M. Jean-Marc Gabouty. Je me permets cette réflexion, car on part bien de la notion de repos hebdomadaire. Faut-il que ce jour soit, dans la mesure du possible, le même pour tous ? La réponse, bien entendu, est oui, pour des raisons familiales, sociales ou religieuses, puisqu’on doit tenir compte aussi – je fais amende honorable, si j’ose m’exprimer ainsi – de notre culture et de notre histoire, y compris religieuse. Admettons donc le dimanche comme jour de repos.

Je ferai tout de même remarquer que l’ensemble des activités familiales, amicales, sportives, culturelles et associatives se pratique aujourd'hui beaucoup plus le samedi après-midi que le dimanche après-midi. C’est un constat. Le dimanche après-midi est plutôt consacré au repos, alors que les activités sociales et sportives se déroulent plutôt le samedi.

Mme Annie David. Il y a des rencontres sportives le dimanche !

M. Jean-Marc Gabouty. Le dimanche soir, il y a rarement des matchs de foot ou de rugby ; ils ont lieu plutôt le samedi.

Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas ce que l’on voit à la télévision !

M. Jean-Marc Gabouty. Madame Bricq, c’est vrai, il y a exceptionnellement des matchs le dimanche pour des raisons mercantiles liées à la retransmission à la télévision, mais les jeunes pratiquent beaucoup plus le samedi au sein des clubs.

Pour ma part, je ne tranche pas la question, mais au vu de certains sondages – qui valent ce que valent tous les sondages – on peut effectivement s’interroger : si quelque 70 % des Français sont favorables à l’ouverture le dimanche et souhaitent pouvoir faire leurs courses ce jour-là, une proportion équivalente des salariés ne souhaite pas travailler le dimanche.

M. Jean-Marc Gabouty. C'est la contradiction dans laquelle vit notre société et qu’il faut essayer de gérer.

La position de notre groupe se veut pragmatique : nous souhaitons conserver ce jour de repos hebdomadaire qu’est le dimanche et apporter un assouplissement partout où il est possible d’augmenter l’activité économique, et non de la transférer.

En effet, l’augmentation de l’activité économique et son transfert sont deux choses différentes : le report des achats de la semaine vers le dimanche ne présente pas un grand intérêt. C'est tout à fait différent dans les zones touristiques.

Là où l’on peut augmenter l’activité économique, donc créer des emplois, il faut apporter le maximum de souplesse. Ailleurs, il suffit d’accorder des facilités, comme c'est le cas actuellement pour la période de Noël, pendant laquelle l’ouverture des magasins le dimanche arrange tout le monde, y compris d’ailleurs les salariés eux-mêmes.

Je vous demande, par ailleurs, de prêter attention à un sujet sur lequel je présenterai des amendements. Aujourd’hui, lorsqu’on traverse les zones commerciales ou industrielles, voire tout simplement les centres-villes, on constate que la loi n’est pas respectée. On ne l’a fait pas respecter. Nous sommes plutôt favorables à l’assouplissement de la loi, mais là où il n’y a pas lieu d’ouvrir le dimanche, il faut que celle-ci soit strictement respectée. Or, aujourd'hui, des magasins ouvrent le dimanche en contournant totalement la loi et ne sont pas sanctionnés.

Tel est l’équilibre qu’il faut chercher à atteindre : une loi assouplie, qui permet de faciliter les choses, et le maintien du principe d’un jour de repos le dimanche, tout en faisant respecter la loi.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.

Mme Dominique Gillot. Je voudrais intervenir au nom de salariés qui travaillent le dimanche depuis déjà plus de vingt ans. J’ai entendu parler d’érosion et de grignotage des droits. Toutefois, aujourd’hui, le débat me donne plutôt l’impression qu’il s’agit de confirmer et de préciser des droits difficilement acquis et auxquels tiennent des salariés, notamment ceux qui travaillent, dans mon territoire, dans les zones de périmètre d’usage de consommation exceptionnel, ou PUCE.

L’arrêté du préfet expire en juin prochain : le responsable du centre commercial ne cesse de me demander si la dérogation sera bien reconduite pendant la durée de la mise en application de la loi Macron. Il y a une grande inquiétude aujourd’hui chez les salariés, qui craignent de revivre ce qui s’est passé il y a six ans.

À cette époque, les magasins ouvraient le dimanche depuis vingt ans – le centre commercial dont je vous parle est ouvert sept jours sur sept, de dix heures à vingt heures – et le travail du dimanche était encouragé. Les salariés de cette partie de l’Île-de-France appréciaient cette possibilité qui leur était offerte de travailler le dimanche. Néanmoins, les magasins étaient régulièrement menacés de fermeture en raison de contentieux engagés par un syndicat,…

M. Robert del Picchia. Toujours le même !

Mme Dominique Gillot. … qui trouvait là l’occasion d’obtenir des compensations. Les menaces d’astreinte financière journalière préjudiciables au maintien de l’activité ont failli avoir raison de cette belle expérience économique.

Je comprends la surprise de certains dans cet hémicycle, puisque j’ai déjà dû batailler il y a six ans, au moment de l’élaboration de la loi Mallié, pour défendre les droits des salariés du centre commercial Art de vivre à Éragny. Je puis témoigner de cette expérience durable, qui permet à des salariés de travailler comme ils le souhaitent, sans aucune contrainte.

Je le dis avec certitude, puisque je l’ai moi-même vérifié. Maire de cette commune jusqu’en 2014, je voyais passer tous les ans les contrats et la charte de fonctionnement de ce centre commercial, laquelle garantissait le volontariat du travail du dimanche pour les salariés en contrat à durée permanente ou à durée temporaire, la valorisation de leur salaire et l’absence d’utilisation de la contrainte.

Mme Éliane Assassi. Mais c'est la loi !

Mme Éliane Assassi. Alors, pourquoi la changer ?

Mme Dominique Gillot. Ma chère collègue, il est proposé d’abaisser la durée de la dérogation à trois ans. Dans les zones de PUCE, cette durée est actuellement de cinq ans. Pour le centre commercial dont je vous parle, le décret du préfet qui va expirer bientôt datait d’il y a cinq ans.

Je vous assure que les salariés sont très attentifs à nos débats.

Mme Éliane Assassi. On les connaît bien, les salariés !

Mme Dominique Gillot. Moi aussi, je les connais ! Et je pense qu’on a le droit de s’exprimer librement, sans subir un quelconque terrorisme.

Tous les chefs d’entreprise sont très attachés à ces assouplissements, qui permettent de témoigner de leurs bonnes pratiques. Ils sont même amenés – je tiens à le dire – à organiser une sorte de turn-over pour le travail du dimanche, notamment pour les salariés à temps complet.

En effet, si tel n’était pas le cas, un groupe d’habitués phagocyterait le travail du dimanche, parce qu’il est mieux rémunéré et très apprécié, notamment par les parents isolés qui ont été précédemment évoqués : le week-end où c’est à l’autre parent de garder les enfants, le salarié est libre de travailler le dimanche. Et s’il y a des difficultés pour faire garder les enfants, il peut recourir aux grands-parents.

Il y a aussi des couples avec enfants qui s’organisent pour travailler chacun leur tour le dimanche afin d’augmenter leurs revenus. Il s’agit là non pas d’un substitut à la précarité, mais de l’usage de la liberté de travailler pour améliorer leurs conditions de vie.

Mme Éliane Assassi. Vous relirez le compte rendu de vos propos !

Mme Dominique Gillot. J’ajoute qu’il y a dans ma ville de nombreux étudiants salariés qui travaillent deux jours par semaine pour financer leurs études. Cela leur permet d’acquérir une expérience, qu’ils pourront valoriser dans leur vie professionnelle ultérieure.

Mme Éliane Assassi. Bien sûr, le McDonald’s, c'est merveilleux !

Mme Dominique Gillot. Je puis vous l’assurer, à Éragny, à Cergy-Pontoise, nos débats sont très suivis : il y a des salariés qui tiennent beaucoup à leur liberté de travailler le dimanche ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UDI-UC. – Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Catherine Procaccia. Vous avez du courage !

Mme Éliane Assassi. La droite applaudit !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote. (Brouhaha.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je comprends bien les arguments de ma collègue, qui est l’élue d’un secteur où il y a un centre commercial qui est ouvert sans arrêt.

Mme Dominique Gillot. Non, pas sans arrêt !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. En tout cas, il est ouvert le dimanche.

Il se trouve que j’ai été moi-même élue d’une commune où il y avait de tels centres commerciaux. Que demandaient les commerces voisins de ces grandes surfaces ? D’avoir les mêmes possibilités d’ouverture ! En effet, pourquoi la clientèle captive d’un secteur irait-elle dans le grand centre commercial voisin plutôt que dans les plus petits centres commerciaux locaux ou dans les commerces de proximité ?

Comme nous sommes dans un système concurrentiel, cette logique induit une demande toujours croissante. Et pour quel bilan ? Il a été démontré que, pour une large part, l’ouverture de certains secteurs le dimanche n’était pas rentable. Cela suscite même une perte sèche pour certains, qui ne parviennent pas à couvrir les frais fixes et les frais salariés de l’ouverture le dimanche. (Mme Dominique Gillot proteste.) Je peux vous l’assurer, ma chère collègue, j’en ai été témoin dans la commune dont j’ai été l’élue.

De nombreux patrons de grande surface nous ont d’ailleurs dit que si aucun commerce n’était ouvert, il n’y avait pas de problème. C’est à partir du moment où certains ouvrent que tous les autres ont besoin de pouvoir les concurrencer « à armes égales ». Personnellement, j’estime que c’est une logique à haut risque.

Quant à l’argumentaire bien compris et bien connu sur la liberté et le volontariat des salariés garantis par les chartes de bonnes pratiques, il doit être rapporté aux millions de chômeurs que compte notre pays : quand vous avez le choix entre travailler le dimanche et n’avoir rien à la fin du mois, quelle est votre liberté ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)

À la limite, si le travail du dimanche créait de nouveaux emplois sans en déstabiliser d’autres, s’il était une véritable extension de l’activité réelle, on pourrait en discuter et évoquer des contreparties. Toutefois, la réalité n’est pas celle-là !

Il faut appeler un chat un chat : ce projet de loi s’inscrit – M. Bouvard a raison – dans la filiation de l’élargissement du travail du dimanche voulu par M. Sarkozy. Seul point positif, le texte dont nous discutons prévoit d’améliorer certaines compensations, même si, pour ma part, j’estime que ces progrès sont insuffisants.

Or quel a été le gain de croissance apporté par la réforme voulue par M. Sarkozy ? A-t-on pu voir une amélioration des conditions d’emploi ? La même thèse nous est en permanence resservie : il faut déréguler le travail pour créer de la croissance. Et pendant que vous dérégulez pour les petits salariés, vous donnez à ceux qui sont en haut de l’échelle de nombreux privilèges et avantages au nom de la compétitivité !

Moi qui suis social-démocrate, je pense, à l’instar d’Olof Palme, que la société doit être exigeante pour les forts et douce pour les faibles. Le travail du dimanche pseudo-volontaire représente non pas une douceur pour les faibles, mais une exigence pour la grande distribution et les grandes enseignes, qui sont les seules bénéficiaires de cette mesure.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Après une heure et quart de débat sur cet amendement, je voudrais rappeler, pour ceux qui seraient arrivés en retard, la position de la commission sur cet amendement de suppression : son avis est défavorable, puisque cet article relève de la régulation, avec une limite de trois ans, ce qui constitue plutôt une amélioration par rapport à la situation actuelle.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 65.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 162 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l’adoption 31
Contre 308

Le Sénat n'a pas adopté.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1666, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 3132-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3132-3. – Dans l’intérêt des salariés, de leurs familles et de la société, le repos hebdomadaire est donné le dimanche.

« Aucune dérogation à ce principe n’est possible à moins que la nature du travail à accomplir, la nature du service fourni par l’établissement ou l’importance de la population à desservir ne le justifie. » ;

2° L’article L. 3132-27 est abrogé ;

3° Le paragraphe 3 de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier de la troisième partie du même code est complété par un sous-paragraphe 3 ainsi rédigé :

« Sous-paragraphe 3

« Garanties et protections pour les salariés qui travaillent le dimanche

« Art. L. 3132-27-1. – Dans le cadre des dérogations prévues aux articles L. 3132-20 à L. 3132-26, seuls les salariés ayant donné volontairement leur accord par écrit peuvent travailler le dimanche.

« Une entreprise bénéficiaire d’une telle dérogation ne peut prendre en considération le refus d’une personne de travailler le dimanche pour refuser de l’embaucher.

« Le salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une telle dérogation qui refuse de travailler le dimanche ne peut faire l’objet d’aucune mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail.

« Le refus de travailler le dimanche pour un salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une telle dérogation ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.

« Art. L. 3132-27-2. – Le salarié qui travaille le dimanche, à titre exceptionnel ou régulier, en raison des dérogations accordées sur le fondement des articles L. 3132-20 à L. 3132-26, bénéficie de droit d’un repos compensateur et perçoit pour ce jour de travail une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente.

« Un décret précise les conditions dans lesquelles ce repos est accordé soit collectivement, soit par roulement dans la quinzaine qui précède ou suit la suppression du repos.

« Si le repos dominical est supprimé un dimanche précédant une fête légale, le repos compensateur est donné le jour de cette fête.

« Art. L. 3132-27-3. – Sans méconnaître les obligations prévues à l’article L. 3132-27-2, toute entreprise ou établissement qui souhaite déroger au principe du repos dominical sur le fondement des articles L. 3132-20 à L. 3132-26 doit présenter à l’autorité administrative compétente pour autoriser la dérogation un accord de branche ou un accord interprofessionnel, fixant notamment les conditions dans lesquelles l’employeur prend en compte l’évolution de la situation personnelle des salariés privés de repos dominical et les contreparties accordées à ces salariés.

« Art. L. 3132-27-4. – L’employeur demande chaque année à tout salarié qui travaille le dimanche s’il souhaite bénéficier d’une priorité pour occuper ou reprendre un emploi ressortissant à sa catégorie professionnelle ou un emploi équivalent ne comportant pas de travail le dimanche dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise. L’employeur l’informe également, à cette occasion, de sa faculté de ne plus travailler le dimanche s’il ne le souhaite plus. Le refus du salarié prend effet trois mois après sa notification écrite à l’employeur.

« Le salarié qui travaille le dimanche peut à tout moment demander à bénéficier de la priorité définie au premier alinéa.

« Le salarié privé de repos dominical conserve la faculté de refuser de travailler trois dimanches de son choix par année civile. Il doit en informer préalablement son employeur en respectant un délai d’un mois.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application de cet article.

« Art. L. 3132-27-5. – Aucune sanction financière ou administrative prononcée à l’encontre d’un établissement ou d’une entreprise méconnaissant la législation sur le repos dominical ne peut avoir pour conséquence le licenciement des personnels employés et affectés au travail ce jour. Ces salariés conservent le bénéfice des rémunérations et des primes qu’ils percevaient antérieurement à la sanction administrative ou financière. » ;

4° Le premier alinéa de l’article L. 3132-13 est ainsi rédigé :

« Dans les commerces de détail alimentaire d’une surface inférieure à 500 mètres carrés, le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche à partir de treize heures. Le seuil maximal de 500 mètres carrés n’est pas applicable dans les communes d’intérêt touristique ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente. » ;

5° L’article L. 3132-23 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3132-23. – Le principe du repos dominical ne peut pas être considéré comme une distorsion de concurrence. » ;

6° L’article L. 3132-25 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3132-25. – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 3132-20, dans les communes d’intérêt touristique ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente, il peut être dérogé au principe du repos dominical, après autorisation administrative, pendant la ou les périodes d’activité touristique, dans les établissements de vente au détail qui mettent à disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel.

« La liste des communes d’intérêt touristique ou thermales est établie par le préfet, sur demande des conseils municipaux, selon des critères et des modalités définis par voie réglementaire. Pour les autres communes, le périmètre des zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente est délimité par décision du préfet prise sur proposition du conseil municipal.

« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. » ;

7° L’article L. 3132-25-3 du même code est abrogé ;

8° L’article L. 3132-25-4 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 3132-25-4. – Les autorisations prévues aux articles L. 3132-20, L. 3132-25 et L. 3132-25-1 sont accordées pour une durée limitée, après avis du conseil municipal et de la chambre de commerce et d’industrie, de la chambre des métiers et des syndicats d’employeurs et de salariés intéressés de la commune. »

II. – Les autorisations administratives accordées, avant la publication de la présente loi, aux établissements qui ne sont pas couverts par un accord collectif conforme aux dispositions de l’article L. 3132-27-3 du code du travail sont suspendues jusqu’à la présentation à l’autorité administrative d’un accord conforme auxdites dispositions.

III. – Aucun nouveau périmètre d’usage de consommation exceptionnel ne peut être délimité après l’entrée en vigueur de la présente loi.

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Le 20 septembre 2011, toute la gauche sénatoriale votait en faveur de la proposition de loi alors déposée par le groupe communiste, républicain et citoyen, dont cet amendement vise à reprendre le texte.

Mme Bricq nous parlait à l’instant de garanties et de vigilance. Or cette proposition de loi visait précisément à corriger les excès et les injustices de la loi Mallié, contre laquelle nous nous étions alors insurgés ensemble, il n’y a pas si longtemps. Elle était aussi empreinte d’un très grand pragmatisme, puisqu’elle prenait en compte la nécessité de certaines dérogations au repos dominical pour la continuité de nos services publics ou le maintien de la compétitivité de certaines entreprises industrielles.

Concrètement, ce texte proposait, pour les autorisations délivrées par les communes, ainsi que pour les zones touristiques, d’inscrire dans le code du travail deux principes de bon sens : tout d’abord, limiter le droit à déroger à la règle du repos dominical aux seuls établissements qui mettent à la disposition du public des biens ou des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de loisirs ; ensuite, n’accepter ces dérogations que pendant la saison touristique.

Concernant les périmètres d'usage de consommation exceptionnel, les PUCE, il était proposé qu’aucune autorisation ne soit plus délivrée après le 1er janvier 2012 ; comme les autorisations étaient accordées pour une durée limitée, cette disposition avait pour conséquence de faire disparaître le travail dominical dans les PUCE après quelques années ; par ailleurs, les autorisations délivrées aux commerces qui ouvraient illégalement le dimanche avant l’adoption de la loi Mallié devaient leur être retirées.

La loi Mallié créait une différence de traitement entre salariés selon qu’ils étaient employés dans les PUCE ou dans les communes et les zones touristiques. En réponse, notre proposition de loi apportait trois grandes garanties aux salariés.

Tout d’abord, seuls les salariés ayant donné volontairement leur accord par écrit pourraient travailler le dimanche ; un refus ne saurait être pris en considération pour ne pas embaucher un candidat ni justifier de mesures discriminatoires contre un salarié ; le salarié pourrait revenir sur son accord et bénéficier d’un droit de priorité pour occuper un emploi ne comportant pas de travail dominical.

Ensuite, l’autorisation de déroger au principe du repos dominical serait subordonnée à la conclusion d’un accord de branche ou d’un accord interprofessionnel.

Enfin, la loi garantirait aux salariés le bénéfice d’un repos compensateur et d’un salaire double pour les heures travaillées le dimanche.

Toutes ces dispositions ont été adoptées ici en 2011 ; à l’époque, la gauche sénatoriale tout entière condamnait le tournant libéral ouvert par la loi Mallié, qui répondait d’ailleurs aux desiderata d’un centre commercial, Plan-de-Campagne, entre Aix et Marseille.

Aujourd’hui, pour répondre aux mêmes difficultés que celles qui avaient été constatées à l’époque, à savoir notamment la différence de traitement entre les salariés, la gauche gouvernementale s’apprête à voter avec la droite une loi qui multiplie les possibilités de dérogations et qui, tout comme la loi Mallié, répond aux besoins de quelques grandes enseignes, tel le magasin Sephora des Champs-Élysées.

Pour notre part, nous ne pouvons accepter ce revirement et nous proposons par conséquent de voter cet amendement de réécriture, qui vise à reprendre la proposition de loi votée en 2011.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 474 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

L'amendement n° 1190 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

trois ans

par les mots :

un an

La parole est à M. Jean Desessard pour présenter l’amendement n° 474.

M. Jean Desessard. Dans le droit actuel, il est possible de déroger au repos dominical par autorisation préfectorale. Le préfet peut en effet autoriser l’ouverture le dimanche dans les cas où une fermeture serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de l’établissement concerné. Il s’agit de cas exceptionnels, par exemple lorsqu’une entreprise souhaite effectuer une mise à jour ou une migration de son système informatique.

L’article 71 du présent projet de loi propose de limiter la durée de telles autorisations à trois ans. Nous ne comprenons pas pourquoi une durée si longue a été retenue et, au vu des situations qui donneront lieu à de telles dérogations, nous estimons qu’une durée d’un an est largement suffisante ; tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 1190.

Mme Laurence Cohen. Ce troisième amendement du groupe CRC sur l’article 71 est un amendement de repli. Après la discussion que nous venons d’avoir, nous espérons qu’il sera adopté. Soyez en tout cas certain, monsieur le ministre, que notre groupe aborde cette partie du projet de loi avec beaucoup de passion et de détermination.

Après les transports et les professions réglementées, nous l’avons bien compris, vous entendez libéraliser le travail, selon vous afin de stimuler la croissance et l’économie.

Travailler le dimanche serait ainsi, à vous entendre, un moteur, pour ne pas dire une solution miracle aux maux économiques que connaît notre pays. Nous ne voyons pas ce qui, sinon, motiverait une telle décision... Nous sommes nombreux dans l’hémicycle à douter ne serait-ce que de l’efficacité économique d’une telle mesure, qui n’est pas obligatoirement favorable pour l’emploi. L’Allemagne, partenaire privilégié que vous citez si souvent comme référence, est loin d’avoir opté pour de larges ouvertures dominicales ; bien au contraire, sa législation est relativement stricte.

Je crois que, en tant que législateur, nous devons nous poser la question suivante : aux besoins de qui souhaitons-nous répondre ?

Malheureusement, au vu des déclarations du Premier ministre, on ne peut que s’inquiéter. Ainsi, lors de son récent déplacement en Chine, il annonçait aux entrepreneurs et touristes chinois qu’ils pourraient bientôt venir visiter le château de Versailles le samedi avant d’aller faire leurs achats le dimanche, comme si on ne pouvait pas faire le contraire. Quelle belle philosophie ! Je n’invente rien, je cite ses déclarations. Une certaine vision de la société, que nous avons dénoncée, est ici à l’œuvre, qui laisse la porte ouverte à de nombreuses dérogations et à d’autres abus.

Pour notre part, nous continuons de considérer que le dimanche n’est pas un jour comme les autres. Notre modèle économique et social est fondé sur un rythme hebdomadaire, le septième jour permettant de se reposer et de faire collectivement autre chose, comme partager en famille ou entre amis un temps précieux et attendu.

Certains, comme Mme Gillot, nous peignent des expériences idylliques, mais elles nécessiteraient d’autres structures et des services publics moins cassés qu’ils ne le sont aujourd’hui, notamment pour la garde d’enfants. Il faut donc raison garder.

Sans m’étendre plus longtemps sur d’autres aspects déjà abordés, je soulignerai simplement que ces dérogations au repos dominical sont à nos yeux un véritable recul social, pour les droits des salariés, mais aussi pour la cohésion sociale : quels choix ont en effet ces salariés, notamment les femmes, face au chômage ?

Nous proposons donc a minima de limiter à un an la durée de ces fameuses dérogations au repos dominical avant qu’elles ne soient, ou non, renouvelées.