M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, voilà un exemple typique des conditions dans lesquelles la loi est débattue et votée au Parlement !

Nous en avons une nouvelle preuve aujourd’hui : l’utilisation à tout-va de la procédure accélérée ne permet pas aux différents acteurs de la fabrique du droit de s’assurer que des erreurs ou des oublis, parfois d’importance, n’ont pas été commis.

Nous avons donc pris l’habitude de revenir régulièrement sur les lois dont l’examen est à peine achevé, leurs conséquences, notamment économiques ou financières, n’ayant pas été bien mesurées.

La réforme de la dotation globale de fonctionnement, faite d’annonces parfois contradictoires, prend le même chemin. Ses conséquences sur le quotidien des petites communes sont encore mal évaluées. Il y a un vrai risque à confondre vitesse et précipitation. L’annonce, cette semaine, d’un report me semble plus sage.

L’attention à la qualité de la loi et de la réforme doit être encore plus grande en matière pénale, dans le respect du principe de l’égalité des peines. Dans ce domaine en particulier, le législateur ne doit point frapper sans avertir.

L’ironie est aujourd’hui à son comble ! C’est la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique qui a permis au trésorier d’un parti de taille importante d’échapper à des poursuites, en raison d’une malfaçon législative, comme l’a souligné l’auteur de la proposition de loi.

Les partis politiques reçoivent une aide publique de la part de l’État. Cela constitue leur principale source de financement et dépend des résultats aux élections. En contrepartie, les dons des autres personnes morales sont interdits, afin d’éviter les financements occultes et les pressions financières susceptibles de compromettre leur indépendance. C’est une garantie démocratique.

Cette exigence fonde le système français de financement des partis et des campagnes électorales, qui est particulièrement exigeant et vertueux. Il faut qu’il le reste, du moins tant que les partis politiques existeront sous leur forme actuelle, certains annonçant leur disparition prochaine.

Pour ma part, j’appartiens au plus ancien parti politique encore en activité, un parti qui entend bien repousser encore longtemps le moment de sa fin de vie. (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Jean-Claude Requier. Nous avons résisté à plusieurs tentatives de « sédation profonde et continue » et nous sommes toujours là ! (Nouveaux sourires.)

Mme Éliane Assassi. Vous n’êtes pas les seuls !

M. Jean-Claude Requier. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe du RDSE apportera son soutien unanime à cette proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Sueur, qui corrige une malencontreuse erreur. Nous espérons être imités par l’ensemble des membres de notre Haute Assemblée ! (Applaudissements.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Bravo !

M. Michel Delebarre, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, à ce stade de la discussion, tout ou presque a déjà été dit.

Nous sommes dans un cas de rustine législative. Soit : « rustinons » ! L’ensemble de l’UDI-UC votera cette proposition de loi. Le suspense est donc levé.

Il est clair que, de l’affaire Cahuzac à l’affaire Bygmalion, politique et argent font plutôt mauvais ménage. Je pense qu’un débat approfondi est nécessaire sur ces questions ; notre collègue Esther Benbassa a évoqué le « tous pourris ». Aujourd'hui, chaque fois qu’une affaire touchant la politique et l’argent apparaît, c’est Marine Le Pen qui encaisse cash ! Les partis républicains ne peuvent pas s’y résoudre. (Mme Éliane Assassi acquiesce.)

Je souhaite aborder un autre problème lié aux textes sur le financement des partis et la vie politique en général. La longueur des procédures crée un sentiment d’impunité incompréhensible pour le citoyen, pour qui il n’est pas admissible que des personnes poursuivies depuis longtemps, dans des procédures multiples, continuent à siéger dans nos hémicycles.

Je ne tiens pas à « laver plus blanc que blanc » ou à faire en sorte que les poissons n'aient plus rien à manger. J’estime simplement qu’un certain nombre de dispositifs doivent être mis en place pour permettre à la parole publique et politique de retrouver ses droits et sa place dans la République. Sinon, ce sont les partis non démocratiques qui prennent le pas.

Nous devrions donc faire un effort de réflexion pour améliorer les dispositifs dans le cadre de l’État de droit, de la transparence et du respect des procédures. De ce point de vue, les règlements de nos assemblées respectives devraient pouvoir être perfectionnés.

Enfin, je crois que nous gagnerions à travailler non pas ex post, mais ex ante. Autrement dit, au lieu de réagir à des événements comme l’affaire Cahuzac, qui a créé un tsunami dont nous aurons du mal à nous remettre, il serait préférable d’anticiper les difficultés. Nous les connaissons ; notre collègue Éric Bocquet, notamment, travaille avec beaucoup de talent sur ces questions. Ne nous contentons pas d’être tout le temps dans la réaction ; agissons ex ante !

Je souhaite que nous engagions une réflexion sereine et complète, en particulier sur des dispositifs procéduraux nous permettant, dans le cadre de l’État de droit, de donner aux citoyens le sentiment que nous ne sommes pas exclus du dispositif pénal et que nous ne siégeons pas en toute impunité.

Au demeurant, il faudra peut-être discuter de l’immunité parlementaire. Je ne suis pas sûre que ce soit encore une bonne chose aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains, du RDSE et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les sénatrices et les sénateurs du groupe CRC approuveront évidemment le rétablissement de la pénalisation du financement d’un parti politique par une personne morale, qui constitue l’un des socles de la législation nouvelle organisant le financement de la vie politique engagée depuis 1988.

Le financement des partis et des campagnes électorales par des personnes morales, de droit privé en particulier, fut alors considéré comme un élément pervertissant profondément notre système politique.

Il est donc urgent de rétablir au plus vite les diverses dispositions d’adaptation du droit de l’Union européenne censurées par le Conseil constitutionnel. Le cavalier législatif - ce n’était pas le seul ! - dans ce texte était bien trop visible.

Cependant, notre court débat doit, me semble-t-il, être l’occasion d’examiner comment une erreur aussi « grossière » a pu se glisser dans un texte législatif sur un sujet si sensible.

La grande compétence et le souci du détail de notre collègue Jean-Pierre Sueur ne peuvent pas être en cause. La qualité des services du Sénat, la formation et la haute technicité des administrateurs et du personnel des commissions de notre Haute Assemblée sont reconnues en France,…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Et à l’étranger !

Mme Éliane Assassi. … et au-delà de nos frontières.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’était bien de le dire !

Mme Éliane Assassi. Les services du Gouvernement, qui, si je ne m’abuse, examinent les amendements, ont également de grandes qualités. L’ensemble des sénatrices et des sénateurs, les collaboratrices et les collaborateurs n’ont pas pu être aussi clairvoyants.

La responsabilité est donc ailleurs. Comme cela a été souligné avec force par Jean-Pierre Sueur, la source d’une telle erreur réside dans l’inflation législative et la multiplication des procédures accélérées qui en découle, précipitant les débats et limitant la navette.

Le débat est d’autant plus intéressant qu’il intervient à un moment de notre histoire parlementaire où l’obsession de beaucoup est l’accélération des débats, le combat contre la « lenteur législative » qu’évoque le Président de la République lui-même. La force du Parlement français, le rôle particulier du Sénat dans ce cadre, c’est son excellence juridique. Devra-t-on bientôt en parler au passé ?

Dans de nombreux débats, lors de la récente discussion sur la modification du règlement du Sénat, avec les membres de mon groupe, nous nous sommes sentis bien seuls pour rappeler ce qui apparaît aujourd’hui comme une évidence : il faut bien faire la loi, pour qu’elle soit intelligible, appliquée, fondée juridiquement et politiquement !

Prendre le temps du débat, ce n’est pas une fantaisie de parlementariste invétérée ; c’est l’affirmation d’un sens aigu des responsabilités !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je suis tout à fait d’accord !

Mme Éliane Assassi. La défense des droits du Parlement, du droit d’amendement et du droit au débat est un souci constant de mon groupe.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est un cas d’école. Je comprends la gêne qui entoure ce débat : la précipitation a permis, par exemple, à un parti politique particulièrement donneur de leçons d’échapper à une juste sanction pour financement illicite avéré. Je comprends également la gêne lorsque la responsabilité de cette grave situation est à chercher dans l’abaissement du rôle du Parlement, réduit à celui d’une chambre d’enregistrement en accéléré.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, malgré ces quelques remarques, nous voterons en faveur de la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et républicain et du RDSE. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Alain Richard.

M. Alain Richard. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes tous attentifs à conclure ce débat dans un délai raisonnable ; je ne saurais donc le prolonger abusivement. Simplement, une fois nos arguments échangés, notre convergence sur le rattrapage de la malfaçon législative et sur les conséquences généralement souhaitables de l’application stricte de la loi pénale établie, nous avons quelques conclusions plus larges à en tirer.

Plusieurs intervenants sont revenus sur les méthodes de préparation de nos textes législatifs. Bien sûr, la question du temps qui peut y être consacré et du dialogue entre les Chambres revient.

Je voudrais en introduire une autre, une petite campagne personnelle que je développe dans cette maison, généralement dans les salles de travail, mais que j’ai l’occasion d’évoquer à la tribune. Puisque nous écrivons la loi, si nous travaillions sur un document comparatif entre le texte initial et le texte que nous allons adopter, ce qui me semble être un élément fondamental dans la préparation de tout texte législatif, les erreurs telles que celle que nous nous apprêtons à réparer auraient beaucoup moins de risques de se produire. Or nous n’utilisons jamais les comparatifs en séance, ni même en commission. Je continue donc à enfoncer le clou, en espérant que cela soit un jour suivi d’effet…

Permettez-moi d’élargir quelque peu le questionnement. Nous sommes sous l’empire de l’article 4 de la Constitution indiquant que les partis politiques « se forment et exercent leur activité librement ». L’article 72 de la Constitution précise bien que la libre administration des collectivités territoriales s’exerce dans les conditions prévues par la loi, mais une telle mention ne figure pas à l’article 4. Nous avons donc une incertitude.

Depuis 1958, la tradition républicaine veut qu’on ne légifère pas sur les partis politiques.

En outre, jusqu’à une époque récente, de mauvaises raisons étaient avancées pour ne pas légiférer. L’État de droit interne de nos formations politiques qui existait en général – c’est, me semble-t-il, assez œcuménique – nous dissuadait en quelque sorte d’ouvrir la boîte de Pandore. Une partie importante de ces mauvaises raisons a disparu. Ceux qui ont une certaine ancienneté dans la vie politique peuvent comparer la situation prévalant voilà quarante ans avec la situation actuelle : elle est favorable. Il n’empêche que nous avons ce sentiment, plus ou moins partagé, d’être dans l’impossibilité de légiférer sur les partis politiques.

De plus, nous nous trouvons aujourd'hui face à une belle contradiction dans la mesure où la loi du 11 mars 1988, dans ses multiples versions – elle a été modifiée à cinq reprises ! –, énonce des dispositions très détaillées, en principe uniquement pour des motifs de transparence financière, mais, en réalité, pour encadrer de façon très stricte la vie interne de nos formations politiques, alors même que les principes de base relatifs à l’organisation du parti échappent, quant à eux, à tout texte et sont toujours dans des limbes juridiques.

Cette situation a créé des angles morts, dont celui qui se trouve au centre de notre débat : il est interdit à toute personne physique de verser deux fois 7 500 euros à un parti politique. Toutefois, rien dans la loi, ni d’ailleurs dans le décret en Conseil d’État qui en est l’application, ne conduit aujourd'hui un parti politique à déclarer à une autorité centrale, qui serait évidemment la Commission nationale des comptes de campagne et de financements politiques, le montant des dons reçus des personnes physiques, alors même qu’un reçu est délivré à ces dernières, si bien que la probabilité de constater effectivement l’infraction du double ou du quintuple versement est quasi nulle.

Je suis tombé, par les hasards de la vie politique, sur une autre disposition qui n’est pas sans poser de problème.

Lorsque des candidats libres non présentés par un parti politique s’ajoutent à ceux qui ont déclaré s’y rattacher pour respecter l’application de la loi sur le financement des partis politiques, ils peuvent parfaitement – j’en parle savamment, car le parti socialiste a connu cette situation en 2012 – déséquilibrer la répartition entre les hommes et les femmes, puisque celle-ci se fonde non pas sur les candidats présentés statutairement par le parti, mais sur ceux ayant déclaré se rattacher audit parti ou à son association de financement pour ce qui concerne la collecte des fonds liés aux résultats des suffrages obtenus au premier tour.

Il est impossible à un parti politique – personne n’a la qualité légale pour le faire – de refuser le rattachement de M. Dupond au motif qu’il déséquilibrerait la répartition paritaire. Or, en l’occurrence, notre parti a subi une pénalisation financière, alors que nos dispositions statutaires internes permettent de respecter la loi.

J’ajoute que, dans ce flou juridique, intervient aussi la justice civile, qui est saisie par le plaignant, par celui qui a des raisons de chercher des histoires, lorsque de petits litiges, plus ou moins sympathiques, si je puis dire, s’élèvent à l’intérieur de nos partis. La justice civile se retrouve à régir le droit interne de nos partis, considérés comme des associations de droit ou de fait, et est donc conduite à énoncer des formes de jurisprudence dont nous devons tenir compte.

Il me semble que cet incident législatif regrettable, mais heureusement limité – nous allons le régler ! – doit nous inciter à poursuivre une réflexion partagée entre les représentants des différents partis politiques. C’est d’ailleurs ainsi que cela se passe dans tous les pays civilisés.

J’ai été indirectement témoin de la manière dont les partis politiques européens se sont entendus pour proposer aux institutions européennes une législation adéquate sur les partis politiques de l’Union européenne. À mon avis, il n’est pas trop tard pour que nous commencions à nous parler. Ayons des échanges pragmatiques sur ces sujets et essayons de nous accorder sur les règles de base qui devraient régir les formations politiques en démocratie !

Parfois, à quelque chose malheur est bon. L’erreur que nous réparons ici nous permettra peut-être de réfléchir de manière plus approfondie à notre propre situation. (Applaudissements.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

PROPOSITION DE LOI VISANT À PÉNALISER L’ACCEPTATION PAR UN PARTI POLITIQUE D’UN FINANCEMENT PAR UNE PERSONNE MORALE

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à pénaliser l'acceptation par un parti politique d'un financement par une personne morale
Article 2 (nouveau) (début)

Article 1er

L’article 11-5 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique est ainsi modifié :

1° (nouveau) Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Après le mot : « à », sont insérés les mots : « un ou » ;

b) Après le mot « emprisonnement », la fin de l’alinéa est supprimée ;

2° Le second alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Les mêmes peines sont applicables au bénéficiaire de dons consentis :

« 1° Par une même personne physique à un seul parti politique en violation du même article 11-4 ;

« 2° Par une personne morale en violation dudit article 11-4 ;

« 3° Par un État étranger ou une personne morale de droit étranger en violation du même article 11-4. »

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Delebarre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 7

après le mot :

violation

insérer les mots :

du premier alinéa

II. – Alinéa 8

après le mot :

violation

insérer les mots :

du troisième alinéa

III. – Alinéa 9

après le mot :

violation

insérer les mots :

du sixième alinéa

La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Delebarre, rapporteur. Cet amendement de précision, somme toute assez banal, qui porte sur les alinéas 7, 8 et 9 de l’article 1er, vise à en modifier la rédaction, afin d’avoir un texte plus conforme à ce qui peut être souhaité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à cet amendement. Permettez-moi de saluer l’élégance avec laquelle M. le rapporteur a su présenter un amendement qui se décline de manière assez froide. (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à pénaliser l'acceptation par un parti politique d'un financement par une personne morale
Article 2 (nouveau) (fin)

Article 2 (nouveau)

La présente loi s’applique en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna. – (Adopté.)

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi visant à pénaliser l’acceptation par un parti politique d’un financement par une personne morale

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)

PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 2 (nouveau) (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à pénaliser l'acceptation par un parti politique d'un financement par une personne morale
 

10

Cérémonie d'hommage aux sénateurs et fonctionnaires du Sénat morts pour la France

Mme la présidente. Je vous informe que la cérémonie traditionnelle d’hommage aux sénateurs et fonctionnaires du Sénat morts pour la France aura lieu le mardi 10 novembre, à douze heures trente, en haut de l’escalier d’honneur, devant les plaques commémoratives.

11

Article 19 bis (nouveau) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de la justice du XXIème siècle
Article 20 (texte non modifié par la commission)

Justice du XXIe siècle

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle (projet n° 661 [2014-2015], texte de la commission n° 122, rapport n° 121).

Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.

Titre V (suite)

L’action de groupe

Chapitre Ier (suite)

L’action de groupe devant le juge judiciaire

Mme la présidente. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 20.

Section 1

Objet de l’action de groupe, qualité pour agir et introduction de l’instance

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de la justice du XXIème siècle
Article 21

Article 20

(Non modifié)

Lorsque plusieurs personnes, placées dans une situation similaire, subissent un dommage causé par une même personne, ayant pour cause commune un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles, une action de groupe peut être exercée en justice au vu des cas individuels présentés par le demandeur.

Cette action peut être exercée en vue soit de la cessation du manquement mentionné au premier alinéa, soit de l’engagement de la responsabilité de la personne ayant causé le dommage afin d’obtenir la réparation des préjudices subis, soit de ces deux fins.

Mme la présidente. L’amendement n° 94 rectifié, présenté par Mme Gruny, MM. Retailleau, Kennel et Trillard, Mme Hummel, MM. Commeinhes et Lefèvre, Mme Micouleau, MM. Laufoaulu, Bizet, Gilles et Doligé, Mmes Des Esgaulx et Cayeux, MM. Grand et Pellevat, Mme Canayer, M. Lenoir, Mme Di Folco, M. Buffet, Mme Procaccia, MM. Vaspart et Bouchet, Mmes Deroche et Mélot, M. Frassa, Mme Giudicelli, M. Pierre, Mme Imbert, M. Mandelli, Mme Troendlé, M. Houel, Mme Morhet-Richaud, MM. Savin, Darnaud et Genest, Mme Lopez, M. Vasselle, Mme Deseyne et M. Saugey, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.

Mme Patricia Morhet-Richaud. Le projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle instaure une procédure transversale d’action de groupe, dite « socle commun », susceptible de s’adapter à tous les types de contentieux auxquels le législateur choisira de l’ouvrir.

L’utilité d’une telle disposition, dont l’objectif affiché est d’apporter une clarification, n’est pas avérée, puisqu’une adaptation du socle sera nécessaire pour le faire fonctionner dans les différents domaines concernés. Cette mesure, qui ne débouchera pas sur un cadre clair et unique, ne se justifie donc pas.

En outre, il ne semble pas pertinent d’instituer un socle commun sans disposer d’un bilan de la mise en œuvre de l’action de groupe en droit de la consommation et de la concurrence. Cela créerait un risque très élevé d’insécurité juridique pour les entreprises.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Les travaux de la commission ont permis de préciser les dispositions du projet de loi relatives à l’action de groupe et d’instaurer des garanties.

D’ailleurs, hier soir, Mme Gruny a consenti à retirer ses amendements de suppression sur les deux articles précédents. Je vous suggère de suivre son exemple et de retirer cet amendement, ma chère collègue. À défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. L’avis du Gouvernement est également défavorable. Outre les raisons qui viennent d’être exposées par M. le rapporteur, nous ne saurions approuver la suppression d’un article qui forme la charpente du titre V du présent projet de loi.

Mme la présidente. Madame Morhet-Richaud, l’amendement n° 94 rectifié est-il maintenu ?

Mme Patricia Morhet-Richaud. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 94 rectifié est retiré.

L’amendement n° 69 rectifié, présenté par Mme Gruny, MM. Retailleau, Kennel et Trillard, Mme Hummel, MM. Commeinhes et Lefèvre, Mme Micouleau, MM. Laufoaulu, Bizet, Gilles et Doligé, Mmes Des Esgaulx et Cayeux, MM. Grand et Pellevat, Mme Canayer, M. Raison, Mme Di Folco, M. Buffet, Mme Mélot, M. Frassa, Mme Procaccia, MM. Chaize et Bouchet, Mmes Deroche et Giudicelli, M. Pierre, Mme Imbert, M. Mandelli, Mme Troendlé, M. Houel, Mme Morhet-Richaud, MM. Savin, Darnaud et Genest, Mme Lopez, M. Vasselle, Mme Deseyne et M. Saugey, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après le mot :

personnes

insérer le mot :

physiques

La parole est à M. Christophe-André Frassa.

M. Christophe-André Frassa. Il s’agit de réserver aux seules personnes physiques la possibilité d’agir selon la procédure d’action de groupe. Une telle précision, en apparence simple, est en réalité très importante.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, rapporteur. Cette précision est effectivement utile : l’action de groupe ne se justifie pas pour une personne morale.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il est hautement vraisemblable que les bénéficiaires des décisions rendues en matière d’action de groupe soient des personnes physiques, en leur qualité de sujets de droit. Mais il n’y a aucune raison d’exclure par principe les personnes morales.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Je comprends l’intention de nos collègues, pour qui l’action de groupe vise à protéger des personnes physiques.

Mais songeons, par exemple, à des artisans victimes de discrimination dans le cadre d’une recherche de sous-traitants. Ils peuvent exercer sous la forme de sociétés d’exercice libéral à responsabilité limitée ou d’autres petites sociétés, c’est-à-dire de personnes morales.

Par conséquent, une telle disposition est un peu dangereuse. En l’adoptant, nous exclurions certaines personnes morales auxquelles on ne pense pas nécessairement de prime abord, mais qui peuvent avoir besoin de recourir à une action de groupe. (Mme le garde des sceaux acquiesce.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 69 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 70 rectifié, présenté par Mme Gruny, MM. Retailleau, Kennel et Trillard, Mme Hummel, MM. Commeinhes et Lefèvre, Mme Micouleau, MM. Laufoaulu, Bizet, Gilles et Doligé, Mmes Des Esgaulx et Cayeux, MM. Grand et Pellevat, Mme Canayer, M. Raison, Mme Di Folco, M. Buffet, Mme Mélot, M. Frassa, Mme Procaccia, MM. Chaize et Bouchet, Mmes Deroche et Giudicelli, M. Pierre, Mme Imbert, M. Mandelli, Mme Troendlé, M. Houel, Mme Morhet-Richaud, MM. Savin, Darnaud et Genest, Mme Lopez, MM. Vaspart et Vasselle, Mme Deseyne et M. Saugey, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après le mot :

similaire

insérer les mots :

justifiant un traitement collectif

La parole est à M. Christophe-André Frassa.

M. Christophe-André Frassa. Il s’agit de préciser que l’action de groupe doit être justifiée par la nécessité d’un traitement collectif.

En effet, la justification de cette nouvelle procédure se fonde sur l’efficacité qu’elle permet dans le traitement des questions factuelles et juridiques communes à tous les membres du groupe. L’une des conditions de recevabilité de l’action doit donc être la preuve de l’existence d’un groupe et de sa consistance, afin de permettre au juge d’apprécier la pertinence du recours à une procédure dérogatoire au droit commun.

Notre amendement vise donc à clarifier cette exigence d’homogénéité, afin que seuls les litiges pour lesquels l’action de groupe est la procédure la plus efficiente puissent être introduits. (Mme Jacky Deromedi applaudit.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement est déjà satisfait.

L’action de groupe, qui s’adresse à des personnes lésées dans des situations similaires, se justifie par définition par la nécessité d’un traitement collectif.

La commission sollicite donc le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Par nature, l’action de groupe concerne des préjudices sériels. La notion d’intérêt commun garantit l'intérêt des victimes du même préjudice à agir collectivement.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Frassa, l’amendement n° 70 rectifié est-il maintenu ?

M. Christophe-André Frassa. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 70 rectifié est retiré.

L’amendement n° 71 rectifié, présenté par Mme Gruny, MM. Retailleau, Kennel et Trillard, Mme Hummel, MM. Commeinhes et Lefèvre, Mmes Micouleau et Deromedi, MM. Laufoaulu, Bizet, Gilles et Doligé, Mmes Des Esgaulx et Cayeux, MM. Grand et Pellevat, Mme Canayer, M. Raison, Mme Di Folco, M. Buffet, Mme Mélot, M. Frassa, Mme Procaccia, MM. Chaize et Bouchet, Mmes Deroche et Giudicelli, M. Pierre, Mme Imbert, M. Mandelli, Mme Troendlé, M. Houel, Mme Morhet-Richaud, MM. Savin, Darnaud et Genest, Mme Lopez, M. Vasselle, Mme Deseyne et M. Saugey, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

préjudices

insérer le mot :

individuels

La parole est à M. Christophe-André Frassa.