M. Philippe Dominati. La France est le seul pays qui possède une telle imposition, et le Gouvernement devrait peut-être développer une réflexion sur ce sujet pour trouver une position médiane.

Enfin, cette discussion sera également l’occasion pour vous, monsieur le secrétaire d’État, de nous dire quel a été le rendement de l’impôt à 75 %, maintenant que l’expérience est terminée, afin d’évaluer si cette mesure a contribué à l’augmentation de 40 % du nombre des exilés fiscaux, qui a été signalée durant l’été dernier.

M. le président. L’amendement n° I-165, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 2 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article 885 A, le montant : « 1 300 000 € » est remplacé par le montant : « 800 000 € » ;

2° L’article 885 U est ainsi modifié :

a) La seconde colonne du tableau constituant le second alinéa du 1. est ainsi rédigé :

« 

Tarif applicable

0

0.55

0.70

1

1.35

1.80

 »

b) Le 2. est abrogé.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. L’ISF, tel qu’il existe actuellement, a fini par épargner environ 300 000 contribuables de toute imposition, soit autant de foyers appartenant tout de même aux couches moyennes supérieures risquant de devoir contribuer un peu plus aux charges publiques.

Le patrimoine médian des habitants de notre pays se situe aux alentours de 120 000 euros et le seuil d’imposition de l’ISF y est plus de 10 fois supérieur. Le nombre de redevables de cet impôt n’a pas forcément connu une inflexion à la baisse, montrant l’importance des glissements constatés depuis une quinzaine d’années en matière d’inégalités de patrimoine.

Ainsi, les redevables de l’ISF qui sont domiciliés dans l’arrondissement parisien où nous nous trouvons en ce moment même étaient au nombre de 3 472 en 2011 et disposaient d’un patrimoine total de 12,6 milliards d’euros. Ils sont aujourd’hui quelque 3 925 – on voit bien que l’impôt fait fuir ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.) – et déclarent un patrimoine imposable total de 15,9 milliards d’euros.

Voilà qui justifie pleinement, me semble-t-il, le fait que nous restions fidèles à l’ancien barème de l’ISF, qui commençait à hauteur de 800 000 euros ; cela correspondait à environ 600 000 contribuables, un nombre qui reste évidemment minoritaire au regard des 37 millions de Françaises et de Français qui font une déclaration en vue de l’impôt sur le revenu.

Nos principes constitutionnels sont connus : l’impôt doit être justement réparti entre les membres de la société, et ceux qui ont des moyens et facultés plus importants que les autres doivent contribuer à raison de ces mêmes facultés et moyens.

En d’autres termes, l’intérêt particulier du contribuable doit s’effacer derrière l’intérêt général de la collectivité, qui a du sens, particulièrement en ce moment. Au demeurant, il tirera lui-même parti de cet intérêt général.

Les contribuables assujettis à l’ISF doivent être fiers de participer, plus encore que les autres, à cet effort, œuvrant in fine pour le bien commun.

Comme nous l’avons souvent indiqué, le taux de prélèvement constaté en matière d’ISF demeure relativement limité pour un contribuable moyen. Y faire face impose soit de renoncer à une partie – mais c’est loin d’être le tout – du rendement d’un patrimoine, dès lors que ce dernier est correctement géré, soit d’en céder quelques éléments pour pouvoir payer la facture.

M. le président. L’amendement n° I–170, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 2 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l’article 885 A du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Dans la limite de deux millions d’euros, les biens professionnels définis aux articles 885 N à 885 R ne sont pas pris en compte pour l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune. »

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. La recherche de la justice fiscale et celle de l’efficacité économique de l’impôt constituent les deux principaux axes de notre démarche ; cela a été rappelé lors de la discussion générale. Or, dans les faits, l’ISF est aujourd’hui insuffisant pour répondre à ces deux exigences.

L’assiette de cet impôt est largement tronquée puisque nombre de biens parfaitement représentatifs de la réalité des patrimoines les plus importants sont exonérés ou pris en compte très en deçà de leur valeur. Quant à son taux, il reste parfaitement supportable et n’a rien de la fiscalité « confiscatoire » dont on nous rebat les oreilles régulièrement ici et là.

Cet amendement a donc pour objet de revenir au principe de réalité, en faisant en sorte que la justice la plus élémentaire s’applique entre les contribuables.

Nous n’avons jamais jugé normal – j’insiste sur ce point – que les biens professionnels se trouvent exclus de l’assiette de l’ISF, d’autant qu’il ne s’agit bien souvent que de titres et de parts de sociétés, patrimoine dont la matérialité se résume à celle de morceaux de papiers imprimés…

Ainsi, un traitement différencié des titres, à nos yeux injustifié, persiste dans notre fiscalité : exonération de droits pour les biens professionnels ; exonération possible en cas de participation à un pacte d’actionnaires, qui n’entraîne d’ailleurs en règle générale aucune conséquence du point de vue de l’implication desdits actionnaires dans la vie quotidienne de l’entreprise concernée ; exonération impossible, enfin, pour les titres détenus par des actionnaires minoritaires n’étant pas liés par un tel pacte.

Notre démarche est simple : rendons imposables les biens professionnels au-delà du seuil de 2 millions d’euros, afin de rétablir l’égalité de traitement entre les actionnaires. J’ajoute que notre proposition reste relativement mesurée, eu égard au taux actuel de l’ISF et même au taux moyen d’imposition.

C’est donc pour rétablir la justice sociale entre contribuables de l’ISF que nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.

M. le président. L’amendement n° I–388 rectifié, présenté par MM. Delahaye, Capo-Canellas, Canevet, Delcros, Marseille, Laurey et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants – UC, est ainsi libellé :

Après l’article 2 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article 787 B du code général des impôts, il est inséré un article 787 B … ainsi rédigé :

« Art. 787 B .... – I. – Sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit les parts ou les actions d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs à la condition que l’héritier, le donataire ou le légataire prenne l’engagement, dans la déclaration de succession ou l’acte de donation, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, de conserver les parts ou les actions pendant une durée minimale de dix ans à compter de la transmission.

« II. – L’exonération s’applique également lorsque la société détenue directement par le redevable possède une participation dans une société qui exerce une des activités visées au I. Dans cette hypothèse, la valeur des titres de cette société, qui sont transmis, bénéficie de l’exonération à proportion de la valeur réelle de son actif brut correspondant à la participation dans la société qui exerce une des activités visées au I.

« III. – L’exonération s’applique également lorsque la société détenue directement par le redevable possède une participation dans une société qui détient les titres de la société qui exerce une des activités visées au premier paragraphe. Dans cette hypothèse, l’exonération est appliquée à la valeur des titres de la société détenus directement par le redevable, dans la limite de la fraction de la valeur réelle de l’actif brut de celle-ci représentative de la valeur de la participation indirecte dans la société qui exerce une des activités visées au I.

« IV. – À compter de la transmission et jusqu’à l’expiration de l’engagement de conservation visé au I, la société dont les parts ou actions ont été transmises, doit adresser, dans les trois mois qui suivent le 31 décembre de chaque année, une attestation certifiant que l’engagement de conservation est satisfait au 31 décembre de chaque année.

« V. – En cas de non-respect de l’engagement de conservation prévu au I, par suite d’une fusion ou d’une scission au sens de l’article 817 A d’une augmentation de capital, ou d’un apport en société, l’exonération accordée lors d’une mutation à titre gratuit avant l’une de ces opérations, n’est pas remise en cause si le donataire, héritier ou légataire respecte l’engagement prévu au I jusqu’à son terme. Les titres reçus en contrepartie de ces opérations doivent être conservés jusqu’au même terme. De même, cette exonération n’est pas non plus remise en cause lorsque l’engagement de conservation prévu au I n’est pas respecté par suite d’une annulation des titres pour cause de pertes ou de liquidation judiciaire ;

« VI. – En cas de non-respect de l’engagement de conservation prévu au I, par suite d’une donation ou d’une succession, l’exonération accordée au titre de la mutation à titre gratuit visée au I n’est pas remise en cause, à condition que le donataire, héritier ou légataire poursuive l’engagement prévu au I jusqu’à son terme.

« VII. – Les dispositions du présent article s’appliquent en cas de donation avec réserve d’usufruit. »

II. – Après l’article 885 I quater du code général des impôts, il est inséré un article 885 I … ainsi rédigé :

« Art. 885 I ... – I. – Les parts ou actions d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ne sont pas comprises dans les bases d’imposition à l’impôt de solidarité sur la fortune lorsque ces parts ou actions restent la propriété du redevable pendant une durée minimale de dix ans, courant à compter du premier fait générateur au titre duquel l’exonération a été demandée.

« II. – L’exonération s’applique lorsque la société détenue directement par le redevable possède une participation dans la société qui exerce une des activités visées au I. La valeur des titres de cette société bénéficie de l’exonération prévue au I, à proportion de la valeur réelle de son actif brut qui correspond aux titres de la société qui exerce une des activités visées au I.

« III. – L’exonération s’applique également lorsque la société détenue directement par le redevable possède une participation dans une société qui, elle-même, détient les titres d’une société exerçant une des activités visées au I. Dans cette hypothèse, l’exonération partielle est appliquée à la valeur des titres de la société détenus directement par le redevable, dans la limite de la fraction de la valeur réelle de l’actif brut de celle-ci représentative de la valeur de la participation indirecte exerçant une des activités visées au I.

« IV. – L’exonération est acquise au terme d’un délai global de conservation de dix ans. Au-delà de ce délai, est seule remise en cause l’exonération accordée au titre de l’année au cours de laquelle le redevable cède les titres qu’il s’est engagé à conserver.

« V. – En cas de non-respect de la condition de détention prévue au I par suite d’une fusion ou d’une scission au sens de l’article 817 A, d’une augmentation de capital, ou d’un apport en société, l’exonération n’est pas remise en cause si les titres reçus en contrepartie de l’opération concernée sont conservés jusqu’au même terme par le redevable. Cette exonération n’est pas non plus remise en cause lorsque la condition prévue au I n’est pas respectée par suite d’une annulation des titres pour cause de pertes ou de liquidation judiciaire.

« VI. – En cas de non-respect de l’engagement visé au I, par suite d’une donation ou de succession des titres objets de l’engagement de conservation visé au I, l’exonération n’est pas remise en cause, sous réserve que les titres dévolus soient conservés par le donataire, l’héritier ou le légataire, jusqu’au terme du délai prévu au I.

« VII. – Toute remise en cause de l’exonération ne s’applique qu’à raison des titres cédés par le redevable.

« VIII. – La déclaration visée au 1 du I de l’article 885 W doit être appuyée d’une attestation de la société dont les parts ou actions sont conservées par le redevable, certifiant que les conditions prévues au I ont été remplies l’année précédant celle au titre de laquelle la déclaration est souscrite. »

III. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. L’une des nombreuses carences économiques de notre pays repose sur la faiblesse de notre tissu de petites et moyennes entreprises, les PME, et d’entreprises de taille intermédiaire, les ETI. En effet, nos entreprises sont souvent de très petites entreprises, des TPE, ou bien de grands groupes mondiaux, que nous appelons, à juste titre, « nos champions ».

Les 4 600 ETI réalisent à elles seules 34 % des exportations françaises et représentent 23 % de l’emploi salarié de notre pays. Or, par comparaison avec nos voisins européens, elles sont moins nombreuses – trois fois moins qu’en Allemagne – et elles sont souvent plus petites parce qu’elles sont entravées dans leur développement par un certain nombre d’obstacles – réglementaires ou fiscaux – touchant à leur transmission et à la stabilité de leur actionnariat.

Or, pour construire des marques mondiales fortes et des produits innovants, pour bâtir des entreprises conquérantes – car les petites entreprises, on le souhaite, sont celles qui deviendront grandes par la suite –, il faut du temps. Il faut souvent deux générations avant qu’une entreprise atteigne la taille d’une ETI et parfois trois ou quatre pour qu’elle devienne leader dans son secteur. Le temps est donc l’une des clefs de la montée en gamme des entreprises.

À l’instar de la proposition portant sur la création d’un statut d’investisseur de long terme qui émane du rapport d’information, déjà cité, de MM. Carré et Caresche sur l’investissement productif de long terme, l’adoption d’un tel statut lèverait ces obstacles en réalignant la France sur les pratiques de ses grands partenaires européens. Il ne s’agit pas ici d’accorder des avantages mais de se mettre en situation de compétitivité par rapport à d’autres pays.

Au moment où l’investissement est à l’arrêt, la création de ce statut d’investisseur de long terme constituerait un signal fort de confiance en direction des investisseurs qui prennent des risques pour développer les ETI. Ce signal serait également adressé aux entreprises qui veulent associer leurs cadres et leurs salariés à l’actionnariat ou aux jeunes entreprises.

Le présent amendement tend donc, dans son I, à encourager la transmission d’entreprise en l’exonérant totalement de droits de mutation en contrepartie de la détention des parts pendant dix ans après transmission. C’est une mesure qui existe chez certains de nos voisins : l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne.

Dans son II, cet amendement vise à déconnecter la fiscalité du patrimoine de l’outil productif en sortant les parts d’entreprises de la base de calcul de l’ISF, en contrepartie d’un engagement de conservation individuelle des titres de l’entreprise sur une période de dix ans.

Le coût de cette mesure est estimé à 80 millions d’euros ; par ailleurs, le statut de l’investisseur de long terme induirait une simplification profonde des textes fiscaux en vigueur.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. le président. L’amendement n° I–194, présenté par MM. P. Dominati, Morisset, Vogel et Revet, Mme Deromedi, MM. Vasselle et Dassault, Mme Procaccia, M. Mandelli, Mme Gruny, MM. Bouchet et Karoutchi, Mme Deseyne et M. Magras, est ainsi libellé :

Après l’article 2 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - À la première phrase du second alinéa de l’article 885 S du code général des impôts, le taux : « 30 % » est remplacé par le taux : « 100 % ».

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Roger Karoutchi. Très bien ! Ne lâchez rien, cher collègue ! (Sourires.)

M. Philippe Dominati. Si, à mon grand étonnement, je n’obtenais pas satisfaction sur l’amendement visant à supprimer l’ISF (Sourires. – Plusieurs sénateurs du groupe CRC s’esclaffent.), je souhaiterais au moins qu’un tiers des assujettis à cet impôt car ils possèdent à titre de résidence principale un bien immobilier, non pas somptueux, mais d’une centaine de mètres carrés, dans n’importe quel arrondissement de la ville de Paris…

MM. Roger Karoutchi et Éric Doligé. Ou de banlieue !

M. Philippe Dominati. … ou dans des communes à proximité géographique, en soient exonérés.

Cet amendement vise ainsi à accroître l’abattement sur la résidence principale dans le calcul de l’ISF. Ma préférence aurait consisté en un abattement de 100 % (MM. Richard Yung et Daniel Raoul lèvent les bras au ciel.) mais la modération qui inspire nos débats sur les finances publiques plaide pour un abattement de 50 %, qui me semble convenable et que je propose à travers l’amendement suivant.

M. le président. L’amendement n° I–195, présenté par MM. P. Dominati, Morisset, Vogel et Revet, Mme Deromedi, MM. Vasselle et Dassault, Mme Procaccia, M. Mandelli, Mme Gruny, MM. Bouchet et Karoutchi, Mme Deseyne et M. Magras, est ainsi libellé :

Après l’article 2 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - À la première phrase du second alinéa de l’article 885 S du code général des impôts, le taux : « 30 % » est remplacé par le taux : « 50 % ».

II. - La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Cet amendement est défendu, monsieur le président. Mais l’amendement n° I–193 sera peut-être adopté…

M. le président. L’amendement n° I–279, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 2 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 885 S du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cet abattement est plafonné à 200 000 euros. »

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Les collectivités territoriales assurent plus de 70 % des investissements publics ; cela est régulièrement, et fort utilement, rappelé. Les baisses de dotations aux collectivités déjà effectives dans le cadre du budget pour 2015 ont déjà engendré une baisse très importante des investissements.

Les diminutions proposées dans le cadre de ce projet de loi de finances vont encore aggraver la situation, tout le monde le craint. Au moment où notre pays est touché par un choc brutal et où le niveau du chômage atteint déjà des records, il est plus que jamais nécessaire de relancer notre économie via des investissements utiles pour un avenir responsable du point de vue social et environnemental.

Le fonds national pour l’investissement local créé par l’article 59 du projet de loi de finances pour 2016 ne permet d’apporter que 1 milliard d’euros pour soutenir l’investissement des collectivités, ce qui ne compense les baisses de dotations qu’à hauteur d’à peine un quart.

L’accumulation toujours plus importante de capitaux marque notre pays – ce constat est établi – et l’accumulation par les particuliers, ou par certains d’entre eux en tout cas, de capital immobilier contribue de façon décisive à cet enrichissement des plus fortunés.

Il est donc juste et nécessaire qu’une augmentation des ressources dégagées par l’impôt de solidarité sur la fortune, entre autres ressources, vienne alimenter ce fonds national pour l’investissement local. Le plafonnement de l’abattement sur la valeur de la résidence principale dans le calcul de l’ISF permettrait ainsi de faire contribuer les détenteurs de patrimoine immobilier de plus de 600 000 euros, qui ont tout à fait les moyens d’apporter des ressources supplémentaires pour la relance de l’économie via des investissements utiles du point de vue social et environnemental.

M. le président. L’amendement n° I–167, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 2 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 885–0 V bis du code général des impôts est abrogé.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. S’il fallait trouver une bonne raison de supprimer le dispositif ISF-PME – je crois d’ailleurs savoir qu’il pose problème du point de vue du droit européen, cela a été évoqué –, je pourrais prendre les données mêmes du ministère de l’économie et des finances.

Selon ces données accessibles à tous, lorsqu’un contribuable de l’ISF sollicite le dispositif ISF-PME, il y consacre en moyenne moins de 15 000 euros quand son versement est direct ou transite par la voie d’une société holding, et moins de 10 000 euros quand il emprunte la voie d’un fonds commun de placement, qu’il s’agisse d’un fonds d’investissement de proximité, un FIP, ou d’un fonds commun de placement dans l’innovation, un FCPI.

Ce décalage sensible entre les montants investis et le plafond de la mesure montre suffisamment que l’intention principale de ces contribuables n’est pas d’apporter leur concours actif au financement de l’activité mais bel et bien, dans la plupart des cas, de disposer de l’outil leur permettant de payer peu ou pas d’ISF. Le tout est donc de mettre en place une forme d’optimisation fiscale aussi rentable que possible.

Faisons une autre observation : huit ans après le vote de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA », qui l’avait instauré, le nombre de contribuables de l’ISF qui font jouer le dispositif ISF-PME demeure relativement faible. Sur la tranche moyenne de l’ISF, qui compte environ 240 000 contribuables, nous sommes en présence d’environ 35 000 engagements et versements.

Cette donnée est d’ailleurs corroborée par l’évaluation des voies et moyens, qui nous indique qu’un peu moins de 54 000 redevables de l’ISF recourent au dispositif ISF-PME et que l’affaire coûte rien de moins que 620 millions d’euros au budget de l’État. Cela laisse supposer, eu égard au taux de la réduction d’impôt, que les sommes avancées aux entreprises constituent le double de cette coûteuse dépense fiscale ; cela représente donc une contrepartie coûteuse et faible de l’incapacité du secteur bancaire à aider le développement de nos PME.

M. le président. L’amendement n° I–98, présenté par MM. Delattre, Doligé, Commeinhes, Pierre et Portelli, Mme Deroche, M. Pellevat, Mmes Gruny et Canayer et MM. P. Dominati, Charon, G. Bailly, Chasseing, D. Laurent et Husson, est ainsi libellé :

Après l’article 2 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 885-0 V bis du code général des impôts est ainsi modifié :

1° À la seconde phrase du premier alinéa du 1 du I, le montant : « 45 000 » est remplacé par le montant « 90 000 » ;

2° Au 2 du III, le montant : « 18 000 » et le montant : « 45 000 » sont remplacés par le montant « 90 000 » .

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Francis Delattre.

M. Francis Delattre. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos I–98, I–103 et I–99.

Il s’agit par ces amendements, sur le fondement d’une philosophie différente, d’orienter une part du produit éventuel de l’ISF vers les entreprises, puisque même le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi fait le constat selon lequel l’épargne des Français n’est pas suffisamment orientée vers le financement des entreprises.

Le dispositif de l’ISF-PME, imaginé effectivement par l’ancienne majorité, a naturellement connu quelques restrictions. Ainsi, il existe aujourd’hui une forme de distinguo entre investissements directs et investissements indirects. Par conséquent, il est assez compliqué de favoriser la souscription de parts de fonds communs de placement dans l’innovation.

Ce distinguo est en réalité assez confus, donc cet amendement vise à le faire disparaître et à instaurer un plafond unique global de 90 000 euros, au lieu de 45 000 euros et de 18 000 euros actuellement. Pour les PME et les PMI, ce dispositif a quand même bien fonctionné et on aurait par conséquent intérêt, monsieur le secrétaire d'État, à le préserver et à le développer.