M. Jacques Legendre. C’est vrai !

M. Jacques Mézard. C’est la réalité du terrain !

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez indiqué tout à l’heure que le tunnel avait fait l’objet d’adaptations en zone de montagne. Sachez que, dans mon département rural de zone de montagne, tout a été intégralement tenu dans le tunnel des plus ou moins 20 %, voire des plus ou moins 15 %.

Certes, il y a eu une amélioration. Les écarts antérieurs étaient absolument inadmissibles ; le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel les condamnaient à juste titre. Le Gouvernement a eu raison de dire que les écarts d’un à quarante-cinq dans certains départements n’étaient pas acceptables.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez mentionné l’île de Sein. Évidemment, il y a des écarts pour les îles. Néanmoins vous ignorez totalement la constitution des îles de l’intérieur. Pis, vous avez aggravé la situation ! Je me tue à le répéter au fil des textes dont nous débattons : cette marginalisation des territoires ruraux est devenue absolument insupportable.

Cela fut le cas également lors de l’examen du projet de loi relatif à la délimitation des régions, quand je m’escrimais ici même à vous dire que, dans de grandes régions, nos départements ruraux se retrouveraient complètement écartés et marginalisés. Vous nous avez répondu, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement en avait tenu compte, puisque, dès le projet de loi initial, il avait prévu une garantie de représentation.

Dois-je vous rappeler que, dans ce projet de loi initial, la garantie de représentation était d’un représentant dans la région ? Voilà quelle était la vision initiale du Gouvernement de la représentation des départements ruraux dans les grandes régions !

Certes, au fil des débats, grâce à un effort considérable, que je reconnais, du ministre de l’intérieur, nous sommes passés à quatre représentants. Sachez toutefois, car c’est une réalité, que dans nos territoires, quelles que soient nos sensibilités politiques, en dehors des grandes déclarations et surtout à l’approche des élections départementales, nous avons le sentiment d’être totalement marginalisés par ces textes qui se succèdent. Marginalisés et inexistants ! Pour nous, la représentation des territoires est donc devenue un impératif.

J’entends que les électeurs sont nombreux dans les zones urbaines et les métropoles…

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. C’est la démocratie !

M. Jacques Mézard. … et que, politiquement, ces zones sont peut-être plus favorables pour vous, ou pour nous d'ailleurs.

Néanmoins, il est une autre réalité : des territoires existent et désirent être entendus. Ce n’est que justice ! Le terme d’équité, en l’occurrence, est essentiel. La notion d’égalité démographique ne suffit pas à représentation de la République. En effet, à la limite, dans l’article 1er de la Constitution, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est question non pas des habitants, mais des citoyens. Je crains que, à l’avenir, certains ne pensent à utiliser cette disposition en vue de modifications électorales.

M. Jacques Mézard. Ce ne sera pas vous, ce ne sera pas nous, mais restons prudents !

En tout cas, monsieur le secrétaire d'État, il est vraiment nécessaire que vous entendiez que nos territoires veulent exister, y compris dans leur représentation politique. Ce que vous avez fait en matière de fusion de régions et de représentation dans les grandes régions empêche l’expression des diverses sensibilités qui existent dans les petits départements.

Quand vous n’aurez, monsieur le secrétaire d’État, que deux conseillers régionaux en Lozère, si je ne peux pas encore vous donner le nom des élus – mais il suffirait pour cela de consulter la permanence de l’UMP et celle du parti socialiste –, je peux d’ores et déjà vous en annoncer le résultat : un UMP et un PS !

Est-ce cela la représentation des diverses sensibilités prévue par l’article 4 de la Constitution de 1958 ? Est-ce cela votre approche de la représentation des sensibilités ? En tout cas, ce n’est pas la mienne, au nom des principes que nous défendons depuis très longtemps. Et la situation est la même à quatre conseillers : je peux là aussi vous donner le résultat !

Il est indispensable de réviser la Constitution. Si vous ne voulez pas entendre que nos territoires, quelles que soient d’ailleurs les sensibilités politiques de ceux qui les représentent, ne supportent plus cette marginalisation, ils le feront savoir différemment. Sachez que leur révolte est profonde, parce qu’elle répond à un immense sentiment d’injustice.

Vous avez voulu de grandes régions ; vous écartez les capitales régionales des territoires de quelque trois cents ou quatre cents kilomètres ; vous supprimez la proximité ; vous voulez supprimer les départements, quelques mois après avoir indiqué qu’ils étaient essentiels à la République… Eh bien, laissez-moi vous dire que ce n’est pas une bonne vision de l’aménagement du territoire, que ce n’est pas une bonne vision de l’équilibre républicain, que ce n’est pas une bonne vision de l’équité républicaine !

C’est la raison pour laquelle ce texte, même s’il semble arrivé précipitamment, est réfléchi. Il apporte, de notre point de vue, un progrès à nos institutions. En conséquence, nous le voterons unanimement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Zocchetto.

M. François Zocchetto. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en tant que législateurs, nous ne pouvons modifier la Constitution qu’en usant d’une grande prudence et en étant poussés par la nécessité. C’est dans cet état d’esprit que les auteurs de la proposition de loi ont rédigé le texte dont nous débattons ce soir.

La Constitution est un instrument devant lequel nous faisons toujours preuve de révérence. Néanmoins, il est permis de dire qu’elle peut souffrir de quelques imperfections, comme toute construction humaine, surtout dans la mesure où, entre 1958 et aujourd’hui, notre pays a connu de nombreux changements, ne serait-ce que la décentralisation.

Le texte qui nous est soumis aujourd’hui a vocation à combler le silence quant à la juste représentation électorale au sein des collectivités territoriales et de leurs groupements.

Notre droit électoral repose sur le principe de l’égalité devant le suffrage, qui trouve sa source dans l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le principe est simple : un homme, une voix ; la loi est la même pour tous et s’applique ainsi sur l’ensemble du territoire.

Tel est le principe, mais chacun sait que son application connaît déjà une certaine diversité ; cela a déjà été rappelé à cette tribune. La représentation territoriale impose, en effet, dans le cadre de circonscriptions particulières, une nécessaire adaptation à la réalité du terrain. Dès lors, comment adapter une règle aussi unique et limpide que celle de l’égalité devant le suffrage à la multitude de situations locales ?

Prenons deux départements ruraux, que je connais bien, la Lozère et la Mayenne. Chacun d’entre eux ne compte pas du tout le même nombre d’électeurs par conseiller départemental qui sera élu au mois de mars prochain. Faut-il alors considérer que certains conseillers départementaux seront plus légitimes que d’autres ? Faut-il penser que d’aucuns seront moins bien élus qualitativement que leurs homologues d’autres départements ? Le même raisonnement peut être tenu pour les élections régionales.

À mon avis, dans l’esprit du constituant, l’égalité devant le suffrage n’a de sens que dans un contexte donné, qui est celui de la circonscription et qui s’inscrit lui-même dans des équilibres démographiques régionaux. Il est dès lors impossible d’appliquer raisonnablement une mesure similaire pour l’ensemble du territoire.

Le Conseil constitutionnel partage, de fait, cette analyse. La jurisprudence du Conseil autorise une fluctuation ; c’est le fameux tunnel des 20 %. Toutefois, il faut le souligner, il s'agit d’une norme jurisprudentielle récente et ce principe est prétorien : le choix des 20 % est absolument arbitraire, déterminé par les conditions de l’espèce et, comme le rappelait M. le rapporteur, le Conseil d’État reconnaît cette échelle non pas comme une obligation incontournable, mais comme une ligne directrice.

Il y a donc un impératif reconnu de tous, sur toutes les travées de cet hémicycle : il convient assortir l’égalité devant le suffrage d’un principe de juste représentation territoriale et de combler une carence en la matière, celle que la jurisprudence du Conseil constitutionnel s’attache à corriger depuis quatre années.

C’est pourquoi notre groupe salue cette proposition de loi constitutionnelle. Elle représente une étape supplémentaire dans la réflexion que nous menons au Sénat sur les notions de territoire et de représentation du territoire.

Comme l’a montré M. le rapporteur en resituant cette initiative dans son contexte, la proposition introduit la notion de « représentation équitable des territoires dans leur diversité ». Il n’est pas anodin d’introduire ainsi, dès l’article 1er de la Constitution, ces notions d’équité et de diversité. Nous estimons que cette modification permettra de donner des bases juridiques plus solides à l’appréciation du juge administratif, face à la jurisprudence, certes innovante, mais rigide et peu évolutive, du Conseil constitutionnel.

Le présent texte apporte ainsi une réponse concrète et un éclairage important à nos concitoyens, et ce dans le sens d’une démocratie mieux affirmée, par des élections plus représentatives de la réalité des territoires sur lesquels elles se déroulent. Sans racines adaptées, la démocratie se vide de son sens. Jacques Mézard l’a rappelé juste avant moi.

Pour ces différentes raisons, qui sont très claires, le groupe UDI-UC, fidèle à l’esprit de la Constitution, mais aussi à l’intelligence des territoires, ainsi qu’à celle du Sénat, votera unanimement pour la présente proposition de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, de l'UMP et du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido.

M. Bruno Sido. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, à l’heure où certains s’interrogent sur le rôle du Sénat et demandent une profonde réforme de cette institution, en souhaitant qu’il soit procédé à sa fusion avec le Conseil économique, social et environnemental, voire à sa suppression pure et simple, je crois nécessaire de rappeler, faits à l’appui, la plus-value apportée par notre assemblée.

L’examen de cette proposition de loi constitutionnelle en offre une belle démonstration. En complémentarité avec l’Assemblée nationale, qui se préoccupe – c’est naturel – du respect du principe démographique, c’est-à-dire de réduire au maximum les écarts de représentation entre les circonscriptions d’élection, nous veillons, nous, à une représentation équitable et efficace des territoires.

Représentant des territoires de la République, dans leur diversité, le Sénat dispose d’une connaissance fine de la réalité des régions, des départements, des intercommunalités et des communes, de leurs actions, de leurs moyens, de leur apport au bien commun et, surtout, de l’importance du lien de confiance qui unit les élus locaux à nos concitoyens.

Les collectivités locales sont le socle de notre démocratie au quotidien. La proximité, l’écoute et la disponibilité des élus de terrain font partie de l’acquis républicain. Ils permettent à notre démocratie, malgré la crise terrible qui frappe le pays, de mieux résister aux assauts populistes, qu’ils viennent de droite comme de gauche.

Alors que notre pays n’a jamais compté autant de personnes au chômage, situation qui met à mal la cohésion nationale, l’action publique doit renforcer le lien entre les élus et les citoyens. Au vu des circonstances présentes, je dirais même que c’est vital.

Comment faire ? Refuser l’uniformité, qui est non pas l’égalité républicaine, mais le déni des différences, c’est tenir compte du principe de réalité.

Tel est précisément l’apport du Sénat, qui, par sa compréhension fine des équilibres territoriaux, loin de l’effervescence qui anime parfois nos collègues de l’Assemblée nationale, propose, par la voix de son président, de M. le président de la commission des lois et de M. le rapporteur, un texte parfaitement adapté au monde rural.

Les médias évoquent ces temps derniers, à juste titre, le sentiment de nombreux habitants des banlieues, lassés d’être laissés au bord du chemin et d’être exclus de la République et du vivre-ensemble. Or ce sentiment d’abandon est très fort aussi dans les départements ruraux, même s’il s’exprime moins. Le désespoir est parfois muet, mes chers collègues !

Mettons-nous à la place de celles et ceux qui vivent au quotidien la désertification : après la fermeture par l’État des écoles, des perceptions, des casernes de gendarmerie, pour ne citer que trois exemples, ce sont les commerces de proximité et les bureaux de poste qui disparaissent, tandis que les médecins et les infirmières libérales se font de plus en plus rares.

Face à cette fracture territoriale, les élus locaux, notamment les maires, sont en première ligne, avec le conseiller général. Leur disponibilité est aussi exceptionnelle que leur modestie. Leur rôle est déterminant pour la cohésion de notre pays. Pourtant, la réforme territoriale conduite par le Gouvernement risque d’éloigner les élus des électeurs.

En effet, le redécoupage cantonal a divisé par le deux grosso modo le nombre de circonscriptions pour mettre en place le binôme. Ce faisant, il a inscrit son action dans un tunnel de plus ou moins 20 % autour de la moyenne départementale, de telle sorte que le canton le plus peuplé d’un département peut compter au maximum 20 % de plus que la moyenne départementale, tandis que le canton le moins peuplé ne saurait avoir un nombre d’habitants inférieur de plus de 20 % à cette même moyenne départementale.

Au nom de l’égalité devant le suffrage, le Conseil constitutionnel est vigilant, et la marge étroite, trop étroite d'ailleurs, pour les collectivités territoriales en milieu rural.

Concrètement, cette réforme a parfois créé, en Haute-Marne comme dans nombre de territoires ruraux, des cantons de près de soixante-dix communes, voire plus, qui s’étendent sur des dizaines de kilomètres du nord au sud et d’est en ouest.

L’article 2 de la présente proposition de loi constitutionnelle permettra de desserrer le cadre, en autorisant des variations pouvant aller jusqu’à 30 %, voire plus dans certains cas. C’est un très net progrès, à même de permettre la création de cantons plus petits en milieu rural, synonymes de capacité pour l’élu à rester proche de nos concitoyens, au quotidien.

Surtout, mes chers collègues, ce qui me tient à cœur et que je voudrais dire avec force relève des modalités d’application. D’aucuns disent parfois que le diable se cache dans les détails.

C’est un point clef qui a échappé à beaucoup d’observateurs : le Gouvernement n’a pas toujours utilisé la marge de 20 % conformément à l’esprit de la loi, c'est-à-dire pour créer des cantons à taille humaine en milieu rural. Au contraire, selon certains esprits chagrins, il l’a utilisée pour augmenter dans les villes le nombre de circonscriptions gagnables, ou plutôt « sauvables », par la gauche aux élections de mars prochain. Cela s’est notamment produit en Haute-Marne pour les cantons urbains de Chaumont.

C’est la raison pour laquelle il me semble important que les auteurs de cette proposition de loi constitutionnelle rappellent avec force l’esprit du texte, de sorte que l’application des lois et la prise de décrets respectent cette approche équilibrée, que l’on pourrait résumer ainsi : sauf exception justifiée par des motifs d’intérêt général et étayée par des éléments concrets, la marge de plus ou moins 30 % autour de la moyenne départementale a pour objectif la définition de circonscriptions de proximité, notamment pour ce qui concerne la superficie et du nombre de communes concernées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec beaucoup de joie que j’avais répondu présent pour intervenir dans ce débat, notamment pour féliciter Gérard Larcher, président du Sénat, et Philippe Bas, président de la commission des lois, de leur excellente et judicieuse initiative, en l’occurrence avoir déposé une proposition de loi constitutionnelle permettant d’assurer une représentation équilibrée des territoires.

J’étais heureux jusqu’à ce que je reçoive, voilà un quart d’heure, un coup de massue, lorsque j’ai appris avec tristesse que le Gouvernement était opposé à cette proposition de loi.

M. Philippe Kaltenbach. Quelle surprise ! (Sourires.)

M. Gérard Bailly. Une fois de plus, nos territoires ruraux sont mis à mal !

Cette proposition de loi était pourtant vraiment la bienvenue, car les élus de ces territoires ruraux, et plus encore ceux des territoires hyper-ruraux, lancent un cri d’alarme face à l’abandon de leurs circonscriptions dans la nouvelle organisation en cours.

Ces élus ont déjà constaté à quel point les grands électeurs en zone urbaine ont vu leur représentation progresser dans les villes de plus de 30 000 habitants, puisque nous sommes passés d’un grand électeur pour 1 000 habitants à un grand électeur pour 800 habitants. La ruralité a donc perdu du poids au Sénat dans tous les départements composés d’une ou plusieurs villes de 30 000 habitants.

Il en va de même de la représentativité des petites communes dans les compositions des comités des syndicats des communautés de communes d’agglomération, le Conseil d’État ayant remis en cause les accords amiables qui fixaient le nombre de délégués par communes. Désormais, ce dernier doit être fixé proportionnellement au seul nombre d’habitants. Pauvres petites communes ! Comment se feront-elles entendre à l’avenir avec un seul délégué dans ces grandes assemblées ?

Que dire aussi de la représentativité du monde rural et de ces territoires après cette découpe cantonale de l’absurde – et encore, le mot est bien faible par rapport la réalité !

Aujourd’hui, dans le monde rural, monsieur le secrétaire d’État, nous avons, selon la presse, des « cantons XXL ». Je voudrais à cet égard prendre l’exemple de mon ex-canton, au sein duquel je ne me représente pas. Il représentera 702 kilomètres carrés et comprendra 74 communes, pratiquement toutes situées en zone de montagne. Et celles-ci, demain, seront représentées seulement par deux élus, un homme et une femme.

M. Bruno Sido. C’est presque un petit département !

M. Gérard Bailly. Par ailleurs, les cantons de Lons-le-Saunier 1 et 2 – je précise qu’il ne tombe pas de neige sur cette ville aujourd'hui ! –, comptent quatre élus sur une superficie de 103 kilomètres carrés et seulement 21 communes, avec moins d’habitants chacun que dans le canton XXL. Est-ce cela la justice ?

Désormais, dans le Jura, les cantons ruraux XXL comprennent plus d’habitants que les cantons urbains ! Où est la justice ? Comment deux élus seulement pourront-ils correctement représenter ce grand territoire de 702 kilomètres carrés, avec ses 74 communes distantes de plus de 60 kilomètres, alors qu’ils seront quatre élus, au lieu de deux précédemment, à se marcher sur les pieds dans un territoire de seulement 103 kilomètres carrés, avec des communes distantes, tout au plus, de 15 kilomètres ? C’est cela, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous annoncez vouloir maintenir.

Hier, il y avait quatre élus sur ce canton XXL en zone de montagne, et ils ne chômaient pas ! C’est pourquoi les habitants et les élus des territoires ruraux et hyper-ruraux se sentent considérés comme des « insignifiants », alors que ces territoires sont sources de richesses agricoles, d’appellations d’origine contrôlée, de forêts productrices de résineux, de lieux d’accueil touristique, de PME performantes.

Les élus doivent, et c’est heureux, accompagner tous ces porteurs de projets de développement économique, s’occuper des dessertes routières, importantes par leur kilométrage, des transports scolaires et être à l’écoute des 74 maires et conseils municipaux. Ces élus départementaux, comme vous le savez, mes chers collègues, sont aussi souvent sollicités par le monde associatif et par leurs concitoyens sur la possibilité d’obtenir une place dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, un EHPAD, sur la présence médicale ou sur l’arrivée du haut débit dans tel ou tel village, alors que, en ville, les opérateurs ont souvent déjà réalisé tous ces équipements.

Ces élus départementaux devront parcourir quatre fois plus de kilomètres non indemnisés, voire davantage, à l’intérieur de leurs cantons, avec des temps de parcours beaucoup plus longs ; venez voir aujourd’hui la neige qu’il y a dans le Haut-Jura, monsieur le secrétaire d’État, et vous verrez concrètement quelles sont les différences avec les villes !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Mais que fait le Gouvernement ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Gérard Bailly. Vous ne voulez pas en tenir compte, et c’est pourquoi vous me voyez quelque peu énervé ! Car tout cela exaspère, à juste titre, les élus de ces territoires. Cette sous-représentation du monde rural s’organise sous le seul prétexte que le critère retenu est celui d’un écart maximum de 20 % de population.

Ce ne sont là que quelques exemples. J’ai déjà pu constater, monsieur le secrétaire d’État, l’exaspération des territoires ruraux, lorsque j’ai rédigé, avec notre ancienne collègue Renée Nicoux, le rapport sur l’avenir des campagnes. Et nous en avons, à notre tour, témoigné ici, au Sénat, lorsque nous avons eu, à la demande du groupe du RDSE, un débat sur l’hyper-ruralité : tous les intervenants, sur toutes les travées, ont exprimé leur profonde inquiétude au vu de l’abandon du monde rural et de la diminution de sa représentativité.

Il y avait certes des écarts trop grands d’un canton à l’autre : il fallait les corriger, et cela était prévu. Mais vous verrez les abstentions et les expressions de mécontentement que nos concitoyens exprimeront lors des prochaines élections départementales. Et ce mécontentement risque d’être plus fort encore quand ils connaîtront la position du Gouvernement, exprimée ce jour.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Hélas !

M. Gérard Bailly. C’est pourquoi je me réjouis de cette proposition de loi, qui doit permettre de corriger les absurdités de la situation actuelle que je viens de décrire, afin de reconnaître l’immense diversité des territoires, du fait de leur géographie physique, humaine et économique.

Les ruraux attendent à présent du Sénat des mesures et des décisions. Cette proposition de loi est un signe. Elle sera, je pense, largement approuvée par notre assemblée. J’aurais aimé qu’elle soit soutenue sur toutes les travées ; ce ne sera manifestement pas le cas, et je le regrette, mais je crois que notre combat doit être poursuivi, mes chers collègues, car il s'agit d’une question de justice ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

(M. Claude Bérit-Débat remplace Mme Jacqueline Gourault au fauteuil de la présidence.)