Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis.

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’accès au numérique est devenu un enjeu majeur pour nos concitoyens et pour les élus locaux sur une grande partie du territoire. La fracture numérique ne se borne plus à s’ajouter aux fractures économiques et sociales ; elle les alimente et les amplifie. L’accès aux soins, la diffusion de la culture, la création d’entreprises, l’attractivité touristique, ou encore l’utilisation de l’e-administration sont autant de problématiques quotidiennes pour les millions de Français vivant dans des territoires mal desservis par les réseaux de communications électroniques.

Cet isolement technologique est une situation dont la gravité ne doit plus être sous-estimée, car elle exclut certains de nos concitoyens d’une société numérique qui défile devant leurs yeux, sans qu’ils puissent y participer. J’insiste sur ce point : en 2015, il est insupportable que certains de nos concitoyens soient privés de moyens de communication de qualité, ce fait s’ajoutant à toutes les inégalités territoriales qu’ils subissent.

M. Michel Savin. Très juste !

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire. C’est d’autant plus inacceptable qu’un aménagement numérique prioritaire de ces territoires apporterait précisément des solutions innovantes pour résoudre les difficultés rencontrées en milieu rural. Ainsi, certaines communes restent privées de toute téléphonie mobile 2G ; plus de 2 000 communes n’ont pas accès à la 3G, et le déploiement de la 4G en zone moins dense se fait encore attendre.

Ce constat se fonde également sur les critères actuels de mesures de la couverture qui ne rendent pourtant absolument pas compte de l’expérience des utilisateurs. Si 99,9 % de la population sont théoriquement couvertes par la téléphonie mobile, force est de constater que l’on rencontre chaque jour le 0,1 % de la population qui n’est pas couvert partout ! L’absence d’internet mobile dans des territoires ruraux, qui sont également souvent privés d’une couverture en haut débit fixe de qualité, risque de faire apparaître des isolés « multi-technologies », alors même que le développement des usages rend chaque jour plus pénalisante l’absence d’accès à internet de qualité. Les réseaux mobiles pourraient pourtant constituer des solutions à moyen terme à la difficulté de déployer rapidement des réseaux filaires très haut débit dans certains territoires ruraux.

Dans ce contexte très insatisfaisant, nous devons examiner la présente proposition de loi, qui organise la libération de la bande de fréquences des 700 mégahertz par le secteur audiovisuel, afin de procéder à sa réaffectation vers l’internet mobile. Compte tenu des propriétés physiques de ces fréquences et de la possibilité d’assortir les autorisations d’utilisation attribuées aux opérateurs d’obligations de déploiement, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable estime qu’il s’agit là d’une opportunité à saisir pour améliorer la couverture de nos territoires.

Elle a toutefois plusieurs regrets sur la méthode et sur le contenu de cette réaffectation.

Comme vous, madame Morin-Desailly, monsieur Sido, je déplore la précipitation dans laquelle ce texte nous est présenté. Ce dernier, qui n’a de proposition de loi que le nom, revient à donner un blanc-seing à un processus qui n’a que très peu associé le Parlement, et qui sera déjà très avancé lorsque le présent texte sera définitivement adopté. Pour ce qui concerne l’impératif d’aménagement numérique du territoire, le Gouvernement a donné son interprétation s’agissant de la bande 700, avant même que nous ayons eu le temps d’adopter la mesure qui en généralise l’application.

Nous le savons, la seule urgence qui préside à cette démarche est d’ordre budgétaire. Les opérateurs de communications électroniques ont souligné l’absence d’intérêt immédiat pour l’acquisition de nouveaux blocs de fréquences, à l’exception de celui des opérateurs qui n’a pas obtenu de bloc de fréquences lors de l’attribution de la bande des 800 mégahertz.

Par ailleurs, cette précipitation est susceptible de poser des difficultés techniques pour la libération de la bande par le secteur audiovisuel et pour l’accompagnement des téléspectateurs disposant de matériel ancien, ainsi que vous l’avez souligné, madame la rapporteur.

Voilà quelques jours, le Sénat a adopté le projet de loi actualisant la loi de programmation militaire pour les années 2015 à 2019. En diminuant la part des ressources exceptionnelles dans le financement de la défense, ce texte réduit la nécessité de céder à toute vitesse les licences d’utilisation de la bande 700. Comment se justifie donc cette précipitation qui préside encore, aujourd’hui, au processus de réaffectation de ces fréquences, madame la ministre ?

Je souhaite également souligner une incohérence dans cette procédure en termes de politiques publiques. En attribuant des autorisations d’utilisation de fréquences et en mettant aux enchères des blocs de fréquences, le Gouvernement s’efforcerait de valoriser au mieux le domaine public hertzien. Nous approuvons cet objectif !

Je ne reviens pas sur l’inopportunité de procéder ainsi dès maintenant, alors même qu’une vente ultérieure de ces fréquences permettrait sans doute de dégager des ressources plus importantes. Pourtant, il n’est pas sûr que le choix actuel du Gouvernement permette réellement de valoriser au mieux le domaine public, quand bien même cela semble être votre première priorité, madame la ministre.

En revanche, il est certain que le coût d’obtention des autorisations d’utilisation de fréquences pour les opérateurs, en plus des coûts de réaménagement et d’accompagnement qui sont à leur charge, représente autant d’investissements potentiels en moins dans les infrastructures de communications électroniques. Ce sont donc plus de 2,5 milliards d’euros qui vont être transférés du secteur des communications électroniques vers la défense !

Malgré la loi actualisant la loi de programmation militaire, la destination budgétaire des recettes reste inchangée. Je m’étonne, madame la ministre, que la totalité de ces recettes soit fléchée pour financer nos armées, et qu’une fraction ne soit pas utilisée pour financer le déploiement des réseaux d’initiative publique par les collectivités territoriales, ou pour alimenter la résorption des zones blanches mobiles…

Mme Corinne Bouchoux. Et la culture !

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire. …et ce, alors même que le Gouvernement affirmait encore récemment, lors du comité interministériel aux ruralités du mois de mars dernier, faire de l’aménagement numérique du territoire une priorité, et que nous savons qu’il faudra des moyens supplémentaires pour atteindre les objectifs fixés en matière de très haut débit fixe d’ici à 2022 qui – je le rappelle – constituent un engagement du Président de la République !

Je crains que cet impératif d’aménagement numérique du territoire ne soit la principale victime de cette précipitation. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable est très critique sur les obligations de déploiement définies dans la décision de l’ARCEP que le Gouvernement a approuvée le 9 juillet dernier en lançant la procédure de mise aux enchères. Les dispositions relatives à l’aménagement numérique du territoire sont très en deçà de celles qui ont été proposées lors de la consultation publique menée par la même ARCEP entre décembre 2014 et février 2015. L’édiction d’exigences plus élevées pour la bande 700 que pour celle des 800 mégahertz a été abandonnée face à l’opposition attendue des opérateurs, et malgré les attentes légitimes des collectivités territoriales à ce sujet.

Lors de l’examen par notre assemblée du projet de loi pour la croissance et l’activité, M. le ministre de l’économie nous a annoncé que le Gouvernement allait « mettre la pression sur les opérateurs », afin d’améliorer la couverture mobile des territoires. Nous doutons que la procédure d’attribution de la bande 700 y participe.

M. David Assouline. Bien sûr que si !

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire. Les territoires ruraux sont pourtant ceux dans lesquels le gain en termes d’usage, et plus généralement en termes de qualité de vie, est le plus significatif lorsque la couverture s’améliore et le débit augmente. J’en veux pour preuve la situation de mon département où, en matière de réseau fixe, l’enthousiasme des habitants pour la fibre optique en milieu rural est sans commune mesure avec ce que l’on observe dans les grandes villes.

Pour toutes ces raisons, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable est plus que circonspecte sur la procédure de réaffectation que vous nous présentez, madame la ministre. Si le présent texte traite essentiellement des modalités de libération de la bande 700 par l’audiovisuel, nous regrettons le manque d’ambition en termes de couverture mobile.

Il est à craindre que l’attribution de ces fréquences ne soit une occasion manquée pour accélérer le déploiement du très haut débit mobile dans les territoires ruraux, a fortiori compte tenu du choix – par ailleurs discutable – de sanctuariser le reste de la bande des ultra hautes fréquences à l’audiovisuel jusqu’en 2030.

Néanmoins, si l’attribution des fréquences est une donnée structurante pour le déploiement des réseaux mobiles, je tiens à souligner qu’elle ne constitue que l’un des paramètres de la politique d’aménagement numérique du territoire. Nous espérons donc que cette priorité fera l’objet d’autres mesures de la part du Gouvernement.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui a mis en place en son sein un groupe de travail sur l’aménagement numérique, sera par conséquent vigilante sur la mise en œuvre effective des dispositions relatives à la couverture des territoires ruraux et des zones blanches, ainsi que sur l’évolution du plan France Très Haut Débit. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Bruno Sido, rapporteur pour avis, applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, le débat de cet après-midi paraît, il est vrai, technique ; notre rôle est de le rendre abordable et compréhensible pour nos concitoyens, afin de faire vivre la démocratie.

La proposition de loi soumise à notre examen ne vise pas à régler des problèmes annexes ou d’opportunité, comme on tend à le suggérer ici ou là. Elle répond à des préoccupations diverses et, chose rare, même en matière d’innovations technologiques, ouvre des possibilités qui ne comportent que des avantages.

D’abord, compte tenu des modes de consommation actuels sur internet, liés à l’utilisation de tablettes et de smartphones, nous avons besoin d’un plus grand nombre de bandes passantes pour les opérateurs, afin d’assurer à tous nos concitoyens un même niveau de service, c’est-à-dire en particulier des films qui défilent normalement et des photos à la plus haute résolution – des services demandés par les clients et offerts par le commerce. Il nous faut donc passer à des normes supérieures pour suivre la modernité.

Très souvent, en France, nous avons attendu pour légiférer que les évolutions soient irréversibles, moyennant quoi nous avons toujours été en retard non seulement par rapport aux progrès technologiques, mais même par rapport aux transformations du marché qui exigeaient de nous des décisions. Résultat : nous avons légiféré n’importe comment.

Aujourd’hui, nous anticipons un peu. Sans doute, les opérateurs peuvent nous dire : nous avons encore du temps avant 2020, d’autant que nous n’avons pas optimisé la manière d’utiliser la technologie actuelle. Cependant nous avons appris, depuis quinze ans que le numérique se développe, qu’il ne faut pas attendre le dernier moment. Souvenez-vous que l’industrie de la musique a attendu le dernier moment, celui où elle a eu vendu tous ses vinyles, pour présenter une offre commerciale sur internet ; entre temps, le piratage et la gratuité s’étaient imposés. De même, les acteurs du cinéma, après nous avoir assurés que leur problème n’était pas le piratage, étant donné qu’il fallait, disaient-ils, trois jours pour télécharger un film, se plaignent aujourd’hui que leur industrie soit menacée parce qu’on télécharge un film en une minute !

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire. À Paris, peut-être !

M. David Assouline. Ces deux exemples montrent que, dans le domaine du numérique, il est fondamental d’anticiper. Aussi est-il bon que le Gouvernement ait choisi d’agir maintenant.

Ensuite, la stratégie adoptée en matière d’avancées technologiques, notamment en ce qui concerne la couverture du territoire, a très souvent consisté à fixer différents niveaux de normes : des normes minimales applicables à tous, du moins aux bénéficiaires d’un accès, et des normes supérieures destinées au milieu urbain ; lorsqu’on révisait les normes applicables aux secteurs à faible accessibilité, on les fixait au niveau des anciennes normes appliquées aux villes, de sorte qu’il y avait toujours un décalage et une inégalité.

Le choix fait aujourd’hui consiste à hisser tout le monde vers le plus haut niveau, grâce à une technologie capable de pénétrer plus profondément le territoire et de traverser plus facilement les murs ; avec elle, la persistance de zones non couvertes ne sera plus justifiable. L’adoption de cette technologie permettra donc à ceux qui relevaient des normes les plus basses d’être tirés vers le haut. Le progrès est très net sur les plans technologique et stratégique !

M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. C’est incontestable !

M. David Assouline. Certains font valoir que les opérateurs ne sont pas pressés. Allons donc, mes chers collègues ! Connaissez-vous beaucoup d’acteurs qui, avant une enchère, gouvernée par les lois du commerce, font l’aveu d’un besoin absolu et immédiat ? S’ils le font, les enchères monteront très haut ! Il leur faut donc affecter de ne pas avoir besoin tout de suite de l’objet de l’enchère. Quant à l’État, quel est son intérêt ? De recevoir le plus d’argent possible. La collectivité publique ne peut donc pas tenir pour tout à fait sincère l’attitude d’opérateurs qui prétendent ne pas être pressés. C’est leur jeu pour acheter le moins cher possible !

M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Bien sûr !

M. David Assouline. Qu’on ne relaie donc pas dans cet hémicycle les arguments d’opérateurs qui défendent leurs intérêts. Nous défendons, nous, l’intérêt général et celui du budget de la France !

Au total, je pense que le choix stratégique qui nous est proposé épouse la modernité et va dans le bon sens, y compris pour ce qui est du calendrier.

Bien sûr, les éditeurs rencontreront des problèmes lors du passage aux nouvelles normes ; mais ils en tireront aussi des avantages, puisque tout le monde bénéficiera de la très haute définition. Jusqu’à présent, les téléspectateurs se contentaient d’une moindre qualité de service, et prenaient même pour de la très haute définition ce qui n’en était pas. Quand ils se seront habitués aux écrans à très haute définition, ils ne voudront plus se servir d’autre chose ! Permettre à tout le monde d’accéder à la très haute définition présentera donc des avantages pour les éditeurs, qui, au demeurant, ont tous prévu d’investir dans des délais très courts pour s’adapter.

Dans un premier temps, sans doute, cette évolution entraînera des coûts ; ainsi, les acteurs nous signalent qu’ils risquent de perdre de la publicité au début, le temps que leurs téléspectateurs migrent. Il est logique que les représentants d’Arte nous tiennent ce discours, et d’ailleurs nous les défendons. Il est tout aussi logique de leur faire observer que les investissements auraient dû être réalisés de toute manière, et que, grâce au nouveau mode de compression, le coût d’un abonnement satellitaire, par exemple pour Arte, baissera de manière considérable. Ces acteurs bénéficieront donc d’avantages à moyen terme, y compris en termes financiers.

Mes chers collègues, notre rôle n’est pas de compiler les craintes de tous les secteurs lorsqu’un changement est envisagé. Tout changement comporte une part d’inconnu pour tout le monde, puisqu’on quitte une situation familière et que les évolutions entraînent des désavantages en même temps que des avantages. (Mme Maryvonne Blondin opine.) Ainsi, chaque secteur s’inquiète des désavantages qu’il prévoit pour lui : les opérateurs, les diffuseurs et même les citoyens, qui, s’ils auront l’avantage de bénéficier de la très haute définition, devront au départ équiper leur téléviseur d’adaptateurs.

Lorsqu’on réforme, on éveille nécessairement des craintes. Nous devons légiférer dans le sens de la réforme juste et moderne dont le pays a impérativement besoin, non pas en additionnant les craintes pour justifier l’immobilisme, mais en essayant d’y répondre !

M. David Assouline. Tout le monde convient, je crois, de la nécessité de cette évolution, qui répond à une tendance nettement installée en Europe.

M. David Assouline. L’Allemagne, en particulier, a déjà franchi le pas. On ne peut donc pas dire que nous agissons dans la précipitation.

Certains déplorent que nous ayons perdu du temps. Il faut relativiser, car le Président de la République a fixé le cap en 2013, soit il y a un an et demi. Quels reproches ne nous aurait-on pas adressés si nous n’avions pas pris le temps d’étudier la question dans le détail ? Je vous rappelle qu’une commission où siégeaient des parlementaires, parmi lesquels M. Retailleau et moi-même, a travaillé et émis un avis. Toutes ces réflexions préalables étaient nécessaires.

Les craintes, nous les connaissons ; Mme la rapporteur a bien travaillé pour les mettre au jour, même si la commission dont je viens de parler, qui n’a pas servi à rien, les avait déjà recensées. Certaines portent sur la diffusion, d’autres sont liées aux problèmes d’indemnisation, d’autres encore aux problèmes de calendrier et à la nécessité d’éviter les écrans noirs. Au sujet de ces craintes, madame la rapporteur, Mme la ministre a répondu de manière détaillée au courrier que vous lui aviez adressé. J’aurais d’ailleurs aimé que l’ensemble des membres de la commission de la culture puissent prendre connaissance de cette réponse, car nos délibérations en auraient été éclairées.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Elle figure dans le rapport, mon cher collègue !

M. Jean-Pierre Leleux. C’est exact !

M. David Assouline. Certes, nous avons pu nous appuyer sur vos propos et sur vos amendements qui en découlaient ; mais nous n’avons pas pu disposer de la réponse de Mme la ministre, qui n’a été introduite dans le rapport qu’après coup. Je veux non pas provoquer de polémique, mais simplement souligner que cette réponse était de nature à éclairer nos travaux. De fait, madame la rapporteur, Mme la ministre y apporte des réponses à nombre de vos préoccupations ; elle les a d’ailleurs exposées dans son intervention il y a quelques instants. Des amendements ne sont pas toujours nécessaires ; l’important est que Mme la ministre nous ait donné des assurances au sujet des questions que vous avez soulevées.

Je vous apporte cela étant mon soutien en ce qui concerne la disposition que vous avez fait adopter en commission pour prendre en compte la situation des foyers dégrevés de contribution à l’audiovisuel public et ne recevant la TNT que par satellite. Normalement, cette question n’est pas de notre ressort, puisque les opérateurs de satellite dont il s’agit ont déjà prévu de passer aux nouvelles normes, à leurs frais. Seulement, à la faveur de cette proposition de loi, ils réclament d’être aidés.

Je pense qu’un rapport est nécessaire sur ce sujet : il permettrait de rassurer nos concitoyens qui, ne recevant la TNT que par satellite, peuvent éprouver des inquiétudes. Aussi, madame la ministre, je vous demanderai de retirer l’amendement que vous avez déposé pour supprimer la disposition introduite par la commission, ce qui permettrait, sans méconnaître l’article 40 de la Constitution, de montrer que nous sommes attentifs à cette difficulté. Bien entendu, il ne faudra pas, ensuite, tomber dans le panneau des opérateurs de satellites, qui défendent leurs propres intérêts ; il faudra que tout le monde apporte sa contribution.

Je n’insiste pas sur tous les aspects positifs de la proposition de loi, que Mme la ministre a présentée dans le détail.

En ce qui concerne le calendrier, certains dénoncent une précipitation. Si nous voulons que l’opération réussisse, il faut nous en donner les moyens ! Or une opportunité s’annonce qu’il ne faut ni minimiser ni railler : l’Euro 2016, qui se tiendra en France. Ce n’est pas tous les jours que nous accueillons une manifestation sportive d’ampleur planétaire ! Le précédent de la dernière coupe du monde de football, qui pourtant s’est déroulée au Brésil, montre qu’elle sera le moment d’une importante campagne d’équipement en nouveaux téléviseurs.

L’un des problèmes qui se posent tient à la nécessité que les foyers soient équipés aux dernières normes, afin d’éviter les écrans noirs. Il est donc très important de tirer parti de la campagne qui sera menée par les constructeurs de téléviseurs avant l’Euro 2016.

M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. En effet !

M. David Assouline. Il s’agira presque d’une campagne gratuite de sensibilisation, qui s’ajoutera à celle que mèneront le Gouvernement et les autorités pour expliquer à nos concitoyens la nécessité de prendre les dispositions nécessaires pour éviter les écrans noirs. Dans ces conditions, on pourrait attendre trois mois de plus ? Non !

M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je n’ai pas dit cela !

M. David Assouline. Je le répète : si nous voulons réussir, nous devons mettre toutes les chances de notre côté !

Mme la rapporteur souhaite que le rapport demandé à la CMDA prenne la forme d’un nouvel avis, susceptible d’interrompre le processus ; ainsi, au mois de décembre prochain, le calendrier pourrait être modifié. Le Gouvernement ne refuse pas tout, mais il est hostile à un avis qui pourrait interrompre le mouvement engagé. J’estime moi aussi que ce rendez-vous doit être l’occasion d’un bilan d’étape et, en cas de dysfonctionnements ou de retards, d’un ajustement, mais toujours en vue d’atteindre l’objectif. Car on n’atteint jamais un objectif en commençant par dire qu’on pourra le modifier en cours de route !

Je crois, en définitive, que nous sommes tous d’accord sur le fond. Dès lors, la discussion des articles devra conduire au plus large consensus possible, afin que l’accord conclu en commission mixte paritaire maintienne tous les apports du Sénat. N’oublions pas que l’Assemblée nationale a voté à l’unanimité, gauche et droite confondues, la version initiale de la proposition de loi soutenue par le Gouvernement !

Si nous voulons que les apports de Mme Morin-Desailly figurent dans la future loi, il faudra bien faire des pas les uns vers les autres pour trouver un accord. Autant je trouve que certains des amendements de la commission saisie au fond sont inacceptables, autant j’en approuve d’autres. Mes chers collègues, je vous invite à faire preuve du même esprit de consensus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, le lancement de la télévision numérique terrestre a été un véritable succès en permettant aux Françaises et aux Français de bénéficier de vingt-cinq chaînes de télévision gratuites, en leur offrant une meilleure qualité de réception et, à défaut d’une diversité de programmes, une diversité de création. La TNT a également permis de développer considérablement la télévision de rattrapage, qui a progressé de 25 % en un an. Le taux de vidéos visionnées sur les mobiles et les tablettes augmente également fortement.

Tout cela va de pair avec le développement de l’internet mobile et entraîne un accroissement des besoins des opérateurs de téléphonie. Le taux de croissance annuel du trafic mobile est de plus de 60 %.

Pour toutes ces raisons, les écologistes comprennent la nécessité de répondre à la demande et d’affecter la bande de fréquences de 700 mégahertz, afin de faire face à la hausse du volume des données échangées sur les réseaux de télécommunications.

Mais la question est d’évaluer les destinations possibles de ces fréquences, également attendues pour la télévision en haute définition.

Déjà, en 2013, Marie-Christine Blandin, alors présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, interrogeait la ministre de la culture d’alors sur les projets d’utilisation de cette ressource hertzienne. Nous n’avions malheureusement pas obtenu les éclairages attendus.

C’est pourquoi la présente proposition de loi nous incite à être vigilants sur trois points.

En premier lieu, nous regrettons que cette bande de fréquences, qui doit être considérée comme un bien commun, finisse « marchandisée » et mise aux enchères de manière un peu précipitée.

Ces derniers temps, le secteur des télécommunications a été fortement bousculé, et l’est plus encore aujourd’hui, avec la velléité de certains opérateurs de se racheter entre eux.

Financièrement, les opérateurs de télécommunications ne sont peut-être pas dans les meilleures conditions pour procéder à ce transfert ; l’État risque donc de subir une décote sur le prix des enchères et de ne pas engranger tous les gains attendus.

En deuxième lieu, pour répondre demain aux besoins de l’audiovisuel sans nouvelles fréquences, il faudra changer de normes de compression. On ne peut écarter la question de l’obsolescence programmée du matériel actuel de réception.

Déjà, en 2005, lors de la mise en place de la TNT, les Français ont tous dû acquérir un boîtier externe ou, pour certains, une nouvelle télévision, afin de pouvoir recevoir la télévision numérique.

La généralisation de la nouvelle norme MPEG-4 nécessitera l’acquisition d’un nouveau récepteur TNT-HD pour ceux qui n’en sont pas équipés.

Madame la ministre, certes, des aides à l’équipement ont été prévues, mais n’oublions pas que le renouvellement accéléré des biens contribue fortement à la surexploitation des ressources non renouvelables et nous mène à une impasse écologique, sociale et économique.

L’abondance des déchets, notamment ceux d’équipements électriques et électroniques, se caractérise par des impacts environnementaux dramatiques. Est-il judicieux, à la veille de la conférence de décembre, de programmer ainsi un gâchis gigantesque d’appareils fonctionnant encore très bien au nom d’un changement encore assez hasardeux ?

En troisième lieu, enfin, les membres du groupe écologiste regrettent que le produit de ce transfert au privé soit intégralement reversé au budget du ministère de la défense – en tout cas, c’est ce qui était prévu à l’origine. Si l’équipement d’une armée dans un contexte difficile est crucial, n’oublions pas que le milieu culturel manque lui aussi cruellement de financements et que le présent texte ne résout en rien la question des moyens dont il a besoin. Aucune réflexion de fond n’a été menée sur le financement de la création, qui, je le rappelle, repose largement sur les contributions de la TNT.

Madame la ministre, mes chers collègues, pour l’ensemble des motifs que je viens d’invoquer, en raison également du délai de mise en œuvre pour le moins brusqué et, surtout, du recours à une pseudo-proposition de loi entraînant l’absence totale de toute étude d’impact, les membres du groupe écologiste s’abstiendront.

Nous n’avons pas déposé d’amendements, nous n’avons pas voulu vous compliquer la tâche, madame la ministre, car nous avons estimé que l’intention initiale était de rechercher un vote conforme. Toutefois, nous posons un certain nombre de questions qui sont également celles que soulève Mme Morin-Desailly dans son rapport. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)