-il ponctionner ? La justice ? La santé ? Les universités ? Il faut dire comment les crédits supprimés seront remplacés. Va-t-on mettre en place des partenariats public-privé pour répondre aux besoins des universités ou pour former les médecins ? Nous n’avons pas de réponse. Jean Pisani-Ferry a souligné qu’il fallait développer l’université ; cela coûte cher.

En outre, il faut arrêter la course à l’individualisme ; il faut arrêter de vouloir gagner toujours plus ! Tout à l'heure, en écoutant certains, j’avais l’impression que les patrons ne se préoccupaient que du bonheur de leurs ouvriers...