Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la garde des sceaux, je veux d’abord saluer votre ténacité. Dans un contexte de régression des dépenses publiques, le budget de la justice est en hausse de 1,7 %, et sa part au sein du budget global s’accroît.

Vous avez eu à cœur de préserver les moyens et d’accroître le nombre d’emplois. À cet égard, le projet de budget prévoit la création de nouveaux postes de magistrat et de greffier. De même, comme Jean-René Lecerf l’a dit de manière très claire, l’engagement de créer 1 000 postes sur trois ans dans les services pénitentiaires d'insertion et de probation, les SPIP, sera tenu. Cela mérite d’être souligné.

Ce projet de budget est en cohérence avec la loi pénale du 15 août 2014. Contrairement aux présentations caricaturales qui en ont été faites, il ne s’agit nullement de réduire les moyens de l’administration pénitentiaire ou le nombre de places de prison : bien au contraire, puisque vous avez prévu, madame la garde des sceaux, la création de nouveaux établissements. Ainsi, vous êtes venue en inaugurer un dans mon département.

Dans le même temps, vous rompez avec ce que Mme Cukierman appelait à l’instant le « tout-carcéral ». Dès lors que nous considérons que la contrainte pénale est une véritable peine, qui produira des effets et évitera de courts séjours en détention, souvent néfastes dans la mesure où ils plongent un certain nombre de personnes dans un milieu dont elles ont ensuite parfois du mal à s’extirper, il n’est plus nécessaire d’accroître toujours le nombre de places en prison. Cependant, assurer le suivi de toutes les personnes qui se seront vu infliger des peines alternatives à la détention sera également coûteux, contraignant et difficile.

J’estime, moi aussi, que cette orientation ne traduit aucune forme de laxisme : il s'agit de lutter contre un surencombrement pénitentiaire qui n’est pas bénéfique et n’aide pas à préparer la sortie de détention.

Je veux également insister à mon tour sur la nécessité de mener des actions contre la radicalisation religieuse en prison. La commission d’enquête sénatoriale sur ce sujet, dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur, a entendu un certain nombre de responsables de ces actions : elles sont véritablement nécessaires, ainsi que Mme Benbassa et M. Leconte l’ont dit avec beaucoup de force.

Je voudrais maintenant évoquer l’encellulement individuel, dont M. Lecerf a indiqué qu’il était prôné depuis 1875. Pour ma part, je me félicite que nos collègues de l’Assemblée nationale n’aient pas suivi votre proposition de reporter la mise en œuvre de ce principe. Madame la garde des sceaux, vous œuvrez avec beaucoup de réalisme sur cette question difficile de l’encellulement individuel, mais c’est une perspective à laquelle nous ne renonçons pas. Il serait plus sage, me semble-t-il, de prévoir un plan à moyen terme – et non pas à long terme, car il ne s’agit pas de renvoyer l’application de la mesure aux calendes grecques. À cet égard, nous attendons beaucoup des réflexions de notre collègue député Dominique Raimbourg. Il convient d’avancer progressivement, en donnant une perspective, avec des échéances et des étapes, plutôt que d’aller de report en report.

De nombreux rapports ont été consacrés à l’aide juridictionnelle. Je pense, en particulier, à celui du député Jean-Yves Le Bouillonnec et à celui de nos collègues Sophie Joissains et Jacques Mézard. Vous avez, en partie, utilisé ces rapports – ce qui prouve que les rapports ne sont pas inutiles…

Les avocats ont beaucoup plaidé, à juste titre, pour l’accroissement des moyens de l’aide juridictionnelle. Je constate que, dans ce projet de budget, celle-ci bénéficie de trois mesures : premièrement, le relèvement de la taxe forfaitaire sur les actes des huissiers de justice, qui passera de 9,15 euros à 11,60 euros ; deuxièmement, une revalorisation des droits fixes de procédure dus par les personnes condamnées ; troisièmement, une augmentation du taux de la taxe spéciale sur les contrats d’assurance de protection juridique.

Cette dernière mesure a suscité quelques réactions chez les assureurs. Toutefois, nous pouvons témoigner que de nombreuses personnes souscrivent à des contrats d’assistance juridique sans même le savoir, et n’en tirent donc jamais parti…

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Sueur. Dans ces conditions, cette revalorisation me paraît assez raisonnable.

Toute la question est de savoir sur quels contribuables doit porter l’effort. En l’occurrence, ce sont les clients des huissiers, les personnes condamnées et les titulaires – souvent à leur insu – de contrats d’assurance de protection juridique qui seront mis à contribution.

Je sais qu’il a été tenté de rationaliser l’aide juridictionnelle, de la moduler, mais on voit bien aujourd'hui que, eu égard aux textes que nous avons votés ou que nous devrons voter pour nous conformer aux règles européennes, il est totalement illusoire de croire que le coût de l’aide juridictionnelle pourra baisser : il continuera à augmenter.

L’effort qui sera consenti au travers des trois mesures que votre ténacité vous a permis d’arracher représente 43 millions d’euros. Ce n’est pas négligeable, mais il faudra certainement aller plus loin.

À cet égard, il pourrait être intéressant de suivre la proposition de nos collègues Sophie Joissains et Jacques Mézard d’accroître le montant des droits d’enregistrement, dont l’assiette est très large. Je souhaite que vous continuiez à œuvrer dans ce sens au cours des prochains mois.

Pour conclure, madame la garde des sceaux, je rappellerai l’engagement fort que vous avez pris, lors de l’élaboration de la loi pénale, de présenter au Parlement dans le courant du premier semestre de 2015 un projet de loi sur la justice des mineurs comportant notamment la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, dont tous les professionnels reconnaissent l’inutilité ou l’inefficacité. Je ne doute pas que votre ténacité, que je salue pour la troisième fois (Sourires.), permettra que cet engagement soit pleinement tenu ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des finances, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier tous les orateurs de la très grande qualité de leurs interventions, qui témoignent qu’ils ont scruté ce projet de budget avec autant de rigueur que de bienveillance. Ils ont pris le temps d’examiner la continuité et la cohérence de l’action de mon ministère, ainsi que les priorités retenues.

Le cadre budgétaire est contraint. L’examen de ce projet de loi de finances à l’Assemblée nationale a conduit le Gouvernement à effectuer de nouveaux efforts de réduction des dépenses, à hauteur de 900 millions d’euros, pour financer les mesures en faveur du Fonds de compensation de la TVA, des collectivités territoriales, de l’accompagnement de la réforme des rythmes scolaires et des emplois aidés. Le budget de la justice a été mis à contribution. Il me paraît logique qu’il participe à l’effort collectif, même si nous réaffirmons avec force, comme vous, la nécessité de considérer la mission « Justice » comme prioritaire, parce qu’elle relève des missions régaliennes de l’État et que, dans une période de difficultés économiques où les rapports économiques et sociaux deviennent plus rudes, il est important que l’institution judiciaire soit en mesure de répondre aux besoins croissants des citoyens en matière de justice.

Pour ces raisons, les crédits du ministère de la justice doivent demeurer une priorité. Telle est bien la conception du Gouvernement : la contribution demandée à mon ministère reste modeste, puisqu’elle s’établit à 40 millions d’euros. J’ai veillé à répartir cet effort de façon que les priorités du ministère ne soient pas fragilisées.

Du fait de cet effort de 40 millions d’euros, le budget du ministère de la justice augmente de 1,7 %, au lieu de 2,3 %. Quoi qu’il en soit, il progresse, alors que d’autres ministères sont fortement mis à contribution. Même si je me réjouis bien sûr de cette augmentation de nos moyens, je dois rappeler qu’elle n’est possible que parce que la puissance publique consent des sacrifices dans d’autres domaines.

Le ministère de la justice créera, dans le cadre de la programmation triennale des finances publiques, 1 834 emplois. Comme je l’ai expliqué devant la commission des lois, il faut toutefois tenir compte du temps nécessaire à la formation : trente et un mois pour les magistrats, une vingtaine pour les greffiers et les personnels pénitentiaires. Cela induit un temps de latence, qui explique partiellement, avec l’insuffisance des créations d’emplois pendant le quinquennat précédent, la sous-consommation du plafond d’emplois.

Pendant les trois années précédant notre arrivée aux responsabilités, à peine une centaine de postes de magistrat avaient été ouverts, alors qu’il aurait fallu en créer au moins 300 chaque année, ne serait-ce que pour commencer à combler les vacances et compenser les départs à la retraite.

Depuis 2012, nous ouvrons 300 postes chaque année, mais je dois avouer que nous avons affronté des difficultés la première année, parce que nous avons eu moins de candidats que nous ne le souhaitions. Il m’avait alors été proposé d’abaisser le niveau du concours d’entrée à l’École nationale de la magistrature, sans conteste l’un des plus beaux et des plus difficiles de la République. J’avais répondu qu’il n’en était pas question, compte tenu de l’importance et du poids de la mission des magistrats. Nous avons mené pendant deux ans une campagne de sensibilisation, en mobilisant les facultés de droit et les instituts d’études judiciaires. Nous sommes récompensés de nos efforts depuis deux promotions, avec un très bon niveau de recrutement des auditeurs de justice et une diversification de ce dernier, par le biais des classes préparatoires et des autres formes de concours. Tous les postes que nous ouvrons seront pourvus, de sorte que nous pourrons constater un solde d’emplois positif à partir de 2015 : le nombre des magistrats entrant dans la carrière sera supérieur à celui des magistrats partant à la retraite. Les vacances de poste augmentent, certes, mais par un effet mécanique : durant le temps de la formation, les postes sont identifiés comme vacants.

Les 1 834 créations de poste concernent donc la magistrature, les greffiers et, surtout, l’administration pénitentiaire, pour laquelle nous avons consenti un effort particulier. Nous avons constaté que 534 postes inscrits dans les lois de finances précédentes n’avaient pas été créés : en plus de créer 500 postes nouveaux chaque année, nous allons donc créer 534 postes en trois ans, qui seront directement affectés aux coursives. Cette année, 200 surveillants supplémentaires ont été recrutés à ce titre, et leur formation a commencé dès le mois de septembre.

Nous aurions aimé faire davantage dans certains domaines, par exemple prolonger l’effort de recrutement d’aumôniers musulmans engagé ces deux dernières années. Cette année, nous mettons l’accent sur leur formation et sur l’organisation de leur intervention dans les établissements pénitentiaires.

Je pourrais évoquer d’autres secteurs pour lesquels j’aurais voulu faire plus, mais il me paraît surtout important de souligner l’intelligibilité et la cohérence de ce projet de budget, que nous avons structuré autour de quatre axes prioritaires.

Le premier de ces axes consiste à rendre effectives les réformes que le Gouvernement vous a présentées et que vous avez votées, telles que la loi relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales ou la loi relative à l’hospitalisation sous contrainte. Certains d’entre vous ont évoqué le report, une fois de plus, de la réforme de la collégialité de l’instruction. Ce report est indépendant de la volonté du Gouvernement, dans la mesure où le projet de loi a été présenté en conseil des ministres au cours du premier trimestre de 2013 et transmis à l’Assemblée nationale. Je suis fort marrie qu’il ne soit toujours pas inscrit à l’ordre du jour du Parlement… À la fin de 2013, j’ai défendu un amendement tendant à différer les effets de la loi de 2007, en espérant que le projet de loi serait discuté et adopté dans le courant de l’année 2014. Je croyais avoir pris une marge de précaution plus que suffisante en prévoyant un report d’un an, mais un nouveau report s’est malheureusement avéré nécessaire ; j’en suis profondément désolée.

Le deuxième axe de ce budget consiste à rendre possibles les dispositions prévues dans la réforme de la justice civile que vous avez encouragée au travers de vos rapports et de votre implication dans les groupes de travail et les rencontres organisées sur l’initiative du ministère de la justice, notamment le grand débat national qui s’est tenu à l’UNESCO.

Le troisième axe concerne l’amélioration de l’accès au droit et à la justice.

Le quatrième axe a trait à la reconnaissance des compétences et du dévouement des personnels de justice par le biais d’un certain nombre de mesures catégorielles, mais aussi à la modernisation des méthodes et moyens de travail, en particulier par des efforts en matière d’équipement informatique. Nous consacrons ainsi 92 millions d’euros à moderniser ou à instaurer de nouvelles applications informatiques dans le domaine des interceptions judiciaires, bien entendu, mais également dans le domaine civil, avec l’entrée en service à la fin de 2015 de la première version du système d’information Portalis, dans le domaine pénal, avec la finalisation du dispositif Cassiopée, dans le domaine pénitentiaire, avec l’application GENESIS pour la gestion des détentions, et pour le casier judiciaire, avec l’application ASTREA.

En ce qui concerne la réforme pénale, certains d’entre vous ont souligné les efforts effectués par le Gouvernement et la cohérence de ses choix : je les en remercie. MM. Lecerf et Sueur ont rappelé que notre engagement de créer un millier de postes dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation est en voie d’être tenu, puisque les recrutements ont commencé dès 2014. Nous augmentons en outre le budget des SPIP de 10 %, de façon à leur assurer de bonnes conditions de fonctionnement. Nous créons également les postes de magistrat et de greffier nécessaires à la mise en œuvre de cette réforme : une quarantaine de postes de magistrat sont créés dès 2015, et dix-sept le seront en 2016.

Par ailleurs, nous créons tous les postes rendus nécessaires par l’application des autres textes que j’ai évoqués. Il s’agit de donner aux juridictions les moyens nouveaux nécessaires à leur fonctionnement.

Vous êtes très sensibles aux conditions de fonctionnement des juridictions, sur lesquelles vous appelez régulièrement mon attention. Je rappelle que nous avons stabilisé ce budget et obtenu, il y a quelques jours, le dégel de la totalité de la part du budget qui avait été mise en réserve, de sorte que nous pouvons affecter un peu plus de 15 millions d’euros supplémentaires aux dépenses de fonctionnement.

Nous prenons en outre des dispositions pour maîtriser les frais de fonctionnement, grâce notamment à la plate-forme d’interceptions judiciaires, à la rationalisation des dépenses de médecine légale et à la réduction des frais d’affranchissement, que vous avez permise en modifiant le code de procédure pénale pour introduire la communication électronique.

Je vois les aiguilles de l’horloge tourner à une vitesse impitoyable, encore un peu plus vite que d’habitude. (Sourires.) Je vais donc accélérer !

En ce qui concerne la protection judiciaire de la jeunesse, nous avons enrayé l’hémorragie d’emplois. Alors que 632 emplois avaient été supprimés durant les trois dernières années du précédent quinquennat, nous en avons créé 205 dès notre première année aux responsabilités. Surtout, nous avons fait un effort, cette même année, pour résorber les créances du secteur associatif habilité à l’égard de l’État, lequel avait pris l’habitude de vivre à crédit à ses dépens, ce qui pesait sur sa capacité d’action. Cela explique le léger tassement du budget de la PJJ.

En ce qui concerne l’aide aux victimes, nous avons fourni un effort continu depuis le début du quinquennat. Ainsi, nous avons augmenté le budget consacré à l’aide aux victimes de 26 % la première année, de 9 % la deuxième année et de de 22 % la troisième année.

En ce qui concerne l’accès au droit et l’aide juridictionnelle, nous avons supprimé la démodulation, qui devait entrer en application en janvier 2015. Nous avons augmenté de 10 % le budget de l’aide juridictionnelle. Le 5 décembre, je vais procéder à l’installation de groupes de travail associant des avocats et des représentants de l’administration de la justice. Leurs réflexions porteront sur les quatre grands chantiers de réforme de l’aide juridictionnelle, qui est aujourd’hui à bout de souffle, comme le montre un rapport de très grande qualité du Sénat. Nous savons ce qu’il convient de faire. Il faut du courage politique pour engager la réforme de l’aide juridictionnelle, en concertation avec la profession.

Je remercie ceux d’entre vous qui ont salué l’effort que nous faisons en prenant des mesures catégorielles en faveur des greffiers et des greffiers en chef, des personnels de catégorie C, afin qu’ils puissent continuer de progresser dans la grille indiciaire de la fonction publique, ainsi que des surveillants, brigadiers et directeurs d’établissement pénitentiaire.

Enfin, en ce qui concerne la politique pénitentiaire, nous avons engagé un programme de création de 6 500 places de prison. Des engagements de crédits de 1 milliard d’euros sont prévus pour ce triennal, en vue de la création nette de 3 200 places. La priorité est donnée à la rénovation des établissements très vétustes et au traitement de la surpopulation carcérale, ce qui conduit à privilégier les outre-mers, très longtemps négligés, et la remise à niveau d’un certain nombre de sites remarquables, tels que celui de Bordeaux-Gradignan ou la prison des Baumettes.

Au travers de ce projet de budget cohérent, nous affirmons nos priorités et nous assumons nos choix. Nous sommes profondément convaincus que la continuité de l’action publique est nécessaire. Celle-ci doit en outre être évaluée. Dans cette perspective, je vous le redis, et ce n’est pas une vaine parole, mon cabinet et l’administration du ministère de la justice sont à votre entière disposition pour vous fournir toutes informations nécessaires, pour vous recevoir à tout moment, pour vous donner tous les matériaux de nature à vous permettre d’exercer le plus précisément possible vos missions de parlementaires. En tant que législateurs, vous élaborez les règles communes qui permettent le vivre-ensemble et créez les conditions pour que la justice soit au service de nos concitoyens.

Nous avons affiché l’ambition de rendre la justice plus proche, plus efficace, plus protectrice des citoyens. Nous menons des expérimentations en ce sens. Je citerai, à titre d’exemple, le service d’accueil unique de la justice, la création d’une équipe autour du magistrat du parquet, la mise en place d’un conseil de juridiction, afin de rendre la justice dans la cité, de réduire les déserts judiciaires, de rapprocher l’institution judiciaire des citoyens et de faire entrer la société dans nos juridictions.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’avais mille choses à vous dire et j’avais prévu de répondre à toutes vos questions, mais je vais m’offrir le luxe de terminer avec huit secondes d’avance ! (Sourires et applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

Justice
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2015
Article 56

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Justice », figurant à l’état B.

État B

(en euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Justice

9 199 065 807

7 898 739 945

Justice judiciaire

2 998 954 484

3 069 044 732

Dont titre 2

2 136 880 351

2 136 880 351

Administration pénitentiaire

4 705 495 946

3 376 937 650

Dont titre 2

2 117 411 335

2 117 411 335

Protection judiciaire de la jeunesse

777 179 108

774 679 108

Dont titre 2

460 279 108

460 279 108

Accès au droit et à la justice

359 078 839

357 665 104

Conduite et pilotage de la politique de la justice

354 732 545

316 072 545

Dont titre 2

131 372 545

131 372 545

Conseil supérieur de la magistrature

3 624 885

4 340 806

Dont titre 2

2 657 111

2 657 111

 

Mme la présidente. L'amendement n° II-190 rectifié bis, présenté par Mme Létard et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

 

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaire

30 000 000

30 000 000

Dont Titre 2

0

0

Administration pénitentiaire

Dont Titre 2

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont Titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice 

30 000 000

30 000 000

Dont Titre 2

0

0

Conseil supérieur de la magistrature

Dont Titre 2

Total

30 000 000

30 000 000

30 000 000

30 000 000

Solde

0

0

 

La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Cet amendement porte sur l’enveloppe prévue pour le paiement des frais de justice. J’ai dit tout à l’heure, lors de mon intervention en tant que rapporteur pour avis, qu’il faut veiller à ce que l’on ne retrouve plus des factures dans les tiroirs, comme c’était le cas à l’époque d’avant la LOLF…

Les frais de justice s’inscrivent dans un schéma spécifique de paiement, selon lequel une prescription engagée dans l’année ne reçoit pas systématiquement un paiement au cours de la même année.

Depuis 2013, 40 % des mémoires de frais de justice de l’année ont été payés dans l’année, contre 60 % auparavant. On peut craindre une fuite en avant et un report de plus en plus généralisé du paiement des frais de justice.

L’amendement a pour objet de remettre à niveau l’enveloppe consacrée au paiement des frais de justice, en abondant le programme 166 de 30 millions d’euros. Cette mesure serait gagée par un prélèvement de 10 millions d’euros sur l’action 04, Gestion de l’administration centrale, du programme 310, au titre des frais de fonctionnement courants du ministère, et par un prélèvement de 20 millions d’euros sur l’action 09 du programme 310, abondé de près de 108 millions d’euros au titre des dépenses liées à la gestion des systèmes d’information du ministère.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. La commission des finances ne s’étant pas réunie pour examiner les amendements, je me prononcerai à titre personnel.

L’amendement n° II-190 rectifié bis vise à remédier à l’insuffisance des crédits destinés au paiement des frais de justice. Les crédits proposés pour 2015 sont en effet inférieurs de plus de 120 millions d’euros à la prévision d’exécution pour 2014.

Je ne pense pas que les économies attendues de la gestion des frais de justice permettent d’atteindre ce montant. Toutefois, opérer des économies sur les dépenses de fonctionnement et les programmes informatiques pour financer ces dépenses au titre des frais de justice risque de mettre en péril la nécessaire modernisation informatique du ministère de la justice.

À titre personnel, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Détraigne, je reconnais que la question des frais de justice est sensible. Ceux-ci représentent en effet les moyens, pour les juridictions, d’exercer efficacement l’action de justice.

S’il est difficile de fixer, en début d’année, le budget des frais de justice, il demeure qu’il nous faut l’estimer. Nous le faisons à partir de la dépense continue des frais de justice.

Au début du triennal qui est en voie de s’achever, j’avais annoncé en toute honnêteté une légère augmentation des frais de fonctionnement dans lesquels sont englobés les frais de justice, mais aussi une baisse de ces frais à partir de la deuxième année. Cette baisse, nous l’avons contenue. Il demeure que nous avons à rationaliser un certain nombre de dépenses en matière de frais de justice et de fonctionnement.

Je pense, par exemple, aux frais de gardiennage qui sont prononcés par la justice à l’occasion de certaines procédures puis oubliés, tandis que le ministère continue de les payer. Nous faisons donc des efforts de rationalisation.

La plate-forme nationale des interceptions judiciaires nous permettra également de réaliser des économies, sachant que, à l’heure actuelle, nous versons 43 millions d’euros par an aux sociétés prestataires et 38 millions d’euros aux opérateurs. Au-delà de cet aspect budgétaire, un rapport de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, indique que, en termes de protection des libertés publiques et individuelles, cette plate-forme apportera plus de sécurité quant aux conditions de contrôle des interceptions, de conservation, de copie éventuelle et de destruction des données.

Grâce à la communication électronique, nous économisons aussi sur l’affranchissement, qui représente une dépense de 58 millions d’euros.

Bref, c’est par une approche méthodique que nous rationalisons les dépenses et améliorons le traitement des créances. Nous allons encore améliorer le système grâce à une centralisation au niveau de la Direction des services judiciaires.

Compte tenu de ce que je viens de dire, le Gouvernement, monsieur le sénateur, ne saurait être favorable à votre amendement. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer.

Mme la présidente. Monsieur Détraigne, l’amendement n° II-190 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Yves Détraigne. N’étant pas le principal signataire de cet amendement, je le maintiens.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-190 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-163, présenté par MM. Ravier et Rachline, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

 

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaire

Dont Titre 2

12 500 000

12 500 000

12 500 000

12 500 000

Administration pénitentiaire

Dont Titre 2

12 500 000

12 500 000

12 500 000

12 500 000

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont Titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

Dont Titre 2

 25 000 000

25 000 000

 25 000 000

25 000 000

Conseil supérieur de la magistrature

Dont Titre 2

Total

25 000 000

25 000 000

25 000 000

25 000 000

Solde

0

0

 

Cet amendement n'est pas soutenu. (Marques de satisfaction sur diverses travées.)

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Justice », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)