Mme la présidente. La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Aide publique au développement » est malheureusement l’illustration d’une politique dans laquelle le décalage entre les paroles et les actes est trop flagrant.

Madame la secrétaire d’État, votre bonne volonté et votre détermination ne sont pas en cause, mais votre tâche est rude pour réussir à nous convaincre que vous avez les moyens de votre politique et que vous maintenez les engagements du quinquennat. Tout prouve le contraire !

En effet, pour la cinquième année consécutive, les crédits engagés en « Aide publique au développement » baisseront de 2;7 % en 2015, soit une diminution de plus de 71 millions d’euros.

Si vous continuez sur cette pente triennale, il y aura eu, en 2017, sept années consécutives de baisse des crédits, avec un pic de 10 % en 2013.

Les 140 organisations non gouvernementales rassemblées au sein de Coordination Sud n’ont pas manqué de relever que cette orientation à la baisse des moyens accordés à l’APD était à contre-courant de la tendance mondiale. En effet, la moyenne internationale se situe autour des 6 %.

Ces organisations ont surtout souligné combien une telle évolution contredisait le discours officiel sur la stabilisation de l’aide française depuis l’élection de François Hollande. À ce rythme, cette baisse atteindrait même 20 % sur la durée du quinquennat.

La conséquence immédiate, c’est évidemment que notre pays ne tiendra pas son engagement de consacrer 0,7 % de son revenu national brut à l’APD en 2015, comme le font, par exemple, les Britanniques depuis deux ans.

Le seuil des 0,5 % avait été atteint en 2010. Depuis, votre collègue ministre des finances a reconnu les chiffres suivants : 0,40 % en 2013, 0,37% en 2014, 0,4 % prévu pour 2015, 0,49 % en 2016 et 2017.

Le résultat, c’est aussi que notre position parmi les grandes nations dans le combat pour l’éradication de la pauvreté et pour le développement s’est franchement détériorée. Selon les statistiques de l’OCDE, la France est devenue le cinquième bailleur, après les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Japon. Quand on se souvient que notre pays était au deuxième rang au milieu des années quatre-vingt-dix, on ne peut que déplorer la voie que vous suivez !

Cette tendance à la réduction des moyens que nous consacrons à de grandes causes se manifeste également dans le domaine de la francophonie. Le Président de la République a eu beau louer à Dakar ce week-end l’importance que doit jouer l’Organisation internationale de la francophonie, l’OIF, dans le développement des pays de l’espace francophone, il n’en reste pas moins que, en quatre ans, la France a diminué de moitié ses contributions volontaires au budget de l’organisation.

De tels reculs ne sont pas dignes de la France et de ce qu’elle représente encore pour de nombreux pays.

À l’heure où le virus Ebola ravage quelques pays africains, il n’est pas acceptable que la santé des plus pauvres fasse les frais du redressement des finances publiques.

Nous aurions pu nous féliciter que des moyens importants pour lutter contre le fléau soient mobilisés, mais la moitié de l’aide est financée par redéploiement, et non sous forme de dons.

Madame la secrétaire d’État, j’ai égrené ces pourcentages bien connus non pas pour vous accabler, mais simplement pour resituer votre budget dans son contexte et le mettre en perspective, car il n’est pas sans signification ; il illustre, dans ce domaine aussi, la politique d’austérité que mène le Gouvernement.

Celle-ci s’applique tout particulièrement à votre département ministériel. Si le budget est voté en l’état, on pourrait mécaniquement prévoir, selon l’expertise de l’ONG Oxfam France, que les crédits de l’APD seront treize fois plus touchés que le budget général entre 2015 et 2017.

Au-delà de ce constat, je vous reproche également d’user de quelques artifices pour atténuer la réalité des choses.

Ainsi, une partie de la taxe sur les transactions financières, ainsi que la taxe dite « Chirac » sur les billets d’avion servent à compenser la baisse de vos crédits. Pourtant, les deux taxes avaient vocation à constituer des recettes exceptionnelles.

Votre budget souffre aussi de problèmes structurels. Nous évoquons ces problèmes de manière récurrente au sein de notre commission, mais leur résolution est toujours renvoyée aux calendes grecques.

Ainsi, le volume global de l’APD, qui est de plus de 10 milliards d’euros, est artificiellement gonflé.

Nous savons tous ici que vous y comptabilisez notamment des allégements de dette et des dépenses pour l’éducation et l’accueil des réfugiés. Si tout cela était sincèrement à sa place, le volume global ne s’élèverait qu’à un peu moins de 8 milliards d’euros.

Dans le même ordre d’idées, la part des dons aux pays ne cesse de diminuer. Cela pose la question des orientations assignées à l’Agence française de développement.

Dans ces conditions, comment respecter le principe des priorités géographiques en direction de la liste de seize pays pauvres que nous avions établie dans la loi de programmation et d’orientation consacrée au développement et à la solidarité internationale ?

Pour mesurer la modestie de ces crédits, il faut savoir que chacun de ces seize pays pauvres prioritaires n’aura reçu en moyenne que 10 millions d’euros de subventions de l’AFD en 2014.

Le peu d’attention accordé par la France au développement des pays et des peuples qui en ont le plus besoin n’est pas qu’une affaire de finances publiques et de budget contraint. Cela révèle aussi une conception de l’aide au développement qui ne se fonde pas sur la solidarité internationale, ni sur de grands principes, ni sur des valeurs dont un pays comme le nôtre aurait quelques titres à se prévaloir.

J’irai même jusqu’à dire que cette conception étroitement mercantile entache l’image de notre pays. J’en veux pour preuve l’appréciation sévère qu’avait pu porter l’OCDE sur l’évolution de notre APD en 2013 : « La baisse des dons, en valeur absolue et relative, menace sérieusement la capacité d’intervention de la France dans les pays pauvres ou en crise […] et la met en marge des efforts de la communauté internationale qui ciblent la lutte contre la pauvreté. »

Je sais bien que notre pays n’a pas l’exclusivité de cette attitude. Les États membres de l’Union européenne n’ont-ils pas proposé de réduire de 45 millions d’euros leurs crédits d’engagement pour le développement ? Mais cela ne peut être une excuse derrière laquelle nous abriter.

Il n’en reste pas moins que nous donnons le mauvais exemple à la veille d’échéances décisives en matière de développement durable, comme la conférence de Paris sur le climat ou la conférence d’Addis-Abeba sur le financement du développement.

Pour cet ensemble de raisons, et parce que l’action de votre gouvernement est en trop profond décalage avec son discours, le groupe CRC votera contre le projet de budget que vous nous proposez. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Hue.

M. Robert Hue. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous mesurons tous parfaitement les enjeux de la politique d’aide au développement. Ils nous commandent de poursuivre nos efforts pour réduire la pauvreté dans le monde, qu’elle soit alimentaire, sanitaire et éducative, ces trois facettes étant bien sûr interdépendantes.

Je n’oublie pas la « pauvreté institutionnelle », cause ou conséquence de la misère. À l’aube du XXIe siècle, on compte encore beaucoup trop d’États aux institutions fragiles, notamment en Afrique, qui donnent prise à des régimes dits d’« anocratie », des régimes naviguant entre autorité et embryon de démocratie. Il y a aussi les États affaiblis par le djihad islamiste : le cas de l’Irak aux prises avec Daech nous le rappelle tragiquement. Ces situations sont déstabilisatrices pour les populations locales avant tout, mais aussi pour la sécurité du monde.

Plus de cinquante ans après les grandes luttes pour l’indépendance, il reste beaucoup à faire pour atteindre les fameux objectifs du Millénaire pour le développement. Si environ 700 millions de personnes sont sorties de la pauvreté depuis vingt-cinq ans, on dénombre malheureusement 870 millions de personnes sous-alimentées aujourd’hui dans le monde.

Dans ce contexte, l’aide publique au développement doit, à l’évidence, être plus que jamais encouragée. Après deux années difficiles dues à la crise financière, on constate un rebond de l’aide au développement des pays du Comité d’aide au développement en 2013 ; je m’en réjouis. Elle a en effet progressé de 6,1 % entre 2012 et 2013.

Il est en revanche regrettable que la France fasse partie des pays qui ont relâché leurs efforts. L’objectif de 0,7 % du revenu national brut consacré à l’aide publique au développement ne sera pas atteint, avec un chiffre de 0,41 % en 2013, en recul par rapport à 2012 contrairement au ratio de nos voisins britanniques, souvent cités en exemple.

Il est également dommage que la hausse du produit des taxes affectées vienne compenser la baisse des dotations budgétaires. Comme l’a souligné notre collègue rapporteur Yvon Collin, il sera nécessaire que notre pays adopte une trajectoire précise.

Au mois de juin dernier, nous avons approuvé de grands principes en adoptant la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, le rapport annexé mentionnant d’ailleurs l’objectif de 0,7 %. Il faudrait essayer de s’y tenir ! Cette loi avait également affirmé que l’efficacité de l’aide passerait par une concentration des actions tant géographiques que sectorielles. Dans cet esprit, le continent africain, et en particulier l’Afrique subsaharienne, a été désigné comme prioritaire. J’approuve ce choix.

En effet, l’Afrique est le continent qui concentre le plus de difficultés, malgré le décollage économique de plusieurs pays. Ce sont des pays africains qui se trouvent aux dernières places du classement selon l’indice de développement humain établi par le Programme de Nations unies pour le développement, le PNUD : le Mali, le Libéria, la Sierra Leone ou encore la Guinée figurent en toute fin de liste.

En Afrique, des crises institutionnelles à répétition minent encore les toutes jeunes démocraties, comme on l’a vu encore récemment au Burkina Faso.

Enfin, en Afrique, des drames sanitaires ravagent des populations, telle l’épidémie de fièvre Ebola, qui a déjà fait plus de 4 400 morts. À cet égard, j’aimerais savoir quelles sont les lignes budgétaires consacrées à la lutte contre les conséquences du virus. Le Président de la République avait fait des annonces. L’une concernait la mise à disposition immédiate de 20 millions d’euros. Où en sommes-nous ?

Au regard de ces conditions précaires, l’aide publique au développement est-elle conforme aux engagements décidés en faveur de l’Afrique par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, du 31 juillet 2013 ?

Si l’on s’en tient à l’aide bilatérale, l’Afrique est en effet majoritairement bénéficiaire de celle-ci à hauteur de 46 %. Mais veillons à ne pas réduire la part consacrée à l’Afrique subsaharienne, comme cela a été le cas entre 2012 et 2013.

Au sein des interventions de l’Agence française de développement, qui représentent, sur la période 2014-2016, 9,3 milliards d’euros d’autorisations de financement en Afrique subsaharienne et près de 2,1 milliards en Afrique du Nord, on constate un progrès, puisque ces crédits augmenteraient de 20 % par rapport aux trois années 2011, 2012 et 2013 : c’est une bonne chose. Néanmoins, je m’interroge sur la répartition prévisionnelle de ces fonds, qui fait la part belle aux prêts, au détriment des dons ; c’est d’ailleurs une constante. Or les prêts, qui appuient bien souvent les secteurs productifs, ne ciblent pas forcément les pays les plus pauvres. Aussi, si les dons vont bien en priorité vers l’Afrique, qu’en est-il des prêts ?

Madame la secrétaire d’État, les dix-sept pays pauvres prioritaires sont-ils les principaux bénéficiaires de l’aide publique au développement ? En tout cas, je l’espère, car vous connaissez mon attachement au continent africain, que je considère comme central, compte tenu notamment de sa dynamique démographique. Qu’on le veuille ou non, et les flux migratoires en attestent, le destin de la France et, au-delà, celui de l’Europe sont liés à l’Afrique, une Afrique qui doit être perçue comme une chance et avec laquelle l’Europe peut constituer un axe fort pour une coopération intelligente et porteuse de projets économiques responsables, sur le plan social et environnemental.

C’est pourquoi, sans méconnaître les contraintes budgétaires, et tout en émettant un avis favorable sur les crédits de cette mission, je souhaite, comme beaucoup de mes collègues, que l’aide publique au développement ne soit pas pénalisée au regard des enjeux de développement très forts dans le monde, en particulier de l’autre côté de la Méditerranée. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fournier.

M. Bernard Fournier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je remplace ma collègue Joëlle Garriaud-Maylam, oratrice de notre groupe, qui souffre d’une extinction de voix.

Nous ne pouvons que constater le fossé entre notre engagement international de consacrer 0,7 % de notre revenu national brut à l’aide publique au développement et la réalité. Malgré la crise économique, le Royaume-Uni vient, lui, de réussir à atteindre ce seuil. C'est la preuve que, quand la volonté politique est là, tout est possible !

Le renoncement français est d’autant plus honteux que la toute nouvelle loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale avait, elle, réitéré un tel objectif.

Dans ce contexte budgétaire contraint, les financements innovants sont évidemment source d’espoir. Las ! Bruno Le Roux propose de supprimer la taxe de solidarité sur les billets d’avion, qui finance la lutte contre le sida. Une défection française dans ce domaine nuirait d’autant plus à notre image internationale que ce dispositif innovant, dont la France avait été pionnière, continue à attirer de nouveaux pays, par exemple le Maroc et le Japon.

Plus précisément, le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale souhaiterait transformer ce prélèvement en taxe sur le secteur de la grande distribution et le secteur bancaire. Or cette nouvelle assiette toucherait bien davantage les consommateurs à faibles revenus, alors que le surcoût actuel d’un à quatre euros par billet d’avion est parfaitement indolore. Que la proposition de M. Le Roux soit ou non retenue, le Gouvernement a déjà décidé en 2014 de plafonner cette taxe, avec des effets immédiats sur les recettes : une baisse de 12 millions d’euros en 2015, qui pourrait atteindre jusqu’à 21 millions d’euros en 2017 !

La taxe sur les transactions financières connaît également un problème d’assiette et manque largement sa cible en ne touchant ni les produits dérivés ni les transactions à haute fréquence. Les taxer aurait pourtant le double avantage d’être rémunérateur pour les finances publiques et de décourager une spéculation qui continue de faire peser de lourds périls sur notre système financier. Il est donc particulièrement regrettable que la France, non contente d’avoir instauré sur son territoire une taxe édulcorée, bien plus légère que celle existant au Royaume-Uni par exemple, fasse maintenant pression pour que la taxe européenne sur les transactions financières soit, elle aussi, vidée de son sens.

Je m’inquiète aussi du plafonnement du reversement de ces taxes au budget de l’aide publique au développement. Actuellement, seuls 15 % des bénéfices de la taxe sur les transactions financières sont censés être fléchés vers la solidarité internationale, mais avec un plafonnement à 100 millions d’euros. Dès lors, l’annonce d’un relèvement à 25 % de la part de cette taxe fléchée vers l’APD est quelque peu mensongère, puisqu’un plafonnement à 130 millions d’euros ou 140 millions d’euros empêchera largement cette aide de bénéficier de la montée en puissance du dispositif.

Il est donc de plus en plus clair que les financements innovants ne parviendront jamais à compenser le tarissement de l’aide publique. En effet, à contre-courant de la tendance mondiale, celle-ci aura diminué de 20 % entre 2011 et 2017. Dans ce contexte morose, sans doute faut-il se tourner vers nos voisins européens pour élaborer de nouveaux outils.

Il nous faut aussi réexaminer le rôle de l’État dans l’aide publique au développement. Voulons-nous camper dans la seule posture, forcément frustrante, du pourvoyeur d’une manne financière qui s’épuise ou sommes-nous prêts à nous impliquer politiquement, afin d’aider les pays en développement à lutter contre la corruption et à améliorer l’efficacité de leur système fiscal ? En ce sens, la responsabilité française est grande pour promouvoir des pratiques plus saines en matière de commerce international, d’investissement et de lutte contre les paradis fiscaux.

Ainsi que plusieurs collègues l’ont déjà largement évoqué, une part croissante de l’aide publique au développement française est consacrée à des prêts, au détriment des dons. Si la coopération avec les pays émergents pour faire face aux défis environnementaux et climatiques est légitime, elle ne doit pas se faire au détriment des subventions aux pays les moins avancés, incapables de recourir à de tels prêts. De même, si le prêt est un bon instrument pour des projets d’infrastructure, il est inadapté pour financer des actions dans les secteurs à but non lucratif, tels que la santé, l’alimentation, les droits des femmes ou l’éducation.

Or ces secteurs sont essentiels, non seulement pour le développement des pays concernés, mais aussi pour le renforcement d’une mondialisation mieux régulée et, par là même, pour la prévention ou la résolution de graves crises géopolitiques.

Je regrette la baisse de 10 % des crédits du FSP et le dépôt par le Gouvernement d’un amendement revenant sur le vote unanime des députés, qui visait à la limiter.

J’aimerais d’ailleurs connaître les conséquences de la diminution du budget du FSP sur le programme « 100 000 professeurs pour l’Afrique », visant à améliorer la qualité de l’enseignement en français, au moyen d’actions de formation des enseignants en Afrique. Cette initiative répond à la fois aux objectifs de l’aide publique au développement et à ceux de la francophonie, et il me semble important qu’elle continue à être suffisamment financée. Je remarque aussi que seuls 10 % des engagements de l’AFD ont été consacrés à l’éducation ou à la santé en 2013.

L’épidémie de fièvre Ebola illustre de manière dramatique les conséquences du désintérêt dont la communauté internationale a fait preuve à l’égard de la faiblesse du système de santé en Afrique. Faute d’avoir effectué un travail de prévention, des milliards seront maintenant nécessaires pour lutter contre la pandémie et remettre les économies des pays touchés à flot. Un appui logistique, humain et scientifique plus précoce aurait permis non seulement de sauver des milliers de vies, mais aussi de prévenir le coût faramineux d’Ebola pour les économies d’Afrique de l’Ouest.

Avant de conclure, je souhaiterais insister sur la nécessité d’investir pour les femmes, notamment pour leur éducation.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Très bien !

M. Bernard Fournier. Dans les pays en développement, près d’un tiers des jeunes filles ne terminent pas le cycle élémentaire.

On peut reconnaître à la politique française de développement quelques avancées, comme la création d’une Agence française d’expertise technique internationale, qui devrait améliorer la visibilité de la coopération technique française, et permettre de rationaliser les interventions. C’est pourquoi, malgré les réserves qui ont été exprimées, le groupe UMP votera ces crédits. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’ont rappelé les orateurs précédents, l’aide publique au développement prend toute sa part dans la réduction des déficits publics ; peut-être même un peu trop, serais-je tentée d’ajouter…

Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit en effet de réduire les crédits de près de 3 % cette année et de plus de 7 % jusqu’en 2017. À l’heure où le monde connaît de graves crises sécuritaires, sanitaires ou environnementales, n’est-il pourtant pas de la responsabilité des pays les plus développés d’aider les pays les plus pauvres ? C’est, me semble-t-il, la raison d’être de la politique publique d’aide au développement.

Bien entendu, la France n’est pas seule à avoir opté pour une réduction de son aide. Des pays eux aussi confrontés à des politiques de restrictions budgétaires, comme le Portugal ou le Canada, ont fait des choix similaires.

Cependant, d’autres pays ont nettement renforcé leur aide publique au développement. C’est le cas du Royaume-Uni, de l’Italie ou de la Norvège.

L’année passée, l’aide de la France était évaluée à 0,41 % de son revenu national brut, le RNB. Avec ces nouvelles restrictions, elle ne pourra atteindre l’objectif de 0,7 % du RNB, pourtant fixé à tous les pays dits « développés » dans le cadre des objectifs du Millénaire pour le développement. Je le déplore.

Cependant, je reconnais bien volontiers que, malgré ces choix difficiles et douloureux, notre pays reste un acteur incontournable de l’aide au développement, ce dont je me réjouis.

La France est le cinquième contributeur mondial derrière les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Japon. L’Agence française de développement, outil incontournable de l’aide publique au développement dans notre pays, voit d’ailleurs, conformément au contrat d’objectifs et de moyens 2014-2016, ses moyens confirmés et ses fonds propres renforcés. Dans ce contexte, cela doit naturellement être salué.

De plus, l’adoption en juillet 2014 de la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale montre le profond attachement de notre pays à cet outil et notre volonté d’inscrire l’aide au développement dans une nouvelle dynamique. La baisse des crédits nous oblige aujourd’hui à envisager autrement l’APD en matière de financement, d’efficacité, de transparence et de stratégie.

Ainsi que plusieurs collègues l’ont rappelé, de nouvelles sources de financement ont dû être identifiées. La taxe sur les transactions financières, qui sera désormais affectée à hauteur de 25 %, et non plus seulement de 15 %, pourra rapporter 140 millions d’euros en 2015 à l’APD. La taxe de solidarité sur les billets d’avion devrait également rapporter 210 millions d’euros.

L’apport de ces deux taxes n’est pas négligeable et permet de compenser partiellement la baisse des crédits, mais il ne doit en aucun cas se substituer à l’aide publique au développement.

Une réforme de la gestion des contrats de désendettement et de développement, les C2D, qui participent au financement de l’APD dans les pays pauvres très endettés pourrait également être la bienvenue. En effet, il n’y a pour ainsi dire pas eu d’évaluation de ce dispositif, dont je rappelle qu’il est une spécificité française. Pourtant, des lourdeurs existent manifestement et le fonctionnement demande à être amélioré.

Du fait des restrictions budgétaires que connaissent la majorité des États, le renforcement de la gestion de l’aide est aujourd’hui indispensable. Les principaux acteurs du développement ont récemment pris conscience que la question de l’efficacité revêtait la même importance que la question du volume d’aide. En 2011, le forum de Busan, en Corée du Sud, avait d’ailleurs déjà lancé le Partenariat mondial pour une coopération efficace au service du développement.

L’efficacité de l’aide est également une condition pour conserver le plein soutien des populations des pays contributeurs. On estime aujourd’hui que 68 % des Français privilégient l’augmentation ou le maintien du budget consacré à l’APD, ce qui est significatif. Il s’agit donc de conserver ce formidable et si précieux soutien.

Le renforcement de la transparence, souhaité dans la loi du 7 juillet 2014, participe aussi de cet objectif. Le lancement d’un site internet qui permettra une vision plus claire des fonds consacrés à l’aide au développement dans les pays dits « prioritaires » est un premier pas important. Il est aussi nécessaire d’améliorer la traçabilité de l’aide, notamment dans le domaine de l’eau et de l’assainissement. Plusieurs experts estiment qu’il est aujourd’hui impossible de suivre la subvention de 40 millions d’euros accordée à l’Initiative pour l’alimentation en eau et l’assainissement en milieu rural, l’IAEAR, de la Banque africaine de développement, car aucune information sur l’utilisation des fonds n’est rendue publique. Ce n’est qu’un exemple, mais il montre bien que des efforts restent à accomplir en matière de traçabilité des financements.

Par ailleurs, la question de la stratégie est également incontournable. Sur le plan géographique, il convient de cibler davantage les pays qui bénéficient de notre aide. Il est prévu que les seize pays pauvres prioritaires reçoivent à l’avenir 50 % de nos subventions, et que 85 % de l’effort financier de l’État soit orienté vers l’Afrique subsaharienne et la Méditerranée.

Sans remettre en cause l’aide, justifiée, que perçoivent les seize pays pauvres prioritaires, j’estime que l’APD française doit bénéficier en priorité aux pays africains francophones, qui nous sont historiquement, culturellement et économiquement liés. Compte tenu de la forte poussée démographique que connaît et que connaîtra l’Afrique dans les prochaines années, aider ces pays aujourd’hui doit aussi être considéré comme un investissement sur l’avenir.

Il est également vital de préciser nos choix thématiques. La santé – la terrible actualité récente en témoigne indéniablement – doit être une priorité.

Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme recevra 360 millions d’euros par an jusqu’en 2016. Face à l’épidémie de fièvre Ebola qui touche l’Afrique de l’Ouest depuis plusieurs mois et qui a déjà causé la mort de plus de 7 000 personnes, 100 millions d’euros ont été débloqués en urgence par la France, dont 20 millions d’euros immédiatement. Madame la secrétaire d’État, si un tel effort financier honore notre pays, je vous serai très reconnaissante de nous préciser sur quelles missions ces crédits seront pris.

M. Robert Hue. Bonne question !

Mme Claudine Lepage. L’éducation est également au cœur des enjeux de développement. Permettre l’accès de tous les enfants à l’école primaire était d’ailleurs l’un des huit objectifs du Millénaire pour le développement.

L’Agence française pour le développement consacre une part importante de ses dons-projets au financement de l’éducation et de la formation professionnelle. Cela démontre que la France considère l’éducation comme l’une des priorités de sa politique de développement. Ainsi, en 2013, sur 215 millions d’euros de dons-projets, l’AFD consacrait 53 millions d’euros à l’éducation et la formation professionnelle.

Le climat constitue une problématique d’autant plus importante que la France accueillera en décembre 2015 la conférence des Nations unies sur le changement climatique. Il est donc légitime que la France verse un milliard d’euros au Fonds vert, qui a comme principal objectif d’aider les pays en développement à lutter contre le réchauffement climatique.

Permettez-moi également d’évoquer la problématique des migrations clandestines et de leurs lots de souffrances. L’Europe est confrontée à un flux migratoire de plus en plus important, et les migrants sont prêts à prendre tous les risques pour quitter leur pays et fuir la guerre et la misère. Face à ce défi, la réponse apportée par les États et l’Union européenne est trop souvent uniquement sécuritaire, comme le montre le remplacement récent du dispositif Mare Nostrum par l’opération Triton.

Il est de notre devoir d’aider au développement économique et à la sécurisation des pays les plus pauvres. Et c’est bien de cette manière aussi que nous agirons concrètement et permettrons sur le long terme de diminuer l’immigration clandestine et le désespoir des populations dont elle est le signe.

Pour conclure, je souhaite aborder la situation des pays dans lesquels nos forces armées sont intervenues récemment et ont mené des opérations de maintien de la paix. Je pense particulièrement au Mali et à la République centrafricaine, deux pays qui ont des liens importants avec la France.

Au-delà de l’aspect militaire, il est primordial que la France consacre une part de ses financements au renforcement institutionnel et de la gouvernance de ces deux États. Aujourd’hui, les crédits consacrés au FSP, qui gère cette politique de coopération, sont trop faibles et ne permettent pas d’accompagner les États lors des périodes post-crises, alors même que les phases de reconstruction et de stabilisation sont primordiales pour le développement futur.

Vous l’aurez compris, le groupe socialiste votera les crédits de la mission « Aide publique au développement ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)