Mme Isabelle Debré. Cela n’a aucun rapport avec l’amendement !

M. Jean Desessard. Mais si, ma chère collègue ! J’y viens !

C’est précisément parce qu’il est plus intéressant d’être spécialiste que les médecins sont moins nombreux à s’installer à la campagne ! Une spécialité est plus technique, plus rémunératrice et plus valorisante socialement.

Car les valeurs de notre société ont changé ! Jadis, on choisissait la profession médicale – je pourrais aussi mentionner d’autres métiers – d’abord pour rendre service. Cette motivation existe encore, mais il y a tout de même un changement qui est lié à l’individualisme de notre société. On perd de vue l’idée d’intérêt collectif, de service public. On veut avoir un statut, et gagner de l’argent est une manière d’atteindre cet objectif. Une réflexion globale s’impose donc. Ce n’est pas un discours valorisant la recherche du profit qui permettra de lutter contre l’individualisme de la société.

Nous avons besoin d’un changement dans la formation des médecins et d’une augmentation de leur nombre, et non des réponses ponctuelles qui nous sont proposées.

Je voterai donc contre cet amendement, en m’étonnant une nouvelle fois de la position de la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.

M. Jean-Noël Cardoux. D’abord, nous nous éloignons de l’objet de l’amendement, qui est simplement d’exonérer de cotisations retraite les médecins retraités acceptant de reprendre une activité en zone sous-dense. Il ne s’agit pas d’ouvrir un débat sur la désertification médicale, ce qui pourrait nous emmener très loin ; ce n’est pas le sujet du jour.

Monsieur Desessard, j’ai entendu votre digression sur le goût du profit et l’envie de gagner toujours plus. Mais, permettez-moi de vous le dire, les médecins retraités qui acceptent de reprendre provisoirement une activité le font – je pense en tout cas à ceux que nous avons rencontrés – par esprit de sacrifice, parce qu’ils se rendent comptent des besoins, et certainement pas par goût du profit !

M. Jean Desessard. Je ne parlais pas de ceux-là !

M. Jean-Noël Cardoux. Ayant fait le serment d’Hippocrate, ils se sentent redevables vis-à-vis d’une population en déshérence par manque de services médicaux et souhaitent l’aider, même s’ils sont à la retraite. Je tenais à le rappeler, car c’est important.

Madame la secrétaire d'État, je reprendrai certains des arguments que vous avez avancés.

Contrairement à vous, je ne pense pas que les différentes mesures d’incitation en vigueur soient efficaces. Je suis un élu de terrain. J’ai présidé pendant très longtemps la commission chargée des affaires sociales du conseil général du Loiret. Voilà dix ans que nous recherchons des solutions. Malheureusement, nous n’avons pas beaucoup avancé. Et l’effet des incitations gouvernementales mises en place voilà quelques années est marginal ; cela ne fonctionne pas bien.

Certes, les maisons de santé pluridisciplinaires peuvent parfois constituer une réponse. Mais les agences régionales de santé, les ARS, distribuent leurs subventions de manière parcimonieuse, en exigeant la présentation d’un projet médical regroupant plusieurs partenaires médicaux. Cela ne résout pas le problème du petit bourg de province de 1 000 habitants dont le médecin généraliste est parti à la retraite. Le conseil général du Loiret a été obligé de pallier l’absence de subventions de l’ARS en soutenant lui-même l’installation de médecins individuels dans les toutes petites zones rurales. Votre premier argument ne me convainc donc pas.

Je suis également en désaccord avec votre deuxième argument. À mes yeux, et je reviens à l’idéal qui sous-tend la vocation médicale, le médecin n’est pas « un travailleur comme un autre ». Ceux qui choisissent cette profession ont des obligations morales ! Au vu de l’état de détresse de certaines populations rurales, qui n’ont plus de médecin, on ne peut pas souscrire à vos propos. Le médecin a une mission, peut-être pas de « service public », mais au moins de « service au public » qui le distingue très largement des autres professions libérales.

Je réponds enfin à l’argument selon lequel exonérer de cotisations certains professionnels créerait une discrimination. Depuis que nous essayons de trouver des solutions pour favoriser l’installation de médecins en zone défavorisée, nous n’avons de cesse de leur attribuer des aides individuelles et des subventions à l’installation.

M. Jean-Noël Cardoux. C’est bien une forme de discrimination au détriment des médecins exerçant dans les zones dites « normales ».

Le fait d’exonérer de cotisations les médecins qui continuent à exercer leur activité par esprit de sacrifice et par volonté de soutenir leurs anciens patients ne me semble pas discriminatoire. C’est simplement un moyen supplémentaire de les aider, tout comme l’on aide les jeunes médecins qui acceptent de s’installer en zone rurale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Je trouve désolant que nous en soyons arrivés à débattre ainsi de la démographie médicale.

Je voudrais d'abord rappeler que les zones touchées par la désertification médicale ne se situent pas toutes en milieu rural. Le phénomène existe aussi en milieu urbain, y compris dans des agglomérations importantes. Au sein de celle de Cherbourg, que je connais bien, nous avons énormément de mal à trouver des médecins. Nous n’arrivons pas à remplacer ceux qui partent en retraite, tant dans le secteur libéral qu’en milieu hospitalier.

Nous sommes donc obligés d’agir « avec des petits bouts de ficelle », en créant des maisons de santé et en essayant de trouver des médecins, parfois étrangers. D’ailleurs, au bout de six mois, ces derniers disparaissent, et nous perdons leur trace.

M. Jean Desessard. Ils partent sur la Côte d’Azur pour être mieux payés !

M. Jean-Pierre Godefroy. Le conseil général fait également des efforts, par exemple en offrant des bourses aux jeunes étudiants en médecine contre l’engagement de rester au moins cinq ans dans le département. C’est positif, mais ce n’est pas une solution de fond.

Comme je le répète depuis treize ans, tant qu’on n’aura pas réglé pas le problème de l’implantation des médecins sur le territoire français, on n’aura rien réglé du tout !

Je prendrai quelques exemples.

Quelqu’un a parlé du numerus clausus. Oui, sa forte réduction intervenue à un certain moment pour réaliser des économies fut une erreur ! Aujourd’hui, nous sommes dans le « trou ». Une génération s’en va, et la génération suivante ne peut pas assurer la relève, parce qu’elle n’est pas formée ou ne souhaite pas prendre la suite. C’est un problème ponctuel, mais il se posera également dans le futur si nous ne prenons de mesures face au problème de l’implantation des médecins.

Je reprends les chiffres que je cite chaque année. Dans l’agglomération de Cherbourg, mais je pourrais mentionner d’autres cas, il y a 3 psychiatres pour 110 000 habitants, contre 112 praticiens pour moitié moins d’habitants dans le cinquième arrondissement de Paris !

M. Jean Desessard. À Paris, on est un peu plus fada ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Godefroy. Je vous laisse la responsabilité de vos propos, mon cher collègue.

Quoi qu’il en soit, la situation ne peut plus durer. Comme l’a souligné la CNAM, les dépenses de sécurité sociale sont bien plus importantes dans les zones surdenses. En effet, au lieu de s’occuper de santé publique, on est dans une logique de concurrence : il faut prescrire pour garder des « clients », qui ne sont plus des « patients ».

Nous devons donc nous saisir de la question à bras-le-corps. L’implantation des médecins doit être régulée par la France. On ne peut pas laisser les professionnels s’installer où ils veulent, sans condition.

Mme Isabelle Debré. Absolument !

M. Jean-Pierre Godefroy. Au demeurant, il est assez curieux d’exclure catégoriquement pour les médecins une pratique qui existe déjà pour les pharmaciens et que les infirmiers ont volontairement. Pourquoi refuse-t-on de l’envisager pour la profession médicale ?

Voilà treize ans que je « radote » sur le sujet ! Et de tels amendements ne sont pas de nature à répondre à ce qui est un véritable problème de santé publique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Mme Aline Archimbaud applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.

M. Gérard Roche. Ce matin, lors de l’examen en commission de cet amendement – il était onze heures –, j’avais souligné que nous risquions de finir en hypoglycémie à quatorze heures ! (Sourires.)

M. Gérard Roche. Si l’on recommence, la discussion risque de se finir fort tard dans la nuit ! (Sourires.)

Ayant été médecin généraliste dans les Cévennes pendant vingt-quatre ans, puis en l’hôpital pendant vingt ans, j’ai envie d’ajouter mon grain de sel.

La question est très complexe et extrêmement grave. Comme le soulignait Jean-Pierre Godefroy, il faut parler non des zones rurales, mais des zones sensibles.

Actuellement, sur 100 étudiants en médecine, 20 terminent comme médecin de famille. C’est bien qu’il y a un problème ! Il convient de revaloriser le métier de médecin de famille. Aujourd’hui, la plupart des médecins sont spécialistes : on coupe les gens en morceaux, mais aucun praticien ne prend la personne dans son ensemble, et les patients se sentent désorientés. Par exemple, il y a une ville de Haute-Loire qui compte trois ostéopathes, mais plus aucun médecin !

De plus, les études coûtent, me semble-t-il, 9 000 euros par an pendant neuf ans. Il me paraît légitime de considérer qu’un étudiant pour lequel l’État a tant déboursé a des devoirs envers la collectivité.

Car il y a un vrai problème. Alors qu’il s’agit d’argent public, la mission de service public de soins est confiée aux professions libérales, mais elle n’est plus assurée ! C’est d’autant plus vrai la nuit : les médecins touchent une indemnité de nuit, avec en plus la notion de « nuit profonde », entre vingt-trois heures et six heures du matin, et ils ne répondent pas quand on les appelle… On s’adresse alors aux pompiers, et c’est un pompier volontaire, par exemple le charcutier du coin, qui va soigner un infarctus pendant que le médecin dort cent mètres plus loin ! (Rires.) Le parcours de soins est donc problématique.

Le dispositif proposé par Jean-Noël Cardoux, s’il est très particulier, peut se révéler utile. Certes, je ne dis pas qu’il faille le généraliser ; les arguments de Mme la secrétaire d’État sont valables.

Mais je prendrai l’exemple du médecin d’un village de mon département, la Haute-Loire, qui a décidé de prendre sa retraite à soixante-sept ans. Son épouse s’est opposée au fait qu’il prolonge son activité deux ou trois ans de plus au motif qu’il continuerait à cotiser sans augmenter sa pension de retraite.

La mesure suggérée pourrait donc constituer un « petit plus » et permettre, dans des endroits extrêmement sensibles, à des médecins de travailler deux ou trois ans de plus en attendant qu’une solution soit trouvée.

Sur le numerus clausus, la situation s’est arrangée ; nous sommes passés de 3 000 à 8 000 places. Mais il faut neuf ans pour que cela fasse son effet.

Le métier de médecin n’est pas un métier comme les autres. Je n’emploierai pas le terme de « vocation », mais nous devons inculquer aux jeunes étudiants un état d’esprit conforme à ce qui a fait la grandeur de la médecine française.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Je souscris totalement aux arguments de MM. Roche et Godefroy.

Simplement, avec mon groupe, nous en tirons la conclusion qu’il faut voter contre cet amendement. En effet, les problèmes qui viennent d’être dénoncés ne peuvent pas être réglés par une telle mesure. C’est une autre politique qu’il faut mettre en œuvre : celle que nos deux collègues ont décrite. Mais le contenu de l’amendement, et je rejoins Mme la secrétaire d’État, ne répond en rien aux difficultés réelles de démographie médicale que nous rencontrons dans certaines zones sous-denses.

M. Roche a évoqué la possibilité de suspendre les cotisations pour les médecins qui auraient atteint l’âge de la retraite. Cela me paraît envisageable dans certains cas, à condition de résulter d’une convention entre l’assurance maladie et la caisse de retraite. Mais il ne faut pas que cela figure dans un article de loi applicable à l’ensemble des médecins concernés !

Nous confirmons donc le choix que nous avions émis ce matin en commission, et nous voterons contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.

M. Claude Domeizel. Je ne reprendrai pas les propos qui ont été tenus sur la démographie médicale, un sujet que je connais bien, étant élu d’un département extrêmement rural.

On a plus parlé du fait générateur de l’amendement que de son contenu. Nos collègues posent une question : est-il normal que l’activité rémunérée et soumise à cotisations d’une personne retraitée n’ait pas de conséquence sur le droit à pension ? Cela pourrait se discuter dans un système par capitalisation. Mais nous avons un système par répartition !

M. Claude Domeizel. La règle, c’est que l’actif cotise pour les retraités.

Si les médecins retraités reprennent une activité, ils cotisent pour leur caisse de retraite, et on ne revient pas sur leur pension, qui a déjà été liquidée. On ne va pas commencer à dérouler ainsi la pelote. On ne s’en sortirait pas ! (M. Jean Desessard applaudit.) Tout le monde trouverait un motif de contester ses cotisations et le montant de sa pension !

Revenons à des considérations simples : je travaille, j’ai des revenus et je cotise pour la retraite des retraités. Tout cela n’a rien d’anormal !

Je voterai donc contre cet amendement, qui est contraire au principe même de notre système de retraites. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. Jean Desessard applaudit également.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 230 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 167
Contre 176

Le Sénat n'a pas adopté.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-trois heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 27 est présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.

L'amendement n° 73 est présenté par Mme Lienemann.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – À compter de la promulgation de la présente loi et jusqu’au 31 décembre 2015, les entreprises qui recourent aux contrats d’apprentissage prévus à l’article L. 6221-1 du code du travail bénéficient d’une réduction de cotisations dues aux organismes de sécurité sociale pour l’ensemble de leurs salariés, égale à 500 euros par mois et par apprenti lorsque ces embauches ont pour effet de porter la proportion de jeunes en apprentissage au-delà de 5 % de l’effectif total de l’entreprise, et pour les entreprises de moins de vingt salariés, pour le deuxième apprenti.

II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 27.

M. Jean Desessard. Cet amendement concerne l’apprentissage, dont nous savons tous l’utilité pour les jeunes, avec des taux d’insertion durable dans l’emploi très importants.

Afin de favoriser les contrats d’apprentissage, nous proposons d’accorder une réduction de cotisations sociales de 500 euros par mois et par apprenti pour tous les recrutements effectués avant le 31 décembre 2015.

Pour éviter les effets d’aubaine, le dispositif ne serait applicable que lorsque la proportion d’apprentis excède 5 % des salariés, ou pour le recrutement d’un deuxième apprenti dans les entreprises de moins de vingt salariés.

Il s’agit ainsi d’encourager l’apprentissage, vecteur très efficace d’insertion des jeunes sur le marché du travail et, partant, de lutte contre le chômage.

Je le sais, le Gouvernement fait sienne cette priorité. Pour preuve, lors de la dernière conférence sociale, M. le Premier ministre a notamment annoncé une aide de 1 000 euros par apprenti dans les secteurs professionnels où un accord de branche aura été conclu.

M. Jean Desessard. Notre amendement vient en complément. Une telle mesure prendrait effet dès la publication du texte législatif et s’appliquerait jusqu’à la fin de l’année 2015, pour permettre au dispositif annoncé par le Premier ministre de prendre toute son ampleur.

On pourrait encore discuter longuement de la réduction des cotisations sociales en général. Mais notre proposition sur l’apprentissage est ciblée et circonscrite dans le temps.

Enfin, c’est un moyen d’action immédiat face aux difficultés auxquelles se heurtent aujourd’hui les jeunes dans la recherche de lieux d’apprentissage !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 73.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le Sénat a déjà voté un amendement au contenu identique lors de l’examen du dernier projet de loi de finances rectificative, au terme d’un assez long débat.

M. le Premier ministre a, depuis lors, formulé diverses propositions pour la relance de l’apprentissage. L’aide que nous préconisons est évidemment bien plus importante que la mesure annoncée par le Gouvernement : 500 euros par mois et par apprenti contre une somme unique 1 000 euros.

D’ailleurs, notre collègue François Patriat a souligné les limites de ce dernier dispositif. Le conseil régional qu’il préside, celui de Bourgogne, accorde déjà 1 000 euros par apprenti, et cela se révèle insuffisant dans les faits.

Qui peut le plus peut le moins. Si M. le Premier ministre considère qu’il est en mesure d’atteindre l’objectif des 500 000 apprentis avec 1 000 euros supplémentaires, je ne vais pas décréter a priori que c’est une solution inefficace. Je vais donc retirer mon amendement, mais je le déposerai de nouveau si on ne constate pas une hausse significative du nombre d’apprentis d’ici à l’an prochain.

Monsieur le secrétaire d’État, l’aide de 1 000 euros annoncée par M. le Premier ministre est-elle conditionnée à des accords de branche ? Voilà quelques instants, vous m’avez indiqué qu’il n’était pas possible de conditionner les avantages fiscaux.

Quoi qu’il en soit, je confirme le retrait de mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 73 est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 27 ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement tend à réduire les cotisations pour le recrutement d’apprentis.

Les employeurs d’apprentis bénéficient d’ores et déjà de très larges exonérations, que je n’énumérerai pas. Restent dues la cotisation AT-MP pour tous les contrats conclus à compter du 1er janvier 2007, la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, de 0,30 %, la cotisation au Fonds national d’aide au logement de 0,10 % pour les employeurs de moins de vingt salariés et la cotisation supplémentaire de 0,50 % pour les employeurs de plus de vingt salariés.

La commission des affaires sociales a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je souhaite rappeler les mesures qui ont été annoncées par le Premier ministre à l’issue de la grande conférence sociale et votées par l’Assemblée nationale la nuit dernière.

Lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, les députés ont adopté un amendement présenté par le Gouvernement visant à débloquer une aide de 1 000 euros et à mettre 150 millions d’euros supplémentaires à disposition des centres de formation d’apprentis, ou CFA.

Dans un premier temps, ce sera prélevé sur la fraction régionale de la taxe d’apprentissage, précédemment fixée à 56 %, qui figure dans le projet de loi de finances rectificative. La compensation viendra en loi de finances initiale, avec une dotation de 200 millions d’euros. Les 50 millions d’euros qui restent – je suppose que vous aviez déjà fait la différence – serviront à financer la prime de 1 000 euros.

Le Gouvernement met en œuvre ce qui a été annoncé lors de la grande conférence sociale. L’examen en nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative vous donnera l’occasion de vous pencher sur cette disposition.

Je prends note du retrait de l’amendement n° 73, et j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 27.

En effet, comme M. Desessard le reconnaît lui-même, le dispositif proposé correspond à une aide annuelle de 10 000 euros par an, ce qui nous paraît excessif.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je ne comprends pas d’où viennent ces « 10 000 euros par an » !

Mon amendement vise à réduire les cotisations dues par les entreprises aux organismes de sécurité sociale pour l’ensemble de leurs salariés à hauteur de 500 euros par mois et par apprenti.

La commission considère que la somme est trop importante. Dont acte. Mais d’où sort le chiffre de 10 000 euros par an avancé par le Gouvernement ? Je n’ai jamais évoqué un tel montant ! Pour moi, 500 euros par mois, cela fait 6 000 euros par an !

M. le secrétaire d’État nous explique que c’est excessif, mais il nous informe que les députés ont voté hier une aide de 1 000 euros. S’agit-il de 1 000 euros par an et par apprenti ? De 1 000 euros par mois ? (Mais non ! sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Christiane Demontès. C’est 1 000 euros par apprenti !

M. Jean Desessard. Pour que je puisse retirer mon amendement, il faudrait que l’on m’explique en quoi le montant prévu est trop important, surtout par comparaison avec le dispositif voté à l’Assemblée nationale. Dans l’immédiat, j’ai plutôt l’intention de le maintenir.

On peut avoir des aides ponctuelles. Elles peuvent être importantes parce qu’elles ne sont pas distillées et correspondent à un objectif visible pendant une durée déterminée.

Nous savons qu’il faut favoriser l’apprentissage en France. Nous ne pouvons pas ne rien faire. Et si nous décidons d’agir, il faut dégager les moyens financiers nécessaires et mettre le paquet pendant une période déterminée, par exemple trois ou quatre ans.

Le dispositif est clair, l’objectif est immédiatement apparent et l’effet est mesurable. L’aide doit donc être substantielle, immédiate et limitée dans le temps, pour qu’il soit possible d’en tirer ensuite le bilan.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de préciser votre pensée sur le dispositif à 6 000 euros par an que je propose et de nous informer clairement sur ce que l’Assemblée nationale a voté hier. Je déciderai ensuite du maintien ou non de mon amendement.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir m’excuser. J’avais confondu l’amendement n° 27 et l’amendement n° 28. Il est vrai que nous avons travaillé fort tard la nuit dernière à l’Assemblée nationale… Je vais donc repréciser mon propos.

Les députés ont adopté hier un amendement tendant à mettre 150 millions d’euros à la disposition des CFA en ramenant la fraction régionale de la taxe d’apprentissage de 56 % à 51 %. La somme est donc prélevée sur la quote-part des régions.

En outre, M. le Premier ministre a annoncé une aide de 1 000 euros par an pour les entreprises de moins de 250 salariés dans les secteurs où un accord de branche aura été conclu. Voilà qui répond à la question de Marie-Noëlle Lienemann. Le dispositif n’est pas encore entré en vigueur, puisqu’il n’a pas été présenté au Parlement. Mais il le sera dans les meilleurs délais, et, au plus tard, en loi de finances initiale pour 2015.

En revanche, les crédits de 150 millions d’euros ont bien été mobilisés. Ils seront compensés pour les régions, qui n’auront pas à payer la somme elles-mêmes, dans le prochain projet de loi de finances, grâce à l’affectation de recettes, si possible dynamiques ; nous avons déjà des idées en la matière.

Voilà ce qui a été décidé et clairement annoncé.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il en sera question lors la grande conférence sur l’apprentissage.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le dispositif que M. Desessard prône coûterait 500 euros par mois, donc 6 000 euros par an. C’est largement supérieur à ce que le Gouvernement mettra en place, sachant que l’on a dégagé 150 millions d’euros pour les CFA.

M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 27 est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

M. Dominique Watrin. Le groupe CRC votera contre cet amendement.

Pour nous, il est nécessaire de mener un débat de fond sur l’avenir de l’apprentissage dans notre pays, et pas seulement sur les exonérations de cotisations sociales, comme le proposent les auteurs de l’amendement.

Nous n’avons aucun blocage idéologique sur l’apprentissage. Nous observons simplement la réalité : cette formule n’est pas toujours la panacée, ni la solution à tous les problèmes que rencontre notre société en matière de formation ou d’insertion professionnelle des jeunes. Nous le savons, les jeunes subissent des difficultés et des inégalités dans l’accès à l’emploi. Dans certains cas, on peut même parler de « discriminations ».

D’autres aspects de la question doivent également être abordés. Tous les contrats d’apprentissage signés ne se prolongent pas dans le temps ; l’effet des ruptures prématurées est connu. Nous devons donc traiter simultanément le problème dans toutes ses dimensions, sans nous cantonner aux exonérations ou allégements de cotisations sociales.

En outre, l’apprentissage s’effectue trop souvent au détriment de la formation professionnelle sous statut scolaire. Cela nous pose problème.

Enfin, et M. le rapporteur général l’a souligné à juste titre, il existe déjà beaucoup d’exonérations de cotisations sociales aujourd’hui. Il est nécessaire d’améliorer l’ensemble du dispositif. Une réflexion globale s’impose. Il faut un plan global qui prenne l’ensemble des problématiques en compte.

Mais nous ne pouvons pas traiter tous ces sujets au détour d’un simple amendement. Nous voterons donc contre celui qui nous est proposé.