compte rendu intégral

Présidence de Mme Isabelle Debré

vice-présidente

Secrétaires :

M. Jean Desessard,

M. François Fortassin.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article additionnel après l'article 59 sexies (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2015
Deuxième partie

Loi de finances pour 2015

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2015
Justice

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 107, rapport n° 108).

SECONDE PARTIE (SUITE)

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2015
Etat B

Mme la présidente. Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Justice

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Justice » (et articles 56, 56 bis, 56 ter et 56 quater).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les six programmes de la mission « Justice » sont dotés de 7,94 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 1,71 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014.

L’article 13 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 prévoit une augmentation de 1,2 % des crédits de paiement de la mission entre 2014 et 2017, sous l’effet notamment de la poursuite des créations de poste à un rythme prévisionnel de 600 par an. En 2015, la répartition des 600 équivalents temps plein créés s’effectue d’abord dans l’administration pénitentiaire, à hauteur de 528 postes.

Au regard des moyens qui lui sont alloués, la justice apparaît donc bien comme l’une des priorités budgétaires du Gouvernement.

Mais le budget qui nous est soumis et les créations d’emploi proposées doivent être resitués dans le contexte d’une sous-exécution chronique du plafond d’emplois, d’une performance contrastée et d’un retard de la France par rapport aux autres pays européens.

Tout d’abord, à quel niveau se situe notre pays en Europe ? Tous les deux ans, la commission européenne pour l’efficacité de la justice, la CEPEJ, du Conseil de l’Europe publie une étude comparative des systèmes judiciaires des pays européens. Dans la dernière étude, rendue publique le 9 octobre 2014, les comparaisons européennes ne placent la France en 2012 qu’au trente-septième rang sur quarante-cinq pays au regard du critère du budget de la justice conjugué au niveau du PIB par habitant du pays. Le budget alloué à la justice est donc comparativement moins élevé en France que dans les autres pays européens.

Par ailleurs, toujours en 2012, la France comptait moitié moins de juges professionnels que la moyenne des pays du Conseil de l’Europe et quatre fois moins de procureurs. Or non seulement la France compte relativement peu de juges et de procureurs, mais le plafond d’emplois, sur lequel se prononce le Parlement, est sous-exécuté de façon chronique, ce qui pose la question de la sincérité budgétaire. Pour les magistrats, l’écart entre le nombre de magistrats en activité et le plafond d’emplois atteint 1 244 emplois équivalents temps plein travaillés, soit 13,6 % des emplois.

Dès lors, on ne saurait s’étonner que les performances, telles qu’elles sont retracées dans les documents budgétaires, soient pour le moins contrastées. Les délais moyens de traitement des procédures civiles ont eu tendance à augmenter entre 2012 et 2013. La dépense moyenne de frais de justice par affaire faisant l’objet d’une réponse pénale a augmenté de plus de 8 % entre 2012 et 2013. L’indicateur mesurant le taux d’occupation des places en maison d’arrêt traduit une augmentation de la surpopulation carcérale : il s’établissait à 131 % en 2012 et à 134 % en 2013. La dégradation des conditions de travail et l’insécurité croissante des personnels pénitentiaires se mesurent par l’augmentation, entre 2012 et 2013, du nombre d’évasions et du taux d’agression contre le personnel ayant entraîné une interruption temporaire de travail.

Dès lors, je m’interroge sur les écarts entre les ambitions politiques du Gouvernement et les moyens qui sont alloués au service public de la justice. Ainsi, la montée en charge progressive, sur trois ans, des effectifs dans les juridictions d’application des peines et les services pénitentiaires d’insertion et de probation paraît en décalage avec le surcroît immédiat de charge de travail résultant de la mise en place de la contrainte pénale par la loi du 15 août 2014.

Enfin, plusieurs postes de dépenses semblent une nouvelle fois sous-dimensionnés dans le projet de loi de finances pour 2015.

Les frais de justice pour 2015, qui s’élèvent à 449,9 millions d’euros, sont encore sous-évalués. Ils sont inférieurs de plus de 120 millions d’euros à la prévision d’exécution 2014, malgré les économies réalisées pour freiner leur augmentation.

Dans l’attente d’une réforme du financement de l’aide juridictionnelle, qui pourrait intervenir en 2015 et qui devra associer l’ensemble des acteurs, l’article 19 du projet de loi de finances pour 2015 prévoit un financement complémentaire par des crédits extrabudgétaires.

L’effort accompli dans le domaine de l’administration pénitentiaire est certes appréciable, mais l’objectif de 63 500 places de prison, sur lequel se fondait la programmation triennale 2013-2015, a été reporté à 2019, ce qui ne permettra pas de mettre en œuvre le principe d’encellulement individuel dans les maisons d’arrêt. Le solde annuel net moyen de créations de 762 places sur la durée du quinquennat 2013-2017 est par ailleurs inférieur de plus de moitié au solde net annuel de création de places entre 2008 et 2012.

J’en viens maintenant aux articles rattachés à la mission « Justice ».

L’article 56 vise à augmenter le montant du droit de timbre dû en appel, ainsi qu’à en allonger la durée de perception, afin de financer les indemnités dues aux avoués dont l’office a été supprimé. Cet article tire les conséquences d’une sous-évaluation des dépenses et d’une surévaluation des recettes.

L’article 56 bis tend à différer de deux années supplémentaires l’entrée en vigueur de la collégialité de l’instruction.

La collégialité de l’instruction est un serpent de mer des réformes de la justice, dont le principe a déjà été voté à quatre reprises : en 1985, en 1987, en 1993 et en 2007.

Ce principe n’a cependant pu être mis en œuvre faute de moyens suffisants. La collégialité systématique de l’instruction exigerait en effet la création d’environ 300 postes de magistrats. Ce ne sera jamais que le quatrième report de l’entrée en vigueur du principe de collégialité de l’instruction prévu par la loi du 5 mars 2007. Toutefois, un projet de loi devrait prochainement être débattu au Parlement.

L’article 56 ter tend à reporter de deux années supplémentaires l’entrée en vigueur de la suppression des juridictions de proximité. Comme pour l’article 56 bis, des consultations sont en cours en vue d’un débat parlementaire

Enfin, l’article 56 quater a pour objet de reconnaître le caractère discriminatoire et abusif du licenciement pour faits de grève des mineurs grévistes en 1948 et en 1952, et de leur verser, ainsi qu’à leurs ayants droit, une allocation forfaitaire. La commission des finances a été favorable à cet article dans la mesure où il répond à une situation spécifique et permet de clore un contentieux ancien. Mais il est regrettable que le coût de cette mesure pour les finances publiques, bien qu’il soit limité, soit imputé sur les crédits d’aide juridictionnelle dont bénéficient les plus pauvres de nos concitoyens.

Au final, et sous le bénéfice de ces différentes observations, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat d’adopter sans modification les crédits de la mission « Justice », qui correspond à la mise en œuvre d’une politique régalienne, ainsi que les articles 56, 56 bis, 56 ter et 56 quater rattachés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis.

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les services judiciaires n’échappent plus à la rigueur budgétaire. Après avoir été préservés quelque temps, ils prennent leur part dans la politique nécessaire de réduction des déficits publics.

Nous sommes conscients que la situation des finances publiques n’est pas florissante, mais il faut faire attention à ne pas prendre en tenaille les juridictions en accumulant sur leur tête les réformes et en réduisant parallèlement leurs moyens. La justice est un service essentiel pour le bon fonctionnement de notre société. Elle est servie par des magistrats, des greffiers et autres agents qui ont un grand sens du service public, mais qui doivent, depuis des années, mettre en œuvre de nombreuses réformes législatives ou organisationnelles sans toujours en avoir les moyens. Dans le contexte budgétaire et financier qui est désormais le nôtre, il me paraît primordial de ne pas créer d’espoirs prématurés qui décourageraient ceux qui les soutiennent.

J’ai développé dans mon rapport pour avis un sujet particulier de préoccupation. Le budget que vous proposez pour les services judiciaires, madame la garde des sceaux, présente en effet une particularité. Le schéma d’emploi est stable, mais la dotation budgétaire correspondante baisse de 26 millions d’euros. Cela témoigne de la sous-consommation récurrente de ce plafond d’emplois, ainsi que du nombre élevé de postes laissés vacants.

Jusqu’à présent, les emplois non consommés étaient partiellement convertis en emplois de vacataires ou de contractuels, ce qui soulageait les juridictions. Mais cette baisse de 26 millions d’euros risque de limiter fortement une telle possibilité. Madame la garde des sceaux, je pose la question : qu’en sera-t-il exactement ? Les services judiciaires auront-ils en 2015 les moyens en personnels nécessaires pour faire face à l’ensemble de leurs missions ?

La question des moyens se pose à l’identique pour les frais de fonctionnement. En dépit des dégels et des économies réalisées, la dotation reste en deçà de ce qui serait nécessaire, compte tenu du rythme annuel de consommation constaté jusqu’à présent : on a évoqué une sous-dotation potentielle de 110 millions d’euros, compte tenu des besoins constatés !

Le Gouvernement espère certes réaliser de substantielles économies grâce à une meilleure maîtrise des frais de justice. Il compte notamment économiser 30 millions d’euros grâce à la plateforme nationale des interceptions judiciaires. Toutefois, j’observe que le déploiement de cette plateforme a pris du retard et que le décret nécessaire n’a été signé que le 9 octobre dernier.

Je note également que des retards de paiement de sommes dues à des auxiliaires de justice commencent à réapparaître dans certaines cours d’appel, avec le risque de nous trouver à nouveau dans la situation que nous avons connue avant le passage à la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances : des factures s’entassaient dans des tiroirs et des auxiliaires de justice refusaient parfois d’intervenir faute d’être payés dans des délais raisonnables.

La réforme de la justice, dite « Justice du 21e siècle », suscite beaucoup d’attentes en même temps que des craintes sur les conditions de sa mise en œuvre. Vous avez choisi, madame la garde des sceaux, de renoncer au bouleversement annoncé et de privilégier plutôt une approche pragmatique et progressive, qui mette d’abord l’accent sur l’accessibilité de la justice pour le justiciable. Je m’en félicite, car cela correspond à l’approche que Virginie Klès et moi-même avions défendue à l’époque.

Vous annoncez notamment un service d’accueil universel, nouvel avatar du guichet universel de greffe ou du guichet unique. Cela me paraît positif. Toutefois, j’attire votre attention sur un point : aucune réforme ne peut être acceptée si les moyens nécessaires ne sont pas mis en face. Dans ce cas particulier, il faut faire du logiciel Portalis une priorité absolue.

Madame la garde des sceaux, le budget des services judiciaires a manifestement été soumis à un coup de rabot – cela peut se comprendre dans le contexte actuel des finances publiques –, la priorité ayant été donnée à la politique pénitentiaire. Mais la France ne peut pas se permettre d’avoir une justice au rabais.

Estimant toutefois que la justice s’en sortait mieux que d’autres missions dans ce budget – heureusement ! –, la commission des lois a malgré tout émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Justice » relatifs à la justice judiciaire et à l’accès au droit. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les cinq minutes accordées au rapporteur pour avis ne me permettraient guère de commenter dans le détail le budget de l’administration pénitentiaire pour 2015. En outre, il ne serait pas utile de plagier l’excellente intervention de M. le rapporteur spécial.

Aussi attirerai-je simplement votre attention sur quelques questions qui me paraissent essentielles dans ce débat difficile et récurrent sur les prisons de la République, à savoir le personnel pénitentiaire et la direction qu’il convient de donner à nos efforts.

Je tiens tout d’abord à dénoncer ce qui me paraît être un faux débat entre les partisans de l’augmentation du nombre de places en détention et ceux qui soutiennent le développement de l’aménagement des peines et des alternatives à l’incarcération.

Notre pays souffrait, il est vrai, d’un manque important de places, mais nous en avons déjà construit et rénové un grand nombre dans le cadre, notamment – mais pas seulement – des programmes Chalandon, Méhaignerie et Perben.

Aujourd’hui, notre ratio d’encellulement se situe dans la moyenne européenne, du moins lorsque, outre la Grande-Bretagne et la Pologne, on prend aussi en compte l’Allemagne ou les pays d’Europe du nord.

Mesures d’emprisonnement et aménagement de peines ne s’excluent pas, mais se complètent : la question n’est pas celle d’un choix manichéen, mais bien celle de savoir où placer le curseur. Aujourd’hui, l’accent a été mis sur la création de postes d’insertion et de probation afin de se donner les moyens de réussir le pari relevé dès 2009 avec la loi pénitentiaire, puis a été largement repris par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales.

Néanmoins, ces deux politiques ont un coût important : d’un côté, le coût de construction d’une place de prison s’élève, on le sait, de 100 000 à 150 000 euros, et le recrutement de personnel, notamment de surveillance, est indispensable pour faire fonctionner les nouveaux établissements ; de l’autre, un recrutement massif de conseillers d’insertion et de probation s’impose ainsi qu’une attention renouvelée aux quartiers de semi-liberté, aujourd’hui sous-utilisés, et au placement à l’extérieur, qui peine à se développer.

Les dispositifs d’aménagement de peines ne peuvent se résumer à la surveillance électronique fixe et exigent, pour ne pas jouer avec les risques de récidive, un accompagnement humain qui, aujourd’hui, n’est pas toujours envisageable.

Faut-il rappeler, en outre, que les crédits de l’administration pénitentiaire représentent aujourd’hui 42,7 % des crédits de paiement et 50 % des autorisations d’engagement de la mission « Justice » ? Les difficultés budgétaires actuelles permettent-elles, mes chers collègues, d’aller bien au-delà ?

Je voudrais à présent aborder la problématique de l’encellulement individuel. Prévu par la loi depuis 1875 et guère pratiqué, le principe de l’encellulement individuel a été sauvé par le Sénat lors de l’examen de la loi pénitentiaire, alors que la règle aurait pu devenir celle de l’encellulement collectif.

Si nous ne regrettons en rien la position prise alors et qui finit par emporter la conviction de nos collègues députés en commission mixte paritaire, nous pouvons aussi affirmer que l’encellulement individuel n’a jamais constitué à nos yeux un dogme et qu’il peut bien sûr y être dérogé pour des raisons multiples, qui tiennent par exemple à la fragilité de certaines personnes condamnées ou à la sollicitation des intéressés.

Je me permettrai de faire deux citations. La première est de Mme Adeline Hazan, contrôleur général des lieux de privation de liberté : « Comment se fait-il que, dans notre pays, les prisons soient les seuls établissements où, pour le dire trivialement, ″ quand il n’y a plus de place, il y en a encore ″ ? Ce n’est pas le cas pour les maisons de retraite, les centres éducatifs fermés ou les hôpitaux : quand c’est complet, c’est complet. » (M. le rapporteur général de la commission des finances acquiesce.)

La seconde citation est de la juriste Caroline Fleuriot : « la moitié des problèmes dans les maisons d’arrêt sont dus à l’encellulement collectif ».

Madame le ministre, le moratoire vient de prendre fin. Nos moyens sont trop limités pour les consacrer à l’indemnisation massive de personnes dont les conditions de détention ne sont pas conformes à celles qui sont prévues par la loi. Il y a donc sur ce point urgence à agir.

Je rappelle aussi que l’un des moyens de lutter contre la surpopulation carcérale serait de ne plus incarcérer aussi largement des malades mentaux lourds pour lesquels la peine n’a guère de sens. Dans une étude conjointe de la commission des lois et de la commission des affaires sociales, nous avions estimé que les personnes concernées représentaient un dixième de la population carcérale.

J’ajoute que, dans la loi de 2014, sur amendement du Sénat, il a été imposé que l’altération du discernement cesse d’être une circonstance aggravante pour devenir un motif de réduction de la durée d’incarcération assortie d’une injonction de soins.

On s’étonne aussi parfois, madame le ministre, d’une certaine sous-utilisation de quelques structures, qu’il s’agisse des quartiers de semi-liberté, que j’évoquais à l’instant, ou des établissements pénitentiaires pour mineurs.

Je ne suis pas favorable à l’instauration d’un numerus clausus car je pense qu’il ne respecterait ni le principe d’égalité ni le principe d’individualisation des peines. Toutefois, si nous n’avançons pas considérablement vers une conception raisonnable de l’encellulement individuel, je crains que nous ne soyons obligés de nous poser bientôt la question.

Je formulerai en outre quelques regrets : l’absence d’indicateur sur les violences commises à l’encontre des personnes détenues au sein des établissements pénitentiaires, que je me suis permis de réclamer depuis quelques années ; et aussi – et peut-être surtout – le fait que certains indicateurs sont revus à la baisse. Il en est ainsi, par exemple, du pourcentage des détenus bénéficiant d’une activité rémunérée, qui s’établira à 29,7 % en 2015 selon les prévisions, contre 37,7 % en 2012.

Dans ce contexte, que devient, madame le ministre, l’obligation d’activité ? Je pense que, sur cette question, les gestionnaires privés et surtout l’administration pénitentiaire et ses dirigeants devraient faire preuve d’une volonté politique bien plus forte.

La formation en prison est également un dossier fondamental : qu’adviendra-t-il de la compétence des régions en la matière, dont nous appelons de nos vœux le développement ?

Je terminerai par une dernière remarque, madame le ministre : les prisons de la République, comme les palais de la République, appartiennent à tous les citoyens…

M. Gérard Longuet. Les prisons font partie du patrimoine !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. … au nom desquels, d’ailleurs, la justice est rendue.

Or il est toujours aussi difficile pour ceux dont la profession est d’informer de visiter nos établissements pénitentiaires. Je ne suis pas convaincu que ce choix est le bon et qu’il ne devrait pas être revu.

Mme la présidente. Je vous prie de conclure, monsieur le rapporteur pour avis.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Enfin, la commission des lois – j’en termine, madame la présidente, même s’il est frustrant pour un rapporteur pour avis de n’avoir que cinq minutes de temps de parole – a émis un avis favorable sur les crédits consacrés à l’administration pénitentiaire, notamment parce qu’elle reconnaît que sera tenue la promesse qui avait été prise par Jean-Marc Ayrault de créer en trois ans 1 000 postes supplémentaires dans les services de probation et d’insertion, promesse qui, du reste, figurait déjà dans l’étude d’impact de la loi de 2009. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, rapporteur pour avis.

Mme Cécile Cukierman, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est difficile de parler des crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse », ou PJJ, sans évoquer les budgets des années précédentes, tant la situation actuelle en est encore, malheureusement, l’héritière.

Les crédits de la PJJ ont en effet connu une forte diminution de près de 6 %entre 2008 et 2011. Cette baisse s’est accompagnée d’une réduction des effectifs que l’on peut qualifier de drastique, avec moins 632 emplois en équivalents temps plein sur la période 2008-2012, dans un contexte de réforme et de réorganisation territoriale d’ampleur.

En revanche, les années 2012 et 2013 ont vu augmenter les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse, mais essentiellement au bénéfice des centres éducatifs fermés. Cette tendance avait d’ailleurs fait l’objet de prises de position de notre commission – et je tiens à saluer ici le travail de notre ancien collègue Nicolas Alfonsi, qui a suivi pendant dix ans ce budget – qui soulignait la nécessité de ne pas sacrifier la diversité des prises en charge des mineurs délinquants à la mise en place de ces centres éducatifs fermés, très coûteux et dont l’efficacité à long terme reste à évaluer.

Après cette augmentation en 2012-2013, la PJJ n’a pu se soustraire à la rigueur budgétaire générale en 2014, connaissant une diminution de 0,6 % des crédits de paiement qui lui étaient affectés.

Le projet de budget du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » pour 2015 se caractérise quant à lui par une légère diminution des crédits.

En revanche, il convient de saluer la création d’une soixantaine d’emplois. Lorsque nous l’avons auditionnée, la directrice de la PJJ nous a fait part de sa satisfaction à cet égard, sans néanmoins faire mystère de sa conviction que, après la baisse des années 2008-2012, cette hausse n’offrait pas pour autant un quelconque confort de fonctionnement à la PJJ, qui restait sous tension et aurait tout juste les moyens d’assurer ses missions.

J’ajoute que, selon les syndicats de personnels, les créations d’emplois annoncées dans la loi de finances initiale étaient souvent assez longues à se traduire dans les faits, faute sans doute d’une budgétisation suffisante au titre II.

Par ailleurs, il existe un jeu de vases communicants entre les moyens du secteur public de la PJJ et ceux du secteur associatif habilité. En effet, entre 2008 et 2014, les crédits du secteur associatif habilité ont diminué d’environ 80 millions d’euros, soit plus de 25%. En outre, le nombre d’associations habilitées est lui-même en forte baisse.

Les créations de postes dans le secteur public de la PJJ prévues pour 2015 vont nécessairement aller de pair avec une mobilisation accrue des crédits de fonctionnement du titre III, dont le volume n’augmente pas. Or, nous le savons, ce titre III comprend l’ensemble des crédits du secteur associatif habilité, y compris les dépenses de personnel. Ainsi, mécaniquement, les crédits de ce secteur vont encore diminuer en 2015.

Comme vous l’avez souligné lors des travaux en commission, madame la garde des sceaux, un effort particulier dans ce secteur avait été accompli en 2013, le Gouvernement ayant prévu des crédits pour résorber les arriérés de paiement de l’État à l’égard des associations. Il n’en demeure pas moins que les crédits ont diminué de 25 % depuis 2008 et que cette baisse se poursuit.

Cette diminution suscite aujourd’hui une inquiétude compréhensible de la part des associations. Certaines d’entre elles sont en effet de petites structures : il en est ainsi, par exemple, de celles qui sont spécialisées dans la mise en œuvre des mesures de réparation pénale, dont l’utilité est unanimement reconnue. La diminution des budgets conduit rapidement à la nécessité, pour ces associations spécialisées, de diminuer leurs effectifs.

Il semble donc nécessaire de refonder les relations entre la PJJ et le secteur associatif de manière que les associations aient davantage de visibilité à moyen terme sur les intentions du ministère de la justice à leur égard.

Je souhaiterais également évoquer le placement de mineurs délinquants dans des familles d’accueil.

En 2013, 762 jeunes ont été confiés à des familles d’accueil relevant du secteur public et des associations. Le rôle de ces familles dans la prise en charge des mineurs délinquants est généralement salué, tant elles offrent un cadre propice à leur progression.

En 2012, un rapport de l’Inspection générale des services judiciaires a fait le point sur cette mesure. Ce rapport constate le bon fonctionnement général du dispositif, mais relève un flou juridique concernant le statut des familles. L’Inspection générale estime qu’il existe un certain risque juridique de requalification de la mission des familles d’accueil de la PJJ en contrat de travail.

Or toute évolution en la matière serait assez coûteuse pour la PJJ ; par ailleurs, il nous semble important – c’est ce qui est ressorti de certaines auditions – de garder une certaine souplesse du dispositif. Je tiens toutefois à souligner que, aujourd’hui, les deux tiers des familles d’accueil estiment que leur indemnisation est insatisfaisante au regard des frais engendrés par l’hébergement d’adolescents.

Pour conclure, nous sommes impatients de travailler à la réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, qui est devenue urgente compte tenu de la complexité inextricable de ce texte fondateur, comme chaque acteur l’a souligné lors des auditions que nous avons menées.

Sous réserve de l’ensemble de ces observations, la commission a émis un avis favorable sur les crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » pour 2015, tout en soulignant qu’elle restera sera très vigilante quant à leur mise en œuvre et aux évolutions à venir.

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Yvon Collin.