M. Didier Guillaume. Bonne nouvelle !

M. Claude Raynal. Sur cette somme, 500 millions d’euros iront aux territoires ruraux, pour financer les projets des petites villes, via la dotation d’équipement des territoires ruraux, et des projets en faveur de la réhabilitation et du développement des bourgs-centres. Les 500 millions d’euros restants seront destinés à des projets en matière de rénovation thermique, de transition énergétique, d’équipements numériques lourds, notamment.

La création de ce fonds de soutien sera accompagnée de plusieurs autres mesures en faveur de l’investissement.

Les remboursements au titre du FCTVA, le fonds de compensation pour la TVA, seront élargis aux dépenses d’entretien des bâtiments publics, mais également à celles relatives à la voirie. Le groupe socialiste du Sénat a déposé un amendement visant à étendre le bénéfice du FCTVA aux dépenses réalisées par les collectivités territoriales dans le cadre du plan « France très haut débit ».

Au total, les collectivités bénéficieront de plusieurs centaines de millions d’euros supplémentaires par an.

Ces mesures s’ajoutent à celles qui ont été prises en 2015 en faveur des maires ruraux, qui ont vu la dotation d’équipement des territoires ruraux progresser de 200 millions d’euros, ou des maires bâtisseurs, au bénéfice desquels un fonds de 100 millions d’euros a été créé. Enfin, des facilités de trésorerie ont été prévues depuis quelques mois, avec la possibilité offerte, par la Caisse des dépôts et consignations, de préfinancer le FCTVA avec des prêts à 0 %.

Ce panel de mesures va de pair avec la volonté du Gouvernement de réduire les inégalités territoriales, au travers de la politique de péréquation.

Le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, atteindrait 1 milliard d’euros en 2016, ce qui permettra un fort rééquilibrage entre les territoires. (M. Michel Bouvard s’exclame.) Au total, entre 2012 et 2016, la péréquation aura été renforcée à hauteur de plus de 1,7 milliard d’euros, ce qui représente un effort inédit, monsieur Bouvard ! Dans les territoires en difficulté, ces mesures permettent de compenser la baisse des dotations, et souvent bien plus encore.

M. Michel Bouvard. Elles permettent de les stabiliser !

M. Claude Raynal. Plus largement, par-delà l’achèvement de la carte intercommunale, la commune nouvelle sera également un élément de réorganisation territoriale, alors que les regroupements doivent permettre de continuer à assurer le service public local, notamment en zones rurales, dans un contexte financier contraint. Les mesures d’incitation à la création de communes nouvelles seront donc prorogées de quelques mois ; nous soutenons pleinement cette disposition.

La réforme de la DGF aurait dû prendre le même chemin que la loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes, élaborée sur l’initiative de Mme Christine Pires Beaune et de M. Jacques Pélissard, qui avaient su nous rassembler autour de leur texte. Malheureusement, à l’automne 2014, lorsque la décision a été prise de se lancer dans cette réforme ambitieuse, le groupe UMP de l’époque, au Sénat, a refusé de participer aux travaux.

M. Claude Raynal. Cela est d’autant plus malheureux que les constats sur l’état actuel de la DGF, ses limites et la nécessité de restaurer de la lisibilité et de l’équité dans son fonctionnement sont presque unanimement partagés.

Si le report de cette réforme au projet de loi de finances pour 2017 a été décidé, nous n’abandonnons pas, pour notre part, l’objectif de réformer cette ressource qui représente près d’un quart des recettes de fonctionnement des collectivités territoriales.

Quant à moi, je nous engage à retrouver les voies du travail collectif afin de construire, avec le Gouvernement, la meilleure réforme possible, au bénéfice de nos collectivités et de nos territoires.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Claude Raynal. C’est indiscutablement le rôle du Sénat, singulièrement de sa commission des finances, de proposer les évolutions nécessaires pour permettre l’adoption d’une telle réforme lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2017. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Daniel Gremillet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, l’examen du projet de loi de finances pour 2016 intervient dans un contexte exceptionnel, qui nous impose plus que jamais d’être à la hauteur de nos responsabilités et de définir les politiques publiques les plus pertinentes ; il s’agit aussi d’adresser un message d’espoir et d’affirmer des ambitions pour les jeunes de notre pays.

Mon intervention portera sur trois points.

Premièrement, il nous est proposé de doter la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » de 2,5 milliards d’euros de crédits de paiement pour 2016, ce qui représente un recul de 5 % par rapport à 2015 ou encore une baisse de près de 1 milliard d’euros par rapport à 2012.

Sur le fond, l’exercice 2016 semble devoir être peu marqué par les mesures de soutien à l’élevage, qui devraient être imputées sur 2015 et largement financées par le dégel de la réserve de précaution. Les mesures d’urgence annoncées par le Gouvernement cet été ne trouvent pas leur traduction dans ce projet de loi de finances. Par exemple, il avait été annoncé que le fonds d’allégement des charges serait augmenté de 50 millions d’euros : les crédits inscrits à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2016 sont de 1,56 million d’euros seulement. Il en est de même pour le soutien à l’investissement…

Par ailleurs, de trop nombreuses questions restent en suspens : ni le plan de soutien à l’élevage annoncé cet été ni le projet de loi de finances pour 2016 ne les règlent. Je pense, par exemple, à l’installation des jeunes agriculteurs, à la modernisation des entreprises agroalimentaires ou au secteur forestier. Aujourd'hui, en France, on exploite les forêts sans disposer des capacités de reboiser dans la même mesure.

Monsieur le ministre, nous manquons cruellement d’ambition dans ces secteurs dont dépendent pourtant de nombreux emplois dans l’ensemble de nos territoires.

Je veux donc redire mon inquiétude, alors que la situation économique de nos éleveurs appelle d’amples mesures structurelles et la mise au point d’une politique agricole de long terme, et donc la mobilisation de moyens à la hauteur.

Ces préoccupations, d’ailleurs, guident les travaux que je mène actuellement sur la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire que j’ai déposée avec un grand nombre de mes collègues.

Monsieur le ministre, ma question est simple : quelles mesures entendez-vous prendre pour répondre à ces défis, au moment où les États-Unis, les pays du nord de l’Europe, la Chine définissent des plans stratégiques en matière agricole, agroalimentaire et forestière ?

Deuxièmement, j’évoquerai le financement de nos entreprises.

Vous avez affiché, monsieur le ministre, l’objectif d’une réduction supplémentaire de 9 milliards d’euros des prélèvements pour les entreprises et de la mise en œuvre d’une partie du plan PME-TPE annoncé en juin 2015 par le Premier ministre.

À l’examen du texte, cependant, force est de constater que nous sommes encore loin du compte, même si certaines dispositions vont dans le bon sens, comme la suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, et la fin programmée de la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés, qui se traduira par des économies pour les entreprises.

Les efforts en matière de rationalisation et de simplification du paysage fiscal des entreprises sont encore trop faibles. Faut-il rappeler qu’il existe en France 192 taxes sur les entreprises, dont 179 ont un rendement inférieur à 100 millions d’euros, contre 17 en Belgique et 3 en Allemagne ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. On va en supprimer !

M. Daniel Gremillet. Ce sont autant de contraintes qui asphyxient nos entreprises et encouragent nos jeunes entrepreneurs à quitter le territoire. Il est urgent d’agir sur ce point : cela fait partie des mesures fortes que les Français attendent.

Je tiens à saluer le travail de la commission des finances, en particulier celui de son rapporteur général, sur ce sujet. Je vous encourage, monsieur le ministre, à y souscrire, s’agissant notamment de la prorogation d’un an du dispositif d’amortissement accéléré applicable aux matériels de robotique industrielle, qui a également été élargi aux entreprises de taille intermédiaire, les ETI. Nous devons favoriser la croissance des TPE et des PME, qui représentent 52 % de l’emploi salarié, mais peinent à accéder aux financements et à devenir des ETI.

La question du financement des entreprises est cruciale, ainsi que celle des moyens consacrés à la recherche et à l’innovation. Je m’interroge sur votre ambition en la matière : la baisse de 119 millions d’euros du budget alloué à la recherche votée à l’Assemblée nationale sur votre proposition est absolument surprenante. La diminution des moyens accordés à la recherche ne paraît pas cohérente avec la sanctuarisation des crédits annoncée par le Président de la République ni avec les enjeux qui lui sont associés. C’est un nouveau signal négatif adressé à nos jeunes, aux chercheurs et aux entreprises innovantes, dont nous avons pourtant tant besoin.

Selon le rapport Gallois, ce sont les pays les plus robotisés qui connaissent le taux de chômage le plus bas. Si nous voulons faire de la France un grand pays productif, nous avons grand intérêt à mettre des robots dans nos usines et à accompagner la mutation de notre appareil industriel. Comment y parviendrons-nous si nous ne finançons pas suffisamment la recherche ?

Troisièmement, dans le même ordre d’idées, je m’interroge sur l’évolution des pôles de compétitivité, dans la perspective d’une France à treize grandes régions, et sur les rôles respectifs des régions et de l’État dans leur développement et leur performance.

Va-t-on confier la gestion complète des crédits d’animation aux régions, ce qui serait cohérent avec leurs prérogatives économiques étendues ? Va-t-on imaginer un accord entre l’État et les régions sur les pôles de compétitivité, en prévoyant pour les pôles stratégiques, ceux de dimension nationale, voire internationale, un financement d’État, et en réservant la manne régionale aux plus petits ?

Les régions, désormais plus vastes, compteront forcément des pôles aux secteurs d’activité proches ou complémentaires. Elles pourraient être tentées de favoriser des rapprochements. Sur mon territoire, nous venons de vivre la première fusion interrégionale, opérée le 1er janvier 2015 entre Alsace Énergivie, à Strasbourg, et Fibres, à Épinal. Ce phénomène amorce un mouvement de consolidation des pôles de compétitivité. Serons-nous en mesure d’accompagner ces mutations, monsieur le ministre ?

Votre projet de budget n’encourage pas tous ceux qui entreprennent, qui innovent, qui investissent, qui prennent des risques, qui créent des richesses et des emplois. En l’absence de réformes structurelles, je ne crois pas à l’effectivité des économies, en dehors de la facilité consistant à tailler dans les investissements. Pourtant, monsieur le ministre, l’investissement d’aujourd'hui devrait faire la stabilité de demain : c’est un vrai rendez-vous manqué ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Georges Patient. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Georges Patient. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de budget pour 2016 dont nous entamons l’examen aujourd’hui est marqué par un esprit de responsabilité au regard de la priorité du Gouvernement de rétablir les comptes publics de la France.

Dans ce contexte d’économies, il convient de saluer la stabilité des crédits affectés aux territoires ultramarins. En effet, l’effort total de l’État en direction de ces derniers s’élève à 14,5 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2016, contre 14,1 milliards d’euros en loi de finances pour 2015 et 14,2 milliards d’euros en exécution au titre de l’exercice 2014.

La politique de l’État s’inscrit donc dans la continuité de l’exercice 2015, puisque les axes prioritaires du Gouvernement n’ont pas connu d’évolution, tant dans leur hiérarchisation que dans leur dénomination dans le document de politique transversale.

Ces priorités sont l’enseignement scolaire, auquel est consacré 33 % des crédits, avec 4,7 milliards d’euros ; la mission « Outre-mer », à laquelle sont affectés 2 milliards d’euros, soit 14,5 % des crédits totaux, ses deux programmes « Emploi outre-mer » et « Conditions de vie outre-mer » étant destinés à lutter contre le chômage ; l’amélioration de la compétitivité des entreprises ; le développement de l’économie sociale et solidaire ; la lutte contre la vie chère ; l’amélioration des conditions de vie des habitants et de la cohésion sociale des territoires ; la mise en œuvre d’un plan pour la jeunesse.

Il s’agit d’une politique centrée sur l’égalité sociale, sur un nécessaire rattrapage avec les standards métropolitains. Cependant, elle peine à produire des résultats. En effet, les retards des outre-mer sur la France métropolitaine sont encore significatifs : sur onze territoires ultramarins, quatre présentent un produit intérieur brut inférieur à 50 % du niveau métropolitain ; le niveau de vie atteint 75 % de la moyenne hexagonale dans seulement trois d’entre eux.

D’aucuns expliquent cette situation par l’insuffisance des transferts publics, qui correspondraient au mieux au poids démographique des outre-mer, soit 5 604 euros par habitant, contre 5 664 euros par habitant pour la France métropolitaine : d’où la mise en avant, désormais, de l’objectif d’égalité réelle. Dans cette perspective, la mise en œuvre du principe de solidarité nationale s’impose comme une impérieuse nécessité, devant prévaloir sur l’objectif de réduction des déficits publics, qui ne saurait être appliqué de façon automatique à des territoires où le niveau de vie, rappelons-le, s’échelonne entre 24 % et 75 % de la moyenne nationale.

Victorin Lurel, député de la Guadeloupe et ancien ministre des outre-mer, a été chargé par le Gouvernement d’une mission sur ce sujet, devant déboucher sur l’élaboration d’une loi-programme.

Devons-nous pour autant nous contenter de faire le constat de l’insuffisance des crédits mis à la disposition des outre-mer, qui, nous le savons, peineront à être valorisés en cette période de baisse généralisée des dotations ?

Certes, les outre-mer ont besoin de mesures de rattrapage, mais leur développement ne peut avoir comme unique objectif de réduire l’écart avec les indicateurs économiques et sociaux des pays développés à partir des seuls transferts financiers publics. Ils ont aussi besoin de mesures différenciées pour s’intégrer à leur environnement géographique et asseoir un développement fondé sur leurs ressources propres.

La politique de perfusion qu’est l’assistanat doit laisser place à un nouveau paradigme axé sur le développement local.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Georges Patient. C’est tout le sens du premier engagement de François Hollande pour les outre-mer, à savoir assurer leur redressement économique par la relance de la production et de la croissance.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, il est capital de préserver, au bénéfice des DOM, dans le projet de loi de finances pour 2016, des mesures ambitieuses de soutien à la compétitivité des entreprises, de les consolider plutôt que de les réduire, voire de les supprimer.

À cet effet, je déposerai des amendements visant à la prolongation jusqu’au 31 décembre 2025 des dispositifs de défiscalisation et à diverses extensions du crédit d’impôt à la transition énergétique, le CITE, à des domaines emblématiques des DOM.

Certes, ces mesures alourdiront les dépenses fiscales, estimées à 3,9 milliards d’euros, mais, dans ce contexte de crise, la fiscalité est le levier indispensable et incontournable du développement et de la création d’emplois dans nos outre-mer.

Monsieur le secrétaire d’État, je ne saurais conclure mon propos sans vous rappeler les engagements que vous avez pris lors de votre déplacement en Guyane.

Vous vous étiez alors engagé à revoir la situation financière des grandes communes de Guyane, confrontées à des besoins d’équipement primaire de leur immense territoire. Si, dans un premier temps, il peut sembler que vous ayez pensé à elles, au travers de la dotation de ruralité, bien vite cette impression favorable s’estompe du fait du « tunnel » instauré par la réforme. Pour essayer de rectifier le tir, je déposerai un amendement portant sur ce point, ainsi que sur d’autres touchant aux finances des collectivités locales des outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je veux tout d’abord exprimer toute l’admiration que m’inspire l’action des services de renseignement et des services de sécurité, qui a débouché sur les résultats que l’on sait. Ces résultats démontrent, s’il en était besoin, que, pour peu qu’on leur en donne les moyens, ces services peuvent faire de grandes choses.

Depuis quelques semaines, divers événements ont quelque peu affecté un exercice budgétaire déjà fort compliqué.

Nous savons tous que nous ne possédons plus, depuis trop longtemps, de moyens financiers disponibles, sauf à augmenter la dette, ce qui serait la plus mauvaise des solutions. Il serait peut-être plus judicieux de rechercher des gisements d’économies.

La donne est simple : l’État est exsangue, son endettement est proche de 100 % du PIB. Il ne serait pas acceptable de dépasser cette limite, et il faut même faire reculer l’endettement. Or nous ne sommes pas engagés sur ce chemin.

L’État a déjà fait jouer la corde patriotique pour tenir le plus longtemps possible et restreindre son effort, en demandant à chacun de participer à l’effort national.

L’effort le plus important va, en définitive, reposer sur nos collectivités. Elles vont contribuer à hauteur de plus de 15 milliards d’euros sur quatre ans, alors qu’elles ont déjà perdu leurs maigres marges de liberté. Elles vont restreindre leurs investissements, ce qui pèsera sur l’emploi.

L’État a décidé unilatéralement cette contribution majeure des collectivités. Au-delà de ce prélèvement, il était prévu, il y a quelques jours encore, de passer en force en bouleversant la DGF, sans concertation ni analyse. Heureusement, malgré toutes vos affirmations récentes, selon lesquelles vous ne reviendriez pas sur votre réforme, vous avez intelligemment fait marche arrière. Je salue l’effort intellectuel que vous avez dû faire…

Une nouvelle donne vient de s’imposer à nous : « l’état d’urgence ».

Les annonces du Président de la République sur les moyens à mettre en œuvre auront un impact dont nous ne connaissons pas encore l’importance. Il faudra naturellement prendre en compte les 8 500 emplois nouveaux annoncés à Versailles et les moyens matériels à mettre en regard. Parallèlement, des emplois qui devaient être supprimés dans nos armées ne le seront probablement pas, d’où le besoin de moyens financiers supplémentaires.

Puis-je, en cet instant, faire rappel de deux engagements ?

Le 21 janvier, à la suite des attentats du début de l’année sur le sol français, le Premier ministre, Manuel Valls, annonçait le renforcement des moyens alloués à la lutte contre le terrorisme : 2 680 emplois et 425 millions d’euros de crédits supplémentaires y seront consacrés entre 2015 et 2017.

Le 29 avril, à l’issue d’un conseil de défense, le Président de la République indiquait que 3,8 milliards d’euros de crédits supplémentaires allaient être dégagés en faveur de la défense entre 2016 et 2019, et que 18 750 emplois dans les armées, dont la disparition était programmée, seraient sauvegardés.

Qu’en est-il de ces engagements ? Vous aviez prévu pour 2016, comme l’a rappelé M. Dominati, une progression des crédits de seulement 0,9 %. Quelle est la place de ces engagements dans les annonces faites par le Président de la République à Versailles ? Il n’y a, dans ma remarque, aucune critique. Il faut savoir se donner les moyens de sa politique. Ce que je souhaiterais connaître, c’est l’impact financier de ces nouvelles annonces. Ce dernier a-t-il été calculé, évalué ? Connaît-on son étalement dans le temps ?

Pour la justice, par exemple, 2 500 emplois nouveaux sont annoncés. À ce jour, 1 370 emplois ne sont pas pourvus. Cela témoigne des difficultés de recrutement et reflète probablement la problématique du temps de formation. Ces 1 370 emplois seront-ils pourvus et 2 500 nouveaux emplois s’y ajouteront-ils d’ici à la fin de 2016 ?

Aucune information ne nous ayant été fournie, nous avons fait des simulations sommaires qui nous permettent de disposer d’un ordre de grandeur de la charge supplémentaire ainsi créée. Philippe Dallier en a parlé voilà quelques instants. Je n’ai pas le sentiment que ce surcoût justifie cette formule du Président de la République : « Le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité. »

Cela signifie-t-il que toute dépense nouvelle destinée à assurer notre sécurité viendra augmenter d’autant notre déficit et nous éloignera du respect de notre engagement d’atteindre 3,3 % de déficit par rapport au PIB en 2016 ?

Je souhaite que l’on nous fournisse une analyse très précise de ces dépenses nouvelles et qu’une justification de chacune d’entre elles nous soit donnée, voire qu’une économie d’un montant équivalent soit proposée.

Nous pensons sincèrement que ces dépenses nouvelles, non discutables sur le fond, peuvent largement être financées par des économies. Nous allons en proposer de nombreuses, et il nous revient d’en chercher d’autres ensemble. Lorsque la sécurité devient prioritaire, lorsque l’on est en guerre, on peut probablement consentir, par patriotisme, à abandonner un ou deux jours de congés par an, pris sur les RTT, ou accepter des jours de carence. Vous le savez, grâce aux RTT, nombre de salariés parviennent à cumuler dix, onze, voire douze semaines de congés. Il n’est pas pensable de laisser filer nos déficits, alors que nous pouvons consentir des efforts individuels. Nous annonçons que nous sommes en guerre, et nous voulons vivre comme si nous ne l’étions pas !

Je vais évoquer quelques pistes d’économies.

L’effort de guerre pourrait amener à s’interroger sur le maintien des 35 heures ou d’un temps de travail parfois inférieur encore dans certaines professions ou certains services publics. Divers avantages acquis, qui ne se justifient plus à notre époque, ne pourraient-ils être renégociés au vu des circonstances ? Nous avons refusé de faire des efforts dans le cadre d’une guerre économique ; allons-nous l’accepter dans le cadre d’une guerre contre le terrorisme ?

Faut-il encore envisager de créer une nouvelle chaîne de télévision publique ?

Ne faut-il pas s’interroger sur le démantèlement progressif de l’État au travers de la mise en place d’agences et sur le coût anormal de celles-ci ? Notre collègue Marie-Hélène Des Esgaulx a remis un excellent rapport sur le sujet.

Ne peut-on se poser des questions à propos des 60 000 nouveaux emplois annoncés, et pour partie créés, dans l’éducation nationale ?

Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à accepter le principe que le pacte de stabilité ne doit pas obligatoirement être remis en cause par le pacte de sécurité ?

Comme vous le savez, la « clause d’assistance face au terrorisme » vient d’être mise en œuvre par les Vingt-Huit. L’article 42 du traité sur l’Union européenne implique un devoir d’assistance. Cela peut-il conduire à un partage de coûts entre États et, éventuellement, avoir une incidence sur nos dépenses dans certains domaines ? Si oui, lesquels ?

Je passerai maintenant à un tout autre sujet, beaucoup plus terre à terre, mais important pour le fonctionnement de nos collectivités : l’adaptation de la fiscalité locale aux évolutions institutionnelles relatives aux régions. Si j’en parle, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, c’est pour vous permettre d’y réfléchir avant que nous n’y revenions dans la suite de la discussion du projet de loi de finances.

Afin d’accompagner des transferts de compétences, vous proposez de porter de 25 % à 50 % la part de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ou CVAE, revenant aux régions, à compter de 2017. Corrélativement, vous abaissez de 48,5 % à 23,5 % la part allouée aux départements.

Vous avez précisé que le Gouvernement produira un rapport permettant de garantir la bonne adéquation entre ressources affectées aux régions et transferts de compétences entre départements et régions.

La base du transfert financier est principalement justifiée par le transfert de la compétence « transports scolaires ». Cela mérite une analyse extrêmement précise.

Je note que, dans l’Île-de-France, les transports scolaires sont de la compétence de la région. Y aura-t-il un prélèvement à ce titre ?

Quels sont la réalité et le contenu de la compétence « transports scolaires » ?

L’obligation incombant aux départements se résume, selon la loi, à « l’organisation des transports » et à la seule prise en charge du coût du transport pour les élèves handicapés. Organisation et coût sont deux notions fort différentes. La prise en charge, variable selon les départements, du coût du transport des élèves est un choix politique local, totalement libre, fait par les départements. Ils n’ont aucune obligation en la matière.

Dans ces conditions, doit-on transférer, au travers de la CVAE, l’équivalent du coût actuel, supporté au titre d’un choix politique, de la prise en charge des élèves, qui ne relève pas d’une compétence obligatoire ? Je le répète, il n’est nullement inscrit dans la loi que le coût du transport doit être assumé par les collectivités départementales : elles sont libres de le décider ou non.

À ce jour, la loi autorise déjà les régions à prendre en charge le coût du transport des élèves des lycées. Je l’ai fait moi-même inscrire dans un précédent texte. Cela montre qu’il n’y a pas transfert de charges au sens de la loi, puisqu’il n’y a pas transfert d’une compétence obligatoire.

J’estime donc que votre raisonnement sur le transfert de la charge relative aux transports scolaires ne tient pas pour 99 % de son montant. Je vous pose la question : allez-vous revoir votre analyse sur la légalité de ce prélèvement sur la CVAE des départements ?