Mme Leila Aïchi. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le ralliement, certes tardif, du Gouvernement aux positions pertinentes du ministère de la défense et de l’état-major sur la question syrienne.

Avant toute autre chose, je tiens à exprimer la reconnaissance de l’ensemble des membres du groupe écologiste du Sénat aux forces armées pour l’engagement, le professionnalisme et le courage dont elles font preuve.

Aujourd’hui, plus qu’hier, la promotion du lien entre l’armée et la nation est une priorité. Les initiatives que vous promouvez, monsieur le ministre, concernant par exemple la réserve citoyenne ou le service national volontaire, doivent être accompagnées et s’inscrire dans le cadre d’une réflexion collective visant à soutenir nos armées.

Ces dernières sont, en effet, particulièrement sollicitées depuis quelques mois, que ce soit dans le cadre de l’opération Sentinelle ou à l’étranger. C’est pourquoi le projet de budget que nous examinons aujourd’hui est éminemment important.

L’annulation annoncée par le Président de la République devant le Congrès de toutes les déflations d’effectifs qui étaient encore prévues d’ici à 2019 était attendue.

Si le projet de loi de finances prévoyait déjà une pause dans la déflation, les écologistes saluent cette annonce, puisque, comme nous l’avons toujours dit, les soldats doivent être la priorité. Je sais, monsieur le ministre, que c’est également votre position, et je connais votre engagement en la matière.

Devant la multiplication des engagements de la France à l’étranger, la question des effectifs est devenue centrale. Toutefois, avons-nous les moyens d’être le gendarme du monde ? Avons-nous toujours aujourd’hui les moyens d’intervenir à la fois en Afrique et au Moyen-Orient ?

Nous l’avons dit lors du débat sur notre engagement en Syrie, la multiplication des OPEX aboutit à une incapacité pour la France de s’engager davantage aujourd’hui, à quelque niveau que ce soit, y compris dans le domaine humanitaire et celui de la prévention.

Si nous reconnaissons, bien évidemment, que la menace terroriste a pris une dimension sans précédent dans ces régions, nous posons néanmoins la question de la soutenabilité de notre engagement sur le plan international.

En effet, les écologistes mettent en garde contre le risque de nous enfermer dans une vision de court terme. Le contexte particulièrement difficile que nous connaissons aujourd’hui et la tentation de recourir à des réponses hâtives pour y faire face ne doivent pas nous exonérer d’une préparation du temps long.

Vous connaissez l’approche qui est la mienne sur ce sujet, monsieur le ministre : dans notre voisinage proche ou éloigné, les risques engendrés par le stress environnemental seront les déclencheurs et les signes avant-coureurs des crises de demain. Les principaux enjeux stratégiques sont intimement liés à l’accès aux ressources naturelles, aux matières premières et à l’énergie, ainsi qu’à la démographie.

Monsieur le ministre, nous savons tous que les conflits de demain se nourrissent des ruptures d’aujourd’hui. Alors, comment nous adapter face à ces risques ?

Je ne reviendrai pas sur la question de la dissuasion. Vous connaissez en effet très bien, monsieur le ministre, notre position sur le renouvellement automatique des programmes, qui empêche une réflexion, pourtant nécessaire, sur le dimensionnement, la posture et l’efficacité de la dissuasion pour faire face aux menaces présentes et à venir.

L’armée doit se préparer dès aujourd’hui aux missions de demain ; l’absence criante d’une défense européenne est un frein à la fois budgétaire et stratégique.

Ce besoin d’anticiper les risques se fait particulièrement ressentir dans le milieu maritime. En effet, de l’aveu même de l’amiral Rogel, le monde connaît une « bascule environnementale », avec un accroissement des populations côtières et une augmentation des trafics maritimes illégaux. Face à cela, la marine voit ses missions se multiplier : assistance en mer, lutte contre la surpêche, la pollution ou encore la piraterie.

Nous avons du retard dans le développement de notre marine et dans l’appréhension de la sécurité au sens large. Disposant de la deuxième zone économique exclusive au monde, nous devons renforcer le contrôle de notre espace maritime afin de lutter contre les activités qui déstabilisent nos marchés locaux et contribuent à la dégradation de l’environnement.

Mes collègues Éliane Giraud, Cédric Perrin et moi-même avons présenté un rapport allant dans ce sens, qui, tout en prenant l’Arctique comme sujet d’une étude de cas, explicite le rôle de la défense, lequel nous paraît aujourd’hui majeur, dans la prévention des risques liés à la montée du niveau de la mer.

Enfin, si le budget de la défense est en hausse, avec des ressources s’établissant à 32 milliards d’euros pour 2016, les surcoûts des opérations intérieures et extérieures prévisibles et la faiblesse de la provision destinée à les couvrir nous interpellent. Il serait regrettable que ces surcoûts aient une incidence sur les crédits consacrés à la régénération des équipements ou sur les moyens alloués à la formation et à la préparation des forces.

En outre, si l’évolution favorable des indices économiques est une bonne nouvelle d’un point de vue budgétaire, nous devons rester vigilants quant à la réalité des économies réalisées. Ces projections, aussi encourageantes soient-elles, ne sauraient nous dispenser de trouver des marges d’ajustement budgétaire par ailleurs.

Plus généralement, se pose la question du budget de la défense dans son ensemble, de sa stabilité mais surtout de sa transparence, notamment en ce qui concerne les contrats passés entre l’État et les grands groupes de défense.

À l’image de ce qui se fait aux États-Unis avec le Government Accountability Office, ne serait-il pas pertinent, monsieur le ministre, de centraliser et de mettre en cohérence les multiples audits auxquels est aujourd’hui soumis le budget de la défense, s’agissant notamment des contrats passés dans le cadre du maintien en condition opérationnelle des matériels, ou MCO ?

Plus précisément, monsieur le ministre, pourquoi avoir supprimé le Comité des prix de revient des fabrications d'armement, seul organisme ouvert à la représentation nationale ? Compte tenu de l’importance du budget de votre ministère, de son évolution ces dernières années et de la nécessité de renforcer le lien entre l’armée et la nation, l’existence d’un tel organisme représentait un signal fort au regard des prérogatives du Parlement.

Pour conclure, monsieur le ministre, quoique nous réaffirmions notre soutien plein et entier à nos forces armées, les désaccords de fond que vous connaissez nous conduiront à nous abstenir sur les crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mercredi dernier, le débat sur la demande d’autorisation de prolongation de l’engagement des forces aériennes au-dessus du territoire syrien a permis de rappeler combien notre sécurité intérieure se jouait aussi au-delà de nos frontières. Les deux derniers Livres blancs sur la défense et la sécurité nationale avaient intégré ce paradigme dont la pertinence a, malheureusement, trouvé une tragique illustration vendredi 13 novembre, à Paris et au Stade de France, à Saint-Denis.

Dans ces conditions, comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de l’examen de la première partie du présent projet de loi de finances, le pacte de sécurité peut effectivement occulter, pour un temps, le pacte de stabilité. Oui, l’urgence de la situation – pour ne pas dire l’état d’urgence dans lequel se trouve la France – appelle un effort budgétaire exceptionnel.

D’ailleurs, le traité sur l’Union européenne le permet et j’observe que le Premier ministre britannique vient tout juste d’annoncer un « plan de défense » prévoyant 17 milliards d’euros de dépenses supplémentaires sur dix ans. Cela tend à prouver que nous ne sommes pas seuls à avoir pris la mesure des menaces.

Le RDSE, comme vous le savez, monsieur le ministre, soutient la décision du Gouvernement d’octroyer rapidement des moyens supplémentaires à la justice, à la police et à la défense, domaine qui nous intéresse directement aujourd’hui. Nous le devons à tous nos concitoyens, qui attendent des décisions concrètes. Nous le devons avant tout, bien sûr, à toutes les victimes des attentats terroristes. À ce propos, je m’associe à mon tour à l’hommage national particulièrement émouvant qui leur a été rendu ce matin aux Invalides. Je salue le dévouement de tous nos militaires, policiers et secouristes, qui sont actuellement plus que jamais sollicités.

En conséquence, nous ne pouvons que nous satisfaire des 2 300 créations de postes annoncées pour 2016, ainsi que de la stabilisation des effectifs du ministère de la défense jusqu’en 2019, qui va également dans le bon sens.

Cet effort, monsieur le ministre, s’ajoutera à celui déjà entrepris dans le cadre de l’actualisation de la loi de programmation militaire pour la période 2014-2019. Je rappellerai notamment que nous avions voté, avant l’été, la sécurisation des ressources du ministère de la défense. Il en résulte que le montant des recettes exceptionnelles est de l’ordre de 250 millions d’euros dans le projet de budget pour 2016, contre 1,9 milliard d’euros initialement prévus. Les recettes exceptionnelles se voient ainsi ramenées à moins de 0,8 % des ressources totales de la mission.

La trajectoire globale du budget est renforcée au-delà des prescriptions de la loi de programmation militaire. En effet, les crédits ont été fixés à 32 milliards d’euros ; il faut y ajouter 100 millions d’euros de crédits supplémentaires prévus par un amendement du Gouvernement que la commission des finances unanime a accueilli favorablement.

Il s’agit d’un budget responsable et je salue, monsieur le ministre, l’énergie que vous avez toujours déployée pour qu’il en soit ainsi. Il me faut aussi souligner que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat exerce une vigilance très utile. Nos collègues sont en effet souvent à l’initiative de clauses de revoyure ou de mesures de sécurisation budgétaire qui tracent la voie à suivre.

Une nouvelle fois, d’ailleurs, la commission pointe la sous-évaluation récurrente du coût des OPEX. S’y ajoutent les incertitudes liées aux modalités de financement des opérations intérieures, elles aussi insuffisamment provisionnées.

En ce qui concerne les priorités définies au sein de ce projet de budget – effort sur les programmes d’armement, renforcement de la préparation opérationnelle et hausse des moyens dédiés au renseignement et à la cyberdéfense –, sachez, monsieur le ministre, que le RDSE partage ces choix, qui sont de nature à assurer la prise en compte des nouvelles menaces, en particulier celles liées au terrorisme.

Permettez-moi de revenir, pour conclure, sur les conséquences des attentats sur le débat public. Devant la gravité des événements, l’idée d’un retour du service national obligatoire ressurgit. Pour ma part, comme vous le savez, je suis à l’initiative, avec mon groupe, de la création du service civique, que je souhaitais obligatoire. D’une façon générale, tout ce qui concourt à la cohésion nationale est évidemment positif. De fait, au-delà de la mission de défense, le service national répondait à cet objectif.

C’est donc un débat que nous pouvons avoir, même s’il faut garder à l’esprit que nous sommes confrontés à des conflits asymétriques, qui exigent avant tout qu’une armée professionnelle soit aux avant-postes. Le modèle de guerre clausewitzien est derrière nous. La nation en armes n’est par conséquent pas la solution, même si, en ces temps difficiles, nous cherchons à trouver les moyens de la puissance.

C’est pourquoi, afin de définir la meilleure formule pour un service national adapté aux enjeux contemporains, qui soit un véritable creuset des valeurs républicaines, il convient de prendre le temps de la réflexion, une fois passé celui de la légitime émotion. (M. Daniel Reiner applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Je voudrais tout d’abord, au nom de mon groupe, délivrer un satisfecit à M. le ministre et au Gouvernement.

M. Didier Guillaume. Ils le méritent !

M. Daniel Reiner. La vigilance de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat quant à l’exécution du budget est connue. Nous saluons tout particulièrement la fin de gestion de l’exercice 2015, conduite au mieux des intérêts de la défense.

Je soulignerai que la solidarité interministérielle a pleinement joué, au point que, cette année, le ministère de la défense a été moins mis à contribution – c’est une première –, eu égard aux charges qui pèsent sur lui.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. C’est vrai !

M. Daniel Reiner. Par ailleurs, tous les engagements ont été respectés, ce qui constitue évidemment une entrée en matière tout à fait satisfaisante pour le projet de budget pour 2016, qui traduit la volonté de l’exécutif de doter notre pays des moyens nécessaires pour permettre à notre défense d’assurer ses missions, et tout particulièrement, en ce moment, de lutter contre la menace du terrorisme djihadiste.

Je voudrais rappeler que, pendant toute la première partie du quinquennat, avant les drames de janvier, le Président de la République avait maintes fois exprimé la volonté de sanctuariser le budget de la défense. Il s’agissait alors, en dépit d’un contexte économique et financier très dégradé, de conserver un modèle de défense à la hauteur de nos ambitions, de poursuivre l’équipement des forces, d’alimenter – déjà – la montée en puissance des services de renseignement et de mettre en œuvre une cyberdéfense plus efficace.

Bien évidemment, les événements dramatiques du mois de janvier dernier ont conforté cette impérieuse nécessité de protéger nos concitoyens. Tel est le sens de l’opération Sentinelle, qu’il nous faut aujourd’hui pérenniser, ce qui implique de revoir le format de nos armées, essentiellement celui de l’armée de terre. C’est chose faite avec l’actualisation de la loi de programmation militaire, qui permet notamment à la force opérationnelle terrestre de passer de 66 000 à 77 000 personnels, de poursuivre l’amélioration de nos équipements, de budgétiser la quasi-totalité des crédits de la défense, en mettant ainsi un terme aux doutes et à l’inquiétude suscités par les ressources exceptionnelles, et enfin de tracer une nouvelle trajectoire financière. Il faut noter que c’est la première fois qu’une loi de programmation militaire fait l’objet d’une réévaluation en cours d’exécution.

Le drame du 13 novembre dernier impose plus encore de consolider certaines de ces tendances, notamment en matière d’effectifs. Ce format devra, dans un avenir très proche, prendre en compte la décision annoncée de geler les suppressions de postes pour les années 2017, 2018 et 2019. Nos forces armées pourront ainsi assurer l’ensemble des engagements et des opérations que nécessite la lutte contre le terrorisme.

Ce projet de budget est totalement conforme à la loi de programmation militaire et à son actualisation. La nouvelle trajectoire budgétaire accordera à la défense un surcroît de ressources de 3,8 milliards d’euros sur la période 2015-2019, ce qui permettra d’inverser la tendance baissière. La France se rapprochera ainsi de l’objectif de consacrer 2 % de son PIB à l’effort de défense, conformément à la norme fixée par l’OTAN et réaffirmée lors du sommet de Newport, en septembre 2014.

Les crédits consacrés par la France à sa défense seront donc en 2016 de 32 milliards d’euros. Nous retrouvons bien les 600 millions d’euros de crédits budgétaires supplémentaires prévus par la loi d’actualisation de la LPM, auxquels s’ajouteront les 100 millions d’euros prévus par l’amendement que vous avez déposé, monsieur le ministre.

Ces crédits supplémentaires permettront d’accompagner une remontée des effectifs de l’ordre de 2 300 personnels pour cette année. Notons que le montant des recettes exceptionnelles ne sera plus que de 250 millions d’euros en 2016.

Le budget est donc aujourd’hui plus que clairement sanctuarisé, si je puis dire. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous les présidences de MM. Carrère et Raffarin, a fortement contribué à ce qu’il en soit ainsi. Nous sommes nombreux, au sein de cet hémicycle, à avoir ardemment plaidé en ce sens ; nous ne pouvons donc que nous féliciter de cette décision.

Avec ce budget, la France continue d’exprimer une ambition stratégique à la hauteur des nouveaux défis sécuritaires qui s’imposent à nous. Nous ne pouvons l’ignorer, ces derniers sont nombreux. L’environnement stratégique très dégradé qui affecte aujourd’hui le territoire national nous impose de continuer à moderniser nos équipements et à régénérer nos potentiels.

Compte tenu de l’accroissement des engagements opérationnels qui pèsent sur nos armées ainsi que sur leur capacité à les assumer dans la durée, les crédits destinés à l’activité et à l’entraînement continuent de progresser. Les crédits alloués à l’entretien programmé des matériels augmentent ainsi de 7 % à 8 %, comme vous vous y étiez engagé, monsieur le ministre. Cette progression accompagne l’entrée en service de nouveaux systèmes d’armes : hélicoptères Tigre et NH90, avions Rafale et A400M, une frégate FREMM, lots de missiles de croisières navals et poids lourds pour les forces spéciales, indispensables aux forces projetées. Ces nouveaux équipements s’accompagnent d’une remise à niveau des infrastructures, pour un montant significatif. Au total, les crédits d’équipements passent à 17 milliards d'euros. Il faut souligner que c’est le premier budget d’investissement de l’État.

L’effort en faveur de la préparation de l’avenir est maintenu, près de 4 milliards d'euros étant alloués à la recherche et au développement, dont 710 millions d'euros destinés aux études amont.

Des choix ont donc été faits afin de relever les nouveaux défis sécuritaires, tout en maintenant un niveau d’ambition élevé sur la scène internationale. Cela doit permettre à la France d’assumer les missions fondamentales que sont, aujourd’hui plus que jamais, la protection du territoire et de la population – c’est le sens de l’opération Sentinelle et de la montée en puissance des services de renseignement – et le maintien de forces de projection qui nous permettent d’être la seule nation européenne à détenir la capacité singulière d’entrer la première sur un théâtre d’opérations dans les trois milieux – terrestre, naval et aérien – et de prévoir, planifier et conduire de tels engagements. Les opérations Chammal, Barkhane et Sangaris témoignent tous les jours non seulement du professionnalisme de nos militaires, mais aussi d’un exceptionnel niveau opérationnel.

Ce faisceau de capacités fonde notre autonomie stratégique, que le projet de budget dont nous débattons permet à la France de conserver.

Mes chers collègues, ce projet de loi de finances pour 2016 répond au mieux aux impératifs de la poursuite de la modernisation de nos armées, de leur nécessaire adaptation aux opérations que nous menons aujourd'hui et aux perspectives d’avenir – ce que le chef d’état-major appelle le « temps court » et le « temps long ». C’est pourquoi le groupe socialiste et républicain votera sans aucune réserve les crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Yvon Collin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant tout, je tiens à rendre hommage, au nom du groupe Les Républicains, au courage, au dévouement et au professionnalisme des femmes et des hommes de nos armées. Ils font la fierté de notre pays, à l’étranger, sur les théâtres d’opérations extérieurs où la France est engagée, mais également sur le sol national, où ils participent à la sécurité de nos concitoyens. Rentrant d’un séminaire consacré au terrorisme à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, je peux témoigner que tous les participants ont rendu des hommages appuyés à notre pays et à nos forces.

Concernant la mission « Défense », le projet de loi de finances pour 2016 contraste avec celui de 2015 ; nous nous en réjouissons, car le chemin fut quelque peu ardu.

C’est le premier budget résultant de l’application de la loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense, que le Sénat a améliorée et votée.

De fait, il importe de saluer la mise en œuvre de modifications que nous appelions de nos vœux : l’augmentation des crédits, la modification de leur nature, qui se traduit par la fin du recours aux recettes exceptionnelles, les REX, en tout cas pour ce qui concerne les fréquences hertziennes, l’arrêt des déflations des effectifs.

En 2016, le budget des armées s’élèvera à 31,7 milliards d'euros, soit une hausse de 1,8 %.

L’année prochaine, les ressources exceptionnelles ne dépasseront pas 250 millions d’euros : 200 millions d'euros proviendront des cessions immobilières et 50 millions d'euros de ventes de matériels militaires.

Si la très forte diminution des REX était attendue, une pierre d’achoppement demeure concernant le produit des cessions immobilières.

Nous regrettons que, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances par l’Assemblée nationale, nos collègues députés soient revenus sur le plafonnement de la décote résultant de la loi Duflot pour les immeubles de l’îlot Saint-Germain. Rappelons que cette mesure résultait d’un consensus obtenu en commission mixte paritaire, au mois de juillet dernier. En plus de constituer une mauvaise manière à notre égard, ce retour en arrière fragilise les crédits.

M. Philippe Dominati. Tout à fait !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. L’îlot Saint-Germain n’est pas un lieu banal, n’en déplaise à Mme le maire de Paris. Aussi serait-il dommageable que les armées, alors qu’elles sont soumises à de fortes pressions, pâtissent de la négation des lois économiques élémentaires.

C’est pour cette raison que notre groupe soutiendra les amendements du rapporteur spécial, Dominique de Legge, et ceux de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Je souhaiterais en outre appeler l’attention sur les crédits d’équipement, qui passeront de 16,7 milliards d'euros en 2015 à 17 milliards d'euros en 2016. Le renforcement de ces crédits est plus que nécessaire, au moment où les OPEX se multiplient et se prolongent. Au-delà de la question du financement des OPEX – parfaitement posée, et depuis longtemps, par le rapporteur spécial –, c’est du maintien en condition opérationnelle dont il s’agit.

Les opérations menées dans la bande sahélo-saharienne constituent un bon exemple à cet égard. Les conditions sont particulièrement éprouvantes pour les matériels, dont le vieillissement et l’usure sont fortement accélérés par une faible disponibilité aggravée par la multiplication des théâtres d’engagement, les conditions climatiques extrêmes, enfin par un état d’usage avancé qui réduit leur marge de régénération et augmente à terme les coûts. Cette surmobilisation des matériels altère nos capacités opérationnelles et a une incidence importante sur les conditions d’entraînement.

N’oublions pas que, après la deuxième intervention en Irak et celle en Afghanistan, la défense britannique avait épuisé ses potentiels de régénération, au point que le Royaume-Uni avait cessé ses participations militaires, en vertu du concept du « at home ».

Dès lors, on ne peut qu’encourager les mesures participant à la régénération et au renouvellement des équipements. Nos trois rapporteurs pour avis du programme 146 nous ayant brillamment présenté les futures acquisitions, j’en viens à un autre sujet, tout aussi important : les ressources humaines.

La révision de la loi de programmation militaire a freiné la déflation des effectifs. Le Président de la République a annoncé qu’elle serait définitivement stoppée en raison du tragique contexte et de nos besoins, tant en OPEX qu’en opérations intérieures. C’est une initiative que nous approuvons. Lors de la révision de la loi de programmation militaire, le relèvement d’effectifs devait profiter à la force opérationnelle terrestre et aux effectifs de la mission de renseignement et de la cyberdéfense. Monsieur le ministre, nous savions que la suppression des effectifs annoncée en 2013 n’était pas soutenable, mais nous aimerions que vous nous éclairiez sur les redéploiements à venir.

Mes chers collègues, cette préservation des effectifs représente un coût, qu’il faudra assumer. Ce sera autant de personnels à entraîner, à équiper et à projeter.

Les rapports de MM. del Picchia et Roger, tant sur la révision de la loi de programmation militaire que sur le projet de loi de finances pour 2016, sont clairs : la manœuvre « RH » doit se poursuivre en dépit du maintien des effectifs. C’est tout le chapitre III de la nouvelle loi de programmation militaire qui est remis en question du fait des impératifs sécuritaires.

Avant de conclure, j’aborderai un sujet qui m’est cher depuis longtemps, celui des réserves opérationnelles et citoyennes. Elles sont un moyen de renforcer notre résilience, en France comme à l’étranger, ainsi que je l’ai souligné dans un rapport d’information, en 2010, et à l’occasion d’une question d’actualité au Gouvernement après les attentats du mois de janvier dernier.

La sécurité nationale doit être l’affaire de chacun. Associer la société civile à cet effort est indispensable. J’ai vivement regretté la parution plus que tardive – quatre ans après son adoption – des décrets d’application de la loi du 28 juillet 2011, qui tend à faciliter l’utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure. Quel bilan pouvons-nous faire ?

Par ailleurs, lors de l’examen du projet de loi d’actualisation de la loi de programmation militaire, j’ai présenté des amendements visant à favoriser le déploiement des réserves parmi nos communautés à l’étranger. Le dernier avait pour objet la mise à disposition de compétences spécifiques des expatriés, au service des besoins de notre défense nationale. Avons-nous un peu avancé sur ce sujet ? S’il est encore trop tôt pour une mise en œuvre effective, monsieur le ministre, sachons user des outils que nous avons créés et inscrits dans la loi.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, les tragiques événements survenus en France, l’extrême instabilité géopolitique et les besoins de la lutte contre le terrorisme exigent que nous votions des moyens qui soient à la hauteur des enjeux et des combats que nous souhaitons mener.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, à la lumière des efforts accomplis, sans pour autant oublier ceux qui restent à faire, le groupe Les Républicains votera les crédits de la mission « Défense » pour 2016. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC, du RDSE et du groupe socialiste et républicain.)