M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ce débat, qui n’est pas nouveau, est légitime dans la mesure où il s’agit de sommes importantes.

Je souhaiterais ajouter un mot à l’embryon de débat qui vient d’avoir lieu. Vous dites, monsieur Joyandet, que le CICE ne marche pas.

Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas vrai !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. La presse économique, qui n’appartient pas précisément à l’extrême gauche et n’est pas non plus un suppôt du Gouvernement, s’est pourtant récemment fait l’écho du succès de ce dispositif. Elle a ainsi expliqué que les entrepreneurs s’étaient approprié cet outil, dont on disait au départ qu’il était complexe, mais qui en fait est très simple.

M. Alain Joyandet. Si vous voulez que je puisse vous répondre, reprenez mes amendements !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ce n’est pas moi – vous l’avez dit vous-même – qui les ai déclarés irrecevables. La commission a simplement joué son rôle. Vous avez déclaré que nous refusions le débat... Quant à moi, je vous donne des éléments de réponse pour vous montrer que ce débat ne me fait pas peur.

Si vous me permettez un avis, les questions de la TVA sociale et du CICE n’ont rien à voir avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Mais ce n’est qu’un avis personnel, et loin de moi l’idée de me mêler du fonctionnement de votre assemblée, que je respecte.

Je le répète, le CICE est un outil qui donne des résultats et que les entreprises se sont approprié, à tel point qu’elles nous demandent de ne pas y toucher. La plus grande crainte des entrepreneurs que nous rencontrons est que nous le supprimions, et ils nous demandent d’en faire un élément durable de notre politique.

Je ne reviendrai pas, madame David, sur la question de l’opportunité des exonérations de charges, ou plutôt de cotisations sociales. Je répondrai, en revanche, à un propos que je ne peux pas partager : vous avez dit que ces exonérations feraient perdre des recettes à la sécurité sociale. Vous l’avez même écrit dans l’objet de votre amendement, et M. Desessard l’a également évoqué, en y insistant toutefois moins que vous.

Je l’ai dit dans mon intervention liminaire, et je le maintiens, ces exonérations de cotisations sociales sont entièrement compensées, et ce, justement, au bénéfice de la branche famille. En effet, cette branche assurait jusqu’à présent le paiement d’une partie significative, pour un montant d’ailleurs à peu près équivalent, des allocations logement. Cette partie, l’État la réintègre dans ses propres dépenses. Certes, on ne transfère pas de recettes à la branche, mais on l’allège de dépenses pour un montant équivalent, ou presque : pour « faire le compte », des dépenses moindres sont transférées sur d’autres dispositifs, notamment les tutelles, pour quelques centaines de millions d’euros.

Il n’y a donc pas de perte de recettes pour la sécurité sociale, et ces exonérations de cotisations ne portent pas atteinte à l’équilibre de son budget. Voilà pourquoi je ne peux pas accepter votre argument.

Chacun peut avoir son point de vue. J’observe néanmoins que des études récentes, y compris sur le plan européen, ont montré que l’écart du coût du travail entre la France et l’Allemagne, qui est un indicateur important, est à nouveau en train de se resserrer. Les courbes de ces pays en la matière, qui s’étaient croisées il y a quelques années, se rapprochent aujourd’hui, ce qui me semble être un facteur de compétitivité important.

Le Gouvernement, évidemment, n’est pas favorable à ces amendements de suppression.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Vous nous dites, monsieur le secrétaire d’État, que ces exonérations de cotisations sociales sont compensées. Or c’est un jeu de tuyauterie : au bout du bout, ce sont les contribuables, qui, par leurs impôts, paient à la place des entreprises.

Mme Nicole Bricq. C’est la nation qui paie !

Mme Annie David. Il s’agit donc d’un transfert de responsabilités : les entreprises se déresponsabilisent complètement de la politique sociale de ce pays, ce qui va tout à fait à l’encontre des fondements mêmes de notre protection sociale, telle qu’elle a été créée il y a soixante-dix ans. On a pourtant entendu des mots très forts à l’occasion de cet anniversaire...

Je vous rappelle que la sécurité sociale, à sa création, reposait sur le travail et les cotisations sociales. Les entreprises et les salariés contribuaient à la protection sociale grâce à ce salaire différé. C’est cela, la base de la protection sociale : on cotise selon ses moyens et l’on reçoit selon ses besoins.

Aujourd’hui, vous fichez tout cela par terre en transférant la responsabilité de l’une des deux parties. Car les salariés, pour leur part, continuent à contribuer par leurs cotisations sociales, non pas au financement des allocations familiales, certes, mais à celui de notre protection sociale. Ce sont les entreprises qui en sont dédouanées !

On est loin de la fameuse responsabilité sociale des entreprises, la RSE. On se demande d’ailleurs si elle a jamais existé... Je pense, pour ma part, qu’elle ne verra jamais le jour, en tout cas pas telle que nous la concevons.

Vous nous dites, monsieur le secrétaire d’État, qu’il n’y a pas de pertes pour la protection sociale... Je veux bien vous entendre, mais il n’empêche que le CICE constitue un transfert de responsabilité des entreprises, qui se dédouanent complètement de ce qui se passe dans leurs murs.

Nous verrons dans quelques heures, lorsque nous examinerons le budget de la branche AT-MP, ce qu’il en sera, là encore, de la responsabilité des entreprises.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Gabouty. Nous abordons, au travers de ces amendements, des sujets de fond.

Comme vous, monsieur Joyandet, plutôt qu’au CICE, ma préférence allait à la TVA compétitivité, dite aussi « anti-délocalisation », parce qu’il s’agissait d’une réforme structurelle et qu’elle avait, de ce fait, un caractère nettement plus durable.

Le CICE est plus fragile puisqu’il a une composante conjoncturelle, dans la mesure où il s’agit d’un crédit d’impôt. Néanmoins, ce dispositif marche, y compris dans les PME : dès la première quinzaine de janvier, une entreprise peut toucher la totalité de son CICE par l’intermédiaire de sa banque ou de la Banque publique d’investissement. La somme est alors débloquée dans un délai de quinze jours à trois semaines – j’en parle d’expérience.

Le CICE va donc dans la bonne direction. Il existe cependant, monsieur le secrétaire d’État, une ambiguïté entre le crédit d’impôt et la norme comptable, qui nous oblige à l’inscrire en déduction des charges sociales dans la présentation des bilans. C’est une ambiguïté de forme, pas de fond.

Sur ce sujet, à mes collègues qui n’en voient pas les effets, je répondrai que, dans toute entreprise – ou disons dans la plupart des entreprises, car je sais qu’il peut y avoir des dérives liées aux délocalisations fiscales de certains groupes, en particulier de grands groupes –, une diminution de charges se traduit par une augmentation de l’impôt sur les sociétés. C’est normal puisque cette déduction de charges augmente le résultat de l’entreprise. Quant à l’aspect compétitivité dont parlait M. le secrétaire d’État, une récente étude prouve effectivement que le taux horaire moyen de la France n’est plus qu’à un peu moins de 2 euros au-dessus de celui de l’Allemagne alors qu’il était auparavant nettement supérieur.

Si les effets produits ne sont pas à la hauteur des espérances, c’est aussi parce qu’il faut du temps à une entreprise pour reconstituer des marges lui permettant d’investir ; il faut également tenir compte d’une conjoncture peu favorable en matière de demande.

À mon avis, sans cette mesure, nous aurions eu moins d’investissements et probablement plus de suppressions d’emplois. Il ne faut donc pas regarder ce que nous avons en plus, mais ce que nous n’avons pas eu en moins, compte tenu d’un contexte relativement difficile.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Nous voterons contre ces amendements de suppression, qui sont une remise en cause radicale de la politique économique du Gouvernement. Celle-ci vise à restaurer la compétitivité de nos entreprises, notamment industrielles. Je croyais pourtant que le groupe CRC était attaché au sort de notre industrie…

Il est vrai que cette politique doit être évaluée. J’ai cité le travail de l’OFCE, l’Observatoire français des conjonctures économiques. Je pense également au comité de suivi du CICE, animé par France Stratégie, auquel je participe et qui a vu ses missions étendues par la loi au suivi et à l’évaluation de l’ensemble des aides publiques aux entreprises. Le Parlement a en effet voulu que cette évaluation soit confiée à une institution indépendante, qui associe des organisations syndicales, des organisations patronales et des représentants des administrations.

Une évaluation complète demande du temps. Il ne faut pas le regretter, car c’est un gage de sérieux. Il faut du temps pour réunir les données et pour qu’elles soient conformes entre l’administration fiscale – la DGFIP, la Direction générale des finances publiques – et les administrations de la sécurité sociale. C’est un travail remarquable qui a été accompli en un an.

Aujourd’hui, ces données sont stabilisées. Nous disposons donc d’une évaluation des mesures engagées. Et elle est bonne ! Il arrive même, madame David, que les entreprises augmentent les salaires. L’évolution salariale en 2014 est nettement supérieure à l’inflation, qui est quasiment nulle pour l’année dernière.

Cessons d’énoncer des contrevérités et de diaboliser les entreprises ! Nous avons besoin dans notre pays d’entreprises compétitives. Tel est l’objectif du Gouvernement.

Mme Annie David. C’est un transfert de responsabilités !

Mme Nicole Bricq. Je l’ai dit, c’est un effort que la nation, au travers du vote du Parlement, consent à l’égard des entreprises. À elles maintenant de se saisir des outils. Et elles s’en saisissent ! Je vous signale que leurs marges sont à peu près rétablies au niveau de ce qu’elles étaient avant la crise de 2008. Elles doivent maintenant investir. Des mesures prises en faveur du suramortissement dans la loi pour la croissance et l’activité devraient le leur permettre.

Je le répète, nous avons besoin des entreprises. La reprise n’arrivera pas d’un coup de baguette magique !

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Il y a vraiment confusion des genres.

Tout d’abord, parmi les entreprises, il y a les PME – dont nous avons parlé, madame Bricq, pour dire qu’elles connaissaient des difficultés –, et il y a les grands groupes.

Ensuite, je veux souligner que, en tant que législateur, nous sommes responsables. Quand des dispositifs sont mis en place, il nous faut donc vérifier qu’ils sont efficaces.

Par ailleurs, je suis élue d’une collectivité où l’on ne donne pas des moyens sans contrepartie. Or, ici, aucune contrepartie n’est exigée.

Vous affirmez que les choses vont bien avec le CICE.

Mme Nicole Bricq. Qu’elles vont mieux !

Mme Laurence Cohen. Allez dire ça aux millions de chômeurs !

Nous ne devons certainement pas avoir les mêmes lectures, car le rapport de septembre 2015 du comité de suivi du CICE a montré qu’il n’existait aucun lien direct entre les dispositifs intégrés du CICE et la création d’emplois, la formation et les investissements productifs.

Quand on parle des entreprises, puisque nous sommes dans le cadre du PLFSS, que dire des grands groupes pharmaceutiques comme Sanofi qui licencient à tout-va mais qui, pourtant, bénéficient des dispositifs mis en avant par le Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État nous dit que les entreprises demandent au Gouvernement de ne pas toucher au CICE. Moi, j’entends les salariés demander que l’on ne touche pas à leurs retraites ; cela n’empêche pourtant pas, chaque fois, de demander aux salariés de travailler plus longtemps pour gagner moins. N’ayez pas l’oreille sélective ! Regardez la réalité de la situation des Françaises et des Français !

Quand on veut faire des cadeaux aux entreprises, la moindre des choses est de voir si c’est efficace. Or, aujourd’hui, rien ne prouve que ce dispositif soit efficace.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Le problème n’est pas de faire des cadeaux aux entreprises, si ça évite des licenciements. Le problème, c’est qu’il s’agit de cadeaux indifférenciés. Si nous avions la possibilité de contrôler le CICE, cela pourrait être intéressant.

Mme Annie David. Ce serait aussi la moindre des choses !

M. Jean Desessard. Une partie est directement employée pour les salaires, mais une partie va aussi nourrir les dividendes des actionnaires et servir à faire grossir des profits qui finiront dans des paradis fiscaux.

M. Jean Desessard. La presse économique aurait mauvaise grâce de dire que le CICE n’est pas intéressant puisqu’elle partage l’idéologie des dirigeants : on attend la droite pour faire mieux, mais, en attendant, ce n’est pas si mal, on prend !

La question n’est donc pas de savoir si le CICE a créé des emplois – il serait tout de même aberrant qu’une partie de cette somme n’ait pas permis de créer des emplois ! –, mais si l’État, par des dotations aux collectivités locales, des subventions et des embauches directes, n’aurait pas pu embaucher plus de personnel, à l’hôpital, par exemple. C’est comme ça qu’il faut comparer. En tout cas, nous verrons bien si vous avez atteint votre cible et si les patrons vous en seront reconnaissants.

Mme Nicole Bricq. On ne leur demande pas d’être reconnaissants !

M. Jean Desessard. Vous avez eu raison de parler de baguette magique. Cet argent, il faut bien le prendre quelque part : soit dans les dépenses sociales, soit dans un autre budget. À moins qu’il n’y ait une caisse magique, une cagnotte ? Je ne vois pas sinon comment le Gouvernement peut prétendre diminuer les recettes sans toucher aux prestations sociales.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Je ferai trois brèves remarques.

Première remarque : en écoutant Mme Bricq, je constate que nous assistons à une petite révolution culturelle au sein du groupe socialiste.

M. Alain Vasselle. On s’intéresse enfin aux entreprises…

Mme Nicole Bricq. J’ai toujours pensé ça !

M. Alain Vasselle. … et l’on prend des mesures qui vont plutôt dans la bonne direction.

Je n’entrerai pas dans le débat polémique qu’a voulu engager M. Desessard sur les emplois publics et les emplois marchands. Comme l’a dit notre collègue du groupe UDI-UC, la démonstration est faite, à travers un certain nombre d’entreprises, que ce dispositif offre quelques retombées intéressantes.

Deuxième remarque : je partage la réflexion formulée par nos collègues du Front de gauche, en particulier par Mme David, sur le fait que le Parlement doit se saisir mieux qu’il ne le fait de sa mission d’évaluation et de contrôle des lois qu’il vote. Pour cela, il existe une mission d’évaluation et de contrôle, que préside notre collègue Cardoux, et les membres de la commission des finances ont également la possibilité de faire du contrôle sur pièces et sur place. En effet, il serait bon que l’on connaisse les retombées à la fois économiques et fiscales du CICE et du dispositif qui est en train d’être pris à travers cet article 7.

Enfin, troisième remarque : je rejoins les propos de Mme David, une fois n’est pas coutume, pour dire que Bercy persiste – ce n’est pas forcément le fait des ministres eux-mêmes – dans l’invention de tuyauteries qui conduisent chaque fois à de véritables usines à gaz, à l’image de ce qui s’est passé pour le FOREC. Les membres de la commission des affaires sociales s’en souviennent encore.

On crée là une nouvelle tuyauterie avec la branche famille pour financer la compensation d’allégements de cotisations. Ne pourrait-on trouver des dispositifs plus simples plutôt que d’entrer dans des systèmes très complexes dans lesquels on finit par se perdre. Les seuls à s’y retrouver sont peut-être les ministres, mais, à coup sûr, les techniciens du ministère des finances, qui prennent, je pense, un malin plaisir à nous proposer des montages de cette nature.

M. Jean Desessard. Eux-mêmes ne s’y retrouvent pas, puisqu’ils sont obligés de faire du rétropédalage !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je vais très modestement répondre à la dernière partie de votre intervention, monsieur le sénateur.

En l’occurrence, on ne crée pas de tuyauterie, bien au contraire. Quelle était la situation il y a deux ans ? C’était l’État qui payait les allocations de logement sociales, pour 4 milliards d’euros, et la branche famille qui payait les allocations de logement familiales, pour 4,7 milliards d’euros. Les APL, les aides personnalisées au logement, qui représentent donc grosso modo 9 milliards d’euros, étaient payées, pour moitié, par la branche famille et, pour moitié, par l’État. Reconnaissez que la situation était complexe. Ce n’était pas de la tuyauterie, mais voilà comment ce que l’on englobe généralement sous le vocable de « prestations logement » était payé.

Qu’avons-nous fait l’année dernière pour compenser la première étape du pacte de responsabilité et de solidarité ? Nous avons décidé que la moitié des APL, soit 4,5 milliards d’euros payés par la branche famille, seraient transférés à l’État. Cela a simplifié les choses, puisque les APL n’étaient plus que du ressort de l’État. Que fait-on cette année, dans la deuxième étape du pacte ? Le reste des prestations d’allocation logement familiale, soit 4,7 milliards d’euros, est pris en charge par l’État.

Partis d’un système qui était, reconnaissons-le, quelque peu complexe, nous nous retrouvons aujourd’hui dans la situation où c’est le budget de l’État qui, à lui seul, assume l’ensemble des prestations logement, qu’il s’agisse de logements privés ou d’HLM. Nous n’avons donc pas créé des tuyaux dans tous les sens, mais, au contraire, complètement simplifié le dispositif antérieur.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.

M. Jean Desessard. Ce sont décidément des amendements qui suscitent le débat !

Mme Laurence Cohen. C’est normal, c’est un débat important !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Le CICE ne mérite, à mon sens, ni excès d’indignité ni excès d’honneur.

À terme, ce crédit d’impôt aura un impact en matière d’emplois. Mme Bricq faisait allusion à la note de l’OFCE, qu’il faut lire de A à Z pour voir qu’elle prévoit plutôt, de 2014 à 2016, un effet récessif en raison du financement de ces 20 milliards d’euros.

Il n’en demeure pas moins que le CICE va dans le sens d’une meilleure compétitivité et d’un allégement du coût du travail, ce qu’il convient de pérenniser. On pourrait ainsi imaginer une « barémisation » qui reflète la vérité des prix, puisque, nous le savons, certaines charges peuvent être déduites ou amenuisées. Cela nous obligerait en outre à procéder ensuite à des aménagements structurels des dépenses.

M. le secrétaire d’État plaide contre les amendements de suppression. On peut lui reconnaître une certaine cohérence dans sa volonté de ne pas porter un coup de canif au contrat passé entre l’État et les entreprises, mais il faudra qu’il conserve cette position tout au long de l’examen de l’article 7. En effet, la cohérence voudrait qu’il n’accepte pas non plus de reporter un certain nombre d’allégements de charges du 1er janvier 2016 au 1er avril 2016.

Mme Nicole Bricq. Ça y est, on y vient !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je pose d’ores et déjà des jalons pour l’amendement n° 190 rectifié ter

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 216 et 370.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L'amendement n° 371, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article L. 241-6-1 du code de la sécurité sociale est abrogé.

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Cet amendement de repli vise à supprimer l’article du code de la sécurité sociale prévoyant des exonérations sur les bas et moyens salaires de cotisations relatives aux prestations familiales. Ces exonérations sont coûteuses pour l’État et le plus souvent inefficaces ; elles peuvent en outre se transformer en trappes à bas salaires. On me dit que cela ne serait pas vérifié dans les faits, mais demandez donc aux jeunes titulaires de licences ou de masters qui sont recrutés à des niveaux très bas de salaire, sans reconnaissance des qualifications !

En outre, de nombreux rapports, dont celui de la Cour des comptes de 2013, démontrent que ces dispositifs n’ont pas d’impact significatif sur l’emploi – c’est incontestable ! –, car ils sont mal ciblés, voire ne sont pas ciblés du tout.

Enfin, ces exonérations réduisent d’autant les recettes des organismes de sécurité sociale. Or on nous dit que les comptes sont contraints et qu’on a besoin de nouvelles recettes. Ces exonérations ne sont donc pas opportunes.

Le discours justifiant la baisse des cotisations patronales nous semble vraiment éculé ; il est utilisé depuis plus de vingt ans par les différents gouvernements. C’est donc une fuite en avant auquel on se livre dans le cadre du pacte de responsabilité.

Par ailleurs, on parle de compétitivité des entreprises, mais celle-ci dépasse largement la question du coût du travail. La délégation sénatoriale aux entreprises se déplace beaucoup pour écouter les chefs des très petites ou des moyennes entreprises, y compris industrielles. Or on y entend que les entreprises françaises souffrent d’abord de carnets de commandes déficients liés au manque de pouvoir d’achat et à la baisse des investissements des collectivités territoriales. On y fait également référence aux distorsions de concurrence, au travail détaché illégal, aux problèmes de formation, de recrutement, de délais de paiement – on est les champions du monde des donneurs d’ordre tardant à payer leurs sous-traitants. Enfin, on y parle des difficultés d’accès au crédit bancaire qu’éprouvent les entreprises pour financer l’innovation ou les besoins de trésorerie lorsqu’elles traversent une mauvaise passe.

Il y a donc bien des problèmes multiples de compétitivité, mais vous voulez absolument nous imposer une pensée unique, des solutions uniques.

M. Yves Daudigny. Mais non !

M. Dominique Watrin. Ainsi, de 20 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales il y a quelques années, on va passer à 41 milliards d’euros, sans que l’efficacité de ce dispositif ait été démontrée.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à supprimer les exonérations de cotisations relatives aux allocations familiales.

Monsieur Watrin, vous parlez de trappes à bas salaires. Or un revenu équivalent à 3,5 fois le SMIC correspond à environ 5 000 euros bruts mensuels – excusez du peu ! Il n’est donc plus question de bas salaires. Votre argument n’est pas recevable.

En outre, l’adoption de votre amendement se traduirait par une augmentation immédiate du coût du travail.

Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Même avis !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Gabouty. Nos collègues du groupe CRC soulèvent un certain nombre de griefs, mais, au fond, ils émettent toujours un peu la même critique.

Je comprends tout à fait leur position concernant l’optimisation ou la délocalisation fiscales pratiquée par certains groupes ; c’est en effet peut-être là que réside notre problème. En revanche, la création d’allégements de charges ou de crédits d’impôt à la carte serait complètement ingérable. On est bien obligé de prévoir quelque chose de relativement général, car il y a de grandes et de petites entreprises vertueuses.

En ce qui concerne les « cadeaux » aux entreprises qui ne jouent pas le jeu – puisque, finalement, ce sont celles-là que vous visez –, c'est-à-dire celles qui utilisent les crédits d’impôt ou les diminutions de charges dont elles bénéficient pour distribuer des dividendes, sachez tout de même que ce bénéfice distribué est assujetti à l’impôt sur les sociétés au taux de 33 %, au prélèvement libératoire au taux de 21 % et aux prélèvements sociaux au taux de 15,5 %, c'est-à-dire à des prélèvements obligatoires de 69,5 % au total. Les actionnaires gagnent donc, c’est vrai, 30 % ; je le reconnais, mais 70 % de l’aide apportée, si elle est distribuée sous forme de bénéfice, revient tout de même à l’État ou au système social.

Aussi, selon moi, les contreparties que vous voulez ne peuvent résider directement dans l’investissement ou l’emploi, qui sont forcément différés dans le temps. En revanche, vous pourriez suggérer que l’on crée, à titre exceptionnel, une surcote de l’impôt sur les sociétés pour les entreprises distribuant les aides reçues aux actionnaires. Voilà une proposition innovante que vous pourriez faire et qui pourrait se discuter ; elle serait en outre beaucoup plus cohérente avec les reproches que vous faites au dispositif.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Je suis d’accord avec M. Gabouty quand il dit que les entreprises ne sont pas toutes les mêmes : il y a les grosses et les petites. D’ailleurs, nous dénonçons le fait qu’une PME paie en moyenne 39 % d’impôt sur ses revenus alors qu’une grosse entreprise, en recourant à tout un système d’optimisation, n’en paie que 8 %. Trouvez-vous cela juste ?

Mme Annie David. Ce sont bien les PME qui maintiennent l’emploi en France, pour la plupart en tout cas, et ce sont bien les grands groupes qui bénéficient de tout ce système d’optimisation, y compris le CICE ou le crédit d’impôt recherche, et qui ne se gênent pas ensuite pour délocaliser quand ce n’est plus assez intéressant.

M. Jean-Marc Gabouty. Certains grands groupes !

Mme Annie David. Ils changent d’ailleurs même de localisation en France pour écumer tous les territoires de l’Hexagone. Nous en connaissons tous dans nos régions ; on leur fait des ponts d’or pour qu’ils viennent s’y installer, en faisant comme si on ne savait pas qu’ils arrivent d’une autre région, qu’ils quittent en laissant dans une situation dramatique les salariés et les collectivités qui avaient investi pour les accueillir. J’en parle d’autant plus facilement que, en ce moment, sur mon territoire, une « méga-entreprise » venue de Bretagne vient finalement de décider que la région Rhône-Alpes n’était plus assez bien et elle part, d’où un paquet de licenciements.

Ce sont ces entreprises-là qui bénéficient de toutes les mesures du Gouvernement. Nous demandons donc, au travers de nos amendements, que les entreprises qui respectent l’emploi, leurs salariés, la solidarité et le système de protection sociale de notre pays soient, à leur tour, respectées. Et faisons au contraire en sorte que celles qui ne respectent pas ce système ne bénéficient pas de tous ces cadeaux, qui ne font, à travers les dividendes, qu’engraisser les actionnaires ! Or les revenus financiers ne font rien pour l’emploi dans notre pays.

Voilà ce que nous essayons, par nos amendements, de défendre, peut-être avec des mots maladroits mais toujours avec la même idée : favoriser l’emploi et les entreprises qui permettent à celui-ci de rester dans notre pays.