M. Christophe-André Frassa. L’article 20 du projet de loi fixe des règles communes pour toutes les futures procédures d’action de groupe. Celles-ci devraient donc être particulièrement rigoureuses dans leur application.

Le présent amendement vise à préciser que les préjudices concernés devront présenter un caractère individuel. En plus, une telle précision est conforme aux dispositions de la loi relative à la consommation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, rapporteur. Cette précision pourrait sembler aller de soi, mais je la crois utile. (M. le président de la commission des lois acquiesce.)

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Une telle précision, qui n’est pas choquante en soi, n’est pas indispensable ; elle introduirait même une tautologie dans le texte. Or la loi n’a pas à être redondante. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Comme M. le président de la commission des lois le faisait observer hier, l’action de groupe crée une inquiétude depuis des années.

Il ne me paraît pas scandaleux d’indiquer que les préjudices subis par les personnes introduisant une action de groupe – je maintiens qu’il doit pouvoir s’agir de personnes morales – devront présenter un caractère individuel. Cet encadrement permettrait de montrer qu’il ne s’agit pas d'instituer des class actions à l’américaine, procédures qui sont d’un autre niveau. Je ne suis donc pas hostile à une telle précision.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 71 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 20, modifié.

(L'article 20 est adopté.)

Article 20 (texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de la justice du XXIème siècle
Article 22

Article 21

Seules les associations agréées et les associations régulièrement déclarées depuis cinq ans au moins, dont l’objet statutaire comporte la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte, peuvent exercer l’action mentionnée à l’article 20 de la présente loi.

Mme la présidente. L’amendement n° 95 rectifié, présenté par Mme Gruny, MM. Retailleau, Kennel et Trillard, Mme Hummel, MM. Commeinhes et Lefèvre, Mme Micouleau, MM. Laufoaulu, Bizet, Gilles et Doligé, Mmes Des Esgaulx et Cayeux, MM. Grand et Pellevat, Mme Canayer, M. Lenoir, Mme Di Folco, M. Buffet, Mme Procaccia, MM. Vaspart et Bouchet, Mmes Deroche et Mélot, M. Frassa, Mme Giudicelli, M. Pierre, Mme Imbert, M. Mandelli, Mme Troendlé, M. Houel, Mme Morhet-Richaud, MM. Savin, Darnaud et Genest, Mme Lopez, M. Vasselle, Mme Deseyne et M. Saugey, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Christophe-André Frassa.

M. Christophe-André Frassa. Cet amendement est dans le même esprit que l’amendement de suppression de l’article 20. Je le retire, en formant le vœu que nos propositions de modification de l’article 21 soient retenues.

Mme la présidente. L’amendement n° 95 rectifié est retiré.

L'amendement n° 148, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Les associations agréées et les associations régulièrement déclarées depuis trois ans au moins, dont l’objet statutaire comporte la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte, ainsi que les organismes reconnus d’utilité publique, peuvent exercer l’action mentionnée à l’article 20 de la présente loi.

Peuvent agir aux mêmes fins les syndicats professionnels représentatifs au sens des articles L. 2122-1, L. 2122-5 ou L. 2122-9 du code du travail ou du III de l’article 8 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ou les syndicats représentatifs de magistrats de l’ordre judiciaire.

Le ministère public peut toujours agir comme partie principale en vue de la cessation du manquement ou intervenir comme partie jointe quel que soit l’objet de l’action.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. La mise en place de filtres lors des débats sur le projet de loi relatif à la consommation, qui a vu naître l’action de groupe en matière de consommation, était motivée par la peur d’une multiplication des procédures contentieuses et la volonté d’encadrer cette procédure alors nouvelle en France.

Aujourd’hui, nous pensons qu’il est temps d’aller plus loin et de ne plus réserver la qualité pour agir et engager une action de groupe aux seules associations.

Une telle mesure ne créera pas l’appel d’air tant redouté, contrairement à ce que certains prétendent depuis le début de la discussion. D’ailleurs, en matière de consommation, très peu d’associations agréées ont effectivement introduit des actions de groupe.

Pourtant, comme le précise l’étude d’impact, une tendance nette se dessine en faveur de la promotion de l’action de groupe, comme moyen non seulement d’améliorer l’accès au droit et à la justice, mais aussi de renverser un rapport de force malheureusement trop souvent défavorable aux justiciables !

C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de prévoir un cadre général et lisible pour les actions de groupe susceptibles de voir le jour.

L’article 21, dans sa version initiale, posait un tel cadre général en étendant la qualité à agir aux syndicats et au ministère public. Pour nous, il s’agissait d’une bonne chose : compte tenu des diverses expériences européennes en la matière, il est difficilement compréhensible que certains conservent une sorte de monopole pour engager une action de groupe.

Par cet amendement, nous souhaitons revenir à la rédaction initiale du texte, tout en suivant les recommandations du Défenseur des droits, qui, certes, concernent plus spécifiquement les actions de groupe contre les discriminations. Il est demandé que la condition de durée d’existence pour les associations souhaitant engager une action de groupe soit raccourcie de cinq ans à trois ans, afin de ne pas créer « des monopoles de fait au bénéfice de quelques associations, sans contrepartie tangible pour les requérants ».

Tel est le sens de notre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement tend à étendre le champ des personnes ayant qualité à agir dans le cadre d’une action de groupe. Il est proposé de rétablir la compétence générale à agir des syndicats, que la commission avait supprimée, considérant que les syndicats ont vocation à agir en matière d’emploi seulement.

Pourquoi devrait-on y faire référence dans le socle commun, qui, lui, est d’application générale ? Les syndicats pourront tout à fait intervenir dans le cadre d’une action de groupe en discrimination sur les problèmes d’emploi. En revanche, rien ne justifie leur inscription dans le socle commun.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’avis du Gouvernement est également défavorable, mais pour d’autres raisons.

Cet amendement a trois objets. Il vise à rétablir les syndicats comme personnes morales ayant qualité à agir, à faire figurer les associations ayant trois ans d’existence dans le socle commun et à y ajouter les organismes reconnus d’utilité publique.

D’abord, le Gouvernement présentera dans très peu de temps un amendement visant à rétablir les organisations syndicales dans la liste des personnes morales autorisées à agir.

Ensuite, le droit et l’usage consistent à reconnaître les associations justifiant d’au moins cinq ans d’existence et dont l’objet statutaire correspond, bien entendu, à l’activité concernée.

Enfin, nous ne voyons pas l’utilité de considérer les organismes reconnus d’utilité publique – pour nous, il s’agit principalement des mutuelles –, en tant que personnes morales ayant qualité à agir dans un tel cadre.

Pour ces raisons, j’aurais volontiers sollicité le retrait de cet amendement. Mais je connais votre pugnacité et votre réticence à retirer vos amendements, madame la sénatrice. (Sourires.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est donc contraint d’émettre un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Madame Cukierman, l'amendement n° 148 est-il maintenu ?

Mme Cécile Cukierman. Oui, je le maintiens, madame la présidente. Mme la garde des sceaux avait vu juste ! (Nouveaux sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 148.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 72 rectifié, présenté par Mme Gruny, MM. Retailleau, Kennel et Trillard, Mme Hummel, MM. Commeinhes et Lefèvre, Mmes Micouleau et Deromedi, MM. Laufoaulu, Bizet, Gilles et Doligé, Mmes Des Esgaulx et Cayeux, MM. Grand et Pellevat, Mme Canayer, M. Raison, Mme Di Folco, M. Buffet, Mme Mélot, M. Frassa, Mme Procaccia, MM. Chaize et Bouchet, Mmes Deroche et Giudicelli, M. Pierre, Mme Imbert, M. Mandelli, Mme Troendlé, M. Houel, Mme Morhet-Richaud, MM. Savin, Darnaud et Genest, Mme Lopez, MM. Vaspart, Chasseing et Vasselle, Mme Deseyne et M. Saugey, est ainsi libellé :

Remplacer les mots :

et les associations régulièrement déclarées depuis cinq ans au moins,

par les mots :

au niveau national

La parole est à M. Christophe-André Frassa.

M. Christophe-André Frassa. Cet amendement a pour objet de limiter la qualité pour agir aux seules associations reconnues d’utilité publique et aux associations représentatives agréées au niveau national.

En réalité, il s’agit d’établir un parallélisme des formes avec les dispositions prévues dans la loi relative à la consommation pour les actions de groupe.

L’un des travers les plus couramment dénoncés concerne la multiplication des class actions, qui peuvent être introduites de manière abusive ou à des fins de déstabilisation.

Or la rédaction actuelle de l’article 21 permet aux associations dont l’activité est régulièrement déclarée depuis au moins cinq années de figurer dans la liste des associations autorisées à introduire une action de groupe.

Cet amendement vise donc à encadrer cette possibilité et à la limiter aux seules associations reconnues au niveau national.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 272, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Amendement n° 72 rectifié

1° Alinéa 2

Au début, insérer le mot :

agréées

2° Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

titulaires d'un agrément national reconnaissant leur expérience et leur représentativité

La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Détraigne, rapporteur. Ce sous-amendement vise à préciser les critères sur lesquels l'attribution de l'agrément national aux associations ayant qualité à agir dans le cadre d'une action de groupe doit reposer, la définition des modalités d'attribution de l'agrément relevant du pouvoir réglementaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 272.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.

Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 39 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l’adoption 201
Contre 141

Le Sénat a adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 72 rectifié, modifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 73 rectifié, présenté par Mme Gruny, MM. Retailleau, Kennel et Trillard, Mme Hummel, MM. Commeinhes et Lefèvre, Mmes Micouleau et Deromedi, MM. Laufoaulu, Bizet, Gilles et Doligé, Mmes Des Esgaulx et Cayeux, MM. Grand et Pellevat, Mme Canayer, M. Raison, Mme Di Folco, M. Buffet, Mme Mélot, M. Frassa, Mme Procaccia, MM. Chaize et Bouchet, Mmes Deroche et Giudicelli, M. Pierre, Mme Imbert, M. Mandelli, Mme Troendlé, M. Houel, Mme Morhet-Richaud, MM. Savin, Darnaud et Genest, Mme Lopez, MM. Vaspart et Vasselle, Mme Deseyne et M. Saugey, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Lorsque plusieurs associations introduisent une action portant sur les mêmes manquements, elles désignent l’une d’entre elles pour conduire celle qui résulte de la jonction de leurs différentes actions. À défaut, cette désignation est effectuée par le juge.

La parole est à M. Christophe-André Frassa.

M. Christophe-André Frassa. Cet amendement a pour objet de régler les situations dans lesquelles il existe une pluralité de demandeurs et de simplifier l’engagement de la procédure. Pour ce faire, il tend à désigner une seule association comme « chef de file » dans les procédures d’action de groupe. Cette désignation résulterait soit des associations elles-mêmes, soit du juge.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement vise à instaurer un chef de file en cas de concurrence entre requérants. Si le Sénat avait bien adopté un tel amendement lors de l’examen en première lecture de la loi relative à la consommation, il y a renoncé par la suite. Le fait que le juge soit sommé de désigner un requérant parmi les présents pour conduire l’action de groupe crée une difficulté : ce magistrat ne peut pas choisir ses parties sans manquer à son impartialité.

La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Outre que les auteurs de cet amendement demandent au juge de renoncer à son impartialité, des dispositions pour faire face aux situations évoquées sont déjà prévues en matière de procédure civile.

Ainsi, l’exception de connexité permet à une partie de demander à une juridiction de se dessaisir lorsque deux ou plusieurs actions ont été introduites et qu’il convient d’en retenir une seule pour la bonne marche de la justice. Le juge dispose également de la possibilité de surseoir à statuer lorsqu’il a connaissance qu’une procédure a été engagée sur la même affaire.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, des mécanismes existent déjà. Votre préoccupation est donc satisfaite.

Mme la présidente. Monsieur Frassa, l'amendement n° 73 rectifié est-il maintenu ?

M. Christophe-André Frassa. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 73 rectifié est retiré.

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 205, présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Peuvent agir aux mêmes fins les syndicats professionnels représentatifs au sens des articles L. 2122-1, L. 2122-5 ou L. 2122-9 du code du travail ou du III de l’article 8 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ou les syndicats représentatifs de magistrats de l’ordre judiciaire dans le cadre de leur objet statutaire ou de leur mission syndicale.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. L’article 21 du projet de loi a pour objet de définir les catégories de personnes ayant, seules, qualité à agir dans le cadre de l’action de groupe.

Cette limitation des demandeurs potentiels – je tiens à insister sur ce point – est conforme au modèle français de l’action de groupe, qui se distingue d’un certain nombre de modèles en vigueur dans d’autres pays. Nous revendiquons cette spécificité !

Notre modèle de l’action de groupe prévoit un filtre de demandeurs qualifiés. Il s’agit d’éviter l’engagement abusif d’actions, qui serait susceptible de déstabiliser des personnes mises en cause.

Parmi les trois catégories de personnes ayant qualité pour agir figuraient les syndicats professionnels représentatifs, au niveau de l’entreprise et de la branche comme au niveau national, mais également les syndicats de fonctionnaires et les syndicats représentatifs des magistrats de l’ordre judiciaire.

Or la commission des lois a, pour des raisons que je n’ai toujours pas comprises, supprimé les syndicats comme titulaires généraux d’une qualité à agir en matière d’action de groupe, indépendamment du sujet traité.

Notre amendement est extrêmement similaire à celui de Mme la garde des sceaux, ce qui prouve une convergence de vues.

M. Jacques Mézard. Cela n’a rien de surprenant !

M. Jean-Pierre Sueur. En effet, monsieur Mézard. Mais je revendique hautement cette convergence de vues. Pour nous, les syndicats doivent pouvoir agir dans le cadre d’une action de groupe.

Toutefois, nous avons ajouté une précision très importante, en indiquant que cette possibilité était limitée à leur « mission syndicale » ou à leur « objet statutaire ». Les syndicats ne disposeront donc pas d’une compétence générale, mais ils pourront agir dans un cadre précis, délimité par leur mission et leur objet statutaire.

Mme la présidente. L'amendement n° 280, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Peuvent agir aux mêmes fins les syndicats professionnels représentatifs au sens des articles L. 2122-1, L. 2122-5 ou L. 2122-9 du code du travail ou du III de l’article 8 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ou les syndicats représentatifs de magistrats de l’ordre judiciaire.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement vise à répondre aux préoccupations que Mme Cukierman a exprimées tout à l’heure en présentant un amendement et à celles que M. Sueur vient de rappeler. Nous souhaitons effectivement rétablir les organisations syndicales parmi les personnes ayant qualité pour agir.

Toutefois, il ne nous semble pas nécessaire de préciser que les syndicats pourront agir « dans le cadre de leur objet statutaire ou de leur mission syndicale », comme M. Sueur le propose.

Je souhaite répondre à ce qu’indiquait tout à l’heure M. le rapporteur. Il y a bien lieu de permettre aux organisations syndicales d’agir. Elles sont tenues par leur statut, conformément au principe de spécialité, qui entend le respect de l’objet statutaire et du public pour lequel elles sont habilitées à agir.

Nous avons la faiblesse d’avoir une préférence pour l’amendement du Gouvernement. Nous suggérons donc à M. Sueur de retirer le sein, afin de laisser prospérer le nôtre.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, rapporteur. Mme la ministre et notre collègue Jean-Pierre Sueur l’ont tous deux souligné : les syndicats ont vocation à agir dans le cadre d’une action de groupe seulement en matière de droit du travail.

Je ne comprends donc pas pourquoi il faudrait les mentionner dans un article sur l’action de groupe en général. Oui, ils ont toute légitimité à agir en matière d’emploi ; mais uniquement dans ce cadre-là !

La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 205 et 280.

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le rapporteur, je ne vois pas aujourd’hui qui serait en mesure d’exclure absolument toute situation éventuelle dans laquelle des syndicats auraient des raisons d’agir sur des discriminations en général.

Par ailleurs, le texte ne présente aucun risque d’abus. L’action des syndicats est limitée à leur objet statutaire, eu égard au principe de spécialité.

Dès lors, en l’absence de tout risque d’abus, pourquoi empêcher les syndicats d’agir si, exceptionnellement, une situation où ils seraient fondés à le faire se présentait.

Encore une fois, il me paraît juste de reconnaître la qualité pour agir aux organisations syndicales.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Détraigne, rapporteur. Nous débattons actuellement du socle commun ; j’y insiste.

Rien n’empêchera de préciser que les syndicats peuvent évidemment engager une action de groupe liée aux conflits du travail lors de l’examen d’un texte portant spécifiquement sur ces problématiques. Mais je ne pense pas qu’il y ait lieu de les mentionner dans des dispositions relatives au socle commun.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. L’amendement du Gouvernement me semble mieux rédigé que celui de notre excellent collègue Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est objectivement vrai !

M. Jacques Mézard. Comme d’habitude, monsieur Sueur ! Mais je suis heureux que vous le reconnaissiez ; cela constitue un progrès considérable ! (Sourires.) Vous proposez d’ajouter « ou de leur mission syndicale ». Mais il y a un objet statutaire ; un point, c’est tout !

Je souhaite interroger les auteurs de ces deux amendements. Pourquoi souhaitent-ils mentionner les « syndicats représentatifs de magistrats de l’ordre judiciaire » ? Dans ce qui constitue un élargissement relativement important, c’est bien cet ajout qui risque de poser problème. Voilà qui me rend très circonspect sur ces deux amendements !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Il faut s’entendre sur les fonctions des syndicats.

M. le rapporteur a limité leur mission à l’emploi. Mais non ! Leur mission englobe tout ce qui a trait à la défense des intérêts des salariés. Il arrive donc fréquemment que ces organisations interviennent sur des questions relatives aux salaires, au statut, aux conditions de travail ou à l’environnement.

Les syndicats sont des acteurs sociaux à part entière ! N’ayons pas au regard de ces dispositions une interprétation restrictive de leurs missions !

M. Mézard a souhaité savoir pourquoi les syndicats de magistrats étaient mentionnés.

D’aucuns pourraient effectivement considérer que cela va de soi. Simplement, l’un de nos collègues, qui a par ailleurs été nommé rapporteur sur un texte relatif à la déontologie, a plaidé en commission et probablement aussi en séance pour la suppression pure et simple des syndicats des magistrats. Nous sommes en total désaccord sur ce sujet. Il n’était donc peut-être pas inutile d’ajouter une telle précision !

Je retire mon amendement au profit de celui du Gouvernement, comme j’y ai été invité, en insistant sur le fait que la mission des syndicats n’a pas, à nos yeux, de caractère restrictif ; elle concerne tout ce qui est afférent aux salariés dans leur qualité de salarié. Et les explications que Mme la garde des sceaux a fournies dans notre débat feront foi lorsque la justice s’interrogera sur l’interprétation de la présente loi

Mme la présidente. L'amendement n° 205 est retiré.

La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote sur l’amendement n° 280.

M. Marc Laménie. Notre collègue Jean-Pierre Sueur a défendu ses positions avec beaucoup de passion et de compétence.

Le débat sur les missions des syndicats renvoie à celui sur le code du travail, sujet éminemment complexe.

Pour ma part, je fais confiance à nos collègues de la commission des lois et je me rallie aux arguments de M. le rapporteur.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 280.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 204, présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard, Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Peuvent agir aux mêmes fins les organismes reconnus d’utilité publique.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. La rédaction actuelle de l’article 21 prévoit que l’action de groupe est ouverte aux « associations agréées » et à celles dont l’objet statutaire « comporte la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte ». Certains organismes n’ayant pas le statut d’association seraient donc dans l’impossibilité d’engager des actions de groupe.

Nous pensons qu’il faut faire une exception, comme l’a suggéré Mme Cukierman en présentant un amendement, pour les organismes de la mutualité, à l’instar de la Fédération nationale de la mutualité française.

Nous connaissons tous le mouvement mutualiste, son sérieux et son poids dans la vie sociale ! Il semble vraiment nécessaire que la Fédération nationale de la mutualité française et d’autres organismes mutualistes puissent intervenir dans le cadre de l’action de groupe, afin de défendre les intérêts des mutuelles adhérentes et des mutualistes eux-mêmes.

À titre d’illustration, une telle faculté aurait pu être mobilisée dans le cadre du dossier du Médiator. Vous connaissez les grands progrès que l’action de groupe apporte, mes chers collègues. Elle garantit un regroupement et évite la multiplication d’actions individuelles, qui peuvent se compter en centaines, voire en milliers.

Nous proposons donc d’étendre la faculté d’engager des actions de groupe aux organismes reconnus d’utilité publique comme les mutuelles.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, rapporteur. Des organismes d’utilité publique, il en existe dans de multiples domaines ! Je ne sais pas évaluer le risque qu'il y aurait à leur reconnaître cette qualité à agir. En plus, les domaines susceptibles d’être concernés par une action de groupe sont, eux aussi, multiples.

L’adoption d’un tel amendement aurait pour effet d’ouvrir un champ sans limites. La commission ne peut donc pas y être favorable !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le débat est intéressant.

Nous avons vu tout à l’heure qu’il était raisonnable de reconnaître la qualité à agir aux syndicats, les risques de dérive étaient totalement circonscrits, voire nuls, en raison de l’objet statutaire de ces organisations et du principe de spécialité.

J’avais d’abord envisagé d’émettre un avis défavorable sur cet amendement. Mais, à la réflexion, je préfère m’en remettre à la sagesse du Sénat.

Certes, si je considère juste et fondé juridiquement de permettre aux syndicats, qui sont contraints par leur statut, d’engager une action de groupe, je ne suis pas forcément convaincue de la nécessité d'accorder la même possibilité aux organismes reconnus d’utilité publique.

Toutefois, la décision de la commission de retirer cette qualité à agir aux syndicats peut, je le crains, aboutir à limiter indûment la possibilité d’engager de telles actions.

Apparemment, il y a une ambiguïté. Certains semblent croire que l’engagement d’actions de groupe s’exercera de manière fantaisiste. Mais ce ne sera pas le cas ! Un contrôle sera exercé sur les personnes auxquelles le législateur aura reconnu la qualité à agir. Les juridictions ne seront donc pas submergées de procédures farfelues.

C’est pour cela qu’il ne me paraît pas souhaitable de retirer inconsidérément la qualité à agir.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.