Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia.

M. Robert del Picchia. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les chiffres, positifs ou négatifs, qui ont été rappelés. Tout le monde les connaît.

Je partage les propos de la plupart de mes collègues. D’ailleurs, on ne peut pas m’accuser de ne pas soutenir le Gouvernement dans le domaine de l’aide publique au développement. J’avais été l’un des deux membres de mon groupe à voter la loi du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. En effet, outre qu’il n’y avait pas eu de loi sur le sujet auparavant, je soutenais l’excellent travail du rapporteur Christian Cambon sur ce texte.

Notre politique d’aide au développement est ce qu’elle est. Nous faisons ce que nous pouvons. Certes, nous n’avons pas atteint l’objectif de 0,7 % du RNB. Mais rares sont ceux qui y parviennent, exception faite de la Norvège et d’un ou deux autres États.

Quoi qu’il en soit, nous sommes sur la bonne voie. Nous ne ferons pas de reproche au Gouvernement à cet égard, même si nous regrettons que notre pays ne se situe pas dans les normes et ne parvienne pas à réunir les sommes suffisantes pour intervenir. Je salue l’APD française et les initiatives prises en la matière.

Le problème que je souhaite évoquer concerne indirectement l’aide au développement.

L’aide et les subventions que nous versons justifient-elles que certains des pays concernés par notre politique, plutôt généreuse, oublient leur dette envers nos ressortissants ?

En effet, nombreux sont les Français retraités qui ont travaillé, voire ont effectué une bonne partie de leur carrière à l’étranger, en particulier en Afrique. Or plusieurs pays – je pense par exemple à la République de Djibouti – ne versent pas leurs pensions à certains de nos compatriotes.

Depuis ma première élection au Sénat en 1998, je n’ai eu de cesse d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur la situation.

En 2007, l’adoption d’un amendement que j’avais déposé a eu pour effet de suspendre la signature d’un document-cadre de partenariat avec le Congo jusqu’au déblocage du paiement des arriérés de pensions et à la reprise du versement des pensions courantes à nos ressortissants. J’avais reçu l’appui des collègues siégeant sur toutes les travées de la Haute Assemblée. À l’époque, plus de 500 Français ayant travaillé au Congo ne touchaient plus leur retraite depuis dix ou quinze ans ! Quelques jours après, le ministre des finances de l’époque s’inquiétait dans mon bureau du blocage de l’accord-cadre et me demandait de faire quelque chose… Du coup, le paiement des retraites a repris et tout s’est bien passé pendant quelque temps, malgré quelques aléas. Vous voyez, cela fonctionne : lorsqu’un accord-cadre est bloqué parce que le Parlement ne le vote pas, le Gouvernement doit réagir !

Je regrette de devoir cette année encore tirer la sonnette d’alarme pour nos compatriotes retraités qui se retrouvent à quémander les minima sociaux français, alors qu’ils ont travaillé et cotisé toute leur vie à l’étranger. La situation est intolérable. Madame la secrétaire d’État, je vous demande donc d’intervenir fortement auprès des ambassadeurs des pays défaillants pour que tous les cas individuels concernés soient régularisés au plus vite.

Par ailleurs, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, refuse d’appliquer la jurisprudence reconnaissant le bénéfice du cumul des conventions à nos compatriotes ayant travaillé dans plusieurs pays, notamment africains, liés à la France par une convention de sécurité sociale. Pourtant, un ressortissant français ayant travaillé dans plusieurs pays, lui, y a droit…

Ce faisant, la CNAV dénie aux pensionnés la possibilité d’additionner toutes leurs périodes d’activité. C’est d’autant plus inexplicable que l’arrêt de la Cour d’appel précise qu’« aucune règle issue du droit national, communautaire ou international ne s’oppose à l’application conjointe des deux accords bilatéraux ». Alors que ce point n’a pas été contesté en cassation, la Caisse n’applique pas la décision des tribunaux. C’est non seulement incompréhensible, mais aussi très préjudiciable pour nos ressortissants !

Certes, madame la secrétaire d’État, cela concerne au premier chef votre collègue chargée des affaires sociales. Mais il est clair que la position de la CNAV, outre son caractère injuste et contra legem, est un frein manifeste à l’expatriation des Français travaillant dans des pays que nous soutenons à travers l’APD.

Je pourrais voter les crédits de la mission, mais je n’ai pas très envie de le faire… (Sourires.) Je ne cherche pas à vous nuire, madame la secrétaire d’État, d’autant que vous occupez vos fonctions depuis peu de temps. J’aimerais simplement que vous preniez ce soir l’engagement d’intervenir – je ne vous demande évidemment pas de promettre de payer les retraites… – auprès des pays concernés ; je peux d’ailleurs vous en transmettre la liste. Cela a marché par le passé ! Certes, l’Assemblée nationale ne me suivra certainement pas cette fois ; c’est d’ailleurs pour cela que je n’ai pas déposé d’amendement. Mais, fort d’un tel engagement, je pourrai alors exprimer un vote favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues : « On ne peut tolérer que la mer Méditerranée devienne un grand cimetière ! »

Cette phrase terriblement significative a été prononcée la semaine dernière par le pape François, lors de son magnifique discours devant le Parlement européen, où il a notamment évoqué la place de l’Europe dans le monde, les missions importantes et les responsabilités de l’Union européenne. Le propos est issu d’un passage sur la question migratoire. Il n’est qu’à constater comment les médias se font régulièrement l’écho de la situation dramatique de migrants originaires notamment d’Afrique qui s’entassent sur de vieux bateaux sans aucune sécurité, avec l’espoir d’entrer en Europe, la plupart du temps sans-papiers, tant ils sont désespérés de leur avenir.

Cette situation ne peut que nous interpeller humainement, mais également parce que le nombre de candidats à l’immigration ne fait que progresser, ce qui n’est pas sans poser problème lors de leur arrivée sur notre territoire.

Ainsi que M. le rapporteur pour avis Henri de Raincourt l’a rappelé, l’Afrique compte aujourd’hui un milliard d’habitants. Les projections statistiques laissent entendre que le chiffre devrait atteindre 2 milliards en 2050. L’Europe est au premier chef concernée. C’est encore plus vrai pour notre pays compte tenu de son passé colonial et de sa présence dans de nombreux pays africains ayant pour langue le français. L’attentisme dont nous semblons faire preuve est irresponsable et inquiétant pour l’avenir. Il ne pourrait qu’être positif pour la France, tant économiquement que diplomatiquement, d’engager une vraie politique de coopération avec les pays qui le souhaitent.

Nous manquons simplement de logique, tout comme les autres pays occidentaux. Nos interventions humanitaires et sanitaires, en particulier auprès des enfants, notamment en développant les vaccinations, contribuent à diminuer la mortalité. C’est évidemment louable ; cela favorise l’augmentation plus rapide de la population. Mais, dans le même temps, les populations sont confrontées à des problèmes de développement et, de fait, à des problèmes alimentaires. Il est donc nécessaire d’accélérer et d’accentuer notre intervention.

Les nombreux projets de coopération engagés par des collectivités ou associations sont extrêmement importants, mais évidemment insuffisants pour répondre aux besoins. Il est indispensable aujourd’hui que nous réorganisions notre politique de coopération. L’Afrique a un potentiel suffisant pour assurer les besoins alimentaires, mais il est manifestement sous-exploité.

La France a une mission particulière à remplir en la matière. Pour avoir effectué pendant presque deux ans mon service militaire en Algérie, je me souviens de ces plantations d’orangers, de ces surfaces de vignobles et de ces immenses champs de céréales. L’Algérie, alors province française, fournissait du blé et d'autres produits à la métropole, et les exploitations utilisaient des matériels très modernes. L’indépendance, qui était normale et évidemment souhaitable, a probablement abouti à faire perdre de la compétence. Le rappel de tels éléments a pour objet non pas de faire l’apologie de cette époque, mais simplement de confirmer le potentiel dont disposent la plupart des pays africains, qui étaient dans la même situation.

Voilà quelques années, lors de la grave crise alimentaire qu’a connue le monde, j’ai reçu des collègues parlementaires du Sénégal, qui m’avaient exprimé leur inquiétude de voir se développer des émeutes dans leur pays. Quand je les ai interrogés sur leurs motifs de craintes, ils ont parlé des problèmes d’approvisionnement en riz, base alimentaire au Sénégal. L’élévation importante des prix sur le marché limitant les possibilités d’importation risquait d’aboutir à une pénurie, d’où leur crainte d’une réaction de la population. Ils ont aussitôt ajouté : « Ce que nous attendons de la France, c’est qu’elle nous aide à développer ces cultures. Les terres dont nous disposons peuvent nous permettre de produire le double de nos besoins pour le Sénégal, mais nous avons besoin que la France nous accompagne pour mettre en place ce développement. »

C’est à cela que nous devrions nous engager, avec l’accord des pays concernés. Peut-être devons-nous aussi avoir à l’esprit combien les situations de difficulté alimentaire constituent un terreau propice pour les agitateurs, voire pour le développement du terrorisme.

Vous me répondrez certainement que la France intervient déjà fortement au titre de la coopération. Malheureusement, je crains que ce ne soit très nettement en deçà des besoins recensés pour aboutir efficacement. Il est indispensable de revoir nos modalités d’intervention. Il y a de la part de nombreux pays en voie de développement une attente forte de la France, qui bénéficie de leur confiance. Nous avons le devoir d’aider ces populations et de les accompagner dans le développement de leurs projets, en premier lieu quand cela touche l’alimentaire.

C’est aussi une responsabilité à l’égard de nos propres concitoyens, qui s’interrogent sur l’avenir. Il nous faut savoir organiser les conditions dans lesquelles ceux d’entre eux qui sont volontaires pourront intervenir pour assurer de tels accompagnements.

J’évoquais voilà quelques instants la perspective 2050. C’est demain. Il y a donc urgence à agir. C’est dans cette démarche que nous devons nous engager sans tarder. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée du développement et de la francophonie. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ai tous parfaitement entendus.

Vous avez exprimé avec force votre attachement à la politique de développement et à son rôle pour notre rayonnement dans le monde. Vous avez démontré votre implication sur les questions de politiques de développement, tout comme l’avaient fait vos collègues députés lors du débat législatif du mois de juillet dernier. Vous avez réitéré aujourd’hui l’ensemble de vos préoccupations ou encouragements, ce dont je vous remercie. Sachez que je partage un certain nombre de vos préoccupations. Je vais répondre à vos interrogations.

Je rentre d’un tour de France effectuée à l’occasion de la Semaine de la solidarité internationale, qui a eu lieu du 16 novembre au 21 novembre dernier. Partout, j’ai rencontré des acteurs engagés, solidaires, mais responsables, qui ont aussi souhaité tout au long de la semaine affirmer leur soutien à cette politique. Tous ont rappelé combien l’engagement et la solidarité de la France en faveur des pays les plus fragiles étaient importants pour eux. Je les en remercie ce soir. La France doit être fière de son effort de solidarité, qu’il faut poursuivre.

C’est dans cet esprit que j’ai défendu les arbitrages budgétaires pour la mission « Aide publique au développement », avec un souci d’économie des deniers publics, parce que nous avons des responsabilités globales, mais aussi de préservation de nos marges de manœuvre sur le terrain, car la solidarité est au cœur de notre engagement politique.

Avec une enveloppe de 2,8 milliards d’euros, ce budget traduit nos engagements et les priorités de la loi que vous avez adoptée l’été dernier.

C’est un budget qui nous permet de conserver des marges de manœuvre et qui reste à la hauteur des ambitions de la France, dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons.

C’est un budget responsable, car l’aide publique au développement prend sa juste part aux efforts collectifs de redressement des comptes publics. Il baisse ainsi de 1,5 %, si l’on intègre les financements innovants, notamment du fait du relèvement à 25 % du produit de la taxe sur les transactions financières qui est affecté au développement.

Vous l’avez rappelé, la France est pionnière en matière de financements innovants ; il faut s’en réjouir !

La taxe sur les billets d’avion que notre pays a mise en place voilà quelques années est revalorisée en 2015 ; elle n’est évidemment pas en danger.

Nous sommes aussi aujourd’hui le seul pays d’Europe à avoir mis en place une taxe sur les transactions financières, dont 140 millions d’euros sont consacrés à l’aide aux pays les plus pauvres, et nous œuvrons pour que nos partenaires nous rejoignent.

Nous poursuivons d’ailleurs nos travaux. La création d’autres types de ressources, comme le don par SMS ou la loterie solidaire, est actuellement à l’étude. Il s’agit d’outils différents au service du développement. Ils mettent la mondialisation à contribution et sont bien adaptés à la prise en charge des problématiques de long terme. Ainsi, ils permettent de poursuivre et d’engager de nombreux projets d’aide. Ils contribuent par exemple à notre action en matière de santé et à nos nouveaux engagements sur le climat, comme la participation au Fonds vert de 1 milliard de dollars. À l’approche de la Conférence Paris Climat 2015, c’est essentiel !

Madame Aïchi, le Fonds vert a aujourd'hui levé 9,5 milliards de dollars. Ils serviront à accompagner les pays en développement, en particulier les plus vulnérables d’entre eux. La moitié des financements seront consacrés à l’adaptation. C’est ce qu’attendaient nos partenaires, notamment du Sud.

La France n’a donc pas, bien au contraire, à rougir de son effort de solidarité !

Notre aide publique au développement contribue grandement à notre rayonnement international et à notre influence. La France reste un acteur incontournable de l’aide au développement, comme cela a été si justement souligné.

Les crédits budgétaires ne sont qu’une partie d’une politique bien plus vaste. La France, qui consacre 0,41 % de son revenu national brut à l’aide publique au développement en 2013, soit 8,54 milliards d’euros, reste largement au-dessus de la moyenne mondiale, qui s’établit à 0,3 %. Le taux pour 2014 devrait se situer à 0,37 %, mais a trajectoire redeviendra ascendante dès 2015, année où il devrait s’établir à 0,42 %. Cher Yvon Collin, je partage l’optimisme des prévisions triennales. Des travaux sont en cours pour redéfinir les modalités de calcul de cette aide à l’OCDE. Il faut les suivre et faire entendre notre voix.

L’enjeu est important, dans le contexte des négociations internationales sur les objectifs du développement durable et le financement du développement.

La France est active. Je ne manquerai pas de vous tenir informés de l’évolution de ces discussions, auxquelles une session du Conseil national du développement et de la solidarité internationale sera consacrée au mois de février prochain.

Le budget est construit sur des choix clairs et assumés.

Comme l’a indiqué Mme Conway-Mouret, le cœur de l’aide est préservé. Les dons-projets, instruments privilégiés de notre aide bilatérale, sont maintenus, à hauteur de 333 millions d’euros en autorisations d’engagement.

Le FSP « 100 000 professeurs pour l’Afrique » sera mis en œuvre comme prévu, sans ambiguïté, monsieur Fournier.

Plus généralement, je sais que cette ligne est essentielle à vos yeux, tout comme aux nôtres. Mais nous ne devons pas l’opposer aux prêts. Monsieur Billout, monsieur Cadic, j’ai bien écouté vos propos sur les prêts. Chaque outil a son intérêt, en fonction des pays et de leur situation financière, des secteurs et, bien entendu, des projets. Gardons-nous donc de trop simplifier la question. Nous y reviendrons tout à l’heure.

Nous conservons aussi des moyens importants pour répondre à l’urgence et aux multiples défis qui se présentent à nous, qu’il s’agisse de l’aide alimentaire, soit 37 millions d’euros, de l’aide humanitaire d’urgence, soit 11 millions d’euros, ou de l’aide post-crise, soit 22 millions d’euros.

Les acteurs du développement et de la solidarité internationale, l’Agence française de développement, les ONG et les collectivités territoriales sont confortés dans leur rôle et dans leurs missions.

L’AFD, acteur pivot du dispositif français d’aide au développement, reçoit ainsi un engagement de l’État de 840 millions d’euros sur trois ans, afin de renforcer ses fonds propres et d’augmenter son niveau d’activité pour mettre en œuvre nos priorités. Soyez assurés que j’assume avec vigilance et exigence mon rôle de tutelle sur l’AFD.

Par ailleurs, le doublement de l’aide aux ONG est confirmé. Ainsi, 8 millions d’euros supplémentaires seront octroyés aux organisations impliquées dans l’aide au développement à travers l’AFD. En outre, nous mobiliserons un million d’euros supplémentaires pour celles qui se consacrent à l’aide humanitaire.

Nous avons également souhaité stabiliser les crédits de la coopération décentralisée, qui s’établissent à 9 millions d’euros, et renforcer et sécuriser le cadre juridique de l’action extérieure des collectivités territoriales. La question a souvent été abordée au cours du tour de France que j’ai effectué dans le cadre de la semaine de la solidarité internationale. Je suis entièrement d’accord avec vous : le rôle des collectivités doit être reconnu. Je m’y emploie.

La concentration, dont le besoin est souligné par la loi, un vecteur d’efficacité ; elle permet d’être plus forts sur le terrain et de mieux mobiliser nos partenaires.

Nous renforçons le ciblage géographique. Comme vous le savez, nous avons défini seize pays pauvres prioritaires, auxquels nous accordons 50 % de nos subventions. L’Afrique et la Méditerranée concentreront 85 % de l’effort financier de l’État. J’espère que cet effort de concentration notable répondra à vos préoccupations.

Vous avez souligné l’importance de la francophonie. Je vous rejoins, d’autant qu’il y a un lien entre francophonie et développement. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ces deux secteurs ont été réunis au sein de mon secrétariat d’État. Nous devons être aux côtés de ceux qui nous sont proches et favoriser, certains l’ont souligné, les pays francophones. D’ailleurs, quinze des seize pays pauvres prioritaires sont francophones.

Nous confirmons en outre des priorités sectorielles.

Ainsi, la santé est un enjeu essentiel ; l’épidémie de fièvre Ebola en témoigne malheureusement. La priorité se traduit dans le budget. Le Président de la République a annoncé un plan de riposte au fléau d’un montant de 100 millions d’euros.

Ayant eu le privilège d’inaugurer le premier centre de traitement Ebola franco-guinéen en Guinée forestière à la mi-novembre, j’ai le plaisir de vous annoncer que sa première patiente, une jeune fille de treize ans, est aujourd'hui guérie.

La France est donc au rendez-vous et honore ses engagements.

Bien entendu, nous ne sommes pas seuls. Il faut féliciter et remercier l’ensemble des acteurs qui rendent possible l’action de solidarité de la France, dans un contexte très difficile. Comme l’a dit le coordinateur Ebola guinéen, avec qui j’ai inauguré le centre de Macenta, c’est ensemble que nous vaincrons l’épidémie.

Monsieur Hue, madame Lepage, plusieurs outils sont aujourd’hui mis à contribution pour organiser la riposte face au virus Ebola : les fonds d’urgence, l’AFD bien sûr, mais aussi l’aide alimentaire et les C2D.

La crise est en effet globale. Nous travaillons avec nos partenaires guinéens pour en atténuer les effets sur le système de santé et sur l’économie dans son ensemble.

Je n’oublie pas non plus la lutte contre la crise alimentaire qui pourrait survenir à partir de mars 2015 si nous ne réagissons pas suffisamment rapidement. Nous devons nous y préparer.

Nous devons aussi travailler sur la question, de plus en plus préoccupante, des orphelins guinéens, mais aussi, plus largement, sur le problème des enfants isolés en Sierra Leone et au Libéria.

Au sein du programme 209, 40 millions d’euros ont été spécifiquement prévus pour financer le plan de riposte français. J’y reviendrai tout à l’heure lorsque nous examinerons l’amendement du Gouvernement.

Nos efforts en matière de santé passent beaucoup, comme vous le savez, par les fonds verticaux. Le Fonds mondial recevra 360 millions d’euros par an jusqu’en 2016. Nous soutenons fortement UNITAID, en particulier grâce aux financements innovants. Et la France reste pleinement engagée auprès de l’organisation GAVI, dans le contexte budgétaire contraint qui est le nôtre.

La priorité diplomatique de 2015, dont je veux aujourd’hui souligner l’importance, sera le climat. La France contribuera à hauteur de 1 milliard de dollars au Fonds vert pour le climat. Certains m’ont interrogée sur le financement de cette contribution. Il se compose d’un don de 489 millions d’euros, appuyé sur des financements innovants, et d’un prêt à taux zéro de 285 millions d’euros.

La jeunesse est aussi l’une de mes priorités transversales. Elle recouvre les enjeux de santé, mais aussi la question du dividende démographique, grand défi de l’Afrique, comme l’a d’ailleurs indiqué M. Revet, celle de l’accès à l’emploi des jeunes, surtout en milieu rural, mais aussi en milieu urbain, et bien évidemment l’éducation, en particulier des femmes. Nous aurons l’occasion d’en reparler. C’est en offrant un avenir à cette jeunesse que nous répondrons aux enjeux de mobilité.

Pour atteindre ces objectifs, nous avons fait des choix que nous assumons. Surtout, nous renforçons notre efficacité. Plusieurs d’entre vous ont souligné ce besoin. Nous avons également évoqué la question lors du débat du mois de juillet. Enfin, les acteurs que j’ai rencontrés sur le terrain nous le demandent.

Si les Français restent solidaires – selon le sondage de l’AFD, 63 % d’entre eux sont favorables à notre politique d’aide publique au développement –, leurs exigences en termes d’utilisation des deniers publics augmentent d’autant. Il est important de les entendre et d’y répondre. La loi adoptée au mois de juillet avait anticipé une telle préoccupation.

En premier lieu, nous rationalisons nos actions. C’est ce que nous demandent aujourd'hui no concitoyens. C’est le choix que nous avons effectué en créant l’Agence française d’expertise technique internationale, l’AFETI, qui regroupera au 1er janvier six agences au sein d’une même entité. Je sais combien vous avez combattu pour qu’une telle avancée soit possible.

En second lieu, nous renforçons l’articulation et, surtout, le levier entre l’aide bilatérale et l’aide multilatérale. Il s’agit de créer une dynamique à l’échelon international. Le rapport entre aide bilatérale et multilatérale suscite toujours un vif débat. Je rappelle que, dans certains secteurs, seule l’aide multilatérale permet de faire face aux grands enjeux dont vous êtes nombreux à avoir parlé. Ces enjeux sont si importants aujourd'hui que, même en multipliant par dix le montant des aides publiques au développement international, on ne parviendrait pas à y faire face. Nous le verrons lorsque nous aborderons le chiffrage des objectifs de développement durable. Il faut donc relever ces défis différemment.

La France demeure le second contributeur au sein du Fonds européen de développement.

Je donnerai deux exemples emblématiques de l’effet de levier : d’une part, la création du Fonds Bekoû sur l’initiative de la France, afin de soutenir la République centrafricaine ; d’autre part, la mobilisation internationale face à la crise due au virus Ebola, dans laquelle la France a également joué un rôle moteur. Ces deux exemples montrent bien le caractère indispensable de l’aide multilatérale lors de crises importantes qui nécessitent de fortes mobilisations.

Accroître l’efficacité, c’est aussi faire le choix d’un travail collectif ; c’est en travaillant plus ensemble que l’on arrivera à répondre aux enjeux.

C’est aussi faire le choix de la transparence, dont les Français, je l’ai indiqué, sont demandeurs. La création de l’Observatoire du développement et de la solidarité internationale, prévue par la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale et que vous avez souhaité, répond à cet impératif. Ce texte a été adopté au mois de juillet dernier, après un large débat ici au Sénat.

Nous avons expérimenté la transparence lors du soutien que nous avons apporté au Mali après la crise que ce pays a connue.

La transparence, c’est aussi la possibilité offerte à chaque citoyen de suivre l’aide publique au développement. Aujourd'hui, grâce à un site internet, chacun peut suivre l’évolution des crédits et des projets que nous mettons en place avec nos partenaires, notamment avec les seize pays pauvres prioritaires. Tous ne sont pas encore en ligne aujourd'hui, mais ils le seront prochainement.

Chacun, y compris les citoyens des pays que nous aidons, peut réagir sur ce site internet. Notre site est très consulté au Mali par les habitants, qui signalent lorsqu’un projet n’avance pas comme cela est indiqué sur le site. C’est très bien. Il est très important de mobiliser les populations d’un côté comme de l’autre.

Nous demandons aussi à l’AFD de mettre en œuvre une telle politique de transparence, madame Aïchi.

Nous devons nous projeter. Comme plusieurs d’entre vous l’ont rappelé, la question de la durabilité se pose. En 2015, nous adopterons les objectifs de développement durable, qui succéderont aux objectifs du Millénaire pour le développement. Ils ont vocation à s’appliquer à tous les pays. Nous travaillons aujourd’hui pour inciter tous les pays, y compris les pays émergents, à prendre en compte la lutte contre la pauvreté et contre les inégalités, ainsi que la préservation de la planète. Le dérèglement climatique et la pollution représentent en effet des défis immenses pour tous les pays pauvres.

Avec un réchauffement de quatre degrés, ce qui est la tendance actuelle, on réduirait, par exemple, à néant tous les progrès accomplis dans la lutte contre la mortalité des enfants de moins de cinq ans ! On ne peut donc absolument pas accepter une telle évolution. Il faut revenir aux deux degrés, ce qui implique de négocier et d’obtenir un accord ambitieux à Paris en décembre 2015.

Nous avons adapté notre politique de développement aux défis de ce siècle. Il faut aller plus loin en ce sens. La France a déjà avancé sur ces questions, en particulier avec nos amis européens. Le monde est en train de faire de même. Nous n’avons pas le choix. Les populations l’exigent. Les mobilisations des ONG, mais également des collectivités territoriales ou, tout simplement, des citoyens, en témoignent.

Soyons clairs : apporter des réponses à ces défis globaux nécessitera, je le soulignais tout à l’heure, largement plus que les moyens actuels de l’aide publique au développement. C’est pourquoi il est important de travailler en partenariat avec les entreprises et de mobiliser l’ensemble des ressources possibles autour de ce grand défi qui nous attend.

Oui, monsieur Fournier, nous devons être innovants et développer une approche globale dans laquelle tous les acteurs jouent leur rôle ! Il faut renforcer les ressources propres et la gouvernance démocratique, lutter contre les paradis fiscaux et encourager l’implication, avec des règles, du secteur privé. Je pense en particulier aux coalitions d’acteurs mises en avant par le rapport Faber et aux pistes sur lesquelles travaillent aujourd’hui nos services.

Monsieur del Picchia, vous avez conditionné votre vote à ma réponse – mais je vous aurais répondu même sans cela (Sourires.) – sur nos compatriotes ayant des difficultés à toucher leur retraite.

C’est un problème important, même si je n’en connaissais pas l’ampleur, en tout cas celle que vous avez décrite. Je m’engage à en parler à ma collègue chargée de la santé pour le volet technique qui relève de sa compétence. Et je parlerai avec les ambassadeurs pour voir comment remettre le sujet à l’ordre du jour. Je ne prends pas d’engagement à ce stade, mais je vous invite à venir me rencontrer pour m’exposer la problématique plus en détail.