M. Roland Courteau. Exactement !

M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. C’est une chance historique pour nos zones rurales, car, à l’horizon d’une décennie, un territoire sans haut débit sera voué à devenir un désert humain.

Il est donc nécessaire d’accompagner cette volonté par la création d’un cadre juridico-financier permettant une maîtrise du financement, mutualisé non seulement entre tous les territoires, afin d’assurer l’égalité républicaine, mais aussi entre tous les acteurs – État, territoires, opérateurs et citoyens.

Plusieurs amendements ont été déposés en vue de la discussion des articles non rattachés du projet de loi de finances. Ils visent à instituer une nouvelle taxe sur le chiffre d’affaires des opérateurs afin de financer le déploiement du haut débit.

Toutefois, nous estimons que cette nouvelle taxe n’est pas le bon moyen de traiter le problème : la péréquation entre les abonnés « bien connectés » et les autres nous semble une manière préférable de procéder. En outre, ces amendements ne répondent que pour partie à la problématique posée.

Le Sénat est, en tout état de cause, très mobilisé sur ce sujet. La commission du développement durable a notamment auditionné, le 12 novembre dernier, la secrétaire d’État chargée du numérique, Axelle Lemaire, que je salue au banc du Gouvernement. La commission des finances et la commission des affaires économiques sont favorables à ce qu’un groupe de travail transversal associe les commissaires sur ce sujet, afin d’avancer sur la voie d’une meilleure répartition des dividendes de la révolution numérique.

La commission des finances souhaite donc travailler avec les autres commissions à ce challenge passionnant proposé à notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. M. Joël Labbé applaudit également)

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour avis.

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames les secrétaires d’État, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a examiné le 26 novembre dernier les crédits de la mission « Économie » pour 2015.

Dans l’ensemble, l’évolution de ces crédits témoigne d’un effort de réduction de la dépense publique, puisque les budgets des trois programmes pérennes de la mission sont en baisse. Le rapporteur spécial de la commission des finances ayant rappelé les chiffres, je n’y reviendrai pas.

Notre commission a reconnu un autre aspect intéressant de ce budget, à savoir le recentrage de l’État sur ses missions économiques régaliennes, avec, d’un côté, un recul sensible des budgets d’intervention sur des dispositifs dont l’efficacité n’a jamais été clairement démontrée et, de l’autre, la préservation du budget des autorités de régulation – l’ARCEP, la CRE et l’Autorité de la concurrence – , ainsi que la légère croissance du budget de la DGCCRF, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Malgré ces points positifs, la commission des affaires économiques n’a pas souhaité émettre un avis fermement favorable à l’adoption des crédits de la mission « Économie », et ce pour plusieurs raisons.

En premier lieu, deux dispositifs d’intervention de l’État sont sacrifiés : le FISAC, le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, et le CPDC, le Comité professionnel de la distribution de carburants. Ce choix est regrettable, car le FISAC et le CPDC sont des outils à fort effet de levier. Ils jouent un rôle reconnu pour maintenir une activité économique dans les territoires ruraux et les zones urbaines défavorisées.

Si nous sommes tous conscients de la nécessité de réaliser des économies dans la dépense publique, j’estime qu’il y a un coût d’opportunité important à concentrer les économies sur des dispositifs d’intervention dont le rapport coût-bénéfice est bon.

Par ailleurs, ces choix sont peu lisibles. Cette année, le FISAC a été réformé dans le cadre de la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises. En fin d’année dernière, Mme Pinel avait annoncé une rallonge de 70 millions d’euros sur deux ans pour apurer le stock des dossiers en souffrance. Je pensais donc qu’il y avait une volonté politique forte de remettre le FISAC sur les rails, d’en faire un outil certes redimensionné à la baisse, mais pérennisé.

Or, en affichant cette année encore des crédits en très fort recul, le Gouvernement brouille le message. Veut-il réformer le FISAC pour le pérenniser ou, au contraire, l’euthanasier ? Pourquoi maintenir un dispositif d’intervention d’ampleur nationale s’il n’est doté que de 15 millions d’euros ? Enfin, est-il sérieux de confier les missions du CPDC à un FISAC déjà exsangue ?

Ce motif d’inquiétude concernant le petit commerce s’ajoute à la suppression de l’indemnité de départ en retraite en faveur de certains artisans et commerçants, dont le rapporteur spécial vient de parler. En 2013, cette aide a bénéficié à 1 330 indépendants, soit 2 % des artisans et des commerçants liquidant leur retraite. Il s’agit des plus modestes. La commission des affaires économiques s’oppose à l’extinction de cette aide, qui frappe une population devenue économiquement fragile.

Un autre motif d’insatisfaction concerne les chambres de commerce et d’industrie. Nous avons longuement évoqué cette question ici même, il y a quelques jours. Le Gouvernement souhaitait voir le plafond de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises baisser de 213 millions d’euros. Un amendement que j’ai défendu lors de l’examen de la première partie a instauré une baisse plus soutenable.

Je le redis, que les CCI participent à l’effort collectif de réduction des dépenses et de la fiscalité, il n’y a rien de plus normal. Mais la méthode du Gouvernement – ou plutôt son absence de méthode – est problématique. La réduction de la recette fiscale des CCI peut, en effet, devenir un levier pour inciter les chambres à se réformer, mais à condition que l’on instaure une visibilité pluriannuelle de leurs ressources. Or le prélèvement annoncé comme exceptionnel de 500 millions d’euros de cette année fait suite au prélèvement déjà exceptionnel de 170 millions de l’année dernière…

Rien n’est plus défavorable à la réforme qu’un climat de défiance et une incertitude totale sur l’avenir. L’État devrait instaurer un pilotage financier du réseau consulaire qui soit déterminé, mais également lisible.

En conclusion, la commission des affaires économiques émet un avis non pas vraiment défavorable, en raison de l’effort fait sur la dépense publique, mais plutôt de sagesse sur l’adoption des crédits de la mission. En revanche, elle recommande, comme la commission des finances, la suppression de l’article 51 rattaché pour son examen aux crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UDI-UC.)

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Leroy, rapporteur pour avis.

M. Philippe Leroy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames les secrétaires d'État, mes chers collègues, mon propos portera sur la partie de la mission « Économie » relative aux communications électroniques. A titre personnel, j’aurais émis un avis plutôt négatif, mais la commission des affaires économiques a, quant à elle, rendu un avis de sagesse en raison des bonnes intentions affichées par le Gouvernement, même si elle a quelques motifs d’inquiétudes, déjà évoqués par Bernard Lalande.

Je dirai quelques mots d’abord sur le programme 134, notamment sur les crédits destinés à l’Agence nationale des fréquences et à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP.

L’ARCEP souffre, par manque de moyens financiers. Elle a d’ailleurs connu cette année des difficultés de trésorerie. On peut s’interroger sur la volonté constante de l’État de réduire les crédits alloués à cette autorité, alors qu’il lui confie toujours plus de missions. Dans ces conditions, il serait peut-être utile aujourd'hui de se poser la question de son champ de compétence.

En 2014, un programme intitulé « Économie numérique » avait été doté de 560 millions d’euros. Il a été supprimé, mais nous ne savons pas ce que sont devenus ces 560 millions d’euros. La présentation du budget de l’État en matière de numérique manque de traçabilité. Il faudrait que le Parlement y voie plus clair ; l'Assemblée nationale s’est d’ailleurs fait l’écho de cette inquiétude.

J’évoquerai maintenant le plan France très haut débit.

Les intentions sont ambitieuses. Sur le papier, tout est prêt pour mettre en place ce plan national, mais on s’interroge sur les financements, notamment dans les zones très denses, dites « zones AMII » – appel à manifestation d’intention d’investissement –, pour lesquelles les opérateurs privés renâclent à investir les sommes convenues. Par ailleurs, aucun calendrier précis n’a été fixé. Les grands opérateurs privés sont plus préoccupés par les rachats de fréquences 700 mégahertz, ou par le rachat de SFR par Numericable, c'est-à-dire davantage par leurs problèmes financiers que par l’investissement dans la fibre optique !

J’en viens maintenant au rôle des collectivités locales et de l’État dans les zones moins denses. Là aussi se posent des problèmes de financement. Les collectivités locales ont déjà épuisé les 900 millions d’euros de crédits votés au titre du fonds spécial sur le numérique. Désormais, elles dépendent de crédits d’engagement inscrits au budget de l’État, uniquement pour l’année 2015.

Ainsi, les demandes de crédits des collectivités locales pour 2015 pourront être satisfaites, mais qu’en sera-t-il pour les années suivantes ? Je me rallie volontiers à la proposition faite par la commission des finances de créer, dès l’année prochaine, un groupe d’études spécial sur cette question.

J’en viens à un autre problème tout aussi complexe, qui tient à la difficulté de trouver une gouvernance claire en matière de numérique.

La gouvernance institutionnelle est en effet d’une complexité remarquable, à tel point que vous nous proposez la création d’une agence nationale du numérique, qui viendra se substituer à d’autres organismes, qu’elle aura en quelque sorte digérés, mais qui devra cohabiter avec l’administration de l’État, la direction générale de la compétitivité de l’industrie et des services, la DGCIS, l’ARCEP et une foule d’autres organismes.

La gouvernance par l’État n’est pas claire. Il faudrait avoir le courage de régler cette question par une loi, que nous attendons et que vous nous promettez. En tous les cas, il faut que la stratégie de l’État soit clairement établie par une autorité forte.

Après tous ces questionnements, je conclurai en disant que la fracture numérique est un risque réel pour le développement de notre pays et de ses territoires, mais cette vraie question n’est pas résolue et nécessite de nouvelles avancées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis.

M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames les secrétaires d'État, mes chers collègues, j’ai examiné cette année un aspect de la politique de soutien aux PME qui est au cœur du programme 134, à savoir l’accès des PME à la commande publique.

L’incidence budgétaire et fiscale de cette politique est faible, mais son importance politique, puisque la commande publique représente 80 milliards d’euros par an, est vraiment très importante. C’est le rôle, notamment, de la Direction des affaires juridiques et de la Direction générale des entreprises de mettre en place des règles pour éviter l’exclusion de fait des PME des marchés publics.

Les procédures de passation des marchés publics ont été profondément retouchées dans ce but. La réforme du code des marchés publics de 2006 comporte de nombreuses avancées, avec le principe de l’allotissement, la procédure dite « adaptée », la possibilité d’attribuer des marchés sans publicité ni mise en concurrence au-dessous de certains seuils, ou encore la technique du groupement d’entreprises.

Cette adaptation des règles de la commande publique se poursuit. Le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises va transposer les deux directives européennes entrées en vigueur au début de l’année.

Parmi les avancées, on peut relever l’allégement du dossier de candidature, la limitation du chiffre d’affaires exigible au double du montant estimé du marché, la mise en place d’une procédure de partenariat d’innovation ou encore la reconnaissance de la possibilité de recourir à des critères sociaux et environnementaux.

Un deuxième axe important de l’action de l’État dans le domaine des marchés publics concerne la réduction des délais de paiement. Le délai maximum de paiement pour les marchés publics de l’État a été réduit de quarante-cinq à trente jours en 2008. Cette disposition a été étendue aux collectivités territoriales en 2010. Plus récemment, les sanctions en cas de retard de paiement des acheteurs publics ont été renforcées. Enfin, dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, l’État s’est engagé à ramener ses délais de paiement de trente à vingt jours.

Parallèlement à l’évolution du droit de la commande publique un travail important est réalisé visant à faire évoluer les pratiques. On pourrait, en effet, exploiter davantage le recours à la dématérialisation, qui permet parfois d’avancer de plusieurs semaines le paiement de certains chantiers, sur la base d’une attestation de travail fait, ou la possibilité de recourir à une multiplicité de critères pour déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse. Les pratiques en matière d’allotissement peuvent et doivent être optimisées.

La prise de conscience est désormais réelle. Un décret du 16 juillet 2013 a réformé le Service des achats de l’État, en lui confiant la mission de s’assurer que les achats de l’État sont réalisés dans des conditions favorisant le plus large accès des PME à la commande publique. Les entreprises dans lesquelles l’État a des participations sont également mobilisées, au travers d’une charte signée par un grand nombre d’entre elles.

Malgré la continuité des efforts entrepris, la part des PME dans la commande publique stagne, en valeur, à 27 %. On est loin des 35 % que représentent les PME dans le chiffre d’affaires national ! Il est probable que, en l’absence des mesures adoptées, la part des PME aurait baissé. La politique conduite aura donc au moins permis de préserver leur position. Cela étant, l’objectif initial, qui était de renforcer la position des PME, n’est pas atteint.

Dans ces conditions, il est important de poursuivre l’effort engagé. Ouvrir l’accès des PME à la commande publique est un travail de longue haleine. Il faut modifier profondément la culture des acheteurs publics.

Pour envoyer un signal fort, je propose que l’élévation du taux d’accès des PME à la commande publique devienne un objectif prioritaire de l’évaluation des politiques et l’un des objectifs phare du projet annuel de performance de la mission « Économie ».

Je souhaite également que la transposition des deux directives sur la commande publique adoptées en début d’année permette d’exploiter pleinement les marges de manœuvre données aux États membres sur la question de la sous-traitance, pour faire respecter par les sous-traitants les obligations applicables dans les domaines du droit environnemental, du droit social et du droit du travail, assurer la transparence dans la chaîne de la sous-traitance et autoriser les paiements directs en faveur des sous-traitants, au-delà du rang 1.

Monsieur le ministre, nous vous demandons de suivre ce dossier de transposition avec une attention particulière.

J’ajoute que le problème des travailleurs détachés au sein de l’Union européenne n’est pas réglé.

M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. Il faut mobiliser très fortement les services de contrôle de l’État pour traquer les entreprises qui recourent à du personnel détaché sans respecter les règles d’accueil décent de ces travailleurs.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. Peut-être pourrait-on aussi réfléchir à la faisabilité d’une clause de sauvegarde sectorielle, compte tenu de la gravité de la situation dans des secteurs comme celui du bâtiment.

Auparavant, la tradition était de dire que les emplois du bâtiment n’étaient pas délocalisables. Ce n’est plus vrai : certains tentent d’en faire une activité low cost parmi d’autres.

Monsieur le ministre, mesdames les secrétaires d’État, j’ai voulu, dans mon intervention, mettre la focale sur ce grave problème, qui existe dans tous les territoires de notre pays. Nous devons trouver les parades : transposons les deux dernières directives et réfléchissons à l’instauration d’une clause de sauvegarde, qui pourrait être mise en place avec l’aide de vos services ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - MM. Joël Labbé et Jean-Claude Requier applaudissent également.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames les secrétaires d'État, mes chers collègues, telle qu’elle est présentée, la mission « Économie » a vocation à jouer un rôle déterminant pour instaurer un environnement propice au retour d’une croissance durable et à la restauration de la compétitivité de nos entreprises.

Pourtant, les crédits de la mission sont en baisse de 4 % pour 2015 et de 8 % sur la période de la programmation pluriannuelle 2014-2018. Cette baisse des crédits fait suite à un précédent recul de près de 8 %, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement, sur les deux dernières années. Pis, les crédits de cette mission ont été amputés de 18,8 millions d’euros lors de l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale, à la suite du vote d’un amendement du Gouvernement.

Pourtant, vous répétez sans cesse, monsieur le ministre, que le développement des entreprises est un enjeu essentiel pour la compétitivité, la croissance et l’emploi.

Dès lors, le désengagement de l’État nous semble une aberration. Monsieur le ministre, le levier fiscal ne peut pas remplacer les leviers économiques et financiers et le soutien direct aux entreprises par la dépense publique. Qu’en est-il de la promesse du Président Hollande de relever le taux du livret de développement durable et celui du livret A, qui aurait été une véritable mesure de réorientation de l’épargne vers le soutien à l’activité économique ?

En réalité, la dépense fiscale à destination des entreprises atteint de véritables sommets.

Ainsi, l’évaluation des voies et moyens fait apparaître 39,6 milliards d’euros de dépenses fiscales, avec, parmi les plus coûteuses, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, pour 10 milliards d’euros, et le crédit d’impôt recherche, pour un peu plus de 5 milliards d’euros. S’y ajoutent les 49 milliards d’euros résultant des « mesures de calcul de l’impôt » et les 63,3 milliards d’euros de dégrèvements et remboursements.

Au total, les aides fiscales diverses s’élèvent à 152 milliards d’euros, mais leur utilité, leur efficacité et leur contrôle sont directement en cause. Et je ne parle pas ici des allégements de cotisations sociales et autres admissions en non-valeur…

À cet égard, le CICE reste un dispositif de portée générale, pour toutes les entreprises. Ainsi, seulement 19,9 % de ses créances fiscales bénéficient au secteur de l’industrie manufacturière. Les PME reçoivent, quant à elles, 31 % du CICE, pour un montant moyen de 25 000 euros.

Autrement dit, malgré son montant global très important, ce crédit d’impôt ne représente un soutien décisif pour aucune entreprise. Faute d’avoir reçu un ciblage approprié, son effet risque d’être dilué à travers l’ensemble de l’économie. Vous avez vous-même, s'agissant du pacte de responsabilité et de solidarité, parlé d’un « échec ».

Pour ce qui concerne le détail des crédits, soulignons, à la suite des rapporteurs spéciaux, que les changements de périmètre de la mission ne permettent pas la comparaison, d’une année sur l’autre, des crédits pas plus que des programmes pérennisés. Cette opacité, qui complique le travail du Parlement, n’est pas admissible.

Je veux insister sur deux points : le soutien aux PME et le soutien en faveur de la politique industrielle.

Les crédits alloués au soutien direct aux PME enregistrent un très net recul dans le cadre de cette mission : ils diminuent de 8 %. L’effort transversal de l’État en direction de ces entreprises est lui aussi en baisse, de 17 %.

À cet égard, le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce, le FISAC, est tout particulièrement touché, l’adoption d’un amendement du Gouvernement ayant fait passer les subventions du budget de l’État de 20 millions d’euros à 15 millions d’euros, alors qu’elles s’élevaient à 40 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2012.

Dès lors, nous partageons la perplexité de Mme la rapporteur pour avis : quel sens y a-t-il à maintenir un dispositif d’intervention d’ampleur nationale doté de 15 millions d’euros ?

De plus, avec le passage d’une logique de guichet à une logique d’appel à projets, le FISAC ne remplira plus ses missions comme il le devrait. En effet, il sera désormais piloté en fonction des disponibilités budgétaires, ce qui en fera un simple outil d’accompagnement de l’austérité. Pourtant, ce fonds a un rôle essentiel à jouer dans le maintien d’une offre commerciale de proximité, en particulier dans les territoires ruraux.

Les crédits en faveur des entreprises industrielles sont en baisse, eux, de près de 8,5 %. Ici encore, c’est l’opacité qui domine. En effet, la suppression du programme 405, « Projets industriels », empêche un contrôle direct de ces crédits par le Parlement. C’est pourquoi il faudrait, au minimum, que le Commissariat général à l’investissement rende compte régulièrement de l’attribution de ces dotations et assure une évaluation de leur utilisation effective par les acteurs économiques et par les pôles de compétitivité, comme cela a été demandé.

L’essentiel du soutien financier public aux plans industriels passe par le financement de projets ayant remporté des appels d’offres. Ce système ne permet pas à l’État d’intervenir ponctuellement en soutien aux entreprises, y compris si l’enjeu est la préservation d’emplois à moyen et long terme. Il ne permet pas non plus le renforcement, et encore moins la création de nouvelles filières industrielles.

Ainsi, monsieur le ministre, votre projet de budget prévoit moins de 2 milliards d’euros de dépense directe en faveur des entreprises et près de 20 milliards d’euros de mesures fiscales non discriminantes, c’est-à-dire aveugles et à l’efficacité douteuse.

Les petits commerçants et les artisans contribuent à la richesse de notre pays, et la densification du tissu industriel des PME est souvent plus efficace que le soutien à quelques champions nationaux. Les crédits de la mission « Économie » ne répondent pas à ces objectifs de bon sens. C’est pourquoi nous ne les voterons pas !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames les secrétaires d'État, mes chers collègues, les contours de la mission « Économie » ont connu, cette année, des modifications notables.

Si on les considère à périmètre constant, ces crédits participent, selon la formule consacrée, à « l’effort de maîtrise des dépenses publiques », qui prend la forme d’une diminution de 4,2 %. À la lecture du « bleu » budgétaire, nous constatons même que des économies de plus de 120 millions d’euros sont prévues, dans le cadre de la programmation pluriannuelle, sur les trois prochains exercices.

Nous gardons néanmoins à l’esprit que les crédits de cette mission ne constituent qu’une petite partie de l’effort de l’État en faveur des entreprises.

À ce titre, l’examen des dépenses fiscales est éloquent : ces dernières représentent plus de 17 milliards d’euros, dont 10 milliards d’euros au titre du seul CICE. À ces dernières, il faut ajouter les baisses de charges résultant du pacte de responsabilité et de solidarité que nous avons adoptées dans les lois de finances et de financement de la sécurité sociale rectificative pour 2014.

Sans rouvrir les débats que nous avons eus sur la première partie du présent projet de loi de finances, je veux dire que notre assemblée, dans sa sagesse, est parvenue à un compromis satisfaisant à propos des chambres de commerce et d’industrie. Ce compromis mériterait d’être préservé par l’Assemblée nationale.

Au sein de la mission « Économie », le programme 134, « Développement des entreprises et du tourisme », est le plus important. Il est confronté à une diminution de près 6 % de ses crédits de paiements. Si cet effort d’économies doit être salué, nous regrettons néanmoins que les dépenses de fonctionnement et surtout d’intervention pâtissent en premier lieu de cette contraction des moyens, même si nous savons l’inertie des dépenses de personnel.

Cependant, nous sommes satisfaits de la légère augmentation des crédits affectés à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, lesquels avaient connu une diminution drastique ces dernières années.

Les crédits de personnel sont en hausse de 2,65 %, ce qui ne sera pas de trop, surtout dans les services déconcentrés, en régions, où l’insuffisance de fonctionnaires se faisait sentir.

Toujours à propos du programme 134, je veux rappeler que ce PLF est le premier depuis la réforme du FISAC intervenue dans la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises. Nous répétons que cette réforme était nécessaire, la situation antérieure étant devenue intenable. Désormais, le FISAC devra répondre à une logique d’appel à projets, autour de grandes priorités.

Les crédits alloués à ce fonds sont en légère baisse. Il apparaît pourtant qu’ils devront également servir à aider les stations-service, du fait de la suppression, dans le PLF, des aides au Comité professionnel de la distribution de carburants, le CPDC.

Même si le fonctionnement du CPDC n’était pas pleinement satisfaisant, nous regrettons cette disparition, qui se traduira par une diminution des aides aux stations-service en milieu rural ou en zone de montagne. Notre groupe a donc déposé un amendement tendant à revenir sur cette suppression.

Faut-il vraiment imposer l’installation de cuves ou de canalisations à double enveloppe à des stations-service situées en zone de montagne, qui n’accueillent que quelques voitures par jour ? Est-il bien utile d’appliquer les mêmes règles aux stations d’autoroute, fréquentées chaque jour par des milliers de véhicules, et à celles des communes rurales ? L’excès de normes impose des travaux impossibles à financer et le recours à un fonds qui, bientôt, n’existera plus !

Nous proposerons également une amélioration de l’article 51 du projet de loi de finances, qui tend à supprimer l’indemnité dont bénéficient certains artisans et commerçants lors de leur départ à la retraite. Là encore, un consensus s’est dégagé pour pointer les limites de l’indemnité de départ, l’IDD. Nous souhaitons néanmoins son maintien, le temps qu’une solution de rechange soit trouvée.

S’agissant des opérateurs et des autorités administratives indépendantes relevant de cette mission, nous constatons une relative stabilité des moyens alloués. Mais certaines structures, comme l’ARCEP, doivent aussi faire face à un accroissement de leurs attributions.

Monsieur le ministre, vous évoquerez sûrement le soutien à l’innovation et aux PME, avec l’augmentation, minime – 30 millions d’euros –, de la garantie de la BPI facilitant l’accès des entreprises, surtout des PME, au crédit.

Enfin, j’aborderai le nouveau programme 343 « Plan "France très haut débit" », sous-tendu par l’ambition de déployer la fibre optique sur l’ensemble du territoire à l’horizon de 2022. Ce plan mobilise 20 milliards d’euros d’investissements sur dix ans, dont de 6 milliards à 7 milliards d’euros apportés par les opérateurs, 3 milliards d’euros par l’État et au moins autant par les collectivités.

Nous nous réjouissons fortement de l’ambition d’un tel plan, qui regroupe plusieurs acteurs autour d’un projet structurant et fondamental. Le déploiement de la fibre optique est un impératif pour l’attractivité de nos territoires. Il est attendu par tous, entreprises et particuliers. L’élu local et rural que je suis ne peut pourtant pas masquer son inquiétude quant au respect du calendrier, notamment s’agissant des zones non conventionnées, éloignées des grands centres urbains.

Les sommes engagées sont importantes, dès ce projet de loi de finances, avec l’ouverture de 1,41 milliard d’euros de crédits en autorisations d’engagement. Ce montant sera-t-il suffisant pour atteindre les objectifs fixés ? Nous pensons que les opérateurs pourraient être mis davantage à contribution. C’est le sens de l’amendement visant à réduire la fracture numérique que nous défendrons lors de l’examen des articles non rattachés.

Concernant enfin le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », nous nous étonnons de la forte diminution, à hauteur de 35 %, des prêts pour le développement économique et social, qui étaient accordés aux entreprises rencontrant des difficultés d’accès au crédit. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer les raisons de cette baisse de 110 millions d’euros ?

Malgré nos réticences sur l’article 51, nous apporterons notre soutien aux crédits de cette mission, ainsi qu’à ceux du compte de concours financiers rattaché. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)