M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que d’évolutions dans le domaine spatial depuis l’automne 2012, quand Bruno Sido, que je salue ici, et moi-même avons remis au nom de l’OPECST notre rapport sur l’avenir de la politique spatiale ! Ces évolutions ont concerné les lanceurs, les satellites et, surtout, la concurrence des low cost.

À l’époque, en matière de lanceurs, l’Europe et, au premier chef, la France hésitaient entre Ariane 5 ME et Ariane 6. Le premier projet, fortement soutenu par les industriels allemands et français, se proposait de faire évoluer notre actuelle fusée pour en faire un lanceur plus puissant et plus « versatile » grâce à un étage supérieur rallumable.

Le CNES militait, lui, pour un lanceur de nouvelle génération, modulable, qui pourrait régler le problème principal, à savoir l’obligation d’appairage de deux satellites à chaque lancement. Or, compte tenu du poids de ces derniers, qui a doublé en 20 ans, trouver deux opérateurs dont les satellites sont compatibles avec la capacité de la coiffe et le calendrier devient très difficile et, surtout, a un coût : quelque 120 millions d’euros par an !

Même si nous ne doutions pas de la volonté de l’Europe de garder cette autonomie d’accès à l’espace qu’avait voulue le général de Gaulle, nous étions moins sûrs qu’elle veuille et puisse financièrement continuer à soutenir deux projets concurrents en période de crise, tout en maintenant une lourde subvention d’exploitation.

Dix-huit mois après la difficile conférence ministérielle de l’European space agency, l’ESA, à Naples, les conclusions de celle de Luxembourg confirment que l’Europe ne peut pas courir après deux lièvres à la fois.

Sans devenir une fusée low cost, Ariane 6 doit s’en rapprocher si elle veut conserver une part importante du marché commercial des satellites. Je ne puis m’empêcher de regretter que les inquiétudes que Bruno Sido et moi-même avions soulevées quant à la part que pourrait prendre le nouvel intervenant américain SpaceX n’aient à l’époque pas été prises au sérieux. La condescendance à l’égard d’un modèle de fusée considéré comme simpliste a sans doute retardé la prise de conscience que le prix d’un lancement serait bientôt plus important pour un opérateur que la technologie utilisée.

La première version d’Ariane 6 était fondée sur deux étages à poudre. La version retenue à Luxembourg possède un moteur d’étage principal cryogénique, pour satisfaire les industriels. Est-ce vraiment pour se rapprocher de ces objectifs low cost que le système de propulsion est si différent de celui qui avait été présenté comme intangible par le CNES et l’ESA, ou est-ce le poids des industriels, dorénavant réunis dans la joint-venture, qui a fait plier la direction des lanceurs du CNES ?

M. Bruno Sido. C’est une bonne question !

Mme Catherine Procaccia. Merci, mon cher collègue.

En tout cas, l’avenir de la direction des lanceurs du CNES et de l’ESA doit rapidement être clarifié, tout comme le conflit d’intérêts qui pourrait survenir si Airbus devenait propriétaire du système de lancement européen.

Monsieur le secrétaire d’État, j’ai plusieurs autres interrogations.

Tout d'abord, si la recherche de la compétitivité est un facteur essentiel pour sauvegarder notre industrie spatiale, je crains les choix financiers et voudrais avoir la certitude que le budget d’Ariane 6 est bien sanctuarisé, en espérant qu’un jour l’Union européenne introduise, sur le modèle du Buy american act, une préférence européenne pour ses satellites institutionnels ; mais j’ai bien peur que cela ne reste qu’un rêve…

En attendant, le carnet de commandes de notre bonne vieille Ariane 5, qui doit toujours emporter deux satcoms, pourra-t-il être rempli jusqu’en 2020, malgré le dumping américain qu’ont évoqué mes collègues et la volonté affichée du président Obama de revenir sur le marché commercial mondial ?

L’industrie spatiale, ce sont aussi les satellites et, là encore, quelle évolution ! Voilà trente mois, on nous expliquait que les satellites à propulsion électrique avaient certes un avenir, mais lointain, et que les opérateurs commerciaux n’accepteraient jamais d’attendre huit mois pour atteindre la mise en poste, car le temps, c’est de l’argent. Néanmoins, comme chaque kilogramme coûte 20 000 euros et comme la propulsion électrique représente la moitié du poids du satellite, là aussi, le calcul financier s’est imposé : un quart des satellites seraient électriques en 2020.

Puisque le thème de ce jour est l’avenir industriel de la filière aéronautique et spatiale face à la concurrence, je voudrais être certaine que cette évolution est préparée chez les industriels.

Je sais qu’Airbus Defence and Space a réussi à diminuer le temps de latence à quatre mois pour la mise en orbite et que M. le ministre de l’économie, qui vient juste de quitter le Sénat, a annoncé une aide de 73 millions d’euros à cette filière. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, me donner des précisions sur les futurs bénéficiaires et les conditions d’octroi de cette aide ?

Enfin, j’aimerais savoir où en est le développement des services des programmes européens Copernicus et Galileo. S’agissant de ce dernier, pouvez-vous me dire si son financement est bien confirmé, mais, surtout, ce qui est prévu pour que nos GPS actuels, configurés sur les satellites américains, puissent capter les signaux de notre constellation européenne ? L’avenir de la filière spatiale européenne dépendra en effet aussi de la capacité de l’Europe à développer ses propres services spatiaux.

Pour conclure, je remercie le groupe CRC d’avoir contribué à rappeler l’intérêt que porte le Sénat à cette filière essentielle en sollicitant l’organisation de ce débat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Bruno Sido. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens, moi aussi, à remercier le groupe CRC d’avoir demandé l’organisation de ce débat.

Mon intervention portera sur la contribution des territoires ruraux au développement de l’industrie aéronautique, et mon point de vue sera développé à partir des réalités de mon département, le Gers, dont quinze PME, employant 1 600 salariés, font, entre autres entreprises, partie de la chaîne des fournisseurs d’Airbus. Ils ont pour noms Latécoère, Lauak, Cousso, etc.

Ce constat, qui vaut non seulement pour le Gers, mais aussi pour d’autres départements de Midi-Pyrénées, permet de mesurer combien est importante la manière dont Airbus et l’aéronautique en général irriguent l’ensemble des territoires ruraux de cette région.

Cette situation est aussi emblématique des coopérations à caractère économique qui peuvent être instaurées entre la métropole et les territoires ruraux qui lui sont associés. Autrement dit, l’aéronautique démontre en Midi-Pyrénées, avec Airbus, que la dynamique industrielle localisée sur la métropole sert le développement économique, social et territorial du reste de la région.

Cette réalité procède d’une logique économique qui sert également l’industrie mère. Cela s’explique par plusieurs facteurs, que je veux ici évoquer.

Tout d’abord, du point de vue de l’entrepreneur, il y a de réels avantages comparatifs : le coût de l’immobilier d’entreprise est très sensiblement inférieur dans les départements ruraux à ce qu’il est en métropole ; la productivité du salariat est liée à la qualité de vie en milieu rural ; le turn-over des personnels est sensiblement inférieur à celui des entreprises de la métropole, ce qui entraîne une plus grande fidélisation et facilite le management.

Ensuite, du point de vue du salarié, on relève un coût de la vie en zone rurale très sensiblement inférieur à ce qu’il est en métropole et une qualité de vie n’ayant rien à envier à celle des métropolitains.

Tous ces éléments contribuent à la performance de la chaîne des fournisseurs et servent la compétitivité de l’ensemble de la filière.

À partir de ce constat, plusieurs questions doivent être posées et traitées. À quelles conditions peut-on garder ces entreprises sur ces territoires ruraux et les voir se développer encore davantage ? Quelles sont les conditions à remplir ou les processus à engager pour en accueillir d’autres, dans le contexte annoncé de forte croissance d’activité, estimée au niveau mondial à 5 % par an pendant les dix ans à venir ?

Sans prétendre à l’exhaustivité, je soumets à notre débat quelques pistes d’amélioration.

En ce qui concerne les entreprises elles-mêmes, il faut aider leur structuration, parfois leur rapprochement, pour les faire accéder à des tailles critiques suffisantes de type ETI, permettant de fiabiliser la production en qualité et en délais, d’accéder plus facilement au financement des stocks de matière première, du besoin en fonds de roulement, ou BFR – celui-ci augmente, on le sait, avec le volume des commandes – et des investissements de production.

Aujourd’hui, je le rappelle, l’investissement moyen par machine dans ce secteur d’activité est de l’ordre de 1,3 million d’euros. Au passage, je me demande si notre pays n’est pas en train de prendre un retard préjudiciable dans le domaine de l’impression en trois dimensions, ou 3D, qui va constituer, en soi, une révolution technologique.

C’est dans les moments favorables du cycle économique – nous y sommes ! – que l’avenir se prépare. L’État stratège que nous appelons de nos vœux doit aussi faciliter l’accès au crédit bancaire des PME et des ETI sous-traitantes localisées en milieu rural.

En résumé, sur ce point, la question du financement de leur bas de bilan est aujourd’hui problématique dans la perspective des programmes A320 et A350 qui seront à honorer dans les années prochaines. C’est une réelle difficulté pour nos PME, et je souhaiterais que vous nous indiquiez, monsieur le secrétaire d’État, la position du Gouvernement.

En ce qui concerne les personnels, les pistes de progrès pourraient consister à renforcer l’attractivité de ces métiers pour les jeunes, à traiter l’accueil des stagiaires, qui pose, entre autres, la question de l’habitat, à adapter la formation aux techniques émergentes par la formation continue, notamment, comme par la voie de l’apprentissage qu’il faut développer jusqu’au plus haut niveau de qualification – on le sait, c’est un point faible de notre pays.

Pour conclure provisoirement sur ce thème, dans cette filière européenne, Airbus est une fierté et une chance pour la France, pour la métropole de la région Midi-Pyrénées, mais aussi pour ses territoires ruraux. Comme le dit à juste titre un responsable d’Airbus, « il ne faut pas voir les territoires ruraux comme des lieux de low cost, mais bien plutôt de best cost ».

Depuis de nombreuses décennies, la très forte productivité agricole affecte profondément la démographie des territoires ruraux, créant les difficultés que l’on sait pour maintenir les services publics, et la vie tout court, sur ces territoires. La sous-traitance aéronautique peut leur permettre d’opérer une transition vers le secteur industriel, créateur d’emplois et producteur de valeur ajoutée. Il ne s’agit pas de jouer l’un ou l’autre, l’industrie ou l’agriculture, mais bien entendu l’un avec l’autre, au bénéfice des deux et de tout le territoire, sans dégradation aucune de l’environnement et en concourant aux objectifs de transition énergétique et de croissance verte que notre pays s’est fixés.

À la lumière de l’expérience, gersoise par exemple, voyons l’avenir positivement ! La loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles et la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République nous donnent le cadre institutionnel et les outils pour penser l’aménagement économique des territoires ruraux. L’élaboration prochaine des schémas régionaux de développement économique devra se faire avec tous nos partenaires industriels, Airbus en premier lieu, et les sous-traitants de nos territoires.

Aucune fatalité ne condamne les territoires ruraux à vivre de plus en plus, le temps passant, sous perfusion de métropoles qui concentrent toujours plus la croissance économique de notre pays ; Airbus et sa sous-traitance aéronautique en font la démonstration. Sachons donc, avec nos partenaires industriels, l’État et les collectivités locales, saisir les occasions de développement qui se présentent à nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.

M. Serge Dassault. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce débat proposé par le groupe CRC sur « l’avenir industriel de la filière aéronautique et spatiale française face à la concurrence » est tout à fait d’actualité.

Le Président de la République a d’ailleurs récemment déclaré : « L’industrie aéronautique appartient à une histoire, à une tradition. [...] Nous avons besoin en France de grandes filières industrielles et […] l’aéronautique en est une des plus brillantes. »

C’est particulièrement vrai en ce moment : l’industrie aéronautique et spatiale française est un pôle d’excellence dans de nombreux domaines. Elle est regroupée au sein du GIFAS, le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales, qui compte 348 entreprises, dont environ 300 équipementiers et sous-traitants, en majorité des PME.

Elle dispose d’acteurs de premier rang pour tous les types de produits aéronautiques, tels qu’Airbus pour les avions de transport, concurrent direct de Boeing ; Safran pour les réacteurs ; Thales pour les systèmes de navigation, comme les radars et les systèmes de contre-mesures électroniques ; Eurocopter pour les hélicoptères ; Dassault Aviation pour les avions d’affaires et militaires.

Ces entreprises s’appuient sur plusieurs centaines de sous-traitants, reconnus pour leurs savoir-faire indispensables et leurs excellents ingénieurs. Toutes ces activités donnent à la France une position dominante, qui se traduit par des exportations dans le monde entier, tout particulièrement en ce moment.

Dans le domaine des avions de transport, la société Airbus a porté son carnet de commandes à un niveau historique, et le chiffre d’affaires des avions Falcon se développe. Notre industrie aéronautique et spatiale a représenté plus de 50 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2014. Elle reste le premier contributeur de notre balance commerciale, avec 24 milliards d’euros d’excédents commerciaux, et cela va augmenter.

Le succès de notre industrie repose sur un partenariat solide avec l’État. Ce partenariat se traduit par la participation des acteurs de la filière aux travaux des comités de concertation entre l’État et l’industrie, tels que le Conseil pour la recherche aéronautique civile, le CORAC, ou le COSPACE, son équivalent pour le secteur spatial. Il se traduit surtout par un co-investissement indispensable. Dans ce cadre, la filière compte sur les plans d’investissements d’avenir, les PIA, pour préparer les avions, les drones et les satellites du futur.

Le succès de cette industrie repose avant tout sur les 180 000 hommes et femmes de la filière, opérateurs qualifiés, techniciens et ingénieurs. Il faut agir pour maintenir le très haut niveau de qualité et d’excellence de ces personnels, facteur discriminant de la compétitivité future de cette industrie.

La France bénéficie d’excellentes écoles d’ingénieurs, comme l’École polytechnique, l’École nationale supérieure de l’aéronautique et de l’espace, l’École supérieure d’électricité ou l’École nationale supérieure d’arts et métiers, indispensables à leurs formations.

Les formations en alternance et l’apprentissage constituent également une excellente méthode d’enseignement des jeunes dans ces métiers. Il convient de les développer et d’encourager les entreprises à les accueillir, même si cela pose un problème.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Serge Dassault. Enfin, pour assurer la pérennité de ses activités, notre filière doit également rester mobilisée.

Ainsi, et pour faire face à la concurrence commerciale internationale particulièrement forte, notre industrie spatiale a convaincu l’ensemble de nos partenaires européens de choisir une nouvelle configuration pour le futur lanceur Ariane 6 et a décidé de créer un nouvel acteur industriel majeur, la joint-venture Airbus-Safran, dénommée ASL.

Ces efforts doivent bien évidemment être poursuivis, sinon notre industrie aéronautique et spatiale s’exposera au risque d’un déclassement, mais il faut surtout renforcer simultanément la compétitivité de nos entreprises.

Pour y parvenir, il faut répondre à plusieurs nécessités.

En premier lieu, il faut investir dans l’innovation, par un soutien continu à la recherche. Dans ce domaine, l’industrie aéronautique ne faiblit pas. Elle consacre 14 % de son chiffre d’affaires à la recherche et au développement.

En second lieu, il convient de mettre en place, pour l’industrie, une fiscalité incitative. Le crédit d’impôt recherche est un excellent exemple d’instrument d’incitation à la recherche, notamment dans les secteurs de l’aéronautique et du spatial. Il est indispensable de le préserver en l’état pour tous les acteurs, les grands groupes comme les PME.

En France, les bénéfices sont trop imposés, avec un taux à 33 %, alors que l’Angleterre est à 28 % et l’Irlande à 12,5 %. Réduire directement l’impôt sur les bénéfices des entreprises permettrait de stimuler immédiatement la recherche par autofinancement pour préparer l’avenir, et pas seulement d’enrichir les actionnaires, mes chers collègues !

La mise en place de l’usine du futur, qui se prépare dès aujourd’hui, permettra également de réduire les temps et les coûts de développement et de fabrication, en anticipant toutes les contraintes industrielles – c’est ce que nous faisons déjà.

Il faut souligner que le numérique est l’instrument même de cette mutation. Il devient un facteur clef de la performance à chaque étape : de la conception – avec des systèmes de maquettes numériques déjà utilisées chez Boeing et Airbus, sous contrôle de Dassault Systèmes –, jusqu’à la relation client, pour accompagner les objets connectés et les nouvelles procédures d’enregistrement, en passant par la maintenance : le numérique est partout !

Enfin, je terminerai en rappelant que tous nos succès à l’exportation dépendent essentiellement de l’appui du Gouvernement. Dans ce domaine, les industriels français peuvent compter sur le soutien permanent du Président de la République, associé aux ministres Le Drian et Fabius, qui font ensemble un remarquable travail. C’est ce qui fait le succès actuel de ce secteur, et il faut le souligner, car rien ne se fait par hasard.

M. Claude Raynal. Très bien !

M. Roland Courteau. C’est bien de le souligner !

M. Serge Dassault. La mise en place d’une préférence communautaire, qui n’existe pas, serait indispensable pour développer nos ventes à l’étranger. Il est en effet absolument anormal que la Belgique, la Pologne, les Pays-Bas, la Suède ou d’autres choisissent des avions de combat américains pour s’équiper, alors que nous sommes sur le même terrain !

Je vous rappelle enfin, mes chers collègues, que le prochain salon international de l’aéronautique et de l’espace aura lieu du 15 au 21 juin prochain au Bourget. Si vous souhaitez y participer, je vous invite à prendre contact avec le responsable du GIFAS pour organiser votre visite. Si vous avez faim et si vous passez devant notre chalet, peut-être pourrons-nous vous accueillir pour le déjeuner ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Claude Raynal.

M. Claude Raynal. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je salue à mon tour l’initiative du groupe CRC.

La filière aéronautique est aujourd’hui l’une des industries les plus créatrices d’emplois et de richesses sur notre territoire. Pour la région Midi-Pyrénées, près de 100 000 emplois dépendent de son avenir. Cette formidable réussite est notamment le fruit d’un dialogue permanent mené depuis près de quarante ans, au sein du GIFAS, entre l’ensemble des entreprises de la filière et l’État.

L’État stratège a su, grâce à l’action de la direction générale de l’aviation civile, mener une politique industrielle pertinente et réactive. Récemment, grâce encore une fois à la mobilisation collective de la filière et à la feuille de route technologique du Conseil pour la recherche aéronautique civile, l’État, dans le cadre du premier plan d’investissement d’avenir, a su apporter les bons outils, au bon moment.

Cependant, aujourd’hui, une possible réduction du pilotage politique de soutien à la filière amène légitimement l’industrie aéronautique et les élus de la région Midi-Pyrénées à s’interroger. À l’heure où l’État fédéral américain accorde plus de 8 milliards de dollars d’avantages fiscaux au projet 777X, il reste plus que jamais vital pour nos industries qu’un pilotage politique solide de l’ensemble de la filière soit poursuivi.

J’évoquerai deux sujets pour illustrer mon propos : tout d’abord, l’engagement du deuxième programme d’investissements d’avenir, ou PIA 2, pour deux démonstrateurs technologiques supplémentaires ; ensuite, la confusion parfois entretenue entre la compétitivité d’Air France et les droits de trafic supplémentaires pour des compagnies aériennes non européennes ; ma collègue Françoise Laborde a déjà évoqué ce sujet.

J’en viens, en premier lieu, à l’engagement du PIA 2. La filière a défini, collectivement encore une fois, face à la montée des compétiteurs et aux efforts importants réalisés dans les autres pays européens, deux priorités absolues : un démonstrateur appelé SEFA, pour systèmes embarqués et fonctions avancées, qui vise à préparer et développer des fonctions et systèmes innovants pour les cockpits des aéronefs à venir, et une autre plateforme technologique appelée « usine aéronautique du futur ». Engageons les crédits prévus sans tarder !

Enfin, on doit encourager le groupe Airbus Industries à lancer de nouveaux programmes de développement afin de préparer l’avenir, tout en maintenant les capacités actuelles des bureaux d’études. Le lancement de l’A380 NEO et du nouveau Beluga va d’ailleurs dans ce sens.

Le second sujet est plus délicat. Le Gouvernement se mobilise, et c’est heureux, pour défendre notre compagnie nationale et l’accompagne dans la reconquête de sa compétitivité, face à la concurrence internationale, en particulier celle des compagnies des pays du Golfe. De ce point de vue, l’exonération des passagers en correspondance du paiement de la taxe de l’aviation civile est un premier pas significatif.

J’ai également bien entendu que la commissaire européenne, Mme Violeta Bulc, allait faire des propositions pour créer les conditions d’une concurrence loyale au niveau international.

Dans l’immédiat, force est de constater que, si le trafic a connu une augmentation de 6 % en 2014, cette augmentation n’a que marginalement profité à Air France. En effet, cette entreprise connaît une concurrence accrue et, pour la protéger, la tentation est grande de limiter l’accès des aéroports nationaux aux compagnies étrangères.

Pourtant, cette position semble intenable sur le long terme, tant pour Air France que pour l’ensemble de la filière aéronautique.

En effet, dans cette stratégie, notre compagnie nationale se voit alors privée, en vertu du principe de réciprocité, de nouveaux débouchés. Quant à l’ensemble de la filière, l’achat de nouveaux appareils est souvent conditionné, de façon plus ou moins explicite, à l’obtention de droits de trafic. Ces derniers contribuent, quant à eux, par l’intermédiaire du développement de nos plateformes aéroportuaires régionales, à l’attractivité tant économique que touristique de nos territoires.

Enfin, je souhaiterais conclure sur l’entretien et de la réparation des avions. Air France Industrie en est aujourd'hui, avec ses trois bases à Orly, Roissy et Toulouse, l’un des leaders européens. Pourtant, face à la concurrence internationale, il est nécessaire que son développement soit soutenu pour pérenniser ses emplois, ainsi que ses savoir-faire essentiels pour l’ensemble de la filière. Et là aussi, il appartient à l’État et à l’ensemble des acteurs de soutenir cette activité, afin d’éviter, notamment, la délocalisation vers des pays low cost.

Dans ce cadre, l’activité de Toulouse, qui ne porte ni sur l’entretien « moteur » ni sur les équipements, doit requérir l’attention de tous. On comprend mieux dès lors l’importance d’un stratège pour trouver le bon équilibre général, afin de pérenniser l’ensemble de ses activités.

Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de l’attention que vous y portez et continuerez d’y porter dans les mois et années qui viennent ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)

(Mme Françoise Cartron remplace M. Jean-Pierre Caffet au fauteuil de la présidence.)