M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous sommes donc en mesure d’apporter des modifications au texte voté par l’Assemblée nationale, sans toutefois pouvoir remettre en cause son intégralité.

Je voudrais rappeler la philosophie qui est à l’origine de ce texte, à savoir la volonté de regrouper les régions et donc d’en réduire le nombre - pourquoi pas, nous n’y sommes pas hostiles -, mais aussi de supprimer les départements et de mettre en place de grandes intercommunalités susceptibles de venir se substituer à ces derniers.

C’est dans cet esprit que le projet de loi nous a été soumis en première lecture. La modification des échéances électorales traduisait d'ailleurs très clairement la volonté de supprimer les départements, en reportant l’élection départementale de mars prochain à la fin de l’année 2015, concomitamment à celle des régions.

Le Sénat a été saisi en première lecture selon un calendrier très contraint, puisque le dépôt du projet de loi sur le bureau du Sénat n’a précédé que de quatorze jours l’ouverture des discussions en séance publique. Un tel délai n’a pas permis à notre assemblée, en tout cas à la minorité à laquelle j’appartenais à l’époque, mais également à d’autres, de procéder au débat approfondi et serein nécessaire aux enjeux portés par cette réforme.

Dans ce délai très court, même si, au bout du compte, l’institution sénatoriale n’a pas voté de texte, la commission spéciale a malgré tout travaillé, ce qui a permis un certain nombre d’avancées.

Nous n’avons pas voté de texte en première lecture parce que nous n’étions pas d’accord avec la philosophie de départ. Nous suivions plutôt la voie choisie par nos collègues Raffarin et Krattinger, qui travaillaient à la réduction du nombre de régions, mais en s’appuyant sur les départements - c’était la grande différence.

Le texte a ensuite été transmis à l’Assemblée nationale, qui a apporté des modifications au texte initial du Gouvernement. L’Assemblée nationale a ainsi décidé de modifier la carte des régions, en regroupant Poitou-Charentes, Limousin et Aquitaine, en assurant le rattachement de la Picardie au Nord - Pas-de-Calais et en regroupant Champagne-Ardenne, Alsace et Lorraine.

L’Assemblée nationale a en outre introduit des modifications de moindre importance à l’article 2.

Elle a surtout imposé des limites au regroupement volontaire des collectivités territoriales, singulièrement à l’article 3, puisqu’elle a décidé l’abrogation, à compter du 1er janvier 2016, date d’entrée en vigueur de la nouvelle carte régionale, des dispositions relatives au regroupement des départements.

Elle a par ailleurs introduit une majorité qualifiée des trois cinquièmes des suffrages exprimés, précédemment évoquée, pour l’adoption des délibérations concordantes dans le cadre du droit d’option d’un département et pour la fusion de deux régions.

Serait également fixée par la loi, et non plus par décret en Conseil d’État, toute modification des limites régionales, le recours à ces dispositions étant limité jusqu’au 1er mars 2019, afin de stabiliser les règles électorales au moins un an avant l’organisation des fameuses élections régionales de 2020 qui devaient consacrer la disparition du département.

Le projet de loi ainsi modifié est revenu devant le Sénat en deuxième lecture. La commission spéciale l’a amendé sur plusieurs points. Elle a d’abord réaffirmé, à l’article 1er A, la philosophie de l’actuelle majorité sénatoriale concernant la vocation des régions, des départements et de nos communes, tout en rappelant le rôle singulier des intercommunalités.

La commission spéciale a évidemment modifié, à l’article 1er, la carte des régions votée à l’Assemblée nationale, qui est au cœur de nos débats.

Nous avons annulé le regroupement de l’Alsace avec les régions Champagne-Ardenne et Lorraine.

La commission a été animée par la volonté de permettre à nos collègues alsaciens, engagés de longue date dans un projet de collectivité unique, d’aboutir dans leur démarche. (Mme Catherine Troendlé acquiesce.) Certes, le référendum les avait empêchés d’aller plus loin, mais l’accueil avait été positif. En la circonstance, le destin funeste de ce projet fut occasionné par un problème de participation. À ce stade, la commission spéciale a décidé de sortir l’Alsace du regroupement opéré par l’Assemblée nationale.

La commission spéciale a également décidé de revenir à la proposition qu’elle avait formulée au Sénat en première lecture, à savoir que les régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon restent seules.

À l’article 2, nous avons apporté des modifications portant notamment sur la consultation des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, les CESER. Nous aurons l’occasion d’entrer dans le détail au moment de la discussion des articles.

À ce stade de la discussion, il me paraît important d’évoquer l’article 3. En effet, nous avons assoupli les modalités de fusion des collectivités territoriales.

Tout d’abord, et c’est l’élément majeur, nous avons rétabli la suppression de l’obligation d’organiser une consultation référendaire locale en cas de projet de fusion, qu’il s’agisse de plusieurs départements, d’un département et d’une région, ou du changement de région d’un département. Cette disposition a été adoptée quasiment à l’unanimité par le Sénat. Il faut dire que cela correspondait à la position de la commission spéciale en première lecture. Bien sûr, l’initiative locale reste possible et les élus qui souhaiteraient organiser cette consultation pourraient naturellement le faire.

Le droit d’option d’un département a également été modifié. Ainsi, le département et la région d’accueil devraient se prononcer à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés dans chacune de leur assemblée délibérante ; la région d’origine bénéficierait – c’est nouveau - d’un droit de veto par l’adoption d’une délibération à la même condition de majorité ; la modification des limites territoriales ainsi décidée serait ensuite validée par décret, pour en tirer immédiatement les conséquences, notamment électorales.

La fixation d’une majorité qualifiée des trois cinquièmes, sans entrer dans le débat, est aussi une façon de sécuriser juridiquement les choix des élus locaux en la matière. Il ne s’agit pas là d’un sujet mineur : la fusion de départements ou le changement de région d’un département sont des décisions importantes ; il convient d’en sécuriser les conditions.

La commission spéciale est également revenue sur la date de 2019 et a fixé au 31 décembre 2016 l’échéance du délai limite pour procéder à ces fusions et changements.

Après la carte régionale, j’en viens au second grand volet de ce texte, à savoir la représentation politique des territoires et le calendrier électoral.

En première lecture, un accord a été trouvé sur l’introduction des modalités de remplacement des conseillers départementaux – ce sont les articles 9 à 11 - et sur l’assimilation de la métropole de Lyon à une section départementale pour l’application des règles relatives à l’élection des conseillers régionaux – c’est l’article 5. Des désaccords demeurent, malgré des rapprochements entre les positions des deux assemblées actés dès la commission spéciale.

S'agissant du nombre de conseillers régionaux, la commission spéciale a suivi l’Assemblée nationale.

Dans un premier temps, la commission des lois de l’Assemblée nationale partageait la position initiale du Gouvernement et avait maintenu le plafonnement à 150 du nombre de conseillers régionaux, y compris pour les régions dont les limites territoriales n’étaient pas modifiées – il s’agit de l’article 6. Cependant, en séance publique, sur l’initiative du rapporteur et avec l’accord du Gouvernement, l’Assemblée nationale a supprimé tout plafonnement du nombre des élus régionaux.

Cette décision, qui conduit à maintenir le nombre actuel de conseillers régionaux en métropole, a été confirmée par la commission spéciale, la semaine dernière. Toutefois, lors de la réunion qu’elle a tenue pendant la suspension, la commission spéciale a, sur mon initiative, modifié ce dispositif : elle a réduit le nombre des élus régionaux, à rebours du principe adopté par l’Assemblée nationale, mais tout en s’assurant que la représentation demeurerait suffisante. En particulier, elle a décidé, sur ma proposition, de maintenir le nombre de 209 conseillers régionaux pour la région d’Île-de-France, une région phare qui, dans son périmètre actuel, mais il restera inchangé, compte plus de 12 millions d’habitants.

Une seconde question importante se pose : la garantie d’un nombre minimal de sièges pour assurer la représentation de tous les départements au sein du conseil régional. Le mode de scrutin actuel, en vigueur depuis 2003, est régional mais comporte une obligation de présentation des candidats par section départementale. Il ne s’agit donc que de candidats, et non de sièges, de sorte qu’un département pourrait ne compter qu’un nombre très limité de représentants, voire aucun, au sein du conseil régional.

L’Assemblée nationale souhaite, comme le Gouvernement, que le nombre de sièges garantis s’établisse à deux. Je rappelle que la position de la commission spéciale consiste à maintenir l’effectif de cinq, de manière à tenir compte, en plus du critère démographique, de la composition du territoire.

En effet, la mission particulière de représentation des collectivités territoriales qui est dévolue au Sénat nous impose de faire prévaloir cette considération, qui est d’importance. Si l’on prenait en compte exclusivement le critère démographique, la représentation des territoires ruraux pourrait un jour être mise en difficulté. Considérera-t-on qu’ils n’ont pas besoin d’élus, parce qu’ils ne comptent pas suffisamment d’habitants ? Cela est inacceptable dans une vision cohérente et unie de notre pays !

En ce qui concerne la modification du calendrier électoral, un désaccord est apparu en première lecture. La commission spéciale a pris acte de la volonté du Gouvernement, exprimée par le Premier ministre dès le mois de septembre dernier, puis confirmée la semaine dernière par le dépôt d’un amendement en commission, de maintenir les élections départementales au mois de mars prochain. Cette mesure, qui a été votée, est d’autant plus opportune que, au même moment, le Gouvernement semble avoir décidé d’abandonner, au moins dans l’immédiat, l’idée de supprimer les départements – c’est ce que j’ai compris encore cet après-midi.

Compte tenu de cette modification de date, j’ai déposé un amendement tendant à sécuriser les candidats aux prochaines élections départementales pour ce qui est de leurs comptes de campagne. En effet, même si le changement de date un temps annoncé n’est jamais entré en vigueur, il convient d’apporter aux candidats toutes les garanties nécessaires de ce point de vue.

Enfin, la commission spéciale ayant souhaité un texte aussi simple que possible, clair et centré sur l’organisation des régions et des départements, ainsi que sur la représentation électorale en leur sein, elle a supprimé les articles 12 bis, 12 ter, 13 et 14 introduits par l’Assemblée nationale. Non qu’elle les ait jugés inintéressants ou non pertinents sur le fond, mais leur lien avec le projet de loi était ténu et chacun d’eux aurait mérité une discussion spécifique, dans le cadre d’un autre texte.

Tels sont, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les résultats des délibérations de la commission spéciale et du travail que j’ai essayé d’accomplir, à l’occasion de cette deuxième lecture, avec la complicité active de l’ensemble des mes collègues commissaires ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du RDSE et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Navarro.

M. Robert Navarro. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai, certes, l’honneur d’être le premier orateur des groupes, mais je suis bien obligé de dire qu’il s’agit à mes yeux d’un faux débat.

De l’avis général, monsieur le ministre, vous êtes hors sujet, le Gouvernement auquel vous appartenez ayant pris le problème à l’envers. Le véritable handicap des régions françaises n’est pas leur taille, contrairement à ce que vous nous avez dit : elles sont bien plus grandes que la moyenne des régions européennes. Ainsi, le « Midi-Roussillon » que vous prétendez créer, serait aussi grand que l’Autriche, pays divisé en neuf régions, et plus grand que treize États européens !

À la vérité, la faiblesse des régions françaises tient à leur manque de moyens par rapport à leurs homologues euroépennes, ainsi qu’à leurs compétences, très réduites. Quand les Länder allemands investissent près de 10 milliards d’euros par an dans l’innovation, les régions françaises, elles, ne peuvent dépasser les 500 millions d’euros : voilà le vrai problème !

Une bonne réforme territoriale, indispensable pour moderniser notre pays, donnerait aux régions des compétences claires et des moyens financiers adéquats pour les exercer pleinement. Telle est la question centrale, stratégique ; le reste, tout le reste, n’est que cinéma !

Monsieur le ministre, vous mettez la charrue devant les bœufs !

L’urgence est de mettre le couple régions-PME au cœur de l’action économique sur les territoires et de régionaliser l’action publique. Il faut mettre les ressources des régions en cohérence avec leurs compétences, en leur attribuant, dès 2015, 70 % de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. C’est cela dont la France a besoin, et vite !

Or votre réforme territoriale, telle qu’elle se présente actuellement, éloigne dramatiquement les citoyens de leurs élus. En effet, non seulement on nous vend des régions obèses, mais on menace aussi de supprimer tous les départements.

M. Ronan Dantec. Plus maintenant !

M. Roland Courteau. C’est du passé !

Mme Catherine Tasca. Il faut suivre !

M. Robert Navarro. Pourquoi vouloir appliquer le même régime à l’ensemble de notre pays ? Embrasser la modernité, c’est accepter la diversité, car nos différences sont une richesse. Ainsi, un département comme la Lozère doit être non seulement maintenu, mais surtout renforcé, tandis que, dans les zones urbaines, le département doit disparaître.

Sur ce point, le Gouvernement a changé d’avis ; mais comment décider de fusionner des régions dans l’ignorance de ce qui se passera ensuite ? En effet, je n’ai pas le même avis sur la fusion de l’Aquitaine, du Limousin et de Poitou-Charentes selon que l’on maintient vingt départements ou que l’on en conserve un seul. Au demeurant, imaginer Guéret appartenir à une région maritime me laisse songeur…

J’en viens à la question des économies. Monsieur le ministre, vous montrez du doigt, comme vos prédécesseurs, le coût des élus. Or, ce qui coûte, en vérité, ce sont les doublons entre les régions et les missions opérationnelles de l’État déconcentré. Sérieusement, qui peut croire que la disparition de huit régions sur près de quarante mille collectivités territoriales permettra de réduire le coût du millefeuille territorial, surtout lorsque l’on sait que les régions représentent la plus petite masse financière ?

Je souhaite, avant de conclure, insister sur l’indispensable refonte des circonscriptions pour les élections européennes. En effet, si la région Limousin est fusionnée avec Poitou-Charentes et Aquitaine, elle ne pourra plus décemment voter dans la circonscription Centre, comme c’est le cas actuellement, alors qu’une autre partie de ce nouvel ensemble voterait, elle, dans la circonscription Ouest !

La création de grandes régions est donc l’occasion unique de donner aux élections européennes un ancrage territorial qui ait du sens pour les citoyens. Cette réforme, il ne faut pas attendre les prochaines élections européennes pour la faire ; c’est pourquoi j’ai déposé un amendement tendant à aligner les circonscriptions pour les élections européennes sur les régions nouvellement délimitées. Cela me semble être la seule utilité de cette loi !

Monsieur le ministre, la démocratie française, contrairement à d’autres démocraties européennes, n’est pas construite sur des syndicats et des partis politiques forts. Dans ces conditions, supprimer des élus, c’est supprimer une courroie essentielle au fonctionnement de notre démocratie. Un élu n’est pas un coût, c’est un investissement !

Les citoyens français doivent avoir une porte à laquelle frapper : sans cela, leur désespoir sera aggravé et nous donnerons notre pays à l’extrême droite ! (Applaudissements sur quelques travées du RDSE et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Tandonnet.

M. Henri Tandonnet. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais, pour commencer, saluer le travail de notre commission spéciale, qui a adopté, de surcroît à une large majorité, un texte sur lequel portera notre débat. Ce succès constitue, il me semble, un très bon signal pour notre assemblée. En effet, le Sénat doit faire entendre sa voix sur ce projet de loi modifiant l’organisation de notre territoire, ce qu’il n’a pas pu totalement faire en première lecture.

La volonté de notre chambre de peser sur ce texte n’enlève rien à la réalité à laquelle nous sommes confrontés : une méthode totalement inadaptée, imposée par un gouvernement qui mène une réforme territoriale à l’envers.

En effet, alors que tout le monde s’accordait sur la nécessité d’une évaluation globale des strates de collectivités territoriales, la logique de la réforme a totalement dérapé : nous parlons aujourd’hui de la taille des régions et de la date des élections départementales et régionales, qui ne sont pourtant pas le fond du problème !

Non, le problème réside dans la répartition des compétences, qui n’est pas encore abordée. Quels seront les rapports entre les métropoles et les régions ? Comment seront respectés les nouveaux équilibres entre les territoires urbains et les territoires ruraux ? Il n’y a eu aucune évaluation, aucun examen approfondi de ces questions, pourtant essentielles.

M. Henri Tandonnet. À la vérité, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est plutôt révélateur du flou dont fait preuve le Gouvernement en ce qui concerne l’acte III de la décentralisation qu’il avait annoncé. C’est une navigation à vue, sans réel cap.

M. Henri Tandonnet. Ce projet de loi souffre, de surcroît, d’un défaut majeur : il tend à imposer une nouvelle délimitation des territoires sans que ceux-ci aient été préalablement consultés. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. Jean-François Husson. Comme d’habitude !

M. Henri Tandonnet. Le constat s’impose : nous sommes actuellement pris dans un piège procédural dont nous devrons bien pourtant sortir, et par le haut.

Cela étant, la commission spéciale a réussi à adopter un texte retravaillé dans le bon sens en dégageant un consensus sur plusieurs sujets.

D’abord, elle a décidé de maintenir les élections départementales en mars 2015 et de fixer les élections régionales à la fin de l’année 2015. Le groupe UDI-UC est majoritairement d’accord sur ce calendrier.

Ensuite, la commission spéciale s’est entendue sur un minimum obligatoire de cinq conseillers régionaux issus de chaque département, alors que l’Assemblée nationale avait retenu le chiffre de deux conseillers. Ce minimum de cinq conseillers par département semble nécessaire afin de garantir la représentation des territoires et non pas seulement celle de la population. Il permettra de préserver un équilibre territorial, à l’heure où la fracture entre les métropoles et les territoires ruraux ne cesse de s’accentuer. Sans un tel minimum, je ne vois pas comment des départements comme la Dordogne ou le Lot-et-Garonne pourraient se faire entendre dans une future région comprenant l’Aquitaine, le Limousin et Poitou-Charentes.

Nous nous sommes également accordés sur un principe que le groupe UDI-UC défend tout particulièrement : le droit d’option des départements, introduit en première lecture par le Sénat.

À cet égard, nous avons fait adopter par la commission spéciale un amendement qui assouplit le dispositif voté par l’Assemblée nationale pour permettre à un département de changer de région d’appartenance. Il est désormais prévu que la région d’origine puisse s’opposer à ce changement de rattachement si et seulement si cette opposition réunit une majorité des trois cinquièmes de l’assemblée.

Ce droit d’option pourra être exercé dans un laps de temps court, mais suffisant : jusqu’à la fin de l’année 2016. Ainsi, nos collectivités territoriales ne seront pas laissées trop longtemps dans l’expectative.

Enfin, une nouvelle carte a été adoptée, dont nous continuerons de débattre longuement ces prochains jours. Je maintiens la position que j’ai exprimée en première lecture : j’en suis convaincu, il aurait fallu aborder la question du redécoupage de manière plus nuancée, en acceptant de raisonner à l’échelle des départements et non pas seulement par blocs régionaux figés. Cette méthode aurait permis une orientation des régions intermédiaires vers leur capitale régionale naturelle. D’où l’importance de ce droit d’option assoupli pour les départements.

À défaut de pouvoir faire prévaloir une logique fondée sur les bassins de vie, le groupe UDI-UC a souhaité déposer des amendements tendant à établir une nouvelle carte aussi équilibrée et porteuse que possible.

En particulier, j’ai soutenu devant la commission spéciale la proposition d’une grande région Sud-Ouest composée d’Aquitaine et de Midi-Pyrénées. Cette solution, qui me paraît assez cohérente, est fondée sur une logique culturelle, mais aussi économique et sociale, puisqu’elle s’organise autour de l’aérospatiale et de l’agroalimentaire. Cette logique est illustrée notamment par le succès de la marque « Grand Sud-Ouest » développée par Toulouse et Bordeaux. Malheureusement, la commission spéciale ne m’a pas entendu. (M. Roland Courteau s’exclame.)

Le groupe UDI-UC, qui appartient à la nouvelle majorité sénatoriale, souhaite rester constructif tout au long des débats que nous mènerons ces prochains jours afin d’adopter un texte alternatif par rapport à celui de l’Assemblée nationale et dont l’équilibre, je l’espère, sera conservé durant la suite de la navette.

Ce redécoupage, monsieur le ministre, reste source d’interrogations nombreuses et ne nous rassure pas du tout quant à l’avenir de nos territoires, notamment les plus ruraux.

Après de multiples hésitations, vous avez finalement annoncé pour l’avenir de nos départements des mesures réservant trois catégories de conseils départementaux. Cela laisse craindre un système à trois vitesses.

Si seuls les départements ruraux sont maintenus dans leur fonctionnement actuel après 2020, la question se pose de la définition d’un département rural. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. Bruno Retailleau applaudit également.) Et la tâche sera très difficile.

Voici quelques exemples qui montrent la diversité des approches : dix départements « hyper-ruraux » ont été identifiés par notre collègue Alain Bertrand ; une trentaine de départements ont participé aux travaux de l’ADF, l'Association des départements de France, sur les nouvelles ruralités ; 90 % des départements sont considérés comme « non urbains » par l’Association des petites villes de France.

Autant d’exemples que je souhaitais vous rappeler afin que le monde rural ne soit pas considéré comme un ensemble secondaire, mais bel et bien comme le contraire, c’est-à-dire une part importante de la géographie, de l’activité et de l’identité de notre territoire. À ce titre, il mérite non pas d’être classifié, mais d’être soutenu. N’oublions pas que le monde rural nourrit nos métropoles et que la question essentielle est celle de la solidarité entre les territoires décentralisés. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. René Vandierendonck

M. René Vandierendonck. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par un constat : contrairement à certaines rumeurs qui ont beaucoup circulé (Exclamations sur les travées de l'UMP.), le Gouvernement honore son engagement…

M. René Vandierendonck. … de laisser procéder à deux lectures de ce texte, et de faire en sorte que la première lecture du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République intervienne avant la fin de l’année. C’est l’engagement qui avait été pris et il est honoré ; je voulais en donner acte au Gouvernement.

Les différentes interventions sont à cet égard significatives des craintes que le processus de réforme a fait planer sur l’avenir des départements,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. De même que l’étude d’impact !

M. René Vandierendonck. … dont j’ai clairement dit qu’elles étaient infondées. Prenez l’article liminaire, introduit par la commission spéciale. Sa portée juridique n’en fait pas une œuvre incomparable (M. le président de la commission spéciale et M. le rapporteur le confirment.), mais il faut surtout y voir la tentative d’exorciser ses peurs.

La création d’une région forte, qui atteigne une taille critique, vous la vouliez tous ! Dois-je le rappeler, le fameux rapport Raffarin-Krattinger fixait à dix le nombre des régions, insistant sur la nécessité de respecter le caractère stratégique de leurs compétences.

Et je me rappelle Pierre Mauroy présentant, pour la communauté urbaine de Lille, la première carte du rapport du comité pour la réforme des collectivités locales remis par Édouard Balladur avec, pour sous-titre, cette formule : « Il est temps de décider ». Vous vous en souvenez, monsieur le président de la commission spéciale…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. Ô combien !

M. René Vandierendonck. Alors, oui, j’éprouve un certain respect pour ceux qui, sur des questions dont on voit qu’elles agitent le débat public depuis quelques décennies, œuvrent pour qu’une décision puisse intervenir, sachant que la deuxième lecture devrait permettre, du moins je l’espère, quelques ajustements de la carte des régions et des limites territoriales.

Encore que, quand le Sénat laisse passer la première lecture, il ne faut pas s'attendre à ce que les ajustements de deuxième lecture soient miraculeux… Mais enfin, si un consensus apparaît, le Premier ministre a dit – ainsi que vous-même, monsieur le ministre – que des tels ajustements seraient possibles.

À partir du moment où la question de l’avenir des départements est, me semble-t-il, posée plus clairement, je pense que nos amendements peuvent porter sur les conditions du droit d’option – c'est l’essentiel des propositions que le groupe socialiste fera dans le cadre de la discussion –, et je vous remercie, monsieur le ministre, des propos que vous avez tenus sur ce point. En effet, vous confirmez qu’il faut favoriser d’éventuels regroupements de départements, qu’il faut permettre à des départements de faire démocratiquement un certain nombre de choix alternatifs s’agissant de leur région d’appartenance.

L’Assemblée nationale a « verrouillé » – j’assume le terme – le dispositif en posant l’exigence d’une majorité des trois cinquièmes s'appliquant à la région de départ, à la région d’arrivée et, bien sûr, au département concerné.

Le président de la commission spéciale, Jean-Jacques Hyest, et le rapporteur, François-Noël Buffet, ont à mon avis fait avancer le débat en transformant la règle des trois cinquièmes en veto pour la région de départ (M. le président de la commission spéciale acquiesce.), et je reste persuadé que l’on peut aller plus loin sur ces conditions de majorité, et ce dans le sens du libre choix des assemblées départementales. Nous défendrons de nouveau des amendements sur ce point extrêmement important, amendements qui n’ont pas été retenus par la commission spéciale.

Pour le reste, c’est-à-dire sur la carte elle-même, la déontologie imposant, lorsque l’on parle au nom de son groupe, que l’on s’abstienne de commentaires trop « géolocalisés ». (Sourires.), je me conterai de dire que la première mouture de la carte du Gouvernement me convenait parfaitement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. René-Paul Savary applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, m’inspirant d’une remarque de M. le ministre, je m’écarterai sciemment du texte que j’avais préparé pour mieux tenir compte de nos derniers échanges avec le Premier ministre et des prises de position des uns et des autres, le tout remis en perspective.

On peut être à peu près d’accord, me semble-t-il, pour dire que la situation, ce soir, est relativement simple. Nous avons maintenant de grandes régions, qui ne bougeront plus beaucoup, et, surtout, des départements qui sauvent très bien leur peau, si vous me permettez l’expression, pour la raison que les élus communaux, qui ne voulaient pas hériter des compétences sociales des départements, les ont finalement soutenus.

La perspective n’est donc pas celle d’une disparition à relativement brève échéance des départements, mais plutôt celle de leur maintien. Et l’on ne s'achemine probablement pas non plus vers la coexistence de trois ou quatre systèmes départementaux différents.

Par ailleurs, nous avons des intercommunalités dont la taille pourrait se trouver plus réduite – sur ce point, la porte a été ouverte à un assouplissement.

Mais je me tourne vers le Gouvernement : attention, monsieur le ministre, à ce que la montagne n’accouche pas d'une souris ! (M. René-Paul Savary applaudit.). Les citoyens de ce pays risquent d’aller très vite à la conclusion fâcheuse que tous ces débats n’auront finalement pas abouti à grand-chose : les départements ? On les retrouve. Les intercommunalités ? Elles ne sont pas vraiment plus grandes. Il n’y a bien que pour les régions que cela change, puisque leur nombre diminue, peu, du reste.

À nous donc de tenir un discours plus enthousiaste et plus résolu sur l’intérêt de cette réforme et de ce texte, qui trouvera son prolongement, nous l’avons dit cet après-midi, dans celui que soutiendra Marylise Lebranchu.

Je voudrais maintenant vous livrer quelques réflexions, sur la base de ce qui précède. D’abord, concernant la carte, on peut considérer que l’on a six ou sept régions qui font à peu près consensus ou qui, du moins, ne suscitent pas d’opposition. Certaines n’avaient sans doute jamais imaginé se retrouver « mariées » en octobre de cette année, mais on ne constate pas, globalement, d’animosité : tout le monde, ou presque, est prêt à se lancer.

Reste les cas, plus compliqués, de trois ou quatre régions sur lesquelles porteront essentiellement les débats, même si les propos de M. le ministre font bien sentir que les lignes bougeront assez peu.

Je m’arrêterai sur deux situations vraiment particulières. Cela a été très peu dit, mais la grande bizarrerie de cette carte, c'est que l’ouest de la France ne bouge pas : nous avons trois régions – Bretagne, Pays de la Loire, Centre – qui demeurent inchangées.

Le ministre Bernard Cazeneuve a pourtant bien insisté à l’instant sur l’enjeu majeur, vital pour les territoires français, que constituent des régions plus grandes et adaptées à la compétition libérale internationale. Mais le Gouvernement, qui a proposé des cartes et des fusions, a considéré que la région Centre pouvait demeurer telle quelle, sans métropole, et que les régions Bretagne et Pays de la Loire pouvaient rester distinctes. Or je rappelle que ce sont précisément les deux seules régions à avoir déjà fusionné leurs universités…

Pour autant, si l’État a effectivement évité ainsi d’aller au-devant des problèmes, je ne veux pas le stigmatiser à l’excès. En effet, cette situation est d'abord de la responsabilité des élus de l’Ouest, qui n’ont pas été capables de se mettre autour d’une table pour trouver une réponse à une situation assez complexe, il est vrai. Entre ceux qui voulaient la Bretagne historique et ceux qui voulaient la fusion, il fallait un vrai travail en commun, ce qui n’a pas été fait.

Les grands élus de l’Ouest sont donc responsables de ce statu quo assez préjudiciable. Songez que nous avons un axe d’aménagement Nantes-Rennes qui impacte l’ensemble du territoire, mais sans qu’aucun schéma prescriptif ne l’englobe !

L’avenir dira si le raisonnement développé à l’instant par Bernard Cazeneuve est juste. En termes économiques, les petites régions se trouvent aujourd'hui, dans l’ensemble, en situation de faiblesse. Je note que la région Pays de la Loire convoque une réunion d’urgence ce mois-ci en raison de la forte baisse des dotations au titre de son contrat de projets État-région. Quid, demain, de la région Centre ?

Tout le monde, ici, parle d’égalité territoriale, mais encore faudrait-il analyser – au cours des prochains mois, des prochaines années – ce qui restera de cette égalité des chances lorsqu’il s'agira de faire du lobbying au niveau européen… Où sera l’égalité des chances entre des régions comprenant dix ou douze départements et d’autres n’en réunissant que quatre, avec des moyens différents, y compris dans le rapport avec l’État, qui est aussi, parfois, un rapport de force…

Cela ne traduit pas une logique d’égalité territoriale, même si l’on considère que la diversité des territoires français, dont il faut évidemment tenir compte, s'oppose à la formation systématique de grandes régions de taille comparable.

Au fond, je crois que la sagesse serait de donner du temps au temps. La situation n’est pas obligatoirement appelée à se prolonger, une porte a été ouverte – ne serait-ce qu’avec le nom de la région Centre, qui deviendrait Centre - Val de Loire –…

M. Jean-Pierre Sueur. À juste titre !