M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l’article.

M. Richard Yung. En préliminaire à la discussion de l’article 2, je souhaite souligner plusieurs éléments.

Ce projet de loi de finances marque une nouvelle diminution de l’impôt sur le revenu, après la simplification intervenue en 2015 et la suppression de la première tranche, entraînant une baisse de 3 milliards d’euros. En 2016, la baisse supplémentaire atteindra 2 milliards d’euros. Ce sont 12 millions de foyers fiscaux - classes moyennes et ménages à revenus modestes -, qui auront bénéficié de baisses d’impôts, soit un tiers des ménages imposés sur le revenu.

La baisse de 2 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu pour 2016 concerne 8 millions de foyers, parmi lesquels 3 millions n’avaient pas bénéficié des dispositions précédentes. Elle représente un montant variant entre 200 euros et 300 euros pour les célibataires et entre 300 euros et 500 euros pour les couples.

Aucune augmentation d’impôt ne touchera, en outre, les ménages qui ne bénéficient pas de ces mesures parce que leur revenu est plus élevé.

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° I-232, présenté par MM. Requier, Mézard, Collin, Arnell, Barbier, Castelli, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Vall, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 3 et 4

Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :

« 1. L’impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 6047 € le taux de :

« - 5,5 % pour la fraction supérieure à 6 047 € et inférieure ou égale à 12 063 € ;

« - 14 % pour la fraction supérieure à 12 063 € et inférieure ou égale à 26 791 € ;

II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Les deuxième et troisième alinéas du 1° du I sont applicables à compter de l’imposition des revenus de l’année 2015.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai l’honneur d’ouvrir le bal des amendements déposés sur ce projet de loi de finances pour 2016 en vous présentant un amendement qui va un peu à contre-courant de la philosophie actuelle.

Il s’agit en effet d’étendre le champ de l’impôt sur le revenu. (Exclamations sur un certain nombre de travées.)

Voici ce que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose, à son article XIII : « Pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »

En vertu de ce principe, l’impôt sur le revenu a été institué en France à l’aube de la Grande Guerre par nos illustres aïeux du parti radical. (M. Jean-Claude Lenoir sourit. – MM. Bernard Lalande, Richard Yung et André Gattolin applaudissent) Nous, membres du RDSE, sommes donc bien les héritiers de Joseph Caillaux, monsieur le rapporteur général !

Au cours des débats à l’Assemblée nationale sur ce projet de loi de finances, il a été beaucoup question de la création d’un impôt citoyen. De notre point de vue, le véritable impôt citoyen, c’est l’impôt sur le revenu !

On sait depuis longtemps que la moitié seulement des ménages, environ, sont effectivement assujettis à cet impôt. Avec la nouvelle diminution prévue en 2016, appuyée sur le système plus ou moins lisible de la décote, moins de 46 % des ménages s’acquitteront de l’impôt sur le revenu.

Notre famille politique reste attachée à l’idée que tous les ménages contribuent à l’impôt sur le revenu, ne serait-ce que de façon symbolique. Il s’agit, à nos yeux, d’un facteur de responsabilisation et d’identification à la communauté nationale. Il n’est pas sain de maintenir la situation actuelle, dans laquelle une moitié des Français contribue à l’impôt, tandis que l’autre en est exemptée.

La suppression de la tranche marginale à 5,5 % l’an dernier a renforcé cette dichotomie. Alors que le produit de l’impôt sur le revenu a crû de 40 % en trois ans, la nouvelle réduction prévue pour l’an prochain réduira encore son assiette et représentera un coût supplémentaire pour les finances de l’État.

C’est pourquoi nous proposons de rétablir la tranche à 5,5 %, à partir de 6 047 euros de revenus annuels, au lieu de 9 700 euros. Cette mesure, sans augmenter la charge fiscale des ménages déjà assujettis, contribuerait à redresser les finances publiques. Notre pays en a plus que jamais besoin, en ces temps difficiles où la Nation est attaquée dans sa chair et dans ses principes !

M. le président. L’amendement n° I-373, présenté par M. Delahaye, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Supprimer les mots :

qui excède 9 700 €

II. – Après l’alinéa 3

Insérer alinéa ainsi rédigé :

« - 1 % pour la fraction inférieure ou égale à 9 700 € ;

La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous entamons l’examen de cette loi de finances par l’impôt sur le revenu, qui reste le plus symbolique, même s’il n’est pas celui qui rapporte le plus. C’est sans doute celui dont le produit a le plus crû depuis 2010, avec une augmentation de 25 milliards d’euros. Cette année encore, le Gouvernement anticipe une augmentation de presque 3 milliards d’euros.

Vous allez me dire, monsieur le secrétaire d’État, qu’il faut tenir compte de la prime d’activité. Il faut également considérer l’élargissement de la décote, qui permet à des contribuables de sortir de l’impôt sur le revenu, pour un montant de 2 milliards d'euros, ce qui a pour effet de concentrer encore plus l’impôt sur le revenu sur un nombre restreint de contribuables.

Comme l’a très bien dit mon collègue Jean-Claude Requier, l’impôt sur le revenu est d’abord un impôt citoyen, et je fais partie de ceux qui pensent que tout le monde devrait l’acquitter, même pour un montant symbolique. Je vais même plus loin : je pense que tous les revenus, y compris les allocations, devraient être soumis à une imposition minimale. Plutôt que les allocations familiales soient modulées en fonction des ressources, j’aurais nettement préféré qu’elles soient imposables, comme tous les revenus. Ce serait plus clair.

L'amendement que je vous présente prévoit une imposition minimale de 1 %, mais ce pourrait être un autre pourcentage. Il s’agit d’une participation symbolique et avant tout d’une responsabilisation des citoyens.

M. le président. L'amendement n° I-148, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 4 à 7

Remplacer ces alinéas par huit alinéas ainsi rédigés :

« - 8 % pour la fraction supérieure à 9 700 € et inférieure ou égale à 12 538 € ;

« - 12 % pour la fraction supérieure à 12 218 € et inférieure ou égale à 18 500 € ;

« - 16 % pour la fraction supérieure à 18 500 € et inférieure ou égale à 26 791 € ;

« - 22 % pour la fraction supérieure à 26 791 € et inférieure ou égale à 45 000 € ;

« - 30 % pour la fraction supérieure à 45 000 € et inférieure ou égale à 71 826 € ;

« - 40 % pour la fraction supérieure à 71 826 € et inférieure ou égale à 110 000 € ;

« - 45 % pour la fraction supérieure à 110 000 € et inférieure ou égale à 152 108 € ;

« - 50 % pour la fraction supérieure à 152 108 €. » ;

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Nous pensons que l’un des défauts actuels du barème de l’impôt sur le revenu réside dans l’existence d’une large tranche, taxée, comme vous le savez, à 30 %, et qui couvre des niveaux de revenus tout à fait différents, allant d’environ 2 000 euros mensuels à un peu plus de 6 000 euros mensuels.

Autant dire que nous sommes, en l’espèce, en présence de situations fiscales fort différentes.

L’actuel barème de l’impôt souffre donc de n’avoir qu’un nombre réduit de tranches. Entre autres conséquences, l’entrée dans l’impôt se produit avec un taux déjà relativement élevé de 14 %, ce qui a contraint le Gouvernement à opter cette année pour la décote en guise d’allégement fiscal.

Le barème ne fait pas tout en matière d’imposition des revenus - certains de nos amendements s’intéressent d’ailleurs à l’assiette -, mais il doit être un élément déterminant pour atteindre le double objectif de justice fiscale et de respect du principe d’égalité devant l’impôt.

Notre proposition présente cependant deux particularités fondamentales : nous prévoyons d’alléger les impôts pour les contribuables moyens dont le revenu mensuel se situe entre 2 000 et 3 000 euros par mois et d’accroître la contribution des plus hauts revenus, notamment avec une tranche à 50 % tout à fait bienvenue.

Quand on évoque l’abattement spécial destiné aux personnes âgées, on parle de 6 millions de foyers fiscaux pour une dépense fiscale de 370 millions d’euros, c'est-à-dire un peu plus de 60 euros en moyenne. Le prix est somme toute relativement réduit pour permettre à des retraités modestes l’accès à certains droits sociaux.

D’ailleurs, cette année, l’application de l’abattement de 10 % sur les salaires et pensions coûtera environ 4,2 milliards d’euros, pour un total de plus de 14 millions de foyers fiscaux, c'est-à-dire un allégement fiscal de 300 euros environ par an et par foyer.

C’est pourquoi, vous l’aurez compris, nous voulons renforcer la progressivité du barème et proposons par ailleurs les ajustements d’assiette nécessaires.

Article 2 (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Discussion générale

8

Hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a tout juste une semaine, à cette même heure, éclataient les premières fusillades qui devaient ensanglanter Paris et Saint-Denis. (M. le secrétaire d’État chargé du budget ainsi que Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)

En hommage aux victimes, je vous propose d’observer un moment de recueillement. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le secrétaire d’État observent une minute de silence.)

9

Article 2 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Première partie

Loi de finances pour 2016

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Article 2

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale.

PREMIÈRE PARTIE (suite)

Première partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Articles additionnels après l'article 2 (début)

Article 2 (suite)

M. le président. Dans la suite de la discussion de la première partie, nous poursuivons, à l’article 2, l’examen de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Nous en sommes parvenus à deux amendements identiques.

L'amendement n° I-22 est présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances.

L'amendement n° I-389 est présenté par MM. Delahaye, Capo-Canellas, Canevet, Delcros, Marseille, Laurey et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. - Alinéa 5

Remplacer le taux :

30 %

par le taux :

28 %

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l’État de l'abaissement de la troisième tranche du barème de l'impôt sur le revenu est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° I-22.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La présentation que vient de faire Thierry Foucaud de son amendement m’incite à présenter celui de la commission des finances avec d’autant plus d’entrain que notre collègue a lui-même souligné la largesse de la tranche à 30 %, qui couvre un large éventail des revenus - entre 26 791 euros et 71 826 euros. Cette tranche produit à elle seule 30 milliards d'euros d’impôt sur un total de 65,7 milliards d'euros. Elle touche les classes moyennes et supérieures.

Concrètement, pour l’année 2014, les contribuables dont les revenus sont situés dans cette tranche payent près de la moitié du produit de l’impôt sur le revenu.

C'est la raison pour laquelle la commission des finances a cru bon de proposer une baisse du taux marginal d’imposition dans cette tranche de 30 % à 28 %, ce qui représente pour ces contribuables un gain de l’ordre de 400 euros par foyer fiscal. Certes, le coût de cette mesure est important, nous en sommes conscients, puisque l’essentiel du produit de l’impôt sur le revenu est tiré de cette tranche. Les cinq millions de foyers fiscaux qui bénéficieraient de la mesure sont ceux qui n’ont jamais profité des allégements annoncés, je pense en particulier à la décote. Ils ont de surcroît souvent été touchés par les dispositions concernant le quotient familial.

Quant à la suppression de la tranche à 5,5 %, elle a sans doute affecté tous les foyers, mais la tranche à 30 % est restée inchangée, et ce sont les contribuables imposés à cette tranche qui ont subi le plus durement les augmentations d’impôt.

C’est pourquoi nous vous proposons cette mesure de justice fiscale, qui va dans le sens d’une moindre hyperconcentration de l’impôt sur le revenu.

Les amendements de nos collègues Requier et Delahaye soulèvent une vraie question concernant la nature de l’impôt sur le revenu aujourd'hui, un impôt de plus en plus limité par des mécanismes de décote et d’abattement et dont la lisibilité devient toujours plus complexe.

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l'amendement n° I-389.

M. Vincent Delahaye. À travers cet amendement, nous avons voulu marquer notre totale adhésion à ce que propose notre rapporteur général, avec l’approbation de la commission des finances : il s’agit de faire profiter les classes moyennes, qui ne sont pas concernées par la décote, de la baisse d’impôt. Il est vrai que la tranche à 30 % rapporte beaucoup et recouvre des revenus marqués par une grande disparité, mais les contribuables concernés ont vu leur impôt s’alourdir ces dernières années du fait de différentes dispositions adoptées.

Il est bon de montrer à ces contribuables qu’ils doivent aussi bénéficier des baisses d’impôt. Au groupe UDI-UC, nous partageons pleinement ce sentiment qu’il faut baisser la troisième tranche de 30 % à 28 %.

M. le président. L'amendement n° I-149, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 6 et 7

Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :

« – 43 % pour la fraction supérieure à 71 826 euros et inférieure à 100 000 euros ;

« – 47 % pour la fraction supérieure à 100 000 euros et inférieure à 150 000 euros ;

« – 50 % pour la fraction supérieure à 150 000 euros. » ;

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement de repli par rapport à celui que nous vous avons précédemment exposé sur le barème progressif vise de manière tout à fait concrète à faire largement participer les revenus les plus élevés à l’effort national de réduction des déficits publics, si l’on veut, c’est en tout cas l’orientation avancée, maîtriser la progression de notre endettement.

Selon l’administration fiscale, nous ne comptons, dans notre pays, qu’environ 10 % de contribuables dont le revenu déclaré dépasse 50 000 euros annuels ; 3,1 millions de foyers déclarent un revenu compris entre 50 000 et 100 000 euros, pour un total de 206 milliards d’euros.

Un peu plus de 700 000 foyers fiscaux, soit moins de 2 % du total, dépassent les 100 000 euros de revenu annuel. Ces foyers concentrent 126 milliards d’euros de revenus déclarés, et moins de 140 000 d’entre eux déclarent ensemble plus de 52 milliards d'euros.

On peut donc, nous semble-t-il, demander quelque effort à ces ménages qui connaissent, de surcroît, bien des outils de réduction de leur contribution et tirent parti de nombreuses niches fiscales.

Les taux apparents d’imposition en témoignent. Ainsi, le taux apparent d’imposition des contribuables disposant d’un revenu compris entre 50 000 et 100 000 euros est de 9,3 %. Il passe à 20,9 % pour des revenus situés entre 200 000 et 300 000 euros, et à 12,9 % pour les tranches supérieures.

Cette proposition nous semble aller dans le sens d’une meilleure équité fiscale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Concernant l’amendement n° I-232, je salue la constance de M. Requier et de ses collègues, qui, fidèles à la mémoire de Joseph Caillaux, et invoquant l’histoire, souhaitent rétablir la tranche à 5,5 %. Cependant, ce ne sont sans doute pas seulement des raisons historiques qui motivent cette volonté.

Il existe, en effet, un débat de fond, puisque la moitié des foyers fiscaux ne payent pas l’impôt sur le revenu. Ce constat doit être nuancé, bien sûr, par la prise en compte de la contribution sociale généralisée, la CSG, qui est payée par tout le monde. Quoi qu’il en soit, il est vrai que les réformes successives de l’impôt sur le revenu ont contribué à faire sortir du barème un certain nombre de contribuables, ce qui a concentré l’impôt sur ceux qui restent imposables. C’est un vrai sujet.

Le rétablissement d’une première tranche à 5,5 % présente tout de même quelques inconvénients. Le Gouvernement avait très largement médiatisé la suppression de cette tranche l’année dernière, la présentant comme une réforme d’ampleur. Finalement, cette suppression a eu un effet relativement modeste puisque la perte de recettes s’est limitée à 500 millions d'euros, contrairement à la réforme de la décote, qui portait, quant à elle, sur plus de 2 milliards d'euros.

Par ailleurs, faut-il à nouveau complexifier le barème en rétablissant une tranche qui avait été supprimée ? La question peut se poser. La commission a préféré centrer ses efforts sur la tranche la plus large à 30 %, Vincent Delahaye et Thierry Foucaud l’ont rappelé à l’instant. Cette tranche concentre quasiment la moitié du produit de l’impôt sur le revenu et concerne une catégorie de contribuables qui n’ont pas bénéficié des différentes baisses décidées et qui ont même été très durement touchés par les réformes fiscales successives.

C'est la raison pour laquelle nous vous demandons de retirer l’amendement n° I-232, monsieur Requier, au profit de l'amendement n° I-22 de la commission.

C’est une version plus modeste que nous propose Vincent Delahaye à l'amendement n° I-373, avec une première tranche à 1 % jusqu’à 9 700 euros de revenu annuel. Le produit fiscal ne serait pas considérable, mais la mesure aurait une vertu symbolique en rendant l’impôt universel. Faut-il considérer que l’impôt est déjà universel par la CSG, qui est payée par tous ? M. le secrétaire d’État nous le dira sans doute.

Pour les raisons que j’évoquais précédemment, la commission préfère s’en tenir à son propre amendement.

L’amendement n° I-148 vise à réorganiser les tranches et à en créer de nouvelles. À la rigueur, je pourrais suivre M. Thierry Foucaud sur la moitié de l’amendement : la tranche à 30 %, trop large, concerne à la fois des revenus modestes et des revenus déjà supérieurs. On pourrait, il est vrai, prévoir des tranches intermédiaires à 16 %, à 22 % et autres, bien que cela complexifie le barème de l’impôt sur le revenu.

En revanche, vous comprenez que la commission n’ait pas pu approuver la création d’une nouvelle tranche à 50 % pour la fraction des revenus supérieurs à 152 108 euros. L’impôt sur le revenu souffre déjà d’une hyperconcentration.

Il y a déjà une très forte progressivité de l’impôt sur le revenu. Je rappelle que le dernier décile des foyers fiscaux acquitte 67 % de son produit total. Plus précisément, les quelque 770 000 foyers fiscaux dont le revenu fiscal de référence est supérieur à 100 000 euros acquittent à eux seuls près de 40 % de ce dernier, soit 28,7 milliards d’euros. Créer une tranche à 50 % accroîtrait encore cette hyper-concentration de l’impôt sur le revenu. Si voulez des détails sur les risques que cela comporte, je vous invite à consulter l’excellent rapport remis au Parlement sur l’évolution des départs pour l’étranger et des retours en France des contribuables et l’évolution du nombre des résidents fiscaux. M. le secrétaire d’État n’en fait pas nécessairement la même lecture que moi, mais ce rapport montre concrètement une augmentation du nombre des départs à l’étranger, motivés sans doute, pour partie, par des raisons fiscales.

La France se caractérise déjà par une très forte progressivité de l’impôt sur le revenu, qu’il ne serait pas opportun d’accroître encore en adoptant l’amendement n° I-148, sur lequel la commission émet donc un avis défavorable.

En revanche, elle est bien évidemment favorable à l’amendement n° I-389, identique à son amendement n° I-22. Je remercie le groupe UDI-UC de souscrire à l’idée de réduire la pression fiscale sur les contribuables relevant de la tranche à 30 %, qui supportent l’effort fiscal le plus important, acquittant 30 milliards d’euros, sur un total de 65,7 milliards d’euros.

Enfin, l’amendement n° I-149 prévoit une refonte des tranches supérieures du barème qui aboutirait à alourdir encore la pression fiscale, notamment sur les foyers fiscaux du dernier décile, qui, je le redis, acquittent à eux seuls 67 % du produit de l’impôt sur le revenu. En conséquence, l’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. J’indique d’entrée de jeu que le Gouvernement sera très attentif aux conséquences financières des amendements qui seront adoptés.

Aux termes de la loi organique relative aux lois de finances et de la Constitution, un tableau d’équilibre exposant le niveau des recettes doit être présenté à la fin de l’examen de la première partie du projet de loi de finances.

À cet égard, monsieur le rapporteur général, j’observe que l’adoption de l’amendement de la commission des finances entraînerait une baisse de 2,3 milliards d’euros des recettes. Vous avez indiqué que l’amendement n° I-24, que nous examinerons ultérieurement, prévoit une diminution supplémentaire des recettes de 850 millions d’euros. J’imagine que vous allez également proposer le rétablissement de la défiscalisation des heures supplémentaires…

M. Philippe Dallier. Ce n’est pas sûr !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je suis donc impatient de connaître le niveau des recettes à la fin de l’examen de cette première partie du projet de loi de finances par le Sénat… (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Vous parlez sans cesse, monsieur le rapporteur général, d’hyper-concentration de l’impôt sur le revenu.

Le premier critère pertinent pour apprécier la concentration d’un impôt est le nombre de foyers qui l’acquittent.

En 2009 – nous n’étions pas alors au pouvoir, et la majorité élue en 2007 avait eu le temps de commencer à mettre en œuvre son programme –, 43,4 % des foyers fiscaux acquittaient l’impôt sur le revenu. En 2016, ce taux devrait être, selon nos prévisions, de 46 %... Vous critiquez aujourd’hui l’hyper-concentration de l’impôt sur le revenu, alors que nous allons revenir, en 2016, à un taux supérieur de trois points à ce qu’il était en 2009, quand vous étiez au pouvoir ! Je tiens les chiffres à votre disposition. Ce qui serait insupportable, scandaleux aujourd’hui était très bien en 2009 !

Vous avez ensuite souligné que les 10 % de foyers fiscaux disposant des revenus les plus élevés acquitteront, en 2015, 67,8 % du produit de l’impôt sur le revenu. Cela est vrai, mais savez-vous quelle part de ce dernier ils acquittaient en 2011 ?

M. Daniel Raoul. Bonne question !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le décile des Français les plus riches payait 72,4 % du produit de l’impôt sur le revenu, soit cinq points de plus qu’aujourd’hui ! Ce qui était très bien en 2011 serait devenu aujourd’hui insupportable, intolérable, illogique ? Je vous invite à la cohérence !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Certains pensent que l’impôt sur le revenu est trop progressif, d’autres prétendent au contraire qu’il ne l’est pas suffisamment, mais la réalité des chiffres est la suivante : en 2016, les Français qui ne seront pas redevables de l’impôt sur le revenu seront moins nombreux qu’en 2009, et les 10 % les plus riches paieront moins qu’en 2011 ! Cela figurera au compte rendu de nos travaux.

J’ajouterai que les 10 % de Français les plus riches perçoivent aujourd’hui 34 % de la richesse nationale, contre 35 % en 2011. Enfin, le décile des Français les plus fortunés acquitte exactement 50 % du produit cumulé de l’impôt sur le revenu et de la CSG. Telle est la réalité des chiffres ! Libre à chacun ensuite d’en tirer les conséquences.

Vous évoquez en outre une hausse du produit de l’impôt de 40 % sur les quatre dernières années, soit environ 18 milliards d’euros. Comment s’explique-t-elle ? En 2011, vous avez gelé le barème de l’impôt sur le revenu, supprimé la triple déclaration pour les couples qui se marient en cours d’année – cette mesure représente tout de même, à elle seule, une augmentation du produit de l’impôt sur le revenu de 1 milliard d’euros – et commencé à supprimer la demi-part des veuves. L’adoption de ces mesures par la majorité de l’époque a eu pour conséquence une augmentation de l’impôt sur le revenu de 8 milliards d’euros.

Ensuite, vous avez maintenu le gel du barème de l’impôt sur le revenu, poursuivi la suppression de la demi-part des veuves et supprimé un certain nombre de dispositions de la loi TEPA en faveur de travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, ce sparadrap qui vous a longtemps collé aux baskets, notamment la déductibilité des intérêts d’emprunt. Le produit de l’impôt sur le revenu a ainsi crû de 5 milliards d’euros supplémentaires !

Pour notre part, nous avons pris, à partir de 2012, un certain nombre de dispositions qui ont entraîné une augmentation de 5 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu, ce que nous assumons.

Tel est le décompte que j’établis de l’accroissement de 18 milliards d’euros du produit de l’impôt sur le revenu au cours des quatre dernières années. Je laisse à chacun le soin d’apprécier la pertinence, la justice et l’effet redistributif de ces différentes mesures.

Madame Beaufils, vous avez évoqué la soumission des revenus du capital au barème de l’impôt sur le revenu. C’est fait ! Cela n’a pas été facile, mais nous avons, dès 2012, assujetti au barème de l’impôt sur le revenu les dividendes et les plus-values.

Notre politique fiscale ferait fuir les contribuables français à l’étranger, nous dit-on. Cet argument de l’exil fiscal massif est continuellement brandi, mais, en 2013 – ce sont les derniers chiffres disponibles –, 48 896 personnes sont parties, soit 0,1 % des contribuables. On a connu des mouvements de population plus considérables… (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Ces gens sont, pour 67 % d’entre eux, des jeunes,…